L'Amour sentinelle ou Le Cadenas forcé.
Comédie

Par le Sieur D. C.deNanteuil.
Comedien de la Reyne.

A LA HAYE.
M. DC LXIX.

Édition critique établie par Svitlana Ovdiienko dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier (2012-2013)

Introduction §

Depuis le XVIe siècle les troupes théâtrales ambulantes se rendent à l’étranger. Elles y passent de quelques jours à plusieurs mois, mais il est rare qu’elles restent plus d’un an. Ces troupes sont très instables. Parmi les troupes nomades on distingue les troupes libres et les troupes protégées1. Le destin des dernières est plus assuré : elles ont des protecteurs comme le prince d’Orange, le prince du Parme, le duc d’Hanovre, et d’autres. Ces troupes protégées portent le nom de leur protecteur et peuvent toucher une pension.

Les troupes françaises jouent souvent en Hollande, en Allemagne et en Belgique au XVIIe siècle. Les « comédiens de campagne » y ont un grand succès : « […] ils séjournent même régulièrement, reviennent chaque année et, à un public qui leur est fidèle, apportent les nouveautés qui sont jouées à l’Hôtel de Bourgogne et au Théâtre du Marais. Désormais ils n’ont plus de concurrents capables de leur ravir ce public […] »2. Denis Clerselier de Nanteuil est un des représentants de ces « comédiens de campagne ». Sur son exemple nous voyons le destin des comédiens-auteurs contemporains de Molière.

Vie de Denis Clerselier de Nanteuil §

Denis Clerselier de Nanteuil est un acteur-auteur qui vivait dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Il est peu étudié. Durant les trois derniers siècles on ne trouve qu’une dizaine de chercheurs qui se sont intéressés à son œuvre, parmi lesquels Henry Carrington Lancaster, J. Fransen, Henri Liebrecht, Georges Mongrédien, Georges Monval. Le fait que Nanteuil soit resté presque inconnu en France s’explique par une seule raison : il a passé la plus grande partie de sa vie en Hollande.

Les spécialistes des XVIIIe-XXe siècles ont confondu Denis Clerselier de Nanteuil avec d’autres personnes :

  • – avec le comédien Chasteauneuf, ce qui peut être expliqué par le fait que Chasteauneuf et Denis Clerselier, dit de Nanteuil, étaient dans la même troupe du Duc d’Hanovre.
  • – avec Chevalier3 – par la mauvaise lecture du nom « Clerselier ».

Certains lui ont attribué un autre prénom :

NANTEUIL (Pierre), né dans la Brie, comédien de la reine en 1664, donna au théâtre plusieurs pièces qui obtinrent alors des aplodissemens : son jeu était à la fois noble et imposant; il débitait avec feu, mais son organe était rauque. ... Pierre Nanteuil est mort en 1681, dans un âge assez avancé4.

D’autres, comme James F. Gaines, se sont trompés sur sa date de naissance et de mort : « Nanteuil (stage name of Denis Clerselier fl. 1660-1675). »5

Tout cela a créé beaucoup d’ambiguïtés et d’incertitudes pour les chercheurs d’aujourd’hui.

À la fin du XIXe siècle, Georges Monval, spécialiste du théâtre du XVIIe siècle et notamment de Molière, fondateur en 1879 de la revue Le Moliériste, dans un de ses articles parle de Denis Clerselier de Nanteuil et donne naissance à la vive discussion qui se déroulera autour de la vie de Nanteuil.

En mai 1888 G. Monval publie dans le numéro CX du Moliériste ses études et un acte du notaire concernant la troupe de Nanteuil pour montrer un exemple  « des us et coutumes des troupes de campagne » qui pourraient ressembler à la troupe de Molière. Il s’agit d’un contrat du 3 février 1685, qui prouve qu’en 1685 Nanteuil était à Angoulême. À ce moment-là Nanteuil était le chef de cette troupe, dont les acteurs se nommaient « comédiens du Roy ». Une semaine plus tard Auguste Baluffe, auteur de Molière inconnu, sa vie, publie dans Le National « du lundi 7 mai, c’est-à-dire une semaine après Le Moliériste, les actes de notaires, conservés aux archives de la Charente, relatifs à une troupe de « comédiens du roy » dirigée par Nanteuil »6.

Dans son article Baluffe s’appuie sur l’analyse de M. de Fleury publié en 1882 dans le Bulletin de la Société archéologique de la Charente7. M. Baluffe répète l’orthographe du nom de Nanteuil écrite par M. de Fleury : « Denis Chevalier, sieur de Nanteuil »8. Baluffe parle de l’organisation du théâtre, du répertoire de la troupe et des relations des comédiens entre eux, et de leurs origines. Il trouve même des liens de parenté entre Nanteuil et Molière, mais cela paraît invraisemblable car en parlant de Nanteuil il parle de « Chevalier ». Il écrit : « Il était venu au monde dans le cercle des amis intimes de la famille de Molière. Le père de Denis Chevalier, Jean Chevalier, était cousin germain de Marie Maillard, belle-sœur de Molière et nièce du parrain de petit Beauchastens. Jean Chevalier était marchand comme Jean Poquelin 9 ».

En juin 1888 Monval répond à cette publication par une forte critique : « M. Baluffe, dont la persévérante activité mériterait vraiment de plus sérieux résultats, estime que ‘‘ des documents de cette nature restent lettre morte si on ne les explique pas ˮ, – et il les explique … en les obscurcissant d’erreurs, de confusions et d’inexactitudes », « il nous retarde, au lieu de nous aider »10.

Monval souligne la mauvaise lecture du nom de Nanteuil, « Chevalier » au lieu de « Clerselier », une erreur de Baluffe qui appelle la sœur de Denis Clerselier, Madeleine Clerselier, sa fille. À son tour Monval montre un autre lien de parenté possible entre Nanteuil et Molière : « [...] la mère de l’avocat-philosophe [Claude Clerselier, que Monval considère comme parent de Denis Clerselier, dit Nanteuil] s’appelait Marguerite Lempereur, un Sébastien Lempereur assistait à son mariage en 1630, et l’on sait qu’une Marie Lempereur avait épousé Louys Poquelin, l’un des oncles de Molière11 ».

Nous suggérons que pour les historiens de la littérature des XVIIIe-XIXe siècles il était devenu à la mode d’essayer de trouver des liens parentaux entre le grand Molière, qui brillait à cette époque dans le théâtre et les autres comédiens et auteurs du XVIIe siècle. C’était aussi le cas de Nanteuil.

Dans le numéro suivant (CXII, juillet 1888) on trouve l’article de Th. Lhuillier qui date du 5 juin 1888. Cette rapidité de l’apparition de ces articles prouve un fort intérêt à ce sujet. Il éclaire les origines de la famille des Clerselier. Selon Th. Lhuillier l’orthographe de ce nom varie : « Clarcellier ou Clarcelier, Clerselier et Clercellier, par ceux mêmes qui le portent, et ont une origine commune ».12 Pourtant Lhuillier ne donne aucune information précise sur la naissance et la vie de Denis Clerselier à cause du manque de preuves matérielles. Il suppose que Denis Clerselier « serait né vers 1630 ou 1632, ce qui lui donnerait 68 ou 66 ans en 1698, quand vous le trouvez à Tours, marié en deuxième noces à Marie Baroy13 ».

Georges Monval croit que Denis Clerselier de Nanteuil peut être parent ou même un des enfants de Claude Clerselier : « Denis Clerselier de Nanteuil, le comédien-poète que M. Paul Lacroix a toujours confondu avec A.-P. P. de Châteauneuf, et qui pourrait être l’un des quatorze enfants du philosophe Claude Clerselier (1614-1684) éditeur et ami de Descartes »14.

Grâce au registre des archives municipales de Marseille nous voyons que Monval et Lhuillier se sont trompés dans leurs hypothèses. Nous apprenons les noms des parents de Nanteuil et son âge en 1695, quand il épouse Marie Baroy : « Denis Clerselier de Nanteuil, 45 ans, fils de feu Denis Clerselier et de feue Jeanne Panpilat, épouse Marie Baroy, 32 ans, fille de François Baroy et de feue Jeanne Videquoc, à Marseille le 29 août 1695. Les témoins signent Legrand, Poisson, Amourdedieu, de Villedieu, Chalons, Hus, Roland, Le Blanc (Marseille, Archives municipales, registre GG 306)15 ».

Acteur, auteur et directeur de troupes de théâtre, Denis Clerselier de Nanteuil est né en 1650 et il est mort au début du XVIIIe siècle, après 1702, c’est la dernière date, quand on trouve les traces de Nanteuil. Sa carrière a duré 35 ans et au long de ces années il a été dans 18 troupes de théâtre, dans une partie desquelles il était directeur. Denis Clerselier de Nanteuil est fils de Denis Clerselier et de Jeanne Panpilat. Il vient de la région de Meaux, il est même possible qu’il vienne du village de Nanteuil d’où il a pris son nom : Denis Clerselier, sieur de Nanteuil.

Il a vécu en Provinces-Unies, en Belgique, en Allemagne et en province française. Il a été marié deux fois. Sa première épouse était Marthe (ou Martine) Lhomme, actrice, qui jouait avec Nanteuil de 1677 jusqu’à 1685 à Angoulême16. Sa deuxième épouse est l’actrice Marie Barois, ils se sont mariés en 1695. Elle joue dans la troupe de Nanteuil en 1697 à Angoulême17.

Parcours de Nanteuil en Hollande, en Belgique et en Allemagne §

Pour la première fois nous trouvons Denis Clerselier de Nanteuil en 1667, à l’âge de 17 ans, dans la troupe de Charles, dit l’Espérance, ancien comédien de la troupe du Prince d’Orange. Ils jouent à Lyon et à Marseille18. Le 9 août 1668 Denis Clerselier est à Bruxelles dans la troupe d’Abraham Mitallat, Sieur de la Source, (originaire de Metz, comédien de la troupe des « Comédiens de Mlle d’Orléans »). À Bruxelles ils ont signé un contrat « avec Martin Van den Nesse, maître brasseur, pour louer la salle de la Montagne Sainte-Elisabeth, bail valable de la date de passation à la Pentecôte de l’année 1669. »19 Le loyer pour cette salle était « 250 patacons »20.

La troupe passe l’été à Lille et le 15 juin 1669 ils ont renouvelé ce bail pour un an de plus. Dans cette troupe Nanteuil fait les annonces et partage « avec le premier acteur tous les premiers et seconds rôles d’amoureux »21.

Ils ont dû résilier ce contrat valable jusqu’à la Pentecôte 1670, car le 10 novembre de la même année on le retrouve déjà à la Haye avec Abraham Mitallat, où ils engagent un marchand de bois pour construire le théâtre :

[…] par contrat le Sieur Ary Rotteveel, marchand de bois, à faire un théâtre dans la Piquerie. La longueur en devait être de 37 à 38 pieds. Rotteveel aurait à construire deux bancs de chaque côté et des pièces commodes derrière la scène pour les acteurs, dans la salle 18 bancs avec une barrière derrière ; 9 loges avec leurs galeries et leurs escaliers et deux bancs dans chaque loge.22

En 1670 il joue dans la troupe de Rosidor à Copenhague. Après avoir quitté la troupe de Rosidor, il ne rentre pas en France, il joue dans les troupes du duc d’Hanovre, du duc de Celle et dès 1673 on le trouve chez les ducs de Brunswick et Lunebourg.

En 1672-1676 les troupes françaises ne passent presque pas en Hollande à cause de la guerre entre les deux pays qui a duré de 1672 jusqu’à 1678. Pendant la guerre Nanteuil publie ses pièces, qu’il a dû jouer avant dans les troupes dans lesquelles il était. En tout il a écrit sept pièces : L'Amour sentinelle ou le cadenas forcé (La Haye, 1669, deuxième édition en 1672), Le Comte de Rocquefœuilles ou le Docteur extravagant (La Haye, 1669), Les Brouilleries nocturnes (Bruxelles, 1669), Le Campagnard dupé (Hanovre, 1671), La Fille vice-roy (Hanovre, 1672), L'Amante invisible (Hanovre, 1673), L'Héritier imaginaire (Hanovre, 1674). Nanteuil a donc cessé d’écrire tôt, à l’âge de 24 ans.

Grâce aux livres édités, nous savons qu’à partir de 1671 et jusqu’en 1674, il est à Hanovre. Après ces 3 ans la troupe du duc d’Hanovre se reconstitue sous la direction du comédien Clavel, qui la conduit en Hollande et en Allemagne. En 1677 Nanteuil est à Paris où il entre dans la troupe du duc d’Enghien, dirigé par Richemont. Il y reste un an23.

En 1675-1678 on trouve Nanteuil à la tête de la troupe des « Comédiens de la Reine de France ». En 1675 les comédiens de la Reine donnent des représentations au Jeu de Paume du Gracht. En même temps la troupe de S. A. Monseigneur le Duc d’Hanovre, dirigée par Scipion Clavel séjourne à Bruxelles. En 1678 pendant le séjour de ces deux troupes théâtrales à Bruxelles, Nanteuil signe le contrat pour la construction du Jeu de Paume à Bruxelles : « le 24 novembre, reparaissaient les « Comédiens de la Reine de France » dirigés par Denys de Nanteuil : ils font ériger par Henderich Van den Rym, « charpentier de son stil », la scène habituelle au jeu de paume »24.

Les membres des deux troupes passent de l’une à l’autre, et nous supposons que c’est le moment où Denis Clerselier de Nanteuil passe dans la troupe du Duc d’Hanovre. En 1681 nous le voyons déjà dans la troupe de S. A. le Prince de Parme, ancienne troupe du duc d’Hanovre.

Le 25 janvier 1681 la troupe du Prince de Parme quitte Bruxelles. Denis Nanteuil passe « le contrat avec Joseph Mathieu, « maitre charton », pour le transport de la troupe vers Ath et au-delà, jusqu’à Lille ou Valenciennes […] »25. En mars 1681 Nanteuil revient à Paris dans la troupe du duc d’Enghien, toujours dirigée par Richemont26.

Lancaster nous apprend qu’en 1682 Nanteuil joue dans la Troupe Royale à Dijon27. Il y joue sous la protection du prince de Condé. En 1684 il revient de nouveau à Dijon. En 1685 il est à Angoulême.

Nanteuil dans les provinces françaises §

Les trois actes notariés faits à Angoulême d’un côté sont la preuve de la présence de la troupe de Nanteuil en province française en 1685, et de l’autre côté, ils nous montrent le répertoire de cette troupe et les détails techniques de la construction du théâtre qui sont déterminés par les pièces que joue la troupe.

[…] feront aussy un petit théâtre en hault, - fourniraont de bonnes traverses et planches pour travailler aux machines et pour eschafauder, afin que les ouvriers machinistes puissent travailler en toute sûreté, poser les tours pour les machines et pour y atacher les cables audit théâtre, une trape pour le Festin de Pierre, bien feront clouer et conditionner ledit théastre et feront le plas fonds de la haulteur nécessaire, ce qui lui sera désigné par ledit sr de Nanteuil ; seront les dits entrepreneurs obligés de fournir les chassis des portes, la barrière du portier comme elle sera marquée, la loge pour les violons, les planches nécessaires pour les machines, un petit degré monter sur le theastre et faire les plans pour habiller les comédiens ; 28

Dans cet acte tous les détails sont prévus pour jouer les pièces à machine et les comédies-ballets. Mais en même temps elles prévoient la sécurité et la commodité des comédiens. Dans un acte qui suit, on trouve la répartition des rôles parmi les membres de la troupe (voir dans l’annexe III) et les pièces, qu’ils jouent : « d’Adonis, du Bourgeois Gentilhomme, d’Andromède et le Festin de Pierre29 ».

Le 15 mars 1686 Nanteuil entre dans la troupe du Dauphin. Dès le début de 1688 Denis Clerselier et Dominique Pitel louent un théâtre à Bordeaux jusqu’à 1693. En 1693-1694 Nanteuil est à Metz et à Strasbourg. En février 1696 Nanteuil est à nouveau à Angoulême, où il signe le contrat de l’association de comédiens pour la durée d’un an30. En 1698 il est à Tours. En 1699 il rejoint les comédiens de la troupe du duc d’Hanovre, avec qui il entreprend un grand voyage à Varsovie31.

Pour la dernière fois nous le trouvons à Grenoble en 1702 : « il est un des comédiens du roi à Grenoble; il y fait construire au début de 1702 un théâtre pour y jouer pendant la saison d’hiver »32. Ce sont les dernières informations qu’on a sur Nanteuil.

Analyse de la pièce L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé §

L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé est la première pièce écrite par Denis Clerselier de Nanteuil. Il existe deux éditions de cette pièce : en 1669 et en 1672 à La Haye. Nous n’avons trouvé aucune information sur la représentation de L’Amour sentinelle au XVIIe siècle, pourtant nous supposons que cette pièce a eu du succès, puisqu’elle a été éditée une deuxième fois en 1672.

Plusieurs historiens de la littérature française n’ont daté cette pièce que de 1672 et citent comme la première œuvre de Nanteuil la comédie Le Comte de Rocquefœuilles ou le Docteur extravagant qui a été écrite aussi en 1669. De plus en travaillant seulement sur l’édition de 1672 de L’Amour sentinelle, ils ont commis quelques fautes dans l’interprétation du texte33. Pourtant l’auteur lui-même confirme dans la dédicace de la pièce adressée au Prince d’Orange que c’est son premier ouvrage :

La gloire sera grande pour moy, sans doute, si la premiere piece de theatre que j’ay mis en jour, peut plaire à un des plus illustres Princes de la terre, et si luy ayant consacré mon premier ouvrage je puis l’asseurer, que je suis avec un profond respect.

Sources de l’œuvre §

Dans toutes les pièces de Nanteuil Lancaster voit l’influence des écrivains célèbres de cette époque : « Plays seem to have been influenced either in plot or in certain details, by Scarron, Moliere, Racine, Chevalier, Boucher, La Forge, Quinault, and other dramatists. »34 Selon lui, la source principale de la pièce L’Amour sentinelle, ou le cadenas forcé est la comédie Champagne le Coiffeur de Boucher: « The principal source is probably Boucher’s Champagne le Coiffeur, for in each case the girl’s father or guardian hires her lover and his valet to protect her and is advised by a neighbor, an elopement follows, the older man consents to the marriage, and the valet weds Lisette, the heroine’s attendant. »35

Champagne le Coiffeur36 est une comédie en un acte, publié en 1663 par Boucher. Boucher est un écrivain peu connu, à qui on attribue la pièce La Pompe funèbre de Scarron, publiée en 1660. Pour les spécialistes Champagne le Coiffeur présente un intérêt particulier grâce à ses détails sur la toilette des femmes au XVIIe siècle et surtout sur la coiffure. Dans cette pièce le héros principal se déguise en M. Champagne ( ? – 2 novembre 1658) qui était un grand coiffeur du XVIIe siècle, « le véritable créateur de la profession », « le coiffeur de toutes les grandes dames de la cour, particulièrement de la princesse Marie de Gonzague »37.

