**** *creator_chazetdupaty *book_chazetdupaty_arlequinjournaliste *style_prose *genre_comedy *dist1_chazetdupaty_prose_comedy_arlequinjournaliste *dist2_chazetdupaty_prose_comedy *id_LARONDE *date_1797 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_laronde Que faites-vous là ?... Et moi, je vais le lire. Bonne lecture, De tout un journal met au fait. Plus d'un nouveau riche figure, Sans jamais, peut être, avoir fait D'autre lecture. Rentrez... Je vous devine. Vous ne cherchez à sortir que pour voir, Monsieur Arlequin... Je vous déclare que je ne souffrirai ni cet amour ni ce mariage... La fille de Monsieur de La Ronde, expert dans les vérifications, ci-devant syndic de la communauté des écrivains, n'est pas faite pour épouser un homme sans état, sans fortune : cependant je veux faire ton bonheur. Je te promets, ma chère, Mari Choisi, De sorte à te plaire, Et digne de ton père ; Fameux par ses écrits, Ses récits, Son esprit, Son crédit. Songe qu'un écrivain En gros ainsi qu'en fin, Qui fait, pour tout le monde, Billets, Placets, En bâtarde, en ronde, Ne peut, sans qu'on le fronde, Pour l'honneur du métier, S'allier Qu'à des gens À talents. Aussi je te destine au propriétaire de ce journal. Cet homme, à en juger par son ouvrage, est ce qu'il me faut. Je ne le connais pas, parce qu'il garde l'anonyme ; mais je le découvrirai ; et s'il veut de toi, c'est arrangé... Monte. Qu'appellez-vous, ma boutique ?... Apprenez que la boutique d'un homme de lettres est un bureau... Mettons-nous à l'ouvrage. Encore ici ? Vous attendez sûrement que Monsieur Arlequin vienne... Montez donc... Vous prenez l'air ? Ah ! J'y consens ; Mais l'air est malsain dans la rue. Ah ! Vous voulez prendre l'air et voir tout-à-la-fois. Montez, je sais ce qu'il vous faut ; Vous satisfaire est chose aisée. On peut, en prenant l'air là-haut, Tout voir par la croisée. On peut, en prenant l'air là-haut, Tout voir par la croisée. Allez, vous serez plus commodément à la fenêtre. Grâce à Dieu, mon état devient meilleur de jour en jour ; je n'y puis plus suffire. Tout le jour à travailler Se passe et se consume ; A peine, dans mon métier, Ai-je le tems de tailler Ma plume. Ma plume. Ma plume. Ce sont les pétitions surtout qui me font du bien : je vis de pétitions. Celui qui ne possède rien, Se plaint d'un si mince partage ; Un autre a-t-il un peu de bien, Il veut en avoir davantage. Aussi près de nos comités, Des postulants la foule est grande ; On demande de tous côtés, Et voilà... ce que je demande. Examinons nos papiers. Monsieur ! Mon enseigne le dit. Généralement. Quelconques. Volontiers. Voulez-vous entrer ? Quelle écriture voulez-vous ? Nous en avons de plusieurs sortes. Voulez-vous de la bâtarde ? Aimez-vous mieux la ronde ? En ce cas, je vais vous donner la ronde. Laquelle préférez-vous, la petite ou la grande ? Comme vous vous passionnez pour mon écriture. C'est qu'elle est bien moulée. Voulez-vous que je compose, ou dictez-vous ? J'y suis. Y êtes-vous ? Êtes-vous prêts ? Mademoiselle. Pas si vite, on ne peut pas vous suivre. Que je suis bête !... Tenez, monsieur, entre nous, votre billet n'est pas ce qu'il y a de mieux ; je vais en dicter un autre, l'écrire, et vous répéterez... Pour toi, du plus tendre amour, Mon cœur brûle sans détour. Sois sensible à ma tendresse, Et nous pourrons, avant peu, D'un père obtenir l'aveu Sans user de finesse En usant de finesse. Voilà bien le vrai genre de La Ronde : comme il est attrapé ! L'adresse ? Monsieur. Portons en ville mes expéditions. Quoi ! Mademoiselle, avec Monsieur Arlequin ! Encore un poulet. Et la maîtresse de tantôt. Vous ne savez pas écrire ? Mais c'est horrible. Sait-il écrire ? Je suis charmé de voir que tu te rends à mes intentions, et dès que