**** *creator_carmontelle *book_carmontelle_lievre *style_prose *genre_proverbe *dist1_carmontelle_prose_proverbe_lievre *dist2_carmontelle_prose_proverbe *id_GROSPIERRE *date_(inc *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_grospierre Bonjour, Dame Jaqueline. Oui, vraiment. Vous vous portez bien ? Ah, Dame, écoutez donc, on n'est pas toujours de même ; il faut aller comme le temps. Eh bien, dites-moi un peu ; est ce que Monsieur l'Avocat n'est pas ici ? J'ons affaire à lui, et je ne venons que pour ça. Pardi, il faut bien que je l'attende. Oh, non ; mais j'ons envie de le consulter pour en avoir un ; c'est un si brave homme, que j'ons confiance en lui, voyez-vous. Oh, c'est bien vrai. Je l'y en ont offert pourtant une fois ; mais il n'a pas voulu ; il m'a dit comme çi, allons, Gros-Pierre, je ne veux point de ton argent, ne m'en parle jamais : ton Père était fermier du mien ; ainsi je ne prendrai rien de toi ; c'est là un honnête homme, cela par exemple. Oh, que non ! Est ce qu'il n'a pas une bonus ferme auprès de chez nous ? Cela n'est pas lourd. Ce n'est rien. Des pattes ? C'est une commission qu'on m'a chargé de faire. Tout de bon ? Et les aimez-vous, Dame Jaquelíne ? Pourquoi ? Dites, dites, naturellement ? Avouez que vous mangeriez bien un bon civet de lièvre ? Pourquoi ne pas dire sans façon? Vous l'aimeriez bien ? Et moi aussi. M'attendras-tu ? Allez, allez, ne vous embarrassez pas de nous. Non , mais je veux en faire un à la veuve Mignot ; tu sais bien qu'alle a tun pré tout près du nôtre. Et son père n'a-t-il pas eu comme ça un quartier de nos vignes ? Je le sais bien ; mais si Monsieur l'Avocat me le conseille. Une veuve ne me fait pas plus de pitié qu'une autre, alle n'a qu'à se remarier, alle ne sera plus veuve. Je ne le prendrai pas non plus, c'est la justice qui me le donnera. Mais n'est-ce pas les avocats et les procureurs qui sont la justice ? Hé ben, est-ce qu'ils ne pouvons pas vous faire avoir le bien que vous voulez ? Il ne faut donc pas parler. Enfin je veux que Monsieur l'Avocat me baille cet avis-là, vois-tu ? Et s'il me le baille, je lui baillerai un lièvre que j'ai apporté par exprès pour cela. Mais s'il me baille un autre avis, il n'aura pas le lièvre, et je le mangerons nous. Je le vois qui vient, je crois. Oui, c'est ly-même. Oh, laisse-moi faire ; tu vas voir, tu vas voir. Oui, Monsieur l'Avocat, j'y venons parce que j'ons une affaire de conséquence, où j'aurions grand besoin que vous me bailliais votre avis, voyais-vous. C'est aussi pour cela que je venons à vous Monsieur l'Avocat. Quand j'aurai fini, j'irai t'y trouver. Vous saurez, Monsieur l'Avocat, qu'il y a à côté de mon grand pré, un autre pré qui est à la veuve Mignot. Vous la connaissez la veuve Mignot ? La Veuve Mignot est la plus méchante femme du monde ; elle dit que je recule tous les ans la borne qui nous sépare, et elle veut que je plantions une haie pour n'avoir plus de dispute ; moi, je ne veux pas de haie, et je voudrais l'attaquer en justice sur ce qu'elle dit que j'ai reculé la borne. Je ne voulons pas qu'on le mesure, et je ne voulons pas qu'alle m'accuse de cela ; c'est pourquoi je voulons l'y faire un procès en réparation de dommages et intérêts, afin