Fournel souligne que la versification de la pièce de Boucher est « aisée et parfois assez bonne », pourtant il dit aussi que « l’intrigue […] se développe avec une lenteur extrême »38. Nanteuil emprunte à cette pièce la structure générale, mais, en gardant la partie du déguisement, il la simplifie et il supprime le travestissement en Turc et toute l’histoire de M. Champagne. Il choisit une seule voie pour introduire Clidamant et Croctin dans la maison de Florant au lieu de deux voies différentes, qu’on voit dans l’œuvre de Boucher. Tout cela permet à Nanteuil de rendre l’action de sa pièce plus dynamique que celle de Boucher.

À la base du système des personnages de L’Amour sentinelle de Nanteuil sont les personnages de Champagne le Coiffeur de Boucher. Il garde le même prénom pour la servante que dans la pièce de Boucher : « Lisette ».


PERSONNAGES. ACTEURS.
Boniface.
Elise, fille de Boniface.
Lisette, servante d’Elise.
M. Thomas,voisin et ami de Boniface.
Cléandre,Champagne, amant d’Elise.
Guillot, valet de Champagne.
Clidamant, Amoureux d’Isabelle.
Isabelle, Maistresse de Clidamant.
Florant, Tuteur d’Isabelle.
Fabrice, Marquis ridicule.
Fernant, Voisin de Florant.
Croctin, Vallet de Clidamant.
Lisette, Suivante d’Isabelle.
Roguepine, Vallet de Fabrice.
Carlos, Page de Clidamant.
Troupes de Crocheteurs,d’Harlequins et de Danseurs.

À partir de cette structure, Nanteuil ajoute des personnages secondaires : un marquis ridicule et son valet, un page du jeune homme amoureux, des crocheteurs, des arlequins et des danseurs. Les scènes avec le marquis ridicule et son valet, rompent l’unité du sujet de l’œuvre et apportent plus d’action dans la pièce.

Ci-dessous nous présentons un tableau comparatif de deux pièces.


Champagne le Coiffeur de Boucher L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé de Nanteuil
Scène et acte Contenu des pièces Scène et acte
La scène est à Paris
I sc. La pièce commence par la scène où Cléandre/Clidamant parle à son valet Guillot/Croctin de son amoureuse Elise/Isabelle. I ac. I sc.
Chez Nanteuil cette scène est plus développée : Clidamant essaye de persuader Croctin de l’aider à libérer Isabelle.
II sc. Cléandre/Clidamant, Guillot/Croctin sont amoureux réciproquement d’Elise/Isabelle et sa servante/suivante Lisette. Ils parlent de leurs sentiments. II sc.
III sc. Cléandre, Guillot, Elise et Lisette, cachés écoutent les cris de Boniface, qui est entré par le jardin et cherche sa fille Elise et appelle au secours.
IV sc. Boniface/Florant se plaint à son voisin M. Thomas/Fernant d’un jeune homme qui vient souvent voir Elise/Isabelle. M. Thomas/Fernant essaye de le raisonner et de le consoler. III sc.
V sc. Elise et Lisette apparaissent aux yeux de Boniface et de M. Thomas.
Florant et Fernant, cachés, observent le marquis ridicule Fabrice et son valet Roguepine, qui parlent d’Isabelle. Ces deux derniers s’approchent vers la maison de Florant et essayent d’y entrer pour voir Isabelle, mais ils sont repoussés et battus par les crocheteurs. IV sc.
Fabrice et Roguepine battus se retirent de la maison de Florant. II ac. I sc.
Ayant bien mangé, Clidamant et Croctin discutent la future affaire de libération d’Isabelle. II sc.
Lisette vient vers eux et raconte que Fabrice et Roguepine ont essayé de voir Isabelle et ils ont été battus par les crocheteurs de Florant. Florant s’approche d’eux. III sc.
VI sc. Guillot/Croctin vient parler à M. Thomas et Boniface/Florant de son destin malheureux. Boniface/Florant lui propose de devenir gardien d’Elise/Isabelle. IV sc.
Croctin propose à Florant son camarade pour aider à garder Isabelle.
Florant très content va chez son voisin. V sc.
Florant raconte à Fernant son affaire avec Croctin. VI sc.
Croctin et Clidamant attendent l’arrivée de Lisette. VII sc.
Lisette leur apporte les vêtements pour se déguiser. VIII sc.
Le déguisement
VII sc. Cléandre déguisé en Turc apparaît devant M. Thomas et commence à lui raconter son histoire.
VIII sc. Boniface les rejoint et écoute l’histoire de Cléandre déguisé en coiffeur très connu M. Champagne. Boniface lui propose l’emploi chez lui.
IX sc. Boniface présente Cléandre déguisé à Elise et les laisse pour que Cléandre la coiffe.
Clidamant et Croctin déguisés vont chez Florant. Croctin parle à son maître de ses sentiments pour Lisette. III ac. I sc.
Croctin présente à Florant Clidamant déguisé comme son compagnon pour la garde d’Isabelle. II sc.
Florant et Fernant décident de vérifier la fidélité des gardiens. Clidamant et Croctin les écoutent à la porte. III sc.
X sc. Cléandre/Clidamant, Guillot/Croctin et leurs amoureuses Elise/Isabelle et Lisette restent seuls dans la maison. Ils parlent de leurs sentiments. IV sc.
Guillot et Lisette rangent les affaires et puis tous les quatre sortent de la maison. Clidamant et Croctin se préparent pour « accueillir » Florant et Fernant.
XI sc. À la sortie ils rencontrent M. Thomas qui alerte et essaye d’appeler Boniface. Cléandre et Guillot le menacent avec un poignard et il les laisse partir. Clidamant et Croctin font sortir à coups de bâton Florant et Fernant, qui sont venus déguisés faisant semblant de vouloir voir Isabelle. V sc.
Clidamant et Croctin très heureux d’avoir battu Florant et Fernant, décident de se retirer le plus vite possible de cette maison. VI sc.
Florant et Fernant battus, mais très contents de leurs portiers se changent et rentrent chez Florant. VII sc.
Croctin et Lisette se précipitent pour partir avec leurs maîtres. VIII sc.
Clidamant et Isabelle, Croctin et Lisette s’échangent des mots d’amour pour faire preuve de leurs sentiments. IX sc.
XII sc. M. Thomas/Fernant et Boniface/Florant entrent dans la maison vide. X sc.
Cléandre et Guillot viennent parler à Boniface, parce qu’ils veulent se marier avec Elise et Lisette. Carlos, page de Clidamant, apporte la lettre à Florant, dans laquelle Clidamant lui explique que ce sont lui et son valet Croctin qui ont enlevé Isabelle ; il lui demande son accord pour son mariage avec Isabelle. Florant les appelle pour s’entretenir avec eux. Clidamant, Isabelle, Croctin et Lisette viennent chez Florant. XI sc.
Boniface/Florant donne son accord pour le mariage de Cléandre/Clidamant et Elise/Isabelle.
Les deux pièces se terminent par le double mariage des maîtres et leurs domestiques et par la réplique de Guillot/Croctin où il parle de ses futurs enfants. 39
Guillot.
Tu te feras tenir à quatre,
Quand viendront ces petits marmots.
Que nous en aurons de Guillots !
La race de la Guillotière
Sera comme une pépinière.
Croctin.
Allons nous marier
Et ne songeons apres qu’à bien multiplier.

Influence de Molière §

Nous observons l’influence du théâtre italien sur Nanteuil à travers les œuvres de Molière : il montre un intérêt constant pour les formes spectaculaires du théâtre, les lazzis, les danses, les ballets. Cet effort d’unir la chorégraphie à la comédie date de la même époque que la tentative de Molière. Pourceaugnac (1669) est de la même année que L’Amour sentinelle40. Sa première pièce rappelle par quelques épisodes L’Ecole des Femmes : un tuteur de sa pupille met à l’épreuve la fidélité de ses gardiens. […] Une dispute parallèle entre maître et valets évoque Le Dépit amoureux ; mais le thème est constant au théâtre italien41.

Dans la pièce de Nanteuil, on trouve une forte influence de Molière, surtout de ses comédies-ballets. Dans L’Amour sentinelle les deux premiers actes se terminent par une danse :

Acte I – « Les crocheteurs ayant mis dehors le Marquis se retirent, hors un, qui danse une entrée pour finir l’acte. »

Acte II – « Clidamant et Croctin se retirent, et l’Arlequin finit l’acte en dansant. »

La pièce se termine par un ballet qui est dansé vers la fin du troisième acte. Ce ballet est fait en l’honneur du mariage : « Pendant que les danseurs venus en habit de Balet, dansent, Florant dit à Clidamant pour empescher qu’il ne parle à Isabelle devant luy. » Après le ballet suivent quelques répliques qui referment la comédie par le mariage des domestiques Croctin et Lisette.

Dans le texte de la pièce, on trouve une quasi citation d’une des œuvres de Molière et une allusion à une autre pièce de Molière.

« On doit craindre un revers de satyre » (v. 136) est une quasi citation de la réplique de Chrisalde dans L’École des femmes  (1662) : « Car enfin il faut craindre un revers de Satyre »42.

L’allusion à la pièce de Molière Le Mariage forcé (1664) se trouve dans la scène III du premier acte, où au début Fernant, voisin de Florant, essaye de le raisonner :

Fernant.
Quand on aime pourtant l’on n’agit pas de mesme,
On ne maltraitte pas l’object de son amour, (v. 92-93)
Fernant.
Isabelle pourroit tres justement se plaindre,
Si vous en agissiez de cette façon lá. (v. 108-109)

Mais à la fin de la même scène, il le soutien dans ses idées de mariage avec Isabelle et il conseille d’agir le plus vite possible.

Fernant.
Qui moy ? je vous conseille
De faire sans tarder ce que vous dites là,
C’est là le seul moyen. (v. 164-166)

Ces répliques nous renvoient à la première scène du premier acte de la pièce Le Mariage forcé : au début Géronimo, ami de Sganarelle, lui conseille de ne pas se marier : « Je ne vous conseille point de songer au mariage », mais à la fin de cette scène il a changé d’avis : « je vous conseille de vous marier le plus vite que vous pourrez 43 ».

Résumé de la comédie acte par acte §

ACTE I. §

Au début de la pièce, on voit Clidamant, amoureux d’Isabelle, avec son valet Croctin. Ils inventent des moyens pour libérer Isabelle de son tuteur Florant, qui la garde enfermée dans sa maison. Ils décident que Croctin pénétrera dans cette maison, car Florant ne l’a jamais vue. Ils vont parler à Isabelle et sa suivante Lisette, amoureuse de Croctin, pour les prévenir de leurs projets. Isabelle promet que si Croctin réussit à la libérer, elle lui donnera Lisette. Ils se retirent parce qu’ils entendent quelqu’un s’approcher. C’est Florant qui se plaint à son voisin Fernant que certain jeune homme qu’il ne connaît pas, vient souvent voir Isabelle. Florant aime Isabelle et ces visites le mettent dans une colère extrême, et à cause de sa jalousie il la bat vingt fois par jour. Il veut apprendre qui est ce jeune homme pour mettre fin à leurs relations. Fernant essaye de le raisonner en disant que rien ne pourra les empêcher de s’aimer, et surtout si on aime quelqu’un on ne le maltraite pas comme le fait Florant. Mais tout de même Florant veut mettre des obstacles sur le chemin de ces amoureux, alors Fernant lui propose son aide. Florant décide de mettre chez lui des crocheteurs qui attraperont ce visiteur. Fernant et Florant se cachent dans la maison de Florant.

Sur la scène apparaît Fabrice, marquis ridicule, avec son valet, Roguepine. Fabrice est aussi amoureux d’Isabelle, il décrit toutes les qualités de son amoureuse et il veut la montrer à son valet pour prouver ses paroles. Ils essayent d’entrer dans la maison de Florant, mais les crocheteurs les ont mis dehors. Un des crocheteurs reste sur la scène pour finir le premier acte par la danse.

ACTE II. §

Fabrice et Roguepine, battus par les crocheteurs et rejetés dans la rue, sont en colère, ils discutent les moyens de se venger. Mais Roguepine a peur d’être battu encore une fois et il propose de se retirer de cette maison, qui ne leur procure rien de bien, car ce soir Florant doit épouser Isabelle. Après avoir mangé et bu, Clidamant et Croctin parlent des détails de leur projet. Lisette les rejoint et dit que sa Maîtresse est désespérée de devoir épouser Florant au lieu de Clidamant. Lisette raconte ce qui s’est passé avec le marquis Fabrice, battu par les crocheteurs de Florant. Tous les trois se cachent, car ils voient Florant s’approcher. Florant en réfléchissant à voix haute dit qu’il lui faudrait trouver quelqu’un qui gardera Isabelle. Ayant entendu cela Croctin apparaît et lui propose ses services. Florant explique qu’il faut garder une fille et ne pas permettre à Fabrice d’aller la voir. Croctin, content qu’il ne s’agisse pas de son maître, propose son camarade (Clidamant) pour l’aider à la garder et il demande à Lisette d’aller chercher des habits pour lui et Clidamant. Florant, heureux d’avoir trouvé ce brave garçon, va chez Fernant et lui raconte qu’il a trouvé deux garçons courageux pour garder Isabelle. Lisette apporte les habits pour qu’ils se déguisent.

ACTE III §

Clidamant et Croctin déguisés vont chez Florant, et en route Croctin raconte à quel point il aime Lisette et qu’il participe à ce stratagème à cause d’elle. En arrivant chez Florant, Clidamant se présente comme Candasmes et dit qu’il garderait bien cette fille. Croctin à son tour promet de surveiller la porte pour que personne n’entre dans la maison. Florant les y laisse, et avec Fernant, ils décident de se déguiser pour vérifier si ces garçons gardent bien Isabelle. Croctin, ayant entendu à la porte leur conversation, raconte tout à Clidamant, Isabelle et Lisette. Croctin reste près de la porte pour rencontrer Florant et Fernant déguisés, qui se présentent comme les amis d’Isabelle. Croctin et Clidamant les font sortir avec des coups de bâton. Florant et Fernant battus, mais très contents que Croctin garde bien Isabelle, rentrent chez Fernant pour prendre leurs vêtements. Clidamant et Croctin avec leurs amoureuses se retirent vite de la maison de Florant. Clidamant et Isabelle, Croctin et Lisette parlent de leurs sentiments et se promettent l’un à l’autre, et, pour marquer son amour, Isabelle donne le bracelet de ses cheveux à Clidamant. En même temps, Florant et Fernant reviennent chez Florant et n’y trouvent personne. Tout en colère Florant pense que c’est le Marquis Ridicule qui l’a enlevée. Fernant essaie de le consoler.

Cependant Carlos, page de Clidamant, apporte à Florant la lettre annonçant que c’est Clidamant qui gardait Isabelle et c’est lui qui l’a enlevée, et qu’il demande à Florant d’accepter leur alliance. D’abord Florant en furie dit qu’il veut les voir, mais après le départ de Carlos, il se calme et dit que son amour s’est passé. En arrivant Isabelle et Clidamant se jettent aux pieds de Florant pour qu’il leur permette de se marier. Il accepte leur mariage, mais tout de même pendant le ballet il parle à Clidamant pour l’empêcher de parler avec Isabelle devant lui. Après le ballet, tout le monde se retire. Lisette retient Croctin pour lui rappeler sa promesse de l’épouser et tous les deux partent pour se marier.

Structure de la pièce §

La pièce L’Amour sentinelle se compose de trois actes. Comme c’est le cas de la plupart des pièces au XVIIe siècle, l’exposition dans L’Amour sentinelle commence à la première scène et se limite au premier acte44. Tous les personnages sont introduits au cours du premier acte, sauf Carlos, qui a un très petit rôle et qui n’apparaît que dans l’avant dernière scène de la pièce. Dans l’exposition, nous faisons connaissance avec les personnages et apprenons leurs relations et leurs intentions pour la future action. Selon une règle citée par Scherer dans La Dramaturgie classique en France, « l’exposition […] doit être entière, courte, claire, intéressante et vraisemblable »45. Bien sûr, l’exposition de L’Amour sentinelle est loin d’être idéale, pourtant on peut considérer qu’elle répond à certaines de ces exigences. Occupant un acte ou quatre scènes de la pièce, elle est assez longue. Elle constitue une tiers de la pièce. Elle montre tous les personnages importants, donc elle est entière. Elle est claire car elle ne contient pas de récit d’événements complexes, ni de fausses informations sur les personnages. Cette exposition est intéressante, elle intrigue et donne envie de voir le dénouement de l’action. Nous comprenons que Clidamant et Fabrice ont décidé d’agir le même jour parce que ce jour-là Florant voulait épouser Isabelle, donc l’exposition reste vraisemblable.

Le nœud de cette pièce occupe tout le deuxième acte et les dix scènes du troisième. Il contient tous les événements, les obstacles qui précèdent le dénouement à la fin du troisième acte – le mariage de Clidamant avec Isabelle. Pour les deux amoureux, les obstacles sont extérieurs. Les obstacles extérieurs sont les plus richement représentés dans le théâtre classique car il est plus facile de les mettre en scène que les obstacles intérieurs46. L’obstacle essentiel pour Clidamant et Isabelle est l’amour-jalousie du tuteur d’Isabelle, Florant. Ce type d’obstacle est le plus fréquent : « sous la forme la plus banale, cet obstacle se rencontre dans les intrigues des nombreuses pièces qui montrent des parents s’opposant au mariage de leurs enfants »47. Dans la pièce, Florant met des obstacles à l’amour des jeunes gens : il bat Isabelle, l’enferme dans sa maison, ne lui laisse pas voir son amoureux et engage des gardiens pour elle. Il fait tout cela parce que lui-même convoite Isabelle et veut l’épouser.

Quand tous les obstacles sont dépassés vient le dénouement, qui découle du nœud de l’action. « Il est l’accès à une situation stable, heureuse ou malheureuse »48. Pour les jeunes amoureux, le dénouement de l’action est heureux, car enfin Florant donne son accord pour leur mariage. Le dénouement intervient à la fin de la pièce, il commence dans la scène XI du troisième acte, à partir du moment où Florant dit :

Florant
apres avoir un peu resvé.
Bien qu’il ayme,
Faites les moy venir que je les voye un peu.
Carlos sort.
Tenez mon cher voisin, j’ay perdu tout mon feu,
Mon amour s’est passé. (v. 616-619)

Selon les exigences de la dramaturgie classique, le dénouement doit être « nécessaire, complet et rapide »49. Regardons, comment il est dans la pièce L’Amour sentinelle. Son dénouement est étroitement lié au nœud, il y naît. Il ne se passe pas par hasard, mais il est nécessaire, il découle naturellement de l’action de la pièce. Il est assez complet, nous y apprenons le sort des personnages : Clidamant épouse Isabelle et Croctin épouse Lisette. Les destins d’autres personnages secondaires ne sont pas énoncés parce qu’ils n’ont pas beaucoup d’intérêt pour les spectateurs, ils se laissent à deviner. De plus, l’énumération des destins de tous les personnages aurait pu rendre le dénouement trop lent, long et sans intérêt. Dans cette comédie, le dénouement est rapide, il n’occupe que vingt vers (v. 615-634).

