**** *creator_chevreau *book_chevreau_avocatdupe *style_verse *genre_comedy *dist1_chevreau_verse_comedy_avocatdupe *dist2_chevreau_verse_comedy *id_atalante *date_1637 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_atalante Ma Sœur, que la misere est aujourd'huy commune ! Qu'on fait par la beauté rarement sa fortune⁎ ! Que le sort⁎ est ingrat à celles qui n'ont rien ! Nous voyons que tout manque à qui manque de bien, Et que la pauvreté semble estre si funeste⁎, Que le monde la fuit à l'égal de la peste. Dans la prosperité, mille petits plaisirs Succedoient tous les jours à nos jeunes desirs ; Les uns nous conduisoient le soir aux promenades, Les autres nous donnoient le soir des serenades, Et par des instrumens capables de charmer, Taschoient de nous surprendre, et de se faire aimer : L'honneur qu'ils en avoient leur servoit de salaire⁎, Et s'ils jouoient du luth, de peur de nous déplaire, Tous ces Amants⁎ brûlez et transis à la fois Trembloient le plus souvent jusques au bout des doigts. Par tout également leur ame estoit éprise, Ce n'estoit que pour nous qu'ils alloient à l'Eglise, Ils nous donnoient le bal, s'exerçoient à louër Tout ce dont la Nature avoit pu nous doüer, Nous faisoient en secret sçavoir leur maladie, Nous menoient avec eux pour voir la Comédie⁎, Et si leur feu⁎ croissoit, pour le mieux apaiser, Ils inventoient des jeux afin de nous baiser : Bref le plus médisant nous mettoit en estime, Et ne nous pas aimer c'estoit commettre un crime. Maintenant qu'un procez a changé nostre sort⁎, Nous sommes sans amants⁎, nous sommes sans suport, Ceux qui nous caressaient nous font mauvaise mine⁎, Et leur esprit est froid comme nostre cuisine. Les juges ont treuvé ce procez odieux, Pource que trop peu d'or éclattoit à leurs yeux. « Helas ! Nostre partie en fit bien son affaire, « Et vit bien que l'argent y seroit necessaire, « Que c'est par ce moyen qu'on les doit étonner⁎, « Et qu'on n'en a du bien qu'à force d'en donner : « On ne les repaist plus de tous ces graves termes, « Qui rendoient leurs esprits si justes et si fermes, « C'est en vain jour et nuict visiter leurs maisons, « Ils sçavent mieux peser nostre or que nos raisons, « Atalante, ma sœur, sçait par experience « Qu'ils ont beaucoup de mains, mais peu de conscience, « Qu'un écrit sans present sert à les irriter, « Qu'il faut perdre avec eux afin d'y profiter, « Et qu'en tout temps ces gens qui causent nostre perte, « Comme les Medecins tiennent la main ouverte. Est-ce, ma chere sœur, des jeunes Advocats Dont ton esprit se picque, et dont tu fais du cas ? Qu'on a troublé tes sens ! Que ta sottise est grande ! Et qu'à saint Mathurin tu dois bien une offrande ! Que tu crois de leger ! Que tu conseilles mal ! Et qu'un jeune Advocat est un sot⁎ animal : Depuis que j'en voy tant, sçache que je me pique D'entendre aussi bien qu'eux les termes de Pratique. Ordonnances, Edicts, verifications, Inventaires, defauts, renvois, productions, Requeste, apointemens, contredits et sentences, Appel, desertions, demandes, et deffences, Graces, remissions, inscriptions à faux, Arrests, transactions, griefs, lettres Royaux; Bref ils s'estiment bien quand des choses pareilles Pour me rendre sçavante ont chocqué mes oreilles, Et me viennent conter sans aucune raison Qu'ils entendent⁎ Cujas, et Barthole, et Jason. Au reste sans sujet chacun s'en fait accroire, On ne les peut aimer à cause de leur gloire⁎ : Leur humeur⁎ est plaisante ; ils font les courtisans ; Et prens garde, ma sœur, qu'ils sont tous médisans. Pour leur plaire il faudroit prononcer des oracles, Et pour les contenter faire quelques miracles ; L'une sera passable, et l'autre n'aura rien Qui puisse mériter le plus simple entretien, Ils prendroient celle-cy, mais c'est un corps sans ame, L'une aura trop de glace, et l'autre trop de flâme⁎, Celle-cy parle trop, l'autre parle trop peu, Bref rien n'est suffisant de leur donner du feu⁎. Ces petits Advocats sont d'une humeur⁎ étrange ! Il faudroit qu'une fille eut la beauté d'un Ange, Et que l'esprit fut tel, que jamais un Amant⁎ Ne l'oüit, sans entrer dans un ravissement, Pour moy. Ah ! ne me reduis point à tant d'extremitez⁎, Le plus juste Advocat prend de tous les costez. Non, non, je n'en veux point. J'en feray mon Amant⁎, un sous-ris, une œillade     D'un qui sera bien sain en peut faire un malade. Je fais ce que je veux, un geste seulement Afflige à mon desir, ou ravit un Amant⁎. Genereuse Isidore, il faut que je t'advoüe Que ton esprit me plaist, et qu'en fin je te loüe, Qu'en ce temps la richesse est un puissant motif, Et qu'un homme pour elle est aisément captif⁎. Mais quoy ce Polydas m'aime sans me conétre, Son amour doit finir ainsi qu'on l'a veu naître. En quel lieu bien-heureux recevray-je sa foy⁎ ? Où le pourray-je voir ? Qui parlera pour moy ? Il faut auprés de luy quelqu'un qui l'entretienne⁎, Et dont la bonne humeur⁎ seconde un peu la sienne. Tout nous vient à propos, Voy nostre Curateur d'où dépend mon repos⁎. Nous plaignions nos mal-heurs, et nôtre peu de bien ; Ah ! Monsieur, la raison finiroit mon envie, J'aime bien plus l'honneur que je n'aime la vie ; Je suivray le sentier que vous m'avez batu, « L'or quoi que precieux vaut moins que la vertu⁎. Mais est-il deffendu de chercher dans son ame Dequoi nous enrichir sans meriter du blame ? Puis que la pauvreté fait nôtre mauvais sort⁎ Malgré ce grand orage il faut chercher un port, Et charmer si l'on peut tellement la fortune⁎ Que contre sa coutume aucun ne l'importune, Cent francs y suffiront. Nôtre affaire ira bien, ton esprit est charmant, Si c'est par ce moyen que j'aquiers un Amant⁎. Il est vrai qu'il est vain, qu'il se plaist d'ordinére A loüer sa vertu⁎ qui n'est qu'imaginêre, Qu'il s'estime beaucoup pour un peu de beauté, Et qu'on rit bien souvent de cette lacheté, Il conserve son teint comme une Damoiselle, Il se prise par tout autant que la plus belle, Il me veut imiter, il fait ce que je fais, Il croit estre honneste⁎ homme, et ne le fût jamais. En un mot je l'ai veu d'une humeur si fantasque, Qu'il essaioit mes gans, qu'il s'ajustoit un masque. Il craignoit le serain, le Soleil et le feu, Et de peur de rougir, il ne marchoit qu'un peu. Je l'aime toutefois sçachant bien sa naissance, Et vous en tirerez beaucoup d'obeïssance, Je sçai qu'il est fidelle, et qu'à cause de moi Il fera son devoir, et me tiendra sa foi⁎, Et s'il vous peut servir dans ce qu'il peut entendre⁎, Vous m'obligerez bien si vous le daignez prendre. Il n'auroit pas besoing d'une telle licence, Ne sois plus glorieux⁎, prens le soin de luy plêre, Autrement sois certain d'êpreuver ma colêre : Si tu ne te resous desormés à changer, Adieu, n'arreste plus, tache à me soulager. Parle autrement. Tantôt je t'irai voir. Monsieur je n'ûs jamés d'assez dous compliment, Qui suffise assez bien à ce remerciment, Mais dans l'occasion je me rendrai capable De vous faire treuver mon service agreable. Mais que pouroit-on dire ? Ceci donneroit bien des matieres de rire. Ouï je vous le promets ; si la discretion Entretient vôtre crainte, et vôtre affection. Adieu ne sortez point. Toutefois c'est bien tôt pour parler de se voir, Et sur tout sans conduite, et se servir du soir. Il faut le contenter ; en tout cas j'ai Sicandre Qui me fait assister, et qui me peut deffendre, Je hazarde⁎ beaucoup, mais n'aiant plus de bien Excepté mon honneur, je ne hazarde⁎ rien. Est-ce vous Polydas ? Quoi me traiter ainsi ! ta fourbe est découverte, Mais si j'ai des amis tu dois craindre ta perte. Ne m'opose plus rien afin de me changer, Puis que j'ai trop de cœur pour ne me pas vanger. Sachez que vôtre gloire⁎ avoit esté trop haute, Et qu'un pront repentir doit suivre aussi ma faute. Monsieur j'en ay trop fait ; je ne puis plus attendre, Polydas nous resiste, on ne peut l'entreprendre, Sçachez que nos filets sont trop foibles pour lui, Qu'ils peuvent seulement nous donner de l'ennui⁎, Que nous perdons le temps, et que tant de chimeres En augmentant sa gloire⁎ augmente nos miseres. L'entreprise en est faite, Ma franchise est le bien que mon ame souhaite. Je me rendois esclave, et je voi clairement Qu'il vaut mieux estre libre, et n'avoir point d'Amant⁎. J'en veux tirer ma sœur. J'y vais sans differer, et je suis assez pronte Pour treuver aujourd'hui de quoi couvrir ma honte. Ne m'en parlez jamés, je ne veux qu'Isidore, Je ne viens en ce lieu qu'afin de l'en tirer. Dequoi me servira de suivre vos âvis, S'ils ne servoient de rien, quand ils étoient suivis ? Sentons encore un coup, et voions si le sort⁎ Nous doit faire aujourd'huy rencontrer quelque port. O Ciel qui vit jamés une telle entreprise ! Quoi suis-je pour celui que le sort⁎ favorise ? J'aurois en cét état le destin rigoureux. Non, non, soiez vaillans, ou soiez amoureux⁎, Si vous le desirez terminez vôtre vie, Et malgré vôtre mort conservez vôtre envie, Vous cherchez seulement à me desobliger, Mon interest se doit autrement ménager. O Ciel quelle rigueur ! Vous l'aprochez en vain, puis que je vous retiens, C'est avancer mes jour que d'avancer les siens. En cessant de soufrir, je cesse aussi ma plainte, Je n'ai point eu de mal que celui de la crainte, Je demande sa vie. Je ne crerai jamés cette faveur petite. Puis que ce Cavalier vous a donné la vie, Qui possible sans moi vous eut esté ravie, Pourveu que Flaminie apreuve son amour, Je croi qu'il doit benir Polydas, et le jour. Puis qu'on veut m'imposer cette necessité. Sicandre me ravit pour sa fidelité. Que Sicandre se donne un moment de loisir, Qu'il parle, mon esprit apreuve son desir. C'est assez, je le veux, mon esprit combatu D'une legere peur, a repris sa vertu⁎. Nos parens avertis, il faut bien que je croie Que rien ne peut troubler une semblable joie. **** *creator_chevreau *book_chevreau_avocatdupe *style_verse *genre_comedy *dist1_chevreau_verse_comedy_avocatdupe *dist2_chevreau_verse_comedy *id_isidore *date_1637 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_isidore Il se faut consoler, et tascher desormais De posseder du moins une éternelle paix Maintenant nostre mal⁎ peut avoir son remede, Et si nous le voulons, nous treuverons de l'aide. Nous n'avons point perdu l'esprit ni la beauté, Il s'en faudra servir dans une extremité⁎ : Un certain Advocat, comme on m'a fait accroire, Veut establir chez nous son repos et sa gloire⁎, Il ne vous connoist point ; un recit seulement De vostre bonne humeur⁎ l'a rendu vostre Amant⁎ : Il est riche, il est jeune, et sa flamme⁎ naissante Toucheroit doucement vostre Ame languissante. N'en parlez plus, ma sœur, chere Atalante, Je puis rendre aisément vôtre ame plus contente.     