François Le Métel de Boisrobert naquit à Caen en 1592er juillet et le 31 décembre 1589. « A sa mort, il avait donc au moins 72 ans et trois mois et au plus 72 ans et neuf mois. » Cf. la notice de Maurice Cauchie dans son édition critique des Epîtres en vers de Boisrobert, Paris, Hachette, 1927, t. II, p. 301.Idem, p. 302.Tallemant des Réaux. Le cardinal de Richelieu, sa famille, son favori Bois-Robert, Paris, Complexe, 1990, p. 179.Pastor fido. Il abjura le protestantisme en octobre 1621Le plaisant abbé de Boisrobert, fondateur de l’Académie française, Paris, Mercure de France, 1909, p. 448.Idem, p. 160-165.
Il réussit à s’introduire dans les cercles d’influence de l’évêque de Luçon, futur cardinal de Richelieu, et c’est à partir de 1624 qu’il commence à recevoir des gratifications de sa part. Quand il est déjà bien établi chez lui, il s’emploie à servir tous ceux qui font profession de lettres. Richelieu lui-même l’appelle Solliciteur des muses affligées, tellement il assume le rôle de bienfaiteur des poètes. Ces requêtes fréquentes lui valent aussi des brouilles avec son maître, mais Boisrobert sait se réhabiliter, connaissant le faible du ministre pour la plaisanterie et le rire. C’est d’ailleurs cette qualité qui fait sa fortune auprès de lui, puisqu’il peut lui proposer des contes, mieux que personne, railler agréablement et lui rapporter « toutes les petites nouvelles de la Cour et de la Ville » qui sont de grande utilité au cardinal. On sait de même que le premier médecin de Richelieu, François Citois, grand ami de notre abbé, recommande souvent à son Eminence, lors de ses crises de santé, de mêler à ses ordonnances « un peu de Boisrobert » pour accélérer la guérisonMémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres de le République des Lettres, Paris, Briasson, 1736, vol. 35, p. 53-67.
En 1625, Boisrobert accompagna le duc et la duchesse de Chevreuse en Angleterre après la célébration du mariage par procuration de Henriette-Marie de France, sœur de Louis XIII, avec le roi d’Angleterre, Charles Ier. En août 1626, il était de retour en FranceLes écrivains normands du XVII e siècle, Caen, Buhour, 1858, p. 97.
Le cardinal de Richelieu lui fait obtenir en 1634 le Prieuré de la Ferté-sur-Aube. Il le décora du titre de Grand Aumônier du Roi. Il voulut le faire aussi conseiller d’Etat et il obtint pour son père et ses enfants des lettres de noblesse en juin 1636. On le voit enfin, en février 1638, abbé de Notre-Dame de Châtillon-sur-Seine, en Bourgogne. Dans cette abbaye tenue par des chanoines réguliers de Saint-Augustin de la Congrégation de Sainte-Geneviève, il n’a jamais cessé d’être en conflit avec les moinesLe plaisant…, Op. cit., p. 447.Histoire du Théâtre françoisHistoriettes de Tallemant, il y aurait deux causes plausibles. La première aurait eu lieu à l’occasion de la représentation de la tragédie Mirame que Richelieu voulut faire représenter devant le roi et quelques courtisans de son gré. Il avait ordonné de n’y laisser rentrer personne qu’il n’aurait pas choisi. Il semble pourtant que Boisrobert ait contrevenu à cet ordre et ait permis l’entrée de « deux femmes de réputation équivoque ». Le roi et Gaston d’Orléans son frère s’en aperçurent et le firent savoir au Cardinal. Celui-ci, poussé par les propos malveillants de sa nièce, la duchesse d’Aiguillon, qui n’aimait pas le favori, décréta l’expulsion de Boisrobert de Paris pour se retirer dans son abbaye bourguignonne ou dans son canonicat normand. La seconde cause, qui n’est pas moins infondée que la première, aurait pour origine les inclinations de Boisrobert pour le sexe masculin. Le roi aurait dit à Richelieu que son protégé « déshonorait sa maison » : il aurait reçu des échos de quelques intrigants qui voulaient le perdre et selon lesquels notre abbé se serait adonné à des pratiques déréglées avec des pages de la cour…Cf. Claude et François Parfaict, Histoire du Theatre François, depuis son orgine jusqu’à présent, avec la vie des plus celebres Poëtes Dramatiques, un Catalogue exact de leurs Pièces, & des Notes Historiques & Critiques, Paris, P.G. Le Mercier, Imprimeur-Libraire, 1745, vol. 5, p. 8-12.
Une autre période de sa vie commence à partir d’ici, puisqu’en l’absence du cardinal de Richelieu, Boisrobert ne peut plus compter sur l’appui d’un puissant protecteur. Cherchant du secours auprès de quelques grandes familles, il n’obtint aucune faveur d’importance. Mazarin lui-même, malgré des promesses inaccomplies, ne l’aida jamais après la mort de son prédécesseur. À l’avènement de Louis XIV notre abbé n’exerçait plus le charme qui le valorisait tant auparavant. Cependant il s’était attaché au chancelier de Séguier qui avait jadis contribué à le faire conseiller d’Etat. Les hommes de lettres que protégeait Séguier ne pouvaient donc prendre parti contre Mazarin et se rallier aux Frondeurs. Boisrobert resta sur ce point fidèle à la couronne. Encore pouvait-il vivre aisément : il ne connut point la détresse puisqu’il possédait assez de bénéfices pour maintenir son train de vie mondain. Le théâtre et la poésie furent alors de vrais refuges. Sa production dramatique s’intensifia d’une manière prodigieuse entre 1653 et 1656. C’est de cette période que date sa Cassandre, comtesse de Barcelone, tragi-comédie en cinq actes créée en octobre 1653 et tirée de La mentirosa verdad de l’espagnol Juan Bautista de Villegas. Il y « déploie la galanterie la plus fine et la plus maniéréeIbid., p. 339. Cf. Labitte, Etudes littéraires, avec une notice de M. de Sainte-Beuve, Paris, Joubert, t. I, p. 413.Obligados y ofendidos de Francisco de Rojas. Boisrobert l’emporta à l’aide de son amie la comtesse de Brancas et du prince d’Harcourt. Les généreux Ennemis eurent la primeur en dépit de L’Ecolier de Salamanque de Scarron, qui ne le pardonna jamais. En décembre 1655, il eut une autre querelle contre Costar, dont la Suite de la Défense de M. de Voiture nommait quelque part Boisrobert abbé MondoryCf. Emile Magne, Ibid., p. 367.Théodore (1657). Somaize dirigea contre Boisrobert une violente cabale à laquelle notre abbé riposta avec autant de force. D’un autre ordre fut son démêlé avec Abel Servien, Surintendant de Finances, qui tenta à plusieurs reprises de supprimer les bénéfices accordés à son frère Antoine Le Métel d’Ouville, poète et dramaturge connu pour ses pièces comiques traduites de l’espagnol et des nouvelles que l’abbé Goujet considère comme licencieusesHistoire de la Littérature Françoise, Paris, Guérin et al., 1756, t. 17, p. 94.
En juin 1655, il subit une seconde disgrâce à cause des dévots de la cour qui l’accusaient « d’impiété » Monsieur l’Abbé de Boisrobert, Auteur bien parlant, & disert, Lequel depuis mainte semaine N’étoit vû de Roy ni de Reyne, D’autant que près leurs Majestés, On lui prêtoit des Charités : Enfin Lundy, son Eminence, Présupposant son innocence, Obtint vers Elles son secours Au gré des plus Grands de la Cour, Où l’on chérit cet homme rare, Qui fait des Vers comme un Pindare, Et qu’on aime des tous côtés Pour ses aimables qualités.Muse historique de Loret annonce son retour le 23 de ce moisEpîtres en vers qui furent bien accueillies par la reine Christine de Suède. Ce dernier volume d’Epîtres est quasiment la dernière manifestation de sa personnalité littéraire. À partir d’ici et jusqu’à sa mort on perd sa trace car les documents se raréfient et ne nous informent guère sur sa vie. On sait cependant qu’à sa mort, Chapelain se borna à dire à Huet que la place de Boisrobert sera occupée par SegraisIbid., p. 385.
L’œuvre de Boisrobert est assez vaste. Outre les pièces dramatiques collectives qu’il a produites avec les Cinq-Auteurs sous l’égide du cardinal de Richelieu (L’Aveugle de Smyrne et La Comédie des Tuileries, toutes deux de 1638), il nous a laissé de sa propre plume dix-huit pièces de théâtre où l’on compte une tragédie, huit comédies et neuf tragi-comédiesPyrandre et Lisimene, ou l’Heureure tromperie, tragi-comédie, 1633 ; Les Rivaux amis, tragi-comédie, 1638 ; Les deux Alcandres, tragi-comédie, 1640 ; Palène, tragi-comédie, 1640 ; Le Couronnement de Darie, tragi-comédie, 1641 ; La vraie Didon, ou la Didon chaste, tragédie, 1642 ; La Jalouse d’elle-même, comédie, 1649 ; La folle Gageure, ou les Divertissements de la comtesse de Prembroc, comédie, 1653 ; Les trois Orontes, ou les trois Semblables, comédie, 1653 ; Cassandre, comtesse de Barcelone, tragi-comédie, 1654 ; La belle Plaideuse, comédie, 1654 ; Les généreux Ennemis, comédie, 1654 ; L’Inconnu, comédie, 1655 ; L’Amant ridicule, comédie en vers et en un Acte, 1655 ; Les coups d’Amour et de Fortune, ou l’Heureuse Infortuné, tragi-comédie, 1656 ; Les Apparences trompeuses, comédie, 1656 ; La Belle invisible, ou la Constances éprouvée, tragi-comédie, 1656 ; Théodore, Reine de Hongrie, tragi-comédie, 1657.Histoire indienne d’Anaxandre et d’OrazieHistoire indienne d’Anaxandre et d’Orazie, où sont entremeslées les avantures d’Alcidaris, de Cambaye et les amours de Pyroxène, par le sieur de Boisrobert, Paris, Sommaville, 1629, in-8°, XXX-760 p. Nouvelles héroïques et amoureuses et un Recueil de Lettres. Il fit publier deux volumes d’Epîtres en 1647 et en 1659, et diverses poésies dont une Paraphrase sur les sept Psaumes de la pénitence de David. Plus anciens sont ses Ballets de cour. Il fut aussi l’éditeur de deux autres recueils de poésie : le Parnasse alarmé ou Parnasse Royal et le Sacrifice des Muses au grand Cardinal de Richelieu, tous deux de 1635, en plus de sa Réponse au Parnasse alarmé. Quelques quarante poèmes se trouvent de même dans le Recueil des plus beaux Vers de Malherbe, Racan, etc.Bibliographie de la littérature du XVII e siècle, Paris, Éditions du CNRS, t. I, p. 358
Dans l’Avis au Lecteur de la Folle Gageure, Boisrobert annonce la parution en peu de temps d’une nouvelle pièce de théâtre qu’il a déjà sûrement bien avancée, vu la proximité de la publication de celle-ci (juillet 1653) avec celle qu’il promet au public (représentée en octobre). Il s’agit de Cassandre, comtesse de Barcelone,
que i’e tirée du mesme Autheur Espagnol [Lope de Vega], sous le titre de la Vérité menteuse ; ie me suis plusieurs fois estonné en la lisant, comment les Illustres Corneilles, qui nous ont desia donné de si beaux & de si merueilleux Ouurages, & leurs inferieurs encore que nous voyons quelquefois traitter des sujets si pitoyables, n’ont point descouuert celuy-cy si plein de richesse & d’inuention. Ie puis dire auec verité, que le grand Lope de Vega s’y est surmonté luy mesme, ie ne vy iamais rien de si beau ny de si brillant, mais i’ose croire sans beaucoup de presomption que ie l’ay rendu iuste & poly, de brut & de dereglé qu’il estoit…
L’auteur nous indique donc ses sources et pourtant la Vérité menteuse n’est sans doute pas de l’invention de Lope mais d’un autre dramaturge espagnol presque aussi inconnu au XVIIe siècle que de nos jours. Boisrobert en fait la rectification après s’être mieux renseigné en disant dans l’Avertissement Au lecteur de sa Cassandre qu’il s’agit de Villegas, « Espagnol assez obscur, qui a esté assez heureux pour trouuer vn si beau nœud » et que s’il « eust eu la mesme fortune dans le desnouëment, cette seule production l’auroit sans doute esgalé aux plus fameux Inuenteurs de sa nation, & de son siecle. » On peut bien croire qu’en si peu de temps, entre la parution de l’une et de l’autre œuvre dramatique, notre auteur n’ait guère pu avoir de détails sur la vie ni sur l’œuvre de Villegas, ce qui lui fait dire de ce dernier qu’il est un « Espagnol assez obscur ». Aujourd’hui les données de sa vie et de son œuvre ne sont pas pour autant plus abondantes ni plus précisesDiscours Apologétique de la Comedia. Connu sous plusieurs dénominations (notamment Bautista et Juan de Villegas), son nom rappelle celui d’autres auteurs dramatiques et même de quelques comédiens avec lesquels on a tendance à le confondre, dont la carrière s’est déroulée à peu près dans le même temps. Il écrivait déjà des pièces de théâtre en 1621, mais Barrera y Leirado affirme qu’il existe beaucoup d’obscurité en ce qui concerne les circonstances de sa vie et de la production de son œuvre. Il est très probable qu’il n’ait pas résidé habituellement à Madrid, ni qu’il ait eu beaucoup de contact avec les dramaturges de son époque, ce qui expliquerait ce manque d’information. Il figure pourtant dans le Catálogo de Autoridades de la Lengua publié par l’Académie Espagnole. Sa pièce de théâtre la plus célèbre est sans conteste La despreciada querida, qui fut longtemps attribuée par erreur à Lope de Vega et publiée dans plusieurs recueils de cet auteur. Comme celle-ci, le reste de son œuvre parut entre 1630 et 1640, dont La mentirosa verdad dans le recueil Parte treynta de comedias famosas de varios autores (Zaragoza, 1636), et El marido de su hermana dans Parte quinta de comedias escogidas de los mejores ingenios de España (Madrid, 1653), qui tout en s’agissant strictement de la même pièce de théâtre, avec des intitulés différents, constituent la source unique de la Cassandre de Boisrobert. Cf. Cayetano Alberto de la Barrera y Leirado, Catálogo bibliográfico y biográfico del Teatro antiguo español, desde sus orígenes hasta mediados del siglo XVIII, Madrid, Edición facsímil de la Editorial Gredo, 1969, p. 494.
MartinencheLa Comedia espagnole en France de Hardy à Racine, Paris, Hachette, 1900, p. 403.La mentirosa verdad de Juan Bautista de Villegas est la source de Cassandre : « J’ai fini par découvrir à Madrid cette pièce rare », dont il ne comprend pas que Boisrobert en trouve « le nœud si beau ». Il ajoute que La mentirosa verdad n’est pas une comedia de premier ordre et que le thème de la substitution d’enfants qui entraîne la crainte d’un inceste, fait que Boisrobert n’est original que par rapport à Villegas, puisqu’il aurait pu aisément tirer ce sujet de l’Héraclius de P. Corneille. Et pourtant il en « apprécie jusqu’à ses préciosités les plus criardes quand on les met en parallèle avec les platitudes de son traducteur », que Martinenche considère moins servile que son frère d’Ouville, quand il s’agit de transposer en français un texte espagnol.
Le critique allemand TennerFrançois Le Métel de Boisrobert, Als Dramaticher und Nachhmer des Spanischen Dramas. I.Die Tragikomödien. Inaugural-Dissertation, Leipzig, Buchdruckerei M. Wachsmuth, 1907, p. 110.comedias contenues dans le recueil Parte treynta de comedias famosas de varios autores qui se trouve dans la Bibliothèque Nationale de Madrid sous la cote < T-i / 30 (v. 30) >. Il semble que ce recueil eut beaucoup de succès, vu le nombre d’imprimés qui parurent successivement au XVIIe siècle en Espagne. En 1638 et 1639 furent tirés d’autres ouvrages avec le même titre dont curieusement il ne reste pas d’exemplaires à Madrid et qu’on trouve en revanche à la Bibliothèque Mazarine (ils proviennent respectivement des congrégations des Oratoriens et des Augustiniens de Paris), classés sous les cotes < 11069 H > et < 11069 Q >. Encore faut-il dire que ces deux exemplaires reproduisent exactement le texte de base. Ce n’est pas le cas de la pièce publiée en 1653, toujours dans un recueil collectif mais sous l’intitulé de Parte quinta de comedias escogidas de los mejores ingenios de España, où l’œuvre en question a souffert une mutilation de certains passages d’intérêt, notamment quelques tirades galantes et affectées de Carlos ainsi que des paroles cocasses et bouffonnes de Beltrán. Des exemplaires de cette édition sont conservés dans les Bibliothèques Nationales de France et de Madrid sous les cotes < YG-311 (6) > pour la première, et < T-i / 16 (v.V.) > pour la seconde. A history of French Dramatic Literature in the Seventeenth century. The period of Molière, 1652-1672, Maryland, The John Hopkins Press, 1936, part III, vol. I, p. 138-140.