j'aurai vu Monsieur le journaliste... Vous, Arlequin !... J'y consens ; et je suis sûr que l'on dira par-tout, La Ronde ne s'est pas mésallié. **** *creator_chazetdupaty *book_chazetdupaty_arlequinjournaliste *style_prose *genre_comedy *dist1_chazetdupaty_prose_comedy_arlequinjournaliste *dist2_chazetdupaty_prose_comedy *id_DELPHINE *date_1797 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_delphine C'est vous ! Je descends.... Eh bien ! Comment va la vente ? De quoi ? Celui-là seul m'intéresse. Ah !... Il est charmant. Comment fais-tu donc ?... Mon cœur est bien à toi ; mais en sommes-nous plus avancés ? Qu'y gagnes-tu ? Mais ta fortune s'accroît-elle autant que notre amour ?... C'est pourtant toi qui fais tout. Ne fournis-tu pas tout l'esprit ?... Va, sois sûr que Gille amoureux Près de moi sera toujours bête. Va, sois sûr que Gille amoureux Près de moi sera toujours bête. J'entends, je crois, mon père, Rentre.... Pars donc.... Le voici.... Je viens d'acheter le journal. Déjà... Mais... Ciel !... Voulez-vous d'abord que je vous aide à ouvrir votre boutique ? Vite, deux mots. On me destine au propriétaire de ton journal.... Que faire ? Non. Comment ! Paix. Il ouvre.... Il ne viendra pas.... Je prends l'air. C'est qu'en ces lieux, en même-temps, On a le plaisir de la vue... J'obéis. Et moi aussi. Quoi ? Chut. Je crois que la lettre est pour moi. Lui aussi est attrapé. Eh bien ! Quel est ton projet ? Vrai ?... Que de lettres ! Et tu reçois tout cela ? Un journaliste est donc un homme universel ? En voilà de bonnes. J'espère au moins qu'il ne ressemble pas à ces nouveaux romans anglais, si noirs... si effrayants... Dis-moi pourquoi tous ces romans N'offrent que tableaux sombres, Des monstres et des revenants, Des sorciers et des ombres, Spectres ambulants, Fantômes sanglants Et démons effroyables ?... C'est tout simple : à l'article Changement de domicile. Oh ! Cela va de droit à l'article "Variétés". Article "Mélange3. Tu penses donc bien mal de notre siècle ?... Bon moyen ! Quoi ! Vas-tu, comme tant de journalistes, dire aussi du mal des femmes, les attaquer pour un rigodon, un menuet, un balancé ?... Cette raison-là ne vaut rien. Tour-à-tour détracteurs, amants, Les hommes nous placent sans cesse Entre la critique et l'encens, Entre la haine et la tendresse. Messieurs, suivez donc mieux nos lois, Abjurez vos plaintes frivoles ; Et, par respect pour votre choix, Ne maltraitez pas vos idoles. Ah ! Je te conçois... Contat, sur la scène embellie, Nous surprend par son jeu parfait ; Et, confidente de Thalie, Trahit et garde son secret. Toujours d'une vaine imposture, Méprisant l'éclat emprunté, Elle a su faire à la nature Le larcin de la vérité. Ça ne se demande pas... Déjà !... Voici mon père, je descends. Laissez-moi ! Il ne sait seulement pas écrire. Je le prouve par cette lettre qu'il vous dicta pour moi, en vous trompant indignement. Le propriétaire du journal. Que dites-vous ? Chez nous plus que par-tout ailleurs, La mode exerce sa puis-sance. Nos goûts, nos ha-bits et nos mœurs Sont soumis à son in-flu-en-ce, Sont sou-mis à son in-flu-ence. Que d'autres, par lé-gère-te, De l'a-mour fa-ti-guent les ai-les Nous, met-tons la fi-dé-li- té Au nom-bre des mo-des nou-vel--les, Au nombre des mo-des nou - velles. **** *creator_chazetdupaty *book_chazetdupaty_arlequinjournaliste *style_prose *genre_comedy *dist1_chazetdupaty_prose_comedy_arlequinjournaliste *dist2_chazetdupaty_prose_comedy *id_ARLEQUIN *date_1797 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_arlequin C'est pourtant Arlequin qui fait ce journal ; et pourquoi ? Parce qu'il sait que mon père ne veut me donner qu'à un homme de lettres. Du choix brillant qu'on me destine, Jaloux de mériter l'honneur ; Pour