Acteurs
D : Brusquin d’alvarade
Julie
D : Carlos
amant de Julie
Fatiman
gouverneur d’Alger
Célime
dame turque
Zaïre
esclave naine de Julie
Marine
Servante de Julie
Tomire
Valet de Carlos
Gusman
Valet de D. Brusquin
Stamorat
Turc
Suite de Fatiman
La Scenne est dans Alger
Le Mary sans femme.
Comedie
Acte premier
Scene premiere
Carlos, Julie, Marine, Tomire, Zaïre, Six Violons esclaves.
Tomire
Si Celime est bien tost d humeur a Vous entendre
Quelqu’un... Sa naine vient qui poura nous l’aprendre
Zaire aux Violons
Ma maistresse est contente allez retirez Vous
Vous venez a propos car Celime entre nous
Est depuis quelques iours dans un chagrin terrible
Je vay Voir si pour vous elle sera Visible
Preparez Vous icy iusques a mon retour
A la bien divertir pour faire Vostre cour
Scene seconde
Carlos, Julie, Marine, Tomire
Julie
Ah Carlos
Carlos
ah julie
Tomire
ah Marine
Marine
ah Tomire
Ne pleure donc plus tant car tu me feras rire
Carlos
Helas que vostre sort
Julie
helas que noz malheurs
Carlos
Me va causer d’ennuys
Julie
me vont couster de pleurs
Carlos
Ah que si vous pouviez scavoir a quoy m’expose
Le cruel desespoir d’en avoir esté cause
Car enfin c’est moy seul que i’en dois accuser
C’est moy de qui l’amour creut pouvoir tout oser
De Vos ressentimens rien ne me doit deffendre
C’est moy qui fais couler les pleurs qu’on voit rependre
C’est moy seul c’est enfin ce trop sensible amant
Que l’amour fit resoudre a votre enlevement
Pour finir mon malheur i’ay seul causé le vostre
Mais enfin vous veniez d’en espouser un autre
On vous avoit forcée a prendre cet espoux
Vous m’aymiez tendrement je n’adorois que vous
Malgré ce que l’amour m’avoit semblé promettre
Dans son lit dans ses bras la nuit vous aloit mettre
Je perdois tout espoir ie sçavois vos ennuys
Quel autre en cet estat n’eust point tout entrepris
Julie
Dans toutes ces raisons ne cherchez point d’excuse
Ce n’est que mon malheur Carlos que i’en accuse
Ouy c’est moy qui depuis cette funeste nuit
Vous ay communiqué le malheur qui me suit
Sans egard pour mes pleurs une mere cruelle
Me livroit a l’objet d’une hayne mortelle
Je venois de l’autel troublée et dans mon cœur
Cet himen avoit mis tant de trouble et d’horreur
Que sans considerer qu’elle en seroit la suite
Je creus que mon bonheur dependoit de ma fuite
Marine m’enpressa mesme elle me fist voir
Le peril ou j’estois et vostre desespoir
Et ses conseils…
Marine
allons mettons tout sur marine
Voyons qu’ay je tant fait ça que ie m’examine
Je vous voyois tous deux desesperez mourantz
L’un enrageoit dehors l’autre pleuroit dedans
L’un souhaitoit la mort l’autre juroit la sienne
Vous me fistes pitié car ie suis trop humaine
Vous feustes enlevée il est vray ie conviens
Que j’en facilitay de ma part les moyens
Que ie vous conseillay d’aller pour cette affaire
A Cadis ou Carlos disoit avoir sa mere
Et que sans moy l’hymen aloit se consommer
Mais quoy ? Sçavois je moy que lon iroit par mer
Et... c’est ta faute a toy que le malheur engraisse
Chien de porteguignon tu n’eus jamais de cesse
Que nous ne feussions tous embarquez car enfin...
Tomire
Eh devines je moy qu’au milieu du chemin
Lors que lon se croyoit le mieux dans ses affaires
Le Vaisseau seroit pris par ces chiens de corsaires ?
Et quon nous meneroit captifs au port dAlger
Mais plutost s’est sur toy qu’il s’en faudroit vanger
Amoureux medecin intriguante courtiere
Il t’a toujours falu quelque amoureux mistere
Quelque intrigue et pour toy c’est un faire Ø le faut
Car enfin on le scait tu te pendrois plus tost
Que tu n’eusses toujours quelque intrigue en campagne
Que ne me laissois tu vivre en paix en Espagne
Je me voy sans Amis la j’en avois un cent
J’y mangeois tous les jours comme un convalescent
J’y riois comme un fou j’estois gras comme un moine
J’y dormois en Abbé j’y beuvois en chanoine
Que ne m’y laissois tu traitresse car c’est toy
Qui m’a mis en l’estat facheux ou je me voy
Carlos
Laisse nous en repos et te tais va Tomire
Tomire
Cela Vous est facile a Vous autres a dire
Qui par bonheur pour vous instruits a bien chanter
Scavez dire des airs qu’on se plaist d’escouter
Nostre patron chez luy s’en divertit et mesme
Tous les jours au lever de la beauté qu’il ayme
Depuis que le destin sceut nous assujetir
Vous venez par son ordre ici la divertir
Vous y chantez des airs tantost guays tantost tristes
Avec tout ce qu’il a desclaves symphonistes
Chanteurs ou baladins, l’egard qu’on a pour vous
Vous fait souvent passer des moments assez doux
Vous ne manquez de rien vous vivez a vostre aise
Mais pour moy qui ne scay rien faire qui luy plaise
Des qu’un leger someil fait place a ma douleur
Un gros coquin de turc dont le diable auroit peur
Disant Sem cara chet, se montrant a ma Veüe
De dix coups de gourdin sans façon me salue
Moy j’ouvre de grands yeux n’entendant point ces motz
Luy de vingt autres coups me chamarre le dos
Disant Sursa cane sur sa, de son ton grave
Comme si devinant qu’on me feroit esclave
J’avois deu par avance exprez avoir apris
A parler turc pour quand le traistre m’auroit pris
Vous ne croiriez jamais
Carlos
Va nous sçavons ta peine
Ne nous en parle plus puisque ta plainte est vaine
Nous partageons tes maux et tu dois sur ce point
Tomire
Mais mes coups de baston ne se partagent point
Marine
Pour moy ie ne sçaurois perdre encor l’esperance
De revoir mon pays
Julie
eh sur quelle apparence
Surquoy...
Marine
je ne sçaurois croire que vostre espoux
Ou vostre mere n’ayent quelque pitié de nous
vostre mere vous ayme et je me persuade
Que vostre digne espoux dom brusquin d’Alvarade
Estant fort amoureux avec le bien qu’il a…
Enfin le cœur me dit quon nous rachetera
Julie
C’est se vouloir flater d’un espoir chimerique
Qui leur auroit apris que je suis en Affrique
Ce secret entre nous fut trop bien concerté
Ne sçais tu pas quel soin nous avons aporté
A cacher nostre suite et de quelle importance...
Marine
Jay malgré tout cela toujours quelque esperance
Julie
Mais dis nous donc surquoy car tu sçais qu’en l’estat
Ou...
Marine
c’est qu’en arrivant un certain renegat
Touché de ma douleur voulut bien me promettre
Que si je luy voulois donner un mot de lettre
De quelque endroit qu’icy nous eussions peu venir
Il trouveroit moyen de la faire tenir
Carlos
Et tu las escrite ?
Marine
ouy
Carlos
tu l’auras donc donnée
Marine
Sans doute
Carlos
ainsy tu crois que lon l’ayt envoyée
Marine
Il me la dit ainsy, l’autre jour je le vis
Et je sceus...
Carlos
ah voicy le comble a mes ennuys
Du dernier des malheurs ma disgrace est suivie
Je n’auray ny repos ny plaisir de ma Vie
Je suis perdu madame et mon cœur desormais
Va croire a tous momens vous perdre pour jamais
Jamais d’aucun espoir...
Julie
il faudroit des miracles
Les lettres d’icy la rencontrent tant d’obstacles
Qu’il faudroit qu’un demon pour nous persecuter
Se fust exprez chargé du soin de la porter
Ce n’est pas qu’un secret comme vous cette jmage
N’ayt alarmé mon cœur car enfin l’esclavage
N’a point d’ennuy pour moy qui ne me fust plus doux
Que la necessité de revoir cet espoux
Carlos
Quel demon ennemy du bonheur de ma vie
pour me combler de maux t’inspira cette envie
Tu te devois sur nous reposer du soucy…
Marine
Ma foy sauve qui peut que diantre faire icy
Et de plus franchement puis quil vous faut tout dire
Je craignois quen perdant l’occasion d’escrire
Quelque turc comme on scait qu’ils ny font pas façon
Ne voulust a la fin quelque jour… que sçait-on
Ce qui peut arriver
Tomire
elle a raison je pense
Tenez ces chiens de turcs nont point de conscience
Et... Mais quand dom brusquin Viendroit icy ma foy
Je doute qu’il voulust te racheter
Marine
pourquoy
Tomire
Ce fust par ton moyen que lon plia bagage
Et...
Marine
j’ay toujours si bien joüé mon personnage
Qu’il aura soubçonné tous les gens du logis
plutost que de nous croire icy par mes avis
Et je sçay qu’il faisoit trop de fonds sur mon Zele
Pour m’accuser jamais...
Carlos
ah que tu m’es cruelle
Fatiment tu le sçais ayme a nous obliger
Il est nostre patron et gouverneur d’Alger
Peut estre que les soins que i’ay Ø mis en usage
Auroint sans ton secours finy nostre esclavage
Mon oncle…
Marine
tout cela n’anroit rien fait pour nous
Vostre oncle tout au plus n’eust racheté que vous
Tomire
Cheut la Naine paroist ne jase plus marine
Car elle est trente fois plus alerte et plus fine
Et cache plus desprit sous ces petitz habitz
Que le plus vieux renard de tout nostre pays
On dit quelle a trente ans et je n’ay point de peine
Scene troisiesme
Zaïre, Carlos, Julie, Marine, Tomire
Zaïre
Celime va passer dans la sale prochaine
Vous l’y pouvez attendre et vous y concerter
Depechez escoutez n’allez point luy chanter
De ces airs indolents qui font dormir le monde
Sa tristesse est desja si grande et si profonde
Que pour peu que vostre air soit grave ou langoureux
Son chagrin se pouroit repandre sur vous deux
Je vous en averty
Carlos
Suffit je vous rend grace
Zaïre
Elle est depuis huit jours dun bouru qui me passe
Moy mesme a qui souvent elle ouvroit tout son cœur
Qui ne pouvois assez m’applaudir du bonheur
De n’avoir pas esté dune taille ordinaire
Puisque c’estoit par la que j avois sceu luy plaire
Je ne la connois plus tout luy deplaist enfin
Je me vois tous les jours en butte a son chagrin
Si j’ay de l’enjoument elle m’appelle folle
Si je suis serieuse elle m’appelle jdolle
Si je la suy par tout je la metz en couroux
Si je ne la suy point i’ay quelque rendez vous
Si je la veux servir je fais la necessaire
Si je ne la sers point on ne me voit rien faire
Si je dis quelle est bien je me plais a flater
Si je dis quelle est mal je cherche a contester
Promte iay trop de feu lente mon froid la gelle
Enfin je ne sçay plus comment vivre avec elle
Son chagrin se repend jusques sur ses amours
Fatiman esperoit lespouser dans deux jours
Il avoit son aveu sa passion est grande
Maintenant elle dit qu’elle veut qu’il attende
Et que pour bien juger de ses empressemens
Elle veut esprouver son amour quelque temps
Des quil la veut presser son chagrin renouvelle
Ah ! que si j’estois belle et bien faite comm’elle
Et qu’avec moy quelqu’un voulust se marier
Je me garderois bien de me faire prier
Mais a propos entrez elle pouroit attendre
Fasse le juste ciel qu’elle se puisse rendre
Au feu de Fatiman si l hymen concerté
S’accomplit il me doit donner la liberté
Il me la bien promis et me tiendra parolle
Scenne quatriesme
Zaire seule
Qu’a telle a differer son chagrin me desole
il faut que ie l’observe ah ! la voicy j’ay peur
Scenne cinquiesme
Celime, Zaïre
Celime
Ah qu’un nouvel amour met de trouble en mon cœur
Sur tout quand la douleur d’avoir une rivalle...
Zaïre
Vous alliez disiez vous passer dans l’autre salle
Ces gens vous attendoient pour vous y divertir
Mais puisque vous voila je vay les avertir
Celime
Non demeure
Zaïre
eh souffrez que je les avertisse
De grace, et trouvez bon que lon vous resjouisse
Vous avez du chagrin il ne sert qu’a laidir
Tenez un petit air vous va ragaillardir
Laissez moy faire
Celime
non avant qu’on les appelle
Je veux t’entretenir Ø
Zaïre
moy ? que me voudroit elle
Celime
Tu vois icy Julie et carlos tous les jours
De quel air la voit il et quels sont leurs discours
Zaïre
Leurs discours jamais gens autres que des jdolles
Ne se sont expliquez en si peu de parolles
Tenez voulez vous voir leurs mines a tous deux
Julie entre dabord un mouchoir sur ses yeux
Pleure en gesticulant ensuite elle est reveuse
Et dit te temps en temps que je suis malheureuse
Celime
Et que repond carlos car un tansport si promt...
