**** *creator_corneillet *book_corneillet_charmedelavoix *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_charmedelavoix *dist2_corneillet_verse_comedy *id_le-duc *date_1658 *sexe_masculin *age_veteran *statut_maitre *fonction_autres *role_leduc Si tu peux à mon mal trouver quelque remede⁎… Mais verray-je en tous lieux que Federic m'obsede⁎, Et faut-il, pour surcroist de gesne⁎ et de chagrin Qu'aujourd'huy mon malheur l'améne en ce jardin ? Quelque bien⁎ qu'il m'asseure, il faut le differer, Comme dans mon chagrin je ne puis me contraindre⁎, De mon accueil peut-estre elle pourroit se plaindre, Et je trouve à propos⁎, pour la mieux recevoir De me priver encor du plaisir de la voir. Mais, Federic, il y va de ma vie, Qu'on ait soin seulement de bien l'y divertir Tant qu'un ordre nouveau l'oblige d'en partir. Enfin, n'en parlons plus, le sort en est jetté ! La raison est pour vous, mais elle est la moins forte, Et quand la passion tâche de l'estoufer Ce n'est qu'en luy cedant qu'on en peut triompher. Enfin il est party, Fabrice, c'est à toy A me donner icy des preuves de ta foy⁎. Je tâchois à me vaincre, et l'esperois tousjours. Si tu peux m'acquerir le bien⁎ que je prétens… Non non, il faut aymer, et souffrir, et me taire, Attendant que sa fille avecque nous d'accord Du malheur que je crains m'ayde à braver l'effort. Je sçay de Federic la fiere politique, Au seul bien de l'Estat tout son zele s'applique, Et luy laisser enfin soupçonner mon amour C'est bannir de nouveau Fenise de la Cour. Voy si je dois songer à rompre le silence. Mais enfin sans adveu⁎ dois-je rien entreprendre ? Si pour trop escouter un scrupuleux devoir Fenise a jusqu'icy refusé de me voir, Puis-je sans estre seur de ne luy pas déplaire Permettre à mon amour d'agir contre son pere ? Tu m'y verras donner les ordres nécessaires. Mais comment ton adresse en viendra-t'elle à bout ? Fenise va chanter, C'est le signal, approche, il la faut escouter. Ils enlevent mon ame, Et bien, Fabrice, et bien, condamnes-tu ma flâme, Et d'un plus rare⁎ objet⁎ puis-je suivre la loy ? Quoy, tu pourrois penser qu'elle manquast d'appas⁎, Et que chantant si bien… Non, Fenise tousjours eut le bruit d'estre belle. Peut-estre…mais je crois ouyr encor sa voix, Escoute. Ah, si d'un cœur soûmis vous estimez l'hommage, Perdrez-vous des soûpirs que mon amour partage, Et lors que par l'espoir le sort se peut braver, Vous le defendrez-vous afin de m'en priver ? Fabrice, c'en est fait , il faut avec adresse A Parme dés demain renvoyer la Duchesse. Dûst se perdre Milan, on verra mon amour… Mais que vois-je ? Carlos est desja de retour. C'est assez. Mon cœur dans son transport se sent presque ravir⁎, Mais un fâcheux soucy⁎ vient traverser ma joye. De Carlos qu'il faut que l'on renvoye. Il restera surpris d'y trouver charge expresse⁎ De ramener à Parme au plûtost la Duchesse. C'est ce que je crains peu Si j'obtiens de sa fille un favorable adveu⁎. Enfin je la verray, cette aimable⁎ incognuë. Mais es-tu bien certain qu'elle doive passer ? Si l'on s'estoit douté de ta supercherie ? Et Fenise trop belle Pour ne pas craindre tout alors qu'il s'agit d'elle. Qui t'a fait si sçavant en matière d'amour ? L'objet⁎ seul dont l'empire a droit de me charmer, Je m'en forme une idée et si noble et si belle, Que je ne sçache rien qui puisse approcher d'elle. Tel qu'il soit, à mes yeux il faut qu'il soit aimable⁎, De sa divine voix j'en crois le doux effet, Le Ciel ne laisse point son ouvrage imparfait, Et l'amour sans succez⁎ entre peu dans une ame, Lors que la simpatie⁎ en fait naistre la flame. Tay-toi, j'entens marcher, on vient à nous, écoute. Je crains… Regarde, admire, voy, Fabrice, quel éclat ! Qui n'en seroit charmé ? Mais as-tu veu jamais beauté plus surprenante ? Enfin, je puis, Madame… Ne vous offensez pas… En pouvez-vous douter si vous estes Fenise ? Quoy, vous ne l'estes point ? Qu'est-ce-cy ? Que tousjours le malheur me persecute ainsi ! Vous estes de sa suite à ce que je puis croire ? Vous estes donc la Dame ? Et Fenise ? Mais icy tout à l'heure elle vient de chanter ? O succez impreveu d'une heureuse entreprise ! Que je trouve Celie où je dois voir Fenise ! Ah, non Fabrice, non, mon mal est sans remede⁎, J'ay beau voir dans Celie esclater⁎ mille appas⁎, C'est en manquer pour moy que de ne chanter pas. Voudriez-vous pour moy dire un mot à Fenise ? Ainsi je vous pourrois confier mon secret ? Et vous luy direz tout ? Daignez donc l'asseurer que mon ame soûmise Au charme de sa voix a voüé sa franchise⁎, Que malgré ses refus, le bon-heur de la voir De ce cœur amoureux sait le plus doux espoir, Et qu'enfin si le sien dans mes vœux s'interesse, Milan verra ma mort ou la verra Duchesse. Ah, c'est dire trop peu, La plus pressante ardeur⁎ n'égale point mon feu, Et sa rare⁎ beauté, pour qui ce cœur souspire, Est la seule conqueste où mon espoir aspire. A former son beau corps Le Ciel a desployé ses plus riches tresors, Jamais de tant d'appas⁎ beauté ne fut pourveuë.     C'est assez que l'amour par un merveilleux trait A mon ame enflamée en ait fait le portrait, Et s'il m'a sçeu causer de si douces alarmes⁎, Jugez ce que sa veuë aura pour moy de charmes. Non, tout ce que jamais j'ay veu de plus charmant N'a pû faire à mon cœur de surprise un moment, Ce sont fades beautez indignes qu'on leur cede. Mais cette belle voix dont les divins accents M'ont enchanté l'oreille et captivé les sens, C'est là des plus grands cœurs le charme inevitable, C'est par elle qu'au mien Fenise est adorable, Et que j'estime autant cét objet⁎ incognu Que je sens de mépris pour tout ce que j'ay veu. Mais de vostre secours mon amour a besoin, Mon secret déclaré, me le puis-je promettre ? Quel ? Fenise auroit-elle accepté d'autres vœux ? Si le Ciel l'a permis ma mort est infaillible. Et quelle est cette Dame à qui le Ciel m'engage ? Faites-moy grace entiere en m'apprenant son nom. Je viens de me remettre⁎, et sçay qui ce peut estre. Ouy, je croy la cognoistre. Ce qui presse le plus c'est qu'auprés de Fenise Vous daigniez de ma flame appuyer l'entreprise. Asseurez-la d'un cœur respectueux, soûmis, Je l'espere de vous, vous me l'avez promis. Et quant à cette Dame, à qui le Ciel fait prendre Des sentiments plus doux que je n'en dois pretendre, Dites-luy qu'à la voir si j'osois presumer Que je fusse jamais capable de l'aymer, D'une autre passion contraire à son attente Je ne la voudrois pas choisir pour confidente. Voyons sans estre veus. Celie avec raison s'estimoit autant qu'elle, Et je doute en effet si jamais sans sa voix La beauté de Fenise eust arresté mon choix, Mais elle est belle enfin, et ce charme l'emporte. Elle accorde son lut, demeurons-là. Si tu sçais que ma joye est à l'oüir chanter… Le conseil ridicule ! Ton sens de la folie a toûjours le support, Tay-toy. Enfin, belle Fenise, Le Ciel par son adveu⁎ soustient mon entreprise, Puisque malgré vos soins à vous cacher de moy Il daigne consentir au bien⁎ que je reçoy. Mais Dieux, quelle rigueur, et qui le pourroit croire Qu'au plaisir de vous voir lors que je mets ma gloire, Vos vœux dans mes désirs prissent si peu de part Que s'ils sont satisfaits je le dois au hazard ? Vous desadvoüerez donc cette voix adorable Qui d'un si beau desir m'a sçu rendre capable, Ce charme qui des-ja m'a surpris tant de fois ? Il est vrai qu'elle seule a sceu les faire naistre , Mais comment les borner quand on vous peut cognoistre, Et qu'on admire en vous ces merveilleux accords Des charmes de la voix et des beautez du corps ? Comme tous mes desirs sont éloignez du crime Je croy m'estre flaté⁎ d'un espoir legitime, Et que vous agréerez qu'en ce bien-heureux jour Mon cœur vous soit donné par les mains de l'amour. Que dis-je ? il est à vous, et la gloire où j'aspire N'est que d'estre avoüé⁎ quand j'ose vous le dire. Quoy, doutez-vous d'un feu qu'ont tant justifié⁎… Moy marié, Madame ? Et ne sçavez-vous pas qu'afin de l'irriter, En tous lieux à dessein je l'ay fait s'arrester, Et qu'à ma passion craignant qu'elle pûst nuire Carlos jusques à Parme est allé la conduire ? J'en hay jusques au nom, et trouverois plus doux De vivre sans Estats que de vivre sans vous. Pensez-en mieux de grace, Est-il quelque beauté que la vostre n'efface ? Helas, lors qu'il s'agit du repos de ma vie, Au lieu de mon amour consultez-vous Celie ? Voy Fabrice. Mais que resolvez-vous ? Ah, si vous en doutez, que vostre crainte cesse, Quelque esclat de beauté qu'estale la Duchesse, Eust-elle mille attraits capables de charmer, N'ayant point vostre voix, je ne la puis aymer. D'ailleurs les miens l'ont veuë, Et sa beauté par eux ne m'est que trop cognuë ; Ce sont charmes communs, ce sont mornes appas⁎ Qui des plus foibles cœurs ne triompheroient pas. Que dis-tu ? Vous ne respondez point ! seroit-il bien possible Qu'un si parfait amour vous trouvast insensible, Et que vous trahissiez mon espoir le plus doux, Quand j'ose mespriser la Duchesse pour vous ? Quoy ? me quitter ! Madame, encor deux mots. Et de grace, un moment ; arrestez-là, Celie. Quel mépris ! Ah, ne m'en parle point ; quoy qu'elle me méprise, Ce cœur ne brûlera jamais que pour Fenise, Elle a seule pour luy tout ce qui peut charmer. J'en sens dedans mon cœur l'impression⁎ charmante. Ah, si Celie eust eu quelque bonté pour moy… Auriez-vous exprimé ces doux empressemens… Et c'est ? Mais me dites-vous vray ? Qu'elle est folle ! entens-tu ? Tu vois. Mais cette Dame encore que peut-elle esperer⁎ ? Mais me cognoissez-vous ? Pour obliger Fenise à recevoir ma foy⁎, Continuez, de grace, à luy parler de moy, Et pour reconnoissance, asseurez cette Dame Qu'au Duc mesme aujourd'huy j'expliqueray sa flame, Et qu'en vostre faveur il peut estre qu'un jour Le Duc se montrera sensible à son amour. Fabrice, qu'en dis-tu ? J'aime cette fierté Qui releve à mes yeux l'éclat de sa beauté, Elle est belle après tout. Elle chante, il suffit pour estre la plus belle. Ouy, par sa seule voix mes vœux sont attirez, Elle seule à mon cœur livre une douce guerre. Vous me cachiez Fenise, Mais enfin malgré vous j'ay veu ce rare⁎ objet⁎. Aussi jusques icy renonçeant à mon choix, De son seul interest je me suis fait des loix, J'ay contraint ma raison sur un triste hymenée Qui l'avoit asservie avant qu'elle fust née, Et pour l'y mieux forcer par un dernier effort, Sans voir, sans estre veu, j'en ay signé l'accord, Mais aujourd'huy le Ciel autrement en ordonne. Ce discours vous estonne⁎. La surprise pourtant n'aura rien que de doux Si je partage enfin ma couronne avec vous, J'en veux mettre le droit dedans vostre famille. Espouser vostre fille. Sa beauté sur mon cœur usant de tous ses droits Vient d'achever en moy le charme de sa voix. Ouy, Federic, je l'ayme, Et rien ne peut changer ce que j'ay resolu. Non, mon dessein⁎ est juste. Quoy, lors que vostre sang prend sa source du mien, Ne vous en rend-il pas le plus ferme soustien, Et dans ce rang illustre où vostre gloire monte, Ce qui vous fait honneur, me peut-il faire honte ? Je n'ay que trop suivi cette injuste maxime, Il faut m'en affranchir. Enfin de ce dessein⁎ je prens sur moy l'issuë, Quoy qu'il puisse arriver, je le veux, il suffit. Qu'est-ce-cy, Federic, et qu'osez-vous me dire ? Quoy donc, ma volonté ne peut icy suffire ? Je force ma cholere à ne pas esclater⁎, Mais à ma passion cessez de resister. Aussi bien si pour moy la Duchesse est à craindre, L'affront est desja fait, il n'est plus temps