**** *creator_carmontelle *book_carmontelle_desesperesdelopera *style_prose *genre_proverbe *dist1_carmontelle_prose_proverbe_desesperesdelopera *dist2_carmontelle_prose_proverbe *id_MONSIEURSANGLIER *date_(inc *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieursanglier Ah, bonjour, Monsieur Pillier. Je n'en ai pas entends dire la moindre chose, que ce que l'on nous en a dit avant hier. Je n'en fais pas davantage : les uns me disent qu'elle est au concert de Lyon, d'autres, à Rouen ; cela n'est pas clair et c'est dommage ; car on prétend que c'était la même voix précisément que celle de Mademoiselle le Maure. La moitié des gens disent que l'on n'a pas besoin de ces voix-là, qu'elles ne savent que crier et qu'elles ne chantent point. Eh, je ne le vois que trop ! J'y songe aussi ; mais cette diable de Musique d'Opéra-Comique, nous écrasera tôt ou tard. Si l'on pouvait donner des Opéra de Lully, il n'est pas douteux que nous reprendrions bientôt le dessus, j'en suis bien sûr, moi. Du Rameau ! Si vous voulez. Il est vrai qu'il y a du récitatif. Pas tant que dans Lully, voilà le vrai goût français et que je voudrais bien voir renaître, sans cela nous sommes perdus. Comment faire donc ? Il n'y a presque plus de gens de notre parti. Et de la Danse. Et moi, donc ? Je ne reste pas les bras croisés. Croyez-vous que je ne gémisse pas de cette décadence du goût ? J'en espérais beaucoup. Sans doute, mais faites entendre cela à tout Paris. Ils nous proposerons de mettre l'Opera-Comique à l'Opéra, et d'y joindre des ballets. J'y suis bien résolu. Emparez-vous du parterre. Et dans le foyer ? On ne pense sérieusement à rien à présent. Oui, mais nous y rêvons en vain, l'Opéra sera détruit malgré nous. Bon ! Il ne se soucie de rien. Eh bien, voyons ? Mais s'il n'y avait pas d'Opéra cependant ; vous, en seriez fâché ? Quoi, de la Musique d'Opéra-Comique ? C'est vrai ; cependant il serait fâcheux de perdre ces beaux récitatifs de Lully. Sans doute ; mais je ne pense pas que vous ne vous y connaissiez point. Quoi, Monsieur, vous n'êtes pas affligé de voir qu'un Opéra est à présent presque tout sans paroles. Et si l'on n'en dansait pas ? Mais s'il n'y avait plus d'Opéra, vous ne pourriez pas aller sur le Théâtre. Nous nous étions bien adressés, pour fortifier notre parti, Monsieur Pillier, qu'en dites-vous ? Oui et ils jetteraient les hauts cris si on leur retranchait quelque chose de ce dont ils ne s'inquiètent point. C'est que nous sommes trop bons. Non vraiment, il faut être citoyen avant tout. Vous le croyez ? Tant mieux , voilà ce qu'on appelle un homme enfin. Vous êtes bienheureux, Monsieur, voilà ce qu'on appelle avoir des ressources ; mais dans les grandes affaires, il faut de grands moyens pour les faire réussir. J'entends bien ce que veut dire Monsieur ; moi. C'est trois choses. Un bon poème, une bonne musique et des acteurs qui chantent bien et qui sachent bien débiter. Pas de bonne Musique ? Vous ne voulez donc que des ariettes ? Des décorations ? Vous conviendrez pourtant qu'il ne faut rien épargner pour avoir un Opéra. Oui, oui, Monsieur, vous avez raison, cela est clair à présent. Comment, vous ne voyez pas que Monsieur, veut dire que le monde attire le monde et que l'habitude d'aller à l'Opéra y fera toujours aller ? Comment ? Pour moi, rien ne me rassure. Voilà ce qu'il faudrait persuader de donner aux directeurs. C'est s'aveugler, je vous assure, que de penser autrement. Eh bien, Monsieur Pillier ? Je dis toujours qu'il n'y aura bientôt plus d'Opéra. Nous sommes perdus ! **** *creator_carmontelle *book_carmontelle_desesperesdelopera *style_prose *genre_proverbe *dist1_carmontelle_prose_proverbe_desesperesdelopera *dist2_carmontelle_prose_proverbe *id_MONSIEURPILLIER *date_(inc *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurpillier Garçon ? Monsieur Sanglier, est-il venu ici aujourd'hui ? Et a-t-on dit quelques nouvelles ce matin ? Quoi, rien du tout ? Bon, le feu dans une cheminée ! Voilà quelque chose de rare ! Oui, avec les pompes qu'il y a à présent ; comment voulez-vous que cela arrive ? Il y a des choses bien plus intéressantes que tout cela. Avez-vous entendu parler de l'Opéra ? Oui, de l'Opéra? Je le sais parbleu bien, on ne veut pas donner des anciens. Eh non vraiment ! Malheureux Opéra ! Et personne n'y pense ! Monsieur Sanglier ? Nous allons voir ce qu'il nous dira. Non, non. Eh bien, Monsieur sanglier, cette voix que vous disiez que nous aurions ? Et vous ne vous en êtes pas informé depuis ? Il faudrait donc qu'on y envoyât. Voilà comme l'Opéra français, la gloire de la Nation se perdra ! Est-ce que vous ne voyez pas cela ? Il faudrait donc songer à y remédier. Il faut pourtant prendre un parti, il n'y a pas à balancer. Qu'on nous donne du Rameau seulement ; allons je le veux bien, je le leur passe. Oui, Monsieur ; c'est toujours du véritable opéra. Il ne faut pas être si difficile. Et de belles scènes ! Les ballets nous écraseront tout à fait, Monsieur, quand la Musique nouvelle ne prendrait pas le dessus. Je n'en sais rien. On ne veut que des Ariettes. Je cherche depuis longtemps quelque moyen de remédier à tout cela. Armide avait réussi. Il faudrait redonner Armide. Ils aimeront mieux tout perdre. Il ne faut pas le souffrir. Mais comment l'empêcher ? Il n'y a plus personne de goût ? On y vient parler nouvelles et chevaux pendant les scènes et l'on n'en sort, que pour les Ballets. Il n'y a que vous et moi qui nous occupions de cela. Voilà Monsieur Qu'importe, il faudrait le gagner, lui qui voit beaucoup de mondes. Il faut essayer, l'Opéra ne saurait lui être indifférent, il n'en manque pas un. Laissez moi faire. On voit bien qu'il n'y a pas d'Opéra, Monsieur, aujourd'hui, sans quoi on ne vous verrait sûrement pas ici. Mais vous n'entendriez plus de bonne musique française. Mais, c'est qu'il n'y a pas là de grandes voix. Ce n'est pas la même chose. C'est une plaisanterie et si vous ne vous connaissiez pas en musique, vous ne viendriez pas tous les jours à l'Opéra. Comment, vous causiez donc pendant qu'on chantait, vous ne pouviez pas prendre d'intérêt au poème. Mais il faut que les airs de violon soient bons, pour que l'on danse bien. Monsieur, je suis bien votre serviteur. Ma foi, Monsieur Sanglier, cela va mal pour nous ; il y a à Paris comme cela mille gens qui profitent de tout et qui ne se soucient de rien. Cela est sûr, nous avons la peine et eux le plaisir ; demandez-moi pourquoi ? Par exemple. C'est vrai ; mais comme c'est le bien public qui nous occupe, il ne faut pas s'y refuser. Ah voilà Monsieur Pointdutout, c'est un homme qui a les meilleurs expédients du monde dans tous les cas. Ma foi on me l'a dit. Monsieur, je parie que vous vous ennuyez aujourd'hui ; parce qu'il n'y a pas d'Opéra ? Donnez-nous donc un moyen pour soutenir l'Opéra ; car si l'on n'y prend garde, il tombera incessamment. Mais, Monsieur, vous ne prenez pas garde à une chose sans doute pour que l'Opéra Français se soutienne , il faut de belles voix. Quoi donc ? Mais encore? Vous ne voulez pas un bon poème ? Pas de bons chanteurs ? Des ballets ? Quoi, pour avoir un Opéra, il ne faut pas avoir tout ce que nous venons de vous nommer ? Je vous entends à présent. Il n'y a pourtant rien de si aisé. Monsieur veut dire que les petites loges soutiendront toujours l'Opéra. Je ne devine pas. Ah, oui, oui. Avec les actrices, les danseuses. Je n'ai