Zaïre
Luy, tenez ah ! Voila tout ce qui luy repond
Celime
Sans doute ils s’ayment mais quand leurs douleurs s’apaise
A quoy s occupent ils ? Ø
Zaïre
ils resvent et se taisent
Jusqu’a vostre reveil ils sont en cet estat
Non jamais entretien de gens ne fust si plat
Et je ne croirois pas sans le voir d’ordinaire
Qu’une femme jamais peut si long temps se taire
Celime
Cependant...
Zaïre
mais si tost qu’ils meslent une fois
Au son des instruments la douceur de leurs voix
C’est alors cest alors qu’ils toucheroient des marbres
Et qu’ilz feroient dancer les bestes et les arbres
Il faut les avertir je vay prendre ce soin
Ilz vous resjouiront vous en avez besoin
Scenne sixiesme
Celime seule
N’estoit ce pas assez du destin qui me brave
D’avoir soumis mon cœur a l’amour d’un esclave
Sans que par un malheur que je ne puis domter
La jalousie aydat a me persecuter
Si j’en croy leurs regards et ce qu’ils ont de tendre
Carlos… mais cependant j’ay pû les mal entendre
Ma deffiance peut avoir trompé mes yeux
Et le temp et mes soins m’en esclairciront mieux
Je voy carlos tachons de lire dans son ame
Scenne septiesme
Celime, Carlos, julie, Zaïre, Marine Tomire
Celime
M’avez vous preparé quelque air galand
Carlos
madame
Vous en alez juger nostre captivité
Est le sujet surquoy nous l’avons concerté
Heureux dans des malheurs que nous ne sçaurions taire
Si nous pouvons avoir le bonheur de Vous plaire
Et si l’estat facheux ou nous sommes reduitz
Peut vous faire un plaisir en fin de nos ennuys
Celime
Voyons ; mais soyez seur que tout ce qu’on peut prendre
Depart en... commencez je m’en vay vous entendre
Ils preludent
Carlos
Hur ce prelude la ce me semble vous plust
Zaïre
Tous mes sens sont desja charmez de ce debut
Ils chantent
Ne versons plus de larmes
Pour nostre captivité
Un tendre amour a des charmes
Plus doux que la liberté.
Il faut que la plainte cesse
Faisons de nostre tendresse
Toute nostre felicité.
Et si jamais quelques alarmes
Troublent nostre tranquilité
Aymons nous aymons nous ne Versons plus de larmes
Un tendre amour a des charmes
Plus doux que la liberté
Celime
Le stile en est galand c’est sans doute du Vostre
Je m’en estois doutée ils bruslent l’un pour l’autre
J’en ay trop entendu pour douter de leurs feux
Zaïre
Ma foy si je sçavois chanter aussy bien qu’eux
Je ne voudrois jamais gaye ou melancolique
Parler, boire, manger, n’y dormir quen musique
Et de si beaux talents tous les jours cultivez
Celime
Laisse nous en repos et te tays... poursuivez
Ils chantent
Il est doux de se rendre
A l’objet de ses desirs
La douceur dun amour tendre
Tient lieu de bien de plaisirs.
Quand la peine se partage
La rigueur de l’esclavage
N’a que de legers desplaisirs.
Si le soin de nous en deffendre
Nous fait pousser quelques soupirs
Aymons nous aymons nous il est doux de se rendre
La douceur d’un amour tendre
Tient lieu de tous les plaisirs.
Celime
L’amour n’inspire rien de plus fort. il l’adore
Et...
Carlos
le dernier couplet est plus touchant encore
Celime
Dois je encor m’exposer a voir qu’il s’aplaudit
Ils chantent
Nos deux cœurs
Celime
taisez vous vostre chant m’estourdit
Sortez et me laissez en paix que je respire
Vous carlos demeurez et qu’on se retire
Vous autres laissez nous et vous Zaïre aussy
Tenez vous a la porte et qu’aucun n’entre icy
Zaire
Et vous Zaïre aussy que peut elle pretendre
Je feins de m’esloigner et reviens pour l’entendre
Scenne huitiesme
Celime, Carlos, Zaïre cachée
Celime
Carlos dans vos ennuys que je vois a regret
Ma bonté vous veut bien faire part d’un secret
Et pour les soulager vous adoucir l jmage
Qu’un malheur aparant vous fait de l’esclavage
J’avois creu dans vos maux quand je m’interoissois
Que la pitié causoit la part que J’y prenois
Je croyois quand mes yeux vous cherchoient sans vous craindre
Si j aymois a vous voir que c’estoit pour vous plaindre
Et si quelque soupir m’eschapoit a vos yeux
Je croyois le donner au sort d’un malheureux
Mais j’ay connu voulant l’esclaircir de la chose
Quand au fond de mon cœur j’en ay cherché la cause
Que lamour abusant de ma credulité
S’en estoit emparé sous un nom emprunté
Je croy que cet aveu vous fait assez entendre
Quel droit un tel amour vous donne d’y pretendre
Que vous devinez bien qu’il m’a fait differer
L’hymen qu’a Fatiman j’avois fait esperer
Qu’il occupa mon cœur et que rien ne l’en chasse
Que le desir que j’ay de vous voir en sa place
Je voy dedans vos yeux que vos sens agitez
Treuvent a nostre hymen quelques difficultez
Que ma loy que l’usage a peine a vous convaincre
Mais quand nous n’aurons plus que ce scrupule a Vaincre
Pour accorder en nous la raison et les sens
Nous prendrons les avis de l’amour et du temps
Je vous laisse y resver de peur destre importune
Vous pouvez d’un seul mot changer vostre fortune
Vous scavez que ma main et Vostre liberté
Dependent de ce mot songez y ma fierté
Ne veut pas s’arrester de peur de se mesprendre
Au premier mouvement qui pouroit Vous surprendre
Je vous verray demain et sçauray Vostre choix
Cependant songez y carlos plus d’une fois
Zaïre
Elle ayme cet esclave ah quelle extravagance
Mais il faut la rejoindre et garder le silence
Scenne neuviesme
Carlos seul
L’ay je bien entendue ou me suis je abusé ?
A quel plus grand malheur pouvois je estre exposé
Puis je jusqu’a l’aymer sans horreur me contraindre
Et puis je mespriser son amour sans la craindre
Helas mille dangers m’alarment tour a tour
Je crains esgalement sa haine et son amour
Je me pers et nosant resister ny me rendre
Scenne dixiesme
Carlos Tomire
Tomire
Monsieur aprez cecy Vous n’avez qu’a vous pendre
Carlos
Qu’est ce encor que viens tu m’anoncer
Tomire
un malheur
A perdre la raison a mourir de douleur
A se desesperer en un mot a se pendre
Et si vous m’en croyez vous irez sans m’entendre
Carlos
Julie est elle morte et me dois je a ces coups
Tomire
Ouy non
Carlos
que me dis tu Ø
Tomire
quelle est morte pour vous
Quelle vit pour un autre et que jamais œillade...
Carlos
Comment
Tomire
Vous connoissez dom brusquin d’Alvarade
Ce brave dom brusquin cet obstacle a vos feux
Fantasque comme un diable et jaloux comme deux
Maussade comme trois avare comme quatre
Carlos
Et bien
Tomire
il est icy
Carlos
que d’ennuis a combattre
Ah ciel il est icy qui te la dit
Tomire
mes yeux
Carlos
Ne t ont ils point trompé
Tomire
non je vous respons deux
Carlos
Il est icy
Tomire
luy mesme
Carlos
et le ciel me destine...
Voila ce qu’a produit la lettre de Marine
Mais ou las tu trouvé comment sur ton raport
Tomire
Tout a l’heure monsieur en allant vers le port
Je l’ay veu d’assez loin descendre dune barque
Et comme sa figure est assez de remarque
Des turcs railleurs aprez l’avoir examiné
En luy riant au nez lont tous environné
J’ay fait comme eux voulant m’esclaircir davantage
Mais des que de plus pres j’ay peu voir son Visage
J’ay veu que c’estoit luy je ne puis vous flater
Sur tout quand il a dit qu’il venoit racheter
Sa femme qui despuis six mois en barbarie
Estoit chez Fatiman sous le nom de julie
Carlos
Helas
Tomire
Vous sçavez bien qu’il ne nous connoist point
Venez vous esclaircir vous mesme sur ce point
Venez
Carlos
et bien alons nous montrer a sa Veüe
Il moura de ma main si la chose est concluë
Ou si julie en fin doit partir de ces lieux
Je ne le Verray point sans mourir a ses yeux
Tomire
Si vous voulez monsieur faire quelque folie
Ne m’allez point mener avec Vous je vous prie
On met a la raison les mutins en ces lieux
Separons nous plutost car enfin j’ayme mieux
Quoy que je scache bien qu’il faudra que je meure
Estre esclave cent ans que pendu demye heure
Je vous en avertis examinez vous bien
Autrement
Carlos
Vien suy moy tomire et ne crains rien
Acte Second.
Scenne premiere
D. Brusquin Gusman
D. Brusquin lisant
Si julie encor vous est chere
Ne songez point a la chercher
Autre part que dedans alger
Son malheur en a fait le butin d’un Corsaire
Ah morbleu
il lit
Fatiman gouverneur dans ces lieux
Nous tient esclaves toutes deux
En payant noz rançons nostre ennuy se termine
Ne perdez point de temps secondez nos souhaitz
Elle est plus belle que jamais
Et moy plus que jamais...
et caetera
il lit
Marine
Ne songez point a la chercher
Autrepart que dedans Alger
Gusman
Quoy monsieur sur le point de revoir en julie
Aprez six mois d’absence une femme cherie
Quand a terre a couvert de l’orage et du vent
Dont le bruit et la peur vous alarmoient souvent
Je me flate de Voir dom brusquin d’Alvarade
Ne songer qu’a la joye et qu’a faire gambade
Vous estes tout chagrin et malgré tous mes soins
Je vous voy...
D : Brusquin
malepeste on le seroit a moins
Tant qu’avec toy sur mer a duré ce Voyage
Je n’avois dans l’esprit que la peur du naufrage
La crainte de perir me donnoit des frissons
Et maintenant tout plein de mes jaloux soubçons
J’ay quand je voy ces turcs leur port et leur alure
Des frayeurs pour mon front de tres mauvais augure
Ouy quand je me remets que presque entre mes bras
Par un coup du demon que je ne comprens pas
On ma ravy julie et que je me rapelle
Le chagrin quelle avoit quand j’estois auprez d’elle
La peine qu’eust sa mere a la flechir pour nous
Les pleurs qu’elle versa quand je fus son espoux
Et que de bonne foy d’abondant j’examine
Que j’ay l’humeur bouruë et que je peche en mine
Que chez un turc la belle est a discretion
Que ce sont gens amis de la conclusion
Contre qui sans miracle une belle captive
Soutient mal aisement six mois de negative
Certain instint fondé sur beaucoup de raison
Me dit que ce sera grand hasard si mon nom
Occupant d’un railleur le papier et la plume
Des cocus de mon temps ne grossit le Volume
Gusman
C’est d’un pareil scrupule estre trop combatu
Monsieur julie est sage elle a de la Vertu
Et vous devez en fin mieux juger en vostre ame...
D : Brusquin
Elle est sage il est vray mais en fin elle est femme
Et cette qualité peut seule la dessus
Servir de contrepoix a toutes les vertus
Gusman
Mais si pour vostre honneur vous aviez tant d’alarmes
Pourquoy venir si loing la chercher, par quels charmes
Craignant pour vostre front le fruit de ses amours
Hasarder sur la mer vostre argent et vos jours
D. Brusquin
Ah jay pour mes pechez pour elle un chien de tendre
Qui n’a jamais Voulu me rien laisser entendre
Et mon penchant plus fort que toute ma raison
Na peu faire avorter cette demangeaison
A peine un matelot que le ciel extermine
M’eut confirmé l’avis que me donnoit marine
Que le Diable ennemy juré de mon repos
Me fait mettre ma vie a la mercy des flotz
Comme si pour ces flots ou pour dame fortune
J’avois un sauf conduit signé du dieu Neptune
Gusman
Vous en repentez vous
D : Brusquin
Je ne scay mais je crois
Que si j’estois chez moy J’y songerois deux fois
Certain pressentiment ou ma raison s’obstine
Me font...
Gusman
mais il faut bien que cecy se termine
Vous en avez trop fait pour ne pas achever
On sçait a quel dessein vous venez d’arriver
Et vostre femme enfin ou cocquette ou fidelle
En payant sa rançon Vous sera...