Si Polydas vous aime, et qu'on treuve aujourd'huy Un moyen qui soit prompt à flater vôtre ennuy⁎, Sans doute vous crerez que je vous suis fidelle, Puis que vôtre fortune⁎ en doit estre plus belle. Je plains vôtre sottise, Ils prennent quelquefois, mais on les authorise : Ils demandent en droit ; leurs pechez infinis, « Quoy qu'ils soient reconnus, ne sont jamés punis. « Ils peuvent exercer beaucoup de violences, « Puis qu'ils ne prennent point sans avoir leurs licences : Mais non, ma chere sœur, il vaut mieux raisonner, Car nôtre pauvreté nous devroit étonner, Nous avons quantité de collets et de juppes, Mais ce sont seulement des filets pour des duppes, On nous voit du satin, nous portons du tabis, Mais on s'arreste à l'or, et non pas aux habits : Vôtre foible raison doit ceder à la mienne. L'argent est toujours bon de quelque lieu qu'il vienne : Lors que nous en aurons nos yeux seront charmans, Nous recevrons des vœux, nous aurons des amans⁎, Nôtre sort⁎ rigoureux finira sa colêre, Nos plus grands ennemis tascheront de nous plêre, Et tous ceux que nos yeux avoient fait endurer Avec mille respects viendront nous adorer. Croyez-moy, Polydas est d'humeur⁎ à se prendre, S'il vous voit un moment, forcez-le de se rendre, Joüez de la prunelle, et dans vostre entretien⁎ Soyez de bonne humeur⁎, ne luy refusez rien. Il ne me connest point, je veux m'offrir à luy, Ce moyen seulement finira vostre ennuy⁎, J'auray d'autres habits, tout nous sera propice, Je feindray d'estre Clerc, je luy rendrai service, Et tout reüssira si bien à mon desir, Que nous ne devons pas negliger ce plesir. Laissez faire le reste, et vous serez contrainte Quand nous aurons tout fait de bannir vostre crainte : Mais il faut de l'argent. Il faut bien en avoir, nous l'y sçaurons contraindre, Pour en tirer de luy, nous n'avons qu'à nous plaindre. Vous sçavez justement l'art de charmer nos penes⁎, « Un ami se connest aux choses incertenes. Je voi dans cét âvis vôtre esprit ingenu, « Et connois que l'épargne est un bon revenu, « Qu'un bien dure long temps alors qu'on le ménage, « Et qu'on n'en peut tirer qu'un puissant avantage ; Mais helas ces propos vous semblent superflus, « Puis que le temps passé ne se recouvre plus. Toutefois dans l'état où le destin nous range, Il faudra malgré tout que son caprice change, Et qu'un trait excellent n'agueres médité, Finisse nôtre vie ou nôtre pauvreté. Nous vous dirons bien tôt l'affaire toute nuë, Vous en pourrez loüer et la cause et l'issuë, Et vous apreuverez un aussi joli tour Qu'on en ait veu dans l'art de pratiquer l'amour. **** *creator_chevreau *book_chevreau_avocatdupe *style_verse *genre_comedy *dist1_chevreau_verse_comedy_avocatdupe *dist2_chevreau_verse_comedy *id_philemon *date_1637 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_philemon Mes Dames quel sujet vous servoit d'entretien⁎ ? Vous pouviez dés long temps vous choisir un remede Capable de guerir le mal⁎ qui vous possede. Vous cherchez à parêtre, et tant de nouveautez Vous ont mis depuis peu dans ces extremitez⁎. Par tout également vôtre humeur⁎ s'acommode,     Vous changez plus d'habits qu'on ne change de mode, Vous dépensez en fard, en robes, en galans⁎, Vous ne portez jamés deux fois de mêmes gans, Vous avez des habits pour parêtre plus belles, Il vous faut des collets, des masques, des dantelles, Des toiles, de la poudre à secher vos cheveux, De qui les dous liens ont tant fait d'amoureux⁎, De riches bracelets, des coliers, des guirlandes ; Non, non, ce sont pour vous des sottises trop grandes. Pour si peu de plesir c'est avoir trop de mal, Et c'est prendre un chemin qui mene à l'hospital⁎. Vous en avez trop faict, il est temps de se rendre, « Ne pouvant plus monter, sçachés qu'il faut déscendre, Et quitter cét orgueil qui vous a mis au point De perdre tous les jours et de ne gaigner point. Je sçai que maintenant vous m'estes redevables De ce dont je vous tiens desormais insolvables, Que les comptes rendus, on vous preuvera bien Que vous devez beaucoup, et qu'on ne vous doit rien. Mais comme un bon ami, je vous ferai parêtre Que vôtre esprit un jour devra me reconêtre, Et qu'à present bien loing de vous estre importun Je ne possede rien qui ne vous soit commun. S'il choque vôtre honneur vous serez méprisée, Vous servirez par tout de sujets de risée, Vous scandaliserez vos plus proches parens, Mille sorte de maus⁎ leurs seront aparens, On les verra passer sans en faire du conte, Et vous serez perduë aiant perdu la honte ; Ainsi n'esperez plus d'avoir aucun bon-heur, « Tout mal⁎ doit arriver à qui n'a plus d'honneur. Je vous les veux donner S'il est vray que je seme afin de moissonner. Pourveu qu'à vôtre espoir cette ruze réponde Le succez me rendra le plus content du monde. Quelle surprise, ô Ciel ! Vous estes revenu, La guerre vous avoit bien long temps retenu. Au moins je reconnois ici vôtre avantage, Si nôtre esprit s'en doit raporter au visage. Un semblable em-bon-point montre vôtre santé, Mais dedans ces habits je voi la pauvreté, Et j'oserai gager que dans toutes vos cources « L'argent n'a point crevé vos poches ny vos bources. N'en esperez plus rien, on a consumé tout, Un procez et vos sœurs en ont treuvé le bout. Ne parlez plus des vôtres, Vous en avez autant dépensé que les autres. Nous le verrons bien tôt sans aucune surprise, Mais changons cependant d'habit et de chemise, Et je vous aprendrai par divertissement Tout ce que font vos sœurs pour avoir un Amant⁎. C'est Polydas. J'ay crû qu'il n'estoit pas d'un si facile accés, Et que vôtre dessein n'auroit point de succés. Qui pourroit-on dupper dans le siecle où nous sommes ? Les filles valent moins en esprit que les hommes ! De plus ces Advocats sont tellement rusez, Que les autres par eux sont toûjours abusez. Quand vous aurez du bien, vous serez assurée D'avoir mille plêsirs d'une longue durée, De recevoir ses vœux, d'ouïr ses complimens, Et de faire par tout toutes sortes d'Amans⁎. Mais quoi ce point nous manque, et ce qui m'est sensible, C'est que vôtre misere est un peu trop visible, Et que ces courtisans qui nous faisoient la cour Vous treuvant sans moiens se treuvent sans amour. Où vous pouvoit porter vôtre melancolie ? Et de qui tenez-vous une telle folie ? Sçachez que vôtre esprit n'est point si delicat Qu'il puisse par ses tours surprendre un Advocat. Crere tromper ces gens, dont l'ame n'est feconde Qu'à treuver des moyens pour tromper tout le monde. Vôtre dernier procés vous a fait assez voir Où consiste aujourd'hui leur gloire⁎ et leur sçavoir : Surprendre c'est leur but, gaigner c'est leur envie, Pour leur seul interest ils estiment la vie ; En un mot s'il se peut pour nôtre propre bien, Ne les recherchez plus, n'entreprenez plus rien. Vous pouvez témoigner. Sans tarder d'avantage Allez-y prontement, et revenez plus sage. Rabatés toutes deux de vôtre vanité, Et vous m'aporterés moins d'incommodité. **** *creator_chevreau *book_chevreau_avocatdupe *style_verse *genre_comedy *dist1_chevreau_verse_comedy_avocatdupe *dist2_chevreau_verse_comedy *id_polydas *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_polydas Ma sœur vous sçavez bien que le monde l'estime, Et confessez par là mon amour legitime ; Le bruit de ses vertus a des-ja tant d'effet Que je tiens dés long-temps ce chef-d'œuvre parfet, Même les plus jalous luy donnent tant de charmes, Qu'au lieu d'y resister ils luy rendent les armes ; Et je croi qu'Atalante a des attraits⁎ puissans Puis que ses ennemis⁎ les treuvent ravissans. Pour moi qui sans la voir cheris sa renommée, Et qui voi que ma flâme⁎ est assez alumée, J'aprehende ses yeux, et je crains leur pouvoir Si je le sens des-ja premier que de les voir. Dans cette occasion cette ardeur violente Qui me brûle toujours ne devient pas plus lente, Et par un sort secret qui conclud mon trépas Je suis forcé d'aimer ce que je ne voi pas. Au moins si le bon-heur m'ût fait voir son visage Je ne me plaindrois pas, j'aurois cét avantage, Et son teint et son corps à qui rien n'est égal Ne m'auroient pas causé peut-estre tant de mal⁎ ; Et dans un tel état. Je la cheris ma sœur d'une amour legitime, Où l'excès est loüable et le change est un crime, Le feu⁎ que j'ai pour elle est si dous et si beau Qu'il doit m'acompagner jusque dans le tombeau. Mais dequoi desormés m'en servira la veüe Quand je lui ferois voir mon ame toute nuë ? Quand je l'esleverois par dessus tous les Cieux, Que mon esprit confus la suivroit en tous lieux, Que je l'adorerois, et qu'enfin mes loüanges Feroient voir ses apas⁎ à la honte des Anges ; C'est un foible moyen pour l'attirer à moi, Et peut-estre qu'un autre aura des-ja sa foi⁎. O Ciel que ce mal-heur affligeroit ma vie ! Le trépas seulement finiroit mon envie, « Je voudrois estre seul, car l'amour a ce mal⁎ « Que comme il est unique il ne veut point d'égal. S'il te falloit aimer, ah tu craindrois de même, Il faut estre jalous de la chose qu'on aime, N'aimer pas comme moi, c'est n'aimer rien qu'un peu. C'est par là bien souvent qu'on entretient son feu⁎, C'est par cette raison qu'un Amant⁎ se captive, Et que sans cette ardeur une flâme⁎ est oisive. « Un esprit bien jalous aime parfaitement, « Et tel qui ne l'est pas aime indifferemment. Nous sommes dans un temps où les moindres cocus Sont toujours sans honneur, mais non pas sans escus. Tout leur