**** *creator_corneillet *book_corneillet_comtesseorgueil *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_comtesseorgueil *dist2_corneillet_verse_comedy *id_marquis *date_1671 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_marquis


C'est de moy qu'on te parle ?

      Bon, Laquais,
A ce prochain détour que faisoit cette Belle ?

      Tant pis pour elle.

      Je le croy. Celle-cy,
Qui de loin m'envisage, a l'œil bien radoucy.

Diable, il faut l'écouter. Tu nommes ta Maitresse ?

      D'Orgueil ! le nom est grand.
Vieille ou jeune ?

      Bien luy prend.
La jeunesse est mon goust, sans cela point de tendre⁎.
Avecque le Mary quelle mesure⁎ aprendre ?
Est-il accommodant⁎ ?

      Tant mieux.
Les Veuves, la plupart, sont mets delicieux.
Et de quinze à vingt ans il en est d'égrillardes
Qui donnent au Défunt de terribles⁎ nazardes.
Pour moy, j'en ai tant veu de toutes les façons,
Qu'au besoin⁎ je pourrois en faire des leçons.
Et Fille, & Femme, & brune, & blonde, j'ay beau faire,
Tout m'en veut.

J'écarte assez la foule afin de respirer,
Mais toujours malgré moy j'ay quelque soûpirante⁎.
La Comtesse est jolie⁎ ?

C'est-à-dire, son cœur en tient déjà pour moy ?

      J'en ay pitié, ma foy.
Vint ans, veusve, & languir ! Viens, conduy moy chez elle
Il faut la voir ; au moins tu me dis qu'elle est belle ?

Elle n'est pas icy ?

      Je me souviendray d'elle.
Seulement du retour prens soin⁎ de m'avertir.

      Oüy, va ; je puis m'en divertir
Et selon… mais je voy mon impertinent frere.

      Tant pis.
Qui vous force à venir ?
 
Salüez-moy de loin, & ne me dites mot.

      Vous prendront pour un sot⁎,
Que m'importe ?

Et bien, n'endurez point, qu'est-ce que vous ferez ?
Vous me chanterez poüille, et vous retirerez,
C'est-là ce que je veux.

      Ne l'ignorez donc pas.
J'en suis content.

Il est vray, vostre vie est gueuse⁎ et miserable,
Mais enfin sans appuy, sans resource, sans bien,
Vous devriez mourir, et vous n'en faites rien.
Est-ce ma faute ?
 
Vous estes Chevalier, mais quand il faut manger,
Vostre Chevalerie est un mets bien leger,
Et souvent la machoire est fort mal occupée,
A qui n'a comme vous que la cape et l'épée.

      Vous me la baillez bonne.
Si dans vostre chaumiere il vous eust plû rester,
Vostre part de Cadet vous eust fait subsister,
Mais on ne va pas loin avec petite somme.
Vous avez voulu faire icy le Gentil-homme⁎,
Et n'ayant plus dequoy, vous voylà sur le point
D'estre Franc Parasite, ou de ne disner point.
Gueusez⁎, servez, volez, ce n'est point mon affaire.

Mais Carlin que voicy, mouroit de faim chez vous,
Et s'il n'eust avec moy cherché ses avantages,
C'estoit fait de sa vie ainsi que de ses gages⁎.

Oyez.

Mon nom vous fait honneur, on me l'a fait connoistre,
Il pourra vous servir à duper un Bourgeois.
L'alliance d'Anselme est, dit-on, vostre choix ;
Vous muguetez⁎ sa fille, elle a dequoy vous plaire.
Et quand ce ne seroit que les grands bien du Père,
Pour qui n'a pas de pain à mettre sous les dents,
C'est un trait de beauté des plus accommodants⁎.

Ce n'estoit qu'un maraut⁎, mais il a fait fortune,
Puis qu'il a du douzain, il est démaraudé ?
Sçait-il vostre amour ?

      Laissez moy cette affaire à conduire.
Moy parlant, moy faisant la demande pour vous,
Je croy qu'il recevra cét honneur à genoux.
Un Faquin qu'on a veu petit Clerc de Notaire,
D'un Cadet de Marquis devenir le Beau-père,
S'allier des Lorgnacs, peste⁎ !

      M'en déplaisez-vous moins ?
Je vous décrierois bien, mais si je vous décrie
J'ay sur mon dos le faix de vostre gueuserie⁎.
Au moins quand du Bourgeois vous aurez les écus,
Vous batrez en retraite, et ne me verrez plus.
Allez, tout de ce pas, je vay luy faire entendre
Qu'il choisit un brave⁎ homme en vous prenant pour gendre,
S'il s'informe du bien, je suis preste à mentir,
Reposez-vous sur moy.