D. Brusquin
bagatelle
Si je puis descouvrir que ce turc pour debut
Se soit fait de son chef icy mon substitut
Qu’il se soit par ses mains enfin de quelque sorte
Payé de l’jnterest de l argeant que j’apporte
Ou que ma femme enfin avec ce Fatiman
Ayt mis son cœur a prix et mon front a l’encan
Je dis Nescio Vos, et m’en vay sans replique
Et l’affaire entre nous est fort problematique
Gusman
Et qui sçaura cela chez nous quand par vos soins
D : Brusquin
Pour n’estre pas cru sot un homme l’est il moins
D’y maraut
Gusman
mais par qui scavoir qu’en sa demeure
D. Brusquin
On me doit faire voir marine tout a l’heure
Un esclave en entrant me la promis ainsy
Moyenant…
Gusman
jentens bien.
D. Brusquin
et je l’attens icy
Voy tu je veux sçavoir avant que de conclurre
Sur quoy, par qui, comment, et par quelle avanture
Julie est dans Alger, car a te parler net
Je crains fort dans cecy quelque complot secret
Je n’ay pû jusqu’icy penetrer ce mystere
Gusman
Si c’estoit un complot que julie eust pu faire
Seroit elle captive et vous eust on escrit
D Brusquin
Il est vray cependant... point du tout mon esprit
Se pert... mais i’ay toujours remarqué dans marine
Certain penchant pour moy surquoy je m’imagine
Que je pourray du tout estre bien esclaircy
Alors qu’adroitement je l’auray.... la Voicy
Scenne seconde
D : Brusquin, Gusman Marine, Tomire
Tomire bas
Prens bien garde…
Marine bas
Suffit
Tomire bas
Vous voyez je m’acquite
D. Brusquin
Je vous suis obligé, serviteur
Tomire
je vous quitte
Scenne troisiesme
D. Brusquin Marine
Marine
C’est luy mesme et dabord je l’ay bien reconnu
Ah ! monsieur
D. Brusquin
dieu te gard
Marine
Soyez le bien Venu
D.Brusquin
Bien ou mal me voila concluons
Marine
quoy vous mesme
Venir jusques ici...
D : Brusquin
que veux tu quand on ayme
On est fou lon est sot de mettre tous ses soins...
Marine
On seroit fort faché que vous le feussiez moins
D. Brusquin
Passons
Marine
Julie aura
D Brusquin
comment se porte telle
Marine
Bien
D. Brusquin
comme de tout temps j’ay reconnu ton Zelle
Et que jamais pour moy tu n’eus rien de caché
Avant que de conclure icy nostre marché
Jay Voulu te parler icy sur cette affaire
Seur qu’avec ta franchise et ton Zelle ordinaire
Par amitié pour moy mettant la feinte au croc
Tu vas a cœur ouvert…
Marine
oh cela vous est hoc
Tout comme a l’ordinaire, et bien
D : Brusquin
ta recompense
Au reste passera de loin ton esperance
Et je t’ay preparé dequoy te voir un jour
Au dessus… tu sçauras le reste a mon retour
Marine
Oh Monsieur, parlez donc
D. Brusquin
dis moy je te conjure
Comment â quel dessein et par quelle avanture
Vous estes toutes deux icy depuis le soir...
Marine
L’aventure monsieur est aysée a sçavoir
On venoit de souper la soirée estoit belle
Julie estoit chagrine et je fus avec elle
Faire un tour de jardin en attendant la nuit
Tout dun coup remarquant que j’entendois du bruit
Je vis des gens masquez qui dabord qui nous virent
Sans estre espouvantez de noz cris nous saisirent
La porte du jardin souvrit en mesme temps
Un carosse estoit la lon nous jetta dedans
Touche cocher dit on, l’embaras de la nopce
D : Brusquin
Et vous estes Venus sur la mer en carosse ?
Marine
Sur la Mer en carosse, eh qui vous dit cela ?
Escoutez jusqu’au bout.
D : Brusquin
lors qu’on Vous enleva
Vous criastes bien fort ?
Marine
bien fort ? a pleine teste
Aux voleurs, au secours, au meurtre, arreste, arreste
Non pour du bruit jamais femmes n’en ont tant fait
D. Brusquin
Il falloit que ces gens eussent quelque secret
Pour avoir rendu sours pendant tout ce ravage
Tous les gens du Logis et tout le Voisinage
Car dedans ny dehors pas un n’entendit rien
Marine
Enfin il est pourtant tres asseuré…
D : Brusquin
Fort bien
Passons
Marine
nous arrivons au port et cette troupe
Du carosse nous mit dedans une chaloupe
De la dans un vaisseau qui n’attendant plus rien
D. Brusquin
Et que si passa-til ? mais enfin Ø on scait bien
Que quand pour s’exposer a diverses fortunes
On enleve des gens ce n’est pas pour des prunes
Marine
A peine eust on esté quelques heures en mer
Qu’on vit avec le jour les Corsaires d’Alger
Prestz de nous attaquer on voulut se deffendre
On se battit long temps mais il fallut se rendre
On nous prist et pour nous le corsaire adoucy
Nous mit dans son vaisseau pour nous conduire icy
Ou depuis…
D : Brusquin
franchement je trouve cette Histoire
Un peu possible mais, bien Ø difficile a croire
Que devinerent ces gens masquez ? dont les effortz
Avoient…
Marine
apparemment ils sont captifs ou mortz
Mais comme pas un deux ne monstra son visage
Je ne vous en puis pas apprendre davantage
D. Brusquin
Fatiman estoit donc ce Corsaire d’Alger
Marine
Il en est gouverneur et ne va guere en Mer
Ce fust un autre turc...
D. Brusquin
comment en sa puissance
Marine
C’est qu’il est gouverneur
D : Brusquin
eh quelle consequence
Marine
En cette qualité par un sort peu commun
Des Esclaves qu’on fait de huit il en prend un
Il nous vit et d’abord nous prit pour son partage
D : Brusquin
Sans doute que ce turc comme c’est leur usage
Avoit quelque serrail a meubler Ø
Marine
bon ? eh quoy
Toujours prest d’expliquer…
D : Brusquin
tout doucement dis moy
Tu sçais bien quil manquoit lorsque l’on prit julie
A nostre mariage une ceremonie
Marine
Quelle ceremonie
D : Brusquin
eh celle que l’amour
Ordonne a frais communs la nuit de ce grand jour
Celle qui chez les gens que lon marie ensemble
Fait un nœud gordien du nœud qui les assemble
Qui lors que lon nous eust l’un a l’autre conjoint
Devoit le soir… enfin celle quon ne fit point
Marine
Et bien ?
D : Brusquin
je voudrois bien avant que de conclure
Sçavoir si quelque turc espris de sa figure
Ne s’est point…
Marine
quoy ?
D : Brusquin
chargé de la commission
De mettre nostre Hymen dans sa perfection
Marine
Quels contes ? par ma foy c’est bien dommage...
D : Brusquin
escoute
Tu crois donc qu’il ne s’est rien passé
Marine
le beau doute
D : Brusquin
Qu’auprez d’elle ces turcs nayent jamais entrepris
De mettre sur mon front les armes du pays ?
Que de force ou de gré pas un n’ayt rien eu d’elle ?
Marine
Pas un
D Brusquin
et qu’elle soit aussy sage que belle ?
Marine
Vous n’en sçauriez douter sans luy faire un affront
D : Brusquin
Vivat, je trouve icy seureté pour mon front
Marine
Croyez en mon raport et vous mettez en teste
Qu’elle a toujours trouvé fatiman fort honneste
Fort civil, obligeant, mesme respectueux
Outre que quand pour elle il eust santy des feux
Il eust perdu son temps puis quen fin ma maistresse
Sur ce chappitre la n’en doit rien a Lucresse
D : Brusquin
C’est a dire entre nous parlant de bonne foy
Qu’a son deffaut ces Turcs se sont passez de toy
Marine
Quels discours n’avez vous rien de meilleur a dire
D : Brusquin
Va je ne Ø diray rien cecy me peut suffire
Je vay Voir fatiman tout conclure et mes soins
Marine
Vous ne scauriez le voir d’une heure pour le moins
Mais ne sçauray je rien de cette recompense
Qui doit a mon retour passer mon esperance
Tandis que Vous n’avez rien a faire...
D Brusquin
Siffait
Mon dessein n’estoit pas de t’en faire un secret
Je veux te marier
Marine
me marier
D : Brusquin
toy mesme
Marine
Avec
D : Brusquin
avec un drole assez jeune et qui t’ayme
Marine
Le connois-je
D Brusquin
ouy
Marine
Son nom
D. Brusquin
devine ? c’est pascal
Il m’est un peu parent
Marine
quoy cet archibrutal ?
Ce magot ? ce Sagouin ? que chascun dans la rue
Prenoit pour vous ? ma foy je serois bien pourveüe
Monsieur pour l’estre ainsy on l’est toujours trop tost
D Brusquin
Eh que luy trouves tu
Marine
rien de ce qui me faut
D : Brusquin
Dys
Marine
je vous facherois et j’ayme mieux me taire
D : Brusquin
Point
Marine
que vous ay je fait, soit dit sans vous deplaire
Pour me Vouloir donner un brusque un estourdy
Connu pour ce qu’il est de tout...
D : Brusquin
pourquoy non dy ?
Marine
C’est que de quelque nom que vostre amour le nomme
Il a tous les deffauts que peut avoir un homme
Mais tous et cependant Vous estes des premiers
A...
D : Brusquin
tant mieux il sera propre a tous les mestiers
Marine
Propre a tous les mestiers ?
D : Brusquin
a tous sur ma parolle
Marine
A quoy diantre est il propre ? est ce que je suis folle
Il ayme la crapule et boit avec excez
D : Brusquin
Et bien il sera bon pour estre peintre
Marine
mais
Il est quand jl a beu querelleur prest a faire
Une jnsulte...
D : Brusquin
il faudra le faire mousquetaire
Marine
Mais il ne songe alors qu’a tout tuer enfin
Pour luy vingt hommes mortz...
D Brusquin
faisons le medecin
Marine
Il est fourbe dans tout ce que lon luy voit faire
Et de mauvaise foy
D : Brusquin
nous le fairons Notaire
Marine
Il a l’air sombre noir le discours outrageant
Le cœur dur sans pitié
D. Brusquin
nous le ferons sergent
Marine
Il empoisonne tout ce qu’on peut dire ou faire
Et se meprend souvent
D. Brusquin
faisons l’apoticaire
Marine
Toujours prest a tromper si tost que son penchant
Trouve une occasion
D Brusquin
nous le ferons marchant
Marine
Je luy crois comme a Vous la teste un peu mal faite
Et le tiens un peu fou
D Brusquin
nous le ferons Poete
Marine
Se peut il dites moy que vostre entestement
Vous laisse si long temps dans vostre aveuglement
Car enfin ce parent que vostre amour adore
Outre tous ces deffautz en a cinquante encore
Il ayme les festins
D : Brusquin
on le fera traiteur
Marine
Et mange comme quatre
D Brusquin
il sera procureur
Marine
Il veut parler de tout
D : Brusquin
il fera la gasette
Marine
Il ayme le grand bruit
D : Brusquin
on le fera trompette
Marine
Il ayme a voir des balz
D : Brusquin
faisons le violon
Marine
Ne peut tenir en place
D : Brusquin
il sera postillon
Marine
Il ne sera jamais qu’un sot et ses manieres
Luy mettront sur la teste...
D Brusquin
il aura des confreres
Et ce sera du mestier de force honnestes gens
Marine
Il est... mais fatiman vient icy je l’entens
Menagez nos plaisirs si vous aymez le vostre
A dieu pour le parent gardez le pour quelque autre
Scenne quatriesme
D : Brusquin Fatiman, Stamorat Suite
D : Brusquin Ø
Je croy que le Voicy peste quel egrillart
A son air je crains fort d’estre venu trop tart
Et que dessur mon front enfin estant a mesme
Comme sur la capture il n’ayt pris son huitiesme
Stamorat Ø
Voila cet Espagnol dont on vous a parlé
D Brusquin Ø
Salut suis je venu pour estre controllé
Messieurs affin qu’icy personne n’en jgnore
Je pretens avec vous traitter de turc a more
Vous avez pris sur mer ma femme sans façon
Rendez la moy de mesme en payant sa rençon
Ça respondez moy juste au discours que j’entame
J’ay de l’argent comptant et besoin de ma femme
Fatiman
Ta femme ? ce n’est pas julie aparemment
D : Brusquin
Comment est ce la vostre ? eh
Stamorat
ce singe est plaisant
Fatiman
Non mais pour une femme aussy bien faite qu’elle
Franchement je te trouve un mary dun modelle
A ne pas te flater que la beaute quelle a...