vient à souhait, et souvent ils soupirent D'en avoir plus deux fois que leurs cœurs n'en desirent. Au moins je me resous à souffrir cét afront, Les cornes rarement incommodent le front. Nous sortons d'un sujet que je ne puis quitter, Tasche ma chere Sœur à me ressusciter. Cherchons cette Atalante, et puis s'il est possible Faisons-luy voir mon feu⁎ qui n'est que trop visible, Si sa beauté répond à ce qu'on m'en a dit Mon cœur à son abord doit bien estre interdit, Jamés un pauvre Amant⁎ n'ût de si grandes pênes⁎, Et jamais un captif⁎ n'ût de plus fortes chaines⁎. N'importe il se faut mettre en hazard⁎ de guérir, Et contenter mes yeux quand j'en devrois mourir. Si tu me fais ce bien, je dépite le Ciel De me verser jamés une goutte de fiel⁎ ; Si ton invention me doit estre propice Je ne sçaurois plus choir dans aucun precipice, Et si je puis l'avoir, je serai plus ravi Que si tout l'Univers devoit m'estre asservi. Tu me soulageras, et tu feras ta gloire⁎ Si tu peux travailler comme tu me fais croire. Ses vanitez ma sœur sont tout à fait étranges, Il s'obstine d'abord à faire ses loüanges : Cette gloire⁎ m'étonne, et me rend interdit, J'aime bien ce qu'il sçait, mais non pas ce qu'il dit. Quand même ce qu'il dit parêtroit veritable, Ah cette vanité me semble insuportable, Voi que mal-aisement on le peut retenir, Aussi bien en deux jours faudroit-il le bannir. Son orgueil est trop grand, il se doit reconêtre, A l'entendre parler il pense estre le maître : Non, de quelque sçavoir qu'il puisse estre doüé Il a fait une faute alors qu'il s'est loüé. Helas tu ne sçais pas le mal⁎ que tu te causes ! J'aime l'humilité par dessus toutes choses : Tu doy te corriger d'un visible defaut, Au lieu de t'abaisser tu t'esleves trop haut, A t'ouïr, un avis, un conseil t'incommode, On treuve en ton esprit le Digeste et le Code, Ton moindre sentiment est plus fort qu'une loi, Et tu seras tantôt aussi sçavant que moi. Adieu, va mon ami, ta sottise est trop clere, Malaisement ta pene⁎ aura-t'elle un salere : Ne tarde plus ici ; n'en parlons plus ma sœur, Je veux avoir un Clerc, et non pas un censeur, Et quand même il seroit le plus parfait du monde Pour sa fidelité, je veux qu'on m'en réponde. Et bien pour cét effet as-tu quelques parens ? Son nom. Il arrive à propos Dans cette occasion je treuve mon repos. D'où la connessez-vous ? Tout le monde la vante. Tirons-nous à l'écart. Je n'ai point fait de vœus à qui tout ne succede, Si tôt que j'ai du mal j'y rencontre un remede. Je n'estimeray plus mon destin rigoureux, La fin de son discours m'a rendu trop heureux. Ma sœur, si nous usons d'une grande conduitte, J'aurai d'oresnavant la fortune⁎ à ma suitte ; Outre que ce plesir me doit estre si dous Que le moins envieux en doit estre jalous. Mais l'irons-nous treuver ? Faut-il point qu'elle vienne ? Parle, car ton amour doit soulager la mienne. O Ciel ! Que ton conseil m'est en tout necessêre ! Tout mon bon-heur sans toi seroit imaginêre. Il est vrai je le dois, son logis n'est pas loing, Et puis le Clerc fera mon excuse au besoing. Venez donc me conduire au logis d'Atalante, C'est d'elle maintenant que dépend vôtre attente. L'aiant de vôtre main, je le veux estimer, Et puis que vous l'aimez, il me pourra charmer. Sa fortune⁎ chez moi ne sera pas trop grande, Toutefois en entrant je veux qu'il y commande, Qu'il y soit respecté, qu'il sorte à son desir, Et qu'enfin nuit et jour il cherche son plesir. Qu'il n'aprehende point aucune violence. Il a ses volontez, il en peut disposer, Estant chez moi, Madame, il poura tout oser. Sa fortune⁎ est extrême, Je voudrois estre Clerc pour estre aimé de même. Je ne crerai jamés que le sort⁎ me soit dous Que quand j'aurai l'honneur d'estre emploié de vous. Que ta condition Sicandre est belle et rare ! Elle pouroit toucher les esprits d'un barbare, Et pour un tel bon-heur à qui rien n'est égal ; Un rocher deviendroit ou jalous, ou rival. Estre aimé d'Atalante, ô quelle grande joie ! Il parest que tes jours sont tous filés de soie, Et tu te peux vanter de goûter un plesir, Qui bornant ta fortune⁎ a borné mon desir. Ce miracle en beauté quelquefois te regarde, Un homme est trop heureux d'en avoir une œillade, Et si j'ozois attendre un tel contentement, Je craindrois de mourir par un ravissement. D'abord qu'on m'en parla, je me vis curieux D'épreuver de plus pres le pouvoir de ses yeux, Je l'aimai sans la voir, mais apres l'avoir veuë, Mon ame n'usa plus d'aucune retenuë, Et par mes actions j'ai fait voir que mon cœur S'est rendu son esclave et son adorateur. Dans un bien si puissant j'aurois tout l'avantage⁎, Si ma flâme⁎ par fois estoit sur mon visage, Mais peut-estre elle croit quand je rougis un peu, Que je rougis de honte, et non pas de mon feu⁎ Il est vrai, je le dois, car sachant son mérite Je me veux eslever, et je me precipite, Cét Ange à qui mon cœur sert aujourd'huy d'Autel Doit avoir pour Amant⁎ un autre qu'un mortel. Mais pour un tel Soleil il faut que je m'egare, Et pour lui desormais je veux vivre en Icare. Que si j'ai son trépas comme j'ai son defaut, Je me pourai vanter d'avoir volé plus haut. Mais toi qui la connois, penses-tu que son ame Apreuve ma recherche, et brûle de ma flâme⁎ ? Tu l'as treuvé Sicandre, Et tu me serviras si j'oze l'entreprendre. Allons cela suffit, ce jour m'est trop heureux, Sois donc autant ami que je suis amoureux⁎. Astre qui conservez ma vie, Ange à qui mes sens font la Cour, Objet digne de mon envie, Miracle de grace et d'amour : Prodige incroiable de charmes, Adorable ennemi⁎, doux et juste vainqueur, Puis qu'il est temps que je rende les armes, Gardez ces vers aussi bien que mon cœur. Tout est contrêre à mon attente, Je croiois sortir de prison ; Mais vos beautez chere Atalante Sont plus fortes que ma raison : C'en est fait, vôtre œil me consume, Et si vous en doutez considerez un peu Que desormais loing de prendre la plume, Mon propre sang vous signera mon feu⁎. Divin sujet de mon martire Qui savez si bien triompher, Si la flâme⁎ pouvoit s'escrire Ces vers vous pourroient échaufer : Ah faux espoir qui me contentes, C'est trop t'entretenir⁎, je crains pour mon malheur, Qu'elle ne semble à ces glaces ardantes Qui brûlent tout, et n'ont point de chaleur. Mais je sens que ma mort s'aproche, Mon destin ne se peut gauchir ; Comme elle porte un cœur de roche, Rien ne la peut jamés flechir : L'ingratte qui retient mon ame Me voiant soûpirer et pleurer si souvent, Poura juger qu'au lieu d'estre de flâme Je ne suis plus que de l'onde et du vent. Mais pour en faire une autre épreuve, Et rendre mon destin plus beau, Je veux que tout le monde treuve Ces quatre vers sur mon tombeau : Passant la mort m'a voulu prendre, Je l'en voulu prier, elle agréa mon vœu ; Puisqu'aujourd'hui je ne suis plus que cendre Croi qu'autrefois j'avois esté feu⁎. Comme je fais des vers sans y joindre la pene⁎, Quand j'y pense le moins j'en tire de ma vene ; Ils ne sont pas mauvais, ils expriment assez Mes tourmens avenir, et ceux qui sont passez, Mille Poètes nouveaux que le vulgaire estime Pouroient-ils bien treuver si doucement la rime ? Quand je la veux chercher m'éloignai-je du sens ? Ces vers quoi qu'ils soient doux font des effets puissans. J'y mets des nouveautez, les graces y sont jointes, J'y fais plutôt entrer la raison que les pointes, Je poursui mon sujet, et croi sans vanité Qu'en disant qu'ils sont bons, je dis la verité. Mais une stance y manque, il faudra ce me semble Luy faire consentir que l'Hymen⁎ nous assemble. Toutefois c'est bientôt, je croi qu'il vaudroit mieux Pour flatter son esprit lui parler de ses yeux ; Lui dire que son teint a seul ce privilege De brûler un chacun, combien qu'il soit de nege, Mais que me servira de vanter sa beautê, Si je ne l'entretiens⁎ de ma fidélité. Huit vers y suffiront ; que ma pensée est forte : Mais non ; je ne doi pas commencer de la sorte. Premier que de le voir En sçais-tu le sujet ? Tu le vas savoir. Sache qu'en l'abordant, j'aperceu devant elle Un miroir qui montroit combien elle estoit belle, Cieux que je fus ravi, lors que ses yeux ardans Jettoient d'un seul regard tant de feux⁎ là dedans ! Helas ! Ma chere sœur son visage et sa grace Sans fondre aucune chose échaufoient cette glace. Si je la regardois pour soulager mon mal⁎, L'image me brûloit comme l'original, Et mon esprit confus dedans cette avanture⁎ Ne savoit que choisir d'elle, ou de sa peinture. Abordant son miroir je la voulois baiser ; Croiant qu'ainsi mon mal⁎ se pouroit apaiser ; Mais l'ingratte fuioit dans mon amour extrême, Et la pensant baiser je me baisois moy-même. Je voiois mon visage où j'avois veu le sien, Je voulais prendre tout, et je ne treuvois rien, Je la cherchois assez pour lui rendre un hommage, Mais quoi ce faux miroir me cachoit son visage, Et quand j'en aprochois j'etois transi de peur, Car je voiois ma teste où j'avois veu mon cœur. Voici donc le Sonnet. Ma Sœur ne le lis pas, car tu me ferois rire. SUR LE MIROIR D'ATALANTE. SONNET. Ne cherche point de glace où tu te puisses voir, Sache que tout Paris admire tes merveilles, Ceux à qui tes beautez ont apris leur pouvoir Te vont fère l'objet de leurs plus douces veilles. Que cette glace, ô Cieux, me fait bien decevoir⁎ ! Et qu'elle exprime bien ses graces nompareilles ! Ha si ton cœur ainsi me vouloit recevoir, Qu'un doux remerciment flatteroit tes oreilles. Mais resveur que je suis, où seroit mon plesir ? Quand même elle voudroit accomplir mon desir, Jamés cette faveur ne feroit ma fortune⁎. Car comme son miroir a cela de commun Qu'il reçoit cent beautez, et n'en retient pas une, Elle reçoit cent cœurs, et n'en retient pas un. ~~~~~~~ Et bien sçais-je piper ? Il faut que tu confesses Que ces vers me devroient aquerir des Maitresses ; Et pour un Advocat je descris nettement Tout ce que les meilleurs font si confusément. Je n'ose te l'aprendre. Vrément il n'agit pas comme il promit d'agir, S'il se reconnessait il en devroit rougir ; C'est un Clerc glorieux⁎ qui