Pourtant, il y a un trait particulier à ce dénouement. Il est partagé en deux parties : avant le ballet nous apprenons que Florant donne son accord pour le mariage d’Isabelle avec Clidamant et après le ballet nous voyons Lisette et Croctin qui partent se marier.

Cette pièce garde les traditions50 de la comédie de l’époque. Presque tous les personnages, six sur neuf, sont rassemblés pour la fin de la pièce ce qui était très répandu au XVIIe siècle. Une autre tradition est respectée, celle du mariage : « le dénouement traditionnel de la comédie est un mariage, et même, de préférence, plusieurs mariages51 ». L’Amour sentinelle se termine par deux mariages.

Les règles du classicisme exigent que les dramaturges respectent les trois unités dans leurs œuvres. Commençons par l’unité d’action ou l’ « unification de l’action ». Dans la pièce L’Amour sentinelle, l’action principale est la libération d’Isabelle de son tuteur par Clidamant pour leur mariage. À l’action principale s’ajoutent d’autres actions « accessoires »52 - des tentatives de Florant d’attraper l’amoureux d’Isabelle pour arrêter leurs rencontres et un essai du marquis ridicule Fabrice de voir Isabelle. Les actions accessoires se passent presque simultanément avec l’action principale. L’action secondaire avec le marquis ridicule occupe seulement deux scènes (acte I scène IV et acte II scène I), elle interrompt en quelque sorte le fil de l’action essentielle. Mais tous les trois fils de l’action restent liés, ils sont indispensables pour le dénouement et on ne peut en rejeter aucun sans rendre la pièce incompréhensible. Nous suggérons que sans les scènes avec le marquis ridicule, Croctin n’aurait pas trouvé ce moyen d’entrer dans la maison de Florant, et Clidamant et Croctin n’auraient pas eu l’idée de battre Florant et Fernant de la même manière que les deux derniers, à l’aide des crocheteurs, ont fait pour Fabrice et son valet.

Pour toute action, il faut du temps, c’est pour cela qu’elle ne peut pas être instantanée, toutefois, « la vraisemblance exige que la durée de l’action représentée ne soit pas démesurément plus longue que la durée réelle de la représentation, qui est de deux ou trois heures. […] Mais un tel idéal paraît bien difficile à réaliser »53. La règle générale de l’unité de temps est la règle de vingt-quatre heures. La durée de l’action de cette comédie n’est pas déterminée dans le texte de la pièce, mais elle ne dépasse pas une journée.

L’action de L’Amour sentinelle se passe en une journée, comme il est exigé traditionnellement. Les endroits de l’action restent proches l’un à l’autre parce que les personnages ne peuvent pas aller loin en une journée: presque toute la pièce se déroule dans la maison de Florant ou près de cette maison. Le lieu de certaines scènes avec Clidamant et Croctin (acte I sc. I, acte II sc. II, VII, VIII, acte III sc. I) n’est pas précisé dans les didascalies, mais nous devinons qu’ils se dirigent vers la maison de Florant.

Il faut souligner que dans la pièce il y a un certain parallélisme: la scène des coups, donnés à Fabrice et son valet Roguespine, est une préfiguration de ce qui va arriver à Florant et son voisin. C’est une sorte de retour : Florant a préparé l’accueil pour Fabrice et à son tour il reçoit le même accueil.

Nous observons encore une fois le parallélisme dans l’histoire d’amour des domestiques, Croctin et Lisette, et leurs maîtres, Clidamant et Isabelle. Cela se manifeste le plus dans la scène II de l’acte I, les scènes IV et IX de l’acte III, où les quatre amoureux s’échangent des répliques entrecroisées. Mais en même temps dans ce parallélisme on observe l’antithèse, car les mots doux des maîtres sont opposés à des répliques mordantes du valet et de la servante.

Les personnages §

Au début du siècle, le théâtre français était riche en personnages secondaires, qui souvent n’apparaissaient qu’une fois dans la pièce ou qui avaient des rôles muets. Le nombre de personnages dans la pièce pouvait atteindre vingt rôles, même si dans la troupe il n’y avait pas autant de personnes. Mais ce nombre change dans la deuxième moitié du siècle, il diminue jusqu’à dix ou treize personnages. Les auteurs écrivent leurs pièces en prenant en compte la quantité de comédiens dans la troupe. Dans le cas où il y a plus de personnages que d’acteurs, les troupes peuvent prendre des gagistes ou parfois le même acteur doit jouer plusieurs rôles dans la même pièce (c’est notamment le cas pour le Bourgeois Gentilhomme pour la troupe de Molière)54. Dans le cas de la troupe de Nanteuil à Angoulême en 1685, il y a eu dix comédiens dans la troupe ainsi qu’en 1697 (voir l’annexes III et IV). Dans la pièce L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé, nous observons neuf « acteurs » plus des crocheteurs, arlequins et danseurs, dont le nombre n’est pas précisé. Ces personnages n’ont pas la même importance et leur participation dans la pièce est différente. Un des personnages, Carlos, page de Clidamant, n’apparaît qu’une fois dans la comédie et il prononce seulement deux courtes répliques : « Monsieur je viens icy pour Monsieur Clidamant, / Vous porter ce billet. (v. 613-614) ; Son amour est extreme. (v. 615) ». Quant à Clidamant, le héros principal de la pièce, il participe à seize scènes sur vingt-quatre.

Lancaster souligne que les personnages des œuvres de Nanteuil sont le plus souvent un valet intelligent, un jaloux, des amoureux grotesques, un marquis ridicule, les spéculateurs, ex-soldat55. Dans L’Amour sentinelle, nous trouvons des amoureux séparés, un tuteur jaloux, un valet rusé et inventif, un marquis ridicule. Mais cela effectivement n’a rien d’original pour une comédie de cette période, puisque ces personnages sont constants dans le théâtre au XVIIe siècle.

Clidamant est un beau jeune homme amoureux d’Isabelle, comme les héros classiques du XVIIe siècle, il est malheureux56. Par ce malheur il attire les spectateurs et lecteurs, qui sympathisent avec lui.

Le charme des héros, pour un spectateur du XVIIe siècle, est fait d’un dernier élément : ces héros sont malheureux. […] Malheureux […] dans la comédie […], où les obstacles au bonheur des héros déterminent des plaintes souvent passionnées57.

Il essaye de persuader son valet de l’aider à libérer Isabelle. Il séduit son valet Croctin par un très bon dîner et par la promesse d’être fort reconnaissant à la fin de l’affaire.

Croctin.
Qu'il estoit delectable !
Qu'il estoit bon ce vin c’estoit du vin musquat.
Clidamant.
Je t’en feray gouster et du plus delicat,
Tu vois quand on me sert qu’il y va de la gloire. (v. 304-307)

Croctin est un valet rusé qui aide son maître. Ce type de personnage est très fréquent dans le théâtre français et italien. Dans toutes ces aventures Croctin n’oublie pas son propre bien. Au début il ne veut pas se mêler de cette affaire par peur d’être arrêté :

Croctin.
Qui moy ? Que je me donne au Diable
Si j’y vais. (v. 16-17)

Mais après avoir appris quelle sera sa récompense il « brûle » du désir de tout faire le plus vite et le mieux possible :

Isabelle
Et s’il en vient à bout : nous serons trop heureux,
Je luy feray du bien en luy donnant Lisette,
[… ]
Croctin.
Comment la peste* quelle emplette,
Je vous serviray bien, laissez faire Croctin, (v. 70-73)

Il aime beaucoup exagérer : en parlant de Florant

 Je luy feray corner que c’est le plus grand lasche,
Que l’on puisse trouver de Paris au Japon, (v. 76-77)

Isabelle est une jolie jeune fille, qui aime Clidamant. Elle est aussi aimée par son tuteur Florant et par un marquis ridicule Fabrice.

Elle a les yeux brillants, de belles qualitez,
Un teint uny, charmant enfin tant de beautez
Regnent en cette belle (v. 181-183)

Pour Fabrice « De toutes les beautez elle est le seul modelle, » (v. 216)

Les deux amoureux ne peuvent pas être ensemble à cause du tuteur jaloux. Lisette, servante d’Isabelle, et Croctin aident leurs maîtres à se réunir. Ils s’aiment aussi, mais tout le temps ils s’échangent des répliques piquantes.

Lisette.
Ah ! Monsieur est-ce vous.
Croctin
Ne le vois tu pas bien.
Lisette.
Quoy Maistre des filoux… (v. 37-38)

Florant est tuteur d’Isabelle qui veut l’épouser. Il est « Fascheux jaloux » (v. 41) comme le dit Clidamant ; il est un « vieux Rodrigue » (v. 347) et « vieux penard » (v. 349) selon Croctin. À cause de sa jalousie il bat Isabelle plusieurs fois dans la journée.

Florant.
[…]
Vit on jamais un homme à mon aage amoureux.
Amoureux à tel point mon ardeur est extreme.
Fernant.
Quand on aime pourtant l’on n’agit pas de mesme,
On ne maltraitte pas l’object de son amour,
Florant.
Il est vray, je la bas au moins vingt fois le jour,
Quand la colere emporte on n’en est pas le maistre. (v. 90-95)

Fernant, voisin de Florant, essaye au début de le raisonner, mais il finit par devenir son complice et le soutient dans toutes ses démarches.

Après Les Précieuses ridicules (1659) et Les Fâcheux (1661) de Molière, le personnage du marquis ridicule est devenu « à la mode » comme on le dit dans L’Impromptu de Versailles (1663) :

Oui, toujours des marquis. Que diable voulez-vous qu’on prenne pour un caractère agréable de théâtre ? Le marquis aujourd’hui est le plaisant de la comédie ; et comme dans toutes les comédies anciennes on voit toujours un valet bouffon qui fait rire les auditeurs, de même, dans toutes nos pièces de maintenant, il faut toujours un marquis ridicule qui divertisse la compagnie58.

Nous pouvons faire une hypothèse que Nanteuil a ajouté ce personnage suivant cette mode pour rendre la comédie plus attirante pour le public. Le marquis de Molière est « enrubanné, empanaché, sacrant comme un soudard, gémissant, s’esclaffant comme une précieuse »59. Fabrice, marquis ridicule de Nanteuil a beaucoup emprunté à ce personnage.

Fabrice se croit très beau et très attirant : « Ma perruque est jolie et mon point admirable, / Oui je suis un Marquis, mais tout à fait aimable, / J’ay du cœur. » (v. 191-193). Il décrit toutes ses qualités : « Mes canons sont fort bien, j’ay de plus du credit, / Bref en tout et par tout ma personne charmante / Pourra bien contenter ma Maistresse dolente. » (v. 194-196). Il insulte son valet Roguepine : « Approchez-vous, faquin. » (v. 169), « Vous tairez vous, maraut » (v. 302). Roguepine se moque de lui, mais Fabrice ne le comprend pas sauf quand Roguepine l’offense directement « Fabrice. / J’ay du cœur. / Roguepine. / Comme un bœuf vostre mere l’a dit. » (v. 193) ; « ô cervelle incurable » (v. 291) « J'aimerois mieux mourir que de me mettre en teste, / De servir un Marquis qui n’est rien qu’une beste, (v. 299-300).

Déguisement dans la pièce §

Dans L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé on peut relever deux grands déguisements : l’un de Clidamant et l’autre de Florant et Fernant. Selon la classification proposée par Georges Forestier dans Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) Le déguisement et ses avatars60, dans cette pièce nous avons donné les caractéristiques suivantes à ces déguisements :

Le travestissement de Clidamant, déguisé en loques pour pénétrer dans la maison de Florant pour libérer Isabelle, est fondamental car sur ce déguisement « repose toute action ». Florant et son voisin Fernant se déguisent pour tester les gardiens d’Isabelle. Dans ce cas, le déguisement de Florant est secondaire, et il n’a pas « d’effet déterminant sur l’action tout en étant indispensable », et celui de Fernant, qui accompagne Florant est un déguisement accessoire, ornemental61.

Les buts de ces travestissements sont différents. Le but du déguisement de Clidamant est le but le plus fréquent dans le théâtre pour les rôles masculins (35%) – l’approche : il se déguise pour s’introduire dans la maison de Florant, pour se rapprocher d’Isabelle. Quant à Florant et Fernant, le but de leur déguisement est le tour62, qu’ils jouent pour voir la fidélité des gardiens.

Les trois cas sont des déguisements conscients ordinaires, où les personnages ne perdent pas leurs identités, mais ils jouent d’autres rôles, imposés par les situations, ces rôles sont rajoutés aux rôles initiaux des personnages :

Quelle que soit la manière dont il est déguisé, le personnage concerné se voit pourvu d’un rôle qui se surajoute à son rôle de base. Tout personnage déguisé joue donc, volontairement ou non, consciemment ou non, un rôle devant un autre personnage, au moins, qui se trouve ainsi dans une position de spectateur, et qui est amené à réagir devant le jeu du comédien. Il peut être pris par le jeu et se trouver ainsi victime de l’illusion ; il peut être mis dans la confidence et devenir complice de l’illusion dont sont victimes les autres personnages63.

Donc dans la pièce nous voyons que Croctin devient complice de Clidamant devant Florant et Fernant qui ignorent la vraie identité des jeunes gens. Fernant devient complice de Florant, ils se déguisent pour tester les gardiens, mais ils ne savent pas que les deux gardiens les attendent et les reconnaissent. Clidamant et Croctin jouent un rôle devant Florant et Fernant déguisés, qui ne soupçonnent pas qu’ils sont les victimes de leur jeu et du déguisement de Clidamant.

On voit bien que Clidamant et Croctin ont beaucoup de plaisir à accueillir Florant et Fernant d’une façon si « chaleureuse ». Ils auraient pu libérer Isabelle et Lisette et partir avant l’arrivée du tuteur et de son voisin, mais ils ne peuvent se priver du plaisir de les battre : ils les ont attendus pour se venger d’une certaine manière et pour se moquer d’eux.

Note sur la présente édition §

Il existe deux éditions de la pièce L’Amour sentinelle ou le Cadenas forcé de Denis Clerselier de Nanteuil en 1669 et 1672 réalisées durant la vie de l’auteur. L’unique exemplaire de 1669 consultable à Paris figure dans un recueil factice dans la Bibliothèque nationale de France.

Ce recueil contient d’autres pièces du XVIIe siècle : L’Imposteur ou Le Tartuffe (1669) et Amphitryon (1669) de Molière, Le Compte de Rocquefeuilles ou le docteur extravagant (1669) de Nanteuil, La Femme juge et Partie (1669) de Montfleury, Le Cartel de Guillot ou le Combat ridicule (1682) de Chevalier. On peut faire une hypothèse que ce recueil factice a été ressemblé après 1682 car l’œuvre la plus récente date de 1682. Ce recueil figure sous le numéro 798 dans le Catalogue de vieux livres et d’anciens manuscrits, provenant du cabinet de M. de B***, et du restant de la bibliothèque de M. Alard, après son décès… qui date de 1832 :

Recueil de pièces de Théâtre, dont l’Imposteur ou le Tartuffe, par Molière, 1669. – l’Amphitryon, du même, 1669. – Le Compte de Roquefeuilles, par de Nanteuil, 1669. – La Femme juge et Partie, par Montfleury, 1669. – L’Amour sentinelle, ou le Cadenas forcé, par Nanteuil, 1669. – Le Cartel de Guillot, ou le Combat ridicule, par Chevalier, 1682. Hollande (à la Sphère), I vol. pet. in-12, dem.-rel. d. v.64

Sur la page de titre de toutes les pièces on peut voir la sphère – le fleuron de l’édition « La HAYE ». Pourtant le nom de l’édition est marqué seulement pour les pièces de Nanteuil et de Chevalier (dans le dernier cas avec l’adresse précise de la librairie). Dans le cas des pièces de Molière et de Montfleury, sur la page de titre on trouve « Suivant la copie imprimée » ce qui nous permet de supposer que ces trois pièces peuvent être clandestines.

Nous avons trouvé encore deux exemplaires de cette pièce de l’édition de 1672 et une version numérique sur le site de Gallica.

Tous ces exemplaires sont représentés dans la Bibliothèque nationale de France :

  • – la Bibliothèque de Richelieu – Arts du spectacle – édition de 1669 – en microfilm – R118416 et en livre – 8- RF- 5337 (5) ;
  • – la Bibliothèque de l’Arsenal – édition de 1672 – 8- BL- 14211;
  • – la Bibliothèque de Tolbiac – édition de 1672 – RES- YF- 4567;
  • – le site de Gallica – texte numérisé – édition de 1672 – NUMM-70883.

Dans la seconde édition de 1672, on observe des changements grammaticaux et de ponctuation. Dans l’exemplaire reproduit sur le site de Gallica on trouve des corrections manuscrites anonymes et sans dates.

Les deux éditions ont été faites chez Elzevir à La Haye (Ville des Pays-Bas, chef-lieu de la province de Hollande-Méridionale). Lancaster donne l’information suivante sur le livre :

The Hague, Elzevir, 1669 and 1672, 12°. The author is designated as “Comedien de la Reyne.” In the dedication to the Prince Orange the author calls this his first play.65

(La Haye, Elzevir, 1669 et 1672, 12°. L’auteur est nommé « Comedien de la Reyne ». Dans la dédicace à Prince Orange, l’auteur l’appelle sa première pièce.)

L’édition originale de 1669 représente : 1 vol. in-12 de [IV] – 51 pages.

[I] : L’AMOUR / SENTINELLE / OU / LE CADENATS FORSE’. / COMEDIE. / Par le Sieur D. C. de Nanteuil. / Comedien de la Reyne. / (Sphère) / A LA HAYE. / M.DC LXIX.

[II] : verso blanc.

[III-IV] : épître dédicatoire à Monseigneur le Prince d’Orange.

[IV] : ACTEURS.

5-56 : le texte de la pièce.

L’édition de 1672 représente : 1 vol. in-12 de [VI] – 37 pages.

[I] : L’AMOUR / SENTINELLE, / OU / LE CADENATS FORSE’. / COMEDIE. / Par le Sr. D. C. de Nanteuil. / Comedien de la Reyne. / (Sphère) / A LA HAYE. / M.DC. LXXII.

