LA FÊTE DE LA SEINE
Divertissement en Musique
pour une fête donnée à Asnières, à Madame Brunswick.

M. DC. LXXXX.

Livret de Edme Boursault

<imprimeur id="GUIGNARD">À Paris, chez Jean GUIGNARD à l’entrée de la Grande Salle, à l’Image S. Jean.</imprimeur>

LES PERSONNAGES DU BALLET §

  • L’OCÉAN.
  • THÉTIS.
  • LA SEINE.
  • LE GANGE.
  • LE NIL.
  • LE DANUBE.
  • LE PACTOLE.
  • NÉRÉIDES et TRITONS de la Suite de l’Océan et de Thétis.
  • AMOURS, JEUX et PLAISIRS de la Suite de la Seine.
  • CHOEUR des RIVIÈRES, des FONTAINES, et des RUISSEAUX.
La Scene est au Palais de l’Ocean, et de Thetis.

SCÈNE PREMIÈRE. L’Océan, Thétis, le Danube, le Pactole, le Nil, le Gange, etc. §

Le théâtre représente le Palais de l’Ocean, et de Thétis, qui y sont accompagnez des Fleuves, des Rivières, des Fontaines, des Ruisseaux, etc.

L’OCÉAN.

Fleuves, Rivières, Fontaines,
Agréables Ruisseaux,
Dont les fertiles eaux
Arrosent tant de Plaines;
5 Nymphes, et demi-Dieux, soumis à mon pouvoir,
De la Seine aujourd’hui nous célébrons la fête :
Chantez les plus beaux Airs que vous puissiez savoir,
Des joncs, et des roseaux couronnez votre tête;
Et qu’à l’envi chacun s’apprête
10 À la bien recevoir.

THÉTIS.

Quelle rivière au monde
Goûte au plus grand bonheur ?
Sur ses fertiles bords on voit le Laboureur
Cultiver les guérets dans une paix profonde.
15 Elle ne connaît de Guerriers
Que ceux dont la valeur conserve ses rivages:
Ses Palmes, et ses Lauriers
La défendent des Orages.
Sitôt qu’elle paraîtra
20 Que l’on chante, que l’on danse;
Et lors qu’un plaisir finira
Qu’un autre recommence.
Néréides, Tritons, je la vois qui s’avance,
Disputez entre vous à qui la charmera.
Les Néréides, les Tritons, les Fleuves, etc. vont au devant de la Seine qui arrive avec les Jeux, les Plaisirs, et les Amours, qui se mêlent tous ensemble, et font les Entrées pour commencer sa fête.

SCÈNE II. La Seine, l’Océan, Thétis, le Danube, le Pactole, le Nil, le Gange, les Jeux, les Plaisirs, les Amours, les Chœurs des Fleuves et des Rivières,Les Chœurs des Jeux, d’Amours et des Plaisirs. §

THÉTIS.

25 Venez, Nymphe charmante,
Dans ces aimables lieux:
Venez remplir l’attente
De tous ces Demi-Dieux.
Venez oüir chanter les exploits glorieux
30 Qui de toutes les Eaux vous rendent triomphante.
Venez, Nymphe charmante,
Dans ces aimables lieux:
Venez remplir l’attente
De tous ces Demi-Dieux.

L’OCÉAN.

35 Le Danube, le Nil, le Pactole, et le Gange,
Viennent, des bouts de l’Univers,
Joindre leur voix aux surprenants concerts
Préparez à votre louange.
Rivières, Fontaines, Ruisseaux,
40 À l’excès de leur zélé accommodez le vôtre ;
Et que mille plaisirs nouveaux
Succèdent l’un à l’autre.

LA SEINE.

Que mon sort est heureux !
Je vois en sortant de ma Source
45 Folâtrer sur mes bords les Amours, et les Jeux:
Et je trouve au bout de ma course
D’autres Plaisirs qui préviennent mes vœux.
Que mon sort est heureux !
Tant que dure le jour
50 Le rossignol sur mon rivage
Attire à ses accents les Bergers d’alentour:
Et touchez de son doux ramage
À son exemple ils chantent leur amour
Tant que dure le jour.

DEUX TRITONS.

55 Aimer et chanter sans cesse
C’est une grande sagesse:
D’une vie agréable on prolonge le cours.
S’abandonner à la mélancolie
Qui fait passer de si malheureux jours,
60 C’est une grand folie.

DEUX NEREIDES.

Jeunes cœurs, sur qui les attraits
Ont un pouvoir extrême ;
Soyez constants, et discrets :
Pour plaire à ce que l’on aime
65 Ce sont les meilleurs secrets.
Les Ruisseaux qui font mille tours
Pour se joindre aux Fontaines,
Fidèles dans leurs amours
Trouvent la fin de leurs peines,
70 Sans jamais changer leurs cours.

UNE JEUNE FONTAINE ET UN RUISSEAU.

Le temps d’aimer est un temps admirable ;
Mais il ne dure pas assez :
Les attraits les plus doux sont bientôt effacez ;
Et l’on n’est plus aimé quand on n’est plus aimable,
75 Puisque ce temps s’évanouit
Lorsque la jeunesse nous quitte,
Pendant que l’on en jouit
Il est bon qu’on en profite.