de feindre, Et par un ordre exprés que j'ay sçeu lui donner, Carlos dans ses Estats l'est allé remener. Quelle est cette menace ? Ainsi donc la Duchesse est encore à Pavie ? Dieux, quelle perfidie ! Helas ! fut-il jamais amant⁎ plus interdit⁎ ? Je me fie à Carlos, et l'ingrat me trahit. Mais ne le vois-je pas ? ah, Dieu, quelle est ma peine ? Quoy, de retour encor, Carlos ? qui vous ramene ? Vous venez donc, Carlos, reprendre cette foy ? J'estime vostre zele, Je n'aspirois, Carlos, qu'à me dégager d'elle, Et ce seul embarras⁎ causoit tout mon chagrin. Quoy, vous pretendriez espouser la Duchesse ? Vous le sçauriez, Carlos, si vous sçaviez cognoistre Quel respect un Vassal doit avoir pour son maistre. Si-tost que vous aymez, esperer⁎ d'estre aymé Marque un feu dans vos cœurs desja tout allumé, Et ce retour si prompt offre à ma défiance L'entier et plein adveu de vostre intelligence⁎. Non, non, j'en croy ce que vous m'avez dit, Vous voulez estre Duc, Carlos, il me suffit. Allez remplir à Parme une si noble envie, Vous y pourrez aller de mesme qu'à Pavie. Suivez-moy. Suivez-moy, vous dis-je, et ne repliquez point. Me fuyez-vous, Madame, Et gardez-vous un cœur assez indifferent Pour refuser mes soins quand l'amour vous les rend ? Où me réduisez-vous, si d'un pareil outrage Vos mespris de mes vœux osent payer l'hommage ? Depuis que vostre voix m'a contraint aux soûpirs, Le desir de vous plaire a fait tous mes désirs, Et quand il vous fait voir jusqu'au fonds de mon ame, Une injuste rigueur est le prix de ma flame. Helas ! Enfin que dois-je attendre ? Mes plus profonds respects n'ont-ils rien à prétendre⁎ , Et mon sceptre et mon coeur à vostre empire offerts Me laissent-ils toûjours indigne de vos fers ? Madame, c'est assez que sa prison vous gêne⁎, Je n'examine rien, Fabrice, qu'on l'amene. A quoy qu'ait pû son crime aujourd'huy me forcer, Le bon-heur de son sang suffit pour l'effacer. Une infidelité qu'on aura peine à croire. Il ayme la Duchesse, et sans respect pour moy Ayant surpris son cœur, il aspire à sa foy⁎. Quoy, tousjours la Duchesse arme vostre rigueur ? Elle à qui ma raison a refusé mon cœur, Elle dont le nom seul m'est un supplice extréme, Elle enfin que je hay parce que je vous ayme, Et pour qui d'un beau feu mes sentimens jaloux Ont autant de mespris que de respect pour vous. Non, et comme le sang pour Carlos m'interesse Je le verrois sans peine aymé de la Duchesse, S'il avoit attendu, pour s'en faire un soustien, Que mon amour esteint authorisast le sien, Mais quoy que j'y renonce, avant que de l'apprendre, Oser porter ses vœux où l'on me voit pretendre, Estoufer un respect qui le dûst retenir, C'est ce qui fait son crime, et que j'ay dû punir. C'est faire assez pour luy que de me desguiser⁎ Par quelle intelligence⁎ il a pû m'abuser⁎, Et seur que la Duchesse appuyeroit son envie, Sans sortir de Milan luy parler à Pavie. N'en parlons plus, Madame, il est justifié ; Le voicy qui paroist. Approchez-vous, Carlos, et venez recevoir L'asseurance d'un bien⁎ qui passe⁎ vostre espoir, Puisque l'amour le veut, ne parlons plus de crime, Sans rien craindre de moy, rentrez dans mon estime, Je vous la rends entiere avec la liberté. Non, ce n'est pas à moy qu'il en faut rendre grace, S'il peut remplir l'espoir que vous en concevez, Vous voyez devant vous à qui vous le devez. Ravy par mes respects de trouver à luy plaire, Mon cœur à ses desirs immole ma colere, Et pour elle avec joye il perd le souvenir De ce qu'en vostre audace il trouvoit à punir. Cette froideur, Carlos, ou plustost ce mespris, De son zele pour vous doit-il estre le prix ? Non, puisqu'elle est pour vous, que rien ne vous alarme, Je resistois, Carlos, à vous voir Duc de Parme, Mais les soins qu'elle prend d'appuyer vostre feu Enfin pour vostre Hymen obtiennent mon adveu⁎ , J'oublie en sa faveur tout ce que j'ay pû croire. Quoy, de vostre rigueur l'excez est-il si grand Que vous desadvoüiez l'hommage qu'il vous rend ? Et lors que seur d'un feu qui s'augmente sans cesse, Il veut vous applaudir sur le rang de Duchesse… Mais si de sa rigueur je puis venir à bout ? Madame, je vous quitte, et vay sur cét accord Pour gagner Federic, faire un dernier effort , Heureux si le succez vous donne lieu de croire Que l'heur de vous servir fait ma plus haute gloire. Je vous laisse Carlos qui répondra pour moy. A luy bien exprimer l'amour que j'ay pour elle, Et chasser de son cœur certaine impression Qui seule a pû d'abord nuire à ma passion. Car enfin je l'adore, et ma flame est si pure, Que tout ce que de grand mon esprit se figure, N'a point d'appas⁎ pour moy ny si fort, ny si doux, Qui ne cede à l'espoir de me voir son espoux. Madame, le succez passe mon esperance, Mes vœux par Federic jusqu'icy condamnez D'aucun crime d'Estat ne sont plus soupçonnez, Et c'est par son adveu⁎ que mon ame charmée Vient vous rendre ma foy⁎ pleinement confirmée, Recevez-en pour gage et mon cœur et ma main. N'en doutez point, Madame, il se peut asseurer De tout ce que l'amour luy permet d'esperer⁎; Mon cœur avec plaisir lui cede la Duchesse. L'effet suivra la mienne, et je le jure icy Par ce cœur que mes soins ont enfin adoucy, Par ces yeux vifs et doux, le charme de mon ame, Par cette belle voix, la source de ma flâme, Cette voix que me fit connoistre le hazard. Je vous ay desja dit que son divin pouvoir Fit naistre en moy d'abord le desir de vous voir ;     Mais sur mon ame enfin vos beautez sans obstacle Ont d'un charme si doux achevé le miracle. De leur brillant esclat l'imperieux effort A trouvé ma raison avec mes sens d'accord, Et cedant à vos yeux une pleine victoire, Mon cœur par sa défaite a signalé leur gloire. Oserois-je expliquer ce silence pour moy ? Ce discours est obscur, mais quoy qu'il en puisse estre, Si je vous cognois mal, faites-vous mieux cognoistre, Et de mes sens charmez dissipant le faux jour, Souffrez à vos beaux yeux d'esclairer mon amour. Elle veut m'éprouver. Que dites-vous, Madame ? Sans vostre belle voix j'advoüeray que peut-estre Je n'aurois pas cherché si-tost à vous cognoistre, Et que pour ce bon-heur mes vœux moins empressez D'un soin si redoublé se seroient dispensez, Mais quand de mille attaits le Ciel vous a pourveüe, Songer à la revolte⁎ après vous avoir veuë, C'est une trahison dont le crime honteux Ne soüillera jamais la gloire de mes feux. Comment en abuser, si mes vœux les plus doux Se bornent sans reserve à prendre loy de vous ? Ce pouvoir…mais, ô Dieux ? J'entens toucher⁎ un Lut. Leur dessein⁎ est trop juste, et j'y dois consentir, Il faut les escouter. Dieux ! C'est le mesme signal de la voix qui me charme. Dieux ! eust-il rien d'esgal au trouble de mon ame ? C'est cette mesme voix qui fit naistre ma flame. Mais non, la ressemblance a pû me decevoir⁎. J'y failly, je l'advouë, et mon ame estonnée⁎ A son transport secret s'est trop abandonnée, Mais sur moy la Musique eut tousjours ce pouvoir. Qui croiroit que mon cœur, malgré sa foy⁎ promise, Dans Fenise desja ne trouvast plus Fenise ? M'auroit-on pû tromper ? A quel fâcheux tourment me va-t'elle exposer, S'il faut qu'elle s'obstine à me favoriser ? Que puis-je vous répondre, Sinon que vos bontez servent à me confondre⁎, Et que…mais malgré moy je me sens emporter. On m'a trompé sans doute, ah, c'est trop me contraindre⁎. N'importe, elle m'oblige, Son mépris me fait grace et n'a rien qui m'afflige, Puisqu'enfin sa beauté, quelques charmes qu'elle eust, Sans celuy de sa voix n'avoit rien qui me plûst. Que Celie ? Quoy qu'en beauté peut-estre elle cede à Fenise, Elle a je ne sçay quoy dont mon ame est éprise, Et d'un secret instinct l'invincible pouvoir, Quand je la pris pour elle, avoit sçeu m'émouvoir. Mais qu'en vain sa beauté, qu'en vain sa voix m'enflame, Si ce que je me dois tyrannise mon ame, Et si par ce qu'elle est tout mon esprit détruit Ne découvre… Ah, Celie, où m'avez-vous réduit ? D'un amour qui m'accable. Vous en estes coupable. Ouy, puisque c'est par vous qu'il a sçeu m'abuser⁎. Vous m'avez fait aimer vostre voix en Fenise, Vous avez à son charme engagé ma franchise⁎. Satisfait de son rang, helas ! je l'ay souffert, J'ay cedé sans contrainte, et c'est ce qui me perd. Mais c'estoit vostre voix qui soustenoit ma flame. C'est ce que mon erreur m'engageoit à luy dire, Mais enfin sur mon ame elle n'a plus d'empire, Et sur moy vostre voix en a pris un si doux, Que je me sens forcé de l'adorer en vous. Ah, si vous n'estiez pas ce que je vous vois estre… Je vivrois pour vous seule, et tiendrois à bonheur D'adjouster ma Couronne à l'offre de mon cœur. Qu'avec joye à vos pieds on me la verroit mettre, Si l'éclat de mon rang me le pouvoit permettre ! Qu'en toute son audace Elle sçait conserver et d'attraits et de grace ! Bien loin de m'irriter, sa fierté me ravit⁎. Tel est de mon destin l'aspre fatalité ; Mais enfin que resoudre en cette extremité ? Quoy, qu'est-il survenu ? tire-moy de soucy⁎. Et bien parle. Que dis-tu ? la Duchesse ? Fay venir Federic, le conseil en est pris. Rien ne m'en peut distraire, L'effort est violent, mais il est nécessaire. Puisque Fenise enfin m'a sceu rendre ma foy⁎, Que par son rang Celie est indigne de moy, Il faut qu'à ma vertu soûmettant ma foiblesse Je rende en l'espousant justice à la Duchesse. Si c'est pour l'excuser, leur esperance est vaine. Madame, enfin cessez de craindre desormais Que mes vœux importuns contraignent vos souhaits, Ils cedent, et mon cœur par un respect indigne Abandonne un espoir dont il n'estoit pas digne. Vous n'y pourriez, Carlos, que fort mal reüssir. Non que voyant vos feux appuyez l'un par l'autre, Quand j'esteins mon amour je ne plaigne le vostre : Mais quelques droits sur moy qu'on luy vist usurper, Je n'ay pû rien promettre à qui m'ose tromper, Et comme à la Duchesse un vieil accord m'engage, Puisqu'elle est à Milan, je lui rends mon hommage. Je l'empescheray bien, ce temeraire amour. J'ay quelque lieu de l'estre, et le suis en effet. Pour payer vostre foy⁎, dont par tout l'esclat brille, Je m'estois engagé d'épouser vostre fille, Mais sorty d'une erreur qu'à la fin je cognoy, Il ne m'est plus permis de disposer de moy. Vous sçavez, Federic, que tout Milan me presse D'estouffer ses malheurs espousant la Duchesse, Et puis qu'elle est icy, ce seroit le trahir, Qu'à la loy qu'il m'en fait refuser d'obeïr. Qu'est-ce-cy, Federic ? ô Dieux que faites vous ? La Duchesse ! O Dieux ! Pardonnez mon silence à ma juste surprise, Mais si l'on m'a dit vray, qui peut estre Fenise ? Quoy, c'est donc vous, Madame ? ô bonheur, ô miracle ! Puis-je assez m'excuser, Madame… **** *creator_corneillet *book_corneillet_charmedelavoix *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_charmedelavoix *dist2_corneillet_verse_comedy *id_la-duchesse *date_1658 *sexe_feminin *age_veteran *statut_maitre *fonction_autres *role_laduchesse Celles qui comme nous naissent dans ce haut rang Doivent ce sacrifice à l'éclat de leur sang. Ces hommages profonds, et ces honneurs suprêmes Ne servent qu'à les rendre esclaves d'elles- mesmes, Et leur propre grandeur estale un joug pompeux⁎ Qui pour estre éclatant n'est pas moins rigoureux. Sur tout pour leur hymen quoy qu'elles se proposent Elles sont aux Estats, les Estats en disposent, Et de leurs interests faisant d'injustes loix  Pour regler leurs desirs n'attendent pas leur choix. C'est par là que ce cœur, sans aucun autre charme, Agréa l'union de Milan et de Parme, Mais