**** *creator_boissy *book_boissy_apologiedusiecle *style_verse *genre_comedy *dist1_boissy_verse_comedy_apologiedusiecle *dist2_boissy_verse_comedy *id_MOMUS *date_1734 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_momus Ce changement vous notifie, Qu'à fronder désormais je ne suis plus enclin. De faire ici l'Apologie.... De tout le genre humain. Non, j'abjure la raillerie , Et je prétends louer de bonne foi. Depuis, qu'en bien, tout le Monde est changé, Sachez que je suis corrigé. De la douceur que je respire, Ces fleurs sont un garant qu'on ne peut contredire, La Critique n'est plus de saison ; Et le siècle vit de façon, Qu'il ne convient plus d'en médire. II fait voir tant d'esprit, de candeur, de raison, Qu'en dépit qu'on en ait, il faut bien qu'on l'admire. Plein de sagesse, exempt d'abus, Des ridicules, d'injustices, Il m'oblige à changer d'humeur et d'attributs. À l'avenir je ne dois plus Faire la satire des Vices, Que par l'éloge des Vertus. Les bonnes moeurs du temps m'ont rendus pacifique. Je vois tout par le beau côté ; Et, de tous les auteurs, je veux être imité. Elle ne fait que l'avilir, Et ce n'est qu'en jouant qu'on le peut anoblir. Madame, c'était bon jadis Que le Public riait sans entendre finesse ; Mais aujourd'hui qu'il est des plus polis, Et que le moindre trait alarme ses esprits, Et choque sa délicatesse ; Que les portraits pair lui ne font saisis, Que pour les commenter contre l'auteur sans cesse ; Et qu'il les blâme, après les avoir applaudis, La Critique est funeste, et je vous l'interdis. Les applications sont toujours dangereuses, Et font naître souvent des disputes fâcheuses ; Écrivons pour la paix, non contre le repos. Pour plaire sagement, et sans qu'on nous redoute, Je veux,dans ce jour, essayer De tracer au Théâtre une nouvelle route, Et d'y louer sans ennuyer. J'espère la remplir. Allez, j'aurai toujours l'honneur de la frayer. De qui? Que vous a fait le siècle ? Et par quelles raisons Excite-t-il chez vous une pareille rage ? Parlez plus poliment du siècle où nous vivons. Corrigez ce langage, Le terme de fripon n'est plus du bel usage. II révolte l'oreille en ce temps épuré Où chaque mot qu'on dit doit être mesuré. La politesse veut... Grossièrement pourquoi le dire, Quand, par dès correctifs, vous pouvez l'adoucir. C'est l'art, à le bien définir, De faire tout passer par le tour qu'on lui prête, Et de choisir toujours le nom le plus-honnête. Mais on la nomme une femme ordinaire, Qui fuit le train du monde, et qui, faite pour plaire, A l'esprit de jouir des droits de sa beauté. Un ami faible, et que l'amour emporte : On doit avoir pitié d'un homme de la sorte. Mais-je l'appelle un Procureur. Un habile joueur qui fixé le hasard. Un pauvre diable qui s'oublie, Entraîné par l'occasion. Le modèle parfait dz la bonne conduite, Qui, devenu son propre créateur, Du fond de son néant a tiré sa grandeur. Un politique adroit, qui croit tout légitime Pour arriver au but où tendent ses désirs. L'Homme Le plus puissant de tous, et des autres le Roi, Formé pour imposer, non pour subir la loi, Arrêtez-vous. Je ne souffrirai pas Que vous partiez avec l'idée injurieuse Qu'a du siècle et de moi votre âme furieuse. Entre notre age et vous je veux me rendre arbitre, Et devenir, en vertu de ce titre, De tous vos différends le pacificateur. J'ai des moyens si bons à vous déduire, Que vous allez me croire, et dompter ce transport. Oui, vous avez raison ; mais nous n'avons pas tort. Vous allez en tomber d'accord. Prêtez-moi seulement une oreille docile. Votre plainte, Monsieur, est d'abord légitime: Des mauvais procédés dont on est la victime, Les exemples font familiers; Mais du siècle, après tout, ils ne sont pas le crime, C'est celui des particuliers. De quelques faux amis qu'on se trouve la dupe, De la fureur qui nous occupe, Tout l'Univers devient l'objet ; Nous nous prenons à