Except that he omitted a few unnecessary scenes, changed some of the names, limited the place to Barcelona, and explained Bernard’s silence much more satisfactorily. He reduced the time to some twelve hours and made the dialogue less affected and less comic, but he failed to link all of the scenes and did not succeed either in obtaining unity of action or on shifting the emphasis from plot to character.
Nous adhérons en grande partie aux remarques faites par Lancaster. En effet, comme on pourra le constater dans les annexes, quelques scènes de la pièce espagnole ne sont pas traduites ou adaptées par Boisrobert. Les changements les plus importants concernent les très longues tirades des personnages principaux, Carlos et Violante, qui dans un langage très affecté et très assaisonné de métaphores et d’hyperboles, expriment leurs élans amoureux ; il en est de même pour le duc, toujours soucieux des affaires de l’Etat et de la hâte qu’il a de réussir le mariage de la comtesse avec un prince étranger. Cependant, la plus grande liberté que prend Boisrobert par rapport à Villegas porte sur l’intervention de don Bernardo de Roca, qui rompt avec l’unité d’action et dont nous parlerons plus loin.
D’autres éléments sont à signaler, comme les variantes des noms des personnages, de temps et de lieux, ainsi que dans l’intrigue. Pour ce qui est des noms, ceux de don Bernardo de Roca et d’Isabelle restent les mêmes, mais celui des autres change : Violante devient Cassandre ; Carlos, Astolfe ; don Jayme de Aragón, Don Pèdre ; don Enrique tout simplement le duc de Cardone et le valet Beltrán devient l’écuyer Béralde, qui dans la pièce française s’exprime comme un courtisan aussi affecté et ampoulé que les gentilshommes de naissance dont il est sensé être le serviteur. Son rôle devient donc fade et artificiel, ce qui n’est pas le cas du valet espagnol, tout à fait cocasse, bouffon et rusé. Par conséquent, l’aspect comique qui fait la fortune de Boisrobert dans d’autres pièces de théâtres (notamment dans Les trois Orontes ou dans La jalouse d’elle-même) est ici réduit à sa plus simple expression. Rien de ce que dit Béralde ne porte à rire, alors que Beltrán est très désinvolte.
Cassandre, comtesse de Barcelone est la sixième tragi-comédie de Boisrobert. Elle fut produite en octobre 1653 pendant la période la plus prolixe de sa vie comme dramaturge, en une période où ce genre théâtral commençait vraiment son déclin. Si Cassandre eut le mérite de plaire, par un effet de mode, à un public friand de toutes les galanteries et de toutes les manières affectées dont elle est remplie, en s’accommodant parfaitement à l’humeur du dramaturge et des spectateurs, elle aura pour ennemi implacable le temps et sera victime de l’oubli après un succès éphémère.
Avec l’établissement progressif des règles des unités, de la bienséance et de la vraisemblance à partir de 1640 et avec l’influence d’une aristocratie plus polie dans les salons, l’intérêt du public se tourne vers les questions morales et la profondeur psychologique des passions, à l’exemple de la tragédie régulière. Si Cassandre est conçue dans l’esprit de la tragi-comédie, elle subit aussi cette transformation du genre. Même si l’on y ressent encore le goût du romanesque et la présence de coups de théâtre dans le dénouement, cela reste toutefois assez discret. D’ailleurs, l’action principale se déroule à l’intérieur d’un palais, se soumettant ainsi aux exigences classiques d’unité et de concentration dramatiques propres à la tragédie. Boisrobert y renonce ainsi à l’éparpillement de l’intrigue pour mettre en scène une série d’épisodes qui se succèdent de manière presque linéaire. Il traite aussi de problèmes politiques et moraux (d’un côté, l’inceste ; d’un autre côté, la raison d’Etat, la succession, l’abdication, l’usurpation de pouvoir) et des passions amoureuses qui sont en jeu dans le cadre unique d’un palais, en évitant la dispersion de l’action en divers lieux. Il est intéressant de remarquer que, comme dans les tragédies, Boisrobert a voulu raconter l’histoire de Cassandre in medias res (« Enfin, voicy le iour tant de fois souhaitté », v. 1), lorsque le Régent de Barcelone contraint cette princesse à épouser, au plus vite, un monarque étranger de peur qu’une guerre civile et un conflit extérieur imminents ne s’installent dans son Etat. Aussi, les amours entre Astolfe et Cassandre sont de longue date et quand la pièce commence les problèmes surviennent du fait que, tout en étant amoureux l’un de l’autre, la princesse est contrainte à conclure ce mariage politique avec un souverain étranger.
À la fin de la Fronde, Boisrobert reprend de plus belle le genre tragi-comique qu’il avait délaissé pour travailler sur la comédie et donne coup sur coup notre Cassandre, Les Coups d’Amour et de Fortune et Théodore, reine de Hongrie. Mais si en 1656, Timocrate est publié sous l’égide protectrice de la tragédie et connaît le plus grand succès tragique du XVIIe siècle, on peut comprendre, qu’en comparaison notre « comtesse », n’ait fait qu’un maigre succès en 1653, même si Boisrobert se plie davantage aux règles des unités que son contemporain Th. Corneille. Elle devient d’autant plus régulière que les intermèdes cocasses qui délassaient du pathétique et de l’héroïsme, sont quasiment inexistants, et l’on s’explique mieux que le jeu de l’écuyer Béralde soit très loin de celui du gracioso espagnol, le « criado Beltrán », de la comedia de Villegas dont il est issu. Car « les personnages bouffons et les scènes comiques sont réservés à la comédieLa Tragi-comédie, Paris, PUF, 1981, p. 8.
En effet, Cassandre a pour sujet l’impossibilité de la réalisation de la cause d’Etat et de l’union de deux amants qui courent le risque d’une relation incestueuse. On y trouve alors des « accidents graves et funestes » qui mettent en péril la stabilité de l’Etat et le bonheur des personnages principaux. Les conflits qui les opposent entraînent, comme dans la comedia de Villegas, des obstacles qui passent par des aspects tels que el fingimiento (le faux semblant), el enredo, (l’embrouille), el lance (le déguisement), el engaño (les fausses apparences) et el desengaño (la situation caractéristique et logique du désabusé). Si les dramaturges tragi-comiques puisent de préférence dans les fonds romanesques, les nouvelles et les comedias, Cassandre ne fait pas exception. Elle développe une aventure fictive qui n’a aucune assise historique et dont le déroulement de l’action est situé dans un lieu réel. Ainsi, l’intérêt de Boisrobert porte sur les passions amoureuses et les problèmes moraux des personnages et non pas sur l’histoire ou l’épopée anciennes, le mariage final venant couronner l’heureux dénouement qui rend la paix et répand la joie parmi eux.
Du point de vue de la forme, Cassandre est donc une tragi-comédie de palaisOp. cit., p. 54. Ce critique distingue trois types de tragi-comédies : d’aventure, des amours contrariées et de palais.amours contrariées, où l’obstacle principal à la réalisation du mariage provient d’un père qui essaie par tous les moyens de rompre la liaison de son fils avec Cassandre, comtesse de Barcelone, qu’il suppose être sa propre fille et donc la sœur de son amant, la crainte de l’inceste étant à la base de l’intrigue principale de la pièce. De supposés rivaux viennent aussi contrecarrer l’amour des protagonistes ; c’est encore le cas d’Astolfe qui, abusé par les paroles de son écuyer Béralde et le quiproquo provoqué par les lettres qu’on lui a confiées, croit que Moncade – innocent en tout point – fait la cour à son amante la comtesse, qu’il soupçonne à son tour d’infidélité.
Si dans Théodore, reine de Hongrie (1657), l’action est une et toute classique, Boisrobert reste fidèle à La mentirosa verdad de Villegas et au genre tragi-comique en introduisant dans sa Cassandre (1654) une deuxième intrigue qui rend l’action encore plus complexe. Plusieurs fils s’enchevêtrent et quelques péripéties se succèdent. Ainsi, à une intrigue principale d’ordre politique et amoureux, il en ajoute une autre strictement amoureuse où il est question de la rivalité entre deux gentilshommes, Don Rémond de Moncade et Don Pèdre d’Aragon, pour l’amour d’Isabelle, sœur du héros. Les rapports entre l’une et l’autre actions sont plus ou moins distants, car la seconde n’a aucune influence sur le dénouement de la première et celle-ci aurait moins de piquant sans l’existence de la seconde. L’intrigue principale repose sur une double substitution de deux petites filles où la crainte d’un faux risque d’inceste causée par la première disparaît lorsqu’on apprend l’existence de la seconde. Une suite de malentendus est provoquée par un échange épistolaire qui a piégé tous les personnages et sa complexité va de pair avec la fonction de la lettre, qui a un rôle de premier ordre dans la pièce. En trois occasions elle est l’instrument d’un constant état de méprise : d’abord, des billets galants adressés à Isabelle sont rendus à Astolfe qui les croit destinés à son amante Cassandre ; ensuite, la lettre du duc adressée à Astolfe induit en erreur notre héroïne et l’amène à accuser injustement Isabelle d’avoir des inclinations incestueuses pour son frère ; enfin, une lettre sous forme de testament de Don Bernard de Rocas est adressée au duc de Cardone qui ne l’a jamais lue, alors qu’elle contient la vérité sur l’échange des petites filles et aurait pu épargner aux amants tant de contrariétés et à l’Etat tant d’ennuis. L’intrigue principale de la pièce est résolue donc in extremis par le vieux procédé des reconnaissances qui permet à la fin un dénouement heureux. Dans la pièce espagnole, la présence de don Bernardo de Roca est plus concrète car il intervient dès la Jornada segunda. Il se trouve dans la ville de Girona en tant que gouverneur et revient à la cour pour en faire la demande officielle ; profitant de sa présence à Barcelone et voyant les troubles provoqués par l’échange des enfants et les amours contrariées des jeunes gens, il éclaire le mystère qui en a donné lieu. Dans notre Cassandre, lorsqu’on apprend par Don Bernard que celle-ci n’est pas la fille du duc mais l’héritière légitime du feu comte de Barcelone, on assiste à l’élimination des tensions et à l’union tant souhaitée entre la princesse et Astolfe, longtemps désespéré par la crainte de commettre un inceste. Ce mariage permet aussi d’éliminer les pressions politiques qui tenaient le vieux Régent angoissé.
L’écuyer Béralde est le pivot sur lequel tournent les intrigues amoureuses. Il est cupide mais dépourvu de toute malveillance. La seule peur d’être châtié par son maître l’entraîne à provoquer une grande confusion qui bouleverse momentanément l’union heureuse du couple principal (Cassandre et Astolfe) et jusqu’à la fin de la pièce celle du couple secondaire (Isabelle et Moncade).
Dans cette intrigue secondaire nous avons donc deux rivaux qui sont aussi les meilleurs amis. Très civils et policés, au lieu de s’affronter dans un duel à mort comme il arrive dans la source espagnole, Don Pèdre d’Aragon et Don Rémond de Moncade décident de se plier à un commun accord selon lequel l’un cèdera sa place à l’autre s’il est défavorisé par Isabelle, la dame objet de leur rivalité. C’est donc un billet galant qui doit régler les affaires et non pas un duel de cape et d’épée où l’un des deux amoureux devrait nécessairement périr. Ayant perdu, comme il arrive souvent dans les tragi-comédies, on aurait pu espérer une autre réaction de Moncade, qui, jaloux, aurait refusé de s’effacer paisiblement et aurait cherché à brouiller le couple d’amants, à recourir à la violence, à forcer la volonté de la jeune fille ou à l’enlever. Or, il respecte l’accord et s’en va poursuivre une autre conquête selon les maximes « C’est foiblesse aprés tout d’aimer qui nous mesprise. » (v. 856) et « C’est justice aprés tout d’aimer quand on nous aime. » (v. 860). Boisrobert tient donc à ce que ces lois de la galanterie soient observées, puisqu’en tant que « directeur du royaume de coquetterie », il ne veut rien montrer de malséant, surtout parce qu’un rival doit toujours se montrer généreux. Si dans les tragi-comédies l’obstacle principal à la réalisation de l’amour vient normalement d’un adversaire jaloux, ce n’est pas le cas de ces personnages, puisqu’à la fin même de la pièce, une fois que Moncade gagne la main d’Isabelle, son concurrent Don Pèdre ne peut être que content de voir tout le monde heureux : aucun trait de sa jalousie ne nous est montré. Cette attitude permet aussi de ne pas assombrir un dénouement joyeux.
La concentration de l’action dans un seul lieu commence à s’imposer à partir de 1640. Boisrobert a voulu s’adapter à cette contrainte en faisant que l’action de Cassandre se déroule dans un lieu unique : le palais d’un Etat moderne, Barcelone, capitale du comté de Catalogne. On peut bien supposer que tous les événements se déroulent à l’intérieur (la chambre de la princesse, une salle quelconque) ou à l’extérieur d’un palais, n’ayant aucun autre indice de lieu. Par contre, dans la pièce espagnole la diversité des lieux fait partie de la mise en scène. On y trouve des espaces fermés comme les différentes salles du palais (la comtesse dans ses entretiens avec le duc, Isabel ou Carlos ; le duc lisant ses requêtes ou en conférence avec don Bernardo ; la grande salle où Violante annonce à la noblesse la déposition de sa couronne et la déclaration de son mariage avec Carlos) et l’espace ouvert, qui est celui du bord de la mer, où don Jayme et don Ramón se disposent à se battre en duel. Dans Cassandre, les événements se succèdent de manière linéaire et ininterrompue tout en intercalant des récits rétrospectifs nécessaires à la compréhension de l’histoire (II, 4 du duc de Cardone ; IV, 5 de Cassandre; V, 8 de Don Bernard de Rocas). On n’y trouve pas de scènes spectaculaires qui détournent l’attention du spectateur. Tout y est conçu de manière à ce que l’effet de suspens se maintienne jusqu’au dernier moment lorsque Boisrobert y introduit un procédé de type deus ex machina. On peut imaginer que les événements ont tous lieu dans une seule chambre du palais où les personnages rentrent et sortent successivement. Cependant, deux scènes pourraient se produire l’une à l’extérieur du palais et l’autre dans une autre salle. C’est le cas de la scène 2 de l’acte IV, lorsque le duc prépare le passeport pour le départ de son fils et que Don Lope, le Capitaine des gardes, lui annonce que la comtesse le mande immédiatement. Si le duc prend congé de son fils sans que la princesse s’en aperçoive, il doit se rendre mine de rien chez elle dans la scène suivante. Voilà un possible changement de décor. Mais c’est aussi le cas de la scène 5 du dernier acte, où l’on peut imaginer une situation semblable. Cassandre s’entretient avec Isabelle lorsque Béralde rentre dans sa chambre en annonçant le retour de Don Bernard et d’Astolfe à la cour. Elles y sortent pour rejoindre dans une salle contiguë les nouveaux arrivés.
Le passage d’une scène à l’autre obéit donc au même schéma jusqu’à l’acte IV. Les personnages rentrent et sortent successivement et à chaque fois leur entrée est annoncée par des expressions de ce type : « Voicy le Duc » (v. 510), « Il vient tout à propos » (v. 647), « La voicy » (v. 820), « Je viens vous avertir » (v. 1408), « Rentrons » (v. 1554). Les sorties sont aussi indiquées par les personnages ou par les didascalies : « Au moment qu’il me void il s’enfuit brusquement » (v. 323), « Et me tire à l’escart » (v. 658), « Adieu resolvez vous » (v. 811), « Aussi triste & confus chez moy je me retire, » (v. 1474). Puis, dans la didascalie du vers 990, on nous place dans une chambre : « Cassandre, à vn bout de la chambre qui ne void point Moncade. », pour changer ensuite de cadre (V. 5) : « On fait dans le Palais assembler la Noblesse ; Rentrons… » (v. 1553, 1554). On finit donc dans une salle proche de la place où la noblesse a été convoquée pour lui annoncer d’abord la nouvelle de l’abdication de Cassandre et peu après celle de son mariage avec Astolfe : « Toute nostre noblesse est déja dans la place, » (v. 1582). Le dernier acte est rempli de déictiques du genre : « icy » (v. 1425, 1584), « en ces lieux » (v. 1567), « voicy » (v. 1576, 1587, 1610), « déja » (v. 1582). D’autres lieux sont aussi mentionnés mais ils font partie d’un récit rétrospectif. C’est le cas de « la frontière » de la Catalogne où le comte de Barcelone périt lors de la guerre (v. 572), mais c’est aussi celui du Portugal où Don Bernard devait se rendre avant d’être fait prisonnier à Tunis (v. 1655 et 1659).