[II] : verso blanc.

[III-IV] : épître dédicatoire à Monseigneur le Prince d’Orange.

[V] : recto blanc.

[VI] : ACTEURS.

1-37 : le texte de la pièce.

Cette édition se distingue de l’édition de 1669 sur les points suivants :

  • – la numérotation des pages est différente de celle de l’édition de 1669. La dispersion du texte sur les pages est plus étroite, donc il y a plus de texte sur une page et moins de page dans le livre ;
  • – l’édition de 1672 contient des ornementations des différents motifs végétales entre les scènes et les actes ;
  • – le numéro de la quatrième scène de chaque acte est écrit d’une façon suivante « IIII » et dans l’édition de 1669 - « IV » ;
  • – l’apparition des accents : « à » apparaît dans l’édition de 1672, mais pas dans tout le texte : sur la même page on trouve « à Clidamant » et «  a Lisette » ; « é » apparaît à la place de « es », mais cela reste irrégulier.

Dans le texte de l’exemplaire de 1672 il y a une partie qui pose des problèmes pour le compte des vers :

ROGUEPINE
[…]
J'aimerois mieux mourir que de me mettre en teste,
De servir un Marquis qui n’est rien qu’une beste
Ce sont deux qualitez admirables pour vous.
FABRICE
Vous tairez-vous, maraut.
Et bien soit raisonnons
ROGUEPINE
Mais quelqu’un vient sortons,
FABRICE
Que je suis miserable
ROGUEPINE
Suivez-moy seulement. (v. 299-304)

Lancaster relève cet endroit de la pièce et dit qu’il manque ici au moins quatre lignes :

In one case (II, 1) the rime vous : raisonnons may indicate the omission of at least four lines.66

(Dans un cas (II, 1) la rime vous : raisonnons peut montrer l’omission au moins de quatre lignes.)

On peut deviner que Lancaster faisait ses études à partir de l’édition de 1672, car dans le texte de 1669 ce vers est différent :

ROGUEPINE
[…]
J'aimerois mieux mourir que de me mettre en teste,
De servir un Marquis qui n’est rien qu’une beste,
Ce sont deux qualitéz admirables pour vous.
FABRICE.
Vous tairez vous, maraut.
ROGUEPINE.
Et bien soit taisons nous,
Mais quelqu’un vient sortons,
FABRICE.
Que je suis miserable.
ROGUEPINE.
Suivez moy seulement. (v. 299-304)

On peut supposer que dans l’exemplaire de l’édition de 1669 cette partie de texte était peu visible et le libraire a mal compris et mal tapé ces mots sans se rendre compte du sens qu’il a changé, ce qui a provoqué cette coquille.

Dans le même vers (v.302) on trouve une autre coquille : dans l’édition de 1669 la phrase  « Et bien soit taisons nous, » appartient à Roguepine, qui obéit à l’ordre de son maître, mais dans l’édition de 1672 c’est Fabrice qui dit cette phrase, ce qui crée la mécompréhension.

Établissement du texte §

Nous avons conservé l’orthographe de l’édition originale, sauf quelques changements :

  • – nous avons modernisé « ∫ » en « s », « & » en « et » ; « i » et « u » en « j » et « v » ;
  • – nous avons corrigé des erreurs et des coquilles (Cf. liste de rectifications ci-dessous) ;
  • – nous avons supprimé le tilde : « õ » corrigé en « om » (v. 237) et en « on » (v. 478) ;
  • – nous avons réduit le nombre de points de suspension à trois (v. 38, 43 – double, 78 – double, 173, 222, 334, 357, 490, 491, 502). « A la fin du XVIIe siècle, ce sont le plus souvent trois points qui marquent tous les types d’interruption ou de suspension. »67 Dans l’original de la pièce le nombre de points de suspension varie de trois à cinq;
  • – nous avons rétabli les accents diacritiques pour différencier : a (la 3 personne du singulier du verbe avoir) et à (la préposition) a corrigé en à (systématiquement dans tout le texte) ; ou (la conjonction) et (le pronom relatif ou l’adverbe interrogatif) ou corrigé en (vers 114, 153, 265) ; la (l’article ou le pronom) et (l’adverbe) la corrigé en (vers 74, 109, 165, 166, 235, 275, 278, 327, 458).

Toute la pièce est écrite en alexandrins, à l’exception de la lettre de Clidamant qui est écrite en prose.

Dans le texte de la première édition il y a des cas où deux ou plusieurs mots sont écrits ensemble pour économiser la place et ne pas mettre quelques lettres à la ligne suivante à cause du souci du prix cher du papier au XVIIe siècle: tresconsiderable (dédicace) ; contremoy (v.25) ; Deusseje (v. 31) ; tresjustement (v. 108) ; teintuny (v. 182) ; descoups (v. 189) ; boncadenats (v. 430), quantamoy (v. 447) ; pasdesgardes (v. 515).

Liste de rectifications §

(Titre) §

cadenats ;

(Dédicace) §

Prens ; aquittera ; la lecture que vous et ferés ;

ACTEURS. §

ROGUESPINES

ACTE I. §

Scène I

J’en Suis (v. 1) ; lesserez (v. 2) ; raisonnemens (v. 12) ; L’on me menoit (v. 22) double faute ; Deusseje (v. 31) ; Il luy par le bas ; faits (v. 35) ;

Scène II

s’y vous voyiez (v. 49) ; entens (v. 64) ; A s’il en vient (v. 70) ; qu’elle enpleste (v. 72) double erreur ; que dira on ? (v. 78) ; Me reconnoistra il (v. 81) ; S’y je fais (v. 83) ; je vois le fons de ce mistere (v. 87) ;

Scène III

on en est pas (v. 95) ; batez vous (v. 96) ; surce point (v. 97) ; S’y je ne le mets pas (v. 100) ; Si vous en agisiez (v. 109) ; Ce fait voir (v. 112) ; s’il tost (v. 142) ; vostre enbaras (v. 144) ; on en agit pas (v. 149) ; qui ne pourronst parroistre (v. 156) ; il faut vous Satisfaire (v. 159) ; sont de bonne grandeurs (v. 161) ; Apres luy avois parlé à l’oreille.

Scène IV

n’estce pas (v. 172) ; ce quelle a (v. 176) ; Je ne resemble pas (v. 187) ; Qui se laisse emporter à sa seule boutade, Et ... (v. 188) ; vous retirer descoups (v. 189) ; l’adit (v. 193) ; a elle bien dequoy (v. 202) ; en ne les perdant pas (v. 218) ; didon (v. 221) ; enfans (v. 225) ; aux crocheteur ;

Fin du Seconde Acte.

ACTE II. §

Scène I.

Et frapoient il si fort. (v. 231) – double faute ; lâ (v. 243) ; nons (v. 260) ; je voy le fons du pretendu malheur (v. 269) ; Mon dépit ce retire (v. 270) ; Que cette maison la-ne nous procure rien (v. 278) ;

Scène II.

S’y (v. 321) ; Que ce la seroit beau (v. 329) ; S’y (v. 336) ; Mais J'apercois (v. 337) ;

Scène III.

si suis (v. 341) ; D’y (v. 342) ; destriviere (v. 360) ; joüer se tour (v. 361) ;

Scène IV.

Bas ce demivers ; Bon Dieu qui m’a fait peur (v. 378) ; Vous a il prist (v. 386) double faute ; blondin Mais tout à fait bien fait (v. 405) ; Ah voy la bien (v. 406) ces habits (v. 410) ;

Scène VI.

escoutez (v. 421) ; je vous entens (v. 422) ; Celuy qui ma parlé (v. 426) ; Il est en bonne estime. / Si vous suivez l’avis d’un certain Quantenas (v. 428-429) ; un fort boncadenats (v. 430) double faute ; un cadenats (v. 433) ;

ACTE III. §

Scène I.

ce bouru (v. 447) ; je crains qui ne m’asomme (v. 448) ; Il ne peut deviner (v. 452) ; Laissont-la les leçons (v. 458) ; Que suis amoureux (v. 460) ; ne me romp pas (v. 463) ; Lisette Aussy bien (v. 469) ; Elle a beaucoup de fons (v. 470) ; Et pretens me fier (v. 476) ;

Scène II.

qui garde bien les femmes (v. 480) ; bonne leuë (v. 483) ; J'en respons (v. 486) ;

Scène IV.

Maime tu (v. 519) ; de leau (v. 522) ; leurs monstrer (v. 531) ; leurs parler (v. 533) ; leurs faire (v. 534) ; personne ne sorre (v. 540) ;

Scène V.

S’y vous (v. 546) ; Il raisonnent (v. 549) ; je croy faut leur donner cent coups. (v. 549) ; Ile les font sortir à coups de batons – double faute;

Scène VII.

ma nopce (v. 560) ; depeschons uous68 (v. 563) ;

Scène VIII.

Lisette. Je suis à toy Croctin. / Croctin. Touche tu ne tiens rien, / Fais les viste venir. / Croctin. Ils viennent que je pense. / Croctin. Bon, je les apperçois nostre affaire s’avance, (v. 574-576) ;

Scène IX.

L'amour ma commandé (v. 582) ; Je ny resiste plus (v. 590) ;

Liste de rectifications dans la ponctuation §

Nous avons conservé la ponctuation de l’original sauf les cas où elle provoque l’incompréhension, ou dans le cas des coquilles.

Nous avons gardé la virgule à la fin des certaines répliques des personnages, ce qui peut sembler étrange pour les lecteurs. Le relais des personnages qui parlent peut être marqué par une virgule dans les cas où elle « traduit soit la continuité de la parole quand le second protagoniste poursuit la phrase du premier, soit l’interruption quand le second protagoniste coupe le propos du premier. »69

(Dédicace) §

de me dire. Si c’est ;

ACTEURS. §

Fernant ; Voisin de Florant. ; d’Harlequins. et ;

ACTE I. §

Scène I

billette. (v. 8) ; Une chose admirable. (v. 15) ; Diable. (v. 16) ; il luy parle bas, ; amant. (v. 37) ;

Scène II

Est-ce vous Clidamant. (v. 38) ;

Lisette. Croctin. / Croctin. Quoy. / Lisette.C’est ton Maistre. (v. 39) ;

mon Cœur. (v. 49) ; C’est asses (v. 84) ;

Scène III

Mais si je , l’y puis voir (v. 99) ; Pour rompre leur amour toute mon industrie. (v. 151) ;

Ces crocheteurs peut, estre (v. 155) ; je vous conseille. (v. 164) ;

Scène IV

Cachez dans la maison de FlorantFabrice – double faute ; ma personne charmante. (v. 195) ; Vous me faite, plaisir (v. 225) ;

ACTE II. §

Scène I.

Retirons nous. d’icy (v. 277) ;

Scène II.

Laissez faire je veux devenir as de picque, (v. 320) ;

Scène III.

ce vieux penard. (v. 349) ; fit joüer ce tour (v. 361) – dernière phrase de Clidamant dans cette scène ;

Scène VI.

s’en prendre à, son maistre, (v. 371) ; Bon Dieu qu’il m’a fait peur peste soit du mastin (v. 378) ; nostre oison. (v. 390) ; Si c’est une gaillarde. (v. 396) ; Car j’en use. (v. 420) ; que je crains l’embaras, (v. 434) – la dernière réplique de Florant dans cette scène et dans le IIe acte ;

Scène VIII.

allons Monsieur beau jeu, (v. 438) – la dernière phrase du IIe acte dite par Croctin avant qu’il se retire de la scène ;

ACTE III. §

Scène I.

caille. (v. 440) ; Isabelle elle mesme. (v. 452) ; Que je suis amoureux qu’en secret je soupire. (v. 460) ;

Scène IV.

fait paroistre. (v. 511) ;

Scène V.

Florant. Fernant

Scène VII.

Que j’ay de bons portiers cher voisin que je meure, (v. 555).

Écriture flottante §

Au XVIIe siècle l’orthographe n’était pas encore stable, ce qui a duré jusqu’à la première édition du Dictionnaire de l’Académie française en 1694. Cet état instable de l’orthographe permettait l’existence des variantes de mot. Dans le texte de la pièce nous avons trouvé les paires suivantes des mots :

Avec (v. dédicace, 143, 177, 321, 328, 384, 520, lettre de Clidamant) – aveques (v. 399, 432, 498) ;

jusques a (v. 33, 126) – jusqu’au (49) ;

quant (v. 61, 149) – quand (v. 10, 17, 18, 43, 65, 92, 95, 107, 143, 249, 266, 269, 307, 309, 521) ;

d’abort (v. 316) – d’abord (v. 48, 237, 372) ;

danser (v. 629) – dancer (v. 560) ;

deguiser (v. 493, 499) – degoiser (v. 500) ;

venger (v. 256, 258, 268) – vanger (v. 230, 255) ;

commencer (v. 88) – commancer (v. 364, 391) ;

sottise (v. 265) – sottize (v. 523).

Nous avons relevé dans le texte de la pièce certains mots dont l’orthographe était différente de celle de la langue française moderne :

bien-tost (v. 497, 529) ; lors que (v. dédicace, 2, 45, 137, 326, 467) ; sur tout (v. 483) ; pance (v. 288) ; modelle (v. 216) ; allemant (v. 586) ; Florand (v. 414), bon-heur (v. 624).

object (v. 93, 324) ; effect (v. 166), faict (v. 518). « La première édition de l’Académie élimine quantité de consonnes plus ou moins « étymologiques », à la finale surtout (nud, bled, conioinct, construict, cuict, etc., deviennent nu, blé, conjoint, construit, cuit, etc.). »70 ;

aage (v. 90), feeslée (v. 604). « Elle [Académie] […] élimine un grand nombre d’anciens hiatus (dans aage/âge, rheume/rhume, sceel/scel, etc.) »71.

L’AMOUR SENTINELLE
OU LE CADENAS FORCÉ.
COMEDIE. §

[A2]

A SON ALTESSE MONSEIGNEUR LE PRINCE D’ORANGE72 §

MONSEIGNEUR.

Si cette petite Comedie73 , que je prends la liberté de vous offrir, me fait passer pour un fascheux.

Vostre ALTESSE* s’en doit prendre à l’air* trop obligeant dont elle reçoit les gens, et de la bonté qu’elle a pour des personnes, qui ne luy peuvent offrir que des foibles vers, pour la remercier de toutes les graces* qu’elle leur fait.

Je vous prie cependant, MONSEIGNEUR, de vous resouvenir de l’honneur de Vostre protection, que vous me promistes si genereusement, lors que je pris la hardiesse de vous asseurer de mes Respects et de me dire, si c’est cette méme bonté, que vous eustes pour moy, qui m’oblige d’estre importun à Vostre Altesse, en luy offrant le premier enfant de ma Muse. J’espere que ce petit present, que je vous fais m’acquitterad’une debte tres considerable , s’il a le bonheur de vous divertir dans la lecture que vous en ferés74 . La gloire sera grande pour moy, sans doute, si la premiere piece de theatre que j’ay mis en jour, peut plaire à un des plus illustres Princes de la terre, et si luy ayant consacré mon premier ouvrage je puis l’asseurer, que je suis avec un profond respect.

Monseigneur

De Vostre Altesse
Le tres-humble et tres-obligé tres-obeïssant
Serviteur*.

D.C.DENanteuil.

ACTEURS. §

  • Clidamant, Amoureux d’Isabelle.
  • Isabelle, Maistresse* de Clidamant.
  • Florant, Tuteur d’Isabelle.
  • Fabrice, Marquis ridicule.
  • Fernant, Voisin de Florant.
  • Croctin, Vallet* de Clidamant.
  • Lisette, Suivante* d’Isabelle.
  • Roguepine, Vallet* de Fabrice.
  • Carlos, Page de Clidamant.
  • Troupes de Crocheteurs*, d’Harlequins* et de Danseurs.
La Scene est à Paris

ACTE I. §

SCENE I. §

Clidamant, Croctin.

Croctin.

Ce dessein* vous surprend. [A3, 5]

Clidamant.

            J’en suis tout interdit*.

Croctin.

Vous le serez bien plus, lors que j’auray tout dit,
Vous vous plaignez d’un mal, et je me plains d’un autre,
Vous voyez ma tristesse, et moy je voy la vostre,
5 Vous aimez Isabelle et Florant l’aime aussy,

Clidamant.

Que je suis malheureux.

Croctin.

            Que faire à tout cecy.
Ma foy je n’y vois goutte.

Clidamant.

            Il faudra que Lisette...
Mais viens prendre un billet*.

Croctin.

                Ny billet* ny billette*
Ne sera point porté75.

Clidamant.

            Pourquoy ? dans sa maison...

Croctin.

[p. 6]
10 Quand vous parlez ainsy, vous parlez sans raison.
Vous dites qu’en amour vous n’estes pas novice,
Mais vos raisonnements ne sont qu’un pur caprice.

Clidamant.

Te connoist il.

Croctin.

        Qui moy ? Jamais il ne m’a veu.

Clidamant.

Il faudra que tu fasse...

Croctin.

            Et tout cela conclu,
15 Que pretendez vous faire.

Clidamant.

            Une chose admirable,
Que tu feras.

Croctin.

        Qui moy ? Que je me donne au Diable
Si j’y vais.

Clidamant.

        Tu pourras, quand il sera sorty,
Entrer dans sa Maison.

Croctin.

            Quand il seroit party,
Pour aller en Escosse, ou bien en Allemagne,
20 On voit certain mouchart*, qui souvent m’accompagne.
C'est pourquoy je vous dis, que si l’on me tenoit,
On me feroit grand chere76, ou l’on me meneroit77 [A4, 7]
Dans le grand Chastelet78, dans la Conciergerie79,
J’y pourrais demeurer le reste de ma vie,
25 On a veu des decrets de tout temps contre moy,
Sans sçavoir la raison ny comment ny pourquoy,
On voit tant d’Innocents perir pour les coupables.

Clidamant.

Je suis plus malheureux que les plus miserables,
Si tu veux à present m’abandonner.

Croctin.

                    Poussez.
30 Je veux vous faire grace*.

Clidamant.

            Il suffit,

Croctin.

                C’est assez.
Deusse je estre pendu par mon col tout à l’heure,
Si je ne vais parler80 jusques à sa demeure...

Clidamant.

A ma chere Isabelle.

Croctin.

            Ouy je vous le promets
Vous me permettez bien.
il luy parle bas

Clidamant.

            Ouy, je te le promets
35 Fais ce que tu voûdras. [p. 8]

Croctin.

            Il faut vous satisfaire.
J’y vais tout de ce pas, rien ne m’en peut distraire,
Mais je suis arresté, car je vois nostre amant*
Plus malheureux que n’est ...

SCENE II §

Clidamant, Croctin, Isabelle, Lisette.

Isabelle.

            Est-ce vous Clidamant ?

Clidamant.