      Mais sans repartir.
J'agis de là. La fille est de vous fort éprise ?

Vostre amour autrement ne s'est point expliqué ?

Je vous entens, l'argent vous plaist mieux que la Belle,
Et pourvû qu'il vous soit bien et deuëment compté,
Peu vous chaut du reste.

      Dites la verité ;
Franchement aimez-vous ? car à moins que l'on aime,
Taster du Mariage est la misere mesme,
Et je ne voudrois pas qu'une Fille eust sujet…

      Voyla de mes sots⁎.
Pour trois jours de douceur trente ans de gueuserie⁎,
Mais si vous l'épousez, dites-moy, je vous prie,
Cadet, prétendez-vous avoir beaucoup d'enfans ?

      Point de peut-on, car je vous le défens.
La cause est qu'il n'est point de famille nombreuse
Qui presque en moins de rien ne dégenere en gueuse⁎,
Et quand l'Oncle est Marquis et des plus apparents,
Serviteur aux Neveux qui sont degenerants.

Fort bien, et là-dessus je vay voir le Beaupere.
Carlin.

      Va, cours, le temps m'est cher.
Si la Marquise vient, qu'on me fasse chercher.

N'allez-pas plus avant, Beau-père, il fait trop sombre,
Et quoy que de la nuit mes yeux incaguent l'ombre,
Chez vous de vos vieux ans le cours trop actuel
Doit avoir affoibly le rayon virtuel,
Et par là j'aurois peur qu'en marchant, quelque pierre
Vous fist mal à propos donner du nez en terre.
Seulement pour demain quand je vous iray voir,
Préparez vostre Fille à faire son devoir.

      Alte.
Votre caducité de trop loin se souvient ;
Si je vous fais l'honneur, le profit m'en revient.

Les Quadrains de Pybrac ne font rien à la chose,
Et vostre Fille, estant ce que je me la peins,
Ne se mariera pas pour dire des Quadrains.
Est-elle propre ?

Je vous eusse prié de la faire paroître,
Mais j'ay craint, en suivant ma curiosité,
Quelque soüillon d'habit qui m'en eust dégousté.
J'aime l'ajustement.

Ma terre de Lorgnac en vaut deux fois autant.
Qu'elle est belle ! grands parcs pour vaches, bœufs, genices,
Grandes foires au bourg, grandes-hautes Justices,
Grands moulins, sans compter de grands fossez pleins d'eau
Qu'on passe en ponts-levis pour entrer au château.

Ah, que tous les Lorgnacs ont esté belliqueux !

Beau-père, ainsi je croy que je suis gentilhomme⁎,
Hem ?

Vous avez pensé voir un amoureux transy,
Mon Cadet qui sans moy, plein d'une sote⁎ flâme⁎,
Vous auroit demandé vostre Fille pour Femme.

Il est gueux⁎, archigueux.

      Monsieur, on, est un sot⁎.
Mon Frere fait le doux, le benin⁎, le cagot,
A l'oüir, vous diriez qu'il n'est rien plus traitable,
Cependant, entre nous il ne vaut pas le diable ;
C'est un rieur sous cape, et tous ses beaux semblans,
S'ils amorcent quelqu'un, le mettent en draps blancs.
Dit-on, draps blancs, Beau-père, ou blancs draps ?

Non, à ce qu'il paroît aux gens⁎ de vostre sorte,
Mais parmy le beau monde où l'on parle correct,
L'arrangement des mots veut un soin⁎ circonspect.
L'esprit est un grand fonds. Vostre Fille en a-t'elle ?

      Est-il de ruë, ou de ruelle ?

      Un esprit trop bourgeois,
Un esprit dandinant, de ces Filles sans poids,
Qui pour tout réponce à ce qu'on leur peut dire,
N'ont qu'un, vous vous moquez, et se mettent à rire.

Et vous l'auriez donnée à mon drille⁎ de Frere ?
Quel dommage ! à demain, je verray ce que c'est,
Et de la nopce⁎ ensuite on resoudra l'apprest.
Les clauses du Contrat déjà sont arrétées.

Deux nopces⁎ !
 
      Il differe pour elle ?

      Et cette Sœur s'appelle ?

      La Comtesse ! ma foy…

      Ah, si je la connoy ?
C'est une jeune veufve, aimable, alerte, druë.

Nous la gouvernerons. Elle est riche ?

Dix mille escus de rente !

On fait florés à moins. Peste⁎, quelle Commere !

Un Duc ?

      Je croy qu'il voudroit, mais…

      Il ne l'aura jamais.

      Eh, je sçay trop où luy tient l'encloueure.