Pour ce qui est du décor nous n’avons aucune référence écrite sur la mise en scène de Cassandre. Mahelot, dont le Mémoire s’arrête entre 1646-1647, nous informe seulement de deux décors pour des pièces de théâtre de Boisrobert. Le premier correspond à sa première tragi-comédie, Pyrandre et LisimènePyrandre et Lisimène ou la Belle Lisimène ou l’Heureuse Tromperie, tragi-comédie représentée vers 1630-1631 et publiée en 1633. Cf. H. C. Lancaster, Le Mémoire de Mahelot, Laurent et autres Décorateurs de l’Hôtel de Bourgogne et de la Comédie Française au XVII e siècle, Paris, Librairie ancienne Honoré Champion, 1920, p. 88-89.
la nomenclature des objets nécessaires aux acteurs pour l’interprétation de la pièce est accompagnée d’un dessin du décor, le meilleur que contienne le volume de Mahelot
Magne, .Ibid., p. 171.
Mais si on voulait se faire une idée de ce que fut la mise en scène de Cassandre en la comparant avec celle de Pyrandre et Lisimène, on aura du mal à tirer une bonne conclusion, vu la grande différence de besoins pour le scénario de l’une et de l’autre intrigues. D’ailleurs, les règles du jeu théâtral ont beaucoup changé depuis vingt ans. L’autre décor qui nous est décrit par Mahelot c’est celui de Les Trois SemblablesIbid, p. 79. Ce critique nous dit que « X ajoute en marge ‘1643’ et ‘les Trois Orontes, de Boisrobert’, mais Tenner a montré qu’il n’en est rien…La pièce est la pastorale perdu d’un auteur inconnu. »
On peut donc croire que Cassandre reste très proche des prescriptions classiques pour la tragédie et que Boisrobert en ait réussit l’application. Ainsi, pour la mise en scène, la pièce ne nécessite que d’une salle où se déroulent les événements de manière ininterrompue, exception faite des scènes IV, 1 et V, 5 où l’on requiert d’un changement de décor. Pour ce qui est du matériel nécessaire aux acteurs, des lettres sont indispensables ainsi qu’un siège (pour le duc, v. 1052) et peut-être un sceptre (pour Cassandre, v. 1610, 1692).
Quant à la dimension temporelle, on peut supposer que l’action de la comedia espagnole se déroule dans une durée minimale de deux jours. Car elle débute certainement pendant l’après-midi de la Jornada primera, se prolonge jusqu’au soir du même jour au moment de l’emprisonnement de Carlos par son père dans la tour (fin de la Jornada segunda), et reprend le lendemain matin lorsque le duc annonce à la comtesse que Carlos s’est enfuit « oy à las risas del aluaJornada tercera).
Avec l’assemblage de l’action en un seul lieu, Boisrobert s’applique aussi à concentrer les événements sur une durée d’à peu près douze heures. Si les indices de temps ne sont pas toujours très éclairants, ils suffisent pour suggérer que l’action occupe une bonne partie de l’après-midi et du soir d’une seule journée. La pièce commence lorsque le duc dit à son fils : « Enfin voicy le jour tant de fois souhaitté » (v. 1). Les événements évoluent ensuite de manière successive et en toute normalité jusqu’à la fin du second acte lorsque le duc découvre à son fils que Cassandre est sa sœur : « Fuyez, preparez vous à partir dans vne heure, » (v. 626). Ensuite, un autre indice de temps nous est montré quand Moncade, peu convaincu du récit que Béralde lui fait sur l’échec de sa conquête d’Isabelle, demande à Don Pèdre un délai supplémentaire pour savoir de la propre bouche de la princesse le choix qu’elle a fait : « Donnez moy seulement le reste de ce jour, » (v. 739). On peut donc penser qu’à ce stade de la pièce, le soir approche quoiqu’il ne nous soit encore rien dit sur la nuit elle-même. Puis, nous voyons encore le duc dire à son fils, en préparant son passeport pour le départ, lorsque Don Lope vient lui annoncer que la comtesse le mande immédiatement : « Tenez vous prest, je reuiens dans une heure. » (v. 977). Mais c’est Cassandre qui nous éclaire davantage sur ce point quand elle s’adresse à son amant pour le menacer de mort s’il ne lui donne pas une excuse qui justifie son départ inattendu : « Avant la fin du jour, vous en perdrez la vie » (v. 1261). Enfin, c’est encore le Régent qui écrit à Astolfe pour lui dire : « Dérobez vous avant le jour, » (v. 1344), car celui-ci est emprisonné dans la tour par la volonté de son propre père. C’est alors qu’on peut supposer que le soir est déjà arrivé et qu’Astolfe, resté en prison quelque temps, s’en échappe ensuite comme un fugitif. Dans l’acte V, où prédominent les indices de lieu, le rythme des événements s’accélère avec la présence de Don Bernard de Rocas, qui, en liberté, a rencontré Astolfe chemin faisant « A mille pas d’icy » (v. 1560), c’est-à-dire du palais. Quelques heures ont donc dû s’écouler entre la fuite d’Astolfe, sa rencontre avec Don Bernard et leur retour à la cour (il est aussitôt ramené par le premier et ne se déplace jamais jusqu’à la mer, comme dans la pièce espagnole). C’est ici que se font les retrouvailles et que la pièce se termine, une fois que l’intrigue est dénouée et qu’on s’apprête à transmettre les bonnes nouvelles à la noblesse assemblée sur la place du palais. La nuit est alors certainement tombée.
Dans Cassandre, les personnages principaux sont d’un rang élevé : il s’agit là d’un trait du genre tragi-comique. On y trouve des princes, de grandes dames, des gentilshommes, des ducs et des comtes, d’illustres personnes qui peuvent être aussi servies par des écuyers, des capitaines de gardes et des valets, dont la manière de s’exprimer ne diffère pas beaucoup de celle de leurs maîtres, bien que leurs rôles restent toujours secondaires.
Héroïne de la tragi-comédie, cette jeune princesse de quinze ans est destinée au gouvernement du comté de Barcelone. En atteignant sa majorité, elle est contrainte d’épouser un prince étranger pour rendre la stabilité politique à son Etat et satisfaire aux demandes dont elle est l’objet de la part des monarques voisins. Mais Cassandre est amoureuse d’Astolfe qu’elle compte faire le maître dont Barcelone a tant besoin. Malheureusement, cet amour s’avère impossible parce que selon le Régent, ils sont frère et sœur. Cassandre a toutes les qualités des héroïnes de son rang : elle est belle comme le jour, sage par nature, jalouse de ses devoirs comme souveraine, toujours digne en sa grandeur d’âme malgré l’adversité, respectueuse des lois naturelles et célestes, jalouse de son honneur comme femme et comme souveraine. Ainsi, lorsque Astolfe la quitte et que le duc lui avoue qu’elle est sa fille, Cassandre fait son auto-portrait moral (v. 1445-1450) :
Vous m’osez soustenir apres qu’il est mon frère, Mon cœur qui vous dement m’asseure du contraire. Il est grand, il est ferme, il est noble, il est franc, Astolfe est fourbe & lasche, il n’est point de mon sang : Et je sens malgré vous que j’ay toutes les marques, Que la nature imprime en l’ame des Monarques.
Ainsi, même si elle enrage lorsque son amant la quitte implacablement ou devant l’imposture forcée du duc, elle reste digne dans ses emportements pitoyables, toujours généreuse, jamais malséante.
Avec Cassandre, il forme un couple d’amoureux très éprouvé par les adversités. Devant l’impossibilité de réaliser son amour, Astolfe vit le drame poignant du bannissement que son père lui impose pour éviter des relations incestueuses avec la princesse. Elu maître et mari par sa bien-aimée, il est un adorateur passionné de la jeune fille plus qu’un gentilhomme soucieux d’honneur et de gloire. Cette attitude le conduit à contester les ordres de son père et même à s’opposer à ses desseins puisque face à l’inceste, Astolfe craint davantage la perte de Cassandre que le châtiment des dieux et des lois de la nature, ses élans amoureux régissant sa conduite. Ainsi, malgré l’interdiction de se présenter devant elle, lorsque le duc le contraint à s’exiler en France, il vient quand même en prendre congé (III, 8). Plus grave encore est l’attitude de défi vis-à-vis de son père sachant que celui-ci n’approuverait jamais un mariage entre lui et la princesse, toujours à cause de leur relation de parenté. Astolfe ose pourtant se présenter au duc comme le mari de sa sœur (de là le titre espagnol de la comedia de Villegas : El marido de su hermana), pour lui annoncer que Cassandre l’a choisi comme le maître dont l’Etat a tant besoin. La tirade très vigoureuse qui va du v. 549 au v. 568 (II, 4), nous le montre ainsi.
Il faut aussi signaler que Astolfe est largement moins éloquent que Carlos, son homologue espagnol. Carlos est aussi plus prolixe en galanteries et n’a aucune retenue pour dispenser de très longues tirades d’amour à perte d’haleine à sa bien-aimée Violante. En fait, il parle encore moins que son père, qui tient la parole dans 295 vers : il ne prononce lui-même que 247 vers. Quant à Cassandre, elle les devance tous les deux avec 556 vers.
Le duc de Cardone est bon père et encore meilleur homme d’État. Son opposition au mariage des jeunes gens s’explique par la relation de parenté qu’il suppose exister entre les deux, car il a toujours cru que Cassandre était sa propre fille. Autrement, on pourrait penser qu’il serait tenté, par ambition de pouvoir, de permettre cette liaison et ainsi concentrer tout le pouvoir dans sa propre famille, comme c’est le cas dans la pièce espagnole. Mais le duc a des scrupules parce qu’il craint et respecte les lois divines et s’emploie à séparer les amants par tous les moyens possibles pour éviter le crime incestueux. En tant qu’homme politique, il a aussi une haute opinion de ses devoirs envers l’État. Dans l’exercice de sa Régence, il n’a cherché qu’à réaliser le mieux possible la tâche que feu le comte de Barcelone lui a confié. D’ailleurs, Cassandre le souligne aux v. 1082, 1083 et 1689.
Les tirades du Régent se limitent ainsi à des échanges où la politique est son seul souci, alors que son fils ne lui parle que de son mal d’amour. C’est un sujet qu’on sent qu’il abhorre puisque sa priorité est de marier la jeune comtesse avec un prince étranger, faisant ainsi fi de l’amour qu’elle peut ressentir. C’est peut être l’explication du fait qu’il tient une place bien plus importante qu’Astolfe par le nombre de ses interventions.
Étrange personnage que celui-ci. Comme on l’a déjà dit, c’est autour de Béralde que naissent les intrigues amoureuses. Don Pèdre et Moncade lui confient des billets galants qu’il doit porter à Isabelle. Surpris par Astolfe, il commet l’imprudence de dire à celui-ci qu’ils sont pour Cassandre. Voici donc la source des jalousies infondées et de tous les quiproquos dont les tristes conséquences se prolongent jusqu’au dernier moment. Béralde se montre cupide sans malveillance ; il est victime de la peur qu’il a d’être châtié par son maître. Sa réaction devant lui obéit plus à la crainte de la punition qu’au désir de prendre part à une intrigue quelconque. Ecuyer, il est loin d’évoquer le caractère picaresque de Sancho Pansa, son collègue de la Manche ; il ne rappelle en rien non plus le personnage espagnol dont il est issu, Beltrán, plein de verve cocasse et désinvolte. Au contraire, Béralde agit en courtisan. Il parle comme ses maîtres, lance des sentences et fait des tours galants. En peu de mots, il ne fait pas sourire. Voir les v. 163-166 et 208-210.
Or pour nous rappeler qu’il est un fourbe, il devient nécessaire que lui-même ou les autres le disent de manière explicite, comme dans le cas des v. 209-210 : « Il faut […] fourber galamment. », ou dans les vers suivants : « feignons obligeamment », (v. 683) ; « Que Béralde est un fourbe & des plus achevez », (v. 731). Autrement dit, le registre de l’écuyer est de style soutenu :
O dieux ! que je suis interdit, O cruelle surprise, insensé qu’ay-je dit ? » (v. 221, 222).
Dans Cassandre, on trouve un procédé qui permet le développement du thème de l’inceste. Il s’agit de la substitution d’enfants, qui constitue la matière première et, avec le faux risque d’inceste, le nœud du drame de Boisrobert. C’est un moyen que notre dramaturge avait exploité auparavant dans Pyrandre et Lisimène, sa première tragi-comédie, le déguisement étant à l’origine de l’intrigue. Dans Cassandre nous avons deux substitutions d’enfants dont les conséquences sont la source des confusions et des angoisses qu’elles provoquent. La première a été commise pour des raisons d’État (par le risque de mort de l’héritière légitime à sa naissance, le Régent remplace celle-ci par sa propre fille sur le trône), la seconde, dont on ne se rend compte qu’au tout dernier moment, a été faite pour éviter l’excès de pouvoir (Don Bernard de Rocas craignait que le Régent concentre en sa seule famille tout le pouvoir politique du comté de Barcelone). Cette dernière substitution apporte le soulagement et un dénouement heureux, après tant d’angoisse par le faux risque d’inceste.
Le thème de l’inceste n’est pas nouveau chez Boisrobert ; il est même très fréquent au XVIIe siècle. Notre abbé y revient vingt ans après l’avoir traité dans Pyrandre et Lisimène, pour le reprendre après dans Théodore, reine de Hongrie, la dernière de ses pièces de théâtre. C’est aussi un sujet qu’ont touché d’autres dramaturges comme Du Ryer dans Cléomédon, Mareschal dans La Sœur valeureuse et Pierre Corneille dans HéracliusOp. cit., p. 146-148.
A aucun moment l’inceste n’est présenté comme objet de réflexion, et encore moins comme un interdit trasgressible ; et si le héros proteste, ce n’est pas contre l’interdit, mais contre le destin qui l’a fait naître frère de son amante
Georges Forestier, […].Esthétique de l’identité dans le Théâtre français (1550-1680). Le déguisement et ses avatars, Genève, Droz, 1988, p. 507.
Par rapport à la situation d’ignorance d’identité qui fait courir un risque d’inceste, Georges Forestier s’attarde à traiter dans son ouvrage la variante plus fréquente qui est la relation entre frère et sœur. En parlant spécifiquement de notre Cassandre, où, selon lui, l’inceste joue une fonction essentiellement structurelle, il nous indique que :
[…] l’un des amants seulement apprend la vérité, et, obligé de se taire sous peine de révéler à l’autre sa véritable identité et de le faire ainsi déchoir de sa haute position, se voit contraint à un éloignement qui plonge l’autre dans l’égarement de l’incompréhension ; l’essentiel de l’intrigue de Cassandre de Boisrobert repose sur ce schéma
. Ibid., p. 517.
Le sujet du faux inceste se manifeste avec beaucoup de force et de sensibilité, car il constitue un moyen pour présenter des scènes d’amour malheureux qui permettent l’expression du pathétique. On peut trouver particulièrement de telles manifestations dans les scènes III, 8 et 9, lorsque Astolfe vient chez la princesse pour lui faire ses adieux et la quitte en la laissant dans la plus sombre des létargies. La qualité de l’expression des sentiments des amants rappelle le pathétique que l’on retrouvera des années plus tard dans les scènes IV, 5 de Bérénice quand Titus se sépare de la reine et dans la scène V, 4 de Andromaque de Racine, où Oreste est abandonné implacablement par Hermione une fois que celui-ci a assassiné Pyrrhus.