au premier soupçon qui m'a fait pressentir, Qu'à cet accord le Duc eust peine à consentir, Ayant sçeu m'echaper de Pavie incognuë, Pour m'en éclaircir mieux je suis icy venuë, Où l'ordre de Carlos ne m'a que trop appris, Ce qu'il faut que j'oppose à de lâches mépris. Quoy qui le fasse agir, le Ciel me rend justice, D'une indigne contrainte il dégage ma foy⁎, Et me laisse en estat de disposer de moy, Car enfin j'advoüeray ce qu'en faveur d'un frere Vous m'avez sçeu déja forcer à ne plus taire, Ce beau feu dont pour luy je me sentois brûler, Et que l'honneur toûjours me fit dissimuler. Je rougis toutefois, et crains un juste blâme D avoir si-tost receu l'hommage de sa flame, Et doute si Carlos, dans un trop prompt aveu Peut estimer un bien⁎ qui luy coute si peu. Ce n'est pas d'aujourd'huy que je l'ay sçeu cognoistre, Mais à vous en oüir exaggerer l'ardeur⁎, Carlos auprés de vous n'a que de la froideur, Jamais sœur ne prit tant les interests d'un frere. D'un pareil traitement l'exemple est assez rude. Vous m'en devez haïr puisque ce fut pour moy. Il a l'air d'un bizarre⁎, et tantost à le voir J'ay lû dedans ses yeux ce qu'on m'en fait sçavoir, Mais c'est peu d'en juger par ce qu'ils font paroistre, Je veux l'entretenir sans me faire cognoistre, Il est juste aussi bien qu'il me voye à son tour. Que la vangeance alors auroit pour moy de charmes ! Il n'en feroit pas mieux. Le Duc pourroit me plaire ? Flattant son feu d'espoir, faites qu'il continuë. On publie⁎ en effet que c'est une merveille⁎, Et j'ay sçeu de Carlos, luy qui ne farde⁎ rien… Je voudrois avoir lieu de m'en croire moy-mesme. Les accords en sont doux quand la voix les anime, Ce talent est aimable⁎. Et bien ? Pour me cacher usons de stratagème. Ce jeu de vostre esprit ne se peut trop priser. La rencontre est plaisante, Comme il me prend pour vous, il attend que je chante. J'y vais remedier. Julie est-elle icy ? Cherchez, Laure, mais Dieux ! qui nous observe ainsi ? Seigneur, je l'advoüeray, ce reproche m'estonne, Quand on vit sans desirs on n'en cause à personne, Et je me cognois trop pour oser concevoir Qu'on se laissast surprendre à celuy de me voir. Si bien que vos desirs sont l'effet de ma voix ? J'examine⁎, Seigneur, quand je vous pourrois croire, Comment vous accordez vos desirs et ma gloire, Et je ne vois pas bien de quel espoir flaté⁎ Vous admirez ma voix, ou loüez ma beauté. Voyez qu'à ma vangeance il se livre à propos⁎. Si c'est-là de la Cour le langage ordinaire⁎, Il faudra que j'apprenne à n'estre plus sincere. Quoy, l'on parle d'amour quand on est marié ? Est-ce que vous croyez m'acquerir pour Maistresse ? Avecque la Duchesse. Un tel adveu⁎, Seigneur, m'est assez favorable⁎, Mais c'est un peu trop tost m'engager vostre foy⁎, Peut-estre la Duchesse est plus belle que moy, Et je m'exposerois… J'obtiens sous vostre nom un accueil assez doux, Voyez ce que je puis luy promettre pour vous, Respondray-je en cruelle, ou seray-je propice⁎ ? Mais c'est pour vostre voix que ce desir esclate. Où l'on voit à la plainte un cœur abandonné, L'amour naistra bien-tost s'il n'est pas desja né. Outre que son advis est le seul qui me plaist, Peut-estre a-t'elle icy quelque peu d'interest, Je le dois conserver. De prendre vostre amour Pour un feu qui peut naistre et mourir en un jour, Pour un aveugle effort d'une premiere idée Dont sans reflexion vostre ame est possedée, Ou si vous m'en voulez pleinement asseurer, Il faut voir la Duchesse, et puis me preferer. En vain de ce mespris qui si tost vous desgage, Vostre legereté tire quelque avantage, Puisque dans cét amour qui presse mon adveu⁎ Ma voix merite trop, et ma beauté trop peu. Si pour avoir oüy cette voix qui vous blesse, Sans scrupule aujourd'huy vous quittez la Duchesse, Pour me rendre le change, et m'oster vostre foy⁎, Il ne faudroit demain que chanter mieux que moy, L'exemple me fait peur, et sur cette asseurance Vous pouvez adresser ailleurs vostre inconstance. Adieu. Allons, il faut donner mes ordres à Carlos. Quoy, Seigneur, jusqu'icy ? Mon procédé n'a rien qui vous doive desplaire, Je ne tâche à vous fuïr que pour vous satisfaire, Et comme on souffre à voir un objet⁎ odieux, J'en voudrois espargner la contrainte à vos yeux. Quand pour moy par l'effet vostre hayne s'exprime, Ce reproche, Seigneur, est bien peu legitime, Ou sans doute vos sens par quelque erreur seduits Ayent mal sçu jusqu'icy penetrer qui je suis. Mais si vous l'ignorez je veux bien vous apprendre Qu'en vain d'aimer Carlos je voudrois me defendre, Et que la juste ardeur⁎ d'un zele assez parfait M'oblige à partager l'outrage qu'on luy fait. Quel crime aupres de vous auroit soüillé sa gloire ? C'est ainsi que j'ay dû me tenir asseurée D'effacer la Duchesse et d'estre préferée ? Si ce mépris est tel que vous me l'osez peindre, Qu'a l'amour de Carlos dont vous puissiez vous plaindre ? Avec peu de raison vous vous en offencez, Est-ce un crime d'aymer ce que vous haïssez ? Par vostre dernier ordre il n'a donc pû cognoistre Que vostre amour cessant son espoir pouvoit naistre ? Doutez-vous qu'à sa foy⁎ vostre ordre confié… Il suffit que je sçache expliquer son silence. Il n'est pas temps, Carlos, de parler de la sorte. Et qui m'asseurera que ce n'est pas en vain S'il faut que Federic s'oppose à ce dessein⁎ ? Sur nos premiers traitez à voir comme il s'explique, Ce changement d'Hymen blesse sa politique. Jugez de moy par vous quand je vous devray tout. A de tels sentimens je sçay ce que je doy. Quoy, Carlos, je t'entens souspirer, Quand par l'adveu du Duc tu peux tout esperer ? Va, sans t'inquieter⁎, apprens par quelle erreur Il m'adresse des vœux qu'il forme pour ta sœur, Et qu'espris de sa voix, dont la douceur l'appelle, Il croit aimer en moy ce qui le charme en elle. Mais puis qu'à ton amour il a pû consentir, Ne perdons point de temps, et songeons à partir, Quoy que par ses mépris je me sente outragée, M'en estant fait aimer, je suis assez vangée, Et ma beauté du moins s'applaudit⁎ en secret De l'avoir mis au point de me perdre à regret. Cette froideur m'estonne⁎, Parle enfin, que faut-il, Carlos que j'en soupçonne ? C'est donc ce que de toy, pour t'avoir osé croire, Mon amour… Quoy, tu cedes le tien ? S'il me prend pour Fenise, il n'aime qu'elle en moy. Tu peux m'avoir aimée et parler de la sorte ? Le glorieux projet, D'estre mauvais amant⁎ pour estre bon sujet ! Va, rends à me trahir ta foy⁎ brillante et pure, Acheptes-en l'éclat aux dépens d'un parjure, C'est de ta lâcheté me vanger pleinement Que de t'abandonner à ton aveuglement. Je ne te dis plus rien, fay gloire de ton crime, Ainsi qu'à mon amour renonce à mon estime, Tandis que par un droit jusqu'icy suspendu Mes armes poursuivront l'hommage qui m'est dû, Et que pour égaler le supplice à l'offence Le Ciel sur tout Milan estendra ma vangeance, Je vais y donner ordre, adieu. Quoy que vous me disiez de l'ennuy⁎ qui l'accable, L'ayant pû meriter il est assez coupable, Et toute ma rigueur vange mal ma fierté De l'outrageant refus dont il fait vanité ;     Mais en vain contre luy je me sens animée Si je songe tousjours qu'il peut m'avoir aimée, Et si mon feu sans cesse oppose à mon couroux Ce qu'un tel souvenir a pour moy de plus doux. Quoy que pour luy mon cœur me presse d'accorder, Puis-je oublier si-tost qu'il m'a voulu ceder ? C'en est trop, et des-ja ma colere s'efface, Au seul nom de Carlos mon cœur obtient sa grace, Il y rentre, ou plustost il n'en n'a pû sortir. Mais enfin il ne peut se résoudre à partir ! Pour finir cette erreur que ma feinte a fait naistre Je vois bien qu'il est temps de me faire cognoistre ; Mais les mépris du Duc que j'ay voulu braver Abatent mon espoir au lieu de l'eslever ;     Mon orgueil s'en plaignoit, et pour le satisfaire, J'advouay ma beauté de chercher à luy plaire, Et j'ai trop reconnu que ses foibles attraits Ont obtenu sur luy l'effet de mes souhaits. Ainsi je crains que son cœur trop sensible N'apporte à nos projets un obstacle invincible, Et que me cognoissant, il n'ose avec esclat Faire agir pour sa flame un interest d'Estat. Ce sont les sentimens dont ma colere s'arme, Et si l'amour du Duc me cause quelque alarme, C'est pour prevoir qu'en vain j'ose me desguiser Qu'au bon-heur de Carlos il voudra s'opposer. Cependant, si je sçay penetrer dans vostre ame, D'un lâche abaissement vous soupçonnez ma flame, Et croyez que Carlos auroit en vain ma foy⁎, Si le Duc s'obstinoit à soûpirer pour moy. Pour guerir vostre esprit de cét abus ext réme Je veux de son amour que vous jugiez vous- mesme, Et qu'en voyant l'effort, vous puissiez tesmoigner Quels nobles sentimens me le font desdaigner. Je l'apperçois qui vient. Seigneur, si Federic de surprise incapable A vostre passion se montre favorable, Dans tout ce que l'honneur fait dépendre de moy, Soyez seur que Fenise agréera vostre foy⁎, Pourveu que cette foy⁎ par mes vœux couronnée Me tienne pour Carlos la parole donnée. Quelquefois on oublie une juste promesse. J'ay donc sujet de croire Qu'à ma voix de vos feux je dois toute la gloire ? N'en soyez point surpris, l'adveu⁎ que vous me faites Pour l'orgueil de mes vœux a des douceurs secrettes, Dont vous comprendriez l'appas⁎ misterieux S'il vous estoit permis de me cognoitre mieux. Vos soins et vos respects semblent assez me dire Qu'en effet vostre amour en recognoit l'empire, Mais de grace, sans fard⁎ esclaircissons un point, Me pouriez-vous aimer si je ne chantois point ? Cette atteinte impreveuë estonne⁎ vostre flame ; Mais enfin pourriez-vous me garder vostre foy⁎ Si jusqu'icy quelque autre avoit chanté pour moy ? Ce fort attachement, quoy que peu merité, D'une fierté nouvelle enfle ma vanité, Qui peut-estre abusant de vostre ame enflammée Vous fera repentir de m'avoir trop aimée. Un amour si soûmis est mauvais Politique. Car enfin nostre empire est un peu tyrannique, Et comme nostre orgueil soustient ce qu'il résout, Une femme est à craindre alors qu'elle peut tout. Quelle est cette surprise ? Je ne voy plus Fenise. Mes filles quelquefois voulant me divertir… O Ciel ! se pourroit-il, m'ayant tant protesté⁎, Qu'une voix dans son cœur effaçast ma beauté ? Qu'il ose de mes yeux balancer le pouvoir, Et d'un lâche caprice⁎ appuyant l'imposture Joindre au premier outrage une seconde injure ! S'il s'en laisse surprendre, il faut pour m'en vanger Que de nouveaux appas⁎ m'aident à l'engager. Quoy, Seigneur, la Musique à ce point vous transporte, Qu'elle vous authorise à réver⁎ de la sorte ? Son charme pour vos sens peut-il estre si doux, Qu'il vous fasse oublier que je suis avec vous ? De grace, seyez-vous, que je puisse me seoir. Il faut que sur nos sens L'empire du devoir ait des droits bien puissants, Car enfin, quelque esclat qui brille dans vostre ame, Avant que Federic approuvast vostre flame, Je n'y remarquois point ces rares⁎ qualitez Dont soudain son adveu⁎ m'a fourny les clartez,     Et qui dans un instant par un pouvoir extréme Vous rendent à mes yeux different de vous-mesme. Vous ne répondez point ? C'en est trop, pour ma gloire il est temps d'éclater⁎. Levons le masque, Duc, enfin c'est assez feindre. Je vous rends vostre amour, qui pour en bien parler Ne cherchant qu'une voix, n'est qu'un amour en l'air. Si l'espoir de ma main a pû flater⁎ vostre ame, Le Ciel a pris plaisir d'abuser⁎ vostre flame, Et n'a sur ce faux bien⁎ arresté⁎ vostre choix Qu'afin de trouver lieu de vous l'oster deux fois, Et vous faire