lui du bien que l'on nous ôte, Et nous ne songeons pas que c'est souvent la faute Du mauvais choix que notre coeur a fait. Par ce discours qui vous échappe ; De votre erreur vous convenez tout bas ; Le siècle, à cet égard, n'est donc plus si blâmable ? Dans l'aveugle transport qui vous l'a peint coupable, Vous le voyiez en laid, et dans son vilain jour : Par un esprit plus doux, et d'un oeil équitable, Voyez-le en beau, Monsieur, à votre tour. La Justice jamais fut elle mieux rendue, Et l'Univers mieux policé ? La vérité fut-elle mieux connue ? Plus loin, dans la Nature, a-t-on jamais percé ? Jamais la Nation fut-elle plus polie ? Le Commerce plus sûr, et la Société Plus charmante et plus accomplie ? La Grâce au savoir s'y marie, L'agrément à l'utilité, La bienséance à la commodité. À l'enjouement la noblesse est unie, Et l'élégance à la solidité. C'est le siècle du goût, titre bien mérité ! Et, s'il a ses défauts comme les autres Ages, Convenez, avec moi, qu'ils sont bien compensés ; Et. que, par tous ses avantages, II enchérit en bien sur les siècles passés. D'un si sage séjour que je suis enchanté ! Notre age n'a pas tort, j'ai su vous en convaincre ; Consentez donc que Momus aujourd'hui, Vous réconcilie avec lui ! Vous avez l'esprit droit, vous avez le coeur bon. Allez, joignez, plein d'une ardeur nouvelle, Au fonds de probité qui vous est naturelle, Trois couches de vernis de ce siècle poli, Et vous serez, Monsieur, un mortel accompli. Comment donc ? Que voulez-vous dire ? De quel abus le taxez-vous ? Il reconnaît son injustice. Il en est revenu. Comment ? Quoi ! Vous riez d'un galant homme Qui connaît ses défauts, et veut s'en corriger ? Et quelle idée est donc la vôtre ! Il blâmait tout le monde, et j'ai su lui prouver Qu'il est beaucoup de gens que l'on doit approuver. Vers lequel penchez-vous ? Oh, oh ! Mais je soutiens que son secours, Qu'à tort vous peignez inutile, Fait des merveilles tous les jours. Convenez donc qu'aussi les louanges font dûes À ceux qui, l'ont reçu du Ciel. Souffrez que je vous dise ici... C'est m'obliger très fort ; mais daignez, je vous prie, M'apprendre votre nom avec vos qualités ? Cette reforme est des plus belles ; On fait tout ce qu'on veut quand on a de l'esprit. Mais les vieilles vertus n'ont donc plus de crédit ? De m'avertir vous faites bien ; Car j'aurais, dans mon ignorance, Loué bêtement la Constance, La Candeur, la Fidélité, La Modestie et la Franchise, . La Bonne-Foi, l'Integrité. J'ouvre les yeux et suis de votre avis Ces vertus-là ne sont pas de commerce. Oh, voilà pour le coup les vertus à la mode. La morale en est douce, et l'usage commode. Elles auront nombre de partisans, À ces derniers que je préfère, Je donne, en ces instants, le prix sans balancer : Ils sont riches, brillants, le sort leur est prospère. Ce sont-là les Héros que je dois encenser ; Et c'est à vous que je veux plaire. Sur la vertu, quoique je la révère, Je me tairai, de peur de m'oublier. Mais mon métier est d'approuver. J'offense tout le monde, et je vais le prouver. Moi ! Je ne raille points quoique vous puissiez dire ; Penser ainsi de moi, c'est vouloir me détruire, Car qu'est-ce qu'un railleur ? Un esprit sans égard, Qui ne respecte rien, qu'on fuit de toute part ; Haï de la moitié du monde qu'il déchire, Et craint ou méprise de l'autre qu'il fait rire. La mienne est mal adroite, et pourroit les meurtrir. Pour louer, volontiers, je suis prêt d'obéir, Car j'en ai fait un serment authentique Pour mon repos et pour mon bien ; Et dussai-je échouer dans le Panégyrique, J'aime mieux louer mal, que de médire bien. Allez, vous me forcez de quitter l'ironie ; À mes yeux ne vous offrez plus. Si de ce siècle heureux vous étiez le génie, Vous seriez plus de cas des solides vertus. À louer vos brillants appas, Déesse, désormais ma bouche est destinée. La noblesse de vos pas, La mollesse de