Le quiproquo sentimental crée des situations fortement psychologiques comme l’héroïsme d’Astolfe et le désespoir et la jalousie de Cassandre. Deux jeunes gens qui s’aiment depuis longtemps viennent à apprendre que leur rêve de se marier est interdit par la relation de parenté qui existe entre eux. L’angoisse devant cette passion s’installe. Le pathétique des sentiments du héros, qui désespère de ne pas pouvoir épouser celle qu’il croit être sa sœur, grandit au fur et à mesure que la noblesse et le peuple exigent un prompt mariage de la princesse héritière avec un monarque étranger. En fait, dans cette pièce une bonne part des affrontements reposent sur une invraisemblance fondamentale : dans la mesure où Astolfe est informé que Cassandre est sa sœur, comment peut-il continuer à se comporter en amoureux ? On pourrait répondre à cela que la passion et la souffrance du héros sont tellement grandes qu’il souhaite quand même épouser celle qu’il aime pour ensuite se donner la mort. C’est l’aveu des v. 1290-1291 qui donne une certaine cohérence au traitement du thème du faux inceste :
puis que de ce mal je ne sçaurois guerir : Ie voudrois l’espouser, & puis apres mourir.
Alors, la séparation des amants s’impose. Résultat de la contrainte imposée par un père, cet aspect revient constamment dans les tragi-comédies et donne à l’œuvre un caractère tragique indéniable. Dans Cassandre, il arrive aux limites du pathétique lorsque désarçonnée par la rigueur de son sort, mais toujours avec grandeur d’âme, la comtesse, n’ayant alors que quinze ans, est forcée d’envisager sa retraite définitive dans un couvent :
Dans ma sainte retraitte où ma gloire se fonde, Combien je la prefere à la gloire du monde. (v. 1513-1514)
De la même façon, Astolfe est forcé de partir dans un douloureux exil. Désespéré, il vit très mal la contrainte que son propre père lui impose :
L’esloignement tout seul ne me peut secourir, Ie ne voy que la mort qui me puisse guerir. (v. 640-641).
L’angoisse finit par l’arrivée opportune d’un personnage qui connaît leurs liens réels de parenté. C’est alors que se produit le coup de théâtre. Don Bernard de Rocas, le gouverneur de la comtesse, déclare à la cour qu’elle est bien la fille du feu comte de Barcelone et non pas la fille du duc. Ainsi, Astolfe ne lui est rien et Cassandre peut alors l’épouser (V. 8).
C’est peut être une manière grandiloquente de dire que dans Cassandre la feinte passe par le fait qu’on travestit la réalité au moyen de l’imposture. Concrètement, il s’agit de la façon dont l’écuyer Béralde, de peur d’être châtié par son maître pour se trouver, sans sa permission, émissaire inopiné d’amour, change le nom du destinataire des lettres qu’on lui confie pour Isabelle mais qu’il dit être adressées à Cassandre. Comme on l’avait avancé plus haut, cette imposture est à la source des intrigues amoureuses, des rivalités entre les gentilshommes et des jalousies princières.
Le déguisement a aussi lieu lorsque les amants veulent cacher leurs sentiments. C’est le cas de Cassandre qui, déshonorée par la fuite imprévisible d’Astolfe, se dit à elle-même :
Renferme dans ton cœur la douleur qui te presse, Et ne fais pas connestre en ce lieu ta foiblesse, Malheureuse Princesse, hélas qu’esperes-tu ? Estouffe ton amour, & sauue ta vertu (v. 936-939)
C’est encore elle qui, en interpellant Astolfe sur ce propos, conclut que la mort est le seul remède pour cet amant,
Qui déguise sa langue aussi bien que son cœur. (v. 1283)
Une situation semblable se produit lorsque le héros et l’héroïne sont informés de la fausse relation de parenté qui les unit. Ils essayent ainsi d’annuler l’amour spontané qui naît entre eux lorsqu’ils se revoient. La peur de violer les lois divines les amène à dire :
Astolfe. Voici Cassandre, ô Dieux ! le puis-je encore reuoir, Cét objet de ma rage & de mon desespoir, Cette sœur que j’adore ? Cassandre. Ah ! tout le cœur me tremble, Puis-je bien voir mon frere, & mon Amant ensemble ? Ainsi que nostre cœur destournons-en nos yeux, Forçons un mouuement qui blesseroit les Dieux. (v. 1587-1592)
Les enjeux politiques, comme dans les tragédies, occupent une grande partie de l’intrigue principale de la pièce. On peut les réduire à deux grands sujets : le mariage royal et l’usurpation du pouvoir, qui est en relation étroite avec l’abdication. Pour ce qui est du premier, il constitue l’unique et plus grande préoccupation du Régent de Catalogne. Celui-ci, devant la situation angoissante de la pression étrangère, souhaite au plus vite la conclusion du mariage de la comtesse Cassandre avec un monarque étranger. D’ailleurs, les ambassadeurs de Roussillon, de Portugal, d’Aragon et de Navarre, ayant eu connaissance de la majorité de la princesse, se sont empressés de demander sa main à la cour de Barcelone. En même temps, dès le début, le duc est absolument opposé à l’idée que la princesse épouse un de ses sujets et prévoyant l’éventuel intérêt de son fils pour elle, il lui interdit expressément de prétende à une telle liaison :
Et pour mille raisons j’exclurois les sujets.(v. 537) Mais si Cassandre avoit jetté les yeux sur vous, Ie voudrois vous voir mort plustost que son espoux (v. 484, 485)
Le deuxième aspect, l’usurpation du pouvoir, va ici de pair avec la restitution du pouvoir, car cela s’impose dans une tragi-comédie à fin heureuse. L’usurpation est cependant involontaire dans Cassandre, car l’héroïne est placée sur le trône sans avoir aucune connaissance de la substitution d’enfants dont elle a été l’objet. Innocente donc de cette usurpation, qui obéit plutôt à l’ambition de pouvoir du duc, elle s’apprête à restituer le sceptre et la couronne à celle qu’on croit légitime héritière :
Mon Pere, il faut ceder, voicy nostre Princesse, Il faut la replacer dans ce trosne usurpé, Que trop injustement nous auons occuppé. (v. 1506-1508)
Cassandre est encore plus précise lorsqu’elle s’adresse à Isabelle qui a des scrupules à recevoir un pouvoir qu’elle n’a jamais détenu et pour lequel elle ne se sent pas appelée :
En vous cedant l’Estat, ie ne vous cede rien, C’est restitution, ie vous rends vostre bien (v. 1531-1532)
L’héroïne se dispose ainsi à l’abdication de sa couronne, ce qui est perçu comme un acte de générosité et de justice, qui s’accorde bien avec la condition d’un noble souverain :
pour voir couronner plus solemnellement, Celle à qui cét Estat appartient justement. (v. 1595-1596) Et voicy maintenant celle qui nous commande, Ie m’en vay luy remettre & Sceptre & dignité. (v. 1610-1611)
Cassandre est le règne du pathétique amoureux. Nous y trouvons une véritable rhétorique de la passion qui s’exprime par les sentiments exaltés des personnages qui cherchent à sensibiliser le spectateur à leurs ardeurs, leurs violences, leurs troubles, leurs douleurs. Ainsi, ils maintiennent un registre où la surcharge d’émotions est à l’ordre du jour pour mieux émouvoir le public. On y trouve donc une série de figures stylistiques qui illustrent parfaitement ces élans du pathétique amoureux, comme les hyperboles, les antithèses, les figures de répétition, les interrogations oratoires.
L’hyperbole et l’emphase se rencontrent surtout lorsque les personnages expriment leur amour, leur souffrance ou leur jalousie mais aussi leur admiration devant la beauté de l’être aimé. Astolfe, n’a aucune réserve pour dire à Cassandre :
Que je vous aime plus mille fois que ma vie (v. 893)
C’est lui qui se plaint le plus de son sort rigoureux, d’abord lorsqu’il croit que Cassandre lui est infidèle :
Ie ne puis resister à de si rudes coups, Et n’ayant plus d’espoir, ie n’ay plus de courage : Ma sœur, il faut mourir, la Princesse et volage. (v. 308-310)
Sa sœur Isabelle n’est pas moins prête à décrire de la même manière à la comtesse les maux d’amour de son frère :
Il est jaloux, Madame, & c’est tout dire ; Le malheureux qu’il est souffre un cruel martire, (v. 325-326)
Mais le héros fait lui-même sa plaidoirie devant la femme qu’il aime quand celle-ci le croit à son tour inconstant :
Enfin, pretendez vous arracher de mon ame Cette amour immortelle, & ces feux eternels, Que vous avez trop tard reconnus criminels ? (v. 399-401)
Plus loin, devant l’impossibilité de réaliser l’union tant souhaitée avec l’être aimé, Astolfe est au seuil du fatidique :
Ie ne vois que la mort qui me puisse guerir. (v. 610)
Après cela, tout n’est pour lui qu’« excessive douleur » (v. 885), « opprobre eternel » (v. 903) et « douleur extresme » (v. 920).
Si la comtesse est plus réservée pour montrer ses élans amoureux, on peut la voir bien plus prompte à l’emportement lorsque son amant se dispose à l’abandonner et quand il a déjà pris la fuite. Les effets d’emphase se font alors ressentir :
Il ne peut échapper à mon juste courroux (v. 934)
Et plus loin : « Eclatte ma fureur, » (v. 1035). Mais la jalousie fait aussi proférer à cette femme des ordres emphatiques quand Isabelle est en sa présence et qu’elle considère comme la séductrice de son propre frère :
Ostez vous, miserable, ostez vous de mes yeux. (v. 1376)
Le pathétique de l’amour passe aussi par les interrogations oratoires qui nous montrent la souffrance du départ inexpliqué et incompréhensible d’Astolfe aux yeux de la princesse :
Pourquoi donc me quitter, à quoi bon ces adieux ? Pourquoi si brusquement sortir en furieux ? Car enfin, malheureux, vous m’auez delaissée, Croyez vous l’auoir fait sans m’auoir offencée ? D’où naist ce grand soupir, reprenez vos espris (v. 1246-1250)
Astolfe lui pose à son tour une rafale de questions aux v. 398-409, lorsqu’il pense que Cassandre aime un autre gentilhomme.
D’autres figures de style contribuent encore à suggérer la violence des sentiments et des passions, comme les apostrophes et les invocations que les personnages, au plus fort de leur fureur ou de leur désespoir, adressent aux dieux et aux forces de la nature. Cassandre et Astolfe font souvent appel aux « justes dieux » (v. 71, 568), aux « destins » et « au sort rigoureux » (v. 1158).
Étant donné la nature du discours pathétique des personnages principaux, on trouve souvent dans de longues tirades, d’ailleurs peu nombreuses, des figures de répétitions qui renforcent ou amplifient l’énergie de leurs paroles. C’est le cas d’Astolfe lorsque, contre la défense de son père, il rejoint la princesse pour lui faire ses adieux avant de partir en son exil. L’anaphore rhétorique y prend part :
I’atteste tous les Dieux dont i’ay blessé la gloire, Que mes respects pour vous sont bien moins limitez, Que ceux qu’on doit auoir pour leurs divinitez ; Que seule vous bornez ma gloire & mon anuie ; Que je vous aime plus mille fois que ma vie ; Que hors de vostre veuë il n’est point de plaisirs, Ny de biens, ny d’honneurs qui flattent mes desirs. (v. 890-895)
Le héros dépité ne peut pas s’empêcher d’ajouter :
Que je n’ose en partant monstrer mon innocence ; Quoy que sans expirer je ne puisse partir, Quoy que mon triste cœur n’y puisse consentir, Quoy que je sente bien qu’en ma douleur extresme… (v. 917-920)
Astolfe n’est pas seul à employer cette figure de style. Cassandre même y excelle quand elle adresse sa requête au duc pour qu’il lui fasse justice et venge son honneur bafoué par Astolfe. Elle fait sa plaidoirie dans ces termes :
Ie l’ay fait Maistre enfin de toute ma puissance, Ie l’ay fait triompher des Rois qui m’adoroient […] (v. 1121-1122) « Dès que de ma fortune il s’est senti maistre, Dès qu’il m’a veu sousmise, & qu’aux yeux de sa sœur […] (v. 1129-1130) « Qu’il vienne en suppliant, sa faute est pardonnée, Qu’il demande sa grace, elle est interinée : […] (v. 1180-1181) « Eussiez-vous, dittes-moy, reconnu vostre sang ? Eussiez-vous jamais creu qu’une amitié si rare, […] (v. 1183-1184)
Les figures de parallélisme et d’énumération, étant donné la charge persuasive qu’elles portent, se trouvent davantage dans les paroles du duc, car celui-ci plaide une cause fondamentale pour l’État : le mariage de la jeune comtesse avec un prince étranger pour rendre la stabilité politique à Barcelone. Nous voyons ainsi le Régent s’écrier dans les termes suivants :
Ce grand choix despend d’elle, elle n’en doute pas, Et de ce choix dépend le bien de ses Estas (v. 49-50)
Certains procédés de technique dramatique sont employés par Boisrobert dans sa tragi-comédie, alors qu’ils tendent à disparaître au fur et à mesure que les règles de la vraisemblance s’imposent dans le théâtre. On y trouve donc de nombreux apartés, des didascalies et quelques monologues. Les lettres et les récits rétrospectifs jouent aussi un rôle de premier ordre dans Cassandre. Mais la pièce n’est pas dépourvue de dialogues très vivants et de stichomythies vigoureuses.
C’est dans le monologue que les personnages principaux sont confrontés à eux-mêmes, à leur douleur sentimentale et à l’affrontement de la séparation définitive une fois qu’ils ont pris connaissance de leur relation de parenté, ainsi Cassandre lorsque son amant la quitte implacable et cruel. Elle se dresse contre elle-même par la promptitude avec laquelle elle s’aventure à donner sa main à Astolfe (v. 936-943). Puis elle se plie pour se lamenter du départ à l’improviste de son amant (v. 945-962) ; enfin, elle se plaint de son sort malheureux (v. 990-995).
En même temps, si dans cette pièce on ne trouve jamais de tendres dialogues entre les amants, ce procédé existe parfois sous une autre forme, mais plus animée et se transforme en des répliques qui se font chaque fois plus courtes et plus vives : les interlocuteurs se parlent en réparties quasiment parallèles donnant lieu à des stichomythies pathétiques. C’est le cas d’Astolfe et de son père le duc, lorsque celui-ci, dans l’extrait que nous avons signalé plus haut (v. 549-568), révèle à son fils que Cassandre est sa sœur et qu’il s’avère impossible d’envisager un mariage avec elle (II, 4). Boisrobert s’est montré très adroit dans la construction de cette réplique, très proche de la source espagnole.
Un moyen qu’emploie Boisrobert pour frapper notre imagination consiste en l’introduction de récits rétrospectifs qui nous « font voir » et qui nous transportent dans le temps. Ils nous expliquent comment se sont déroulés les événements dans le passé. Il y a là, par la force suggestive des mots, un véritable tableau des faits. On peut voir cela en trois occasions. D’abord, avec le récit que le duc fait à Astolfe de la manière dont l’échange des petites filles eut lieu « sur la frontière » et les circonstances qui tournent autour de cette substitution, (II, 4) ; ensuite, lorsque la princesse Cassandre convoque le duc chez elle pour lui demander justice et venger son honneur : c’est l’occasion pour elle de rappeler sa belle enfance en compagnie d’Astolfe et d’Isabelle et les nobles travaux qui lui sont confiés en raison de sa naissance, (IV, 5) ; enfin, lorsque l’agent deus ex machina de cette tragi-comédie, Don Bernard de Rocas, apparaît au tout dernier moment à la cour, après quinze ans de captivité, pour révéler à toute la compagnie la deuxième substitution des enfants. Ce récit apporte la joie et instaure la paix chez les personnages. Don Bernard rappelle aussi les ambitions de pouvoir du Régent et les péripéties qu’il a vécues en captivité, après qu’en route pour le Portugal, il ait été capturé par des corsaires qui le menèrent à Tunis (v. 8).
Nous trouvons également dans cette pièce de nombreux apartés. Ces répliques sont toujours exprimées sous les formes « bas » et « à part » qui accompagnent le nom du personnage qui parle. Quelques exemples se rencontrent aux v. 30, 56, 63, 71, 221, 223, 225, 253, 255, 260, 262, 263, 266, 281, seulement pour ce qui est du premier acte. Nous y trouvons au total quarante-cinq apartés.