ne sait pas écrire, Il se masque la nuit d'une toile de cire, Il a des gans au lit pour conserver ses mains, Ceci peut-il entrer en des cerveaux bien sains. N'importe, il peut aider à flatter mon attente, Il faut le caresser en faveur d'Atalante, Et tacher : le voila, faisons-luy bon accueil, Sa presence ma Sœur vient d'acroistre mon dueil. On me vient en tout temps afliger de la sorte. O l'agreable jour, Demeure, j'ouvrirai ; j'ai trop d'aise en amour ! Enfin si vous m'aimez, faites-moi ce plesir, Ne me refusez pas, prenez vôtre loisir, Ce soir vous le pouvez. La Lune a retardé, tout fuira de ces lieux, Et le Ciel n'aura point l'usage de ses yeux. J'en jure par vos yeux, et je perdrai la vie Si tout ne reüssit au gré de vôtre envie. Tenez voici la clef ; venez par le dehors, Vous y pourrez entrer avecque moins d'efors. J'aurois l'ame brutale, Si vous m'estes Procris je vous serai Cephale. Toutes sortes d'objets sont maintenant funebres, Et la terre et le Ciel sont couverts de tenebres. Un chacun dort au lit comme dans un tombeau, L'amour à mon sujet a quitté son flambeau⁎, Les zephirs les plus doux nous donnent du silence, Et le bruit ne nous fait aucune violence ; Quand bien mon Atalante avanceroit ses pas, Ecleré de ses yeux je ne la verrois pas. O nuit quoi qu'à present ta noirceur soit extrême, Je connetrois toûjours la moitié de moy-même ! Toute l'obscurité ne m'en peut empêcher, Je verrai ce Soleil, il ne se peut cacher ; Il porte assez de jour dans les lieux les plus sombres, Et si tôt qu'il arrive il dissipe les ombres. Mais le temps qui jadis alloit si promptement S'écoule à mon âvis un peu trop lentement. Dieu que je parois triste en cette destinée ! Il semble qu'un moment soit plus long qu'une année. Où cét astre est-il bien ? que peut-il differer ? Pourquoi ne vient-il pas afin de m'eclerer ? Atalante mon cœur, de qui dépend ma vie, Aproche, que fais-tu, seconde mon envie, Conserve-toy ce bien que ta beauté me prit, Sois presente à mes yeux ainsi qu'à mon esprit, Entre dans ce jardin, n'aprehende aucun blâme, Fais-t'y voir souveraine aussi bien qu'en mon ame, Et proche de cette eau par tes soûpirs ardans Console-moy d'un feu⁎ qui me brule au-dedans Sur tout si ton dessein est de finir ma pene⁎, Ne te regarde point dedans cette fontene ; Si Narcisse en est mort, juge que ta beauté Te reduiroit bientôt à cette extremité⁎. Si tu veux un miroir qui te montre sans feinte, Considere mes yeux, tu t'y verras dépeinte : Ou si tu te veux voir comme un objet⁎ vainqueur, Regarde ta conqueste, en regardant mon cœur : Tu pouras y treuver ton image gravée, Qui malgré tout mon feu⁎ s'est toûjours conservée, Et remarquant de prês cet aimable tableau, Tu te pouras vanter comme il y parest beau. Alors, certes, alors. Mais que veux-je entreprendre, Que sert de luy parler ? elle ne peut m'entendre, C'est en vain que j'apelle ; un semblable discours Ne sçauroit de long-temps m'aporter du secours. Viens donc chere Atalante, et pour me faire vivre Apreuve le dessein qu'on me force de suivre : Je n'y puis resister, c'est un arrest du sort⁎, Autrement mon amour me causera la mort. Mais je l'entens venir ; c'est à tort que j'en doute, « On dit injustement que l'amour ne voit goute, « Ou si ce Dieu puissant n'a jamés eu des yeux, « Nous devons avoüer qu'Argus ne voit pas mieux. A la fin je vous tiens, adorable Atalante, Vous rendrez à ce coup mon ame plus contente. Et sans vous y forcer, je veux que vos plesirs Soient égaux pour le moins à vos plus grands desirs. Vous ne me parlez point ; quoi rien ne me console ! Lors que je pers le cœur, perdez-vous la parole ? Quel refroidissement ? Est-ce ainsi comme il faut soulager mon tourment ? Du moins comme un écho répondez à ma plainte, Vous troublez mon esprit, et d'amour, et de crainte, Dites si vous aimez, ou si vous n'aimez pas, Donnez-moi d'un seul coup la vie ou le trépas. A ce coup je suis pris, est-ce ainsi qu'on m'abuse ? Je ne voudrois qu'un bien, le Ciel me le refuse, Et le pensant avoir, la rigueur de mon sort⁎ S'obstine seulement à me donner la mort. Mais je ne tiens plus rien, ma prise est échappée, Que n'ai-je cy-devant à porté mon epée, Je m'en serois servi contre ces ennemis, Qui troublent le repos que l'amour m'a promis. N'importe, achevons tout, et par experience Témoignons nôtre flâme⁎ et nôtre passience. Ma sœur. Et bien que voulez-vous ? suis-je point vostre Amant⁎ ? Esperez-vous de moi quelque contentement ? Non, je ne le croi pas ; un autre que Sicandre Si vous ne le soufrez⁎ n'oseroit l'entreprendre. Croiez-moi je vous prie, une fille a trop d'heur⁎ De regler ses desirs aux termes de l'honneur. Vous recherchez Sicandre ; et qui pensez-vous estre ? Voulez-vous d'un valet en faire vostre maistre ? Epouser un parti que vous devez haïr, Et caresser celui qui vous doit obeïr. Que pour vous ramener à vôtre humeur premiere, Vous auriez grand besoin d'avoir quelque lumière. Mais la raison suffit, un peu de jugement Portera vôtre amour dedans le changement. Que tu prens de plêsir à me voir endurer ! Laisse-moi quelque temps songer sur ma folie, Car il faut que je cede à ma melancolie. Il faut crêre à ce coup que mon projet est vain, Je tombe, et si pas un ne me preste la main. Non, non c'est trop soufrir ; si je suis amoureux⁎ Faut-il que j'en paroisse un peu moins genereux⁎ ? Attendre tout le soir, ne treuver que des feintes, Perdre le jugement, estre afligé de craintes, Quitter son interest pour son contentement, Se plaire de la sorte à croistre son tourment, Rendre par des effets son amour si connuë, Et comme un Ixion n'embrasser que la nuë. O Ciel je n'en puis plus ! je me rends à mon tour, Il faut estre bien sot⁎ pour faire ainsi l'amour. Il n'est plus temps de feindre, Acordez-moi du moins le plêsir de me plaindre. Que vous sert de venir ? vos tours sont superflus, Et c'est trop m'épreuver, ne m'importunez plus. Je rabats maintenant de vos cajoleries, Ne me troublez jamés dedans mes resveries. Quel dessein malheureux conduit ici vos pas ? Pourquoi me cherchés vous ? je ne vous cherche pas. Dans un si triste êtat, vous m'estes importune, Troubler mon entretien⁎ c'est troubler ma fortune⁎ ; Adieu donc laissez-moi dans l'humeur⁎ où je suis, Tant plus vous demeurés, et tant plus j'ai d'ennuis⁎. Ah ! c'est mon Atalante ; adorable merveille Sachez qu'un bruit confus a trompé mon oreille, Qu'une sœur infidelle a causé ma fureur⁎, Et qu'un pront repentir doit suivre mon erreur. Je n'ai rien que deux mots ; arbitre de mon sort⁎, Lors que vous reculez vous avancez ma mort. Attendés un moment ; c'est en vain que je crie, L'incrédule qu'elle est veut mal à ma furie ; Elle n'appreuve plus mes amoureux⁎ desseins, Tant plus je la veus suivre ; helas ! moins je l'atteins. O Ciel, Amour, Destins, finissez donc ma vie ! S'il faut que son mépris finisse mon envie. Sicandre que fais-tu, viens donc me consoler, Tu la pouras fléchir ; c'est trop long-temps parler. Il faut tout découvrir, j'en espere de l'aide, Quand il sçaura mon mal⁎, je suis seur de remede. La plainte en cét estat est bien hors de saison, Au defaut du merite, aions tout par raison. J'ai pensé sucomber à ces nouveaux maleurs, Quelqu'un moins genereus⁎ en eut versé des pleurs. Aimable confident quelque chose qu'on fasse, Il est bien mal-aisé de me remettre en grace. Mon esprit ingenu M'a sans doute causé. Quel est cét inconnu ? Je croi ce que tu veux, adieu je me retire, Et si tu ne me sers il faut que je soûpire. J'entens ici du bruit. O Ciel qu'ai-je aperceu ! C'est vrêment à propos que je me vois deceu. Que songez-vous ma sœur. Mais quel homme avez-vous ? Ah c'est pour tant de feu⁎ Avoir trop d'assurance, et c'est rougir trop peu ! Entretiens⁎-le ma sœur ; mais sçais-tu qu'Atalante. Non je n'ai plus d'attente, Elle en vient de sortir. C'est assez l'y treuvant, j'y treuve un grand thresor. Comment je voi des-ja le départ de l'Aurore, Et ce nouveau Soleil ne revient point encore ? Lors que je l'attendois le sommeil m'a surpris Et sa lente froideur a troublé mes esprits. Sans cét empeschement peut-estre qu'Atalante Eut bien entretenu nôtre commune attente. Ah ! s'il étoit certain d'un legitime effort Apres un tel sommeil, je chercherois la mort, Et quand même le Ciel devroit m'estre contrere La sœur me sembleroit plus douce que le frere. Mais c'est parler en vain, l'ingratte ne vient pas, Je croi qu'elle a dessein d'avancer mon trépas. Je me treuve abusé, je sens que la perfide Veut prendre en mon endroit le titre d'homicide ! J'ai beau te rechercher, au lieu de me guerir, Je m'obstine moy-même à me faire mourir. Mais il faut l'éviter, car ma flame⁎ alumée Malgré tout son pouvoir se reduit en fumée, Mon cœur cesse de craindre en cessant de l'aimer, Et ses yeux n'ont plus rien qui puisse me charmer. Que l'amour m'est contrêre, Mais qu'aussi la raison m'en va bien tôt distrêre : S'en est fait ; Atalante a des attraits⁎ puissans, Mais juge ma raison plus forte que mes sens. Le sort⁎ en est jetté, la force de ses charmes Ne me reduira plus à lui rendre les armes. Elle sçait aquerir, et non pas conserver, Et moi je me sçai perdre, et je sçai me sauver. Tu pouras témoigner que j'ai fait mon possible, Et que j'ai tout cherché pour la rendre sensible, Je l'ai veu preparée à soulager mes maux, Mais je croi que depuis elle a craint mes rivaux, Et que sa passion que je treuvois si forte, Aussi bien que la mienne est de-ja toute morte. O Ciel que tu m'estonnes ! Fais- moy donc par le nom connêtre ces personnes. Vous ne vous battrez pas, Pourquoi de la façon vous causer le trépas ? Je la voulois hair, mais lors que je la voi Je pers ma liberté, je ne suis plus à moi. Mais si je leur resiste Le succés pour moi seul en doit estre plus triste. Et ne le crains-tu pas ? Sicandre qu'ai-je fait ? Quels doux remercimens peut-on joindre à ce bien, Hé prenez tout de nous, et ne demandez rien. Pour moi j'en suis ravi, je me tiens trop heureux Que ma sœur ait reduit un cœur si genereux⁎. Il