vos bras, La langueur de vos yeux, tant leur puissance est grande, Enchantent tout Paris dans une sarabande ; De vous revoir il ne se lasse pas. J'ai crû que sur toute autre, excusez mon erreur, La danse grave avait la préférence. On dansait autrefois, Madame... Oui, D'une manière très auguste. J'ai pourtant vu de grands sujets. J'ai vu... Par son visage heureux, et par ses airs charmants, Elle jouait ses danses. De votre pied léger l'audace est étonnante ! Déesse, qui vous voit ne peut la critiquer. Vous venez de m'assujettir, : Et, votre Danse que j'adore, Fait la gloire du siècle, aimable Terpsicore. Soutenant jusqu'au bout mon heureux changement, J'applaudis, sans le voir, le Divertissement. **** *creator_boissy *book_boissy_apologiedusiecle *style_verse *genre_comedy *dist1_boissy_verse_comedy_apologiedusiecle *dist2_boissy_verse_comedy *id_PHILINTE *date_1734 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_philinte Seigneur, je viens pour vous prier De me venger. De l'Univers entier. Contre lui, répandez un torrent d'épigrammes : Tirez à bout portant. Morbleu, point de quartier ; Déchirez, à l'envi, les hommes et les femmes. Parce qu'il est méchant de toutes les façons. Quoi ! Vous voulez que je ménage Un siècle si fripon ? Ah ! Ventrebleu, j'enrage, Je ne trouve, en Amour, que des coeurs scélérats ; En amitié, que des ingrats. On me gruge au Palais ; au jeu, l'on me friponne, Et l'on me vole à la maison, : Chez le traiteur, On m'empoisonne, Et vouS ne voulez pas, contre toute raison, Que je traite aujourd'hui le siècle de fripon ? Oh ! Commencez donc par m'instruire ; Qu'est-ce qu'un correctif ? Vous me ferez plaisir De m'expliquer le sens de ce mot qui m'arrête. Pour m'enseigner cet art où vous semblez primer, Apprenez-moi d'abord comment je dois nommer Une friponne, une coquette, Dont la bouche me jure un amour fans égal, Et qui, l'instant d'après, me trahit en cachette, Et favorise mon rival ? C'est donner un beau masque à l'infidélité. Et l'ami déloyal qui m'enlève la Belle, Et qui m'emprunte mon argent Pour triompher de l'infidèle, Comment l'appelle-t-on, en ce siècle charmant ? Momus est bien compatissant. Et de quelle façon est-ce qu'il qualifie Un Procureur avide, et qui, sans modestie, De toutes mains reçoit double valeur, Et qui me vend à ma partie ? Un Chevalier de l'industrie, Qui de filer la carte ose professer l'art ? Un valet qui me Volé avec effronterie, Et qui vend mes habits sans ma permission ? Un pareil discours m'édifie ; On ne peut pas, sur sa friponnerie, Excuser un coquin en termes plus civils. Et celui qui parvient, des emplois les plus vils, À des postes d'honneur qu'il arrache au mérite Par une voie oblique et des détours subtils ? Peste ! Quel éloge sublime ! Et celui qui voilant le noir dessein qu'il a, Répand malignement un libelle anonyme, Contre son concurrent qu'il supplante par là ? Pour finir,en un mot ; comment est-ce qu'on nomme L'animal vicieux, esclave des plaisirs, Qui manque à tous ses devoirs ? En ce siècle pervers, voilà comme l'on donne De favorables noms aux vices triomphants ; Par ces beaux correctifs et ces tours éloquents, Tout crime est excusé, toute action est bonne, Et l'on ne trouve plus de malhonnêtes gens. Moi, qui ne puis souffrir ce jargon qui m'irrite, Je parle à découvert contre les moeurs du temps, Et je donne à chacun le vrai nom qu'il mérite. J'appelle une maîtresse, au maintien hypocrite, Qui me trompe sous-main en feignant de m'aimer, Une coquette insigne, et qu'on doit enfermer : Et mon ami qui l'a séduite, Un perfide, un ingrat digne d'être noyé. Un valet qui me vole, un scélérat à pendre ; Un Procureur qui prend sans jamais rendre, Un fripon privilégié. Un Chevalier qui fait commerce de jouer, Pour escroquer et filouter l'espèce, Est un gentilhomme à clouer Sans quartier, sur la table où brille son adresse. Un homme qui parvient