      Par avanture,
Beau-pere, vous sçavez comme on rentre chez vous ?

      Preste ; icy vous gagneriez la toux,
Bon soir.

      Combien as-tu de poulets à me rendre ?

      Ces diables d'Abbez la pluspart sont courus.

      Une douceur la rendra plus soûmise.

      Ce Vieillard qui vient de me quitter,
Tout Chahütan qu'il est, m'a-t'il pû resister ?
Où l'on me voit tout céde.

Il m'a tout accordé.

      Ce que je prétens faire,
Ne le pas secourir du moindre verre d'eau.

      Tu l'entens. Quel cerveau !
J'aurois parlé pour luy ?

      Pour moy-mesme.

      Moy, si j'aime ?
Point du tout, mais mon Frere ayant ce vilain mal,
Pour le desesperer je me fais son Rival⁎.

Pauvre ignorant ! aprens un tour d'homme d'esprit.
J'ay sceu contraindre Anselme à signer un Dédit⁎,
Qui de dix mille écus tiens la somme assignée
Sur celuy de nous deux qui rompra l'hymenée.

Contre le Chevalier c'est-là ma seureté.
Par ces dix mille écus où son seing le condamne,
Anselme pour sa Fille est bridé comme un asne.

      Non, l'entreveuë à demain,
J'y diray de bons mots si je me mets en train ;
Car je croy que je puis, sans peur d'engendrer noise,
Pousser l'humeur gaillarde avec une bourgeoise ?

      Ouy, si le cœur m'en dit.

      Vivent, Carlin, vivent les gens⁎ d'esprit.
Sans tenir jamais rien je promettray sans cesse,
Tant qu'enfin la jaunisse entraîne la Maîtresse⁎,
Et que le Chevalier qui n'aura pas le sou
S'aille de desespoir faire casser le cou.
Les Turcs le devoient bien eschiner en Candie.

Tay toy, l'on vient à nous. Jour et nuit on m'en veut,
C'est quelque Belle encor.

      Quatre au lieu d'un.
La honte vous fait donc choisir le moment brun,
Et vous venez dans l'ombre en fine⁎ tapinoise
Eprouver si mon cœur aisement s'apprivoise ?
 
Quoy, la Fille d'Anselme ?

      La chate !
L'honneur de m'épouser terriblement la flate ;
Dés ce soir seul à seul vouloir m'entretenir⁎ ?

      Obscure, ou non, qu'importe ?
Cours assembler mes Gens⁎ pour me servir d'escorte,
Carlin, dans un moment, je te rejoins chez moy.

      Quelque badaut, ma foy.
Tiens-moy preste sur tout cette cotte de maille
Qui me sert quand de nuit le cas veut qu'on chamaille.
Que sçait-on quelquefois ce qui peut arriver ?
Va viste.

      Au rendez-vous je sçauray me trouver.
 
Tu la peux advertir, je reviens sur mes pas.
Si elle me connoit ?

Il est vray qu'il faudroit estre pis qu'Allobroge.
Je fais bruit si jamais aucun Marquis en fit.

Tu te connois en gens⁎. Pour l'esprit, d'ordinaire,
J'en cache la moitié dont je ne sçay que faire,
Sans cela je mettrois tout le monde en defaut.

      Est-tu belle,
Car dans l'obscurité je ne sçaurois sçavoir
Comme ton nez est fait, s'il est ou blanc ou noir ?

      Tu me parois friponne⁎,
Et comme en certains temps volontiers on raisonne,
Si je te connoissois digne de raisonner…

      Qui vient m'importuner ?

      Vous avez bonne veuë,
Je ne vous voyois pas, moy.

      Autant en un mot comme en cent.
Vous venez demander l'effet de ma harangue ?
Jamais je ne me suis mieux servy de ma langue,
Et j'ay si bien presché, qu'à l'éclat de mon nom
Le bon homme éblouy n'a pû me dire, non.

      Elle sera Lorgnaque.

      Pour vaincre, il suffit que j'attaque.

      Mon Dieu, je le sçay bien.

      Laissons-là vos compliments de chien,
Je n'en veux point.

Eloignons-nous d'icy de peur qu'on nous écoute.

      Et bien, quoy ? jaser jusqu'à demain ?
Venez, pour satisfaire à vostre impatience,
Jusqu'au prochain détour je vous donne audience.

      Enfin me suivez-vous, ou non ?

      Allons ?
Pour m'entendre jaser tiens-toy sur mes talons.
Mille jolivetez qui dans l'esprit me viennent…
Mon cocher, mes laquais ?

      Qu'ils s'y tiennent.

Qui va là ?

      Qui ?