avoir sa chère Delphine, Mon Arlequin s'est fait auteur. À ses prompts succès je dois croire, Puisque je le vois en ce jour Suivre le sentier de la gloire, Pour voler au temple d'Amour. Il réussira, mon Arlequin, pourvu que Monsieur Gilles n'aille pas l'emporter sur lui auprès de mon père. Depuis vingt-quatre mortelles heures, je n'ai pas vu ma bonne amie, ma chère Delphine !... J'ai mis tout mon esprit dans le numéro d'hier ; et si je ne la vois pas aujourd'hui ! Ah !... Bonjour, ma bonne amie : tu tiens déjà le journal ?... C'est un petit revenant - bon de notre amour. Je t'aime, et me voilà tout de suite un homme.... Oui, un homme de mérite... Pourtant ton monsieur père, qui a des préjugés, ne veut pas que sa fille épouse Arlequin, parce qu'il prétend que je n'ai rien.... Il a tort. Il faut avoir quelque chose, C'est la loi que l'on impose À ton futur époux. J'ai ton amour : or donc, entre nous, Je sens que j'ai quelque chose. (ter.) Comment, mademoiselle, ce que j'y gagne ! D'abord, en gagnant ton amour, J'ai bien gagné, ma chère ; Mon esprit gagne chaque jour, En gagnant l'art de plaire. Ma plume gagne en écrivant ; Et je pourrai, j'espère, Gagner, en gagnant de l'argent, L'aveu de ton cher père. Pas si vite... Attendu que Monsieur Gilles est le propriétaire de la propriété du journal, et que je n'en suis que le rédacteur. Gilles a fourni tout l'argent... Sur ce point-là, Monsieur Gilles ne peut pas faire de fonds ; je suis un auteur pauvre, vois-tu ?... Mais lui, il ne serait jamais qu'un pauvre auteur... Ce n'est pas qu'il ne t'aime. Oh ça !... Mais ce n'est pas d'aimer qui donne de l'esprit ; au contraire, ça rend bête.... Ce qui en donne c'est d'être aimé : aussi... Dans tes yeux j'ai puisé l'esprit : Le doux regard d'une maitresse, Quand c'est le bonheur qu'on y lit, Donne du trait, de la finesse. Mais au moins.... Si l'esprit se prend dans tes yeux, Lorsque l'on y voit sa conquête, Près de toi, que Gille amoureux Ne cesse jamais d'être bête... Près de toi, que Gille amoureux Ne cesse jamais d'être bête... Tu m'enchantes !... Malheureusement je n'ai encore acquis que de l'honneur, et cela ne suffit pas... Je viendrai un jour le surprendre avec un gros sac d'écus, et nous verrons s'il résistera à mes bonnes qualités.... Adieu, ma chère Delphine ! Adieu... Adieu, ma charmante Ronde, ma petite bonne amie... St, st, est-il parti ?..... Quoi ! Ah ! Sangodémi, je n'en suis que le rédacteur. Sait-on que Gilles est le propriétaire ? Tant mieux ; il me vient une idée. Je veux... Il est tout venu... Il ne sait pas que je suis là. Oui, l'air du bureau... Je monte aussi. Voilà ce qui s'appelle des attentions !... Un père qui est aux petits soins. M'y voilà... J'ai déjà un plan.... Ah ! J'aperçois Gilles chez ton père. Il lui fait écrire une lettre. C'est pour une demoiselle. C'est une lettre d'amour. Oh ! Sangodémi, le coquin ! Parbleu ! Nous ausssi. Ils sont attrapés. Ton père s'en va. Je descends pour exécuter mon dessein. Il ne sait rien faire : commençons par le charger de la besogne. Monsieur Gilles, il faut savoir parler vrai. Je conviens que votre état est périlleux, et que les propriétaires sont exposés tous les jours à se faire assommer... Mais dussé-je vous mettre tous les mauvais auteurs à dos... Je prétends.... Ainsi, à votre compte. Il faut imiter, je comprends, Ces journalistes fort prudents, Qui, passant pour de bons apôtres, Flatteurs honnêtes et polis, N'ont jamais donné leur avis, Sans songer à celui des autres. Du reste, si vous avez peur, vous n'avez rien à craindre pour aujourd'hui ; le journal n'est pas fait, et ce n'est pas moi qui le ferai. Je suis triste. Vous savez qu'un lecteur prétend Qu'avant tout on le fasse rire ; Et pour lui plaire, il faut souvent