Ouy, Madame, c’est moy

Lisette.

            Croctin ?

Croctin.

                Quoy ?

Lisette.

                    C’est ton Maistre ?

Clidamant.

40 Non, Madame, à vos yeux je n’osois pas paroistre.
De peur d’estre connu de ce fascheux jaloux,
Je n’osois seulement passer pres de chez vous
Je craignois ...

Isabelle.

        Quand on aime on ne sçauroit rien craindre,
Vostre inconstance seule ... [A5, 9]

Clidamant.

                Et pouvez vous vous plaindre,
45 Lors que vous m’ordonnez d’abandonner ces lieux,
Que je n’osois quitter, malgré les envieux,
Que je ne consens point que par obeïssance,
Vous me venez d’abord81 accuser d’inconstance.
Hêlas sy vous voyiez jusqu’au fond* de mon Cœur
50 Vous y verriez empreinte une vive douleur.

Isabelle.

Ouy, je voys, Clidamant, que vous m’aimez encore.
Je voy que vous avez ...

Croctin.

            Madame il vous adore,
Je suis homme d’honneur, croyez moy sur ma foy,

Lisette.

Tu crois l’estre, Croctin, mais tu te trompe.

Croctin

                    Quoy,
55 Je te vois contre moy pousser ton eloquence,
Tu veux te gendarmer, voyant que la finance,
Ne trotte pas chez nous comme l’on voudroit bien,
Laisse là mon amour, je ne veux point du tien.

Lisette.

Quoy, Croctin, contre moy tu te mets en colere.

Croctin.

[p. 10]
60 A parler franchement je ne veux pas te plaire,
Et quant on me deplait, je veux dire ...

Lisette.

                    Comment ?
Tu croirois donc beaucoup t’abaisser en m’aimant.

Croctin.

Non, je m’agrandirois entrant dedans82 ta couche,
Tu voudrois en taster, je t’entends, fine mousche,
65 Je t’en feray gouster quand nous serons chez nous.

Lisette.

Dequoy ? du mariage ?

Croctin.

            Et ouy.

Lisette.

                Pour mon espoux,
Je te veux bien, au moins.

Croctin.

                Va je te veux de mesme.

Clidamant.

Croctin fera l’affaire, usant du stratagesme ...

Croctin.

Ouy, vous pourrez vous veoir et vous parler tous deux.

Isabelle

70 Et s’il en vient à bout : nous serons trop heureux,
Je luy feray du bien en luy donnant Lisette,

Clidamant.

Moy je sçauray, ...83

Croctin.

[A6, 11]
Comment la peste* quelle emplette84,
Je vous serviray bien, laissez faire Croctin,
J’ay là dedans dequoy fascher vostre mastin*,
75 Sans sçavoir la raison pour laquelle il se fasche,
Je luy feray corner que c’est le plus grand lasche,
Que l’on puisse trouver de Paris au Japon,
Puis vous sçaurez ...

Isabelle.

            Mais ...

Croctin.

                Mais quoy ? que dira-t-on ?

Isabelle.

Mais s’il alloit sçavoir.

Croctin.

            Que sçauroit il ? j’enrage,
80 Luy qui n’a jamais veu les traits de mon visage,
Me reconnoistra-t-il ? s’il ne m’a jamais veu.

Clidamant.

Fais à ta fantaisie*.

Croctin.

            Et bien en suis je creu,
Sy je fais mon devoir.

Clidamant.

            Va nous te laissons faire.

Croctin.

C’est asses, vostre face excite ma colere,
85 Retirez vous, Madame, allez vous en chez vous,
Et vous, Monsieur, aussy faites gile* chez nous, [p. 12]
Il suffit que je vois le fond* de ce mistere,
Mais quelqu’un vient, allons commencer nostre affaire.

SCENE III §

Florant, Fernant.

Florant.

Voyez, mon cher voisin, si je suis malheureux,
90 Vit on jamais un homme à mon aage amoureux
Amoureux à tel point mon ardeur* est extreme.

Fernant.

Quand on aime pourtant l’on n’agit pas de mesme,
On ne maltraitte pas l’object de son amour,

Florant.

Il est vray, je la bas au moins vingt fois le jour,
95 Quand la colere emporte* on n’en est pas le maistre.

Fernant.

Pourquoy la battez vous ?

Florant.

            Je sçay qu’un certain traistre,
Chut au moins sur ce point.

Fernant.

                Quoy ?

Florant.

[p. 13]
                    Ce n’est pas pour vous,
Pour faire court, il vient la visiter chez nous,
Mais si je l’y puis voir ou je veux qu’on me berne*,
100 Sy je ne le mets pas dans un lieu subalterne85,
Il en pourra gouster, car souvent l’on sçait bien,
Quoy qu’il en soit, enfin cela ne touche en rien.
Il la voit donc souvent, je ne le puis connoistre,
Les cornes bien souvent doucement peuvent croistre,
105 Mais j’y veux donner ordre et dedans peu de temps,
Je le pourray connoistre et m’en aller aux champs86,
Quand il sera coffré, je n’auray rien à craindre.

Fernant.

Isabelle pourroit tres justement se plaindre,
Si vous en agissiez de cette façon lá87.

Florant.

110 Ne voyez vous pas bien que ce n’est que cela,
Qui me fait hesiter et que ma jalousie,
Se fait voir au quartier88 comme une fantaisie*,
Qui me feroit passer à mon nés89 pour un fou,
Si je ne sçavois pas les moyens et par où,
115 Me tirer à present d’une facheuse affaire.

Fernant.

[p. 14]
Il est vray celle là n’est pas fort ordinaire.

Florant.

J’y donneray bon ordre et devant* qu’il soit peu
Le commerce90 aura fin, ou nous verrons beau jeu91.

Fernant.

Dans vos raisonnements, vous estes admirable,
120 Pouvez vous empescher qu’il ne la trouve aimable,
S’ils s’aiment bien tous deux que faire sur ce point,
Que me respondrez vous ?

Florant.

            Qu’il ne la verra point,
Que je l’enfermeray. De plus s’il faut se plaindre,
Je sçay bien comme92 on fait.

Fernant.

                Il faut tousjours tout craindre,
125 Isabelle entre nous depend elle de vous,
Jusques à supporter vostre facheux couroux* ?

Florant.

Ouy, comme estant tuteur il faut qu’elle en depende,
Elle en mordra ses doigts, ou je veux qu’on me pende,
Je sçay bien les moyens de luy faire quitter,
130 Le joly damoiseau* qui la vient mugueter*,
Il verra dés ce soir à quel point je me chausse*,
Si j’ay raison ou non, ou si la chose est fausse.

Fernant.

Tous vos emportements* sont icy superflus, [p. 15]
Croyez vous qu’ils viendront vous parler la dessus.

Florant.

135 Vous ne m’obligez* pas ...

Fernant.

            Je ne veux plus rien dire,
Si non que l’on doit craindre un revers de satyre93,
Je vous parle en amy, lors que je parle ainsy.

Florant.

Je vous suis obligé*. Je vous disois aussy,
Qu’il seroit bon de mettre à leurs vœux quelque obstacle.

Fernant.

140 Si vous faisiez cela vous feriez un miracle,
Car il est difficile alors qu’on est aimé,
D’abandonner si tost ce qui nous a charmé.

Florant.

Il est vray quand on aime, on aime avec furie*.

Fernant.

Voila vostre embarras*.

Florant.

            Voila la diablerie*,
145 Que je ne sçavois pas et qu’il falloit sçavoir.

Fernant.

Vous pouvez cependant user de mon pouvoir,
Vous sçavez que je suis tout à vostre service*,

Florant.

[p. 16]
Vous m’obligez* beaucoup.

Fernant.

                Et que c’est mon supplice,
Quant on n’en agit pas en toute liberté94.

Florant.

150 Je vous apprendray donc quelle est ma volonté
Pour rompre leur amour, toute mon industrie*.
C’est ce soir de rentrer transporté* de furie*,
Chez moy, d’où je feray sortir des Crocheteurs*,
Qui feront tout pour nous.

Fernant.

            Vous avez des flateurs,
155 Qui vous conseillent mal. Ces crocheteurs* peut estre,
Sont des gens affidez, qui ne pourront parroistre,
Que pour tout emporter ce qui sera chez vous,
Croyez moy, cher voisin, tirez-vous de ces coups,
C’est le plus seur.

Florant.

        Et bien il faut vous satisfaire.
160 Je vais vous dire tout ce que je viens de faire,
Desja ces crocheteurs* sont de bonne grandeurs
Gros, Rons et qui feront fort bien le coup d’honneur,
Apres luy avoir parlé à l’oreille.
[ 17]
Si le Galand* paroist ils feront tous merveille,
Que me conseillez vous.

Fernant.

            Qui moy ? je vous conseille
165 De faire sans tarder ce que vous dites là,
C’est là le seul moyen95.

Florant.

            En effect le voila.
Mais je pretends de plus, je voy quelqu’un, courage,
Escoutons les un peu.

Fernant.

            Tirons nous de l’orage.

SCENE IV. §

Florant, Fernant Cachez dans la maison de Florant. Fabrice, Roguepine.

Fabrice appellant son valet.

Roguepine.

Roguepine.

        Monsieur.

Fabrice.

            Approchez-vous, faquin*.

Roguepine.

170 Vous l’emportez* sur tous.

Fabrice.

Elle m’aime coquin* [p. 18]
Dis moy ce que t’a dit cette belle assassine,
Elle m’estime fort, n’est ce pas Roguepine.
Son amour va ...

Roguepine.

        Pourquoy n’en auroit elle pas
Un Marquis, comme vous, peut il manquer d’appas*,
175 Allez croyez tousjours que la belle est de flamme*,
Et que je sçay fort bien tout ce qu’elle a dans l’ame.

Fabrice.

Mais crois tu qu’Isabelle avec tous ses attraicts,
Ne m’eust pas envoyé desja six mille traicts,
Elle me charme enfin paroissant à sa veüe,
180 Si tost que je la vois mon ame est toute émeüe,
Elle a les yeux brillants, de belles qualitez,
Un teint uny, charmant enfin tant de beautez
Regnent en cette belle et c’est assez te dire.
Puisque mon coeur sans cesse apres elle soupire,
185 Car tu peux bien juger qu’un homme comme moy,
Ne voudroit pas aimer si ce n’estoit dequoy,
Je ne ressemble pas Clidamant de Moncade96.
Qui se laisse emporter* à sa seule boutade*
Et ...

Roguepine.

Comment pouves vous vous retirer des coups, [p. 19]
190 Que l’on prepare icy pour se railler* de vous

Fabrice.

Ma perruque est jolie et mon point* admirable,
Oui je suis un Marquis, mais tout à fait aimable,
J’ay du coeur97.

Roguepine.

Comme un bœuf98 vostre mere l’a dit.

Fabrice.

Mes canons99 sont fort bien, j’ay de plus du credit,
195 Bref en tout et par tout ma personne charmante
Pourra bien contenter ma Maistresse* dolente.

Roguepine.

Je contenterois bien Lisette ma guenon*,
Elle me dit souvent approche, mon mignon,
Roguepine mon fils. Touchant vostre Maistresse*,
200 Elle vous aime fort, elle a de la tendresse,
La pouponne* vous lorgne*, et fait bien sur ma foy.
Mais à propos, Monsieur, a-t-elle bien dequoy.

Fabrice.

Roguepine elle est riche.

Roguepine.

            Elle est bien egrillarde,
Du moins elle paroist un tant soit peu gaillarde,
205 Qu’en dites vous, Monsieur, disant la verité, [p. 20]
Je croy ne pas pecher contre la charité,
N’est ce pas.

Fabrice.

        Tu te trompe elle est sage.

Roguepine.

                    Ou je meure …

Fabrice.

Je te la feray voir devant* qu’il soit une heure.
Tu pourras juger d’elle, et si dans sa beauté,
210 Tu ne trouveras pas quelle est sa qualité.
Tu diras qu’un amant* parle pour sa Maistresse*,
Qu’il dit tout ce qu’il peut et fust elle tigresse.
Tu verras si j’impose* ou si c’est verité,
Et tu pourras connoistre enfin cette beauté.

Roguepine.

215 Je sçay que vous l’aymez comme on voit qu’elle est belle.

Fabrice.

De toutes les beautez elle est le seul modelle,
Tu connoistras apres si semblables appas*,
Peuvent charmer un cœur en ne le perdant pas,
Tu l’avoüeras toy mesme et si sans nulle feinte,
220 L’on ne peut pas aymer tant de beautes. Aminte,
Polixene, Herminie, Andromache, Didon100,
Si vous estiez icy ...

Roguepine.

            Vous les aymeriez.

Fabrice.

Non, [p. 21]
Je ne quitterois pas mon aimable Isabelle.
Attends moy, je m’en vais entrer chez cette belle.

Roguepine.

225 Vous me faite plaisir,

Florant

Dans la maison aux crocheteurs apres que Fabrice est entre.
            Allons enfants poussez.

Fabrice. en sortant.

Me maltraitter ainsy.

Roguepine aux crocheteurs.

            C’est mon Maistre rossez.
Les crocheteurs ayant mis dehors le Marquis se retirent, hors un, qui danse une entrée pour finir l’acte.

Fin du premier acte.

[p. 22]

ACTE II. §

SCENE I. §

Fabrice, Roguepine.

Roguepine.

Il faudroit moderer l’ardeur* qui vous transporte*,

Fabrice.

Comment, comme un Coquin* me voir mettre à la porte,
Et courir dessus moy le baston à la main,
230 Ah ! je me vangeray de ce coup inhumain,

Roguepine.

Et ils frapoient si fort.

Fabrice.

            Jaloux insuportable
Lasche, infame.

Roguepine.

        Il est vray que ce coup est pendable
C’est estre bien cruel que de fraper ainsy,
Un Marquis comme vous, un amoureux transy101,
235 Ces Messieurs là pourtant paroissoient en furie*.
Et s’ils n’entendoient pas beaucoup de raillerie*,
Comment vous ont ils pris.

Fabrice.

                Estant entré d’abord
Florant crioit tout haut, estes vous bien d’accord.
Les autres respondants nous le sommes sans doute, [p. 23]
240 J'ay veu certaines gens, estrillez quoy qu’il couste,
A dit Florant. Apres ils ont frappé sur moy.

Roguepine.

J’ay gagné le taillis102, sans leur dire pourquoy,
Ces Messieurs estoient lâ103 pour vous faire la nique104.
Voyant sur vostre dos qu’ils chantoient la musique,
245 En battant la mesure et courant apres vous,
J’ay bien jugé qu’apres ils viendroient dessus nous.
Sans cela vous sçavez que j’aurois pris la peine,
De pousser une lame au fond de leur bedaine,
J’ay le cœur assez bon, quand on vient m’attaquer,
250 Pour pousser une botte et ne la point manquer,

Fabrice.

Que ne faisois tu donc paroistre ton courage,

Roguepine.

C’est que je ne suis pas un brave à triple estage105,

Fabrice.

Tu nous aurois fait voir si tu dis verité.

Roguepine.

Je vous aurois fait voir grande temerité.

Fabrice.

255 Il faudra nous vanger Roguepine. [p. 24]

Roguepine.

                J’y pense,
On pourra nous venger au bout d’une potence,
Si l’on entend parler que nous voulions tous deux,
Nous venger en tuant ces pauvres malheureux,
Vous sçavez que je suis tout à vostre service*,
260 Mais non pas pour vouloir suivre vostre caprice,
Si j’allumois le feu* pour le mettre chez vous,
On pourroit m’accuser d’un peu trop de couroux*,
Puis l’on me meneroit dedans quelque Justice,
Ou l’on prepareroit tout ce beau sacrifice,
265 Et pour une sottise, où je n’ay point trempé,
L’on me viendroit lorgner* quand je serois grimpé.
Ce n’est point mon humeur, je vous le dis sans honte,
Que pour venger vos coups la rage me surmonte.
Puis quand je voy le fond* du pretendu malheur,
270 Mon dépit se retire et je n’ay plus de cœur,
Voilà comme est basty Monseigneur Roguepine.

Fabrice.

Ah ! Malheureux poltron ... [B, 25]

Roguepine.

            Dite en ay-je la mine,
N’importe je pretends vous respondre en106 ce point,
Si j’ay fort peu de cœur vous, vous n’en avez point,

Fabrice.

275 L’amy laisse un peu là ta foible raillerie*,
Donne moy patience.

Roguepine à part.

He107 l’amy sans furie*,
Haut
Retirons nous d’icy Monsieur vous sçavez bien,
Que cette maison-là ne nous procure rien,
Qui soit fort bon pour nous et que de certains drolles,
280 Doivent faire tantost de grandes cabriolles,
Parce que le Jaloux doit espouser ce soir,
Isabelle, et qu’elle est au dernier desespoir.

Fabrice.

Roguepine, Isabelle !

Roguepine.

            Et bien.

Fabrice.

                C’est ma Maistresse*.

Roguepine.

Moy je n’y puis que faire.

Fabrice.

Ha je meurs de tristesse108.

Roguepine

285 Je ne m’estonne* plus si l’on vous a battu, [p. 26]
On devoit vous tuer homme plein de vertu,
Marquis des Beaux Marquis tout remply d’impudence,
On devoit vous donner au milieu de la pance
Trois coups de carabine apres avoir osé
290 Entrer chez un Rival sans l’avoir disposé,
Car si vous m’eussiez dit ô cervelle incurable,
Que Florant pouvoit tout, sur ce qui vous accable,
Je vous aurois donné dequoy le tourmenter,
Et vous l’eussiez peu veoir sans pouvoir rien tenter,
295 Vostre dos n’auroit pas besoin d’un peu de graisse :
Vous allez bonnement sans entendre finesse,
Chez un Rival qui vient de vous jouër d’un tour,
Et je me meslerois encor’ de vostre amour,
J'aimerois mieux mourir que de me mettre en teste,
300 De servir un Marquis qui n’est rien qu’une beste,
Ce sont deux qualitéz admirables pour vous.

Fabrice.

Vous tairez vous, maraut.

Roguepine

            Et bien soit taisons nous,
Mais quelqu’un vient sortons,

Fabrice

Que je suis miserable. [B2, 27]

Roguepine.

Suivez moy seulement.

SCENE II §

Clidamant, Croctin

Croctin.

            Qu'il estoit delectable !
305 Qu'il estoit bon ce vin c’estoit du vin musquat.

Clidamant.

Je t’en feray gouster et du plus delicat,
Tu vois quand on me sert qu’il y va de la gloire.

Croctin.

Que c’est un grand plaisir que de manger et boire,
Pourtant quand je suis seul je ne puis tortiller,
310 Je vais faire un beau coup.

Clidamant.

Tu ne fais que baailler109.

Croctin.