est vrai, tout va bien, mais consentez aussi Que je treuve comme eux la fin de mon souci. Quel dessein feriez-vous de me voir miserable ? Faites que le destin me soit plus favorable. Vous me pouvez donner, ou la vie, ou la mort, Vous pouvez m'irriter, ou m'adoucir le sort⁎. Un seul mot suffira. Je m'y resous de même, Puis qu'elle connoist bien que ma flame⁎ est extréme. Sicandre vous ravit ! que mon ame est confuse ! Juste Ciel est-ce ainsi qu'il faut qu'on me refuse ! Mais quel degré si haut eut contenu ma gloire⁎, Si par quelque bon-heur j'en eusse eu la victoire. Je n'y doi plus songer, j'aurois trop peu de cœur Pour imposer des loix à ce puissant vainqueur. Sicandre est une fille ! où portois-je la veuë ! Hé quoi m'a-t'elle esté si long-temps inconnuë ? Que je procede mal en matieres de droit ! Mon œil malaisément créra-t'il ce qu'il voit. Mais nous sommes toûjours dans la même querelle, Qui comme nôtre amour me semble estre immortelle. C'est agir comme il faut, je suis seur que Sicandre A trop d'amour pour moi pour ne me pas defendre. Mépriser Polydas, m'inventer ce suplice, Quel jugement de Clerc ! quel arrest d'injustice Tharzinte vous plaist donc ? songez-vous à ma foi⁎ ? Combien m'avez-vous fait meriter de bon-heur ! O Ciel que je vous dois, vous devant cét honneur ! Doux objet⁎ de mon cœur que ce plêsir me touche ! Pour vous le figurer il faut plus d'une bouche, Mais je vous treuve triste, et mon contentement A vous voir tant resver cause vôtre tourment. N'aprehendons plus rien, nous serons trop contents, Et nos plêsirs iront par delà tous les temps. **** *creator_chevreau *book_chevreau_avocatdupe *style_verse *genre_comedy *dist1_chevreau_verse_comedy_avocatdupe *dist2_chevreau_verse_comedy *id_flaminie *date_1637 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_flaminie Cessez, cessez mon frere Je vous la ferai voir si vous m'en voulez crere. Mais par ce trait d'amour vous devés avoüer Qu'en ceci nôtre sexe est beaucoup à loüer. Un recit seulement touche si bien vôtre ame, Qu'aujourd'huy vos soupirs ne sont plus que de flâme⁎ ; L'homme est d'un naturel si sensible à nos coups Qu'il ne sçaurait nous voir sans se plaindre de nous. Atalante est bien fort dans vôtre fantesie, Car des-ja vôtre amour tient de la jalousie : Vous l'aimez sans la voir, et pour vous mieux aider Vous croiez qu'un chacun vous la doive ceder. C'est un juste moyen de contraindre une fâme, A montrer chez autrui les excez de sa flâme⁎. Ha ! Si par une marque on les pouvoit connêtre, Sans doute la plus-part auroient peur de parêtre. Vôtre mal⁎ est puissant, il faut que je l'apaise, Sans doute mon esprit vous doit mettre à vôtre aise. Sa mine⁎ est assez douce, et je pense à le voir Qu'il n'a point de malice, et qu'il a du sçavoir. Nous conêtrons bien tôt par quelque experience Jusques où peut aller une telle science. Allez dans vôtre étude⁎, et vous sçaurez apres Sans parler si long temps, ce qu'il sçait à plus pres, Il fera son profit s'il veut estre fidelle. Vous devez l'aller voir, et la civilité⁎ Vous y semble contraindre autant que sa beauté. Si le Clerc est d'humeur à bien faire l'amour, Nous aurons le moien de rire à nôtre tour. Resverez-vous toûjours à ce que vous aimez ? Cieux que faites-vous là ? Mon frere vous rimez, C'est bien pour en tenir : vôtre esprit s'imagine Qu'on entreprend ce jeu sans faire d'autre mine⁎ ? Ha que vous deviendrez d'une jolie humeur⁎ ; Il faut estre un peu fou pour estre bon rimeur ; Effacer ce qu'on fait quand on ne peut rien fere, Jurer, frapper du pied, ce n'est que l'ordinêre, Courir dans une chambre apres deux ou trois mots, S'arrester sans dessein, ruiner son repos, Ceux-là sont mal-heureux que ce metier devore, Et ces gens devroient faire encherir l'Elebore. Mon frere c'est assez, ne vous y perdez plus, Ces divertissemens vous seront superflus, Vous en aime-t'on mieux. Sonnet pour Atalante, Je l'avois toûjours dit, que l'amour vous tourmente. Mais voions le Sonnet. Non. Monstrez je le veux lire. Il est vrai, mais brisons ; je n'ai point veu Sicandre, Que fait-il maintenant. Sicandre sauvons-nous, sa joie est infinie, Sortons, l'amour se plaist d'estre sans compagnie. Ha ! Si mes yeux pouvoient témoigner mon ardeur ? Mais il faut malgré tout montrer de la froideur. Obstacle injurieux, respect, loy tyrannique, Cacherez-vous toujours le dessein qui me picque ? Du moins inspirez-moi quelque doux compliment, Qui sans difficulté le fasse mon Amant⁎. Mon frere est trop heureux de parler bouche à bouche A l'adorable objet⁎, dont la beauté le touche. Qu'en juges-tu Sicandre ? a-t'on pas du plesir D'entretenir⁎ ainsi son amoureux desir ? De parler de soupirs ? de faire voir sa flâme⁎, Qui sans bruler le corps consume une pauvre ame ? D'essaier cent moyens pour détacher ses fers ? Et de treuver la fin de ses tourmens soufers ? Pour moi si quelque Amant⁎. O Ciel l'osai-je dire ? Quand il sçaura mes maux⁎, il n'en fera que rire. Mille pensers divers Ont surpris mon esprit, et l'ont mis de travers. Qu'une fille est heureuse Alors qu'on l'aime autant qu'on la treuve amoureuse⁎. Qu'aimer sans estre aimé c'est rencontrer un sort⁎ Pire que les poisons, et pire que la mort. Ah ! Que si tu pouvois conêtre ma pensée, Tu te crerois heureux me croiant insensée ! Mais quoi c'est te jetter de trop foibles apas⁎. Je connois ma foiblesse, et ta gloire⁎ Sicandre, Tu m'entens⁎, mais ton heur⁎ ne gist pas à m'entendre⁎. Tu te ferois du tort, tes desseins sont trop hauts, Tu vois mon démerite, et tu sçais mes defauts : Toutefois malgré tout mon bon-heur est extrême, Si tu ne veux m'aimer, soufre au moins que je t'aime. N'agueres ton esprit me devoit prevenir⁎, Mais l'amour est un feu⁎ qu'on ne peut retenir. Combien qu'un tel secret choque la bien-seance, A ton occasion j'en prendrai la creance, Et je m'estimerai pourveu que mon amour Oblige ton esprit à me faire la cour. Quoi j'aime un insensé ! Ah Sicandre aveuglé ! Tu refuses mes vœux, Dy-moi donc ce qu'il faut pour te rendre amoureux⁎ ? Te faut-il des soûpirs ? as-tu besoin de larmes ? Est-ce par ce moien que tu rendras les armes ? Je me sçaurai vanger de ton ingratitude ; Et treuverai la fin de mon inquietude⁎. J'assurerai bientôt pour te voir condamner Que ton credule esprit m'a voulu suborner. J'emploie à cét effet l'excès d'une malice Capable desormais de fêre ton suplice. Mon frere le sçaura qui poura t'en punir, Et sans avoir peché tu te verras banir. Je t'aime d'avantage, et s'il étoit possible Je te rendrois bien tôt mon ardeur plus visible. Le temps n'y suffit pas ; mais pour t'en assurer Alors que le Soleil cessera d'éclairer, Rens-toi dans ce jardin, tu sentiras ma flâme⁎, Et malgré cette nuit tu pouras voir mon ame. Je vais à Polydas ; ne sois plus rigoureux, Adieu rends-moi contente, et tu seras heureux. Y devons-nous entrer, parle. Je me resoudrai donc à les laisser ensemble. Il ne peut m'échapper ; malgré toute sa gloire⁎ Il faut que j'en espere une heureuse victoire. Il m'attend, je le suy, je croi que ses desirs Sont bornez seulement par mes plus grands plesirs. Ce vainqueur est vaincu, mes soûpirs et mes larmes Ont reduit son courage à me rendre les armes : Et malgré sa rigueur qui n'avoit rien d'égal, J'ai treuvé mon secours quand j'ai senti le mal⁎. Je le voi, je le tiens ; Enfin rare Sicandre Je t'attaque trop bien, tu ne te peux deffendre ; Ne me resiste plus, car te voila surpris, Je n'ai que trop long temps suporté ce mépris. As-tu des complimens dont la force t'excuse De prendre mes baisers, et de loüer ma ruse : Non, tu ne le sçaurois, ton esprit est trop sain Pour ne pas apreuver mon amoureux⁎ dessein. Mais d'où vient ta froideur ? quelle peur te recule, Crains-tu de soulager la flâme⁎ qui me brûle ? Ah ! c'est trop consulter ; mon cœur aproche-toi, D'où viens que tu me fuis ? doute-tu de ma foi⁎ ? Es-tu trop indulgent ? suis-je trop amoureuse ? Et croi-tu que ton feu⁎ me rende trop heureuse ? Il est vrai que j'ai tort, mais confesse du moins Que pour te meriter je prens assez de soins⁎, Et qu'on ne peut jamés étoufer mon envie, Quand même elle feroit la perte de ma vie. C'est Polydas : faut-il que mon amour Lui soit dans cette nuit plus claire que le jour ? Dequoi puis-je couvrir ma flame⁎ illegitime, Mon indiscretion passera pour un crime. Si doi-je m'excuser dans l'état qu'il me treuve, Et pour y parvenir mettre tout à l'épreuve. Mon frere je sçai bien que vous croirez d'abord, Qu'on ne peut m'en loüer, et qu'en un mot j'ai tort. Quelque chose pourtant que vous en puissiez croire, Ceci n'altere point ma vertu⁎ ni ma gloire⁎. Toutefois il est vrai que je veux trop agir : Mais quoi si j'ai peché, vous en devez rougir. Mon ame à vôtre âvis est vivement atteinte. Non, non, le temps me presse, il faut banir la feinte. Songez, songez à vous ; tant de nouveaux soûpirs Ne m'ont que trop fait voir le but de vos desirs. Vous attendez ici la moitié de vôtre ame, Vous y voulez bien tôt partager vôtre flâme⁎, Sçachez qu'il n'est plus temps de le dissimuler, Et que pour le Sçavoir je feignois de bruler. Tous ces regrets formez, et ces larmes versées Ne nous montrent que trop où vont tant de pensées. Vivre dans la maison comme dans quelque bois, Rimer, parler tout seul, et resver quelque fois, N'entretenir⁎ aucun, fuir la compagnie, Tout cela nous fait voir vôtre amour infinie, Et pour n'en douter plus, je m'en viens d'assurer. Ne parlez pas si haut, mon frere. Sui moi dedans ma chambre, et quoi qu'on nous soupçonne, Nous nous entretiendrons⁎ sans crainte de personne. Mes yeux ont obligé mon esprit à t'aimer, Le brasier que je sens ne se peut exprimer, Et malgré Polydas, les destins, et les Parques, Je t'en rendrai bien tôt d'assez visibles marques. Quoi ce n'est pas Sicandre. Où suis-je ! qu'ai-je fait ! quel sort⁎ m'a pû surprendre ! Il est vrai que j'ai tort d'en faire tant de conte, Mais c'est de vôtre amour que procede ma honte. L'homme que vous voiez arive encore ici, Et c'est pour vôtre bien