L'amuser, plutôt que l'instruire. Or, j'ai des vapeurs aujourd'hui, C'est là l'obstacle qui m'arrête : On a peur d'inspirer l'ennui Quand on a du noir dans la tête. Comme je fais quand vous ne faites rien. Il faut beaucoup de connaissances. Celles-là sont très utiles ; mais je parle de la science... Il faut savoir rajeunir les nouvelles, les tourner, les arranger, leur donner un air de vraisemblance, combiner les événements, les dates : voilà le talent ; allons !... Eh bien, on invente, on prend des villes, on gagne des batailles, on fait marcher les armées, on annonce la conquête des Pays-Bas, la prise de Mantoue, et puis mille autres petites nouveautés... À Paris on date de Londres Le grand renvoi de monsieur Pitt. Par soi-même on se fait répondre A des lettres que l'on s'écrit ; On s'attaque pour se défendre, Par-tout on extrait de l'esprit, Et l'on a grand soin de répandre Les on dit qu'on n'a jamais dit. Non. Oui, oui, tu crois ? Ah ! Tu vas voir. Un moment. Je suis trop enroué. J'ai mal aux yeux. Je n'entends point. Ah ! Gentil ! Un morceau de Monsieur Balourd... C'est trop long. C'est égal. Ça ne se peut pas... Pardonnez-moi ; on a fait tant de choses qui n'avaient ni queue ni tête... Mais ça n'est pas une raison pour ôter votre fin et votre commencement : j'aimerais mieux ôter tout. C'est de l'épique. Dites que c'est trop court. Vous voyez bien que Monsieur Gilles les trouve trop courts. Je vais arranger ça... ne vous emportez pas... Monsieur Gilles n'a voulu que s'amuser. Soyez tranquille... Monsieur, il est bien fâché d'avoir trouvé votre ouvrage médiocre... C'est qu'il a le goût comme ça. Attendez... Monsieur, pardonnez, il le trouve tout-à-fait mauvais... mais par politesse... C'est vrai... C'est vrai... C'est vrai. Il faut bien dire comme lui... Ah ! La bonne circonstance ! Il faut en profiter en silence ; Car il croit que de l'offense, Tout de bon, Il veut avoir raison. Profitons de sa frayeur, et courons donner le mot aux Colporteurs et aux autres... Monsieur l'Imprimeur, monsieur le Prote ; et toi, mon ami, vous voulez donc bien me servir ?... Vous ferez donc tout ce qu'il faudra faire ? Je crois pouvoir, s'ils y mettent du zèle, Dans mes projets, dès ce soir, réussir. Puisque je puis compter sur votre zèle, Me voilà donc certain de réussir. Viens. Je vais devenir le propriétaire. Tu sauras tout... L'heure presse ; il faut bien vite que j'extraie tout ces papiers pour faire la feuille... En voilà de tous les pays. Il le faut bien. Chaque journaliste habile, En tous lieux a des agents. On écrit de chaque ville Par des couriers diligens. Tous les jours en très-bon style Les dépêches de Strasbourg, Bâle, Madrid, Naples, Lille, Rome, Bourg, Philisbourg, De Luxembourg, Magdebourg, Pétersbourg, De Fribourg, De Louisbourg, De Hambourg, De Limbourg. D'Edimbourg Et d'Ausbourg Arrivent à la file. Il a des correspondances partout... D'abord... Correspondances littéraires Avec messieurs les gens d'esprit ; Puis, avec messieurs les libraires, Correspondance de profit. Voici les mauvaises. Correspondance d'écritures, Mais non d'esprit avec les sots ; Puis correspondances d'injures Avec la plupart des journaux. Nous avons aussi des livres à annoncer. Tiens : voilà un nouveau roman dont il faudra faire l'analyse. Ah ! Ne m'en parle pas, ils me font encore peur !... C'est que leurs auteurs Et leurs traducteurs Ont de l'esprit en diables. Voici maintenant des articles communiqués, où mettrons-nous cela ?... Voyons... "Dissertation sur les fortunes" !... Et ce petit traité sur les "Opinions". Ce morceau sur les "Écrivains du jour". Oh ! Pour cet "Essai sur la Morale et l'Innocence", je le placerai aux "Effets perdus... Récompense honnête à qui en donnera des renseignements". Oh ! Il n'y a pas de quoi... Tiens, voilà une jeune personne qui me prie de l'afficher pour avoir un mari. Excellent... Plus d'une Grecque d'aujourd'hui, Par sa conduite peu cachée, Tout en affichant son mari, Depuis l'hymen s'est affichée. Après l'hymen, encore passe ! . . . . Mais fille qui s'en va cherchant Époux qui, sous ses lois, s'engage, N'en trouve guère en s'affichant Avant le mariage. Ah ! Ceci est un article sur un certain bal d'hier. . . . Oh ! Ce ne serait pas poli... Et puis je les aime trop pour cela... Ne crains pas qu'un sexe charmant Soit l'objet de mes épigrammes ; On doit attaquer le méchant ; On ne doit que chanter les femmes. Pour les sots et les intrigants, Pour tous les amis du désordre, Je réserve mes traits piquants, Et j'ai bien assez de quoi mordre. Il faut que je fasse encore un petit article "Spectacle" ; car j'ai vu jouer hier Contat... Voilà encore des morceaux qu'il faudrait mettre en mille morceaux. Il sera impossible de tout insérer... Mais j'aperçois Gilles : rentre, et sois tranquille... Un petit baiser. Tu as raison, ça se prend... Ah ! Monsieur le poltron ! Monsieur l'ignorant ! Monsieur l'avare ! Monsieur l'amoureux !. . . Voici le Prote : faisons venir les autres... Travaillez ; serviteur. Travaillez... Eh bien, Monsieur Gilles, avez-vous pensé à ce que vous feriez ? Que faites-vous ?... Comment ?... Vous me donnez !... Ah ! C'est comme ça que vous donnez. Je n'achète point. Un propriétaire répond de tout. Jamais... Il faut de l'argent, le propriétaire paye ; un auteur se fâche, le propriétaire répond... L'auteur se fâche encore, le propriétaire doit se fâcher ; on l'insulte, il faut se battre ; il se met en garde, il est tué. Il est pris. Il n'y a que ces deux manières-là de se tirer d'affaire. Les duels sont défendus... Enfermé. Pour le reste de ses jours. Sur la paille. Au pain et à l'eau. Dans un cachot... À vingt pieds sous terre. Et quand il sort ? Aux galères. Une chaîne aux pieds. Un grand aviron de cinquante pieds de long à la main. Puis des coups de bâtons. Je n'ai point d'argent. Je ne veux point le payer. Je le prends. Je le tiens. Sur-le-champ. Ma chère Delphine, je triomphe ; je suis le propriétaire. Je suis prêt... C'est fait. Quoi ! C'est juste. Lequel ne sachant pas écrire, Suivant l'usage a fait sa croix. Signez... Il ne sait pas ce qu'il perd. Son nom ?... La Ronde ? Prends : nous en saurons faire usage. Monsieur !... Monsieur La Ronde, je viens pour vous proposer un autre mari. Le voilà. Oui, monsieur. Et le journal ?... Oui... Mais laissez-moi épouser Delphine, et je vous rendrai votre propriété. Vous qui êtes le papa de Delphine, puisque je suis le journaliste, vous voulez donc bien devenir le mien ? De chaque ouvrage qui paraît, Soit qu'il tombe ou qu'il réussisse, Au public je dois un extrait, Envers lui c'est-là mon office. Nous touchons à l'instant fatal, Accueillez cette bagatelle, Afin que demain mon journal Puisse en donner bonne nouvelle. **** *creator_chazetdupaty *book_chazetdupaty_arlequinjournaliste *style_prose *genre_comedy *dist1_chazetdupaty_prose_comedy_arlequinjournaliste *dist2_chazetdupaty_prose_comedy *id_GILLES *date_1797 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_gilles C'est donc ici qu'habite la maison de mademoiselle La Ronde, et cependant je ne puis jamais lui parler... Elle vous a une manière si singulière de vous regarder... qu'aussitôt que je m'approche d'elle, je n'ai plus la parole à la main... Écrivons-lui... Écrire ! C'est fort bien ; mais c'est que je ne suis fort ni sur l'écriture, ni sur l'orthographe... Comment faire !... Pardi ! Adressons nous à monsieur son père, qui est au fait de ça... Voyons, je m'en vais lui dicter, Pour sa fille, un billet bien tendre ; Il ne pourra pas se douter Du piège que je vais lui tendre. D'ailleurs, moi, puisque chacun dit Que c'est par les lettres qu'il brille, Je veux voir comment il écrit Les lettres de famille. Monsieur ! Vous êtes écrivain ? Vous écrivez de tout ? Tous les genres ? Je vous demanderai un billet doux. Ce n'est pas que je ne sache écrire ; mais je ne veux pas qu'on voie mon écriture. Je suis fort bien là. Comment, laquelle ! Ma foi, ça m'est égal, pourvu que ce soit de l'écriture bien écrite. Ah ça, Monsieur, pas de sottise... Cet autre, avec sa bâtarde ! Pardienne, si je l'aime. Est-ce qu'il saurait quelque chose ? La petite ronde, s'il vous plaît ; j'aime la petite ronde à la folie. Tiens, il prend sa fille pour une écriture. Vous avez bien travaillé ça. Dicter ! C'est mon fort. Attendez que je me réveille... C'est long à venir ; mais quand je vous tiens une fois le premier mot, je vous défile ça droit, currente calamo. Une minute. Je tiens tout. Écrivez... Mademoiselle. De depuis l'instant fortuné, du moment ousque j'ai été assez heureux pour avoir l'agrément de vous entrevoir au petit Coblentz, je me sens, à l'encontre de vous, une passion, et comme une manière de feu qui me parcourt. Impossible d'aller plus doucement. Quand l'esprit sort de chez moi, c'est comme l'éclair... et comme une manière de feu qui me parcourt... Je vous prie donc de croire à l'estime proportionnée à la conséquence de vos charmes que j'ai pour vous, et dont je vous demande une réponse cathé... cathé... catho... Mon dieu, que je suis bête !.... N'écrivez donc pas cela.... C'est cathé.... cathé.... cathégorique, dont je vous demande une réponse cathégorique, pour me déclarer à monsieur votre père avec lequel j'ai l'honneur d'être, et cétera ... absolument à votre service. Gilles. Oh ! Comme il est attrapé ! Je m'en charge.... Voilà votre argent. Je reprendrai ça sur la dot. Voilà ce qui s'appelle un vrai tour d'amoureux... Je verrai à faire remettre ma lettre : mais voyons d'abord Arlequin pour la composition du journal ; c'est l'essentiel. Ah ! Te voilà, mon cher Arlequin ; je suis certainement très content de ta rédaction ; mais, pour dieu, mon ami, de la prudence !... Tu dis trop de mal de la pièce nouvelle ; un auteur peut trouver cela mauvais... On ne sait pas... Je tremble. Quelle extravagance ! Un imprudent qui fronde Paye cher son esprit : En flattant tout le monde, On se met en crédit ; Et c'est ainsi Qu'on peut toujours s'épargner du souci. Pourquoi ? Mais comment ferai-je ? Allons donc... Moi, faire un journal !... Mais sais-tu que c'est très difficile ? Pour des connaissances, je n'en ai pas mal, et qui s'abonneront. Je ne sais rien de neuf. Tu ne peux donc rien faire aujourd'hui ? Eh bien, heureusement voici monsieur Balourd qui va nous tirer d'affaire, et qui nous apporte des morceaux. Que nous apportez-vous, monsieur Balourd ? Imprimons vite ! Donnez à monsieur, qui a un très-bel organe. Lis à mi-voix. Faisons semblant... Voyons. Le taquin !... J'ai parcouru... C'est gentil... Il y en aura pour deux fois. Ôtons la fin. Alors ôtez le commencement. Qu'est-ce que c'est que ça ? Il n'y a que ça. Si l'on pouvait allonger un peu les vers. C'est que ça ne fera que deux lignes, et je voudrais que ça fasse au moins un quatrain. Il se met en colère. Parle-lui donc ? Il se fâche ! Oui. Non... Mais permettez donc ? Quelle affreuse circonstance ! Comment faire ?... De cette offense Il voudra, dans sa vengeance, Tout de bon, Me demander raison. Monsieur Arlequin, avec votre obstination à ne pas lire, voyez... Oh ciel ! Il est parti, rien de fait ! Un auteur en colère ! Ma personne en danger !... Où sera-t-il allé ? Vite, cherchons-le : il faudra bien qu'il travaille... Enfin je te retrouve. Songe donc