D : Brusquin
Il n’est pas question a present de cela
Pour ne pas chamarrer le dessus de ma levre
Comme lon fait icy d’une barbe de chevre
Sçachez qu’estant un jour teste a teste au pays
Nous ne laisserons pas…. bref chacun Vaut son prix
Elle est pourtant ma femme, ou peu s’en faut je n’oze
Fatiman
C’est un malheur pour elle
D : Brusquin
eh parlons d’autre choze
Concluons
Fatiman
j’y consens je voy que tous tes vœux
Vont a vous voir chez vous bien reunis tous deux
Tu meurs de la revoir car je lis dans ton ame
Elle a de la beauté, tu l’aymes c’est ta femme
C’est pourquoy je ne veux que six mille ducatz
Pour Ø remettre en tes mains...
D : Brusquin
quoy Vous ny songez pas
Comment pour une femme
Fatiman
ouy
D : Brusquin
peste quelle somme
Combien faudroit il donc Vous donner pour un homme
Fatiman
A bien meilleur marché je rendrois leurs maris
Ce beau sexe chez nous est un tresor sans prix
Du ciel et de l’amour c’est le plus bel ouvrage
De la divinité la plus parfaite image
De cent charmes divers ce chef d’œuvre embelly
Pour des gens bien sensez na rien que d’accomply
Ainsy lon ne sçauroit trop exiger pour rendre...
D : Brusquin
Je Vous conseille fort pourtant de n’en plus prendre.
Fatiman
De femmes
D Brusquin
ouy sur tout des environs
Fatiman
pourquoy
D : Brusquin
C’est que pour vous parler franc et de bonne foy
J’y voy force maris qui passent pour tres sages
Qui vous les laisseroient seurement pour les gages
Et je vous suis garent qu’ils en seroient ravis
Faites nous bon marché pour nostre droit d’avis
Contentez vous du tiers pour elle et pour marine
C’est beaucoup il ne faut point tant faire la mine
Fatiman
Tu les veux toutes deux
D : Brusquin
ouy je la veux aussy
Si lon vendoit chez nous les femmes comme icy
Pour moitié de largent que j’offre pour la mienne
J’en aurois a choisir au moins une dousaine
Fatiman
Finissons je suis las dun pareil entretien
Vous perdez Ø vostre temps j’en veux cinq mille ou rien
Reglez vous la dessus et prenez Ø vos mesures.
J’en demeure d’accord ces loix sont un peu dures
Mais cependant il faut ne me voir desormais
Que largent a la main ou me laisser en paix
Allez
D : Brusquin
quelle somme ah j’en ay la mort dans l’ame
J’aymerois presque autant qu’ils gardassent ma femme
Il pouroit se desdire il faut se depecher
Ah chien de turc...
Fatiman
plaist il ?
D : Brusquin
je m’en vay vous chercher
Cinq mille ducatz
Fatiman
c’est une affaire concluë
Scenne cinquiesme
Fatiman Stamorat
Fatiman
Je vay voir si celime est toujours resolüe
A remettre l’hymen qui doit me rendre heureux
Sa Naine vient icy qui t’ameine en ces lieux
Scenne sixiesme
Fatiman, Zaïre, Stamorat
Zaïre
Pour adoucir l’excez de sa Melancolie
Ma maistresse demande et Carlos et julie
Et trouvant son chagrin par leurs chants adoucy
Pour les venir chercher elle m’envoye icy
Fatiman
Il faut les envoyer mais cependant Zaïre
Dou luy Vient ce chagrin ? ne peux tu point me dire
Par quel motif secret elle veut differer
L’hymen quelle m’a fait si long temps esperer ?
Ce que je t’ay promis t’est seur. dis m’en la cause
Elle t’a toujours dit jusqu’a la moindre chose
Zaïre
Elle ne m’a pourtant rien dit de tout cela
Fatiman
Comment tu n’en scais rien ?
Zaïre
je ne dis pas cela
Fatiman
Tu le scais ? dis moy donc quelle raison l’arreste...
Zaïre
Pour dire des secretz il faut du teste a teste
Ne voyez vous pas bien qu’on m’escoute
Fatiman
sortez
Scenne septiesme
Fatiman Zaïre
Zaire
Vous n’en scavez rien
Fatiman
non
Zaïre
mais vous vous en doutez
Fatiman
Point
Zaïre
Sçachez aussy bien ce secret me suffoque
Que de tout vostre amour ma maistresse se mocque
Qu’elle adore carlos.
Fatiman
Un vil esclave
Zaire
luy
Elle l’espousera s’il veut des aujourdhuy
Et je tiens vostre hymen une affaire manquée
Elle s’en est des hier a luy mesme expliquée
Teste a teste en sa chambre ou cachée en un coin
J’entendis que s’il veut prendre le moindre soin...
Fatiman
Eh que luy repondit carlos ?
Zaïre
rien
Fatiman
rien ? j’admire
Zaïre
Il estoit si honteux qu’il ne sçavoit que dire
Jamais en cas pareil homme ne fust si sot
Et Celime voyant qu’il ne luy disoit mot
Sortit en luy disant venez demain m’aprendre
Quel choix vous aurez fait, mais songez y
Fatiman
se rendre
A l’amour d’un esclave il faut dissimuler
C’est dessur ce sujet quelle luy veut parler
Sans doute il faut tacher d’entendre sa response
S’il accepte sa main ou bien s’il y renonce
Tandis que sur lespoir de recevoir sa main
Je vay les envoyer adieu
Celime
jusqu’a demain
Scenne huitiesme
Zaire seule
Il faut, voicy carlos
Scenne neuviesme
Carlos Zaïre
Zaïre
celime vous demande
Et julie avec vous de peur qu’elle n’attende
Cherchez la promptement et venez sur mes pas
Carlos
Suffit ah quels ennuys ! mais ne la vois-je pas
Scenne dixiesme
Carlos Julie
Carlos
Scavez vous la rigueur du destin qui traverse
Julie
Pouvez vous en douter aux larmes que je verse
Carlos
En fin le ciel trahit mes feux et mon espoir
Mon malheur et la loy d’un rigoureux devoir
Vous rendent a l’objet de toute vostre hayne
Vostre persecuteur va briser vostre chaine
Et fatiman d’accord avec que cet espoux
Luy vend la liberté de disposer de vous
Pour peu que ma douleur me permette de vivre
Madame dans ses bras a mes yeux on vous livre
Et malgré tout l’amour que flatoit nos souhaitz
Je vous pers dans une heure et vous pers pour jamais
Julie
Vous le voyez ce coup qui me vient de confondre
Me laisse a peine encor la force de respondre
Et le fatal moment qui me va pour toujours
Remettre dans les mains du tiran de mes jours
Remplit desja mon cœur, que votre plainte accable
De tout le desespoir dont une ame est capable
Sa presence est pour moy l’ennuy le plus cruel...
Et cependant carlos j’en atteste le ciel
Parmy tant de sujetz de douleur et de plainte
Rien ne porte a mon cœur une si rude atteinte
Rien n’arrache les pleurs que vous voyez verser
Que l’estat ou je suis reduite a vous laisser
Dans des fers, ou mourant du coup qui nous separe
A ce mot je sens bien que ma raison segare
Si vous m’aymez carlos cachez moy vos ennuys
Ne m’attendrissez point en l’estat ou je suis
J’ay pour vostre interest besoin d’un cœur tranquille
Ne pouvant estre a vous je puis vous estre utile
Et je veux vivre au moins jusques a mon retour
Pour vous tirer des fers ou vous mit tant d’amour
Carlos
Non non c’est un espoir dont la douceur est vaine
Ma main ou ma douleur mettront fin a ma peine
Non je n’auray point veu sans mourir a vos yeux
Tout ce que j’ayme aux mains d un brutal dans des lieux...
Pardonnez ce transport a des plaintes frivolles
Rien ne vous a jamais unis que des parolles
Et mon ressentiment peut n’avoir point d’égart
Pour des nœuds ou l’amour n’a jamais eu de part
Mais ne Vous flatez point que pour rompre mes chaisnes
La liberté sans nous puisse adoucir mes peines
Ma douleur vous repond de faire son devoir
Et lon meurt sans regret quand on vit sans espoir
Julie
Carlos n’augmentez pas l’ennuy qui me devore
Ayez soin de vos jours si vous m’aymez encore
Je le Veux j’en connois, j’en vois tous les dangers
Mais pour les conserver songez qu’ils me sont chers
Songez au desespoir dont je parois troublée
Et que dassez d’ennuys je vais estre accablée
Sans ajouter aux pleurs dont vous voyez le cours
La douleur de pleurer la perte de Vos jours
Carlos
Helas on vous attend adieu belle Julie
Voicy l’Instant fatal le dernier de ma vie
Sans doute ou je pourray me voir a vos genoux
A Dieu je vous souhaite un destin aussy doux
Que le sort a rendu le mien peu favorable
Julie
Vivez
Carlos
je vous promets si l’ennuy qui m’accable
Force mon desespoir a vous mal obeïr
De vous aymer du moins jusqu’au dernier soupir
A dieu
Julie
r’entrons voicy cet espoux
Scenne Unsiesme
Julie D : Brusquin
D : Brusquin
c’est ma femme
Sans doute vous faisiez vos adieux et sa flame
S’occupoit... paix je vays pour mitiger vos feux
Mettre quelques arpens de mer entre vous deux
Et vostre esprit cocquet instruit d’un autre rolle
Va trouver quelque erreur au calcul de se drosle
Cependant vous pouvez faire vostre pacquet
Car je me trompe fort enfin pour parler net
Si bien tost bec a bec l’hymen ne nous regale
D’un giste ou nostre teint naura pas peur du hasle
Venez nostre marché se peut faire a vos yeux
Julie
L’ordre de Fatiman m’appelle en d’autres lieux
D : Brusquin
Ah ! friponne est ce ainsy que ce cœur considere
L’effort que pour vous voir mon amour m’a fait faire
Reconnoissez l’espoux dont la main et le cœur...
Julie
Je ne connois en vous que mon persecuteur
Scenne dousiesme
D : Brusquin
Suis je pas un grand sot d’aymer cette traitresse
Mais puis que rien ne peut guerir tant de foiblesse
Et que le diable espargne enfin si peu de fronts
Hasard a mon marché concluons et partons.
Acte Troisiesme
Scenne premiere
Celime Zaïre
Zaïre
Mais considerez mieux qu’elle raison l’oblige
Celime
Non je ne veux plus rien considerer te dis je
Carlos est un jngrat son trouble et sa tiedeur
Me Viennent d’expliquer le secret de son cœur
J’ay voulu vainement rasseurer ce perfide
Sur tout ce qui sembloit rendre son feu timide
Ses craintes ces egards tout estoit concerté
Et son esprit enfin a si bien pretexté
Le mespris qu’en secret il faisoit de ma flame
Que malgré tout le soin de luy montrer mon ame
Il ne reste a mon cœur pour fruit de tant de feu
Que la confusion d’en avoir fait l’aveu
Zaïre
Mais pourquoy voulez vous qu’il ayt pretendu feindre
Estant a Fatiman que ne doit il point craindre
Pourroit il accepter vos offres sans trembler
Celime
Non non ce nest point la ce qui la fait parler
Zaïre
C’est ainsy justement que les femmes sont faites
Tout ce qui leur deplaist leur paroist des deffaites
Le plus sincere amant ne peut les contenter
S’il ne dit mot a mot ce qui les peut flater
Et le plus scelerat fait sa cour a merveilles
Quand sa langue est d’accord avecque leurs oreilles
Ne faudroit il point voir aveque d’autres yeux
Celime
Je croy sçavoir dou vient ce mesprix pour mes feux
Ayant besoin de toy ma bonté te confie
Le secret de mon cœur, souviens toy que ta vie
Depend de le garder, qu’a me trahir...
Zaïre
helas
Vous ? a la question je n’en parlerois pas.
Celime
Carlos ayme julie elle l’ayme peust estre
Que disje ? ouy la froideur qui me vient de paroistre
Ne vient que de l’espoir qui les flate tous deux
Si je puis penetrer le secret de leurs feux
J’opposeray Zaïre en perdant l’esperance
Un si cruel obstacle a leur intelligence
Que tous deux... cet esclave autre fois son valet...
Aproche, m’en poura reveler le secret
Scenne seconde
Celime, Tomire, Zaire
Tomire aprez avoir resvé
Je passois par respect n’osant icy paroistre
Celime
N’entens tu pas parler qu’on rachette ton maistre
Tomire
Le racheter madame ? helas non ses parents
Hors un oncle qu’il a vieux riche et sans enfans
Sont plus gueux...
Celime
mais ayant cet oncle est il croyable
Qu’il l’abandonne...
Tomire
il est avare comme un diable
Madame et nous verroit plutost crever tous deux
Que de donner jamais
Celime
mais enfin estant vieux
Sa mort rendra carlos heritier d une somme...