advoüer, trompant vostre esperance, Que vous n'en meritiez l'effet, ny l'apparence, C'est ainsi qu'il se rit d'un feu capricieux, Adieu, vous répondrez quand vous m'entendrez⁎ mieux. Vous pensez me braver, Duc, mais par cét adveu Vostre aveugle mespris ne m'oblige pas peu, Puis qu'à changer d'objet⁎ vostre ame un peu trop prompte Sur vous d'un fier refus fait retomber la honte : Car enfin de sa part je viens vous asseurer Qu'en vain à son Hymen vous osez aspirer, Et que ce qui l'amene est une ardeur⁎ sincere D'asseurer à Carlos le bon-heur qu'il espere. Ouy, c'est moy, vous en doutez en vain. A l'amour de Carlos voudrez-vous mettre obstacle ? **** *creator_corneillet *book_corneillet_charmedelavoix *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_charmedelavoix *dist2_corneillet_verse_comedy *id_federic *date_1658 *sexe_masculin *age_veteran *statut_maitre *fonction_pere *role_federic Il faut vous retirer⁎, le Duc est de retour, Ma Fille, et son chagrin, qu'aucun plaisir n'efface N'a pû ceder long-temps à celuy de la chasse. Pour resver⁎ solitaire il doit entrer icy. Ma fille, c'est demain que la Duchesse arrive, Et l'Estat par mes soins jusqu'icy defendu Vous remettra par elle au rang qui vous est dû. Hastez-vous de rentrer, le Duc s'en va paroistre. Seigneur, si prés de voir arriver la Duchesse Vous conservez encor cette morne tristesse ? Un espoir si charmant vous en dûst retirer. Quoy, comme aux autres lieux l'arrester à Pavie ! Seigneur… Ce long retardement ouvrant sa défiance Convaincra vostre amour de peu d'impatience, Et je crains que par là son esprit irrité… Au point que cét hymen à vostre Estat importe… Puisqu'aujourd'huy sur vous la vostre a tant d'empire, De peur de l'irriter⁎, Seigneur, je me retire. Je viens vous apporter une estrange⁎ nouvelle. De ton départ, Carlos, ne sois plus en soucy⁎, La Duchesse en secret vient d'arriver icy. Moy-mesme je l'ay veuë, Elle veut à Milan demeurer inconnuë, Et tenant de son rang le secret déguisé, Entretenir le Duc sous un nom supposé. Ma Fille, cependant courez au devant d'elle, Et dans son entreprise offrez-luy tous vos soins. Allez, je vous rejoins. Carlos, sans penetrer son dessein⁎ davantage, Pour servir la Duchesse il faut feindre un voyage, Et demeurant caché le reste de ce jour, D'un ordre de sa part appuyer ton retour. Prens bien garde sur tout de ne luy rien apprendre Du dessein⁎ que le Duc contre elle avoit sçeu prendre, Pour l'interest public il faut dissimuler⁎. Qu'esbloüy de ses charmes Le Duc à sa beauté rendra soudain les armes, Et que de son chagrin l'effort capricieux Cedera⁎ sans contrainte à l'esclat de ses yeux. J'en viens d'estre surpris ; on lit sur son visage Une fierté si noble et d'ame et de courage, Sa taille avantageuse a tant de majesté, Son teint tant de douceur et de vivacité, Qu'aupres tant de beautez il est presque impossible D'en voir briller l'appas⁎, et n'estre point sensible⁎. C'est ce qu'il faut sçavoir. Comme à l'entretenir le devoir nous appelle, Allons sans differer en resoudre avec elle. Seigneur, quelle surprise ! Vous rencontrer icy ? Je n'ay jamais agy qu'en fidelle sujet. En l'esloignant de vous si j'ay pû vous déplaire, Pour le bien de l'Estat j'ay crû le devoir faire. Que dites-vous, Seigneur ? Quoy, Seigneur, vous voulez ? Ah, dissipez ce charme, et rentrez en vous - mesme. Vous, l'amant⁎ de ma fille ? Servez-vous mieux, Seigneur, du pouvoir absolu. Il ne le faut pas croire, Puisqu'il blesse l'Estat, il blesse vostre gloire. Ouy, Seigneur, si l'Estat à qui vous vous devez Voit que ses interests en soient mal conservez, Nous sommes tous à luy, mais vous plus que tout autre, Ce qui n'est point son bien ne peut estre le vostre, Et comme à tous vos soins il doit servir d'objet, S'il vous fait nostre maistre, il vous rend son sujet. Le pouvez-vous sans crime, Et songez-vous assez de quel sanglant affront La Duchesse par là verroit rougir son front ? Après qu'en vos Estats on l'a desja reçeuë… Et je suivray les loix que le Ciel me prescrit. Non, quand j'en voy sur moy la honte rejaillir, C'est assez pour bien faire, et non pas pour faillir, Comme vostre tuteur j'ay droit de vous l'apprendre. Pour ne pas vous aigrir je cede et me retire, Je ne puis toutefois m'empescher de vous dire, Que peut-estre pour voir vos desseins⁎ traversez, La Duchesse n'est pas si loin que vous pensez. Je vous blâmois à tort, si par cette surprise Le Duc vous a pû voir sans cognoistre Fenise, Et j'en trouve à mes vœux le succez assez doux Puisqu'elle a fait passer la Duchesse pour vous. Pour le bien de l'Estat empeschons qu'il n'en sorte. Il faudra qu'à la fin la Duchesse l'emporte, Et nous verrons ceder avec facilité Les charmes de la voix à ceux de la beauté. On n'éteint point un feu qu'un vray merite allume , A la voir seulement faisons qu'il s'accoustume, Et n'apprehendons point, s'il s'en laisse charmer, Que pour la mieux cognoistre il cesse de l'aimer. Quoy que sur son esprit son caprice⁎ ait de force, L'éclat d'une Couronne est une douce amorce⁎, Et le droit d'un Estat où dispenser ses loix, Fait bien-tost oublier la douceur d'une voix. S'il faut à nos desseins⁎ que la fierté s'oppose, Pour gagner son esprit vous pourrez quelque chose, Déja sur vos conseils je la voy se regler. Par les ordres du Duc vostre frere arresté Reçoit le juste prix de sa temerité, Et si sans mon adveu⁎ son espoir osa naistre, Je sçauray desormais l'empescher de paraistre. Si d'un commun accord le Duc et la Duchesse Rompoient cette union où l'Estat s'interesse, Et qu'un nouveau traité propice à leurs souhaits En dégageant leur foy⁎ nous assurast la paix, Alors ce cœur jaloux, comme vous l'osez croire, De la grandeur d'un fils feroit toute sa gloire, Et je n'ay point de sang que pour le couronner Ma juste ambition ne fust preste à donner. Non non, la passion que le Duc fait paroistre S'attache au seul objet⁎ qui l'a dû faire naistre, Et lors que tout l'Estat se repose sur moy, Je sçay de son erreur quel conte je luy doy. Tâchez à la nourrir⁎, tandis qu'avec adresse Je sçauray mesnager l'esprit de la Duchesse. Quel chagrin importun de nouveau vous possede⁎ ? Seigneur, vous paroissez l'esprit tout inquiet⁎. Ouy, Seigneur, et tantost si j'ay pû pour Fenise De vostre amour seduit approuver l'entreprise, Apprenez que desja de vostre erreur instruit Mon cœur à la Duchesse en asseuroit le fruit. En vain pour mes enfans le sang me sollicite, Pour esbranler ma foy⁎ sa force est trop petite, Et je ne me souviens de ce que je leur doy Qu'apres que mon païs n'attend plus rien de moy. Ainsi sans balancer espousez la Duchesse, Qu'aujourd'huy de Milan elle soit la maistresse, Rendez cette justice à l'esclat de son sang, A celuy qu'elle en tient joignez ce nouveau rang, Je le verray sans peine, et je fais davantage Si j'ose l'asseurer par mon premier hommage. Recevez-le, Madame, et souffrez qu'à genoux… Ce que d'un bon sujet vous avez droit d'attendre. **** *creator_corneillet *book_corneillet_charmedelavoix *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_charmedelavoix *dist2_corneillet_verse_comedy *id_carlos *date_1658 *sexe_masculin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fils *role_carlos Seigneur, vous me verrez sans doute avecque joye, Apprenant que vers vous la Duchesse m'envoye, Et que de son amour l'impatiente ardeur⁎, Vous explique par là les secrets de son cœur. Ces superbes apprest dont la magnificence Par vostre ordre à Pavie honore sa presence, N'ont point d'appas⁎ en eux qu'elle daigne gouster⁎, Lors que pour en joüir il s'y faut arrester. C'est ce que de sa part j'ay charge de vous dire, Vous voir est le seul bien⁎ où son désir aspire, Et l'ennuy⁎ qu'elle sent⁎ des honneurs qu'on luy fait D'une agréable cause est le charmant effet. A ce retardement où leur pompe⁎ l'engage, Un aymable⁎ courroux a saisi son courage, En vain à le cacher elle a fait quelque effort, Dans l'éclat de ses yeux il a paru d'abord⁎ ; A songer au bonheur dont ce delay la prive, On les a veu briller d'une clarté plus vive, Son teint dont la blancheur eust les lys effacez, Souffrant un doux mélange a paru… O l'estrange caprice⁎ ! D'où luy vient cette humeur ? Arreste, un mot, Fabrice. Toy qui souvent du Duc partage le soucy⁎, Apprens moi qui l'oblige à me traiter ainsi. Sans daigner me parler je voy qu'il se retire. Pour l'aigrir contre moy qu'aurois-je pu luy dire ? Car enfin je n'ay fait qu'applaudir⁎ à ce feu Dont luy mesme avec joye il a signé l'adveu⁎. Par ce retardement qui gesne⁎ la Duhesse J'ay donné plus de jour à l'ardeur⁎ qui la presse,     J'en ay peint tout exprés⁎ ses desirs traversez, J'ay parlé de ses yeux, de son teint… Tout sert à me confondre⁎. Quoy, le Duc tout à coup s'en va sans me répondre, Et quand je croy venir soûlager son amour Un silence affecté condamne mon retour ? Quelle enigme est-ce-cy ? Dieux, qu'est-ce qui se passe ? Mille pensers divers me tiennent divisé⁎. Qui le devineroit ? Mais enfin le sujet, quel est-il ? Ah, cesse de railler quand mon sort rigoureux Dans un trouble confus laisse flotter mes vœux. Si pour quelque autre objet⁎ l'ame d'amour atteinte Le Duc pour son hymen sentoit quelque contrainte, Et qu'il vist à regret…mais, ô frivole espoir Qu'un feu trop écouté me laisse concevoir ! C'est plustost que ce cœur, à loüer la Duchesse A trop fait éclater⁎ quel motif⁎ l'interesse, Et que mes sentiments par un zele⁎ indiscret⁎ D'un amour que je cache ont trahy le secret. Ah, Dieux, s'il est ainsi… Et bien ? Je pers temps en effet d'écouter tes sottises, Allons trouver mon Pere, et tâchons de sçavoir Si j'ay plus de sujet de crainte que d'espoir. Ma sœur, la fortune nous rit, Et sur nous desormais sa faveur se déploye, Voyez dans ce billet la cause de ma joye. Que dites-vous, de l'ordre qu'il me donne ? Vous, ma sœur, et dequoy ? Ils sont les seuls à craindre à qui se voit forcé De déguiser sa peine aux yeux qui l'ont blessé. Le respect quelquefois a lieu de prévaloir. Je sçay qu'on lui doit tout, aussi j'ose vous dire Que sentant dans mon cœur ce que l'amour inspire, Ma raison dont mes sens tâchoient de triompher S'employa toute entiere afin de l'estoufer, Et si de cette ardeur⁎, à toute autre incognuë Mes soûpirs malgré moy vous ont entretenuë, C'est que contraint ailleurs à les trop resserrer, Ce cœur aupres de vous cherchoit à respirer. Mais qu'à ce nouvel ordre il m'est doux d'obéïr, Quand le Duc rejettant l'hymen de la Duchesse Oste à ma passion toute ombre de foiblesse, Car c'en est une enfin qu'on ne peut trop blâmer Que d'aymer sans espoir qui ne peut nous aymer. J'ay vescu cependant dans ce cruel martyre, J'aymois, et le respect m'empeschoit de le dire, Et mes vœux incertains, dans mon cœur renfermez, Y mouroient languissans, aussi-tost que formez, Helas ! combien de fois sans le faire paroistre Me suis-je plaint du rang où le Ciel m'a fait naistre, Puisque son vain esclat faisoit tomber sur moy Le redoutable honneur d'un glorieux employ, Qui pour servir le Duc me reduisoit sans cesse A m'arrester à Parme auprés de la Duchesse ! C'est-là qu'à ses regards ce cœur trop exposé Prit l'amorce⁎ du feu dont il s'est embrasé, C'est-là que le devoir m'attachant à luy plaire Produisit un effet à soy-mesme contraire, Et que de mes respects les soins trop assidus Dans l'hommage du Duc se virent confondus, Mais enfin ennuyé⁎ de contraindre⁎ ma flame, Le Ciel daigne à mes vœux abandonner mon