à mon embarras. Si tu ne fais rien, le journal tombe. Tu sors ! Et Monsieur Balourd, s'il revient ? Mon dieu ! Mon dieu ! Quoi ! Tu n'as rien ! Et il en faut bien long... Comment faire ?... J'irai tout-à-l'heure vous porter la copie... Allez. Allons, j'irai trouver un de mes amis qui me fera quelques articles... À l'autre, voici I'Imprimeur... Que voulez-vous ?... Je n'en ai pas... Combien ? C'est trop... Arrangeons-nous... Je vous donne tout de suite Deux cents francs. Quoi ! non. Quoi ! non. De grace, tenez-moi quitte Pour le quart ! Quoi ! non. Quoi ! non. En ce cas-là, je vous donne Les deux tiers. Quoi ! Tout. Quoi ! tout. Mais tant de rigueur m'étonne ! Les trois quarts ! Quoi ! Tout. Quoi ! Tout. Non, non, vous n'aurez pas tout. Rabattez un peu... Vous aurez tout. Encore !... Je n'ai pas mille écus. Jugez... Considérez... Quoi ! Vous voulez... Donnez-moi... Du temps ?... Huit jours !... Au moins... Songez ! Mille écus ! Mille écus ! Allons, je ferai un dernier effort ; mais je n'abandonne pas mon journal... M'apportes-tu des espèces ? Tu sais ce qui m'arrive. Non, c'est de l'argent. Qu'as-tu ? Je le sais. Trente ans... Quinze mille francs de fonds. Que dis-tu ? Où ? Quel endroit ? De qui ?... Pour qui ? Gageons que c'est de Monsieur Balourd. Ah ! Malheureux Arlequin, voilà ce que tu m'attires... Je ne me bats pas. Alors je me battrai. En ce cas-là je ne me battrai pas. Lis donc. L'Original !... C'est bien moi ! Tu crois donc que j'en mourrai ? Eh bien ! Arlequin se battra. Mais Arlequin est le rédacteur. Eh bien ! Veux-tu ? Pour de l'argent... Tu as raison, tu me sauves la vie. Je n'aurai pas le tems de chercher un autre acheteur... Vendons mon journal à Arlequin... Je serais pourtant fâché que ce pauvre Arlequin fût tué... Mais c'est prévu ; il est adroit, il tuera Monsieur Balourd, et je serai vengé... Mettons-y mon adresse ordinaire, et faisons le donner dedans, en tâchant de ne pas tout perdre... Oui. Rien ; mais j'ai réfléchi que je ne sais pas travailler. Je te suis considérablement attaché, et je veux faire ta fortune. Je te donne ma propriété. Je te vendrai bon marché. Nous traiterons. Qu'est-ce qui t'effarouche ? Mais le rédacteur aussi. Mais si le propriétaire tue l'auteur, comme tu es adroit. Tué ou pris. Mais quand il est pris ? Vrai ! Oh ! Mon dieu ! Est-il possible ? Quelle barbarie ! Ciel ! Miséricorde ! Quoi ! Aux galères ! Ah ! Si long que ça ! Je n'y tiens plus, je veux vendre mon journal. Je ne crains certainement pas tout cela... Mais rends-toi, mon cher Arlequin ! Je te ferai crédit. Je te le donne. Comme il gobe ça ! Passons le marché... Je vais te chercher tout ce qu'il faut.... Point d'ouvrage à faire, point d'argent à donner, point d'auteur à craindre, marché d'or... Voilà tout. Écris. Moi, Gilles ! Propriétaire De l'Original, journal Politique, littéraire, Économique et moral ; J'en déclare titulaire Arlequin le rédacteur ; Ce matin mon secrétaire, Et ce soir mon successeur. As-tu mis ? Une petite clause. Tu peux mourir, on ne sait pas ce qui peut arriver... Écris. Si tu t'en allais le premier, Chose dont n'est exempt personne, Je redeviendrai l'héritier De mon journal que je te donne. De cette façon, comme il peut être tué ce soir, je n'y perdrai rien... En foi de quoi, j'ai souscrit, moi, Jean Gilles. Homme-de-lettres, champenois, Il ne sait pas ce qu'il risque. Maintenant il faut que je m'occupe de faire remettre une lettre à ma maîtresse. Delphine... Juste. La voici ; je me déclare. Mademoiselle, je trouve donc l'instant propice ousque... Lisez au moins cette lettre. Elle la prend, signe explicatif du feu caché qu'elle montre pour moi. Justement voici le père. Monsieur... Chut... Je viens vous proposer un joli marché pour vous et votre