Je m’en vais vous servir et je vous puis repondre,
Que par mes actions je pourray bien confondre,
Les plus sçavants esprits qui se puissent trouver,
Je verrray le jaloux quoy qu’il puisse arriver,
315 Je luy diray qu’il faut je sçay comme il faut dire, [p. 28]
Il me dira d’abort mon amy je soupire,
Je suis si malheureux, apres il toussera,
Esternüera deux fois puis il se mouchera,
Je sçay bien les moyens de faire qu’il se picque110,
320 Laissez faire, je veux devenir as de picque111,
Sy vous n’avez ce soir Isabelle avec vous,
Deust il perdre l’esprit vous serez son espoux.

Clidamant.

Ce sera m’obliger et de belle maniere.

Croctin.

Mais si vous voyez plus l’object que je revere,
325 Resouvenez vous bien que je n’en feray rien.

Clidamant.

Lors que je la verray ce sera pour ton bien.

Croctin.

Laissez là nostre bien et ne songez qu’au vostre,
On voit du distingo du vostre avec le nostre.

Clidamant.

Je ne luy parle plus.

Croctin.

            Que cela seroit beau,
330 Que j’alasse espouser et la vache et le veau112.

Clidamant.

Croctin de mon costé tu n’auras point d’ombrage.

Croctin.

Ce sera fort bien fait et si vous estes sage, [B3, 29]
Vous ne chercheriez point nostre jaloux non plus,

Clidamant.

Mais…

Croctin.

Vos raisonnements sont icy superflux,
335 S'il ne vous a point veu craignez qu’il ne vous voye,
Sy vous ne pretendez voir soufler vostre proye,
Mais j’apercois Lisette.

SCENE III §

Clidamant, Croctin, Lisette

Lisette.

            Ah ! Monsieur est-ce vous.

Croctin

Ne le vois tu pas bien.

Lisette.

            Quoy Maistre des filoux…

Croctin.

Le joly compliment par où ton feu* debute.

Lisette.

340 C'est fort bien raisonner.

Croctin.

Tu cherche chapechute113,
Car voy-tu si je suis une fois ton espoux.

Lisette.

Dy moy que feras tu. [p. 30]

Croctin.

            Souviens t’en bien.

Lisette.

                    Tout doux.

Clidamant.

Ne me diras tu point ce que fait ta Maistresse*.

Lisette.

Elle est toute dolente elle a de la tristesse,
345 De voir qu’elle pourra bien avoir pour espoux,
Au lieu de vous Florant.

Croctin.

            Il luy fait les yeux doux,
Je vous l’avois bien dit ce vieux Rodrigue114 encore,
La cajolle* t’il bien.

Lisette.

            Ma foy trop il l’adore,
J'en suis tout estonnée*.

Croctin.

            Et quoy ce vieux penard
350 Se veut donc preparer à devenir cornard,
Va je puis t’asseurer qu’il n’aura pas la peine,
De souffrir que son feu* luy face perdre aleine,
Et qu’on te vienne dire apres à nos despens,
Que nous avons souffert qu’il ait bien pris son temps.

Clidamant.

355 Tu vois ce que Croctin nous promet.

Croctin.

Qu'elle espere, [B4, 31]
Je vous l’ay déja dit, je veux vous satisfaire,
Et je pretends de plus ...

Lisette.

            A propos le Marquis,
Qui nous montroit tantost ce qu’il avoit acquis,
Fut par deux crocheteurs* et de bonne maniere,
360 Estrillé comme il faut à grands coups d’estriviere.

Clidamant.

Sans doute que Florant luy fit joüer ce tour.

Lisette.

Il s’en vint au logis guidé par son amour,
Faisant bien le pimpant comme il a de coutume,
On commance à frapper comme sur une enclume,
365 Sur son dos d’importance, Isabelle à ces coups,
Descendit en tremblant croyant que c’estoit vous,
Mais voyant que c’estoit nostre Marquis.

Croctin.

                    N'importe,
Je voy venir Florant au coin de cette porte,
Cachons nous bien tous trois.

SCENE IV. §

[p. 32]
Clidamant, Croctin, Lisette Cachez, Florant.

Florant.

Nostre amoureux transy115,
370 Apprendra son devoir en le traittant ainsy,
Il sçaura ce que c’est que s’en prendre à son maistre,
Il fremira d’abord en me voyant paroistre,
Je voudrois bien trouver un garçon comme il faut,
Pour garder Isabelle et qui fust sans deffaut,
375 Que je gagerois116 bien un garçon de la sorte.

Croctin.

Bas ce demi vers.
Allez, je suis tout prest, que le Diable t’emporte,
Qui t’estouffe pendart. Helas ! pauvre Croctin.

Florant.

Bon Dieu qu’il m’a fait peur ! peste* soit du mastin*.117

Croctin.

Je le feray perir et sans misericorde,
380 C'est un filou fiefé qui merite la corde.

Florant.

Qu'avez vous mon amy, vous paroissez faché.

Croctin.

Monsieur c’est mon tresor qui n’estoit pas caché,
Que l’on me vient de prendre, et qu’un filou m’emporte, [B5, 33]
Si je pouvois l’avoir j’irois avec main forte,
385 Le prendre et luy mettrois la main sur le collet.

Florant.

Vous a-t-il pris beaucoup.

Croctin.

            Je suis si bon vallet,
Si fidelle si seur si zelé pour un Maistre,
Helas ! le coeur m’en creve ah que le monde est traistre.

Florant à part.

Mais si je m’en servois pour garder ma maison,
390 Je ne ferois pas mal.

Croctin bas.

Et bon bon, nostre oison118,
Commance à s’amorcer ah ! s’il se pouvoit faire,
Que je vous pus servir.

Florant.

            Il n’est pas necessaire,
De tant complimenter avez vous respondant.

Croctin.

Ouy Monsieur.

Florant.

        Que fait-il.

Croctin.

C'est Monsieur Fernidant119,
395 Gentil-homme.

Florant.

Il suffit j’ay certaine egrillarde, [p. 34]
Qu'il faudra bien garder.

Croctin.

            Si c’est une gaillarde,
J'en auray bien du soin ne craignez rien Monsieur,
Vous pouvez vous fier à vostre serviteur*.

Florant.

Je laisse avecques vous une plaisante Dame,
400 C'est Lisette.

Croctin, bas.

Ha vrayement c’est une bonne lame120.
Monsieur ne craignez rien au temps que j’y seray.

Florant.

On voit certain Galand*,

Croctin.

            Que je le previendray.
Dite moy seulement comment il pourroit estre,
Est il grand.

Florant.

        Entre deux.

Croctin. bas.

                C'est peut estre mon Maistre.

Florant.

405 C'est un jeune blondin mais tout à fait bien fait,
En un mot c’est Fabrice.

Croctin. bas.

Ah voyla bien mon fait. [B6, 35]
Monsieur si vous vouliez j’ay certain camarade,
Qui vous serviroit bien car souvent il en garde,

Florant.

Va viste le trouver et reviens en ce lieu.

Croctin à Lisette

410 J'y vais, va t’en chercher ses habits.

SCENE V §

Clidamant, et Croctin, cachez, Florant.

Florant.

                A bon Dieu.
Je ne puis craindre rien, Juste Ciel quels delices,
Ah ! mon ame à present n’est plus dans les suplices
Je ne puis plus durer121, que mon bonheur est grand,
Qui te peut mieux servir que ce garçon Florand    
415 Heurtons chez mon voisin ah je vous tiens la belle,
Hola* Monsieur Fernant.

SCENE VI §

[p. 36]
Clidamant, Croctin cachez, Florant, Fernant. Dans sa Maison.

Fernant.

            Qui va là qui m’apelle.

Florant.

Mon cher voisin c’est moy je veux vous dire un mot,
C'est Florant.

Fernant.

        Je m’en vais la peste* soit du sot.
Que voulez vous voisin.

Florant

            Je vous demande excuse.
420 Je vous ay destourné.

Fernant.

            Nullement.

Florant.

                Car j’en use
Un peu trop librement.

Fernant.

            Point du tout.

Florant.

                    Escoutez.

Fernant.

Et bien je vous entends.

Florant.

            C'est bien fait vous doutez,
Que je viens de choisir deux garçons de courage, [p. 37]
Qui dedans ma maison feront nouvelle rage,
425 Ils se mettront en garde et de bonne façon,
Celuy qui m’a parlé parroist brave garçon.

Fernant.

Ont ils un Respondant.

Florant.

            Ouy voisin.

Fernant.

                    Legitime.

Florant.

C'est Monsieur Fernidant.

Fernant.

            Il est en bonne estime
Si vous suivez l’avis* d’un certain Quantenas122.

Florant.

430 Je le sçay, faut123 luy mettre un fort bon cadenas.

Fernant.

Ce seroit mon advis*.

Florant.

            Il faut que je le face.
Venez avecques moy que je la cadenace124.

Fernant.

Je le veux bien, allons chercher un cadenas.

Florant.

J'en trouveray bien un, que je crains l’embaras*.
Ils sortent.

SCENE VII §

[p. 38]
Croctin, Clidamant

Croctin.

435 Lisette met long-temps je sçay ce qu’il projette,
Mais la voicy qui vient. Et bien,

SCENE VIII §

Croctin, Clidamant, Lisette, un Arlequin portant un habit dans sa main.

Lisette.

                L'affaire est faite.
Ah Dieu ! qu’il est chagrain125.

Croctin.

                Il ne l’est pas pour peu.
Donnant de l’argent à l’Arlequin.
Voila pour vostre habit: allons Monsieur beau jeu.
Clidamant et Croctin se retirent, et l’Arlequin finit l’acte en dansant.

Fin du Second Acte.

[p. 39]

ACTE III. §

SCENE I. §

Clidamant, Croctin, Desguises

Clidamant.

Suis je bien à ton gré cher Croctin cette taille,
440 Que dis tu de ce port126,

Croctin.

            Je veux devenir caille
Si j’ay veu de ma vie homme mieux fagoté,
Ma foy vous ressemblez à ces pendus d’esté127,
Si ce n’est qu’au costé vous portez une espée,

Clidamant.

Que te sert de Railler*.

Croctin.

            Ma crainte est dissipée.
445 Monsieur il faut du moins songer à sa leçon,
Resouvenez vous bien du pays d’Alençon,
Tenez le quant à moy devant ce bourru d’homme
Parlez luy gravement je crains qu’il ne m’assomme,
Si vous parlez à luy trop franchement.

Clidamant.

                    Pourquoy.
450 Luy parlant franchement il ne peut rien sur toy
Outre qu’il ne sçay pas que c’est le stratageme.
Il ne peut pas deviner.

Croctin.

Isabelle elle mesme [p. 40]
Et Lisette pourroient rompre nostre projet.

Clidamant.

Pourquoy le feroit elle.

Croctin.

            Elle en a du sujet.
455 Peut estre que sçait on comme il en faut descoudre,
Elle ne s’y pourra peut estre pas resoudre,

Clidamant.

Je connois Isabelle elle est constante.

Croctin.

                    Point.
Laissons-là les leçons qui concernent ce point*,
Car j’en sçay plus que vous, et si128 je puis vous dire,
460 Que je suis amoureux, qu’en secret je soupire.

Clidamant.

Tu serois amoureux tu te mocque,

Croctin.

                Pourquoy.
Si vous estes amant* ne le suis je pas moy,
Croyez vous que l’amour ne me rompt pas la teste,
Quoy que je sois valet, peste* soit de la beste,
465 Je suis de chair et d’os aussy bien comme vous,
Pouquoy ne pas l’aimer son visage est si doux.

Clidamant.

Lors que tu me disois ce que tu viens de dire,
J'ay creu que tu raillois*.

Croctin.

Point du tout je souspire. [p. 41]
N'en doutez plus et c’est pour Lisette aussy bien,
470 Elle a beaucoup de fonds* du moins si je n’ay rien,
Je sçay bien les moyens sur quoy je me repose,
Me voyant devant moy quelque petite chose,
Pour vivre gayement sur la fin de mes jours,
Et de couronner l’œuvre apres tous mes amours,
475 Je vous raconte tout ainsy que je le pense,
Et pretends me fier à vostre intelligence129,
Mais le voicy qui sort.

SCENE II §

Clidamant, Croctin, Florant.

Florant.

            Te voila de retour,

Croctin.

Voila mon Compagnon je la tiendray de court130,

Florant.

Comment vous nomme t’on.

Croctin.

Il s’appelle Candasmes131.
480 Monsieur ne craignez rien il garde bien les femmes,
Il les serre de pres pour moy je suis Croctin.

Florant.

Il faudra bien garder le soir et le matin, [p. 42]
Que personne ne vienne et sur tout bonne veuë.

Croctin.

Ne craignez rien Monsieur je n’ay pas la berleüe132.

Clidamant.

485 Pour garder cette fille il ne faudra que moy,
J'en responds corps pour corps133.

Florant.

                Et que feras tu toy.

Croctin.

Qui moy j’empescheray que personne ne sorte,
Et je fermeray bien soigneusement la porte,
Ce sera mon office134 et sans laisser entrer,
490 Qui que ce soit ...

Florant.

        Entréz il faut tout esperer

SCENE III. §

Croctin écoutant à la porte de Florant, Fernant.

Florant à Fernant.

Il faut ...

Fernant.

Esprouvons les voisins s’ils sont fidelles,
Et s’ils ne seroient point de fausses Sentinelles,
Allons nous deguiser le voulez vous voisin.

Florant.

J'y consens volontiers, achevons ce dessein*. [p. 43]

SCENE IV §

Clidamant, Croctin, Isabelle, Lisette.

Isabelle.

495 Personne ne croyroit vos aparances fausses,

Croctin.

Que je m’en vais tantost bien leur tailler des chausses,
Vous sçavez que bien-tost le jaloux doit venir
Avecques son voisin pour vous entretenir,
A l’heure il se deguise et d’une humeur altiere,
500 Ils viendront degoiser de la belle Manière,
Je les rosseray bien songez à vous Monsieur.

Lisette.

Escoutez je fais tout pourveu* que son honneur…

Clidamant.

Je croy que vous serez de mon costé Lisette.

Croctin.

Elle se met tousjours du costé de la Brette135.

Lisette.

505 Ne craignez rien Monsieur je vous soutiendray bien.

Croctin.

Ouy ! mais pour moy Monsieur qui sera mon soutien ?

Clidamant.

Va ne crains rien Croctin. [p. 44]

Isabelle.

            Reçois ces dix pistoles.

Croctin.

Ah l’excelent soustien ! agreables paroles !

Clidamant.

Sans plus tarder Madame il faut sortir d’icy,
510 Vous sçavez que c’est vous qui faites mon soucy*.
Que je vous aime enfin.

Croctin.

            Et qui vous fait paroistre,
Qu'il est plus amoureux que n’est vostre vieux traistre.

Lisette.

N'y consentez vous pas.

Isabelle.

            Ah je tremble.

Lisette.

                    Pourquoy.

Isabelle.

S'il nous alloit trouver.

Lisette.

            Vrayement voire ma foy.
515 Il songe bien à nous, n’avez vous pas des gardes,
Mocquez vous de cela prenez viste vos hardes.

Croctin.

Lisette est tout de Cœur je l’aime tout à fait136,
Je vous l’avois bien dit qu’elle seroit mon faict*,
M’aime tu bien.

Lisette.

Ouy da*. [ 45]

Croctin.

            Bon chacun sa chacune,
520 Tu n’auras point du tout avec moy de rancune,
Tu verras que quand j’aime il n’en sort pas pour peu,
Puis nous ferons sortir de l’eau de nostre feu*.

Lisette.

Ton esprit n’est jamais remply que de sottize.

Croctin.

C'est pour te faire voir que je t’aime ma Lise,
525 Et tous ces beaux transports* ces discours que je fais,
C'est pour faire la guerre à tes friands attrais.

Isabelle.

J'y consens Clidamant vous m’aimez.

Clidamant.

                    Je vous aime,
L'amour m’en est tesmoin mon ardeur* est extreme.

Croctin.

Mais nos vieux Roquentins137 s’en vont bien-tost venir,
530 Laissez moy je sçauray bien les entretenir,
Et leur monstrer combien la gloire nous est chere,
Je voy desja Florant vestu comme un compere138,
Entrez viste je vais leur parler comme il faut, [p. 46]
Et leur faire gagner sans discourir le haut,
535 Nous Monsieur s’il vous plaist ayons bonne cervelle,
Car il en faut avoir faisant la Sentinelle,
Regardons bien les gens qui nous approcheront,
Et remarquons tous ceux qui nous aborderont,
Ils s’en viennent à nous mettons nous à la porte,
540 Car il nous a bien dit que personne ne sorte.

SCENE V §

Clidamant, Croctin, Florant, Fernant desguises.

Florant.

Madame est elle icy ? cher amy dis-le nous,
Est-il icy Florant ?

Croctin.

        Non que luy voulez vous.

Florant.

Estant absent mon cher je voudrois voir la femme,
Qu'il pretend espouser.

Croctin.

            Demandez vous Madame,
545 Sortez d’icy Monsieur je vous estropieray,
Ou bien sy vous montez vous sautrés le degré.

Fernant.

Nous sommes des amis. [p. 47]

Florant.

            Eh fais nous cette grace*.

Croctin.

Pour cette grace* non, cette grace* est trop grasse.

Clidamant.

Ils raisonnent je croy il faut leur donner cent coups.

Fernant.

550 Retirons nous voisin,

Croctin.

            Retirez vous filoux.
Ils les font sortir à coups de baton.

SCENE VI §

Croctin, Clidamant.

Croctin.

Nous sommes des frapeurs les plus hardis de France,
Ils sont bien estonnez*.

Clidamant.

            Sans doute.

Croctin.

                    Je le pense,
Ils ont sujet de l’estre et plus que nous je croy,
Monsieur retirons nous ils viennent sur ma foy.

SCENE VII §

[p. 48]
Florant, Fernant

Florant.

555 Que j’ay de bons portiers cher voisin, que je meure,
Si je ne vais quitter la maison tout à l’heure,
Allons nous en chez vous prendre nos vestements,
Nos danseurs sont tous prests puis nous irons aux champs139.

Fernant.

Vous serez plus heureux tantost qu’un Roy d’Escosse.

Florant.

560 Je veux que vous veniez pour dancer à ma noce,
La fille m’aime fort puis je n’y perdray rien,
J'en auray du plaisir Croctin la garde bien,
Allons depeschons nous.

Fernant.

            Que j’ay mal aux espaulles.

Florant.

Ces coquins* ont usé sur nous plus de vingt gaulles140.

Fernant.

565 C'estoit un bon baston j’en ay os rompus.

Florant.

Allons changer d’habits nous sommes bien repus141,
Puis apres nous irons sans prendre un plus long terme, [p. C, 49]
Voir ce qu’on dit de bon dans ma petite ferme

Fernant.