que j'ai tant de souci. Il suivoit Atalante, et tachoit de la prendre Dans le même jardin qu'elle est à vous attendre, Il y vouloit entrer, et faire son effort Pour lui montrer sa haine ; et vous causer la mort ! Et moi qui n'us jamés une plus digne envie Que celle qui me porte à vous sauver la vie, Je l'ai pris sans le voir, et je l'ai diverti De vous faire chez nous un si mauvais parti, Par mon humilité j'ai gagné son courage, J'ai soufert⁎ des baisers pour apaiser sa rage, Et s'il eût plus long temps cherché vôtre trêpas : Peut-estre eussai-je fait ce que je ne dis pas. Elle est dans le jardin. Elle y retourne encor. Il ne se doute point d'une si pronte ruse, Mais abusant autrui, moi-même je m'abuse. Qui vous mene en ce lieu ? Allons voir, ce mensonge est plus pront que le mien, Si je le doi sçavoir, c'est par leur entretien⁎. Vous nous avez esté trop long temps inconnue, Madame montrez-nous vôtre ame toute nue, Et malgré cette ruse avoüez franchement Que nous ne differons qu'en habit seulement. Dieu que vous estes rare, Me prodiguer ainsi, ce n'est pas estre avare. Vous ne pouviez Madame estre mieux ocupée, Et c'est heureusement que je me voi trompée. Pour vous, je vous estime, esperant desormais De treuver avec vous une eternelle paix. Il suffit, suivez-moi, secondez mes desirs, Ma ruse va bien tôt assurer vos plesirs. Duppons-le en son amour. Confessez pour le moins que c'est bien mediter. Nous voulez-vous ainsi contraindre à soûpirer. Entrons, ne craignez rien, tout nous sera prospere, Et sçachez que la sœur vous assure du frere. Et bien que songez-vous ? Atalante est chez nous, croiez-moi seulement Que si vous la voiez vous serez son Amant⁎. Il est bien malaisé de parêtre infidelle, Alors qu'on l'entretient⁎, ou qu'on la voit fidelle, Mais combien de malheurs vont causer ses apas⁎, Pour elle deux amis recherchent le trépas, Vous les avez pû voir. Mon frere empeschons les. Tout va bien Isidore. J'aime ce qui vous plaist, que mon frere commande, Lors il pourra sans pene obtenir sa demande. **** *creator_chevreau *book_chevreau_avocatdupe *style_verse *genre_comedy *dist1_chevreau_verse_comedy_avocatdupe *dist2_chevreau_verse_comedy *id_mainalte *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_mainalte Enfin je suis rendu, j'ay fini mes traverses, J'ai couru trop long temps des fortunes diverses : On m'a veu dans la guerre où mes exploits guerriers M'ont quasi fait mourir sous le faix des lauriers, Ré, la Rochelle, Alaix, Privas, Cazal, et Suse, Pignerol, Mommeillan, Nanci, tous ceux d'Anduse, Corbie et Landreci, bref la plus part des forts N'ont que trop épreuvé mes importans efforts. J'ai paru dans la Cour et des Rois et des Princes, J'ai vogué sur la mer, j'ai couru des Provinces, Où sans difficulté j'ai franchi des hazards⁎ Capables desormais d'arrester des Cesars. Le Poitou, le Piedmont, la Holande, l'Espagne, La Suede, la Loraine, et toute l'Allemagne, En un mot les païs où l'on a combatu Preuveront à jamés ce que vaut ma vertu⁎ ; Et je croi sans mentir que là bas ces lieux sombres Doivent à ma valeur la plus-part de leurs ombres. « Mais un pauvre soldat quoi qu'il soit genereux⁎ « Ne se peut voir osté du rang des malheureux, « On donne au desespoir ce qu'on doit à sa gloire, « Quand il fait quelquefois ce qu'on a pene à croire. « Les charges maintenant dans ce commun malheur « S'achetent par l'argent, et non par la valeur, « Et l'on voit tous les jours tirer aux Capitenes, « Et l'honneur de ses faits, et le fruit de ses penes⁎. J'ai fait ce qu'un démon n'ût peut-estre pas fait, Je n'ai rien entrepris que l'on juge imparfait, J'ai cherché mille morts sans en treuver aucune, Et j'ai gagné sur tout, sinon sur la fortune⁎. J'ai quitté mon païs, et non pas ma douleur, J'ai changé de clymat sans changer mon malheur, Et cette pauvreté qui toûjours me travaille Est l'ombre de mon corps en quelque lieu que j'aille. Elle est à mes côtez, je ne la puis banir, Et c'est avecque moy qu'elle voudroit finir. Souvent pour la chasser j'ai hazardé⁎ ma vie, J'ai souhaité cent fois qu'elle me fût ravie, Mais dans l'état facheux⁎ où le Ciel me reduit J'ai beau la detester, toujours elle me suit, « Mon Dieu que la valeur est un foible avantage⁎ ! « La vertu⁎ maintenant est un sot⁎ heritage ; « Un chacun qui connest ce que vaut un thresor, « Comme aus siecles passez adore les veaus d'or. « En effet ce métal où nôtre espoir se fonde « Est le bien de la vie, et l'idole du monde. « Alors qu'un homme est riche il est aimé de tous, « Et sa brutalité⁎ fait même des jalous. Mais un autre bien né qui par experience, Pourroit de cent façons signaler sa science, S'il est pauvre, on le met dans le nombre des sots⁎, Quoy qu'il soit ravissant au moindre de ses mots. Pour moi je connois bien que ces choses sont vraies, Quand je découvrirois ou ma race, ou mes plaies, Que je mettrois au jour mes plus fameux⁎ combats, Et que je nommerois ceux que j'ai mis à bas. Mais voila Philemon, si je suis miserable⁎ Il me rendra bien tôt le sort⁎ plus favorable. Vous avez de la pene à vous l'imaginer, Mais c'est ce qu'aisément vous devez deviner. L'argent qu'ont les soldats ne trouble point leur joye, « Et ce n'est pas pour eux que l'on bat la monnoie. Tant de jours ont passé que je n'en ai pas veu Que je crois bien souvent n'en avoir jamais eu. Rien ne m'a reüssi, tout m'a semblé funeste⁎, Mais tout mon reconfort gist au bien qui me reste. Et les biens que j'avois ? Je ne me prens qu'à vous ; deviez-vous pas juger Que ce qui me restoit se devoit ménager ? Son nom. Je ne le puis conêstre, Mais dans cét entretient⁎ je ne voi rien parêtre. Ne croi pas m'abuser d'une fausse douceur, Je veux un compte d'or, et non pas de ma sœur. C'est trop fait, c'est trop estre à la gêne, Il est temps de finir leur amour et ma pêne⁎. Ma sœur de la façon ruine son bon-heur, Et croit fère son bien faisant son deshonneur. Je suis prest du logis, mais je la voi parêtre, Ou bien malaisement la puis-je reconêtre. Quoi ma sœur est-ce vous ? Cessez de me surprendre, et de me caresser, Je vous étouferois pensant vous embrasser. Quels habits avez-vous ? et quel ordre de vivre ? Est-ce le vrai chemin que la gloire doit suivre ? Ah ma sœur ! Je sçais bien le dessein Dont un feu⁎ deshonneste embrase vôtre sein. Ma sœur si tu dis vrai, maintenant je t'advoüe Que malgré ma colere il faut que je te loüe. Mais est-il assuré. Tu me l'as des-ja dit ; ô bon-heur nompareil ! Et cependant ma sœur… Si je fais reüssir ceci comme j'espere, Je suis riche à ce coup, tout me sera prospere : Je me vangerai bien de mes travaux soufers, Et j'irai dans le Ciel au sortir des enfers. Que je suis à propos ! vous. Seroit-ce pour ma sœur que vous auriez querelle ? Tharzinte, mon support, Est-ce donc pour ma sœur que tu cherches la mort ? C'est trop dit ; j'y consens, aujourd'hui le vainqueur Doit gaigner Isidore, et posseder son cœur. Je te donne Isidore, et je perdrai le jour Si je ne la contrains d'apreuver ton amour. Si tu le vois jamés punis sa lacheté, Medite son trépas qu'il a trop merité ! Oublions cet infame, il auroit trop de gloire⁎ Si son nom seulement restoit dans ta memoire. Pour toi que j'ai toujours dedans mon souvenir, J'apreuve ton amour, mon cœur le doit benir : Et pour t'en assurer il faut que je t'instruise D'un secret qui m'importe, et de mon entreprise Tirons-nous à l'écart, je te promets la foi⁎ D'obliger Isidore à n'aimer plus que toi. Quelqu'un nous surprendroit, ta querelle est connuë Et tu ne devois pas te battre en pleine ruë. Viste, retire-toy, j'en serai possesseur, Le frere fera tout au defaut de la sœur. Ma sœur m'en a donné. O Ciel qu'ai-je entrepris ! ici tout m'est contrere, Il croit tenir la sœur, et ne tient que le frere. Le devrois-je soufrir⁎ plus long-temps en erreur, Que differai-je plus à montrer ma fureur. Endurer cét afront ; j'aimerois mieux mourir, La vengeance est le bien qui me peut secourir. Elle s'attaque mal, sa folie est extrême, Crere ainsi me tromper, c'est se tromper soi-même. Sa ruse est découverte, et je ne pense pas Qu'elle ait à l'avenir de si puissans apas⁎. Mon esprit abusé commence à la conêtre, Et par là son amour se fait assez parêtre. Il faut que Polydas la caresse en secret, Mais pour les bien punir je veux estre discret. Elle ne peut tarder, l'entretien de Tharzinte Ne l'empeschera point d'executer sa feinte. Rentrons dans le jardin ; par leurs moindres discours Nous sçaurons leur amour, et nous verrons son cours. C'est elle, il faut parler ; elle quitte son frere, Le sort⁎ d'oresnavant ne peut m'estre contrere, Je la dois prevenir⁎, et lui parler si peu, Que sans me conêtre elle apreuve mon feu⁎. Qu'as-tu fait si long-temps ? que tu me fais attendre ? As-tu perdu le soin de soulager Sicandre ? Je sçai tout. Mais avoir un dessein sans en venir à bout. Rien que vous et l'amour. Mais Sicandre, Madame, est cause de ce tour, Vous l'aimez, c'est ma sœur, qu'on apelle Isidore, Tharzinte est là dedans qui l'entretient⁎ encore. Ma sœur j'en ai trop dit. Madame vôtre estime establira ma gloire⁎, Et ce bien doit durer autant que ma mémoire. Si jamés un Hymen⁎ succedoit à mes vœux, Je n'attendrois plus rien, je serois trop heureux. Mon ame en est contente, Mais comment le dupper, puis qu'il veut Atalante. Ma sœur a fait aussi des efforts pour mon bien, Je me tiens satisfait, je ne demande rien. Je n'importune plus les astres de mes plaintes, J'ai bani mon soupçon, mon cœur n'a plus de craintes, Mes maux sont étoufez, et mes biens sont trop doux, Combien que leur grandeur me fasse des jaloux Une feinte a produit un bon-heur veritable, A qui jamés pas un n'a semblé comparable. Et je me puis vanter d'avoir plus de plêsirs, Qu'on n'en peut souhaiter par les plus grands desirs. Ma sœur tout ira bien si Polydas vous plaist, Maintenant vos amis plaidoient vôtre interest, Il est presque achevé, je croi qu'une journée Suffit pour nos desseins, et pour nôtre Hymenée⁎. Flaminie est à moi, Tharzinte est à