fille. Un mari !... Moi ! Ce n'était qu'une plaisanterie. Bah ! Il n'a rien.... Bénéfice en l'air ; il n'est pas fait, et il va tomber. Il avait fait le journal... C'est égal, il faut qu'il donne mille écus dans une heure, et il n'a pas le sou. Quoi !... C'est encore égal, il va être tué en duel ce soir. Je crois que je suis attrapé ! Ce n'est que ça ?... Elle ne m'aime pas. Je te pardonne ; épouse. En poètes, vrais inventeurs, La France n'est pas très-féconde ; En beaux-esprits imitateurs, De tous les côtés elle abonde. Aussi combien d'auteurs nouveaux, En gâtant les anciens modèles, Replacent de mauvais bons mots Dans de vieilles pièces nouvelles. **** *creator_chazetdupaty *book_chazetdupaty_arlequinjournaliste *style_prose *genre_comedy *dist1_chazetdupaty_prose_comedy_arlequinjournaliste *dist2_chazetdupaty_prose_comedy *id_BALOURD *date_1797 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_balourd Dix pages.... C'est long.... mais c'est beau. Prenez lecture. En ce cas, lisez... Lisez haut. Gentil !... Ôter mon dénouement ! Y pensez-vous ? Commencer, finir par le milieu mais ça n'a pas d'exemple. Je vois que ce morceau ne vous convient pas ; je vais vous donner de la poésie, un distique. Un poème en deux vers. Écoutez... Que la reconnaissance a d'invincibles droits Sur les cœurs... francs, bons, doux... hauts, purs, vifs... chauds et droits. Hein !... Allonger mes vers !... Vous ne voulez donc pas de mes deux vers ? Trop longs, trop courts, point de commencement, point de fin : vous moquez-vous de moi ? S'amuser à mes dépens. Médiocre, moi ! Me trouver médiocre !... Comment, mauvais !... Apprenez, Monsieur, que je me soucie fort peu de votre jugement... que vous n'êtes pas en état de m'apprécier !... Que vous êtes un ignorant. Un fat. Et que je saurai m'en venger... Ah ! morbleu, quelle impudence ! Et je pourrais souffrir en silence Une pareille insolence ? Morbleu ! non, J'en veux avoir raison. Bientôt, bientôt, ma vengeance Prouvera, Que de ma science On fait plus de cas en France. Ailleurs, oui, l'on m'imprimera. **** *creator_chazetdupaty *book_chazetdupaty_arlequinjournaliste *style_prose *genre_comedy *dist1_chazetdupaty_prose_comedy_arlequinjournaliste *dist2_chazetdupaty_prose_comedy *id_LIMPRIMEUR *date_1797 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_limprimeur Il me chicane toujours pour la dépense. Un Imprimeur est homme à caractère. De mon talent je donnerai des preuves. De l'argent ? Il m'en faut... Quinze cents francs. Voilà le compte. Non, non. Non, non. Non, non. Non, non. Non, non. Non, non. Non, tout. Oui, tout. Oui, tout. Non, tout. Oui, tout. Oui, tout. Je prétends bien avoir tout. Je veux tout. Et de plus... Il me faut des avances... Encore autant ! Cherchez-les... Mille écus !... Mille écus !... Mille écus ?... Mille écus ?... Une heure. Non. C'est dit. Adieu... Je lui fais crédit. **** *creator_chazetdupaty *book_chazetdupaty_arlequinjournaliste *style_prose *genre_comedy *dist1_chazetdupaty_prose_comedy_arlequinjournaliste *dist2_chazetdupaty_prose_comedy *id_LEPROTE *date_1797 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_leprote Moi, pour l'impression. Qui mieux que nous, Monsieur, peut vous servir ? Un Prote est fait à faire des épreuves, Et vous verrez si je sais mon métier. Monsieur. Bien vite, bien vite, J'accours tout de suite, Chercher quelque morceaux piquants, De prose, de prose ; C'est bien peu de chose Pour votre esprit, pour vos talents. J'attends de vous un chef-d'œuvre insigne ; Car, en faisant l'Original, Vous vous êtes toujours ; oui, toujours rendu digne Du titre, du titre de votre journal. Rien. Tout le journal. Hâtez-vous ?... Bon, le voilà bien embarrassé ! Voilà la feuille toute imprimée pour demain.