qu'on m'adjuge son pré, pour que je n'ayons pas de disputes. Voilà ce que je voudrais que vous me conseilliez, Monsieur l'Avocat. Je savons bien qu'on dira cela ; mais si la Justice me le donne, qu'est-ce qu'il y aura à dire ? Pardonnez-moi, il n'y a qu'à embrouiller tout cela de façon que cela finisse comme je le voulons ; vous comprenez bian, Monsieur l'Avocat. Mais pourquoi ? Mais de tous les gens qui ont des procès il y en a toujours un qui perd. Hé bien, si la veuve Mignot perd, c'est tout ce que je veux. Je dirai... je dirai qui vous n'avez pas bien embrouillé l'affaire comme je le voulais parce que je suis sûr qu'on pourrait me faire avoir ce pré-là. Mais il n'y a qu'à la retourner, elle sera pour moi. Oui, un bon conseil qui ne rapporte rien ; à quoi est-il bon? Voilà donc votre dernier mot, Monsieur l'Avocat ? Si vous aviez voulu, vous auriez pu m'en donner un autre , tant pis pour vous. Cela est vrai. Oh de rien. Vous n'avez rien à mander chez nous, Monsieur l'Avocat ? Je vous baille bien le bonjour. Est-ce que vous avez quelque chose à me dire, Monsieur l'Avocat ? Quoi, Monsieur l'Avocat ? Avoir mon pré ? Non, Monsieur l'Avocat, je suis bien sûr qu'il n'y en a jamais eu parce que le tout appartenait au même maître ; c'est pourquoi je pourrions demander ce qui est à la veuve Mignot, mon pré étant plus grand que le sien. Oui. Tout de bon, Monsieur l'Avocat, vous le croyez i C'est vrai, cela ; vous êtes un bien habile homme. Vincent, je t'avais bien dit que ma cause était bonne, tu n'entends rien aux affaires, toi. Tu es bien obstiné ! Tu ne mangeras pas de mon lièvre ; car je m en vais le donner à Monsieur l'Avocat. Je dis que je donne ce lièvre à Monsieur l'Avocat, Prenez-le, Dame Jaqueline. Eh pardi, je vous le demande ? Il n'y a que ceux-là. C'est ce que je vous disons. Quoi celui de ne pas plaider. Quoi, le plus fort... Mais l'adresse, l'habileté, la ruse... Tais-toi. Je parie que c'est vous, Dame Jaqueline, qui avez conseillé à Monsieur l'Avocat de me faire ce tour-là. Oh, je n'en suis pas fâché à cause de vous mais à cause d'elle. Adieu, Monsieur l'Avocat, je ne croirons plus jamais que votre première parole. **** *creator_carmontelle *book_carmontelle_lievre *style_prose *genre_proverbe *dist1_carmontelle_prose_proverbe_lievre *dist2_carmontelle_prose_proverbe *id_VINCENT *date_(inc *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_vincent Hé, Gros-Pierre. Quoi que tu fais ici ? Je t'ai vu entrer, et j'ai dit comme ça, il faut que je lui demande s'il veut que nous nous en allions ensemble. Eh pardi sûrement, je t'attendrai. Eh, dis donc, Gros-Pierre, est-ce que tu as un procès ? Oui ; mais ça n'est pas bian de vouloir l'avoir. Mais c'est différent. Il ne te conseillera pas de dépouiller une veuve. C'est vrai ça ; mais il ne faut pas prendre le bien de son voisin. Mais alle ne serait plus une justice dans ce cas là. Dame, je ne savons pas. Je ne sais plus que te conseiller à présent. Il m'est avis qu'il faut que je m'en aille ; je m'en vais t'attendre aux Trois Rois, Adieu, Monsieur l'Avocat. Eh bien, je ne le crois pas encore. Je te l'avais bien dit, Gros-Pierre. Moi, j'en suis bien aise, parce que tu n'as pas voulu me croire. Allons, allons-nous-en.