ame, Et cét heureux revers que je n'osois prevoir Permet à mon amour les douceurs de l'espoir. Je l'advoüray, ma sœur, si l'ardeur⁎ qui m'enflame Esclaire assez mon cœur pour lire dans son ame, L'estime que tousjours la Duchesse eut pour moy Trouve quelque contrainte au respect de sa foy⁎, Et ce qu'elle se plait à m'en faire paroistre Desadvouë à regret l'amour qui le fait naistre. Cent fois j'ay veu sa peine égale à mon ennuy⁎, A m'oüir expliquer la passion d'autruy, Et nos cœurs interdits ne se pouvoit défendre De pousser des souspirs que nous n'osions entendre. Ainsi comme l'Hymen que l'on voit arresté⁎ A pour unique appuy⁎ la foy d'un vieux traité, Que bien loin que son cœur dans ce choix s'interesse⁎, Le seul bien de l'Estat y porte la Duchesse, Et que mesme elle tient pour un mépris secret Que le Duc n'ait jamais demandé son portrait, Jugez si d'un retour où son ordre m'engage, Mon adresse pourra dissimuler l'outrage, Et si prenant mon temps à parler de mon feu Il doit m'estre permis d'en esperer⁎ l'adveu⁎. L'ordre que je reçois m'en offre le moyen. Federic toutefois m'en donne un tout contraire, Aupres de la Duchesse il m'engage à me t aire, Tandis que de sa part il fera son effort A remettre le Duc aux termes de l'accord. A ces hauts sentiments je voy toute ma sœur. Que pour mes interests elle montre d'ardeur ! Certes, je suis confus de voir qu'à tant de zele… Que dites-vous, Seigneur ? La resolution me semble si nouvelle… Mais sans se découvrir elle veut luy parler ? Quel en est vostre espoir ? Mais enfin sous quel nom le pretend-elle voir ? En quelle qualité ? L'ordre de la Duchesse, à qui pour inspirer Le dessein⁎ de partir et de se retirer, J'ay sçeu feindre d'abord qu'une attente impreveuë Vous priveroit encor quelque temps de se veuë, Et que d'un mal trop prompt les violens accez Nous en faisoient desja redouter le succez. Lors que m'interrompant ; je voy ce qu'il espere, Carlos, m'a-t-elle dit, il faut le satisfaire, Pour soulager son mal retournez de ce pas L'asseurer que demain je sorts de ses Estats, Et que tenant ma foy⁎ par contrainte engagée, Pourveu qu'il me la rende, il m'aura trop vangée. C'est ce que la Duchesse a souhaité de moy, Et j'ay crû vous servir… Consentez-donc, Seigneur, à mon heureux destin, La Duchesse a pour moy quelques bontez secrettes Dont ses yeux aujourd'huy m'ont servy d'interpretes, Et si par vostre adveu⁎ j'osois me declarer, Apres vostre refus, j'aurois droit d'esperer⁎. Seigneur, lors que je voy que vostre flame cesse, Estant de vostre sang, quel autre mieux que moy Peut pretendre à l'honneur de meriter sa foy⁎ ? Seigneur… Mon mal-heur me reduit⁎-il au point De… Que voy-je ? la Duchesse ? Ah, le Duc la cognoit, et tout espoir me laisse. Ah, pour un bien⁎ si grand permettez que j'embrasse… Dieux, que viens-je d'oüir ? l'aymeroit-il Camille ? Un bonheur qui surprend porte à la défiance, Et l'on en voit si peu qui ressemblent au mien, Qu'il me force à douter si je le conçois bien. O favorable adveu⁎ qui me comble de gloire ! Madame, tout mon sang pour la vostre espandu⁎ Pourroit-il m'acquiter de ce qui vous est dû ? Ce haut rang de Duchesse à qui ce cœur apporte… Seigneur, à cét adveu qui pour moy vous engage, Joindre de vos bontez ce nouveau tesmoignage ! En quoy puis-je, Seigneur, vous témoigner mon zele ? Ah, Dieux ! Il la veut épouser, Camille ! O malheur ! Si vous me condamnez alors que je soûpire, Que m'a-t'il dit, Madame, ou qu'osez-vous me dire ? Ah, que m'apprenez-vous ? Que le sort qui se plaist à me tyranniser M'offre en vain un bonheur que je dois refuser. Ah, Madame, il fait toute ma gloire, Mais aussi, s'il fut trop pour le peu que je vaux, Je puis dire qu'il fait le plus grand de mes maux. Car lors que par le temps l'amour ne peut s'éteindre, Si le manque d'espoir rend un amant⁎ à plaindre, Jugez dans quelle horreur il se voit abysmé, A ceder cét espoir quand il se voit aimé. Ma peine en est extréme, Mais je dois tout au Duc, et je voy qu'il vous aime. L'abus du nom fait peu pour dispenser ma foy⁎ ; Il suffit que c'est vous dont la beauté l'engage, Vous à qui de son cœur il adresse l'hommage, Et que sans lâcheté je ne puis aujourd'huy, Cognoissant son erreur, m'en servir contre luy, Je sçay que cet effort où l'honneur me convie Ne peut avoir d'effet sans me coûter la vie, Mais à la trahison on doit peu recourir, Quand pour sauver sa gloire il ne faut que mourir : Des grands cœurs affligez c'est la plus douce attente , Je mourray donc, Madame, et vous vivrez contente, Et mon feu cachera si bien tous ses desirs Qu'il ne paroistra plus qu'en mes derniers soûpirs ; Ainsi le Duc pour vous ayant l'ame enflamée, Ne vous offencez point de vous en voir aimée, Souffrez que par l'espoir ses vœux soient animez, Et s'il se peut, helas ! j'ay pensé dire, aimez. Mais pour marquer ma foy⁎, c'est peut-estre assez faire De luy sacrifier une flame si chere, Sans que je vous conseille en ce malheureux jour Ce qui rend vostre perte affreuse à mon amour. Cet amour m'est bien cher mais mon devoir l'emporte, Et le respect du Duc… O rigueur de mon sort ! que dois-je faire ? Que cet effort me coûte ! Ah, crains de me déplaire. J'ay fait ce qu'a voulu l'interest de ma gloire. Helas ! où me vois-je réduit ? Perdre un objet⁎ si cher ! Non non, n'en parlons point, Camile ; Dans le pressant malheur où me plonge le sort, Si quelque espoir me reste il n'est plus qu'en la mort. Seigneur, souffrez qu'icy j'ose vous éclaircir… Je voy dans ce discours ce qui vous peut surprendre, Mais, Seigneur, si d'abord vous m'eussiez escouté, Il n'auroit eu pour vous aucune obscurité, Et vous auriez déjà cognu par quelle adresse, Où vous croyez ma sœur, vous croyez la Duchesse. **** *creator_corneillet *book_corneillet_charmedelavoix *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_charmedelavoix *dist2_corneillet_verse_comedy *id_fenise *date_1658 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_fenise Apres douze ans d'exil te faut-il estonner Si l'ordre qui m'en tire a dequoy me gesner⁎ ? Quand on a tant vescu dedans la solitude On n'y renonce pas sans quelque inquietude⁎, Et dans le changement qui me vient d'arriver Les plus fermes esprits se plairaient à resver⁎. Ah, don de la nature à mon repos fatal ! Ouy, Laure, et c'est en vain qu'un obstiné silence Voudrait t'en dérober l'entiere cognoissance, J'en sens par cét effort redoubler la rigueur, Et te le découvrir c'est soûlager mon coeur. Mais pour le concevoir, remets en ta memoire De nos malheurs passez la pitoyable histoire, Lors que le Duc de Parme, injuste en ses projets, Nous priva si long-temps des douceurs de la paix. Helas ! je vins au jour dans ce temps malheureux, Qui fit naistre un Accord pour moy si rigoureux, Puisque j'entrois à peine en ma cinquiesme année Que Milan de son Duc pleure la destinée, Il meurt, et par un choix qui nous comble d'honneur, Mon pere de son fils est declaré tuteur. Sa prudence cognuë, et son rang et son âge Acquierent à sa foy⁎ cét illustre avantage, Et chacun s'asseurant sur sa fidélité, On luy laisse le soin de l'Hymen arresté⁎. Comme par une rude et triste experience⁎, Pour l'un et l'autre Estat il en sçait l'importance, Auprés de la Duchesse, heritiere à son tour, A Parme pour son Maistre il fait tousjours sa cour, Et craignant de laisser un pretexte à l'envie Qui pûst mesler quelque ombre à l'éclat de sa vie, Pour monstrer qu'à l'Estat il est bien plus qu'à soy, Par mon bannissement il veut marquer sa foy. Ce que sur mon visage il pense voir de charmes Pour le rendre suspect a d'assez fortes armes , Avec le jeune Duc m'élever au Palais C'est vouloir l'asservir au peu que j'ay d'attraits, Et rompant un Traité qui finit nostre peine⁎, M'asseurer en secret le rang de Souveraine. Voyla sur quels motifs ce pere sans amour Dés l'âge de cinq ans m'esloigna de la Cour. Compagne de mon sort, tu scais à quelle estude J'ay tâché d'employer⁎ ma longue solitude, Et que sans estre veuë, ou du moins rarement, J'ay pris pour la Musique assez d'attachement. Ah, s'il faut éclaircir ton esprit abusé⁎, Comment gueriroit-elle un mal qu'elle a causé ? Pour les nopces du Duc à Milan revenuë, A ce Prince tousjours je demeure incognuë, Et l'on ne me permet de paroistre à ses yeux, Qu'avecque la Duchesse attenduë en ces lieux. Mon Frere l'est allé recevoir à Pavie, Et de tant de malheur ma fortune est suivie, Que contre mes souhaits, sans en rien esperer⁎, Je romps son hyménée, ou le fais differer. Si de cét adveu ton ame est estonnée⁎ Songe depuis huit jours quelle est ma destinée, Et qu'affranchie enfin d'un long banissement, Dans le Palais du Duc j'ay cét appartement, Qu'ayant sur ce jardin une secrette⁎ veuë, C'est de là qu'aisément, sans en estre apperçeuë, J'ay pù, quelque ordre exprés⁎ qui m'en ostast l'espoir, Et voir ce jeune Prince, et suivre mon devoir. Helas ! par cette veuë où me vois-je reduite⁎ ? Ma raison en desordre en fut d'abord⁎ seduite, Et pour le dissiper je cherchay dans ma voix Ce charme qu'à mes maux elle offrait autrefois, Mais qu'indiscretement⁎ je rompis le silence ! Le Duc en est surpris, il s'approche, il s'avance, Je me pers, je me trouble à le considerer, Interdit et confus, je l'entens soûpirer, Et l'un et l'autre atteints de blesseures pareilles, S'il m'ébloüit les yeux, je touche⁎ ses oreilles. Il l'apprit aisément, Et son inquietude⁎ égalant mon tourment⁎ Dans la pressante ardeur⁎ qu'il a de me cognoistre Chaque jour en ce lieu je le voy seul paroistre, Je chante, et ne pouvant obtenir rien de plus, Il soûpire, il se plaint d'un injuste refus, Jamais, s'il l'en faut croire, une si vive flame Avec tant de respect ne s'empara d'une ame. Ce que luy peint de moy la douceur de ma voix Par un charme incognu l'asservit à mes loix⁎, Et ce rare⁎ tableau qu'en luy-mesme il s'en trace Ne souffre dans son cœur aucun trait qu'il n'efface, Un vieil accord à Parme engage en vain sa foy⁎, S'il me voit, s'il me parle, il le rompra pour moy, Et sur quelque pretexte arrestant la Duchesse, Son amour de Milan me fera la maistresse O de mon fol espoir trompeuse et vaine amorce⁎ ! Après tant de sermens⁎ dont mon esprit flaté⁎ Par trop de confiance enfla ma vanité, Je crûs que me montrant sans me faire cognoistre⁎, Si par l'ordre du Ciel sa flame avoit pû naistre, Le Duc seroit contraint de la faire éclater Aussi-tost à me voir qu'à m'entendre chanter. Ainsi pour m'asseurer du secret de son ame, Ayant adroitement pratiqué quelque Dame, La curiosité me servant de couleur Je la suivis au bal, helas ! pour mon malheur. Ce fut pour mon orgueil dequoy se satisfaire D'y meriter le nom de la belle Estrangere, Chacun m'offrit des vœux⁎, chacun me fit sa cour, Et le Duc seul m'y vit sans me parler d'amour. Ce qu'il oüit vanter d'attraits sur mon visage Ne pût forcer son cœur au plus leger hommage, Mes yeux, dont les regards en cherchaient les moyens N'eurent qu'un faible éclat pour arrester les siens, Et ce fatal essay⁎ de son indifference Sans finir mon amour finit mon esperance. Voy par là si ce cœur a droit de soûpirer. Quoy, sans sentir ce trouble⁎ aux amans ordinaire, Il me voit, il m'escoute, et tu veux que j'espere ? Quand l'Amour dans nos cœurs se coule⁎ avec empire, Le Ciel qui le permet prend soin de les instruire. Un desordre secret qu'on ne peut reprimer Nous fait cognoistre assez ce qu'il nous fait aimer ; En vain on dissimule, en vain on se déguise, Un beau feu n'a jamais à craindre de surprise, Et comme en ses effets il est toûjours égal, Il ne brûle pas bien quand il éclaire mal. Mais tu vois que le Duc n'aime que par caprice⁎, Et ma voix de sa flame estant le seul appuy⁎, Voudrois-tu que mon cœur se declarast pour luy ? Où je hazarde⁎ trop, mon ambition cesse. Mais encor jusqu'à quand me renfermer ainsi ? Ay-je à vivre toûjours exilée ou captive ?     