Nous avons enfin la lettre comme un moyen de technique dramatique. On en trouve cinq dans cette tragi-comédie, dont quatre sont lues et relues par les personnages au cours de la pièce. Elles jouent un rôle de premier ordre dans le déroulement de l’intrigue secondaire et de vitale importance dans la première, puisqu’il s’agit de la lettre que, sous forme de testament, Don Bernard de Rocas adresse au duc de Cardone contenant la vérité sur la seconde substitution des petites filles. Cette forme d’écriture théâtrale prend ici différentes dénominations : « poulet », « billet », « lettre ». SchererLa Dramaturgie classique en France, Nouvelle édition revue et mise à jour par Colette Scherer, Paris, Nizet, 2001, p. 360.Introduction à l’analyse des textes classiquesIntroduction à l’analyse des textes classiques. Éléments de rhétorique et de poétique du XVII e siècle, Paris, Nathan, 1993, p. 76.
qui cesse d’être destiné à exercer une action sur le partenaire pour se concentrer sur l’expression des pensées et des sentiments de l’émetteur même du discours, […] dans la mesure où elles se présentent comme l’expression d’un moi souffrant, irrésolu, inquiet ou rêveur, les stances correspondent à ce que nous entendons aujourd’hui par lyrisme
. Ibid., p. 76.
C’est ce qui se passe dans Cassandre avec les lettres que Don Pèdre d’Aragon et Don Rémond de Moncade adressent à Isabelle ; c’est aussi le cas de la lettre que le duc envoie à son fils, qui à son tour l’adresse avec la sienne à Cassandre, pour lui montrer son innocence. On y trouve en chacune une hétérométrie (combinaison de vers de longueurs variées) et différentes combinaisons de rimes. Ainsi, dans la lettre de Astolfe à Cassandre, nous avons deux quatrains (un octosyllabe suivi de deux alexandrins, puis un octosyllabe dans le premier quatrain et un alexandrin, un octosyllabe et deux alexandrins, dans le deuxième) qui présentent un entrelancement de deux types de combinaisons de rimes : abba et abab. La lettre du duc présente des particularités plus complexes. Elle commence avec un quatrain à rime croisée (un alexandrin suivi de trois octosyllabes), puis un huitain à rime croisée (un alexandrin, puis un décasyllabe, suivi d’un octosyllabe et d’un décasyllabe, ensuite deux alexandrins et deux octosyllabes), enfin, un tercet à combinatoire aab (un décasyllabe suivi de deux octosyllabes)La versification appliquée aux textes, Paris, Nathan, 1993, p. 71 et 99.
La première édition de Cassandre date de 1654, imprimée à Paris chez Augustin Courbé, in-4°, VIII-126 pages. Le Privilège date du 12 mars, et l’Achevé du 15 mars. On en trouve des exemplaires dans la Bibliothèque Nationale de France [4-YF-156 (4)], à l’Arsenal [Rf. 5538] et à la Mazarine [1091865]. Losada GoyaBibliographie critique de la Littérature Espagnole en France au 17 e siècle. Présence et influence, Genève, Droz, 1999, p. 90.
Au XVIIIe siècle, la Cassandre de Boisrobert voit le jour chez d’autres maisons d’édition, mais elle est toujours insérée dans des recueils. Ainsi, on la trouve dans le sixième volume du Recueil du Théatre François, à Paris, par la Compagnie des Libraires en 1737, douze volumes in-12. Et en 1781, on la fait paraître dans le septième volume du Recueil des meilleures pieces dramatiques faites en France depuis Rotrou jusqu’à nos jours, ou Théatre françois, à Lyon, chez Joseph-Sulpice Grabit, in-12
En ce qui concerne les représentations, Cassandre, comtesse de Barcelone fut produite pour la première fois le vendredi 31 Octobre 1653, dans le Théâtre de l’Hôtel de BourgogneOp. cit., T. VII, p. 411. La date est confirmée par Lancaster , A History…Op. cit., part III, vol. I, p. 138.
La premiere representation d’vne piece nouuelle se donne toûjours le Vendredy pour préparer l’assemblée à se rendre plus grande le Dimanche suiuant par les eloges que luy donnent l’Annonce & l’Affiche
Chappuzeau, .Le Théatre françois divisé en trois livres, Lyon, René Guinard, 1674, p. 70.
En effet, Boisrobert lui-même nous dit dans son Avertissement Au lecteur que « toute la Cour & toute la ville ont trouué cette Trage-Comedie si belle sur le Theatre, & aussi bien soustenuë par la majesté et la délicatesse de ses vers, que par la dignité de son sujet.» D’ailleurs, il s’agit de la première production de Boisrobert dont Loret fasse mention dans sa Muse Historique, qu’il publiait tous les samedis de chaque semaine. Celle du 8 novembre 1653 s’exprime à ce propos dans les termes suivants :
Il faut qu’encore ici j’ajuste, Que Vendredi dernier tout juste Les Comédiens de l’Hôtel Reciterent un Poëme tel, Que sans mentir la renommée En est par-tout Paris semée : Et contenta tout à la fois, Le Courtisan & le Bourgeois : La Comtesse de Barcelone, C’est le titre qu’on lui donne. Chacun en fût l’admirateur, Et Boisrobert en est l’Autheur Cité par Parfaict, .Op.cit., T. VII, p. 411.
De son côté, le chevalier de Mouhy avance, encore une fois, une date de représentation erronée en disant qu’elle fut donnée en décembre 1633Abrégé de l’Histoire du Théatre François, depuis son origine jusqu’au premier Juin de l’année 1780 ; précédé de toutes les Pièces de Théatre jouées & imprimées ; du Dictionnaraire des Auteurs Dramatiques, & du Dictionnaire des Acteurs & Actrices ; dédié au Roi, Paris, chez l’Auteur, 1780, T. I, p. 81. e siècle puisque De Mouhy n’atteste pas, dans ses Tablettes dramatiques, une quelconque représentation dans son siècle ; l’absence de témoignages ultérieurs permet d’avancer qu’il a été de même jusqu’à aujourd’hui.
Pour ce qui est du succès de Cassandre, le renseignement le plus ancien que nous ayons, à part la gazette en vers de Loret, est celui de Tallement des Réaux qui, dans ses Historiettes, nous apprend que « Cassandre est la meilleure piece de théatre que Boisrobert ayt faiteTallemant des Réaux…, Op. cit., p. 35.Op. cit., p. 411.Préliminaires d’une édition de Cassandre de 1781, il est dit que la pièce a été choisie pour faire partie du recueil en question considérant qu’elle est la moins mauvaise des productions dramatiques de l’auteur :
Ce ne pas que le drame de Boisrobert n’ait pas ouvert en sa faveur les cent bouches de la renommée : on disoit à la cour qu’il étoit notre Sophocle ; & le cardinal, parmi les chef-d’œuvres de l’esprit humain, ne voyoit que
Mirameau dessus de laComtesse de Barcelone. Recueil des meilleures pieces faites en France depuis Rotrou jusqu’à nos jours, ou Théatre François, 1781, T. VII, p. 183et sq.
Ce jugement ne peut être que faux puisque le cardinal était mort depuis 1642, alors même que la pièce ne fut créée qu’en 1653. Ch. Labitte, qui sans doute a connu cette édition, considère que le succès de la Comtesse de Barcelone engagea plus que jamais Boisrobert dans le théâtre, en y montrant une remarquable fécondité pendant quelques années jusqu’à peu de temps avant sa mortOp. cit., p. 409.
Nous sommes donc en présence, non pas d’une influence littéraire s’exerçant sur l’inspiration de nos écrivains, mais d’une mode du public, à laquelle nos auteurs s’efforcent de satisfaire. Les spectateurs veulent qu’on se transporte par l’imagination en Espagne…Ce plaisir très romantique, cette évocation d’un monde de volupté et de sang, voilà ce que d’abord recherchent les spectateurs du Marais et de l’Hôtel de Bourgogne
Antoine Adam, .Histoire de la Littérature française du XVII, Paris, Albin Michel, t. II, p. 324.esiècle
Considéré comme un simple traducteurLa comedia de enredo y su adaptación en Francia en el siglo XVII : transformación de un género. », [in] Fondo y forma del Teatro del siglo de oro, Madrid, La avispa, 1998, p. 271. Cf aussi Martinenche, Op. cit., p. 402.comedias espagnoles. Son originalité, au dire de Labitte,
c’est d’avoir conservé, dans les cadres improbables, mais amusants, qu’il empruntait à Lope de Vega, quelques traditions gauloises de l’
Avocat Paletinet des farces graveleuses dont s’étaient amusés les bourgeois gausseurs de la Réforme et de la LigueLabitte, .Op. Cit., p. 411.
Si quelques unes de ses pièces furent appréciées pendant la première moitié du XVIIe siècle, elles n’étaient guère goûtées au début de la seconde. Mazarin se contenta de le mettre à la porte, car il n’exerçait pas le même charme avec sa plume théâtrale. Cela peut expliquer aisément que Martinenche n’ait aucune réticence en affirmant que Cassandre n’est qu’une « misérable pauvretéOp. cit., p. 402.
…as there is nothing noteworthy in the study of character, and as the plot is unnecessary complicated, this success must have been due chiefly to the suspense created by the apparent danger of incest, the heroism of several characters, and the skillful presentation of certain situations, specially of the scène (II, 5) in which the father reveals to his son his belief that the young man is in love with his sister
Lancaster, .Ibid, Part III, vol. I, p. 139.
Nous avons choisi pour l’établissement de notre texte la première édition de Cassandre, comtesse de Barcelone, publiée donc en 1654 chez Courbé en format in-4° de la BnF. Les variantes trouvées dans tous les autres imprimés sont alors signalées en tenant compte de notre texte de base. Toujours est-il que les ouvrages parus au XVIIe siècle maintiennent une grande uniformité, si on les compare aux ouvrages imprimés au cours du siècle suivant. Cependant, quelques particularités peuvent être distinguées.
En ce qui concerne l’édition Courbé de l’Arsenal en format in-12, les variantes portent principalement sur deux aspects :
Nous signalons toutes les variantes de ponctuation trouvées à l’hémistiche et en fin de vers. Les signes d’interrogation y sont plus abondants, de même que pour les points d’exclamation, pratiquement inexistants dans notre texte de base.
v. 11 : entreprendre ;
v. 14 : mesprisez ;
v. 48 : Prouinces,
v. 71 : ame ?
v. 88 : elle,
v. 123 : franchise,
v. 131 : fidelle,
v. 132 : Isabelle.
v. 134 : amis,
v. 146 : appas,
v. 148 : trompe ;
v. 158 : douleur.
v. 160 : caprice ;
v. 175 : l’autre,
v. 180 : yeux,
v. 219 : Maitresse ?
v. 228 : apprendre.
v. 241 : sang
v. 245 : tour.
v. 247 : sorte ?
v. 250 : curieux ;
v. 270 : amant !
v. 278 : voir.
v. 290 : flattez
v. 303 : injustice !
v. 325 : dire,
v. 331 : mespris ;
v. 333 : tendresse,
v. 339 : m’estonnez !
v. 344 : deffendu !
v. 347 : examinons,
v. 360 : ainsy ;
v. 395 : reglée.
v. 398 : Madame,
v. 411 : deplaire,
v. 430 : Madame ;
v. 448 : bontez ?
v. 474 : grace,
v. 550 : pense.
v. 554 : tendresse,
v. 562 : ame ?
v. 567 : gloire ?
v. 576 : jour
v. 614 : estrange !
v. 670 : abusé,
v. 675 : appris !
v. 676 : caprice
v. 682 : doucement ;
v. 742 : venir,
v. 768 : conte,
v. 833 : naistre,
v. 880 : silence,
v. 933 : rameine
v. 949 : l’abandonne
v. 957 : égarée,
v. 1002 : secret,
v. 1038 : pretens.
v. 1145 : fauorable ?
v. 1153 : confondre ?
v. 1327 : appartement,
v. 1375 : lieux ?
v. 1394 : s’égare ;
v. 1439 : escoutez.
v. 1451 : examinez
v. 1452 : condamnez ;
v. 1464 : costez :
v. 1482 : Souueraine ;
v. 1582 : place
v. 1617 : pure ;
v. 1652 : temps :
v. 1670 : mesme.
v. 60 : plus,
v. 72 : Moncade,
v. 182 : actions,
v. 219 : Poulets,
v. 260 : billet ?
v. 273 : Cassandre !
v. 314 : enfin
v. 323 : voit
v. 670 : l’ingrate !
v. 759 : transports,
v. 1410 : innocent ;
v. 1481 : colere,
v. 1573 : retour !
Quant à l’édition hollandaise de Cassandre, outre le fait que la ponctuation est considérablement différente de celle des éditions Courbé et que nous n’allons pas nous attarder à en faire le relevé, il est intéressant de tenir en compte certaines singularités orthographiques. Le trait le plus marquant c’est l’emploi des accents aigus lorsqu’ils remplacent le groupe « -es- » par « é » dans les mots ainsi construits chez les éditions Courbé. Nous en avons les exemples suivants : mépris et les dérivés verbaux (v. 14, 327, 331, 744, 792, 806, 817, 856, 940, 959, 1235, 1244, 1251), répons (v. 58, 794, 855, 955), déplaire (v. 60, 110, 145, 175, 900, 1048), égal (v. 83), témoignage (v. 100, 588, 721, 733, 735, 1380, 1686), échappe (v. 106), découurons (v. 197), ménager (v. 214), émotion (255, 314, 343), émeu (v. 254), déplaisir (v. 327), témoin et les variantes verbales (v. 338, 339, 412, 473, 1054), ébranle (v. 772), éloigne (v. 931), méchant (v. 1233). On en fait de même avec les mots dont l’orthographe actuelle exige un accent circonflexe, comme dans : fâcheux (v. 168), tâchons (v. 239, 1029), fâche (v. 649), extrême (v. 944), trônes (v. 1602, 1629). Mais l’accent circonflexe y est aussi employé pour remplacer le groupe « -us » même si l’orthographe est aujourd’hui fautive, comme dans : soûpirs (v. 98, 101, 790, 1112, 1152, 1387), pû (v. 233, 1133), flâme (v. 244, 264, 395, 409, 431, 764, 841, 1005, 1029, 1116, 1383), toûjours (v. 442, 906), plûtost (v. 485, 1686), soûtenir (v. 533, 743, 1083, 1250), soûtien (v. 962). Cependant, l’aspect le plus curieux de l’édition hollandaise est l’emploi de certains signes qui raccourcissent les mots lorsque les vers s’avèrent trop longs par rapport à la largeur de la page. Ainsi, on voit le pronom personnel « vous » construit sous la forme « vo⁹ » dans les vers 29, 307, 418, 513, 1025, de même que pour l’adverbe de quantité « plus » : « pl⁹ », dans les vers 1267, 1477. Mais on remarque aussi la présence des tildes pour des termes tels que : sçauẽt (v. 37), hoñeur (v. 80), rẽdre (v. 200), mõ (v. 240), cõme (v. 297), prõpt (v. 324), sãs (v. 418), attẽdre (v. 499), cãpagne (v. 873), võt (v. 909), abandõne (v. 925, 929), pressãt (v. 976), croyãt (v. 1024), mãque (v. 1073), fẽme (v. 1289), prõptement (v. 1409), entẽdre (v. 1438), estoñe (v. 1477), grãdeur (v. 1602).
Nous avons déjà signalé qu’il existe encore deux autres éditions de Cassandre en format in-12, parues au XVIIIe siècle, en 1737 la première chez la Compagnie des Libraires et en 1781 la seconde chez Joseph-Sulpice Grabit. Par rapport aux éditions du siècle précédent, outre que l’orthographe a été adaptée aux normes de l’époque, on peut ajouter que la ponctuation est considérablement détaillée : les deux points, les points de suspension, les points d’exclamation et d’interrogation, guère existants dans les éditions Courbé, sont ici très abondants à l’hémistiche et en fin de vers comme ailleurs. Du point de vue de la forme, l’aspect le plus curieux c’est la grande quantité de scènes introduites tout en respectant celles déjà existantes dans le texte du XVIIe siècle. Nous avons donc pour le premier acte, onze scènes ; six, pour le second ; seize, pour le troisième, huit, pour le quatrième et dix, pour le cinquième. Encore faut-il dire que toutes les deux maintiennent la même structure et les mêmes changements introduits au texte ancien. Il est aussi à remarquer que si les imprimés de 1654 comptent au total 1714 vers, les éditions du siècle des Lumières en ajoutent un de plus, car le vers 1366, qui fait partie de la lettre du duc de Cardone à son fils, est coupé pour en faire deux :
Esuitez vne amour horrible, Que ie regarde auec effroy.
Les éditions du XVIIIe siècle nous apportent aussi des informations intéressantes sur le souci de précision qu’ont éprouvé les imprimeurs en apportant des changements au texte original, non seulement du point de vue orthographique et de la structure, comme on vient de le voir, mais aussi du point de vue lexical et syntaxique. Le sens y est donc quelque peu altéré.