à des emplois brillants Par la bassesse et le pillage, Un pied-plat qui devrait conduire l'équipage Dont il occupe le dedans. Celui de qui la noire calomnie Va semer contre nous des écrits clandestins, Et nous couvre d'ignominie, Le plus affreux de tous les assassins Qui nous ravit l'honneur bien plus cher que la vie. Le Roi des animaux est le pire de tous, Et ce siècle, celui des travers lés plus fous. Momus enfin, Momus qui justifie Ce que notre age a de plus odieux, Est le dernier de tous les Dieux ; Et, par sa lâche flatterie, Cent fois plus bas, plus méchant à mes yeux Que les mortels qu'il justifie. Adieu. Ton seul aspect me chasse de ces lieux, Vil apologiste du vice : Va, qui prend sa défense, en devient le complice. Crois-tu donc me convaincre en retenant mes pas ? Moi ! Je récuse un tel médiateur. Mais lorsque, j'ai raison, comment peux-tu détruire... Ventrebleu ! Ce discours est digne qu'on l'admire. Pour la rareté du fait, soit ; J'écoute, et je suspens ma bile. S'il se tire de là, je le tiens pour adroit. Ce raisonnement là me frappe, Je puis bien être dans le cas. Ce portrait, quoique favorable, Est conforme à la vérite. J'ai trop crû la fureur dont j'étais agité ; J'ouvre les yeux, je sens qu'il est plus raisonnable De voir tout, ici-bas, par le plus beau côté. Je le veux de bon coeur. On est sûr de me vaincre Dès qu'on me montre la raison. Je cours mettre à profit le conseil qu'on me donne, Mettre d'accord en ma personne L'homme du siècle avec l'homme d'honneur ; Sans nuire à la franchise, orner l'extérieur ; Joindre par un noble alliage Aux vertus du vieux temps, les vertus de notre âge ; La dépouillant de son austérité, Rendre agréable la sagesse, Et faire aimer la probité Sous les traits de la politesse. **** *creator_boissy *book_boissy_apologiedusiecle *style_verse *genre_comedy *dist1_boissy_verse_comedy_apologiedusiecle *dist2_boissy_verse_comedy *id_LINDIFFERENT *date_1734 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lindifferent Je viens d'entendre vos discours, Seigneur Momus, qu'ils m'ont fait rire ! Vous serez le même toujours En éloge comme en satire Que votre esprit, par de subtils détours, Sais adroitement se conduire ? Mais tout le monde, cher Momus, De ce prosélyte crédule Ne suivra pas le sot abus ; En entrant, en sortant je l'ai vu ridicule. Premièrement, je blâme le courroux Qu'il a fait éclater si fost contre le vice. Par un autre caprice Qui doit le mettre au rang des fous. D'une autre erreur sur le champ adoptée Vous avez rempli son esprit ; Cette victoire remportée Doit établir votre crédit. Oui c'est ainsi que votre orgueil le nomme, Mais ce n'est ainsi que l'on en doit juger. Ni vers l'un, ni vers l'autre. L'indifférence est le meilleur parti. Irai-je me fâcher contre un plat personnage, Et lui donner un démenti Sur toutes les vertus qu'il croit son apanage ? Si le sort à quelqu'un enfin a départi De rares qualités un brillant assemblage, Irai-je en l'admirant me croire anéanti ? Et le louer d'un bien qui n'est pas son ouvrage ? Car, Seigneur, en naissant chacun porte son lot. Faibles jouets de la nature, Chacun vient risquer l'aventure D'être bien ou mal fait, spirituel ou sot, Et nous ne nous formons l'esprit ni la figure. Mais l'éducation dompte le naturel, Et fait souvent en nous un changement extrême. Ce changement est superficiel : Puisqu'il faut, jusqu'au bout, vous prouver mon système, Elle avance fort peu par tous ses vains efforts ; Elle a,beau plâtrer les dehors, Notre fonds est toujours le même. Oui, sur un naturel fertile ; Vraiment, je n'en doutai jamais, Puisqu'il sort de ses mains heureuses, Aussi brillant, aussi poli, Que de la main d'un Artiste accompli, Sortent les pierres précieuses. Qui, je conviens qu'il faut des soins au naturel, Au bon, car au mauvais, ce sont peines perdues. C'est justement ce que je nie. J'en reviens à mon