Jusqu'icy mon respect vous a trop fait cognoistre… C'est ma voix qui l'attire. Sans doute. Perdre quelques soûpirs sans qu'il les puisse entendre, Et de ce faux appas⁎ soulager mon ennuy⁎ Qu'il souffrira pour moi si je souffre pour luy. Si dans l'ennuy⁎ dont mon ame est atteinte Mes soûpirs chaque jour vous adressent ma plainte, Cessez ruisseaux, d'en murmurer ; Quand d'un Astre fâcheux la fatale influence Nous défend l'esperance, Il est permis de soûpirer. Je cognoy bien qu'au mal qui me possede⁎ Je n'applique par là qu'un impuissant remede⁎, Qui n'estoufe point mes desirs . Mais en vain en fuyant vostre onde s'en offence. Quand on perd l'esperance, On peut bien perdre des soûpirs. As-tu remis ce Lut ? Dieux, comment jusqu'icy le Duc est-il entré ? Feignons grande surprise. Ah Laure, où sommes-nous ? Allons, Laure. Que voudroit-il de nous ? L'erreur qui vous abuse⁎ augmente ma surprise. Moy, Fenise ? Ah, Seigneur, j'ay quelque vanité De voir à cette erreur vostre esprit emporté, Et je puis desormais me vanter d'estre belle Puis qu'au moins à vos yeux j'ay pû passer pour elle. Non, Seigneur. Pour voir si mon visage a pour luy quelque appas⁎, Et ne rien hazarder si je ne luy plais pas. Ouy, Seigneur, la servir fait toute nostre gloire. Pour moy, je ne la quitte guere Que lors qu'elle reçoit visite de son pere. Ils ont quelque secret tousjours à consulter. Ouy, dedans ce lieu mesme, et j'estois avec elle, Quand de cette visite ayant sçeu la nouvelle, Par cét autre escalier nous quittant promptement, Elle a couru le joindre en son appartement. Eh bien ? quoy qu'à ma voix il semble rendre hommage, Veux-tu d'un plein mépris un plus clair témoignage, Et crois-tu que mes yeux, pour en faire un captif, Puissent jamais briller d'un éclat assez vif ? A peine il me regarde. Vous pouvez m'employer, Seigneu r, seur qu'il n'est rien Que Fenise de moy ne reçoive fort bien, Qu'elle prend mes advis, les estime, les ayme, Et qu'enfin je luy suis comme une autre elle- mesme. Vous ne sçauriez choisir un esprit plus discret. Quoy, vous aymez Fenise ? Vous la croyez donc belle ? Comment la loüer tant sans l'avoir jamais veuë ? Quoy que vous presumiez de ce rare⁎ portrait, L'imagination fait en vous trop d'effet, Et Fenise apres tout ne peut estre si belle Que vous n'en ayez veu qui vaillent autant qu'elle. Qu'ose-t-il dire, Laure, il me trouve donc laide ? Helas ! Que de mon sort le caprice⁎ est extréme, Si l'on me desoblige⁎ à me dire qu'on m'ayme ! Il faut pourtant pousser la chose encor plus loin. En de plus seures mains l'eussiez vous pû remettre ? Je prevoy toutefois un obstacle fâcheux. Non, son cœur jusqu'icy s'est montré peu sensible, Mais j'ay sçeu découvrir depuis nostre retour Qu'une Dame assez belle a pour vous de l'amour, Et prenant quelque soin d'observer cette amante⁎, J'ay cognu que Fenise en estoit confidente, Et je tiens asseuré, comme elle en fait grand cas, Qu'elle vous voudra mal de n'y respondre pas. Celle que ma maistresse estime davantage, Dont, quoy qu'elle entreprenne, elle trouve tout bon. Je vous le dirois bien, mais je ne sçaurois croire Que vous eussiez si-tost pû manquer de mémoire, Apres ce que desja vous avez sçeu de moy… Vous la cognoissez donc ? Et bien ? la trouvez-vous indigne qu'un grand cœur Pour prix de son amour en partage l'ardeur⁎ ? Qui verroit et Fenise, et celle que je pense, N'y trouveroit peut-estre aucune difference, Le merite de l'une à l'autre est fort égal.     Ah, Laure ! à sa froideur voy quel mépris est joint ! Que mon malheur est grand ! Soufrons, je n'ay que trop merité ma disgrace⁎. Qu'à ce mespris le Duc ait pû s'abandonner ? Non, sa façon d'agir est sans doute obligeante  ? Et bien, qu'il continuë à s'aveugler ainsi, S'il est capricieux je la veux estre aussi, Et de ce que je suis il n'aura cognaissance Qu'en cessant de me voir avec indifference. Aussi bien de ce cœur l'espoir ambitieux, Pour arrester le sien, doit esblouyr ses yeux, Et sans un fort amour, ce n'est qu'une faiblesse De croire qu'il rompra l'hymen de la Duchesse. Et Carlos ? Quoy, d'un pareil employ ne craint-il point la honte ? Je crains de Federic l'humeur inexorable. Carlos, sans trop abatre⁎ ou flater⁎ son espoir, Jusques dans ses Estats ramenez la Duchesse, A trouver un prétexte employez vostre adresse, Je ne suis point encor en estat de la voir. LE DUC. Sçachant ce qui se passe il n'a rien qui m'estonne, Mais aprés les bontez que vous avez pour moy, Je me dois accuser… De vous avoir caché ce qu'avaient sçeu m'apprendre Mille souspirs qu'en vain j'ay refusé d'entendre. Il n'est point toutefois de flâmes si secrettes, Qu'on ne les authorise à s'en rendre interpretes. Je ne voy pas pour qui le Duc en dûst avoir. Où m'alloit engager mon imprudence extrême, Sans sçavoir mon secret il parle pour luy mesme, Pour nous entendre mal j'ay pensé me trahir. Cét espoir qui si-tost croit avoir lieu de naistre, Vous fait voir plus heureux que vous ne feignez⁎ d'estre, Puisque dans la Duchesse il suppose pour vous Des sentiments d'estime et glorieux et doux. Vous l'esperez, mon frere, avec trop de justice, Prenez l'occasion puisqu'elle est si propice ; Parlez, priez, pressez, et ne negligez rien. Ah, ne l'en croyez pas c'est un abus extréme Quand on peut tout pour soy, d'agir contre soy-mesme, Le Duc vous authorise à ne rien déguiser, Irritez la Duchesse au lieu de l'appaiser, Inventez, adjoutez, une couronne est belle, Et quoy qu'on fasse enfin, tout est permis pour elle. Le Ciel sçait à quel point cette ardeur⁎ est syncere, Mais en pourrois-je moins témoigner pour un frere, Qui pendant mon exil m'a montré tant de fois Qu'il en desapprouvoit les tyranniques loix ? Aussi ce doux espoir de vous voir Duc de Parme, Pour la mienne à son tour est un si puissant charme, Qu'à peine, m'acquitant de ce que je vous doy, Celuy d'estre Duchesse en auroit plus pour moy. Je sçay ce que je dois. Madame, pour le Duc je demeure confuse De voir qu'à son bonheur luy-mesme il se refuse, Mais quand vous ne cherchez qu'à vous desabuser⁎, J'aurois crû faire un crime à vous rien déguiser⁎. La raison peut sur luy bien moins que son caprice⁎. Douter qu'il ne l'estime ! ah, c'est luy faire injure, Madame, il a pour vous une flame si pure, Il trouve tant de gloire à s'en voir consumer Qu'il semble que luy seul ait sçeu jamais aimer. Ravy⁎ de vostre adveu⁎, vous l'avez veu vous- mesme Témoigner à vos pieds sa passion extrême, Mais si je vous disois à quels secrets efforts Le respect devant vous contraignoit ses transports, Si son feu tel qu'il est s'osoit faire paroistre… Le sang fait dans nos cœurs un profond caractere⁎. D'ailleurs, pendant douze ans et d'ennuy⁎, N'ayant veu que luy seul, que puis-je aimer que luy ? Luy seul avoit accez dedans ma solitude. Federic crût devoir cet exemple à sa foy⁎. Dîtes plûtost le Duc, dont le fâcheux caprice⁎ Justifia depuis une telle injustice. Madame, et s'il venoit à vous parler d'amour ? Il est pour attendrir des soûpirs et des larmes, S'il s'en servoit, Madame ? Mais l'amour quelquefois se glisse par les yeux, S'il vous plaisoit enfin ? Madame, excusez-moy, je parle pour un frere Dont l'amour inquiet⁎ semble ne craindre rien A l'égal du péril d'un semblable entretien ; Car enfin si le Duc est la mesme inconstance, Il s'attache sur l'heure, au moins en apparence, Toutes les nouveautez ont pour luy tant d'appas⁎ Qu'il estime toûjours ce qu'il ne cognoit pas. Moy-mesme, à me sçavoir hors de ma solitude, J'ay mis dans son esprit un peu d'inquietude⁎, Et pour me laisser voir, si je veux l'écouter, Peut-estre qu'il ira jusqu'à me protester⁎. Il s'évanoüiroit à la premiere veuë, Et ce n'est apres tout que la difficulté Qui chatoüille aujourd'huy sa curiosité, Ayant oüy ma voix il s'est pris par l'oreille. Il prend mon interest comme je fais le sien, Madame, on est suspect parlant de ce qu'on aime. Mes vœux ont à vous plaire et leur gloire et leur but, Je vais vous détromper, Qu'on apporte mon lut. Il vaut ce qu'on l'estime, Pendant ma solitude il flattoit⁎ mon soucy⁎. Donne. Le Duc ? Appelez-moy Celie, et passez pour moy-mesme, Vous n'aurez rien à craindre ; attiré par ma voix Le Duc icy déja m'a surprise une fois, J'ay feint lors si bien que trompant son attente Sous ce nom emprunté j'ay passé pour suivante. Servez-vous de ce Lut pour le mieux abuser⁎. Il ne s'avance point. Madame, c'est le Duc. Que luy parois-je donc s'il la trouve charmante⁎ ? Qu'il est capricieux⁎ ! Mais n'oublierez-vous point le malheureux Carlos ? Quelle asseurance, Laure, et qu'il la trouve aymable⁎ ! Je n'ay point d'interest à flater⁎ son caprice⁎, Comme vostre beauté fait vivre son désir, Sans me considerer⁎ c'est à vous à choisir. Qu'importe, si vos yeux ont l'appas⁎qui le flate ? Moy, Seigneur ? Donc sa seule beauté vous pouvoit enflamer, Et toute autre aujourd'huy vous est indifferente ? Je prens vos interests autant que je le doy, Et quoy qu'à m'accuser vostre plainte s'attache, Vous ne m'avez rien dit que Fenise ne sçache. Avec la mesme ardeur⁎, les mesmes sentimens, Mais j'ay trouvé toûjours obstacle à vostre flame. Vous le sçavez, l'amour de cette Dame, Qui dans sa confidence⁎ eut tousjours tant de part. Je vous parle sans fard⁎. Est-ce avec vous, Seigneur, qu'il est permis de feindre ? Enfin sur cet amour il faut vous declarer. Si pour elle, Seigneur, vous avez quelque estime, Ignorez-vous le prix d'une amour légitime ? En vous vantant son feu, Au seul Duc de Milan j'en croy faire l'adveu. Si vous ne l'estes pas, permettez que j'espere Qu'il apprendra de vous ce que je n'ay pû taire. Dites vous- mesme au Duc, que quoy qu'il pense d'elle, Elle eut l'ame toûjours aussi fiere que belle, Et qu'il peut arriver, quand le Duc l'aimera, Qu'elle verra sa peine, et la méprisera. Sans pouvoir m'en défendre, à luy parler reduite⁎, J'ay sçu sous ce faux nom éviter sa poursuite⁎, Et cette erreur déjà l'ayant trompé deux fois Le rend dans la Duchesse amoureux de ma voix. Mais lors qu'en cette voix pour qui son cœur soûpire Il trouve seulement le charme qui l'attire, Croyez-vous qu'en effet la Duchesse aujourd'huy Se resolve en amour d'estre l'Echo d'autruy ? Moy, que jusqu'à ce point je pûsse m'aveugler, Que peut-estre au hazard d'attirer sa colere, Je songeasse à trahir les interests d'un frere ! Pour eslever Carlos au rang de Souverain La Duchesse a promis de luy donner la main, Et quand en sa faveur sa vangeance s'explique, Je dois plus à mon sang qu'à vostre politique. Quoy, l'esclat d'un tel choix peut-il si peu sur vous, Que loin de l'appuyer vous en soyez jaloux⁎ ? Mais si le Duc renonce à l'Empire de Parme, Milan pour la Duchesse est un bien foible charme, Et tous deux possedez⁎ d'une autre passion Montrent pour leur hymen esgale aversion. Un père eut-il jamais de pareils sentiments ? Ah, cruel souvenir d'un mépris qui me tuë ! Que te diray-je, helas ? Je sens des mouvements que je ne comprens pas. Dans mon cœur indigné l'interest de ma gloire A mes ressentiments dispute la victoire , A songer que le Duc s'obstine