Tomire
Il est vray qu’il est vieux, mais comme c’est un homme
Qui depuis le berceau pour nous faire enrager
Ne s’est fait ny saigner ny droguer ny purger
Et qu’il ne veut point voir de medecins je doute
Qu’il meure de long temps, ny que son bien
Celime
escoute
Tu resvois en passant qui t’occupoit l’esprit
Tomire
Carlos
Celime
et ses amours
Tomire
ma foy Vous l’avez dit
Celime
Aprens nous ce que c’est
Tomire
ah ces historiettes
De misteres galans, d’jntrigues d’amourettes
Comme Vous jugez bien sont de petits secrets
Qu un valet bien discret ne revele jamais
Ainsy vous voulez bien me dispenser madame
De descouvrir icy le secret de sa flame
A Dom carlos dont j’ay menagé les amours
Fut mon maistre et je doy m’en souvenir toujours
Tel que Vous me voyez j’ay pour luy tant de Zelle
Que je veux estre un jour scité comme un modelle
D’un valet achevé, malheureux, mais hazart
Et je ne hay rien tant qu’un vallet babillart
Qui veut a tous venants mesme sans les connoistre
Conter de but en blanc les amours de son maistre
Celime
Carlos est bien heureux que sa condition
Luy conserve un tel Zele et ta discretion
Me paroist a la fois si rare et si loüable
Que le plaisir que i’ay de t’en trouver capable
Ne peut d’un moindre prix...
Ø
Tomire
oh c’est…
Celime
prens jayme a voir
Que rien contre carlos n’esbranle ton devoir
Son interest m’est cher qu’a l’avenir ton Zelle
Ne demente jamais une ardeur si fidelle
Tu sçais tous ses secretz garde toy d’en parler
Et meurs plutost cent fois que de les reveler
Tomire
Oh.
Celime
quand a ses amours qu’on auroit peine a croire
Carlos m’en a tantost conté toute l’histoire
Ce n’est plus a present un mistere pour moy
Il m’a dit qu’il aymoit Julie
Tomire
ah je le croy
Cela n’est pas nouveau
Celime
qu’une ardeur mutuelle
Rendroit malgré leurs fers leur amour eternelle
Par quel hazart ils ont perdu la liberté
Leurs traverses, leurs pleurs…
Tomire
il vous a donc conté
Comment il l’enleva du logis de sa mere
La rencontre qu’il fit de ce vaisseau corsaire
Celime
Ouy leur embarquement et comment on vous prit
Le desespoir qu’il eut...
Tomire
il vous aura donc dit
La… que la chose fut justement accomplie
Dans le temps quon venoit de marier Julie
Qui haissoit a mort l’espoux quon luy donnoit
Que deux heures plustart l’hymen se consommoit
Et que pour se pourvoir contre la Violence
De sa mere...
Celime
il ma dit tout cela Ø
Tomire
je le pense
On n’a point de secret jamais pour ses amis
Celime
J’estime fort carlos.
Tomire
eh vous a-t’il apris
Que ce vieux singe a qui lon maria julie
Est pour la racheter des hier en barbarie
Et qu’avec Fatiman il a fait son marché
Celime
Je le sçais et carlos men parut si touché
Que sensible a l’ennuy qu’il m’en faisoit paroistre
Tomire
Et bien voyez ou va le caprice d’un maistre
Il la dit, il n’auroit pas cessé de crier
Si j’en avois ouvert la bouche le premier
Ce monde est ainsy fait
Celime
cette triste nouvelle
Me donne pour carlos une douleur mortelle
Je l’avoüe et je plains son sort de si beaux feux
Meritoient ce me semble un destin plus heureux
Je ne scaurois songer au destin de sa flame
Que les larmes aux yeux que la douleur dans l’ame
Car il pert tout espoir et l’ennuy qu’il en a…
Tomire
Ah ne vous fachez point si ce n’est que cela
Vous ne sçavez donc pas ses esperances
Celime
quelles
Tomire
Oh oh vrayment depuis j’ay bien d’autres nouvelles
Julie aloit partir et ne partira point
Celime
Ah ciel que me dis tu ?
Tomire
quil est seur de ce point
Celime
Qui pourra l’empecher si la chose est concluë
Tu mas dit...
Tomire
il est vray qu’elle estoit resolue
Mais carlos vient d’avoir au sortir du Divan
Un entretien secret avecque fatiman
J’jgnore le detail de ce qu’ilz ont peu dire
Mais quand au resultat je puis vous en jnstruire
Fatiman a promis a carlos qu’il diroit
Qu’il ne la veut point vendre et quil la garderoit
Que lorsque dom brusquin, c’est lespoux en esbauche
De Julie, assez peu ragoutant et fort gauche
Que lors donc qu’il viendra lon luy dira tout net
Tu nas pour ton retour qu’a faire ton pacquet
Sans julie au plutost on pretend que tu partes
Et que s’il n’est content il cherchera des cartes
Voila ce que carlos m’a dit dans un transport
Celime
Va la part que J’y prens rend le mien aussy fort
Sans doute quil rend conte a present a Julie
D’un bonheur qui leur rend lesperance et la vie
Et qu’ils en sont tous deux dans des transports bien doux
Tomire
Il s’est alé jetter d’abord a ses genoux
La bouche sur ses mains tendrement attachée
Qui les baisoit... d un air dont vous seriez touchée
Je les viens de quitter tout a l’heure et tous deux
Expliquent par leur chant leur transport amoureux
Celime
Tu m’en vois toute esmeüe et... cela peut suffire
Tomire
Je ne manqueray pas madame de leur dire
Celime
Non non ne luy dis rien quand il m’en parlera
Je feindray d’jgnorer...
Tomire
tout comme il vous plaira
Scenne troisiesme
Celime Zaïre
Celime
Qu’ay je entendu Zaïre et qu’a til s’ceu m’apprendre
Je sens quoy que ce coup n’ayt pas deu me surprendre
Zaïre
Voila l’effet des soins que vous voulez avoir
On apprend quelques foys plus quon ne veut sçavoir
Quand on est curieuse
Celime
il est vray mais je songe
Un remede aux ennuis ou ce recit me plonge
Ouy je veux voir carlos soupirer vainement
L’jngrat ne m’aura point bravée Impunement
Zaire
Mais enfin si son feu ne peut repondre au vostre
Celime
Je les vays pour jamais separer l’un de l’autre
Je vay...
Zaire
je les entens qui chantent et tous deux
Celime
Escoutons et voyons jusques ou vont leurs feux
Scenne quatriesme
Celime, Carlos et Julie en chantant Zaïre
Carlos
Malgré tous les malheurs dont ma flame est suivie
Je puis encor gouster la douceur de l’espoir
Celime
Vous chantiez poursuivez ce debut fait attendre...
Carlos
Nous repetions madame un dialogue tendre
De deux jeunes amans prests a se separer
A qui le sort rendoit la douceur desperer
Celime
La matiere est galente et je seray bien aise
De l’entendre
Carlos
il sera mal aisé qu’il vous plaise
Estant peu concerté madame s’il vous plaist
Nous chanterons...
Celime
non non chantez le tel qu’il est
Carlos
recommance
Malgré tous les malheurs dont ma flame est suivie
Je puis encor gouster la douceur de l’espoir
Julie
Malgre le sort jaloux du bonheur de ma vie
Nous jouissons tous deux du plaisir de nous voir
Ensemble
Nous jouissons tous deux du plaisir de nous voir
Julie
De la plus cruelle absence
Je sentois desja les traitz
Carlos
Je croyois malgré ma constance
Que le sort nous aloit separer pour jamais
Julie
J’alois cesser de vivre
En quittant ce sejour
Carlos
Helas j’alois vous suivre
J alois mourir d’amour
Julie
J alois cesser de vivre
Carlos
J alois mourir d’amour
Julie
Cependant aprez tant d’allarmes
Le ciel semble a noz feux promettre un sort plus doux
Carlos
Quand je pourray me voir sans cesse a vos genoux
Je le trouveray plein de charmes
Ensemble
Ah ? que pour deux jeunes cœurs
Pleins dardeur et de constance
L amour joint a l’esperance
A De sensibles douceurs
Julie
L’amour a de rudes chaisnes
Ses tendres mouvemens coustent bien de souspirs
Et ce qu’il y mesle de peines
Empoisonne tous ses plaisirs
Carlos
L’amour a de douces chaisnes
Ses tendres mouvemens coustent quelques souspirs
Mais les cœurs qui craignent ses peines
Ne meritent pas ses plaisirs
Julie
Ne songeons plus a nos alarmes
Carlos
Ne parlons plus que des charmes
Que des douceurs de l’amour
Et disons cent fois le jour
Ensemble
L’amour a de douces chaisnes
Ses tendres mouvemens coustent quelques s’ouspirs
Mais les cœurs qui craignent ses peines
Ne meritent pas ses plaisirs
Celime
Il suffit vous pouvez poursuivre en mon absence
Carlos et le service aura sa recompense
Ils recommancent
Ah que pour deux jeunes cœurs &
C
:
Scenne cinquiesme
Julie, Carlos D : Brusquin
D : Brusquin
Encor chascun de vous y prend goust ce me semble
Et vous voila vous deux d’accord sans boire ensemble
Carlos
Mon but monsieur n’estoit que de la divertir
D : Brusquin
Ce soin la me regarde et vous pouvez sortir
Scenne sixiesme
D : Brusquin, Julie
D : Brusquin
Vous aymez donc ces gens toujours prests a bien faire
Qui malgré le mary, pleins d’un soin debonaire
Veulent jazer sans cesse et par bonne amitié
Officieusement divertir sa moitié
Julie
Les plaisirs jnnocens
D. Brusquin
jnnocens ah je pense
Qu’il n’entre en vos plaisirs que bien peu d’jnnocence
Cependant a l’egard des misteres passez
Je voy bien quil faudra tous depens compensez
Sans qu’avec plus de soin jamais je m’en explique
Avaller la pilule en mary pacifique
Et de vostre sejour voir icy le detail
Comme si tout cela n’estoit point de mon bail
Tout coup vaille chez nous comme chez ces barbares
Ces frontz predestinez aussy bien sont tres rares
Et c’est dequoy chascun peut juger par le sien
Mais quand a mon retour je repondray du mien
Ouy vous verrez mes soins malgré toutes vos brigues
Servir de correctif a toutes vos intrigues
Mais je consens a voir mon chef chargé de bois
Si vous vous esclipsez une seconde fois
Julie
Ce projet est beau mais il aura d’autres suites
Et vous n’en userés jamais comme vous dites
D : Brusquin
Jamais me dites vous
Julie
non vous disje jamais
Vous m’aymez vous sçavez a quel point je vous hais
Et vous serez ravy que quelqu’un me console
Du chagrin destre a vous
D : Brusquin
il faut quelle soit folle
Vous vous figurez donc suivant ce beau discours
Me voir l’entremeteur de vos tendres amours
Que flatant d’un amant la tendresse et la vostre
Mes soins alumeront le feu de part et d’autre
Et que sans m’allarmer d’aucun jaloux soubçon
Je vous priray tous deux d’en user sans façon
Julie
C’est dequoy je me flatte et je scay que vous mesme
Non seulement content de voir q’un autre m’ayme
Me vanterez sa flame et que vous me prierez
De l’aymer...
D : Brusquin
taisez vous taisez vous et r’entrez
Ou changez de discours ou fuyez ma presence
Vous disje car je sens que je perds patience
Scenne septiesme
D : Brusquin
seul
Elle a perdu l’esprit ou me croit... mais il faut
Voir fatiman conclurre, et partir au plutost
Le Voicy
Scenne huitiesme
Fatiman, Carlos D : Brusquin Stamorat
Fatiman
j’aperçoy Dom brusquin d’Alvarade
Et je luy vais donner une si rude aubade
Qu’il maudira le jour quon les unit tous deux
Pour l’ingrate beauté qui mesprise mes feux
Dont lamour a rendu le cœur si susceptible
Elle sçaura dans peu combien J’y suis sensible
Quant au reste vos yeux vont estre les tesmoins
De ce que vous devez attendre de mes soins
D Brusquin
Ça Seigneur Fatiman concluons je vous prie
Aussy bien je commence a voir que je m’ennuye
L’hymen voudroit de moy certaine fonction...
Bref je trouve que l’air d’icy ne m’est pas bon
A noz conditions je viens de satisfaire
J’ay compté mon argent a vostre secretaire
J’ai demandé Julie et lon m’a fait sçavoir
Que c’est de vostre main qu’il la faut recevoir
Je veux partir enfin en un mot comme en douze
J’ay livré mon argent livrez moi mon espouze
Fatiman
Elle est libre et de plus contre nostre traitté
Je pretens luy donner gratis la liberté
La rendre sans argent et qu’elle se retire…
D : Brusquin
Quel excez de bonté sans argent c’est-a dire
Que ce drosle voyant qu’elle quittoit ce lieu
S’est payé par ses mains en luy disant a dieu
De ses bontez pour luy voila la recompense
Et je vay sur mon front emporter ma quittance
Que ferois je à cela passons, apparemment
Nous pouvons donc partir treve de compliment
Puis que vous voulez bien sans argent me la rendre
De peur de vous facher je m’en vay le reprendre
Si vous venez chez nous vous nous ferez honneur
Reste a nous dire a dieu but a but serviteur
Fatiman
Avant que de partir il faut qu’avec Julie
Vous soyez le tesmoin d’une ceremonie
Qui se doit faire icy se soir ou je pretens...