Nous allons nous attarder maintenant sur le texte qui fait l’objet de l’établissement de la présente édition. Comme nous l’avons déjà dit, l’imprimé sur lequel nous travaillons est l’exemplaire 4-YF-156 (4) de la Bibliothèque Nationale. Nous avons choisi d’introduire le minimum de modifications à l’ouvrage consulté et nous le respectons autant que possible. Toutefois certaines corrections nous semblent pertinentes pour rendre la lecture plus aisée, tout en faisant la remarque que l’Epître et l’Avertissement au lecteur ont été laissés intactes. Nous avons ainsi :
La description de l’ouvrage que nous avons choisi est la suivante : 1 vol. [VIII]-126 p., in-4° ;
[I]. CASSANDRE, / COMTESSE / DE BARCELONE. / TRAGE-COMEDIE. / [fleuron du libraire] / A PARIS, / Chez AVGVSTIN COVRBÉ, au palais, en la / Galerie des Merciers, à la Palme. / [filet] / M. DC. LIV. / AVEC PRIVILEGE DV ROY.
[II]. Page blanche.
[III-V]. Epître dédicatoire à Monseigneur le duc de Nemours, Archevêque et duc de Reims, Premier Pair de France.
[VI-VII]. AV LECTEVR.
[VIII]. LES NOMS DES ACTEVRS.
1-124. Le texte de la pièce.
125-126. Extraict du Priuilege du Roy.
MONSEIGNEVR,
Si vous-vous ſouuenez que ce fut en voſtre preſence, qu’vne grande Princeſſe
alias Nitocris selon le Grand Dictionnaire des Précieuses du Sieur de Somaize). Fille de Henri d’Orléans, IIe du nom, duc de Longueville, d’Estouteville et prince de Neufchâtel (1595-1663) et de sa première femme Louise de Bourbon-Soissons (1603-1637), la duchesse de Nemours naquit le 22 mai 1625 et mourut le 15 juin 1707. Enormément riche, elle hérita à dix-sept ans de tous les biens de sa maison après la mort de ses frères et instaura chez elle des habitudes de mécénat. Jouissant de son indépendance, elle recevait à l’Hôtel de Longueville et de Soissons tous les académiciens de la première cuvée, Boisrobert compris. Car, selon Micheline Cuénin, Mlle de Longueville « fut sans aucun doute possible la femme la plus instruite de France. » M. Petitot, dans sa Collection de Mémoires (t. 34, pp. 379-380), nous raconte qu’un duel fameux, qui eut lieu le 30 juillet 1652 influa beaucoup sur la destinée de la princesse : Charles-Amédée de Savoie, duc de Nemours, eut une dispute avec son beau-frère François de Bourbon-Vendôme, duc de Beaufort ; ils se battirent et le premier fut tué. Henri de Savoie, son frère cadet, avait embrassé l’état ecclésiastique pour lequel on lui croyait de la vocation. Il est nommé à l’archevêché de Reims, mais on ne le lui avait pas encore conféré les ordres sacrés. Ce jeune prince avait reçu une éducation variée mais sa santé était fragile et sa fortune ne semblait pas très grande : il ne lui restait que son apanage de Savoie. Mlle de Longueville, notre duchesse, qui depuis la fin de la Fronde menait une vie retirée, paraissait décidée à ne pas se marier. « Mais ayant fait connaissance du nouveau duc de Nemours, Henri de Savoie, la conformité de leurs goûts les rapprocha bientôt. » Dès lors, il semble que tous les jours le duc soupait chez elle et qu’ils s’entretenaient de littérature au milieu d’une société choisie ; et « après quelques mois d’un commerce où l’esprit seul paraissait avoir part », ils prirent la résolution de se marier. Comme ils étaient parents, une dispense du Pape fut nécessaire, et elle arriva le printemps de 1657. Le mariage eut lieu le 22 mai. Cependant, Mme Cuénin soutient qu’il fut plutôt imposé par la volonté de Mazarin pour éviter que la princesse épouse le duc d’York, futur Jacques II d’Angleterre. C’est certainement au cours de l’année 1653, dans le cadre des réunions mondaines et littéraires qu’elle organise en son hôtel, que l’assiduité de Boisrobert (Barsamon, en langage de ruelles) et la lecture de notre Cassandre ont donné lieu aux « avis obligeants » dont il est question dans son épîtreSomaize nous dit que Marie d’Orléans est une précieuse qui « ne voit pas seulement ceux qui composent des vers et de la prose, mais même elle sert de sujet et d’idée à ceux et celles qui nous tracent des héroïnes…L’illustre Nitocris ne voit presque point d’égale ni pour la naissance, ni pour les clartés et les lumières de son esprit.» Habitant alternativement la capitale et ses terres à la fin de sa vie, elle partagea ses loisirs entre la culture des lettres et l’administration de ses biens. ſouffrit auec plaiſir la premiere lecture qui a eſté faite de
EPISTRE.
cette Trage-Comedie ; Vous-vous ſouuiendrez aussi des aduis obligeans qui me furent donnez par Vous & par Elle, pour en augmenter les agrémens ; & ainſi vous n’aurez pas eſté fort ſurpris de la grande reputation qu’elle s’eſt acquiſe. Mais vous aurez ſans doute quelque ſujet de vous eſtonner, de ce qu’aujourd’huy que je l’expoſe hardiment, & auec tant de confiance à la veuë du monde, apres la glorieuſe approbation que vous luy auez donnée, j’oſe vous demander pour elle vne nouuelle protection. Ie ſçay bien, MONSEIGNEVR, que ce qui a eu une fois le don de vous plaire, & d’attirer vos loüanges, ne doit plus apprehender le blâme ny le mespris. Ie ſçay que cet esprit clair-voyant & judicieux, par lequel vous ne brillez pas moins que par la splendeur de vostre naiſſance, a ſes priuileges particuliers qui ſeroient respectez dans les Academies les plus seueres. Auſſi quelques couleurs que je donne à la vanité que j’oſe montrer icy d’auoir merité voſtre estime ; on void bien que ce n’eſt pas tant vne grace* que je vous demande, puiſque j’apprens aux Lecteurs, que je l’ay deſia receuë , qu’vn hommage que je vous rends, & que ce n’eſt pas tant vn teſmoignage que je veux exiger de vous pour ma gloire*, puis que vous l’auez deſia ſi bien eſtablie, qu’vn tribut que je cherche à payer à voſtre Vertu*. Mais, MONSEIGNEVR, j’ay quelque ſujet de craindre encore que ce dernier deſſein ne me reüſſiſſe pas mieux que l’autre, comme je confeſſe ingenument*, que je dois à vos bontez les principales graces de cet Ouurage. On ne manquera pas de dire que c’eſt pluſtoſt vne reſtitution qu’vn preſent que je vous faits, & que quelque ardeur qui paroiſſe dans mon zele*, vous n’auriez rien receu de moy, ſi vous ne m’auiez rien donné. Si les delicats* s’aduiſent de me faire cette objection, ſouffrez que je leur reſponde, que vous auez cela de commun auec les Dieux, dont vous tirez voſtre origine, que comme ils ne verroient point de fleurs ny de parfums ſur leurs Autels s’ils ne les auoient donnez aux hommes ; Ainſi, MONSEIGNEVR, ſi vous n’auiez respandu ſur moy quelques rayons de vos
propres graces, je n’en connoiſſois point d’eſtrangeres qui fuſſent dignes de vous, ny n’euſſe jamais pû vous teſmoigner aſſez parfaitement de moy-meſme auec quel reſpect*, & quelle veneration je ſuis,
MONSEIGNEVR,
De V. A.
Le tres-humble & tres-obeïſſant seruiteur,
BOIS-ROBERT, Abbé de Chaſtillon.
Ie m’aſſeure, LECTEVR, que cette Trage-Comedie, que toute la Cour & toute la Ville ont trouuée ſi belle ſur le Theatre, ne te paroiſtra guere moins agreable ſur le papier, & que tu la trouueras auſſi bien ſouſtenuë par la delicateſſe & par la majeſté de ſes vers, que par la dignité de ſon sujet. Si VillegasCf. plus haut la notice biographique, dans les « Sources » de la pièce.
Lettre d’Astolfe à la Princesse.
LETTRE DV DVC DE CARDONNE
A ASTOLFE.
Le Roy, par ses Lettres Patentes, à permis au Sieur de Bois-Robert Abbé de Chaſtillon ſur Seine, de faire imprimer, vendre & debiter en tous lieux de ſon obeïſſance, deux Pieces de Theatre, intitulées la Caſſandre, Comteſſe de Barcelone, & l’autre, la belle Plaideuſe ; & ce, durant dix ans entiers, à compter du iour que chacune deſdites Pieces ſera acheuée d’imprimer pour la premiere fois : Auec deffenſes à toutes perſones de quelque qualité ou condition qu’elles ſoient, de les imprimer ny vendre, en aucun lieu de l’obeïſſance de ſa Majeſté, ſans le conſentement dudit Sieur de Bois-Robert, ou de ceux qui auront ſon droit, à peine de deux mil liures d’amende, de confiſcation des Exemplaires contrefaits, & de tous deſpens, dommages & intereſt ; à condition qu’il en sera mis deux Exemplaires de chacun deſdits Liures en la Bibliotheque de ſa Majeſté, & vn en celle de Monſieur Molé Garde des Seaux de France, auant que les expoſer en vente, voulant qu’à l’Extraict deſdites Lettres qui ſera mis au commencement ou à la fin deſdits Liures, foy ſoit adiouſtée, & aux copies qui en ſeront deuëment collationnées comme à l’Original. Et que tous Huiſſiers & Sergens Royaux, faſſent pour l’execution d’icelle tous exploits, & ne ce faire ſans demander autre permiſſion, comme il eſt plus au long porté par leſdites Lettres. DONNÉ à Paris le douziéme Mars mil ſix cens cinquante-quatre. Signé par le Roy en ſon Conſeil, CONRARD. Et ſcellé du grand ſceau de cire jaune ſur simple queuë.
Et ledit Sieur de Bois-Robert Abbé de Chaſtillon, a cedé & tranſporté ſon droit de Priuilege, à Auguſtin Courbé Marchand Libraire à Paris, ſuiuant l’accord fait entr’eux.
Acheué d’imprimer pour la premiere fois, le quinziéme iour du Mars 1654.
Les Exemplaires ont eſté fournis.
Nous proposons un tableau comparatif du déroulement de l’action dans les pièces respectives de Boisrobert et de Villegas. Ensuite on pourra trouver un relevé des extraits de La mentirosa verdad avec les numéros de scène et de vers qui correspondent à la adaptation française faite par Boisrobert dans sa Cassandre.
Dedicada à Don Juan de Lujan y Aragon,Cauallero de la Orden de Santiago.Zagoroza, 1636Salen Violante, el Duque, Carlos, yacompañamiento.
Duque. De vuestra mucha prudencia,
los efetos se an de ver.
Violante. Bien sè que os devo tener,
Enrique, justa obediencia.
Pues sè por euidencia
vuestra lealtad y cuydado,
que en criarme aueys mostrado.
Duq. Essa fue obligacion mia,
que a vuestro padre deuia,
por todo el ser que me à dado.
No encarezcays mis lealtad,
que quien paga lo que deue
no obliga.
Viol. Con todo mueue
amor a la voluntad.
Pensays que no es nouedad
el pagar bien segun son
los tiempos ?
Duq. Tienes razon ;
mas esso se à de enterder
con gente de baxo ser,
y no de ilustre blason.
Mas esto a parte dexando,
digo, sino me entendeys,
que aguarda a que congregueys,
gran senora, vuestro estado.
(I,1)
El de Cerdenia à embiado
su embaxador, y le abona
el valor de su persona,
casamiento suficiente. (v. 34-36)
Duq. Carlos, de ti me confio,
Carlos. En que puedo seruir ?
Duq. No la puedo persuadir
al casarse, aunque porfio. (v. 13,14)
Tu eres prudente, y discreto,
juntos os aueys criado, (v. 27,28)
que don Iayme de Aragon,
es sol de suprema esfera. (v. 190)
D.Iay. Casarme espero, (v. 137, 138)
dalde este papel, que quiero
que por corteses caminos (v. 143, 144)
sepa mi amor y mi intento.
Bel. Estafeta vengo a ser.
D.Ia. Tomad, y boluedme a ver. (v. 176)
(5)
Bel. Por Dios que es donoso cuento,
tengolos de dar, o no ;
mas que puedo auenturar ? (v. 199-202)
Sale Carlos.
Bel. Ninguno tiene
sobrescrito, y es vsado
en papel de enamorado. (v. 215, 216)
(6)
Car. Que papeles escondiste ? (v. 219)
Bel. (Que me mata es cosa llana,
si echa de ver que a su hermana
se lo han escrito, ay triste). (v. 221-224)
Señor, yo los reciui, (v. 220)
Car. Y a quien darselos procuras ? (v.223)
Bel. Muerto soy, a la Condesa. (v. 221)
Car. Muestra, yo se los darè. (v. 226)
Bel. Ten,
yerros de codicia han sido,
y sus dueños me han pedido,
que a la Condesa se den. (v. 225)
Car. E de abrirlos, ay de mi :
nobles y galanes son,
de Mondaca, y de Aragon, (v. 228,229)
sangre ilustre, oy me perdi,
que quien a escriuir se atreue,
fauores à recibido : (v. 230,231)
si casarse no a querido,
algun nueuo amor la mueue,
pues el mio se oluidò
en tan muda soledad,
estos digan la verdad. (v. 232, 234)
Salen Violante, y don Ramon y Carlos
se aparta a leer los papeles.
(7)
D.Ra. Este es mi papel ; que engaños
mis desdichas solicitan. (v. 246)
Lee. Moncada soy, dad lugar
de que llegue a vuestros braços. (v. 242)
Vio. Carlos en otro cuydado
tambien a mi me condena,
hermano, pues de tu pena,
tan grande parte me alcança. (v. 316-318)
Car. De don Iayme de Aragon
otro papel tengo aqui,
pero ya no ay fuerça en mi
para tan gran sinrazon.
Ni le procuro leer,
tomale, que dèl sabràs
mis desdichas, si es que ay mas
desdichas que padecer. (v. 319-322)
Isa. La Condesa viene. (Didascalie)
Sale Violante
(2)
Viol. Adonde se fue tu hermano ? (v. 323)
Isa. Esso preguntas agora,
quando ocasiones le has dado,
para que pierda el sentido. (v. 326,327)
Viol. Que dizes ? estàs burlando ;
antes Isabel, se và,
porque se siente culpado :
y tiene de mi verguença. (v. 329-332)
Isa. De que tal digas me espanto. (v. 339)
Sientase
Ya sabes que desde niña,
Isabel, quise a don Carlos,
y que de ti solamente
este secreto è fiado. (v. 333-335)
... pues que boluiendo
despues, le hallè embelesado
leyendo aqueste papel,
testigo de que es ingrato. (v. 341-344)
Tomèle el papel, leile. (v. 341)
Viol. Pensandolo mas de espacio,
sabreys por êl la aficion
(dixo Ramon al dexarnos)
de mi noble proceder. (v. 359/372-374)
Viol. Cuento gallardo,
ay Isabel, con mas veras,
ya que veo el desengaño,
le adoro. (v. 361)
Viol. Donde està ? verle deseo. (v. 380)
Viol. A mi don Ramon se atreue ? (v. 370)
Isa. Otro villete me ha dado
de don Iayme de Aragon,
pero no me dixo al darlo,
que era para ti. (v. 383-385)
Lee Isa. Dize assi : Si la fortuna
(4)
Duq. hablastela por ventura
en esto del casamiento ? (v. 513-515)
Car. Si señor. (v. 518)
Duq. Y que es su intento ? (v. 516)
Car. Sus pensamientos estàn
lejos de lo que à passado. (v. 519,520)
Duq. Quiere casarse ? (v. 517)
Car. Si quiere,
pero no con estrangero. (v. 521)
Duq. Los estoruos considero
si en Barcelona prefiere
a alguno. (v. 536,537)
Car. No ay caualleros
que la puedan merecer ? (v. 538,529)
no es calidad el poder ? (v. 540, 541)
Si sus hermosos luzeros
(pongo por caso) eligieran
a tu hijo, que perdia
tu sangre ? (v. 542,543)
Duq. Nada ; en la mia
altas glorias reuerueran ;
mas esso no puede ser. (v. 546-550)
Car. Que pienso que yo. (v. 550)
Duq. Hijo, pensar no es saber. (v. 551,552)
Car. Pues yo sè que me à mirado
su Alteza con aficion. (v. 553,554)
Duq. No vès que tendrà atencion
a aueros juntos criado ? (v. 555-557)
Car. Ay mas. (v. 558)
Duq. Que mas ? (v. 558)
Car. Mil fauores. (v. 558)
Car. Señor palabra me à dado,
de ser mi esposa. (v. 559)
Duq. Ay de mi !