à me trahir Pour me vanger de luy je voudrois le haïr, Et jalouse qu'une autre ait son ame enflamée, Pour ne luy point ceder, j'en voudrois estre aimée. Ainsi lors qu'à ma hayne il semble donner jour, Mon cœur à mon orgeuil croit devoir son amour, Et pour l'oser pretendre, oppose à ma colere, Le reproche honteux de n'avoir sçeu luy plaire. La Duchesse en ces lieux m'en cause l'embarras⁎, Et tel est mon malheur, qu'au point de sa retraite Pour delivrer Carlos sa passion l'arreste, Il n'est rien que le Duc luy voulust refuser. O frivole espoir dont tu m'oses flatter⁎ ! Après que la Duchesse a sur moy l'avantage D'avoir par sa beauté merité son hommage, Tu veux que m'exposant à de nouveaux mépris, J'asseure un plein triomphe aux yeux qui l'ont surpris ? Ton zele à son amour impute ce caprice⁎. Que voudrois-tu que ce fou nous apprist ? Que fait-il ? Fenise a donc pour luy des charmes bien puissants ? Tu vas un peu bien viste, Peut-estre que Fenise… Je souffre tout de toy. Le Duc sur l'apparence a pû le presumer, Mais Fenise à dessein, pour esprouver sa flame, Me faisoit luy parler de l'amour d'une Dame ; J'agissois par son ordre. Son feu tâchois par là de s'asseurer du sien. Ouy, s'il l'aime en effet. Elle craint toutefois Que feignant de l'aimer il n'aime que sa voix, Et ne croit son amour qu'une amour imparfaite, Si sa seule beauté n'est pas ce qui l'arreste. Madame, plûst au Ciel que vous vissiez vous-mesme Où l'a déjà porté son desespoir extrême, Je sçay que vostre cœur, sensible à ses ennuis⁎ Plaindroit le triste estat où ses jours sont réduits, Et ne pourroit souffrir⁎ que la mort qu'il souhaite Fust le funeste prix d'une amour si parfaite. Vous en souviendrez-vous sans songer que son crime Est l'effet éclatant d'une vertu sublime, Et qu'affranchy par luy d'un reproche eternel, S'il estait moins coupable, il seroit criminel ? Quelque ressentiment que vous fassiez paroistre, Qu'en auriez-vous jugé s'il eust trahi son maistre, Et s'il vous eust par là forcée à soupçonner Une foy⁎ que sans crime il n'eust pû vous donner ? Rendez, rendez justice à cette grandeur d'ame, Qui veut que pour sa gloire il trahisse sa flame, Et vous ressouvenez que jamais on n'eut droit De haïr un amant⁎ de faire ce qu'il doit. Soit qu'à vostre beauté le Duc s'assujettisse, Soit que ma seule voix soustienne son caprice⁎, Pour fuir avecque vous, ce frere malheureux A-t'il droit d'abuser de l'erreur de ses vœux ? Il doit, il doit au Duc ce qu'il ose lui rendre, Et si passant pour moy vous l'avez pû surprendre, C'est pour vous qu'aujourd'huy ce sercet descouvert Doit sauver son amour d'un devoir qui le perd. Helas ! C'est à vous à juger si vous seriez capable D'abandonner Carlos au malheur qui l'accable ; Et si Milan pour vous seroit d'un si haut prix, Qu'il pust du Duc alors racheter les mespris. Pour moy qui de mon rang soûtiendrois l'avantage Si d'un pareil refus j'avois receu l'outrage, Il n'est serments ny vœux qui pûssent obtenir Que j'aimasse jamais quand je devrois punir. Qu'une épreuve si rude A mon cœur alarmé cause d'inquietude⁎ ! Ah, Laure. Dieux, quelle offre ! C'en est fait, sa beauté l'emporte sur ma voix. Qu'a-t'elle plus que moy qui merite son choix ? Ah, je perds patience. Je n'en puis plus souffrir⁎, le dépit⁎ me surmonte, Tu vas voir ma vangeance, ou ma dernière honte. En vain de mes souspirs laissez sans esperance Vous croiriez reparer l'offence En souspirant à vostre tour ; L'amour est doux, mais la vangeance Est aussi douce que l'amour. En vain vous me diriez que vostre ame charmée D'un feu si pur est consumée, Que je la devrois soulager : Il est doux de se voir aimée , Mais il est doux de se vanger. De quoy vous plaignez-vous ? Vostre malheur est grand. Quoy, s'il vous traite mal, m'en faut-il accuser ? Qui dûst mieux que Fenise avoir charmé vostre ame ? Il se peut qu'en effet elle ait eu le pouvoir De vous porter d'abord au desir de la voir, Mais quand de mille attraits ses beautez sont pourveuës, Songer à la revolte⁎ après les avoir veuës, C'est une trahison dont le crime honteux Ne doit jamais soüiller la gloire de vos feux. Quelle estime pour moy feriez-vous plus paroistre ? Et si je vous disois que celuy que je tiens Laisse à peine égaler vos sentimens aux miens, Et que dans la fierté que ma vertu me donne, Je renonce à ce cœur, comme à vostre Couronne ? Quoy que vostre sujette, il n'est ny Duc, ny Roy, A qui son choix suffist pour m'obtenir de moy, Il faut d'autres devoirs à l'orgueil qui m'enflame , C'est pourquoi gardez bien l'empire de vostre ame. A quoy qu'un peu d'éclat fasse monter ce bien⁎, Il rempliroit trop mal un cœur comme le mien. Non, que par ce refus j'aye assez de foiblesse Pour vouloir vous porter à me faire Duchesse, Ce bonheur, tel qu'il soit, n'est pas d'un si haut prix, Qu'il valust la douceur d'un semblable mépris. Adieu, souvenez-vous que contre son attente Celle que de vos feux vous fiste confidente, Quand vous la méprisiez, se vantoit qu'à son tour Peut-estre elle auroit lieu de braver vostre amour. Dans un pareil succez à vostre espoir si doux, Si vous sçaviez aimer, le demanderiez-vous ? **** *creator_corneillet *book_corneillet_charmedelavoix *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_charmedelavoix *dist2_corneillet_verse_comedy *id_laure *date_1658 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_laure Quoy , lors que dans ces lieux tout le monde s'appreste Au spectacle pompeux⁎ d'une superbe feste, Et que pour augmenter l'éclat d'un si beau jour, Nous vous voyons enfin rappellée à la Cour, Vous soûpirez, Madame, et vostre âme inquiete⁎⁎ Semble n'en recevoir qu'une joye imparfaite ? Vostre humeur au chagrin fut tousjours si contraire, Qu'il parle malgré vous quand vous voulez vous taire, Le Lut dont vous faisiez vostre plus cher soucy⁎, A peine encor pour vous a quelque charme icy, Et cette belle voix, le comble favorable De tant de qualitez qui vous rendent aymable⁎… Quoy donc sans y penser j'ay touché⁎ vostre mal ? Je scay que de Milan pretendant quelque hommage, Il en tint le refus pour un sanglant outrage, Et qu'il fit par la guerre éclater en ces lieux Tout ce que la vangeance a de plus furieux, Qu'apres plusieurs combats aux deux partys funestes On chercha par l'hymen d'en conserver les restes, Que les Ducs ennemis s'en faisant une loy, Deslors pour leurs enfans se donnerent la foy⁎, Et qu'ainsi par l'accord où l'obligea son pere, Le nostre doit de Parme espouser l'Héritiere. C'est ce qui me confond⁎, qu'au mal qui vous possede⁎ Elle manque⁎ aujourd'huy d'apporter le remede⁎. Vous ? Sçeut-il qui vous estiez ? Il est de certains nœuds dont le secret pouvoir Attache un cœur à l'autre avant que de se voir, Et cette simpatie⁎ a souvent tant de force… Au moins ne l'a-t'il pas de ne point esperer⁎. Cette indigne froideur dont vous vous irritez Vient de n'avoir pas sçeu que c'est vous qui chantez. Mais il faudra qu'enfin le secret s'eclaircisse⁎. C'est l'unique moyen de vous faire Duchesse. Et que hazardez⁎-vous à souffrir⁎ son amour ? Et sans vous laisser voir Vous chercherez toûjours à flater⁎ son espoir ? Mais par là que pouvez-vous prétendre⁎ ? N'en soyez point en peine. Mais de grace, à quoy bon luy cacher qui vous estes ? Ce soin de l'une et l'autre est le plus cher employ, Mais Celie est d'un rang plus eslevé que moy, Comme Dame d'honneur, il faut que je lui cede⁎. Et moy, je suis son ayde. Et c'est là ma surprise. Celie est ponctuelle⁎, Quoy que vous luy disiez, je vous respons pour elle, Qu'avecque tant de soin elle vous servira Que dans le mesme instant Fenise le sçaura. Maraut, si de railler tu prens jamais l'audace… Je ne voy point encor dequoy vous estonner⁎. S'il s'est mis dans l'esprit d'aymer celle qui chante, Il ne doit pas trouver grands charmes à vous voir Lors que vous luy cachez ce qu'il devroit sçavoir. Avec quelques appas⁎ que le Ciel l'ait formée, L'amour fait la beauté de la personne aymée, A vostre seule voix le sien est attaché, Et tant que le secret luy restera caché, Tous vos attraits pour luy n'auront qu'un éclat sombre, Et comme l'ame y manque⁎, il n'en verra que l'ombre. Ah ! c'est-toy, qui t'amène en ce lieu ? Tu me le dis avec beaucoup de joye. Où vas-tu donc ? Voyez-vous que le Duc pousse l'affaire à bout ? N'en doutez point, Madame, il veut vous épouser, En levant un obstacle à ses desseins⁎ contraire Il va pour vous fléchir employer vostre frere, C'est par là que Carlos sans contrainte obeït. Mais il entre. Le Duc, Madame… Il vient icy. Vous luy laissez penser que c'est elle qui chante, C'est par là qu'il se prend. Vos reserves pour luy ne valent guere mieux. Cela va bien pour vous. Voilà ce qu'ont produit tous vos déguisements. Vous n'en seriez pas là si j'avais été cruë , Car vous aymez enfin ? Quoy qu'en presume un cœur de colere animé, On est loin de haïr quand on veut estre aymé, Et ce faux sentiment, qu'un vain orgeuil inspire, S'il déguise l'amour, n'en détruit pas l'empire. Vos feintes apres tout ne vous advancent pas. Non, si vous consentez encore à l'abuser⁎, Mais si vous vous aymez, quittez le stratageme, Montrez Fenise au Duc et parlez pour vous-mesme. Si soudain pour vous plaire on ne luy voit quitter… Mais c'est par vostre voix qu'il la trouve charmante , C'est elle qui luy plaist, c'est elle qui l'enchante, Et ce charme innocent, tousjours victorieux, Par un secret pouvoir fait celuy de ses yeux. Pour vous en éclaircir il faut sonder Fabrice, Il vient. Dans son extravagance⁎ il sçait bien ce qu'il dit , Comme le duc l'écoute, il en sçait des nouvelles. Ne vois-je pas Fabrice ? Qui t'a permis d'entrer ? Et sans refus ? D'où vient donc que le Duc… Et bien ? sa langue ? C'est que tu jases trop. D'où vient ta belle humeur ? Quoy, je te tiens au cœur ? Je te plais donc ? Déja jusqu'à la rage ? Il y faudra songer. M'en rire ? je t'en voy la face toute blême. Mais enfin tout de bon, m'aimes-tu ? C'est d'abord en amour le chemin qu'il faut prendre. Moy ? Cela s'en va sans dire. Que t'importe combien ? Ton feu n'iroit pas loin avant que de s'éteindre, Tu me plains de soûpirs ? Tu les ferois reduire avant que les fournir. Donc en toute franchise Dy moy quels sentimens le Duc a pour Fenise. N'est-ce plus pour sa voix… Voila bien dequoy vous tourmenter. Quand vous n'en pourrez plus vous n'aurez qu'à chanter. Forcez vous un moment à garder le silence. Attendez l'effet de ce dessein. Il n'est pas temps encore. C'est vostre seule voix, vous dis-je, qu'il adore, Quoy qu'il proteste⁎ icy, l'espreuve en fera foy. **** *creator_corneillet *book_corneillet_charmedelavoix *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_charmedelavoix *dist2_corneillet_verse_comedy *id_fabrice *date_1658 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_fabrice Elle a de tous vos maux la guerison certaine,  Vous en avez douté, vous en souffrez la peine. Si vous eussiez plustost imploré mon secours… C'estoit mal esperer⁎, rien n'est gasté, n'importe, Vous m'allez voir pour vous agir de bonne sorte. Je bats bien du pays, Seigneur, en peu de temps, Et veux à boufonner n'estre jamais de mise Si devant qu'il soit nuict vous ne voyez Fenise. Mais vaudroit-il pas mieux, sans chercher ce destour, Aller à Féderic descouvrir⁎ vostre amour ? Dans l'espoir de se voir Ducalement beau-père… Mais vous luy pourriez faire un peu de violence, Et si de l'esloigner il prenait le dessein Malgré ses dents et luy, parler en