D : Brusquin
C’est pour une autre fois nous n’avons pas le temps
A dieu dispensez nous, et que lon nous oblige...
Fatiman
Vous ne sçauriez partir qu’aprez cela vous disje
Il faut qu’absolument vous y soyez tous deux
D : Brusquin
Vous raillez
Fatiman
il le faut vous disje ; et je le veux
D : Brusquin
Oh oh mais quelle est donc cette ceremonie
Qui veut et ma presence et celle de julie
Ne peut on le scavoir et puis je vous prier...
Fatiman
C’est que je veux ce soir…
D. Brusquin
et bien
Fatiman
la marier
D : Brusquin
Julie ?
Fatiman
elle
D : Brusquin
expliquons s’il vous plaist ce langage
Est ce qu’on doute icy de nostre mariage
Et que craignant en mer pour son honnesteté
On veut nous marier pour plus de seureté
Fatiman
Non
D : Brusquin
non
Fatiman
non je scais bien que tu las espousée
Que c’est contre son gré que lon la mariée
Que rien ne vous unit tous deux que quelques motz
Qui n’ont point eu deffet ainsy pour son repos
Et mesme pour le tien il vaut mieux ce me semble
Vous separer tous deux que vous laisser ensemble
L’usage le permet icy comme chez vous
Et je luy vay ce soir donner un autre espoux
D : Brusquin
A ma Femme
Fatiman
a ta femme et de plus
D : Brusquin
quel negoce...
Fatiman
Ton argent servira pour les frais de la nopce
D : Brusquin
Nous nous entendons mal assurement tous deux
Vous pretendez ce soir marier a mes yeux
Qui Ø Julie ?
Fatiman
ouy
D : Brusquin
ma femme ? ah le traitre ah j’enrage
De quel droit s’il vous plaist rompre mon mariage
Fatiman
J’ay de deux Marabous pouvoir pendant dix ans
De demarier ceux qui ne sont pas contans
D : Brusquin
Vous si cela se sçait un jour il faut qu’il fonde
Des maris en ces lieux des quatre coins du monde
Et si vous pouvez mettre a profit tout ce temps
Cela vous vaudra mieux que vingt gouvernemens
Fatiman
Sans doute et pour ne pas differer davantage
Jen fais ce soir l’essay sur vostre mariage
Vous y serez present et vous Ø verrez quel fruit
D : Brusquin
Moy ciel ? a quel malheur me vois je icy reduit
Qui l’eust dit quand chez moy je partis plein de flame
Que c’estoit pour venir aux nopces de ma femme
Et que me souhaitant des aisles aux talons
Jy viendrois de si loin payer les violons
Est ce un arrest pour nous sans apel, et ma bourse
N’en peut elle adoucir…
Fatiman
l’affaire est sans ressource
Je luy donne un espoux ce soir, et ces discours...
D : Brusquin
Sera ce pour long temps
Fatiman
ce sera pour tousjours
D : Brusquin
La t on dit a Julie ?
Fatiman
ouy je luy viens d’aprendre
D : Brusquin
Que dit elle a cela ?
Fatiman
quelle est preste a se rendre
Et qu’elle aimeroit mieux avec un tel espoux
Porter toujours de fers qu’estre reyne avec vous
D : Brusquin
Ah me voila donc veuf du vivant de ma femme
Et quel est ce beau filz qui cause tant de flame
Ø
Fatiman
Tu las veu plusieurs fois
D : Brusquin
mais expliquons nous mieux
Est il pres est il loin
Fatiman
il est devant tes yeux
D. Brusquin
Ah double scelerat je m’en doutois dans l’ame
Vous me coupez ma bourse et me volez ma femme
Et l’ardeur qui vous fait tout donner a Vos sens
En me faisant cocu me condemne aux depens
Mais... vous riez des pleurs que vous voyez paroistre
Et bien espousez la Vous en estes le maistre
Vous pouviez l’avoir fait sans m’avoir attendu
Mais si J’y suis present je veux estre pendu
Pour croire mon malheur suffit qu’on m’en reponde
Je pars et le diray chez nous a tout le monde.
Scenne derniere
Carlos, Fatiman, Stamorat
Carlos
S’il part ce n’est rien faire et si vous n’ordonnez
Fatiman
Il ne partira pas mes ordres sont donnez
Il faut laisser agir sa premiere saillie
Alons de ce debut rendre conte a Julie
Disposons son esprit a ce que j’en prevoy
Entrons et du succez reposez vous sur moy.
Acte quatriesme
Scenne premiere
Celime, Fatiman, Stamorat
Fatiman
Et bien c’est un hymen qui vous plaist de remettre
Vous le Voulez madame et je doy my soumettre
Et malgré la douleur de le voir differer
Je feray mes effortz pour n’en point murmurer
Mais je vous avoüray la dessus ma foiblesse
Tous ces retardemens alarment ma tendresse
Quelque motif secret que lon me cache icy...
Celime
D’accord j’ay mes raisons pour en user ainsy
Fatiman
Vous avez vos raisons daignez donc m’en jnstruire
Celime
Vous pourriez m’espargner la peine de les dire
Vous les devez sçavoir sans qu’un tel entretien...
Fatiman
Non madame mon cœur ne me reproche rien
J’ay toujours eu pour vous une ardeur trop sincere
Pour avoir negligé les moyens de vous plaire
Et l’hymen mon respect ma tendresse et mes soins
Demain si vous voulez en seront les tesmoins
Celime
bas
Vangeons nous de carlos puisque l’ingrat moffence
Quoy vous vous figurez que sur cette assurance
J’immole en un moment a l’espoir d’estre a vous
Et mes ressentimens et mes soubçons jaloux
Vous croyez que mon cœur sur une simple excuze
Vous donne avec ma main l’aveu qu’il vous refuse
Quand malgré ce qu’icy vous me montrez d’ardeur
Je sçays qu’un autre objet occupe vostre cœur
Que vous me trahissez et que toute vostre ame
Brusle d’un feu secret
Fatiman
moy vous trahir madame
Celime
Ouy je scay puis qu’il faut m’expliquer clairement
Que les yeux d’une esclave ont fait ce changement
Que vous aymez julie et je suis assez fiere
Puis quil faut vous ouvrir mon ame toute entiere
Et finir avec vous un pareil entretien
Pour vouloir tout un cœur en donnant tout le mien
Fatiman
Moy J’aymerois Julie ? encor un mot madame
Quelque ennemy secret du bonheur de ma flame
A voulu m’envier le nom de vostre espoux
Et semant ces faux bruitz me perdre auprez de vous
Celime
Jay de vos nouveaux feux une entiere asseurance
Fatiman
Eh quoy sur un soubçon sans aucune apparence
Vostre cœur prevenu pouroit me refuser...
Celime
Il n’est qu’un seul moyen de me desabuser
Peut estre que facile a me laisser surprendre
J’ay creu sur un faux bruit ce qu’on ma fait entendre
Il se peut que vos yeux et vostre cœur d’accord
Se soient de sa beauté deffandus sans effort
Mais puis que enfin les bruitz en courent a ma honte
S’il n’est rien que pour moy vostre amour ne surmonte
Il faut des aujourdhuy secondant mes souhaitz
Ou la faire partir ou ne me voir jamais
Voila les deux partis que vous avez a prendre
Si ce soir elle part vous pourez me l’aprendre
Mais songez quelque amour dont vous soyez espris
Que je ne veux jamais vous revoir qu’a ce prix
Fatiman
Vous le Voulez il faut contenter vostre envie
Mais puis je me flater qu’en renvoyant julie
Vostre cœur revenu de ses soupçons jaloux
Reçoive en mesme temps fatiman pour espoux
Celime
A laissez moy du moins disposer du salaire
Cachez moy les transportz d’un amour mercenaire
Suivez vostre penchant sans me faire de loy
Et meritez ma main sans l’exiger de moy
Scenne seconde
Fatiman Stamorat
Stamorat
Vous l’avez irritée
Fatiman
est ce ainsy quon me traitte
Ingratte je voy trop qu’elle raison secrette
Veut qu’en rendant julie on l’esloigne de vous
Je ne suis pas l’objet de vos soubçons jaloux
Et lors que vous feignez d’en paroistre allarmée
Vous sçavez trop de qui cette esclave est aymée
Mais pour vous en punir je vay vous preparer
Des traitz dont vostre cœur ne pourra se parer
Et puis que mon hymen à pour vous peu de charmes
Perfide ce mespris vous coustera des larmes
Stamorat
Mais voulant lespouser vostre amour combatu
Pourra-til aysement...
Fatiman
moy l’espouser dis tu ?
Je voudrois de sa main sans que son cœur se donne ?
Ses grands biens me charmoient autant que sa personne
Mais puis qu’un feu secret sobstine a m’outrager
Tu vas voir de quel air je pretens m’en vanger
Quoy je me resoudrois a partager la honte...
Quelqu’un vient voy qui c’est et men vien rendre compte
Scenne troisiesme
Stamorat
seul
C’est marine et tomire et s’il vous plaist J’iray
Commancer... mais suivons le il est desja rentré
Scenne quatriesme
Tomire, Marine
Tomire
Eh marine
Marine
eh va ten ou tu dis qu’on t’envoye
Tomire
Teste a teste un moment souffre que je te voye
Il s’offre rarement tachons d’en profiter
Voy tu le cœur m’en dit et je ten veux conter
Marine
Toy : marche te dit on tu me la baille belle
M’en conter
Tomire
ouy comment est ce chose nouvelle
Avant que ta maistresse eust eu son sot espoux
Est ce que je manquois jamais au rendez vous
Et tandis que mon maistre entretenoit Julie
N’alois je pas les soirs dedans la galerie
Te faire bec a bec mille petitz rebus
Entrelassez de... la… Ø ne t’en souvient il plus
As tu mis en oubly que le pauvre tomire
Pour te plaire traitresse espuisoit son bien dire
Et qu’au hasard souvent destre mesme batu
Il t’en aloit conter a bouche que veux tu
Marine
Non je m’en souviens bien mais depuis six mois traitre
Que nous sommes icy que m’as tu fait paroistre
Pour me faire ta cour qu’as tu fait qu’as tu dit
Quelque mot en passant par maniere d’acquit
Encore de quel air je veux que quand on ayme
On aille un train egal qu’on soit toujours de mesme
Et je ne pretens pas finir ce discours
Qu’on commance a m’aymer que pour m’aymer toujours
Quand on ayme on le dit
Tomire
en estois je capable
Javois pour directeur un turc jmpitoyable
Qui depuis le matin jusqu’a minuit sonnant
Querelle a lettre veüe et rosse argent comptent
Il me roüoit de coups et pour ne te rien feindre
Je n’avois que le temps qu’il faloit pour me plaindre
Et je ne sçache rien marine tout de bon
Si contraire a l’amour que les coups de baston
Mais enfin à present q’un rayon d’esperance
Nous flate et qu’on me traitte avec plus d’jndulgence
Comme jamais pour toy mon amour na cessé
Je veux recompenser un peu le temps passé
Et folastrer un peu sur nouveaux frais je meure
Si mon cœur…
Marine
et demain peut estre ou dans une heure
Si les coups de baston surviennent la dessus
Tu ne me diras rien ou ne m’aymeras plus
Je pretens qu’un amant en pareille aventure
Conserve un cœur plus tendre en une peau plus dure
Et je me mocque moy de cet amour poltron
A qui la peur des coups fait faire le plongeon
Entens tu ?
Tomire
cependant a regret je m’en vante
Mon amour n’est point ladre et la peur l’espouvante
J’en conviens c’est pour moy si tu veux un malheur
Mais j’ay la peau fort tendre aussy bien que le cœur
Que veux tu mais quittons un discours qui t’ennuye
Parlons de noz amours sçais tu bien que julie
Ma tantost promis...
Marine
quoy ?
Tomire
que nous serions unis
Marine
Il vaudroit mieux pour toy que je Ø leusse promis
Tomire
Que veut dire cela voudrois tu t’en dedire ?