Carlos, Carlos, cesse ay
lo que teneys empeçado ;
palabras daldas al viento,
lo demas no puede ser. (v. 560,561)
Car. Como no, si es mi muger,
sin que baste impedimento ? (v. 563)
Duq. Como ? (v.564)
Car. No es bien te assombre.
Duq. Viose mayor confusion ? (v. 565)
Duq. Que escuches digo. (v. 566)
El Conde de Barcelona,
que Dios en su gloria tenga,
en la mitad de los años
le dio el mio. (v. 645,646)
D.Ra. Puede ser,
pero conuiene saber
si fue accion de la fortuna,
o falta de su lealtad, (v. 647)
la necia temeridad
no intente algun desatino
dando muerte a este criado. (v. 648)
D.Iay. de la suerte que le dimos
los papeles, aguardemos, (v. 649)
y de su boca sabremos
la duda con que viuimos. (v. 650)
D.Ra. No nos vea
assi juntos a los dos. (v. 654)
Sale Beltran
(2)
Bel. Iamas me vi tan dudoso, (v. 650)
Que yo se le di a Isabel,
desabrida le leyò,
el tomarle me culpò,
mostròse esquiua y cruel,
y enojada, es caso llano,
que para que su razon
impida la pretension
vuestra, se le dio a su hermano.(v. 662-669)
De mi no esteys ofendido,
porque no tendreys razon,
culpad a Isabel, Ramon,
de quien soys aborrecido. (v. 671-673)
D.Ra. Pienso que dezys verdad,
porque sino se enojara
Isabel, Carlos mostrara,
sabiendo mi calidad,
y que merezco a su hermana,
menos enojo conmigo. (v. 674-677)
D.Ra. Contigo el furor se allana, (v. 679)
Bel. Otra maquina và armada. (v. 683)
Escondese
Bel. No ay borrasca que me anegue,
pues deste golfo sali,
a pesar de los estremos (v. 680)
(3)
D.Iay. Quiero saber
de vos, si el papel que os di
tiene Isabel ? (v. 684)
Bel. Si señor, (v. 688)
y que os tiene algun amor
en su rostro conoci,
(5)
Sale Isabel con manto, y Beltran
con ella.
Isa. El que quiero se desuia
y se acerca el que no quiero ; (v. 748,749)
antes que os quedeys, os pido,
que vuestro intento è sabido,
y escusar la nota quiero :
no aueys de passar de aqui. (v. 750,751)
Isa. Vn papel vuestro lei,
y solo auerlo leido
os doy por respuesta (v. 752, 753)
Bel. Mira agora si è mentido. (v. 756)
D.Ia. Deuote mi vida. (v. 755)
D.Ra. Cielos,
ciertas mis desdichas son,
ya don Iayme de Aragon
me da muerte con sus zelos :
no me atreuo a hablar, ni puedo. (v. 761)
Isa. Ramon no quiere llegar,
ama en mas alto lugar. (v. 764-766)
D.R. Entre amor verguença, y miedo(v. 769)
se turba el alma abrasada ; (v. 772/776)
permita V. Señoria
que yo. (v. 777,778)
Isa. Ya es la cortesia
para conmigo escusada. (v. 779)
Los intentos è sabido
de V. Senoria, y creo
que no serà de su desseo
en ningun tiempo admitido. (v. 783-787)
Porque està la voluntad
que conquista, tan prendada
en otro amor, que le enfada
que muestra tanta lealtad. (v. 790-792)
Bien puede mudar de intento,
y poner en otra dama
que le estima, y que le ama,
el gusto, y el pensamiento. (v. 793-795)
quedese V. Señoria. (v. 796)Vase.
D.Ra. Viose mayo desengaño ? (v. 799)
(6)
D.Iay. Que ventura !
ya conoceys vuestro daño (v. 804,805)
don Ramon, sabed la dama
que os promete tal firmeza,
quizà con otra belleza
templareys la ardiente llama
D.Ra. Ya don Iayme te texo
a Isabel, sin tratar de competencia,
y sigo su consejo,
despues podrè saber con euidencia
del amor de Violante,868, 869)
quien ja gazado gloria semejante ? (v. 865/
Viol. Mas ay Carlos que à vn siglo que no os veo. (v. 824)
Sale Carlos de camino.
(8)
Viol. Carlos esposo,
que es esso ? Que trage eliges
para nuestras bodas ? como
muestras de ausencia te vistes ?
Con essa gala te adornas
que mi muerte pronostique ?
al talamo con espulas,
que disfrazes apercibes ? (v. 872-875)
Car. A lo que parece vengo,
mi Violante, bien dixiste,
porque en la noche de ausencia
la luz de tu Sol me eclipse. (v. 910,911)
Quexaràste de mi amor,
diràs que engañarte quise,
quando sè que serà fuerça
que muera antes que te oluide. (v. 900,901
Pues si te adoro, y soy dueño
de tu honor, y tengo de irme
sin que puedan detenerme
amor, ni industria, ni ardides. (v. 908-910)
Mira si es noble el caso,
y porque a espacio lo mires,
a Dios hasta que mis penas
hallen en la muerte fines. (v. 922,923)
(9)
Viol. Fuesse, suspiros, seguilde,
agrauios, ofensas, zelos,
al amor vengança pide,
si los suspiros no bastan
mayores fuerças embien
mis temores, y mis quexas,
ya no ay respeto que mire :
ola criados. (v. 930-935)
Sale vn Criado
Criado. Señora. (v. 935)
Viol. Yd presto, llamadme a Enrique,
que importa que venga luego. (v. 965)
Viol. Pues necia fuyste,
publican que me quereys,
y que ay vna alma en los dos ; (v.1015,1016)
Viol. No es vuestro aqueste papel ? (v.1027)
Enseñasele
D.Ra. Si señora. (v. 1028)
Viol. Pues en èl
dad vuestra esperança al viento. (v. 1029)
D.Ra. En aquesto con prudencia
darme a entender à querido,
que de que a Isabel oluido
harà primero experiencia. (v. 1030-1034)
(5)
Salen el criado y el Duque
Viol. Hablaros a solas quiero,
pero no puedo empeçar
sin que embieys a llamar
a vuestro hijo primero. (v. 1037/1040,1041)
Duq. Ya señora se à partido. (v. 1042)
Viol. No aurà. (v. 1043)
Viol. Sentaos pues estamos solos. (v. 1052)
Duq. Essa merced no merezco. (Didascalie)
Viol. Sentaos Duque, y escuchadme,
(v. 1054)
Duque no me aueys criado ?
por ayo, y padre no os tengo ? (v.1055,1056)
Duq. Yo os confiesso gran señora
que como a mi hija os quiero. (v. 1060)
Viol. Por muerte de mis padres
este Condado no heredo ? (v. 1062-1064)
Duq. Por mi natural señora
os obedezco y respeto. (v. 1057)
Viol. Defender a las mugeres
no es accion de caualleros ? (v. 1070-1072)
Duq. Con el alma, y con la vida
las amparo, y las defiendo. (v. 1073)
Viol. Sabreys vengarme de vn hombre
con valor y con secreto ? (v. 1074/1077)
Duq. Por la Cruz de aquesta espada
juro señora, de hazerlo. (v. 1078,1079)
Viol. Pues Enrique de Cardona,
desde los años primeros
de mi edad, a vuestro hijo
hize de mi alma dueño. (v. 1096-1098)
Fingio que mi fè pagaua,
y fue con la edad creciendo
de manera, que imagino
que tuuo sombras de eterno. (v. 1110-1113)
(6)
Sale Carlos
Duq. Dissimulad : dezid Carlos (v. 1191)
Duq. Carlos, quien os mete en esso ?
no la aueis dado palabra,
oydme de casamiento ? (v. 1205-1208)
Car. Si señor, y es possible
que la cumpla. (v. 1208-1210)
como puede ser rapaz ?
estàs loco, estàs sin sesso ?1212)
con tu hermana has de casarte ? (v. 1211,
Duq. Señora,
èl responde, que en efeto
no à de casarse. (v. 1214)
Viol. estè en vna torre preso,
donde se vengue mi agrauio. (v. 1216)
Duq. Bien dizes, lleuenle luego. (v. 1217)
Viol. Ponelde guardas. (v. 1222)
Viol. Antes que le lleuen Duque
hablarle a solas desseo. (v. 1232,1233)
Duq. Aqui se descubre todo. (v. 1236,1237)
Viol. que è mandado, que en sabiendo
Barcelona tu delito,
por no mostrar que te ruego,
aunque tu quieras despues,
as de morir viue el cielo. (v. 1248/1251-1255)
Que no ha de dezir el mundo,
que tu hiziste menosprecio
de mi, sin que te costasse
la vida el ser tan ligero ; (v. 1258-1261)
Car. Si mi padre
quiere, yo casarme quiero. (v. 1262)
Viol. Pues no à de querer ? (v. 1263)
Car. No sè,
diselo. (v. 1263)
Viol. Duque yo creo
que entre los dos me engañays. (v. 1271)
Viol. Que es esto ?
Carlos dize que si quieres
està a casarse dispuesto. (v. 1273)
Duq. Esso ha dicho ? (v. 1275)
Duq. Malicias son de su pecho. (v. 1274)
Car. Ya no sabes que le tengo ? (v. 1291)
Duq. De que ? que no casarte ;
esso dizes ? Yo lo creo ; (v. 1294,1295)
Car. No dexas
que diga yo lo que siento ? (v. 1305)
y pues vos fuisteys tan necio
que le rendistes el alma,
y ella libre se rindio ;
con aquesta ausencia larga
vuestro daño se remedia,
y el deshonor de mi casa.
Partid luego, y ecriuidme
luego que llegueys a Francia ;1352)
vuestro padre el Duque. Cielos, (v. 1338-
ya los sentidos me faltan. (v. 1353,1354)
Lee. Bien sabeys que es impossible
casaros con vuestra hermana : (v. 1366)
Lee. Y ella libre se rindio : (v. 1363)
cielos dadme la vengança
de dos hermanos aleues,1359)
que me ofenden y me agrauian. (v. 1358,
(2)
Viol. Lloras ? (v. 1381,1382)
Isa. Siento tu desgracia. (v. 1378)
Viol. Mira si sientes la tuya,
pues la ausencia te amenaça ?
llora que se fue don Carlos. (v. 1383,1384)
Isa. A traydor. (v. 1385)
Viol. Esso me agrada,
no encubras mas tu delito ;
pero pues fuyste liuiana,
de ti sola forma quexas. (v. 1386-1393)
Isa. Que es lo que dizes ? aguarda. (v. 1394)
Is. No te entiendo, con quien hablas ?
(v. 1396)
Viol. No conoces esta letra ? (v. 1398)
Isa. Esta es de mi padre. (v. 1398)
Viol. Espera,
esto que no importa passa.
Lee. Bien sabeys que es impossible,
casaros con vuestra hermana,
y pues vos fuistes tan necio
que le rendisteys el alma,
y ella libre se rindio : (v. 1401-1404)
Isa. Estoy turbada ;
su letra, y su firma es esta ? (v. 1405)
(3)
Sale el Duque
Duq. Mandad señora que luego
algunos tras Carlos vayan,
que rompiendo la prision,
oy a la risas del alua. (v. 1408,1409)
Siganle, trayganle, muera,
que el Duque no me casara,
pues si ambicion le incitara,
Conde a su hijo no hiziera ?
esta razon considera,
que me condena, y te abona. (v. 1489-1492)
Viol. Oy mi fortuna cruel
hazerte quiere Isabel,
Condesa de Barcelona.
Ya determinada estoy,
porque en tantos pareceres,
aun no siendo yo quien eres,
subes a ser lo que soy. (v. 1505-1508)
(4)
Oy el estado te doy, (v. 1511)
vaya mi nobleza assi,
que no quiero para mi
mas qu’vn humilde Conuento.(v.1513,1514)
El alma se à enternecido,
y los ojos lo an mostrado,
no siento darte el estado,
darte a Carlos è sentido. (v. 1533,1534)
De quien mi hermano à nacido
tiene mi terneza vana
zelos, pero es cosa llana
que es la disculpa bastante,
que à mucho que soy su amante,
y poco que soy su hermana. (v. 1535-1538)
Isa. Mas quiero ser tu criada,
que el estado que me das. (v. 1526)
Pues en possession estàs,
dissimula, y tu belleza
goze el estado, y grandeza,
humilde me criè ya,
mudar costumbre, serà
mudar de naturaleza. (v. 1515-1520)
De las dos queda excluido
Carlos, afligeste en vano,
de ti porque es ya tu hermano,
y de mi porque lo à sido
y lo tengo tan creydo,
que imagino que ofendiera
al cielo, si lo quisiera. (v. 1541-1544)
Viol. En esso del casamiento,
Isabel haràs tu gusto,
si a Ramon quieres, no es justo
que contradiga tu intento. (v. 1545-1548)
Viol. Entre delante
que es aquesto, donde os vays ?
ocupad Violante hermosa
esse assiento, y gouernad
el estado que os adora. (v. 1612-1615)
Viol. Como sino no es mio ya ?
yo no soy hija del Duque ? (v. 1620)
Duq. Que dezys ? (v. 1617)
D.Ber. No me mandaste
que lo hiziesse ? no hize mas
que conocer su salud,
ruegala que tome estado, (v. 25)
Car. Conuenserla prometo, (v. 57)
Duq. Si tiene su boda efeto
todo mi descanso empieça ;
tenga dueño su belleza,
que importa. (v. 49-53)
Car. Los nobles de Cataluña (v. 53)
quieren, mi bien, sugetarte
a vn estraño que no estime
lo que mereces, y vales.
Hablòte mi padre el Duque,
y mandòme que te hablasse,
para que al de Ruyssellon,
o Cerdenia, te inclinases. (v. 34-39)
(2)
Viol. Dadla Carlos por mi vida,
vn recado de mi parte,
y porque siento su ausencia,
venga luego a visitarme. (v. 67)
Car. Ni aun responderme siquiera,
à condiciones mudables
mal aya : (v. 71)
Vase Violante, y sale don Ramon, y don
Iaime.
(3)
Don Ramon. y en los dos la competencia,
no serà justo que passe
a enemistad, pues su gusto
es el que ha de hazer las pazes,
dandole la mano al vno.
y assi presumo don Iayme,
que es bien que de nuestro amor,
si gustays le demos parte
Don Jaime. Don Ramon bien me parece.(v.
Sale Beltran
(4)
D.Ra. Huelgome que disculpeys
mi amoroso atreuimiento,
pues solamente es mi intento
que aqueste papel le deys.
Bel. Darele en su misma mano.
D.Ra. De aquesta joya os seruid.
Bel. No mandeis tal.
D.Ra. Auertid,
que es estilo cortesano.
Bel. No quiero ser descortes,
necio sino porfiado. (v. 177-184)
Bel. Que os sirua en todo es razon,
deue de ocupar su empleo. (v. 247)
Viol. Mal zelosa me asseguro. (v. 267)
Lee. Solo que sepais procuro
mi amor si puedes premiarlo. (v. 244)
Viol. Quitarele de sus manos. (Didascalie)
Viol. Dexad Carlos el papel,
que no se si es para vos. (v. 250,251)
Car. Sin duda que à conocido
su letra, y me lo à quitado,
pues Moncada se à nombrado
el de Ramon he leido. (v. 245,146)
Viol. Turbado Carlos està,
mi desdicha se apercibe,
alguna dama le escriue,
que ya cuydados me dà. (v. 247-249)
D.Ra. Enojado està sin duda
porque a su hermana escriui. (v. 260-262)
Car. Que a don Ramon à estimado
me dize ya claramente. (v. 272)
Viol. De espacio pretendo ver
el papel, a Dios Ramon. (v. 269/276)
D.Ra. Sabreys por èl la aficion
de mi noble proceder. (v. 270)
(8)
Car. Conmigo se han declarado
ya los cielos enemigos : (v. 276)
para hazeros oluidar
vuestra injusta pretension. (v. 279,280)
D.Ra. En que ofende mi aficion, (v. 285)
si me pretendo casar, (v. 284)
Car. Si darme gusto quereys,
os pido que lo dexeys,
don Ramon, si soys mi amigo. (v. 285-287)
(II, 1)
Salen Beltran, y Isabel
Isa. Estàs triste ? (v. 307)
Car. Por estremo. (v. 308)
Isa. No me diràs la ocasion ? (v. 307)
Isa. Que tienes hermano ? (v. 311)
Car. Hermana,
paga injusta a mucha fè. (v. 312)
Car. De don Ramon de Moncada
solicitada, y querida,
le corresponde, y me oluida. (v. 313-314)
Isa. Que dizes ? Ay desdichada,
que aunque è callado, le tengo
amor; miralo mejor. (v. 315)
Isa. Esta mundança
fauorece a los ossados,
de tan grande atreuimiento
felize sucesso aguardo;
no puede Isabel hermosa
encubrirte el fuego tanto. (v. 386, 387)
Viol. Esse es para ti. (v. 390)
Isa. Que es esto,
es mi tercero, ò mi hermano ? (v. 393)
Lee. No perdeys nada en ser mia,
pues mi sangre se la à dado
a los Reyes de Aragon : (v. 388,389)
Isa. Calla, que viene don Carlos. (v. 398)
Sale Carlos
(3)
Car. Ya nada aguardo,
que pueda darme la vida. (v. 398,399)
Car. Quien no los tiene,
dezid, como à de animarlos ? (v. 403,404)
Car. Si tuue, y me los an quitado. (v. 405)
Car. No cobran los desdichados.
