**** *creator_boissy *book_boissy_francaisalondres *style_prose *genre_comedy *dist1_boissy_prose_comedy_francaisalondres *dist2_boissy_prose_comedy *id_FINETTE *date_1727 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_finette Madame, voilà une lettre qu'on a oublié de vous remettre hier au soir. Monsieur votre père arrive aujourd'hui pour vous marier avec Jacques Rosbif ? Miséricorde ! C'est bien l'anglais le plus disgracieux, le plus taciturne, le plus bizarre, le plus impoli que je connaisse. Mais, madame, n'êtes-vous pas veuve, et, par conséquent, maîtresse de vous-même ? Quoi ! Vous pourrez, madame, vous résoudre à épouser encore un homme de votre nation, après ce que vous avez souffert avec votre premier mari ? Avez-vous si tôt oublié la triste vie que vous avez menée pendant deux ans que vous avez vécu ensemble ? Toujours sombre, toujours brusque, il ne vous a jamais dit une douceur ; se levant le matin de mauvaise humeur, pour rentrer le soir ivre ; vous laissant seule toute la journée, ou réduite à la passer tristement avec d'autres femmes, aussi malheureuses que vous, à faire des noeuds, à tourner votre rouet pour tout amusement, et à jouer de l'éventail pour toute conversation. Mort de ma vie ! Je ne permettrai pas que vous fassiez un pareil mariage, ou vous me donnerez mon congé tout à l'heure. Que vous ayez le courage de vous rendre heureuse, et que vous épousiez un homme de mon pays, un français. Considérez, madame, que c'est la meilleure pâte de maris qu'il y ait au monde ; qu'ils doivent servir de modèle aux autres nations, et qu'un français a cent fois plus de politesse et de complaisance pour sa femme, qu'un anglais n'en a pour sa maîtresse. Une belle dame comme vous serait adorée de son mari en France. Il ne croirait pas pouvoir faire un meilleur usage de son bien que de l'employer à se ruiner pour vous. Il n'aurait pas de plus grand plaisir que de vous voir brillante et parée, attirer tous les regards, assujettir tous les coeurs. Le premier appartement, le meilleur carrosse et les plus beaux laquais seraient pour madame. Vous verriez sans cesse une foule d'adorateurs empressés à vous plaire, ingénieux à vous amuser, étudier vos goûts, prévenir vos désirs ; s'épuiser en fêtes galantes, vous promener de plaisirs en plaisirs, sans que votre époux osât y trouver à redire, de peur d'être sifflé de tous les honnêtes gens. Il faut lui parler avec la noble fermeté qui convient à une veuve, sans sortir du respect que doit une fille à son père ; il faut lui représenter que les maris de ce pays-ci ne sont pas faits pour rendre une femme heureuse, que vous en avez déjà fait la dure expérience, et qu'il s'offre un parti plus avantageux et plus conforme à votre inclination, un marquis français, jeune, riche, bien fait. Milord Craff votre père est un homme sensé, il ne sera pas difficile de lui faire entendre raison. Bon ! Bon ! Il faut lui passer quelque chose, en faveur de la jeunesse et des grâces... Mais voici Milord Houzey, votre frère : c'est du fruit nouveau. Allez, ne la croyez pas ; je ne vous ai jamais vu si gentil. Une petite pointe de libertinage ne messied point à un jeune homme, et rien ne le polit plus que le commerce des femmes. Vous me faites trop d'honneur, monsieur. Votre frère se forme, madame. Cela est naturel. Allez, rentrez, madame... Laissez-moi le soin de recevoir sa visite pour vous. Je vais le congédier à la française. Vous êtes naturellement si civil et si honnête à l'égard des autres, qu'on ne se lasse pas de l'être envers vous. Elle n'est pas visible. Vous, son prétendu ? Ah ! Ah ! Ah ! Je vous demande pardon, monsieur ; mais votre figure est si extraordinaire, que je ne puis m'empêcher d'en rire. Mais, monsieur... Eh bien ! Jacques Rosbif, puisque Jacques Rosbif il y a, regardez-vous dans votre miroir, et rendez-vous justice. Il vous dira que vous n'êtes ni assez bien mis pour être présenté à la fille d'un lord, ni assez aimable pour être son mari. Je veux vous faire voir un jeune marquis de chez moi, qui loge dans cet hôtel. C'est là ce qui s'appelle un joli homme ! Et si, ce n'est encore rien en comparaison de nos jeunes seigneurs de la cour. Parlez avec plus de respect d'un français, et surtout d'un français homme de qualité. Monsieur le marquis, voilà un homme que je vous donne à décrasser : il en a grand besoin ; je vous le recommande. Son nom est Jacques Rosbif ; ne l'oubliez pas. Eh bien ! Monsieur, avez-vous dégourdi notre homme ? Oh ! Ne querellons point, nous n'en avons pas le temps ; ne songeons qu'à bien nous entendre tous trois pour donner l'exclusion à Jacques Rosbif. Commencez, madame, par tout oublier. Eh ! Madame, voulez-vous que monsieur le marquis ait l'air d'un Caton à son âge ? Ah ! Monsieur, savez-vous à qui vous venez de parler là ? C'est au père de ma maîtresse. Elle ne l'est guère pour monsieur le marquis... Voilà madame. Que faites-vous, madame ?