DEUX JEUNES RUISSEAUX.

Ne perdons pas un instant
80 Des plaisirs qu’offre la vie ;
Sans amour on ne vit point content,
Il faut aimer lorsque l’âge y convie :
Rien sous le Ciel n’est plus digne d’envie
Qu’un tendre amour dans un cœur bien constant.
85 Ne perdons pas un instant
Des plaisirs qu’offre la vie.
Tout languirait sans l’Amour
C’est l’âme de toute chose ;
Tôt ou tard chacun aime à son tour,
90 C’est une loi que le destin impose :
Dans nos Jardins le Jasmin, et la Rose,
N’aiment-ils pas les charmes d’un beau jour ?
Tout languirait sans l’Amour
C’est l’âme de toute chose.

LE GANGE, à la Seine.

95 On ne voit sur nos bords que carnage, et qu’horreur :
On ne voit que plaisirs régner sur vos rivages :
Vous goûtez de la Paix la tranquille douceur ;
Et le Ciel nous expose à mille affreux ravages.
Aimable Nymphe, apprenez-nous
100 Par quel bonheur, ou par quels charmes,
Vous jouissez d’un sort si doux
Pendant que l’Univers éprouve tant d’alarmes.

LE NIL.

Le Soleil brûle nos champs :
Nos eaux sont presque taries:
105 Les Oiseaux nous refusent leurs chants ;
Et vos Prairies
Sont si fleuries
Qu’ils réservent pour vous les airs les plus touchants.

LE PACTOLE.

Nous ne sentons plus l’haleine
110 Des doux, et des charmants Zéphyrs :
Ce n’est qu’auprès de la Seine
Où règnent tous les Plaisirs.

LE DANUBE.

Le sang humain dont on voit des rivières ;
Nos prés jonchés de mourants, et de morts ;
115 N’attirent plus sur nos bords
Que des Bêtes carnassières :
Et prés de vous les paisibles agneaux
Bondissent autour de leurs mères,
Pendant que les Bergers au murmure des eaux,
120 Chantent sur leurs Chalumeaux
Les beautés de leurs bergères.

Le Gange, Le Nil, Le Pactole, Le Danube, ensemble.

Aimable Nymphe, apprenez-nous
Par quel bonheur, ou par quels charmes
Vous jouissez d’un sort si doux
125 Pendant que l’Univers éprouve tant d’alarmes.

LA SEINE.

Un Roi, mais le plus grand dont le Ciel a fait choix
Pour la Paix, et pour la Guerre ;
Qui n’a point d’égal sur la Terre
Quoi que la Terre ait tant de Rois :
130 Un Roi qu’en tant de lieux a suivi la Victoire,
Que par toute l’Europe on arbore ses lys,
Rend mes tranquilles Eaux éclatantes de Gloire
À l’ombre des Lauriers que son Bras a cueillis.

L’OCÉAN.

Au bonheur des Humains toujours l’âme occupée,
135 On dirait que du Monde il gouverne le sort:
Ce qu’en vingt ans ne put faire Pompée
Ne lui coûte qu’un faible effort.
Il a purgé la mer de ces monstres avides
Qui signalaient leur nom par tant de cruautés ;
140 Et ces Tyrans des Campagnes humides
Sont venus à genoux implorez ses bontés.

THÉTIS.

Sa valeur, son pouvoir, sa sagesse profondeLe font par tout révère ;
Des quatre coins du Monde
On le vient admirer :
145 Ses actions sont parvenues
Jusqu’aux plus étranges climats ;
Et chez des Nations qui ne sont pas connues
Il n’est pas moins connu qu’en ses propres États.

LA SEINE.

Depuis que dans le Monde on voit régner la Guerre
150 On n’a point encor vu de pareil conquérant ;
Quelque grandeur qu’ait la Terre
Son cœur est encor plus grand.
L’Europe est charmée,
L’Asie alarmée
155 De ses exploits éclatants.
Fleuves qui gémissez sous d’injustes Puissances,
Consolez-vous, vos souffrances
Ne dureront pas longtemps.

L’OCÉAN, THÉTIS, LA SEINE, LES TRITONS, LES CHOEURS DES FLEUVES, etc répètent tous ensemble.

Fleuves qui gémissez sous d’injustes Puissances,
160 Consolez-vous, vos souffrances
Ne dureront pas longtemps.

LE GANGE et LE NIL.

Puisse le Ciel qui l’a fait naître
Pour affranchir du joug tant de peuples divers,
Le rende de l’Univers
165 Le seul et paisible maître
Que nous serions heureux de couler sous les lois
Du plus juste des Rois !

LE DANUBE et LE PACTOLE.

Sous son empire
On peut chanter et rire;
170 Ce ne sont que plaisirs, que transports, qu’enjouements.

L’OCÉAN et THÉTIS.

Sous son empire
Nul ne soupire
Que pour des objets charmants.
175 Ah ! Qu’il est doux de reconnaître
Un si grand Monarque pour Maître !
Ah ! Qu’il est doux de couler sous ses lois
Du plus juste des Rois.

TOUS ENSEMBLE.

Ah ! qu’il est doux de reconnaître
180 Un si grand Monarque pour Maître !
Ah ! qu’il est doux de couler sous ses lois
Du plus juste des Rois.