Viol. Y soys lo vos ?
Car. No lo veys ? (v. 406,407)
Isa. Linda flema, lindo espacio. (v. 410)
Viol. Contentareysos ?
Car. Con que?424-426)
Vio. Con mi mano, y con mis braços. (v.
Car. Dexad que glorioso en ellos
diga mi penas. (v. 430,431)
Isa. En vano
son, si Violante te adora. (v. 448)
Viol. Ya trato
de que a Barcelona rijas
con su Condesa casado, (v. 428,428)
declarate con tu padre. (v. 451,452)
Car. El como leal vasallo,
mas que todos, a mi gusto
à de mostrarse contrario, (v. 457-461)
porque no digan que fue
el criarte, el ser tu amparo,
gouernando en nombre tuyo,
para que tras hechos tantos
hiziesses Duque a su hijo. (v. 486-489)
Car. No mi bien, animo es este,
necios son los temerarios ; (v. 501,502)
Viol. Turbada voy. (v. 507)
Car. Fauor cielos,
pues ocasion me aueys dado. (v. 508-511)
Sale Carlos.
tuuo con los Moros guerra. (v. 572,573)
a tiempo que la Condesa,
ya para parir estaua
preñada la vez primera. (v. 575-577)
... La Duquesa
estaba tambien preñada,
y tambien al parto cerca. (v. 598,599)
... y en la batalla sangrienta
priuò de la vida al Rey (v. 590)
buelue Bernardo, y me cuenta
que ya vna hija tenia,
dile en albricias promessas. (v. 598,599)
En este punto espirò
en el parto la Condesa,
tras de parir vna niña
medio viua, y medio muerta. (v. 592-594)
... con presteza
(porque el faltar heredero
no alboratasse la tierra)
hize a Bernardo de Roca
que la lleuara, y trujera
mi hija con tal secreto,
tal industria y sutileza,
que Dios, y los dos no mas
supimos esta cautela : (v. 596-603)
viendo al pueblo alborotado ;
ciudadanos que os altera
les dixe, aqui està en mis braços
la que vuestro estado hereda. (v. 603,604)
Mostrad la lealtad heroyca,
aquesta lastima os mueua,
amparad esta justicia,
defended esta inocencia. (v. 606-609)
no destroquè las dos niñas, (v. 615)
vuestra hermana es la Condesa,
la que teneys por hermana
es ligitima heredera. (v. 568/621)
Duq. Larga ausencia. (v. 626,632)
Car. Sin el alma ? (v. 634)
Duq. Si la hablays
es forçoso que se pierda. (v. 632)
(III, 1)
Salen don Ramon, y don Iayme
D.Ra. Esto me passò en efeto,
Carlos mi papel tenia. (v. 642-644)
D.Iay. Quien en hombre bajo fia,
poco tiene de discreto.
Tambien sin duda ninguna
quando leyendole estuuo,
que os hizieron mil fauores
las vergonçosas colores,
y lo mucho que entretuuo
los ojos, pues al leerlas
risueña en razones tales,
descomponiendo corales
descubrio compuestas perlas. (v. 704-709)
D.Iay. Miraldo bien. (v. 689)
Bel. Bien lo miro ;
sabeys contra esta verdad
algo ? (v. 690,691)
D.Iay. Dessa nouedad
y dessa dicha me admiro,
que yo crey : (v. 694,995)
D.Iay. Algo enojado lleguè,
y de suerte me atajays
con nueua tan amorosa,
que estoy en vez de enojado,
a seruiros obligado,
si no es traycion cautelosa. (v. 710-713)
Bel. Valgame Dios, como engaña
el despojo y desenfado. (v. 716,717)
Vase y sale don Ramon
(4)
D.Ra. Que dize ? (v. 720)
D.Iay. Que à recibido
mi papel Isabel bella,
y que à conocido en ella
que es mi desseo admitido : (v. 722-724)
D.Ra. y que soy menospreciado
de mi dueño. (v. 721)
D.Ra. Es de suerte que imagina,
que ella le entregò a su hermano
mi papel. (v. 736)
D.Iay. Es caso llano ;
mirad lo que determina
vuestro engañado desseo,
quando mi fauor empieça. (v. 725)
D.Ra. Hasta tener mas certeza,
ni me aflixo, ni lo creo ;
tan facil es de oluidar
lo que se quiere ? (v. 730-733)
... hasta que amanezca el dia (v. 739)
D.Iay. A vuestra amistad no ofendo (v. 742)
D.Ra. Ay de mi. (v. 742)
D.Iay. Aueys de esperarla ? (v. 744)
D.Ra. Si. (v. 745)
del disfauor de Isabel, (v. 807-809)
D.Ra. Donde va mi desseo
perdido tras vn bien que me assegura ?
mi mal agora veo, (v. 811-813)
a otra dama me embia
Isabel rigurosa en mi firmeza
beulueme el alma mia
para que pueda amar otra belleza, (v. 815)
Sale Violante.
(7)
Viol. Solo espero que Enrique
aprueue mi eleccion, y que piadoso
mis bienes multiplique,827-829)
dandome en Carlos desseado esposo. (v.
D.Ra. Varias dudas padezco. (v. 834)
Viol. Este me quiere bien, que le aborrezco. (v. 835)
Viol. Ya sè vuestra nobleza,
pero quisiera veros mas couarde,
que es accion mas valiente
no mar tan confiado y libremente. (v. 837-
No se embian papeles
don Ramon, auer primero auido
mas ocasion. (v. 840,841)
D.Ra. Crueles
hados a este desprecio me han traydo, (v.
amar a quien sin causa le aborrece.
Lo que es honesto intento
no ofende. (v. 847,848)
Viol. Dezis bien, mas incitada
con otro pensamiento,
por la que aueis querido,851)
dad vuestras esperanças al oluido. (v. 849-
Y pues que soys discreto
hazedme nueua eleccion, pues os anima
vn diuino sujeto,
que sè que os quiere bien, y que os anima
con amorosas veras. (v. 853-855)
Viol. Andareys muy discreto
en no seguir, Ramon a quien os huye, (v.
D.Ra. Pues desde aqui os prometo
si el premer pensamiento se concluye,
que a quien me quiere quiero. (v. 858-860)
Viol. Hazeys como prudente cauallero.
(v. 859)
D.Ra. Por esto no à querido
dar a estrangero Principe la mano (v. 870)
Viol. Id en buena hora Conde. (v. 866)
Condesa, paguen tus ojos
atreuimientos tan viles,
que quien tan facil se rinde,
razon es que los hombres no la
estimen. (v. 938-943)
(IV,1)
Sale Carlos.
Duq. Sabe Dios quanto siento que se
mas en fin lo que importa considero : (v.
Voy a cerrar las cartas. (v. 971)
(2)
Sale vn criado.
Cria. La Condesa, 972)
por V. Excelencia presurosa embia. (v.
Duq. Podreme detener a cierta empresa ? (v. 974)
Cria. La breuedad de mi cuydado fia.
(v. 975)
Duq. yo voy, aqui aguardad por vida mia. (v. 977)
(3)
Sale don Ramon
D.Ra. A que aguarda mi temor (v. 878)
entre duda semejante ?
auiendo visto en Violante
claras muestras de su amor. (v. 985-987)
(4)
Sale Violante
Viol. A que aguardays penas mias,
que el dolor no publicays ?
amor para que callays
buscando honrosas porfias ?
Amorosas fantasias,
si la libertad perdi,
dad vozes, para que assi
os procuren remediar,
pues no podeys con callar
cobrar el bien que perdi. (v. 990-995)
D.Ra. De sus quexas è aduertido
que su passion es mortal,
si yo è causado su mal
el remedio le è traido. (v. 996)
Viol. Conde. (v. 1002)
D.Ra. Vuestros ojos, cielos claros,
publiquen con voz serena,
la ley a que amor condena
el mio y vuestro cuidado. (v. 1007-1010)
D.Ra. Las muestras que è visto en vos
y confiada di luego (v. 1120)
la possession de mi honor, (v. 1131)
con que mi nobleza ofendo. (v. 1127)
Vuestra hija fue testigo
de nuestro injusto concierto,
ella dirà la verdad. (v. 1130)
Viol. Siendo vos el que obligastes
tan leal a todo el pueblo
a mi obediencia, esperando,
gouernando tanto tiempo,
a que yo tiuiesse edad, (v. 1140-1143)
podeys dar consentimiento
a que me lleue el honor,1145)
y la vida vn hijo vuestro ? (v. 1138/1144,
El ampararme era justo
por muger, y assi os aduierto
que os remito aquesta causa,
a vuestro cargo la dexo. (v. 1146-1148)
Hazedme justicia Duque,
poned a mi mal remedio, (v. 1150)
ò desdorareys agora
el blason de vuestros hechos. (v. 1157)
Dirè a vozes que aueys sido
complice quando no reo,
en delito tan estraño,
y fue entre los dos concierto.
Para que yo con la pena
muera, y no auiendo heredero
os alceys con Barcelona,
mostando tirano emperio. (v. 1158-1161)
Si lagrimas no os ablandan,
en ellas vereys el fuego
que mi coraçon abraça,
dezid luego vuestro intento. (v. 1152-1155)
Duq. Enmudezco
considerando en don Carlos
el injusto atreuimiento. (v. 1162,1163)
Pluguiera a Dios, que a mis ojos
me le presentaran muerto, (v. 1168)
Pero lo que importa agora,
es señora que trazemos
vuestra vengança. (v. 1171-1173)
Viol. Esso pido,
mas si acaso. (v. 1176)
Duq. Ya os entiendo,
direys que si arrepentido
como prudente y discreto,
quiere casarse, que os case. (v. 1178-1180)
Duq. Si señora, ya le prendo ;
lleualde. (v. 1302)
Car. Viue Dios,
que es marmol mi sufrimiento. (v. 1302)
Duq. No causarà mas enredos,
lleualde preso, que hazeys ? (v. 1306-1308)
(V,1)
Sale Beltran.
Bel. Carlos desde su prision
te embia:
Viol. Que embia ?
Bel. Aqueste papel. (v. 1316-1319)
Daselo
Viol. llama tu mientras le leo,
Beltran, a doña Isabel.
Otro papel viene dentro, (v. 1326-1319)
el suyo leo. Oy acaban,
Violante del alma mia,
mis altiuas esperanças.
Yo me parto donde nunca,
de tus soles que me abrasan
vea las luzes que al cielo
mas viuamente retratan.
No culpes mi ingratitud,
pues ves que te desengaña
esse papel que mi padre
me escriue, cuyas palabras
disculpan la que te di :
con mas veras, con mas ansias
te adoro agora que nunca,
mi padre de ti me aparta,1335)
dèl te informa, y Dios te guarde. (v. 1329-
Ay cielos, mis ansias vayan
tras èl, ola. (v. 1322,1323)
Lee. Hijo don Carlos, yo os puse
con sagaz industria, y traza
en essa torre que tiene
vn postigo a la muralla.
Por donde podeys salir
sin que lo sientan las guardas,
para Napoles, y Roma
lleuays letras de importancia.
Y algunas preciosas joyas
que os embio en essa caxa,
cauallos teneys a punto,
no ay que reparar en nada.
Bien sabeys que es impossible
casaros con vuestra hermana ;
sino se entrega, y le alcançan,
porque no creays de mi
alguna engañosa traça. (v. 1411,1412)
Viol. No le siga nadie Duque,
que no serà de importancia, (v. 1413,1414)
... tomad Enrique,
quando escriua desde Francia
Carlos, aqueste papel
que me embiò esta mañana
le bolued ò entregad luego
esse secreto a la llamas. (v. 1415-1417)
Duq. Pues si ya sabeys señora,
su delito y mi desgracia, (v. 1418,1419)
consolaos en esta ausencia. (v. 1422)
Viol. A mi no me digays nada,
consolad a vuestra hija. (v. 1423,1424)
Isa. Señor, mi deshonra ataja,
que es aquesto que as escrito ?
de mi hermano enamorada
yo ? desengaña a Violante,
declara aqui lo que passa. (v. 1425-1428)
Duq. Verdad digo en lo que escriuo.
(v. 1429)
Isa. A mi me gozò mi hermano ? (v. 1430)
Duq. No Isabel, sino a su hermana,
que es Violante, hija mia. (v. 1431,1434)
Viol. Que dizes ? (v. 1435)
Duq. De que te espantas ? (v. 1439)
Condesa vos soys mi hija, (v. 1441)
que por la muerte temprana
del Conde (que Dios perdone)
en el parto rindiò el alma
la Condesa, y yo temiendo
que si sucession faltaua,
estauan ciertas las guerras.
Hize que a las dos trocara
vn criado con secreto,
porque casi muerta estaua
la hija de la Condesa, (v. 1457-1466)
viuio, criòse en mi casa,
siendo entre tantos testigos
impossible destrocarlas. (v. 1467,1468)
Que yo afligido de ver
que fuy deste daño causa,
me retirarè a Cardona,
que ya el gouierno me cansa. (v. 1474-1476)
Viol. Sin alma quedo. (v. 1477)
Viol. Que otra cosa hazer pudiera
pues es justo, vuestra Alteza. (v. 1554)
(5)
Sale Beltran.
Bel. Mi diligencia estima, pues à sido
causa de que don Carlos aya buelto,
(v. 1555)
(8)
Salen don Carlos, y don Ramon, y don Iayme,
y toda la compañia
Salen damas, y doña Isabel, y Violante
Viol. Don Carlos hermano, alçad :
dissimulad ojos mios,
encubrid el llanto. (v. 1566/1591)
Car. Ya
por esse amoroso nombre
he trocado el de galan.
Hermana. (v. 1588,1589)
Viol. Leuanta Carlos,
de doña Isabel seràs,
y Conde de Barcelona,
que es quanto te puedo dar. (v. 1594-1596)
Viol. El Conde de Barcelona,
que en assiento de cristal
(quedando muerto en la guerra)
goza de una eterna paz.
A la Condesa dexò
tan afligida y mortal,
que le dio al mundo vna hija,
y el alma a la eternidad.
A este tiempo la Duquesa
de Cardona, por causar
esta confusion, pariò
otra hija...
La hija de la Condesa
estaua para espirar,
y el Duque que està presente
como discreto y leal,
por euitar dissensiones
ciuiles, puso en lugar
su hija, de la que estaua
ya sin aliento vital. (v. 590-605)
D.Ber. Yo lleuè,
con secreto, y con lealtad
a la hija de los Condes,
y la troquè, sin que mas
que el cielo, y yo lo supiesse.(v. 1632-1635)
D.Ber. Teneos
y boluerla al destrocar. (v. 1622-1624)
D.Ber. en vna carta escriui ;
quanto me mandaste està
hecho, no tengas cuydado. (v. 1675,1676)
(Scène derniere)
Viol. Dad vos la mano a Isabel,
don Ramon, y assi tendrà
con aquestas bodas juntas,
alegre fin tanto mal. (v. 1693-1695)
D.Ra. Dichoso soy. (v. 1701,1702)
FIN
BnF: 4-YF-156 (4).
Ars. Rf. 5.539.
BnF: RES-YF-3724.
BnF : YF-5194
BnF: YF-5194.
BnF : 4-YF-156 (5)
Bibliothèque de la Sorbonne : R.ra. 409
Bibliothèque Nationale de Madrid : T-i / 30 (v. 30)
BnF : YG-311 (6)