Allons, je le veux bien passez Monsieur Florant.

Florant.

570 Passez devant passez, passez Monsieur Fernant.
Il entre dans la maison de Fernant.

SCENE VIII §

Croctin, Lisette.

Croctin.

Je feray ce qu’il faut, fais les sortir Lisette,
Et qu’ils aillent ailleurs faire leur amourette,
Pour toy tu m’es acquise et je m’en souviens bien.

Lisette.

Je suis à toy Croctin.

Croctin.

            Touche tu ne tiens rien,
575 Fais les viste venir.

Lisette.

        Ils viennent que je pense.

Croctin.

Bon, je les apperçois nostre affaire s’avance,

SCENE IX §

[p. 50]
Clidamant, Isabelle, Croctin, Lisette.

Clidamant.

Madame il n’est plus temps de rien dissimuler,
C'est à moy de me taire et vous devez parler,
Si vous pouvez m’aimer je vous aime de mesme,
580 Vous m’avez esprouvé puis que ce stratageme,
N'est fait que pour vous seule et je vous dis assez,
L'amour m’a commandé, Madame.

Lisette.

                Obeïssez,
A quoy sert entre nous un si plaisant langage,
Si Monsieur vous veut bien avoir en mariage.
585 Et que vous l’aimiez bien qu’importe t’il ?

Croctin.

                    Vrayement,
Pourquoy nous contez vous tout ce haut allemant142,
Il n’est rien plus certain que pour Mademoiselle,
Je suis fort asseuré qu’elle sera fidelle,
Mon Maistre asseurement luy tiendra bien sa foy.

Isabelle.

590 Je n’y resiste plus .., [p. C2, 51]

Lisette

        Je m’engage bien moy.
Isabelle donnant un bracelet de ses cheveux à Clidamant143.

Isabelle.

Pour marquer mon amour prenez cecy pour gage,
Je m’abandonne à vous.

Clidamant.

            Mon cœur est en ostage,
Allons Madame allons qu’il y soit à jamais,
Nous trouverons moyen de faire vostre paix.

Croctin à Lisette

595 Pour moy je ne crains point que l’on nous desassemble,
Et si144 nous pourrons bien coucher ce soir ensemble.

Lisette.

Croctin je te promets de vivre sous ta loy.

Croctin.

Je te caresseray comme il faut sur ma foy.
Ils sortent.

SCENE X. §

Florant, Fernant

Florant.

Nos gens ont fort bien fait je ne le sçaurois taire,
600 Ils nous ont bien batu. [p. 52]

Fernant.

            Je n’y sçaurois que faire.
Mais de peur d’estre pris en ces lieux pour Galands.
Entrons dans la maison.

Florant.

            Personne n’est dedans ...
Helas ! je n’en puis plus, ma cervelle est troublée,
Mon esprit ne va plus, j’ay la teste feeslée*,
605 Mon cœur vient de sortir on vient de le voler,
Ah ! voisin je suis mort.

Fernant.

            Il faut vous consoler.

Florant.

Je crains que ce ne soit le Marquis Ridicule,
Qu'en dites vous.

Fernant.

        C'est luy, quelle dure pilule
Il faut vous consoler doucement mon amy,
610 Et ne pretendre pas l’avaler à demy,
Il faut vous consoler ils reviendront peut estre.

Florant.

Ils ne reviendront pas, Ah ! chien de portier traitre !

SCENE XI. §

[p. C3, 53]
Carlos, Florant, Fernant.

Carlos.

Monsieur je viens icy pour Monsieur Clidamant,
Vous porter ce billet*.

Fernant.

            Voyez son compliment.

Florant.

LETTRE

MONSIEUR.

Vous devez estre sans doute surpris de la maniere que j’en agis avec vous, c’est moy qui ay gardé Isabelle chez vous avec Croctin mon valet, elle est entre mes mains, et si vous souhaitez nostre alliance, vous aurez la bonté de me le faire sçavoir par le porteur de ce billet*.

                                                                   Clidamant.

Florant apres avoir leu continuë.

615 Il ne l’aura jamais.

Carlos.

            Son amour est extreme.

Fernant à Florant.

Vous ne pouvez l’avoir donnez luy.

Florant apres avoir un peu resvé*.

                    Bien qu’il ayme,
Faites les moy venir que je les voye un peu. [p. 54]
Carlos sort.
Tenez mon cher voisin, j’ay perdu tout mon feu*,
Mon amour s’est passé.

Fernant.

            Voisin j’en suis bien aise*.
620 Vous estes tout changé.

Florant.

            Je n’estois rien que braise
Mais je les aperçois qu’ils viennent droit à nous.

SCENE XII. §

Clidamant, Isabelle, Florant, Fernant, Croctin, Lisette.

Isabelle.

Je me jette à vos pieds.

Florant.

            Levez vous levez vous.

Clidamant.

Monsieur puis-jé esperer cette beauté que j’ayme.

Fernant.

Ouy ouy.

Clidamant.

S'il est ainsi mon bon-heur est extreme.

Florant.

625 Elle est à vous Monsieur. [p. 55]

Clidamant.

            Ah que je suis heureux !
Madame.

Florant.

C'est assez, aimez-vous bien tous deux.
Il faut nous divertir.

Clidamant.

            Ah Monsieur quelles graces* !

Florant.

Appelle nos danseurs.

Croctin.

            Hola* Clincantes faces.
Dansez.
Pendant que les danseurs venus en habit de Balet, dansent, Florant dit à Clidamant pour empescher qu’il ne parle à Isabelle devant luy.
Ils dansent bien considerez leurs pas.

Croctin.

630 Laissez les faire allez ils n’y manqueront pas.
Apres que le Balet est fini chacun se retire et comme Croctin veut se retirer aussy, Lisette le retient et luy dit.

Lisette.

Tiendras-tu ta promesse.

Croctin.

            Ouy si tu tient la tienne.
Deusse-je estre cocu je veux tenir la mienne.
Touche la.

Lisette.

Je le veux. [p. 56]

Croctin.

            Allons nous marier
Et ne songeons apres qu’à bien multiplier.

FIN.

Lexique §

Pour expliquer les mots dont le sens a changé depuis le XVIIe siècle on s’est en servi des dictionnaires suivants

A - Académie française, Dictionnaire, Paris, J.-B. Coignard, 1ère, 2ème, 3ème avant-premières éditions de 1687, 1690, 1694.
F - Furetière, Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts, La Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers; rééd. SNL-Le Robert, 1978 (3 vol.). 1690
M - Moreri, Louis, Le Grand Dictionnaire historique ou Le mélange curieux de l’histoire sacrée et profane, 1683 (2 vol.).
R - Richelet, P., Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise… avec les termes les plus connus des arts et des sciences, Genève, J.-H. Widerhold, 1680 (2 vol.).
Air
« Mine, physionomie, traits du visage » ;
« Manière d’agir, de parler, de vivre, soit en bonne, pou en mauvais part » (F) dédicace.
Aise (être bien)
« Joyeux, content » (A)
V. 619.
Altesse
« Titre d’honneur qu’on donne aux Princes » (M)
Amant
« Celuy qui aime d’une passion violente et amoureuse » (F)
V. 37, 211, 462.
Au XVIIe siècle, le mot « amant » signifiait « celui qui aime et qui est aimé » et le mot « amoureux » signifiait celui « qui aime sans être aimé en retour » (R).
Appas
« Il se prend figurement pour tout ce qui attire, qui engage à faire quelque chose. » (A)
V. 174.
« Au pluriel, se dit particulièrement en Poësie […] en parlant des attraits & de la beauté des femmes. » (A)
V. 217.
Ardeur
« Se dit figurément en Morale, et signifie, Passion, vivacité, emportement, fougue. Il faut aimer ses amis avec beaucoup d’ardeur. » (F)
V. 91, 227, 528.
Avis (advis)
« Il signifie aussi Conseil, délibération » (A)
V. 429.
« Opinion, sentiment » (A)
V. 431.
Billet
« Petit éscrit, petite lettre qu’on envoye pour apprendre ou negotier quelque chose. La mode est venue d’escrire par billets sans signature ni souscription, au lieu des lettres de ceremonie. (F)
V. 8, 614, lettre de Clidamant.
Billette
« En termes de Blason, est une piece solide dont on charge l’Escu, qui est faite en forme de quarré long. Il y a des billettes de metail, et d’autres de couleur. » (F)
V. 8.
Berner
« Se dit figurément pour Balotter, railler quelqu’un, le faire servir de joüet à une compagnie » (F)
V. 99.
Boutade
« Caprice, transport d’esprit qui se fait sans raison et avec impetuosité. » (F)
V. 188.
Cajoller (cajoler)
« Tascher de seduire une femme ou une fille par de belles paroles. » (A)
V. 348.
Se chausser
« On dit fig. Se chausser une opinion dans la teste, pour dire, se l’imprimer bien avant, et en sorte qu’on ne l’en puisse faire sortir. Il se prend presque toûjours en mauvaise part. » (A)
V. 131.
Coquin
« On le dit encore par injure d’un homme infame et lasche, qui fait des bassesses et des perfidies, et autres actions indignes d’un homme de cœur et d’honneur. Il ne vaut rien, c’est un coquin qui meriteroit d’estre etc. un meschant coquin. ah ! le coquin, il a trahi son ami. il n’a pas voulu se battre, on le traittera en coquin, c’est un coquin d’honneur. » (A)
V. 228, 564
« Blistre, maraut, gueux, faineant, fripon. C'est un coquin, une coquine. un tas de coquins. il en est jaloux comme un coquin de sa besace. voilà un beau coquin pour pretendre à une si haute charge. elle a espousé un coquin. » (A)
V. 170.
Couroux (courroux)
« Colere. Son plus grand usage est dans le genre sublime et dans la poësie » (A)
V. 126, 262.
Crocheteur
« Signifie un Portefaix des fardeaux sur des crochets. Ce Laquais est trop chargé, on luy a donné la charge d’un Crocheteur. » (F)
Da
« Interjection qui sert à augmenter l’affirmation ou la denegation : c’est un terme populaire » (F)
V. 519.
Damoiseau
« Jeune Gentilhomme qu’on appeloit ainsi avant qu’il fust Chevalier »
« Se dit aussi ironiquement d’un homme qui fait le beau fils, qui affecte trop de propreté » (F)
V. 130.
Dessein
« Plan, projet, élévation et profil d’un ouvrage qu’on veut faire. » (R) ;
« Resolution de faire quelque chose, intention, projet, pretention. » (A)
V. 1, 494.
Devant
« Il est aussi preposition de temps et d’ordre. » (A) ; devant = avant145
V. 117, 208.
Diablerie
« Meschanceté, malice cachée, malheur, empeschement dont l’on ne connoist point la cause. Il y a quelque diablerie là dedans. cette machine ne va point, il y a là quelque diablerie. » (A)
V. 144.
Embaras (embarras)
« L'irresolution dans laquelle on se trouve souvent lors qu’on ne sçait quel parti prendre, ny par quelle voye sortir de quelque difficulté. » (A)
V. 144, 434.
Emporter
« Se dit en parlant des violentes agitations de l’ame. Cet homme est emporté, quand il est amoureux » (F)
V. 95, 133, 170, 188.
Estonner
« Causer à l’ame de l’émotion, soit par surprise, soit par admiration, soit par crainte. » (F)
V. 285, 349.
« Il signifie figurément Esbransler, faire trembler par quelque grande, violente commotion. » (A)
V. 552.
Faict (fait)
« Ce qui est propre et convenable à quelqu’un. » (A)
V. 518.
Fantaisie
« Humeur, volonté » (A)
V. 82.
« Caprice, bizarrerie » (A)
V. 112.
Faquin
« Homme de neant, vil, abjet, qui a l’ame basse. » (A)
V. 169.
Feslé (-ée)
« On dit qu’Un homme a la teste feslée, le timbre feslé, pour dire, qu’Il est un peu fou. » (A)
V. 604.
Feu
« Se dit figurément en choses spirituelles et morales de la vivacité de l’esprit, de l’ardeur des passions » (F)
V. 522.
« On dit d’un homme en colère », « Inflammation, ardeur. »
V. 261, 339.
« On dit aussi d’un homme amoureux »
V. 352, 522, 618.
Flamme
« La passion de l’amour. » (A)
V. 175.
Fond
« Se dit figurément des choses spirituelles. Il ne faut pas pretendre connoistre à fond tous les misteres sacrez: c’est une mer qui n’a ni fond, ni rive. Dieu est le seul qui connoist le fond des cœurs. Il n’y a de bonnes prieres que celles qui se font du fond du cœur, c’est à dire, avec grande affection. » (F)
V. 49, 87, 269.
Fons (fonds)
« Se dit encore d’une somme d’argent alienée, comme si c’estoit un heritage, à la charge d’en payer une rente qui tient lieu de fruits. En payant les arrerages d’une rente, on ne sçauroit en demander le fonds, le capital. » (F)
V. 470.
Furie
« Passion violente de l’ame qui la transporte, qui outre sa colere. En ce sens c’est la même chose que Fureur. Il est dangereux dans sa furie, quand il est entré en furie. » (F)
V. 152, 235.
« Se dit aussi de tout ce qui se fait avec ardeur, promptitude, courage, impetuosité. Dans un combat la premiere furie des François est dangereuse à soûtenir, à essuyer. cet affamé mange avec furie. ce Basque, ce postillon courent avec furie, avec grande promptitude. ces habitans travailloient avec grande furie aux fortifications de leur ville. » (F)
V. 143, 276.
Galand
Substantif et signifie Amant, amoureux (A) « amant qui se donne tout entier au service d’une maistresse » (F)
V. 163, 402.
Genon
« On dit par injure d’une laide femme » (A)
V. 197.
Gile (Gilles)
« C'est un nom propre d’homme qui est venu en usage dans cette phrase proverbiale. Faire Gilles, pour dire s’enfuir. Ce proverbe vient de ce que St. Gilles Prince de Languedoc s’enfuit secrettement de peur s’estre fait Roy. » (F)
V. 86.
Grace
« Plaisir, faveur. Faire une grace à quelqu’un. »  (R)
« Amitié, bienveillance » (R)
V. 627.
Harlequin
« Farceur, Basteleur : c’est le nom qu’on donne au Bouffon de la Comedie Italienne, aux valets des danseurs de corde, et ce qui ont des habits bigarrez et chargez de pieces de differentes couleurs. » (F)
Hola
« On se sert du mot hola pour prier, ou pour commander d’agir plus doucement. [Hola ne pressez pas tant. Mol.] » (R)
V. 416, 628.
Imposer
« Tromper, dire une faussette » (F)
V. 213.
Industrie
« Dexterité, adresse à faire quelque chose » (A)
V. 151.
Interdire (interdit)
« Se dit de ceux qui se troublent, qui s’estonnent, et qui ne sçauroient parler raisonnablement » (F)
V. 1.
Lorgner
« Regarder quelqu’un de travers et du coin de l’œuil. On lorgne par un desir de voir et de posseder quelque chose, sans qu’on en fasse semblant, la regarder à la desrobée » (F)
V. 201, 266.
Mastin
« Gros chien de cuisine, ou de bassecour … des hommes grossiers, mal basris de corps, ou d’esprit. » (F)
« Gros chien que l’on ne dresse pas à la chasse, mais à garder une cour, un troupeau etc. Gros mastin. On appelle fig. un homme, Mastin, quand il est grossier et mal fait. Voyez ce gros mastin. c’est un laid mastin, un vilain mastin. » (A)
V. 74, 378.
Maistresse
« Les amans appellent, Maistresses, Les filles ou les femmes qu’ils aiment » (A)
Mugueter
« Faire le galant, le cajolleur, tascher de se rendre agreable à une Dame. » (F)
V. 130.
Mouchart (mouchard)
« Espion qui s’attache à suivre secretement une personne pour en donner des nouvelles à la Justice. On les appelle aussi, Mouches » (A)
V. 20.
Obliger
« Il signifie aussi, Imposer necessité de dire ou de faire quelque chose. » (A)
V. 135
« Faire plaisir, rendre de bons offices à quelqu’un » (A)
« Signifie plus generalement, Faire quelque faveur, civilité, courtoisie. » (F)
V. 138, 148.
Peste
« Se dit quelquefois par admiration, ou par imprecation, ou serment. » (F)
V. 72, 378, 418, 464.
Point
« Adverbe de negation. Pas, nullement. En voulez-vous ? Je n’en veux point. je ne doute point que cela ne soit. ne voulez-vous point venir ? il n’a point d’argent. » (A)
V. 9, 47, 58, 122, 250, 265, 267, 274, 331, 333, 335, 343, 421, 468, 492, 520, 595.
« Se dit aussi, De ce qu’il y a de principal dans une affaire, dans une question, dans une difficulté. C'est là le point de l’affaire. vous ne touchez pas le point de la question. » (A)
V. 97, 121, 458.
« Se prend encore pour Estat, situation, disposition, soit dans la santé, soit dans la fortune. » (A)
V. 191.
« Se prend aussi dans les choses morales pour Degré, periode. Il faut railler, mais jusqu’à un certain point. sa reputation est arrivée à un point que, etc. il se chagrine de tout à un point. il en est affligé à un tel point. il est au plus haut point de sa gloire. En ce sens on dit adv. Au dernier point, pour dire, Extrémement, excessivement. Il est brave au dernier point. insolent au dernier point. heureux, malheureux au dernier point. elle est laide au dernier point, belle au dernier point. » (A)
V. 91, 131, 273.
Pouponne
« Terme caressant, dont on se sert pour mignarder les jeunes femmes » (F)
V. 201.
Pourvoir
« Donner ordre à quelque chose. » (A)
V. 502.
Railler
« Moquer, joüer. […] Faire des railleries. Se divertir par des railleries. » (R)
V. 444, 468.
Se railler
« Se rire de quelque chose, ou de quelque personne, s’en moquer, n’en faire nul cas, ne s’en pas soucïer. » (R)
V. 190.
Raillerie
« Mot plaisant et satirique, moquerie. » (R)
V. 236, 275.
Resver (Rêver)
« Penser fortement à une chose, y songer. [Je rêve à mon sort inhumain. Scaron. Il faudroit réver quelque incident. Moliere, Critique de l’Ecole des Femmes, s. 6. † Réver à la Suisse, c’est ne réver à rien.] (R) scène XI « Florant apres avoir un peu resvé. »
Didascalie v. 616
Service
« En termes de civilité, pour offrir sa personne ou ce qu’on possede » (F)
« On dit par compliment, Je suis à vostre service, ma bourse est à vostre service. comment vous portez-vous ? à vostre service. » (A)
V. 147, 259.
Serviteur
« Qui revere quelqu’un, qui luy obeït, qui le sert ... »
« Un serviteur domestique, celuy qui est aux gages d’un maistre ... »
« On se sert aussi de cette formule pour clorre toutes les lettres, ou pour faire des compliments et des adieux. Je suis vôtre tres-humble, tres-affectionné, et tres-obeïssant serviteur. » (F)
Soucy
« Signifie aussi, Chagrin, inquietude d’esprit, peut-être à cause qu’il fait devenir jaune. » (F)
V. 510.
Suivante
« Qui suit, qui marche, qui vient aprés. Une honneste femme ne doit point sortir sans être accompagnée d’une suivante. » (F)
Transport
« Se dit aussi figurément en choses morales, du trouble ou de l’agitation de l’ame par la violence des passions. » (F)
V. 525.
Transporter (transporté)
« On dit, que La colere, la joye transporte un homme, pour dire, qu’Elle le met hors de luy-mesme. » (A)
V. 152, 227.
Vallet (valet)
« Serviteur domestique. ... Il y a plusieurs sortes de valets : valet de chambre, valet de garderobe, valet de pied, valet de chiens, valets de cour, valet à tout faire etc. » (F)

Présentation des annexes §

Dans les Annexes nous proposons quatre actes notariés qui ont été passés par la troupe de Nanteuil quand elle séjournait à Angoulême en 1685 (I-III) et en 1697 (IV). Ils présentent un intérêt particulier puisque c’est un exemple des actes que les comédiens passaient souvent au XVIIe siècle. Ils montrent les sujets de ces contrats et leurs nuances. Les trois actes (I, III et IV) contiennent les parties obligatoires : le nom du document, la date, la liste de ceux qui participent à l’affaire, le sujet de ce contrat, l’endroit, où l’acte est fait et les signatures des participants. L’annexe II est un ajout au contrat qui le précède, c’est pourquoi on n’y trouve pas tous les éléments mentionnés.