que l'espoir des anciens Opéra. Comment, Monsieur, vous ne le croyez pas ? Quand on n'a pas d'autres ressources, car vous en conviendrez bien ? Eh, bien ! Monsieur Sanglier, que dites-vous ? Et moi aussi. Je n'en puis plus douter. **** *creator_carmontelle *book_carmontelle_desesperesdelopera *style_prose *genre_proverbe *dist1_carmontelle_prose_proverbe_desesperesdelopera *dist2_carmontelle_prose_proverbe *id_MONSIEURPOINTDUTOUT *date_(inc *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurpointdutout Point du tout, Monsieur , je ne m'ennuie jamais ; quand on a. Cela, cela, et cela, on ne saurait s'ennuyer. Point du tout : écoutez-moi. Avec cela, cela, et cela, vous serez toutes les affaires du monde, je dis même celles de la plus grande conséquence. Point du tout ; avec cela, cela, et cela, il ne tombera jamais. Point du tout, de belles voix, de belles voix ! Pour quoi faire ? Il ne faut point de belles voix, il ne faut que cela, cela et cela. Point du tout, on peut s'en passer très bien. Point du tout. Point du tout. Point du tout. Point du tout. Point du tout. Point du tout. Point du tout, je n'en ai que faire, il n'y a rien de si difficile à réunir. D'abord que j'ai cela, cela, et cela, je suis sûr d'avoir un Opéra toute la vie, et un Opéra excellent. Point du tout, la dépense n'est pas nécessaire, on aime l'Opéra à Paris et quel qu'il soit, je suis sûr avec cela, cela et cela, qu'il y aura toujours du monde. Je ne le comprends pas moi. Point du tout, je n'ai que faire des petites loges , il n'y en aurait pas, qu'avec cela, cela et cela, je ne m'embarrasse de rien. Point du tout , ce n'est point l'habitude qui y fera venir ; mais j'attirerai toujours tout Paris, avec cela, cela et cela. Point du tout. Les actrices, les danseuses ne me font rien. Je ne veux pas autre chose que ce que je vous dis ; cela, cela, et cela. Point du tout. Point du tout, je ne m'aveugle point et vous avez tort de vous désespérer. Point du tout ; songez donc que vous avec cela cela et cela ; tranquillisez-vous ; je vous souhaite bien le bon soir. Écoutez, n'oubliez jamais que vous avez cela, cela et cela, et vous ne vous désespérerez pas. **** *creator_carmontelle *book_carmontelle_desesperesdelopera *style_prose *genre_proverbe *dist1_carmontelle_prose_proverbe_desesperesdelopera *dist2_carmontelle_prose_proverbe *id_MONSIEURQUIMPORTE *date_(inc *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurquimporte Qu'importe ? Moi, je vais à l'Opéra, aux Italiens, aux Français, cela m'est égal. Qu'importe ? Il y aurait autre chose, ou bien j'irais à la promenade, ces jours-là, ou je ferais des visites. Qu'importe ? J'entendrais toujours de la musique. Qu'importe ? Si elle me faisait plaisir. Qu'importe ? Pourvu qu'on les entende, voilà tout ce qu'il faut. Qu'importe ? N'avons-nous pas le récitatif obligé ? Qu'importe ? Quand on ne se connaît pas en musique. Qu'importe, que vous le pensiez ou non ? Cela n'en est pas moins vrai. Qu'importe ? Moi j'y vais pour voir le monde, pour causer ou me chauffer. Qu'importe ? Je ne les ai jamais entendues. Qu'importe ? Je n'ai que faire d'aller m'intéresser à tout cela, je sais seulement en gros qu'il y a deux amanTs persécutés, par deux personnes qui s'entendent ensemble pendant toute la pièce pour les tourmenter ; mais qu'à la fin il viendra un Dieu qui raccommodera tout et que l'on dansera une chaconne. Qu'importe ? Je suis toujours sûr que l'on dansera quelque chose. Qu'importe ? Même quand on ne danserait pas ; pourvu que l'Opéra finisse et qu'on puisse aller sur le Théâtre après. Qu'importe ? J'irais ailleurs, où je vais à présent, par exemple. Adieu, Messieurs je vous souhaite bien le bonjour.