ma sœur, Montrez à Polydas une même douceur ; Vous devez l'estimer sçachant qu'il vous adore. L'Amour à mes dépens te veut faire esperer Un bien qu'autre que moi ne pouvoit desirer. Dy ce que tu voudras, je découvre tes ruses, En vain pour m'adoucir tu cherches des excuses. Son humeur est trop pronte, Mais il faut qu'il rougisse, et de sang et de honte. Faisons plutôt qu'il meure, il nous en reste encore Pour punir ce cruel. Il faut lui pardonner, Il nous plaist de servir s'il vous plaist d'ordonner. Madame esperez tout, aiant tant de merite. Ce plesir est trop doux, mon ame est trop contente, Je ne pouvois mieux choir en perdant Atalante. Chacun verra bien tôt ses attentes frivoles, Pourveu que les effets répondent aux paroles. Mais vôtre humeur⁎ est douce, et si vous faites bien Vous quitterez sans doute un semblable entretien⁎. « Ceux qui parlent beaucoup n'en font pas davantage, « Les seules actions font preuve du courage. Ce que vous avez dit ne nous etonne⁎ pas, Et je sçai que la mort est pour vous sans apas⁎. « Un homme genereux⁎ n'use point de harangue, « Il agit de ses mains, et non pas de sa langue ; Et si vous nous voulez montrer vôtre vigueur, Ce moien fera voir que vous avez du cœur. Je suis pour Polydas, et je n'ai point de vie Qui dans l'extremité ne lui soit asservie. Si je fais son bon-heur je croi fere le mien, Disputant cét objet⁎ je dispute son bien, Et lors que cette loi vous semblera trop dure, Il vous sera permis de vanger cette injure. Mais quoi que Polydas ait eu des-ja ma voix, Concluons qu'Atalante en doit faire le choix. Il n'en faut plus douter, qu'elle agisse pour elle, Car son choix seulement finira la querelle. C'est bien mal ordonner, mon cœur qu'en juges-tu. **** *creator_chevreau *book_chevreau_avocatdupe *style_verse *genre_comedy *dist1_chevreau_verse_comedy_avocatdupe *dist2_chevreau_verse_comedy *id_sicandre *date_1637 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_sicandre Je vous sçai distinguer en quatre traits de plume Les statuts des arrests, la loi de la coutume, Bref vous me treuverez l'esprit si delicat Que vous m'aimerez mieux qu'un fameux⁎ Advocat. La fortune⁎ me rit, et moi je me ris d'elle ; Je suis toûjours loial, mais par fois indigent, Je sçai voller des cœurs, et non pas de l'argent. Ouï, j'ay beaucoup d'amis qui seront mes garans, Et vous pourrez tantôt voir une Damoiselle Qui vous assurera comme je suis fidelle. C'est Atalante. Je la voi tous les jours, ma Sœur est sa servante. Je connois son humeur, Et je m'en vais le rendre aussi fou qu'un rimeur. Ma Sœur. Madame je vous jure Que vous n'en recevrez jamés aucune injure, Et que puis que Monsieur me fait un tel honneur, S'il en a du plesir, j'en aurai du bon-heur. Monsieur il est bien vrai ; quand je me considere Je me dois consoler dans ma triste misere, Et de quelque disgrace, ou de quelque douleur, Que le Ciel desormais augmente ce malheur, Je m'estimerai trop pourveu que je la voie Dans un durable êtat de conserver ma joie. Offrez avec respect vôtre amour legitime, Aimer ce qu'on voit beau ne tient pas lieu de crime : Cherchez par ce moien à soulager vos maux⁎, Vous ferez en cela ce que font vos rivaux. C'est dequoi mon esprit ne vous peut assurer, Mais découvrez le mal⁎, que sert de l'endurer ? En tout cas un refus. Quelqu'un vient maintenant de frapper à la porte. Monsieur c'est Atalante. Quoy vous n'achevez point ? Mais que disiez-vous donc ? Madame par ma foi, je ne vous entens⁎ pas. O Ciel je n'en puis plus ! Je me voi découverte ! Qui peut de cette sorte entreprendre ma perte ? Quoi voulez-vous tenter dans cette extremité⁎ Si je m'entretiens⁎ bien dans ma fidelité ? Ah ! J'entens⁎ mon devoir, et je sçai vôtre feinte, Vostre cœur à dessein me forme cette plainte, Et je suis assuré qu'il ne m'aimeroit pas S'il sçavoit que mon ame adorât vos apas⁎. Je me suis veu toûjours prodigue de caresses, J'ai fait des serviteurs⁎, et non pas des maitresses, Je ne sçaurois aimer les filles qu'à demi, Je prise moins leurs cœurs que celui d'un ami. Si je soufre⁎ par fois qu'une fille me baise, Ce n'est pas que par là je commence mon aise Bien souvent le devoir et la necessité Malgre mes sentimens forcent ma liberté, Et de quelque faveur que leur sexe m'oblige, Me vantant son amour, il connest qu'il m'aflige. Mais quand j'aime quelqu'un je l'aime infiniment, Je l'apelle mon cœur, je le croi mon Amant⁎, Le serrant de mes bras je lui preste la bouche, Son entretien⁎ me plaist, sa passion me touche ; J'augmente son ardeur lui presentant mes vœux, Quelquefois de mes doigts je peigne ses cheveux, Je dors sur ses genoux, je parle de ma flâme⁎, Et lui prenant la main, je lui donne mon ame ; En un mot il m'estime, il me promet sa foi⁎, Et se tient trop heureux s'il est aimé de moi. Quelle étrange avanture⁎ ? Mon impuissance a droit d'acuser la nature. En cette ocasion que n'ais-je ce qu'il faut Pour courir sans danger à cét aimable assaut ! Quelqu'un qui seroit homme en feroit sa fortune⁎, Mais ici vainement mon sexe m'importune, Nos desirs sont égaux comme nôtre pouvoir, Helas ! J'ai seulement ce qu'elle peut avoir ! C'est pour un même bien que nôtre esprit soûpire, Et ce qu'elle pretend c'est moi qui le desire. Que ne m'est-il permis de lui confesser tout : Mais j'aurois mes desseins sans en venir à bout. Nos desseins sont rompus si ce mal-heur m'arive. Ah, Madame croiez que mon ame est captive, Je vous aimerois bien, mais la discretion Veut donner une borne à mon affection, C'est en vain que je cache un feu⁎ qui me devore ; Je feins de vous haïr lors que je vous adore, Et malgré le respect qui me deffend l'amour, Le feu⁎ qui me consume est plus clair que le jour. Ha ! vrément à la voir son humeur est gentille ? Ciel ! destins ennemis, suis-je encore une fille ! Je parois un garçon dans ce déreglement, Et je n'en puis avoir que l'habit seulement ; Toutefois. Quel reste de plesir Semble si doucement terminer mon desir ! Mon frere c'est donc vous ? Quel bon sort⁎ vous envoie Pour ravir mes esprits d'une parfaite joie ? Ecoutez. Vous ne m'entendez⁎ pas ; sçachez que Flaminie Conçoit pour mon visage une ardeur infinie, Regardez ce jardin, ce sera sur le soir Qu'elle m'y doit attendre, et que je l'y dois voir, Polydas est son frere, elle est riche, elle est belle, Et croi que la voiant vous lui serez fidelle. Mettez-vous dans ma place, et fiez-vous sur moi, Qu'elle ne peut manquer de vous donner sa foi⁎. Si tôt que le Soleil. Ne luy répondez point, autrement vos paroles Rendroient en un moment vos attentes frivoles Elle connest ma voix, mais on peut l'abuser Si vous usez du temps comme il en faut user. Je vous y conduirai, ménagez cette affère, Icy le jugement vous sera necessère. J'y vais donner bon ordre. Promenez-vous toûjours attendant ce bon-heur. Non, ce me semble. Allez, elle m'attend, montrez vôtre prudence, Et mettez vôtre amour en pareille evidence. Pourveu qu'en un moment il treuve sa fortune⁎, Mon esprit est content si rien ne l'importune. Allons dedans ma chambre, attendant son retour, Mais soions plus discrets, et faisons mieux l'amour. Mais parlons de Mainalte à qui ma Flaminie Crêra devoir la fin de sa pêne⁎ infinie, Ils sont à mediter des propos amoureux,     Chacun cherche son bien, chacun reçoit des vœux, Ils parlent sans se voir, et sans se reconêtre, Ils benissent des vœux qui commencent à naître : Disent également qu'ils seront eternels, Et font pour cét effet des sermens solemnels. Mais la nuit retirant quelques-uns de ses voiles, Et le Ciel faisant voir l'éclat de ses étoiles, Ils seront étonnés, et s'ils peuvent parler, Ce ne sera jamés que pour se quereler. Mais voici Polydas. Tout est-il découvert ? Ne parlez pas si haut ; c'est l'ami d'Atalante, Et c'est aussi de lui que dépend vôtre attente : Elle aime ses conseils, il revient de la voir, Et venoit de sa part m'enseigner mon devoir. Mais feignez seulement de ne le pas connêtre, Et sçachez qu'en ceci vôtre esprit doit parêtre. Il me parloit d'amour, laissez-nous un moment, Nous en pourons avoir quelque contentement. Ce Mainalte est mon frere, et sa discretion Doit meriter le prix de vôtre affection. Considerez Tharzinte à qui j'offre ma vie, C'est pour lui que je voi ma liberté ravie. Il faut que Polydas qui recherche ma sœur, Et que nous abusons, s'en rende possesseur. Voila le point qui manque, autrement il faut dire Que nous n'aurons jamés aucun sujet de rire. Il est assez duppé, croiant quelle a du bien, Et nous sçavons pourtant qu'elle n'a du tout rien Il est encor duppé par ces legeres feintes, Dont il vient de tirer tant de sujets de craintes ; Bref nous le dupperons par cét aimable tour, Dont nous nous servirons pour croître son amour. La ruse est excellente, il ne peut l'éviter. En ceci vôtre esprit a témoigné sa force, Il faudra qu'il se prenne à cette douce amorce, Ce piege est trop bien fait, sans doute il y doit choir, Un autre plus rusé s'y pouroit decevoir. Mais quoi le temps nous presse, il faudroit qu'Atalante. Elle vient à propos, nous la rendrons contente. Tout ira bien pour vous, ma sœur soiez plus sage, Et suivez mon conseil sans parler d'avantage. Voici pour les tromper, soiez de la querelle, Et s'il vous faut mourir, mourez pour cette belle. Donnez donc seulement. Vous craignez le danger. Pour un si beau sujet j'aimerois le trépas. Jurez à tout le moins que vous serez d'acord, Quand bien elle voudroit prononcer vôtre mort. Mon habit vous abuse, et dessous cette feinte J'aflige également Polydas et Tharzinte, Ma sœur choisissez mieux, je ne vous puis servir Dans le contentement, dont on nous croit ravir. Tharzinte me plaist fort ; j'estime sa vertu⁎. Oüi, vous plaidez pour vous, et je plaide pour moi, J'estime son amour, où j'ai mis mon attente, Et lors que je le prens, je vous laisse Atalante. Tout nous a reüssi, nôtre fortune⁎ est belle, Flaminie à propos a fait cette querelle, Polydas la cajolle, elle est selon son vœu, Mais faut-il s'étonner de lui voir tant de feu⁎ ? Atalante est aimable, outre que la justice, Afin de s'échaufer ne vit rien que d'épice. Ces jeunes Advocats sont trompez bien souvant Ce n'est que leur orgueil qui les va decevant⁎ : Nous voions que par tout leur humeur se découvre, Font des civilitez qu'on ne fait point au Louvre Ils ont pour contenter cent mouvemens divers, Ils s'ajustent le poil, ils font parfois des vers, Ils courent au miroir pour consulter leur grace, Pour voir comment leur feu⁎ paroist dans cette glace, Pour pratiquer un air⁎ qui les fasse estimer, Et par où leur maintien se puisse faire aimer. Pour gaigner nos esprits ils souhaitent des charmes, Ils jettent des soupirs, ils répandent des larmes, Pour montrer leur sçavoir expliquent des rebus, Pour paretre sçavants ils nous parlent Phoebus, Moralisent par fois, nous repetent des fables, Et leur donnent un sens qui les rend veritables. Ils font des complimens qui n'ont point de pareils, Nos yeux à leur âvis sont autant de Soleils : Nôtre froideur les brule, et ne sçauroient comprendre Comment ils sont vivants étant réduits en cendre, Ils parlent, quoi que morts, et si nous les traitons Avec quelque douceur, nous les rescuscitons : Ils sont dedans le Ciel, quoi qu'ils soient sur la terre ; Mais un de nos regards est pire qu'un tonnerre, On croist par un mépris les maux qu'ils ont soufers, Nous les faisons tomber du Ciel dans les enfers, Veulent malgré leur sort⁎ benir leurs entreprises ; Et nous content toujours de semblables sottises. Au reste on ne voit point de petit Advocat Qui ne tranche du grand, de l'esprit delicat, Il méprisera tout pour se mettre en estime, La vertu⁎ chez autrui lui tiendra lieu de crime, Les autrez n'auront rien, il sera sans defaut, Il met bas un chacun pour s'elever plus haut ; Je croi pour les soufrir qu'il faut estre un peu beste, Et pour les caresser estre fort deshonneste : Je me treuve aujourd'hui du parti de ma sœur, Combien que Polydas en soit le possesseur. Mais suivons ces Amans⁎, dont les communes ames Respirent maintenant de mutuelles flâmes⁎, Mon esprit ne s'est pas vainement ocuppé, Car on ne vit jamais ADVOCAT mieux DUPPÉ. **** *creator_chevreau *book_chevreau_avocatdupe *style_verse *genre_comedy *dist1_chevreau_verse_comedy_avocatdupe *dist2_chevreau_verse_comedy *id_tharzinte *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_tharzinte Je ne te puis celer cher ami Calliante Un mal⁎ assez puissant, et contre ton attente, Nous n'aimons qu'en un lieu, je crains que cette ardeur Fasse naître en nos cœurs une extréme froideur. Je sçai bien que tu veux… Accuse-moi d'erreur ou bien d'ingratitude, Par là je voi la fin de mon inquietude. Tu vois mon Atalante, et moi je ne sçai pas Qui te peut obliger d'y faire tant de pas. Si la même beauté regne en nôtre pensée, Ton amour violent rend mon ame insensée ; Et par un Dieu jalous et plus puissant que moi Je me verrai contraint de te rompre la foi⁎. Non je ne le croi pas, c'est elle que je veux, C'est d'elle cher ami que je suis amoureux⁎. A quelle extremité⁎ veux-tu donc me reduire ? Ton cœur par cette ardeur entreprend de me nuire, Le mien mal-aisément rendra-t'il cét amour, Si je ne pers aussi la lumiere du jour. Que fais-tu Calliante ? as-tu quelque parole Qui finisse mon deuil, ou bien qui me console ? Isidore est l'objet qui surprend ton esprit, Pourquoi m'afliges-tu ? Pourquoi me l'as-tu dit ? De grace parle mieux, mon ame est combatuë, Et si tu me dis vrai la vérité me tuë ; Je l'aime comme toi. Tu viens de prononcer ta sentence funeste⁎, Ton mal-heur ou le mien est ici manifeste. Elle ne peut d'un coup épouser qu'un mari, Croi-tu si je le fais estre son favori ? A quoi la cajoler, si c'est pour son merite Que par fois je lui parle, et que je la visite. Ah que si je pouvois te decouvrir mon cœur ! Mais quoi je ne le puis, car il mourroit de peur Viste sans plus tarder, c'est ce que je demande, Sa mort doit faire apres ma fortune⁎ assez grande. C'est qu'il faut aujourd'hui, Ou croître tout d'un coup, ou finir nôtre ennui⁎. Et si par ton amour tu pretens cette belle, Ce prix vaut-il pas bien qu'on fasse une querelle ? Quand cette trahison meriteroit l'enfer, Il y faut employer, et la flâme⁎, et le fer. Non, non, si j'ay manqué ce n'est que pour mon bien, Ma devise en amour est d'estre tout, ou rien. Mainalte cher ami. Ma main pour cét effet n'est pas mal ocupée, C'est pour me l'aquerir que je porte l'épée. Ah ! c'est trop m'ofenser, si j'etois insensible Je pourois endurer un afront si visible. Et bien c'est à ce coup. Cela ne suffit pas. Retirons-nous, Madame, et s'il vous est possible Témoignez moins d'ardeur, paressez moins sensible ; Ou si cela vous fâche aiez du sentiment Pour soulager le mal⁎ d'un malheureux Amant⁎. Isidore mon cœur, que vous paroissez belle ! Et que j'ai bien raison de vous estre fidelle ! Vous este admirable en habit de garçon, Adonis autrefois estoit de la façon. Pour aimer un objet, dont la grace est extrême, Vous n'avez maintenant qu'à vous aimer vous-même. Si les hommes avoient d'aussi puissans apas⁎, Les filles desormais ne nous charmeroient pas. Inventez quelque ruse, Ou quelque compliment qui fasse mon excuse. Quelque bon-heur parfait que le sort⁎ leur envoie ; Je resve à tous moments sur l'excés de ma joie. Je ne regarde point ni leur bien, ni leur mal, Pourveu que mon plesir soit desormais égal. Le Ciel me favorise, et j'en ai tant de marques Que je suis plus heureux que les plus grands Monarques. Le bon acueil d'un Roy, tous les contentements, Les perles, les rubis, l'azur, les diamans, Les grandeurs, la santé, l'honneur et l'or encore, Me touchent moins l'esprit que vous belle Isidore. Aussi dans cét état me tiens-je glorieux⁎, Je sens que ce bon-heur m'esleve dans les Cieux, Que ma fortune⁎ est grande, et que ma gloire⁎ est telle, Que ceux qui jugent bien la jugent immortelle. Que tu me connois mal ! sçache que ma valeur A toûjours esté ferme au milieu du maleur. Le bruit qu'on t'a donné n'est rien qu'une fumée, Car je voi que l'effet cede à la renommée. Ton cœur a donc manqué ? Mourons, car Polydas a blessé nôtre cœur. C'est beaucoup entreprendre, Ah ! si vous m'attaquez, je me sçaurai defendre Atalante me reste, et pour la posseder Il faut que le trépas me force à la ceder. Depuis que j'en ai fait l'objet⁎ de mon envie, On ne peut me l'oster qu'on ne m'oste la vie. Tel qui cherche son lit doit treuver un tombeau, Un autre doit bruler aupres de ce flambeau⁎, Il faut m'aneantir pour éteindre ma flame⁎, Crêre me l'arracher, c'est arracher mon ame ; Je ne m'y puis resoudre, et quand même le Ciel Verseroit dessus moi tout ce qu'il a de fiel⁎, Que l'air, les elemens, les enfers et la terre Me livreroient par tout une eternelle guerre, Que tout seroit contrêre à mes justes desirs. Que je perdois bien tôt l'usage des plesirs, Que la Parque en un mot feroit voir sa colere, Je ne perdrai jamés le souci de vous plêre, Et ceux qui sont jaloux de mon contentement, En cherchant mon malheur cherchent leur monument⁎. Pour moi je m'y resous. Seroit-il veritable ? où me voi-je reduit, Et que puis-je esperer ! mon propre bien me fuit. Madame il faut banir cette melancolie, Ne vouloir pas son bien, c'est un trait de folie. **** *creator_chevreau *book_chevreau_avocatdupe *style_verse *genre_comedy *dist1_chevreau_verse_comedy_avocatdupe *dist2_chevreau_verse_comedy *id_calliante *date_1637 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_calliante Ce discours m'importune, Un chacun doit soufrir⁎ qu'on cherche sa fortune⁎. Je vais chez Atalante, et tu ne penses pas Qu'il me faille adorer de si puissans apas⁎ ? O que pour un ami ton humeur⁎ est étrange ! Quoy veux-tu que ton feu⁎ m'oblige à quelque change ? Que mon esprit credule à tes foibles propos Fasse mon déplesir, en faisant ton repos ? Tu veux qu'à son égard ma passion soit morte A dessein que la tienne en devienne plus forte ? C'est agir en Amant⁎, et non pas en ami, Et chercher seulement mon bon-heur à demi. Ah Tharzinte ! L'objet que mon esprit adore A la beauté d'un Ange, et le nom d'Isidore. Je te dis mon secret, Et si c'est t'ofenser, je t'ofense à regret. Qu'as-tu donc à resver ? En ce cas cher ami ton mal-heur est à plaindre, Et ton aveuglement devroit te faire craindre. On te prise par tout, je te crois genereux⁎, Mais tu le fais moins voir estant plus amoureux⁎ ; Où sont mes intérests ? où va donc ta pensée ? Tharzinte, ton ardeur parest bien insensée. Me quereller d'abord pour un sujet d'amour, Sans doute la rêzon t'en fera plainte un jour, Et je serai fachê si tu veux l'entreprendre De te causer la mort en pensant me deffendre. Oui puis que tu le veux, il faut que je le fasse, L'amour et le devoir en obtiendront ma grace, Mais du moins souviens-toi que si je suis vainqueur, Tu cherches le poignard dont tu t'ouvres le cœur. Si tu dois sucomber, quelle proche retraitte Poura sauver ma teste apres cette défaite ? C'est un mal necessêre, il y faut consentir, En te donnant la mort, j'en ai du repentir. Nous durons trop long temps, finissant nôtre envie Achetons cét objet⁎ au prix de nôtre vie. Il faut qu'un duel Termine maintenant un mal⁎ continuel. Non, non c'est trop soufrir, Isidore est trop belle. Tu l'aimes, je le sçai, mais ta fidelité Qu'on estimoit jadis, cede à ta lacheté. Je veux mal à ta rage, Ce seroit dans ton sang que tu ferois naufrage, Ecoute, faisons mieux, dequoi m'acuses-tu ? Je sçai que nous avons une égale vertu⁎. Cessons nôtre querelle, et si tu m'en veux croire Nous treuverons ailleurs des matieres de gloire⁎. Croi que cela suffit, Et que par ce moien je cherche ton profit. J'aime plus un ami que toutes les richesses, Et pour en avoir un je perdrois cent Maitresses. Tharzinte je te l'offre, et combien que je l'aime, Je veux pour t'assurer me combattre moy-même, J'ay du courage assez, mais j'ay trop d'amitié Pour te considerer sans en avoir pitié. Adieu je te la quitte à dessin que l'on sçache Qu'une telle amitié ne reçoit point de tache.