Les annexes I et II montrent un contrat pour louer et aménager le théâtre où sont précisés tous les travaux nécessaires et le prix de cette entreprise. Dans ce cas la somme de quarante-quatre livres a été payée en deux fois : le paiement de la deuxième partie de la somme fixée dans le premier contrat est reflété dans un petit acte qui le suit. Les annexes III et IV représentent les contrats de l’Association des comédiens qui étaient indispensables pour toute troupe de théâtre qui voulait jouer dans telle ou telle ville. Dans les deux cas les comédiens se sont réunis pour la durée d’un an, ce qui était la durée habituelle pour les troupes. Nous y trouvons la liste de tous les acteurs, d’autres gens que la troupe engage (gardienne de la porte du théâtre, maîtres de danses qui dansaient et jouaient du violon) en précisant le salaire pour chacun (IV) et la répartition des rôles (III).

Tous les actes notariés sont cités d’après le travail d’Emile Biais dans Réunion des Sociétés des Beaux-Arts146 de 1904, sauf une partie de l’annexe III qui est prise de l’article La troupe de Nanteuil à Angoulême en 1685147 de Georges Monval publié dans Le Moliériste en 1888, car elle y a été plus précise.

Annexe I : Marché du théâtre de la comédie §

5 feburier 1685

« Furent présens Denis de Nanteuil, comédien du Roy estant à présent en cette ville d’Angoulesme, logé au Cerf, d’un part, et Jean et Guillaume Boisdon et Michel David, maistres charpantiers, demeurant audit Angoulesme, d’autre part, entre lesquelles partyes a esté fait le marché qui s’ensuit. Scavoir est que les dits srs Boisdon et David ont entrepris et je sont obligez de faire un théâtre dans la partye de l’apartement de la maison que ledit sr De Nanteuil a loué du sr Puyrenaud, en cette ville avec les ailes pour les décorations et les élongnements de la hauteur que ledit sr de Nanteuil le jugera à propos, feront aussy un petit théâtre en hault, - fourniraont de bonnes traverses et planches pour travailler aux machines et pour eschafauder, afin que les ouvriers machinistes puissent travailler en toute sûreté, poser les tours pour les machines et pour y atacher les cables audit théâtre, une trape pour le Festin de Pierre, bien feront clouer et conditionner ledit théastre etseront le plas fonds de la haulteur nécessaire, ce qui lui sera désigné par ledit sr de Nanteuil ; seront les dits entrepreneurs obligés de fournir les chassis des portes, la barrière du portier comme elle sera marquée, la loge pour les violons, les planches nécessaires pour les machines, un petit degré monter sur le theastre et faire les plans pour habiller les comédiens ; seront tenus les preneurs d’oster le mur de séparation ou muraille de refend qui sépare la salle du dit sr de Puyrenaud d’avec une autre chambre pour y faire le dit théastre et le parterre sans rien oster […….] mortaises […….] partyes du logement où ledit mur ou séparation est attaché ……    planchers de planches et au cas qu’en les ostant ils gastent quelque chose ils ont promis de le restablir à peine de tous despens, dommages et intérests.

«  Le marché fait la somme de quarante-quatre livres, dont ils ont esté payé comptant par ledit sr de Nanteuil, la somme de neuf livres et le surplus sera payé à proportion du travail ou dans le jour de Carnaval. Et à l’entretènement des présents, les patyes ont obligé et hipothéqué tous les biens présents et futurs, les dits entrepreneurs solidairement l’un pour l’autre un d’eux seul pour le tout [….] admission, discussion et ordre jugés […….]

« Fait et passé à Angoulesme, estude du notayre, après midi, le cinquiesme jour de feburier 1685, en la présence de Pierre Gouuin, sr de La Grave, et de Jean Cholet, cler, demaurant audit Angoulesme, qui ont signé avec les dits srs de Nanteuil et David ; les aultres ont déclaré ne scavoir signer …

« [Signé] : M. David. – Gouuin. – Cholet. – De Nanteuil. – Jehen, nore royal réservé Angoulesme »148

Annexe II §

« Le septiesme jour de mars audit an (1685) furent présente les dits Boisdon et    David                   avons receu de Jacques Valliot, comédien du roy, la somme de trente-cinq livres restant à payer du marché porté par le contrat cy-dessus, dont ils se sont contentés et leu ont quitté et quittancé et des associés et ont promis de rendre le dit sr de Vouillac comme suivant et conformèment audit contrat.

« Fait et passé à Angoulesme, au logis du dit sieur Valliot, en la présence de Mr Daniel Tullier, procureur au siège présidial d’Angoulesme, et de Joseph Delavigne, maistre tailleur d’habitz, demeurant audit Angoulesme … »149

(Signatures.)

Annexe III : Association des Comédiens §

13 fevrier 1685

« Furent présents Denis Clerselier, sieur de Nanteuil, demoiselle Martine Lhomme, sa femme, qu’il a authorisée, Jacques Vailliot, demoiselle Clotilde Leriche, sa femme, qu’il a autorisée, demoiselle Judic Chabot de La Riville, Jean Bergé, demoiselle Marianne de Broutiers, sa femme qu’il a authorisée, Jacques Primaut, sieur Dumon, Jean de Loste, sieur de Chanuallon et Jean Fleury, comédiens du Roy, estant à présent en cette ville d’Angoulesme, lesquelles partyes se sont associées dans tous les profits quelles feront jusques au jour des Cendres de l’année prochaine mil six cens quatre vingt six, quelles joueront ensemble, les quels proffits seront partagés par teste entre les associés lesqueles seront tenus de jouer leurs roolles selon le repertoire qu’ils tiendront, et ledit sr Bergé sera tenu d’assister dans touttes les oièces où il ne jouera pas. Seront les frais nécessaires faits à frais communs. Sera payé à demoiselle Magdelaine Clercelier trente sols tous les jours qu’ils joueront. Sera tenu ledit sr Bergé de faire joüer demoiselle Hipolite Bergé dans les pièces d'Adonis, du Bourgeois Gentilhomme, d'Andromède et le Festin de Pierre et aux autres pièces qui se mettront à l’advenir quand la Compaignie jugera qu’il sera nécessaire qu’elle joue lorsque ladite dlle Magdelaine Clercelier sera occupée, sans aucuns salaires. Laquelle société commencera le premier jour de Caresme de la pnte année et durera jusqu’aud. Premier jour de Caresme de l’année prochaine sans que aucun des associés puisse aller contre les conventions de la communauté ny quite hors le consentement des autres à peine de cinq cens livres qui sera payée par celuy qui quittera aux autres associés, sans laquelle condition ces pntes n’auroient été accordées. Et à l’entretenement des pntes les partyes ont ont obligé et hipotéqué tous leurs biens présents et futurs, renonçant, etc. jugés etcondamnés et soumis150.

Fait et passé à Angoulesme au logis dudit sr de Nanteuil après midy le troise jour de feburier mil six cens quatre vingtz-cinq, en la présence de Jean Cholet, clerc, et de Joseph De La Vigne, mtre tailleur d’habits, demeurant audit Angoulesme, qui ont signé avec les partyes, à la réserve du dit de La Vigne, qui a déclaré ne scavoir signer de ce enquis.

[Signé :] « Clerselier de Nanteuil. – Valliot. – Bergé. – De Lhoste. – De Chanvallon. – Primault. – Fleury. – Marie-Anne de Broutier. – M. Lhome. – Clotilde Riche. – Judit Chabo Larinville. – Cholet. – Jeheu, nore royal réservé, Angoulesme. »151

Annexe IV : Association de « Comédiens du Roy » §

6 février 1697.

« Furent présants en leurs personnes Charles Lebiet, sieur de Beauchant, François Delabarre, Jean-Baptiste Delanoue, Ange-François de Belleroche et Marie-Marthe Chartron, son épouse, de luy dhuement octorisée, damoiselle Marie-Anne Lescosois, veuve du sieur Lefèvre, et damoiselle Anthoinette Lefèvre, sa fille, damoiselle Marianne Febvrier, fille dudit sieur Delabarre, de luy dhuement octorisée, Denis Clerselier, sieur de Nanteuil et damoiselle Marie de Basroy, son espouse, aussi deluy dhuement octorisée, tous comédiens du Roy, estants de présant en cette ville d’Angoulesme, lesquels de leurs bon grés et vollontés, se sont tous associés ensemble pendant une année, à commencer au jour du mercredi des Sendres prochain et finissant à pareil et semblable jour de l’année prochaine mil six cens quatre vingt dix-huit, pour représenter la commédye, partager ensemble tout ce qui en proviendra, faire tous les frais qu’il faudra faire. Egalement, de plus, ladite société s’engage à donner, chesque jour de représentation, à damoiselle Elisabel Petit, femme du sieur Delabarre, 20 sols par jour pour être restablye au bureau pour recevoir l’argent et distribuer les billets.

« De plus, ladite société s’engage en oultre de ne mettre ny establir à la porte aucune portière, mais un portier ; et, s’il ne s’en rencontre point, elle prendre ledit poste de la porte à son ordinaire.

Plus la dite société donnent (sic) aussy à dame Louise Fremy, femme du sieur de Beauchant, 20 sols aussy chesque jour de représentation, pour garder la porte du téastre. Et ne pourront les dites parties se désister de ladite société pendant ladite année, sur peyne de 500 livres, par forme dhommages intérests.

« Et oultre ce que dessus, la dite société a engagé avecq eux Philipes Beaujean et Estienne Beaujean, son frère, maistres de dances, aussy de présant en cette ville, stipullant et acceptant, pour jouer du violon lors des dites re présentations de commédye et denser touttefois et quentes qu’il en sera besoin, et ce pendant ledit temps d’une année, à commencer audit jour de mercredy des Sendres prochain et finissant à pareil jour, moyennant chescun 30 sols lors de représentation ; et ne pourront quitter ladite société pendant ledit temps, soubz les peynes de chescun 500 livres, comme est dit cydessus.

« Et à l’entretement de tout ce que dessus les parties ont obligé et ypotéqué tous et chescuns leurs biens présants et futurs, renonçant, etc…

« Fait et passé en la ville d’Angoulesme, maison de Geoffroy Garnier, maistre pasticier, avant midy, le sixiesme febvrier mil six cens quatre vingt dix-sept, en présance dudit Geoffroy Garnier et de Jean Jendron, praticien, demeurant audit Angoulesme, témoings requis quy ont signé avec les dites parties.

[Signé :] « Clerselier de Nanteuil, – Baroy, – Chartoun, – Lanoue, – Labare, – Le Febvre, – Renaud, – Mariane Labare, – G. Garnier, – Anne-Anthoinette Lefebvre, – Jandron, – Belleroche, – Philippe Beaujean, - Etienne Beaujean, - B. Filhon, notaire royal héréditaire.

« Controllé à Angoulesme, le 12 febvrier 1698. »

« Duru »

(Archives de la Charente, B. Filon, notaire à Angoulème.)152

Bibliographie §

Les sources §

Œuvres de l’auteur §

Nanteuil, D. C. de, L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé, La Haye, 1669.
Nanteuil, D. C. de, L’Amour sentinelle ou le cadenas forcé, La Haye, 1672.

Œuvres contemporaines §

Fournel, Victor, Boucher, dans Les contemporains de Molière. Recueil de comédies, rares ou peu connus jouées de 1650 à 1680, tome III, Paris, Librairie de Firmin-Dodot, 1875, p. 251-282.
Œuvres complètes de Molière, nouvelle édition, Maresq et Cie, Editeurs, Paris, 1846.
Les œuvres de Monsieur de Molière, chez Denys Thierry et Claude Barbin, Paris, 1674, II tome.

Instruments de travail §

Ouvrages bibliographiques §

Cioranescu, Alexandre, Bibliographie de la littérature française du XVIIe siècle, Paris, Éditions du CNRS, 1966.
Klapp, Otto, Bibliographie d’Histoire littéraire française, Frankfurt am Main, Vittorio Klostermann.

Dictionnaires et encyclopédies §

Académie Française, Dictionnaire, Paris, J.-B. Coignard, 1694.
Furetière, Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts, La Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers; rééd. SNL-Le Robert, 1978 (3 vol.). 1690
Moreri, Louis, Le Grand Dictionnaire historique ou Le mélange curieux de l’histoire sacrée et profane, 1683 (2 vol.).
Richelet, P., Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise… avec les termes les plus connus des arts et des sciences, Genève, J.-H. Widerhold, 1680 (2 vol.).

Autres dictionnaires et encyclopédies

Abbé Féraud, Dictionnaire critique de la langue française, Marseille, 1787, 1 vol.
Encyclopédie militaire et maritime, Paris, Armand le Chevalier, 1863, II vol.
Grimal, Pierre, Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine, Paris, Presses universitaires de France, 15e éd., 2002.
Grand dictionnaire des lettres, LAROUSSE, 1992.
Dictionnaire des personnages littéraires et dramatiques de tous les temps et de tous les pays, ROBERT LAFFONT, 1999.
Dictionnaire du bas-langage : ou des manières de parler usitées parmi le peuple, Paris, L’imrimerie de L. Haussemann, 1808, vol. 3.
Dictionnaire historique, critique et bibliographique, contenant les vies des hommes célèbres ou fameux de tous les pays et de tous les siècles suivi d’un dictionnaire abrégé des mythologies, et d’un tableau chronologique des événements les plus remarquables qui ont eu lieu depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours, tome 20, Paris, chez Ménard et Desenne, 1822.
Robert, Guy, Mots et dictionnaires, Paris, 1973.

Grammaires et syntaxe §

Catach, Nina, L’Orthographe, Paris, Presses Universitaires de France, 1998.
Haase, A., Syntaxe française du XVIIe siècle, Paris, 1975.
Riffaud, Alain, La ponctuation du théâtre imprimé au XVIIe siècle, Libraire DROZ S.A., Genève, 2007.
Spillebout Gabriel, Grammaire de la langue française du XVIIe siècle, Paris, Picard, 1985.

Étude critique §

Histoire de la littérature §

Corvin, Michel, Lire la comédie, Paris, Dunod, 1994.

Étude sur la littérature et le théâtre français §

Forestier, Georges, Introduction à l’analyse des textes classiques, Nathan, Paris, 1993.
Scherer, Jacques, La Dramaturgie classique en France, Nizet, 1986.
Ubersfeld, Anne, Lire le théâtre I, Paris, Belin, 1996.

Étude sur le théâtre du XVIIe siècle §

Attinger, Gustave, « L’Esprit de la Comedia dell’arte dans le théâtre français », dans Influences indirectes du Théâtre Italien, Neuchâtel, Paris, 1950.
Forestier, Georges, Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) Le déguisement et ses avatars, Paris, Droz, 1988.
Fransen, J., Les comédiens français en Hollande au XVIIe et au XVIIe siècles, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, 1925.
Leibrecht, Henri, L’Histoire du théâtre français à Bruxelles au XVIIe et XVIIIe siècle, Paris, librairie ancienne Edouard Champion, 1923.
Pasquier, Pierre, Surgers, Anne, La Représentation théâtrale en France au XVIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2011.

Étude sur l’auteur §

Baluffe, Auguste, « La comédie à Angoulème en 1685 », dans Le National, Paris, 7 mai 1888.
Biais, Emile, « Le théâtre à Angoulême (XVe s. – 1904) », dans Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des départements, Paris, Typographie Plon-Nourrit et Cie, 1904, t. XXVIII, p. 315.
Bulletin de la Société archéologique de la Charente, Angoulême, Impr. J. Lefraise, SER5, T. 5, 1882.
Gaines, James F., The Molière Encyclopedia, Greenwood publishing groupe, 2002.
Lancaster, Henry Carrington, A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century, Part III, The period of Molière 1652-1672, Baltimore, the Johns Hopkins Press, III p. II vol., 1936.
Lhuillier, Th., « Les Clerselier », dans Le Moliériste, dixième année, Paris, Tresse et Stock, Libraires-éditeurs, 1889, p. 109-112.
Maignien, Edmond, Les artistes grenoblois, Grenoble, X. Drevet, 1887.
Mogrédien, Georges, « Le comédien-poète Nanteuil », dans Revue de la Société d’histoire du théâtre, Paris, 1962, p. 9-17.
Monval, Georges, « Clerselier de Nanteuil », dans Le Moliériste, dixième année, Paris, Tresse et Stock, Libraires-éditeurs, 1889, p. 72-76.
Monval, Georges, « La troupe de Nanteuil à Angoulême en 1685 », dans Le Moliériste, dixième année, Paris, Tresse et Stock, Libraires-éditeurs, 1889, p. 57-62.

Littérature supplémentaire §

Bergerac, Cyrano, Le Pedant joué, Chez Charles de Sercy, Paris, 1671.
Dussourd, Sébastien, Les 100 hommes qui ont fait le monde, Studirama, 2005.
L’Ovide travesty, ou les metaphores burlesques, Paris, chez Estienne Loyson, 1665.
Quicherat, Jules, Villandrando, Rodrigue de, Bibliothèque de l’école des chartes. Revue d’érudition consacrée principalement à l’étude du Moyen Age, Paris, 1844.
Revue des traditions populaires, vol. 26, 1913.
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