Ou pourrois tu dis moy mieux trouver que tomire
Qui t’ayme d’un amour... tu ne dis rien aux gens
Marine
Je dis que nous verrons quand il en sera temps
Tomire
Mais as tu du regret de l’espoir qu’on me donne
Marine
Je ne dis pas cela
Tomire
touche donc la friponne
Marine
Voicy Julie adieu va songe a detaler
Et cours ou Dom carlos t’a tantost dit d’aller
Scenne cinquiesme
Julie, Carlos, Marine
Carlos
Nous devons ce bonheur a l’amour de celime
Son cœur m’avoit fait voir une fort tendre estime
Je ne vous diray point pour vous vanter mon feu
De quel air n’y comment jen ay receu l’aveu
Je croy que vous sçavez combien vous m’estes chere
Mais dabort fatiman instruit de ce mistere
Et soubçonnant mes soins d’avoir seduit sa foy
Vouloit punir celime et s’en vanger sur moy
Pour esteindre ses feux sa vengence estoit preste
De faire a cette ingrate un present de ma teste
Cet amant en fureur alloit estre obey
Si mon cœur accusé de vous avoir trahy
N’eust craint plus que la mort de perdre pour celime
Ce qu’il s’estoit promis de part dans vostre estime
Ou d’estre soubçonné succombant a ces coups
D’avoir jamais vescu pour d’autres que pour vous
Voila sur quel espoir j’ay taché de l’instruire
De l’estat ou le sort venoit de nous reduire
De l’jnnocente ardeur dont je brusle pour vous
Des malheurs que nos feux ont attiré sur nous
Et c’est a cet aveu que mon cœur et le vostre
Doivent enfin l’espoir qui flate l’un et l’autre
Julie
Fatiman il est vray touché dedans ce jour
Et de tant de malheurs et d’un si tendre amour
Entre en noz interestz et se fait une joye
De faire reussir tous les soins quil employe
Je doute cependant pour ne vous point flater
Que le dessein qui fait se puisse executer
Par un pareil hymen ce quil veut entreprendre
Veut des precautions difficiles a prendre
Vous en jugez de mesme ou bien vous vous flatez
Et si nous n’y trouvons toutes nos seuretez
Du costé du peril et de la bien sceance
Il vaudra mieux encor malgré cette esperance
Vivre sans estre unis separez pour toujours
Que de mettre au hasard mon bonheur et vos jours
Carlos
Fatiman le promet sur l’espoir qu’il m’en donne
Je repons du succez que rien ne vous estonne
Dom brusquin se verra dans la necessité
De travailler luy mesme a cette seureté
Outre que mon amour enfin a toute espreuve
De vos bontez pour moy n’espere aucune preuve
Quelque soit le succez qui puisse en decider
Qu’autant que vous croirez m’en pouvoir accorder
Scenne sixieme
Julie, Carlos, Tomire en riant
Carlos
Qu’as tu donc
Tomire
je ne sçay mais j’ay sujet de croire
Que nous verrons icy quelque plaisante histoire
Carlos
Comment donc et surquoy...
Tomire
l’jllustre Dom brusquin
S’en aloit vers le port fort outré de chagrin
Donnant les turcs au diable et resolu sur l’heure
De se remettre en mer pour changer de demeure
Croyant estre du moins maistre de son destin
Lors que huit ou dix turcs luy coupant le chemin
Pour se mocquer de luy le traittant d’excellence
Ont fait en l’abordant chascun sa reverence
Puis aprez un d’entre eux faisant l’ambassadeur
La salué bien bas luy disant monseigneur
Sçachant que de julie un bonheur tres insigne
Vous a fait cy devant le mary tres indigne
Fatiman prepozé pour pourvoir aux abus
Que des gens mal sensez commettent la dessus
Pour vous demarier de bonne jntelligence
Et la remarier vous prie avec instance
De vouloir terminant la chose avec esclat
Assister a la nopce et signer le contract
Moy signer au contract traitres qu’il aille au diable
Ma-til dit suis-je icy pour luy servir de fable
Qu’on me laisse partir et que ce suborneur
Se contente d’avoir… mais en fin monseigneur
A dit d’un ton soumis l’autre vostre excellence
Sçait que Fatiman prie et qu’un reffus offence
Et si de ce plaisir vous alez le priver
Il aura du regret… puisse til en crever
Le scelerat qu’il est a dit l’autre en colere
Puis qu’il ne vous plaist pas monseigneur d’en rien faire
A dit ce turc cherchant desous son casaquin
Respectueusement trois quartiers de gourdin
Dont il s’estoit muny voicy d une racine
Qui met a la raison l’ame la plus mutine
Vous en ferez l’essay s’il vous plaist ; a ces motz
Le drosle de vingt coups a chamarré son doz
Ah cartier a til dit voulez vous que je meure
Je suis prest d’aller voir Fatiman tout a l’heure
Ne pouvant de vos coups me sauver qu’a ce prix
La dessus ilz ont pris le chemin du logis
Il demandoit venant le desespoir dans l’ame
Si lon n’est pas content de luy voler sa femme
D’ou vient que malgré luy lon le rameine icy
Et si ce Fatiman veut lespouser aussy
Le Voicy
Julie
je ne veux ny le voir ny l’entendre
Carlos
Fatiman l’attendoit et je luy vais apprendre
Comme il m’en a chargé qu’il vient d’estre amené
Scenne septiesme
D. Brusquin Stamorat Tomire
D : Brusquin
Et bien me trouvez vous suffisamment berné
A traistres a quoy bon avec vos excellences
En m’assommant de coups toutes ces reverences
Non jamais un mortel a parler franchement
Ne s’est veu mieux rossé ny plus civilement
Verrons nous fatiman
Stamorat
vous lallez voir paroistre
Il doit bien tost icy mais il vient
D : Brusquin
a le traistre
Rit entre cuir et chair de me voir...
Stamorat
parlez bas
Scenne huitiesme
Fatiman, Carlos, d : Brusquin, Stamorat, Tomire suite
Fatiman
Je Vous l’avois bien dit quil ne s’en jroit pas
Et je me suis toujours douté qua ma priere
Dom brusquin nous feroit la grace toute entiere
Je vous suis obligé d’avoir tant eu degart
Pour les gens qui vous ont harangué de ma part
D : Brusquin
Brisons la ce n’est pas l’effet de leur harangue
Et leurs coups de baston ont plus fait que leur langue
Ilz m’ont roüé de coups et n’auroient pas cessé
Fatiman
Ils ont tort mais enfin oublions le passé
Cela n’est rien il faut qu une amitié sincere...
D Brusquin
Quoy que mal aisement tout cecy se digere
Puis quon fait a mon dos une necessité
De Vous rendre aujourd’huy le maistre du traitté
Soyez le J’y consens les beaux yeux de ma femme
Ont fait je le voy bien du ravage en vostre ame
Vous voulez la garder, et bien soit gardez la
Faites en… faites en tout ce qui vous plaira
Vous ny manquerez pas mais que l’on me renvoye
Qu’on ne me rende point tesmoin de vostre joye
Je n’auray sans mes yeux que de trop bons tesmoins
Et pour ne le pas voir il n’en sera pas moins
Je sçay bien sans vouloir y resver davantage
Qy’emprunter une femme est assez de l’usage
Que cent maris pourroient m’en convaincre au besoin
Et qu’on en trouveroit sans mesme aller bien loing
Mais ils ont un plaisir du moins dans leur disgrace
On ne les force point a voir ce qui se passe
Et quand ilz vont en ville on leur laisse emporter
En les deshonnorant la douceur d’en douter
Souffrez donc qu’a vos piedz dom brusquin vous demande
Un semblable destin la faveur n’est pas grande
Et ne m’enviez pas dans des malheurs si grands
L’honneur de ressembler a tant d’honnestes gens
Fatiman
Et bien puis que ton cœur a tant de repugnance
A souffrir que l’hymen se fasse en ta presence
Je veux bien t’obliger et t’accorder ce point
Je te feray partir tu ne le verras point
Mais a condition
D : Brusquin
quel est ce nouveau pacte
Fatiman
Qu’avant que de partir on mettra dans un acte
Que te trouvant indigne et n’estant pas le fait
De Julie et voyant qu’un hymen sans effet
Te fit contre son gré lespoux de cette belle
Tu tes desmis du droit qu’on te donna sur elle
Que volontairement vous consentez tous deux
Que d’un pareil hymen quelqu’un brise les nœus
Que julie a cecy consentit la derniere
Que c’est pour t’obliger et mesme a ta priere
Qu’a cet effort pour toy sa bonté se resout
Que mesme a tes depens...
D Brusquin
le papier souffre tout
Que lon y mette tout ce qu’on y voudra mettre
Pourrois je l’empecher je veux bien men remettre
Sur les soins que je croy que vous mesme en prendrez
Fatiman
Il faudra le signer et puis vous partirez
D : Brusquin
Moy le signer
Fatiman
ouy vous la chose estant escrite
Il faudra bien signer
D : Brusquin
ah le chien d’hypocrite
Quoy vouloir qu’en signant un pareil concordat
Je passe pour un sot sur mon certificat
Et que pour ma moitié par escrit je convienne
Que je consens qu’un turc en face icy la sienne
Deusse je estre tesmoin de tout ce qu’on voudra
Je ne signeray rien de ce qu’on y mettra
Ouy je vous metz au pis vous aurez beau me dire
Pour signer contre moy je ne sçay point escrire
Fatiman
C’est t’emporter en vain tu ny veux pas signer
Et bien soit je consens a ne te point gesner
Mais comme tout est prest pour la ceremonie
On ne laissera pas de marier Julie
Tu verras pour cela ce qui s’est apresté
Et comme je luy veux donner la liberté
Il faudra te resoudre en souffrant quil se face
A demeurer esclave en echange en sa place
Jusqu’a ce que la mort finissant tes regrets
Ayt pris l’un de vous deux et laissé lautre en paix
Quiconque restera
D : Brusquin
moy captif et le vostre
Fatiman
Ira porter chez luy des nouvelles de l’autre
Tu feras cependant quelque voyage en mer
Par divertissement pour t’aprendre a ramer
D : Brusquin
Qui moy ramer ?
Fatiman
toy mesme
D Brusquin
ah ciel quel coup de foudre ?
Fatiman
Souviens toy que tu n’as qu’une heure a te resoudre
S’il est passé ce temps, constant dans ses refus
Quon le mette a la chaisne et qu’on n’en parle plus
C’est a dire...
D : Brusquin
ah !
Stamorat
j’entens forçat sur les galeres
Qui des costes d’Alger partiront les premieres
Fatiman
Ouy vous m’informerez tantost du resultat
Scenne derniere
D : Brusquin, Stamorat, Suite
D. Brusquin
Ah canaille maudite ah traitre, moy forçat
Quoy donc il faut finir mes jours en barbarie
Ou la rame a la main ou noté d’jnfamie
Aux depens de mes bras m’espargner un affront
Ou bien les soulager aux depens de mon front
Ah bourreaux qui sur moy faites ces violences
Stamorat
Il faut aler plus loin faire vos doleances
D : Brusquin
Croyez Vous que mon cœur sans douleur soufrira
Stamorat le chassant
Songez vous resoudre et lon vous repondra.
Acte cinquiesme
Scenne premiere
Marine Tomire
Marine
Me dis tu vray tomire et sur ton asseurance
puis je sans me flater prendre quelque esperance ?
Le frere de carlos vient d’arriver icy ?
Et l’oncle qu’ils avoient est mort ?
Tomire
ouy dieu mercy
Le bonhomme est deffunt et pour longues années
Et nous verrons bien tost changer noz destinées
Que diable pour mourir est ce qu’il attendoit
Que la peste le creve en quelque endroit qu’il soit
Le vieux penart quil est
Marine
ton depit me fait rire
Pourquoy le maudis tu ?
Tomire
je dois bien le maudire
Si quelques mois plus tost ce singe eust trespassé
Mon gros diable de turc ne m’eust point tant rossé
Il avoit force argent et le frere en apporté
Dequoy payer trois fois la rançon la plus forte
Carlos la de ses feux tres amplement instruit
Et puis chez Fatiman il la dabord conduit
Ou je ne doute point que cette conjoncture
Ne rende leur marché fort facile a conclure
Ainsy comme tu vois il ne faut plus songer
Qu’a nous bien rejouir et bien tost deloger
Marine
Mais que vont devenir D : Brusquin et julie !
A quoy doit aboutir dy cette momerie !
Qu’est ce que Fatiman pretend faire de luy ?
Tomire
Je ne sçay mais il faut qu’il s’avise aujourd’huy
Car mon maistre pretend des demain sans reprise
Partir ; puis fatiman respond de l’entreprise
Ce que je sçay le mieux c’est marine en deux mots
Que j’ay parmy ces turcs seureté pour mon dos
Que nous pourrons bien tost par un promt mariage
Aprendre de quel bois on se chauffe en mesnage
Trop heureux si mon front qu’aucun bois n’a gasté
Peut trouver avec toy la mesme seureté
Marine
Traistre que me dis tu quoy tu pouras infame
Craindre pour ton honneur si je deviens ta femme
Tomire
Chut : alors comme alors marine doucement
Car je ne sçay point trop a parler franchement
S’il ne vaudroit point mieux qu’une femme en menage
Fut un peu moins diablesse, et fut un peu moins sage
J’en pouray quelque jour estre mieux esclaircy
Quand...