Souverain. Un, je veux, bien poussé, de loin se fait entendre. Sans plus moraliser il faut donc promptement Vous donner l'accez libre à son appartement, Ce sera lors à vous d'avancer vos affaires. Sçachez que ma folie est mon passe-par-tout, Et que vieux harangueur qu'avec vous on voit rire J'entre par privilege en tous lieux sans rien dire. Mais quel son musical… Peste, quels roulements ! Vous en croyez l'amour, et cela sur sa foy⁎ ? Mais s'il falloit qu'enfin cette rare⁎ personne Eust le nez perroquet ou la face guenonne ? Ne vous y trompez pas. J'en ay veu telle, moy témoin irreprochable, Qui chantant comme un Ange auroit fait peur au diable Et qui, quoy que sa voix semblast venir des Cieux, Avoit un œil en terre et l'autre chassieux. Si ce bruit n'est point faux, que ne se montre-t'elle ? Un peu plus haut que la premiere fois. C'est assez. C'est n'avoir pas peu fait avec mon badinage D'avoir à votre amour asseuré ce passage. Tandis que de sa voix jamais rassasiez Vos sens à l'écouter estoient extasiez, M'estant coulé⁎ sans peine avec un domestique, J'ay mis avec tant d'art le bouffon en pratique, Que sans donner soupçon d'aucun secret complot Je me suis esquivé soudain sans dire mot, Et laissant au besoin⁎ cette porte entr'ouverte, J'ay ménagé pour vous l'occasion offerte, C'est à vous maintenant à vous en bien servir. Quel, Seigneur ? On l'est allé chercher, il partira soudain Lors qu'il en verra l'ordre écrit de vostre main. Que dira Federic ? Ce poste bien gardé vous asseure sa veuë. Vous prenez grand plaisir à vous embarrasser, Ne chantoit-elle pas dans cette galerie⁎ ? Pour peu que vous donniez sur les si, sur les mais, Vous trouverez matière à ne finir jamais. L'amour est ombrageux⁎. Dans ce que vostre esprit s'en figure d'appas⁎, Elle peut estre belle, et ne vous plaire pas, Car la plus belle enfin, quelques traits qu'elle assemble, N'est pas celle qui l'est, mais celle qui le semble. On est en bonne escole alors qu'on suit la Cour. Et le plus ignorant, pour grossier qu'il puisse estre, Aux leçons qu'on y prend y devient bien-tost maistre. Mais enfin en aimant que croyez-vous aimer ? Tant pis, car ce portrait dans vostre cœur gravé Y doit avoir déja son autel eslevé, Et si l'original estoit fort dissemblable ? Pour moy, qui n'y sçais point tant de rafinement, J'aimerois mieux aimer moins simpatiquement. Deux yeux un peu fripons aidez d'un sousris tendre Sont beaux à regarder avant que de se rendre, Les blessures qu'ils font sont de meilleur aloy, Et s'il faut en mourir, au moins sçait-on pourquoy. Retirons-nous icy, c'est Fenise sans doute, Sans nous montrer si tost, laissons-la s'avancer. Quoy ? les regards qu'elle va vous lancer ? Pour les tendres de cœur la blessure est mal saine. Tastez⁎, le cœur vous bat ? Ma foy, je n'en sçay rien, j'œillade la suivante, Comme elle est plus mon fait, elle est plus à mon gré. Couchez viste de flame. Ah ! tout doux. La belle, c'est le Duc. Ma foy, nous allions mal adresser nos fleurettes⁎. Si l'on trouvait moyen de s'en accomoder, L'ayde à l'air assez drôle, on pourrait s'en ayder. Mais si pour celle-cy vous vous sentez piqué, Que perdra vostre amour à s'estre équivoqué ? Après tout, c'est hazard si l'autre n'est plus laide. Oyez-vous la friponne ? Elle parle pour soy. Bon, qui l'entendra mieux ne l'entendra pas mal. Ne vous affligez point. Si par hazard vostre ame estoit embarrassée De quelque trait d'amour dont elle fust pressée, Advisez et comment, et pour combien, et quand, Vostre fait est trouvé, je suis tousjours vacant. Ah, Seigneur, qu'elle est belle ! Qu'importe ? Oyez-donc, mais gardez de vous en dégouster, Si vous fermiez les yeux ? J'apprehende pour vous qu'elle ne gesticule. Est-elle la premiere à qui sans y penser L'estude d'un passage apprend à grimasser, Et qui pour l'adoucir, croyant faire merveille Le commence à la bouche, et finit à l'oreille ? Son instrument est d'un fâcheux accord. Ah j'enrage, Elles sont toutes d'eux d'accord du filoutage. Et mesme… Que vous estes modeste. Elle a, vous a-t'on dit, quelque os icy de reste, Qui n'a jamais voulu se mettre à la raison, Qu'on ne l'ait mis aux fers et son corps en prison. Dîtes quelle folie. Mais pour luy donner lieu de s'en mordre les doigts, Espousons la Duchesse, et nargue⁎ de sa voix. J'ay peine à me contraindre⁎. Quoy, ce petit extrait d'original humain, Pour aspirer à vous a le cœur assez vain ? Pour la payer de tous ses badinages, Mariez-là, Seigneur, à quelqu'un de vos pages. J'admire la harangue, Elle a le Diable au corps, ou du moins à la langue, Comme elle tranche net ! Mais Fenise plus qu'elle ? C'est par-là seulement que vous la preferez⁎ ? Vous aurez un amour bien sujet au caterre⁎, Il ne faut qu'une toux, un rheume, adieu la voix, C'est-à-dire, à l'amour adieu pour quelques mois. Mais voicy Federic. Ce beau-père futur craint bien qu'on ne l'engendre. Ah, je rentre en mémoire. Apprenez un secret que je n'avois pû croire, Mais par cette menace il est trop esclaircy, Le bruit court que Carlos n'a point party d'icy. Il n'en faut point douter. Ah, Dieu vous gard, les belles. Moy- mesme. Les ordres sont changez, on ne vous cache plus. Le Duc n'est pas trop sage. Ne m'en demande rien. Il enrage. L'amour luy bouleverse et l'esprit et les sens. Il en est possedé, son démon⁎ est Fenise , Fenise cependant s'en moque et le mesprise, Mais s'il m'en vouloit croire, avant qu'il fust un jour, Fenise pourroit bien enrager à son tour. J'en sçay bien le secret. O la bonne hypocrite⁎ ! Je parle librement, mais aussi sçait-on bien, Que vostre langue… Ne vaut rien. Croyez que je boufonne, Mais le Duc vous cognoit, et vous la garde bonne⁎. C'est vous qui destournez Fenise de l'aimer. Il n'en estoit donc rien ? Donc après cette espreuve il en peut tout attendre ? Il ne faut que l'entendre, Il perd l'esprit pour elle. Sa beauté ! j'en répons si c'est ce qui la tient, C'est d'elle à tous moments que le Duc s'entretient. Sa voix ayant servy d'abord à l'introduire, Il la loüera toûjours de peur de se détruire, Mais quoy que par adresse il cherche à la flater⁎, Pour peu qu'elle fust laide, elle auroit beau chanter. Ebloüy d'un amas de beautez entassées, Dont chacune à son tour promene ses pensées, Il trouve dans ses yeux, dans sa taille, en son port Tous les charmes…Bon soir. D'où vient donc qu'elle sort ? Chacun sçait son affaire. Qu'elle s'en fâche ou non, il ne m'importe guere, Elle me fait plaisir me laissant avec toy. De ce que je te voy, Friponne, sçais-tu bien lors que tu me regardes… Ma foy, tu le petardes, Jusqu'au moindre recoin tes yeux vont ravager. Assez pour me faire enrager. Et plus qu'il ne te semble , Mais le plaisir d'amour c'est d'enrager ensemble, Ainsi si tu voulois enrager tant soit peu… Tu te ris de mon feu. Si je t'aime ? J'ai déja depuis hier, pour preuve de ma foy, Tâché plus de six fois à soûpirer pour toy. Va, j'en cognois le fin, le délicat, le tendre. Tu n'as fait que tâcher cependant ? N'est-ce rien ? Pactisons seulement, et le reste ira bien. Es-tu traitable ? Combien de temps faut-il que pour toy l'on soûpire ? C'est là la question. Je crains en soûpirant quelque indigestion, Il faut s'enfler le cœur, et l'excez est à craindre ! Je sçay bien qu'il t'en faut, Mais j'en voudrois avoir ma quittance au plûtost, Et pour n'en recevoir ny reproche ny honte, N'estre obligé qu'à tant et les fournir par conte. Va, si je promets peu, c'est afin de tenir, Vois-tu bien, je suis franc. Que tu le bailles doux ! Mais les voici tous deux qui s'en viennent à nous, Dispose ta Maistresse à mieux traiter sa flame. Si vous voulez reüssir cette fois, Parlez de la beauté plustost que de la voix, J'ay bien menty pour vous. Pour ne vous point broüiller laissez la voix à part, Oubliez-vous ainsi ? Vostre amour s'alarme ? Vous voilà bien payé. Mais que deviendrez-vous si vostre amour l'oublie ? Car la chanteuse enfin n'est autre que Celie. Ouy, mes yeux en sont de bons garands, Eux qui viennent de voir ce que je vous apprens. Elle a l'esprit perdu ! Vous aimez son orgueil, sa voix vous asservit, Mesme pour sa beauté vostre cœur s'interesse⁎, Voilà bien de l'amour, et bien peu de Maistresse. De n'aimer que vous seul, et narguer les cruelles, Aussi bien… Tout le sexe aujourd'huy d'assez prés vous talonne. Voilà pour bien encor exercer vos esprits. Qu'avez-vous resolu ? Fort bien, si vostre amour peut faire un si beau saut, Fenise et la chanteuse auront ce qu'il leur faut, Voicy l'une desja que Carlos vous amene. Faites-vous promptement chanter un air de Cour, Contre tous accidents c'est un puissant remede⁎. Il va crier, ô Dieux ! jusqu'à demain. Arrestez-là, Laissez ce monde en paix puisque vous y voila, L'éclaircir plus avant seroit pure sottise. Voit-il pas que le Duc espousera Fenise, La Duchesse, Carlos, et si le cœur m'en dit Qu'avec Laure demain je ne feray qu'un lit ? A quoy bon l'estourdir de vos qui l'eust pû croire ? C'estoit vous qui chantiez ? que j'ay d'heur et de gloire ! Tout cela c'est fadaise ; ainsi jusqu'au revoir,     Sans autre compliment donnons-luy le bon-soir. **** *creator_corneillet *book_corneillet_charmedelavoix *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_charmedelavoix *dist2_corneillet_verse_comedy *id_camille *date_1658 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_camille La réponce est bien courte. Entendez-vous l'Echo ? Est-ce là seulement ce qui vous embarrasse ? Il n'est rien plus aisé. Nous arrivons tous deux, et sans qu'on vous en presse Vostre langue s'exerce à loüer la Duchesse. Le Duc à la harangue ayant les yeux baissez Vous la fait accourcir par un grand, c'est assez, Et sourcilleusement, nous laissant seuls ensemble, Sans plus longue replique il tourne où bon luy semble. Pour ce point, Il est bien evident que je ne le sçay point, Mais du reste, si c'est ce qui vous embarrasse, Sans y rien alterer⁎, voilà ce qui se passe. Non, cela ne peut estre. C'est plustost que le Duc cherchant à se cognoistre, De peur de trop donner à son temperament⁎… Ma foy, brisons sur le raisonnement, Il vaudra mieux peut-estre à divers reprises. Adieu, Laure. Tu n'escoutes donc pas ? je viens te dire adieu. Touche. A Parme, où le Duc nous renvoye, Nous avons ordre exprés⁎ de le démarier. Il y va sans se faire prier. A le voir on diroit qu'il y trouve son conte . Pour le moins il prétend⁎…mais il vous dira tout. C'est fort bien craindre à vous, il peste comme un diable, Carlos est avec luy qui ne peut l'appaiser. Le vent pour estre Duc soufle du bon costé. Vous n'estes pas trop Duc s'il change de stile⁎. Voilà que c'est de conter sans son hoste. Est-ce ma faute ? Nous voilà bien. Rien. Il n'est fidelle preux que vostre foy⁎ redoute, Vous avez assez fait . Ne vous en plaignez point ; ceder une Duché, Pour se montrer loyal, c'est avoir bon marché. Vous serez dans l'histoire. Quoy, lors que l'on enrage, il faut encor se taire, Et sans qu'il soit permis de s'en estomaquer⁎, D'une foy⁎ du vieux temps vous pourrez vous piquer ? Chacun sur cet article a liberté de croire, Pour moy, si j'en osois dire mon sentiment, Je vous condamnerois tres-authentiquement, Car enfin loin d'avoir quelque excuse valable, Qu'auroit pû faire pis un Heretique, un Diable ? Une belle Duchesse, et tout ce qui la suit, Sceptre, Couronne… Le remede⁎ est facile, Revoyez-la. Ah, Seigneur, voicy bien des nouvelles. La Duchesse… Est arrivée icy. Elle- mesme en personne.