premier point, Que l'on possède un mince, ou bien un grand génie. Je ne méprise pas, mais je n'admire point. Un malheureux, à qui la Nature cruelle A même refusé sa plus simple faveur, En est assez puni par la douleur mortelle, Que lui cause en secret-cet excès de rigueur Qui l'avilit à ses yeux même, Sans que j'aille ajouter ençor à son malheur, En l'accablant du poids de mon mépris extrême, Et le perçant d'un ris moqueur : Un triomphe si bas, et qu'on obtient sans peine, Déshonore l'esprit , et fait outrage au coeur ; Alors, plus la victoire est pleine, Plus son éclat honteux dégrade le vainqueur. Quant à celui sur qui le sort propice A libéralement versé Tous les dons séducteurs qu'accorde son caprice, N'en est-il pas assez récompensé Par ces mêmes présents de son étoile heureuse, Et la comparaison flatteuse Qu'il fait de son mérite avec celui d'autrui ? II sent trop bien ce mérite suprême, Et nous devons nous reposer sur lui. Du soin de s'applaudir lui-même. Adieu, vous me feriez un discours inutile ; Dans mon opinion, je suis toujours tranquille. Admirer, est d'un sot ; fronder, d'un étourdi ; Rester neutre, d'un homme sage ; Et je m'en tiens à ce dernier parti, Sans vous en dire davantage. **** *creator_boissy *book_boissy_apologiedusiecle *style_verse *genre_comedy *dist1_boissy_verse_comedy_apologiedusiecle *dist2_boissy_verse_comedy *id_TERPSICORE *date_1734 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_terpsicore Seigneur, la Muse de la Danse Vous fait son humble révérence. Vraiment, Momus est galant cette année. Quel éloge ! La noblesse, De mes pas de mes bras, de mes yeux ! Parler de sarabande aujourd'hui ! Justes Dieux ! On voit bien qu'à louer Momus manque d'adresse, Et qu'en danse moderne il est peu connaisseur. La danse grave ! Ha, ha ! C'est de la vieille danse Que vous nous parlez-là, Seigneur ! Qu'on ne me vante plus sa funèbre indolence, Elle assoupit les spectateurs ; Pour elle, désormais, pleine d'indifférence, Je l'abandonne aux Danseuses des Choeurs. Je vois qu'avec le Goût vous avez fait divorce. Apprenez qu'à présent la souplesse, la force, L'agilité sont mes premiers talents ; Qu'on m'admire par là dans le siècle où nous sommes, Et qu'à former des pas hardis, forts et brillants, Je ne le cède en rien aux hommes. On dansait ? Dites, Momus, dites, pour parler juste, Qu'on marchait autrefois, et qu'on danse aujourd'hui : On ignorait mon art aimable. Depuis six ans, au plus, on sait former des pas ; De ce temps-là, je n'exagère pas, Je date seulement la danse véritable. Vous avez vu marcher comme je fais ; Vous avez vu la Danseuse novice, Partant ainsi du fond de la coulisse, Parcourir le Théâtre, et s'arrêter exprès Pour minauder avec un art extrême, Et lorgner le Parterre en lui tendant les bras, Se courber lentement, se relever de même, Sans se donner le soin ni l'embarras D'exprimer rien par ses pieds immobiles, Ni de faire briller ses jambes inutiles. Je l'avoue. Mais je fais plus, car je les joue Et je les danse en même temps. Je réunis les deux talents. T Mais on a beau vanter l'expression touchante. Qui fait la danse au fond ; c'est la danse brillante, C'est la position de nos pieds bien tournés, Ce sont nos pas bien dessinés ; C'est l'entrechat enfin, qui frappe, étonne, enchante : Pareil à la gerbe éclatante, Qui, s'élançant du sein de sa prison, Termine l'artifice, et forme un tourbillon. Je crois, de ma comparaison, Qu'elle doit rendre aux yeux la justesse frappante. Comme dans une pièce il est de la prudence De finir par un trait qui la fasse claquer, Et que c'est même une science, De même, en un Ballet, on doit toujours finir Par un double entrechat qui le fasse applaudir, C'est l'épigramme de la Danse. Adieu. Je vais donner un Ballet de saison, Et cours me signaler par une danse unique Qui vous le fera trouver bon. Erato doit louer tout le siècle en musique,