Marine
jentens D : brusquin que lon ameine icy
R’entrons et s’il se peut tandis que lon le presse
Scachons que deviendront ton maistre et ma maistresse
Scenne seconde
D : Brusquin, Stamorat, Abdala
D : Brusquin
Messieurs que faites vous je suis prest a signer
L’heure n’est pas sonnée
Stamorat
elle vient de sonner
Et c’est ta faute au lieu d’aller au necessaire
Tu veux moraliser ou tu ne fais que braire
Tu crois quon soit payé pour tentendre crier
On te la dit vingt fois alons point de cartier
D. Brusquin
Et de grace messieurs en pareille matiere
Un moment plus ou moins ne fait rien a l’affaire
Au nom de belzebut vostre digne patron
Voyez Fatiman vous ou vostre compagnon
Dites luy que soumis a la loy qu’il m’impose
Je luy donne ma femme a bail emphiteose
Et que s’il veut du sang je signeray du mien
Que de cent ans et plus je n’y demande rien
Stamorat
Il n’est plus temps te disje et l heure est expirée
Nostre ordre est positif et la peine asseurée
Il ne revient jamais quand il a decedé
D : Brusquin
Ah chien d’honneur pourquoy mas tu tant obsedé
N’importe par pitié des peines qué j’endure
Parlez a Fatiman alez je vous conjure
Dites luy que d’abord j avois pris mon party
Stamorat
Ne verra til pas bien que nous aurons menty
D Brusquin
De grace donnez moy cette derniere joye
Stamorat
Il me va renvoyer
D : Brusquin
et bien s il vous renvoye
Vous ferez lors de moy tout ce qui vous plaira
Voyons de quel secours mon argent me sera
Tenez prenez cecy pour vous donner courage
Stamorat
Attendez je vay voir mais s’il vient soyez sage
Scenne troisiesme
D : Brusquin Abdala
D : Brusquin
Helas ! a mes depens je connoy mais trop tart
Qu’un homme est un grand sot quand un coup du hazart
La deffait d’une femme un peu cocquette et belle
D’aller passer les mers pour courir aprez elle
Ah que je voy de gens par tout mal satisfaits
Qui rendroient grace au ciel d’en estre ainsy deffaits
Quelqu’un vient je crains fort et je ne Ø puis m’en taire
Que mon retardement ne m’ayt fait quelque affaire
Scenne quatriesme
Fatiman, D : brusquin, Stamorat, Abadala suite
Fatiman
Est il prest a signer tout ce qu’on luy dira
D : Brusquin
Me voila je feray tout ce que lon voudra
Je signeray plutost que vous mettre en colere
Pour moy pour mon ayeul et pour deffunt mon pere
Que nous avons esté de sots de pere en filz
Et mesme si lon veut pour tous mes bons amis
Je laisse le champ libre a qui voudra m’en croire
Fatiman
C’est quelque chose ; mais si j’ay bonne memoire
Je ne t’avois donné pour regler ton depart
qu’Une heure, et ce choix vient ce me semble bien tart
D : Brusquin
C’est que j’ay quelque temps parlant de vostre flame
Entretenu vos gens du bonheur de ma femme
Du plaisir que j’avois de vous trouver d’humeur
De Vouloir consentir a me faire l’honneur
D’en recevoir tantost sans qu’elle y soit forcée
Ce quelle… ils m’escoutoient et l’heure s’est passée
Fatiman
Ainsy tu signeras ce qui t’est ordonné
D : Brusquin
Qu’on me fasse partir je donne un blanc signé
Fatiman
Outre ce blanc signé ton amitié s’engage
A payer sans chagrin les frais du mariage
D : Brusquin
Si j’en ay je sçauray ne le point faire voir
Fatiman
Que tu seras present a leurs nopces ce soir
Et qu’a table auprez deux tes discours ordinaires...
D : Brusquin
Pour cela decontez
Fatiman
decontez aux galeres
D : Brusquin
Cartier messieurs sil faut cela pour m’en sauver
J’y boiray leurs santez quand j’en devrois crever
Je vous en laisseray possesseur fort tranquille
Fatiman
Comme pour ton repos cet hymen est utile
Et que l’espoux enfin que je luy veux donner
Peut avoir quelque peine a se determiner
A moins que ton aveu ne seconde sa flame
Il faudra le prier d’avoir soin de ta femme
Et de la recevoir de ta main autrement…
D : Brusquin
Ah faites moy credit d’un si sot compliment
De quel air voulez vous que pour vous satisfaire
Fatiman
Quoy cela te fait peine
D Brusquin
ouy sans doute
Fatiman
en galere
Alez c’est trop vouloir marchander avec moy
D Brusquin
Je suis soumis a tout je vous donne ma foy
De faire exactement sur chaque circonstance
Ce qu’on exigera de mon obeissance
Je demande a vos piedz seulement un seul point
Par grace ou par pitié ne me refusez point
Que je parte au plutost disposez de julie
Je ny pretens plus rien mais que lon m’expedie
Et decidez en fin si bien de mon destin
Que je puisse partir demain de bon matin
C’est la seule faveur que Dom brusquin espere
Et le plus grand plesir que vous luy puissiez faire
Fatiman
J’y consens, on l’attend dans cet apartement
Vous partirez demain, menez l’y promtement
Et sur tout dites bien que lon luy face faire
Tout ce que dom carlos jugera necessaire
Vous scavez l’interest qu’il a dans tout cecy
Escoutez cela fait quon le rameine icy
J’ay quelque chose encor a luy dire
D Brusquin
courage
Fatiman
Vous n’avez qu’a le suivre
D : Brusquin
ah le maudit voyage
Scenne cinquiesme
Fatiman, Stamorat
Fatiman
Nous verrons de quel air celime recevra
Ce coup dont je pretens punir... mais la voila
Voyons jusques ou va cet orgueil qui me brave
Scenne sixiesme
Celime, Zaïre, Fatiman, Stamorat
Celime
Avez vous decidé du sort de Vostre esclave
La faites Vous partir quitte telle ces lieux
Ou bien si trop sensible a l’esclat de ses yeux
Vostre cœur ne pouvant supporter cette absence
Ne sçauroit se resoudre a cette Violence
Fatiman
Non vous m’avez apris que vous le souhaitez
Je ne me fais des loix que de vos volontez
Madame et puisqu’en fin c’est pour vous une joye
Je le feray partir, demain je la renvoye
Heureux si son depart et ma fidelité
Me rendent tout l’espoir que vous m’avez osté
Celime
Elle part, pour jamais dom carlos perd julie
Zaïre en ma faveur s’il se peut qu’il l’oublie,
Quoy demain dites vous elle part de ces lieux
Fatiman
Ouy madame et de plus pour vous convaincre mieux
Affin que contre moy vostre cœur trop credule
Sur vos soubçons jaloux ne garde aucun scrupule
Et se rende a des feux trop mal recompensez
Je luy donne un espoux en partant
Celime
je le sçays
Ouy l’on m’a fait scavoir que l’espoux de julie
Est pour la racheter des hier en barbarie
Et pour mes yeux enfin le plaisir le plus doux
C’est de la voir partir avecque cet espoux
Zaïre malgré moy desus cette asseurance
Mon amour alarmé reprend quelque esperance
Fatiman
Je la feray partir comme vous le voulez
Mais ce n’est point avec lespoux dont vous parlez
Son choix n’a consulté ny le mien ny le vostre
Et son amour la met entre les bras d’un autre
Celime
D’un autre ? eh quel est donc...
Fatiman
c’est carlos ses appas
Celime
Ah ! Carlos ? a ce coup je ne m’attendois pas
Ayant un autre espous vouloir qu’on les unisse
Quoy vous authorisez une telle jnjustice
De quel droit separer ce que l’hymen a joint
Fatiman
Ilz ont mille raisons que je ne vous dy point
Mais sans examiner si j’ay deu le permettre
Ne songeons qu’au succez que j’ay deu m’en promettre
Et sans plus differer voyez si vostre cœur
Se peut determiner madame en ma faveur
Celime
Je pourois consentir aprez cette jnjustice
En vous donnant la main a m’en rendre complice
Qui moy je recevrois lespous que vous m’offrez
Qui brise sans respect les noeus les plus sacrez
Allez aprez avoir rompu l’hymen d’un autre
Vous trouveriez moyen de rompre aussy le vostre
Et je regarde enfin comme indigne de moy
Qui peut porter un cœur a manquer a sa foy
Scenne septiesme
Fatiman, Stamorat
Fatiman
Elle meurt de depit et j’en voy bien la cause
Mais perdre une infidelle est perdre peu de chose
Et puisque cet hymen luy cause un tel transport
Tachons en l’achevant de le rendre plus fort
Scenne huitiesme
D : Brusquin, Fatiman suite
D : Brusquin
Je reviens et tout est a vos ordres conforme
Jamais homme ne fut sot en meilleure forme
Et quand il vous plaira tandis qu’on est en train
Le reste se fera sans attendre a demain
Voyons puis qu’il le faut a tout je m’abandonne
Fatiman
Maintenant que soumis a tout ce qu’on t’ordonne
A voir ce qui suivra tu veux bien consentir
Je vay pour t’obliger, et te faire partir
Te faire voir l’espous que je donne a ta femme
D : Brusquin
Comment ce n’est pas vous
Fatiman
non sans doute et sa flame
N’ayant peu se cacher, son cœur s’est declaré
En faveur de celuy qu’elle ta preferé
Tu le verras bien tost jl en vaut bien la peine
Faites venir julie et que carlos l’ameine
D Brusquin
Que veut dire cecy, ma foy je n’y comprens...
Fatiman
Ils s’aymoient cherement tous deux depuis un temps
Et touché d’une ardeur si tendre et si fidelle
J’ay voulu les unir par amitié pour elle
D : Brusquin
J’entens bien et pour prix d’une telle faveur
Vous ne vous reservez que le droit su seigneur
Mon front est a l’enchere et m’a femme au pillage
Les voicy
Senne derniere
Fatiman D : Brusquin, D. Carlos, Julie, Marine Tomire, suite
D : Carlos
quel respect ou plutost quel homage
Puis je pour les bontez que vous avez pour nous
Fatiman
Laissons ces vains discours
D : Brusquin
Ø c’est donc la cet espous
Fatiman
Ouy c’est luy qui charmé des beautez de julie
l’enleva dans tes bras, c’est luy qu’en barbarie
L’amour pour te l’oster fit esclave, et c’est luy
Qu’on va faire a tes yeux son espoux aujourd’huy
D : Brusquin
Quoy c’est la le Paris de cette belle helenne
Julie
On me livra par force a l’objet de ma haine
Il vous plut de souffrir qu’on en usat ainsy
On vous force a me rendre et je le souffre aussy
D : Brusquin
Ah traitresse
Fatiman
finis cette sotte harangue
Ton dos pourroit aprendre a parler a ta langue
Sois sage jusqu’au bout ou crains...
D : Brusquin
Soit je me tais
Fatiman
J’avois pour mon hymen fait faire des aprests
Mais comme j’y renonce et que j’en fais un autre
Tous ces preparatifs serviront pour le vostre
Qu’on commence a l’instant avertissez mes gens
Alez
Tomire
Si vous vouliez messieurs en mesme temps
Pour espargner les frais et nous faire bien rire
On pouroit marier marine avec tomire
Et lon feroit enfin d’une pierre deux coups
Julie
Tomire J’y consens et te fais son espoux
D : Brusquin
Helas tous mes amis se mocquant de ma flame
Ne m’appelleront plus que le mary sans femme
Mais qui ferois je enfin il faut m’en consoler
Bien de gens que je voy voudroient me ressembler
Fatiman
Les voicy que lon songe a rejouir nos hostes
Et demain partira qui voudra de noz costes
Six esclaves turcs, six lutteurs mores et six gladiateurs feront leurs entrées, puis chantera Julie
Sans amour que pouvons nous faire
Rendons nous aux soins des amants
Profitons de nostre printemps
Un cœur perd le temps qu’il differe
Pour charmer nos attraits n’ont qu’un temps
On n’a pas toujours dequoy plaire
Il en faut menager les moments
Il se fera une entrée differente puis Julie et Carlos chanteront ensemble
Soyons toujours constans
Si lamour a des chaisnes
Pour les vrays amants
Il a des doux moments
Ses tourmens et ses gesnes
Causent des langueurs
Mais il n’a point de peines
Qu’il n’ayt ses douceurs
Carlos seul
La plus fiere maistresse
Ne l’est pas toujours
Julie
seule
Chacun doit sa jeunesse
Aux tendres amours
Ensemble
Et les cœurs sans tendresse
Nont point de beaux jours
Soyons toujours constants
Si l’amour a des chaisnes
Pour les vrays amantz
Il a des doux moments
&