      C'est mon Frere, où je meure,
Carlin.

      Et s'il fait le mutin⁎ ?

      Jusqu'à demain matin,
Je veux estre icy seul, qu'on déloge.

Mes Gens⁎.

      Viste, mes Gens⁎, à moy,
Main basse.

C'est celle-cy ?
      Bon jour, comment vous portes-vous ?

      Vous parlez d'hier au soir ?
Ce n'est rien, en courant j'eus belle peur de choir.
J'en tenois tout du long faisant la culebute.

Comment aurois-je fait pour n'estre point vaillant ?
Ce n'est que feu par tout, j'ay le sang⁎ pétillant.
Ta, ta, ta, quand je voy que l'Ennemy recule,
Et haye après.

      Je croy qu'en cét instant
Vous avez à me voir le cœur bien palpitant.
Que je taste.

      C'est-là vostre Cousine ?

      On le voit à sa mine.
Elle a le front ouvert, la bouche à l'avenant,
Et visage jamais ne fut plus cousinant.

      Encor un mot de cousinage.
Tout à l'heure en entrant j'ay trouvé deux blondins
Qui pour me haranguer se sont dits vos Cousins.
Je leur ay de mes Gens⁎ chez eux offert l'escorte,
Baissé la teste en suite, et fait fermer la porte.

Je hay ces compliments à droit de parenté,
Cent devoirs dans l'abord de peur qu'on se mutine⁎,
Grand-accueil au Cousin, et tout pour la Cousine.

      Ouy, si je deviens fou.
Jaloux ! Je ne voy pas ny comment ny par ou.
Diable, aprés qu'on m'a veu regarde-t'on personne ?
Cét œil perçant ? ce tour de visage ? Ah, friponne⁎ !
Je vous voy me lancer un regard tendre et doux,
Qui fait…
      Vostre Cousine est plus belle que vous.

Doive ou non, je m'en ris.

      C'est-là la question,
L'amour me cause encor peu d'indigestion,
Et j'ay le cœur…

      La buse !

Vous mesme sçavez-vous ce que vous demandez ?

Si je suis le Marquis ? Ouy, le Diable m'emporte,
Je le suis.
 
Celuy qui cette nuit avoit le rendez-vous.
Quel rendez-vous ! jamais je n'eus frayeur semblable,
Mon Cadet dégainant a fait d'abord le diable,
Et si je n'eusse pas promptement détalé,
J'en avois tout au moins pour un bras avalé.

      Il m'avoit prévenu⁎.
Mais dites, l'avez-vous long-temps entretenu ?
Il vous en a bien dit, car enfin il enrage
D'avoir esté dupé sur vostre mariage.
Ayant auprés d'Anselme imploré mon appuy,
Il croyoit fortement que j'eusse agy pour luy ;
Mesme pour me pouvoir divertir de sa flâme⁎,
Je l'avois asseuré qu'il vous auroit pour femme,
Qu'on approuveroit ses feux⁎. Vous l'aurez détrompé ?

Vous donnez toutes deux dans le particulier,
Parlez haut, si l'amour à l'envy vous talonne,
Vous m'avez vû, le mal n'a plus rien qui m'étonne.
Quand avec le grand mot recevrez-vous ma foy,
Resveuse ?

      Et je veux presser, moy.

Bon pour les non marquis.

      Lucrece est un beau nom,
Est-ce par chasteté que vous l'avez pris ? non,
Vous avez l'œil tourné…

Qu'une Lucrece en vous… regardez-moy sans rire.
Si, comme il est encor des Tarquins, par hazard
Vous en trouviez quelqu'un, joueriez-vous du poignard ?

      Vous avez lû l'Histoire,
Coquine, vous riez.

Mais vous ne riez point, vous ?
 
De la voir rire. Elle est grassette.

Je veux…

      Ah, petite doduë,
Pour un peu d'embonpoint vous faites l'entenduë !
S'il ne faut pour cela que faire voir du gras,
Je m'en vay vous montrer…

      Nous n'en avons que faire,
Ces bouquins du vieux temps ne sont propres à rien.

      Je le traite assez bien.
Si le nom de bouquin est un nom qui le choque,
D'où vient qu'il vieillissoit ? c'est pour luy, je m'en moque.

      Pourquoy vieillir ? les ans
Ne sont faits proprement que pour les sotes⁎ gens⁎.
Qu'on ait l'air tel que moy, galant⁎, fin⁎, le visage
Soustenu d'un brillant…c'est toûjours le bel âge.
Voyez-moy bien, je suis des propres s'il en est.
Mon habit vous plaist-il ?

Rien de moy ne vous plaist ? la laide, la mauvaise.

      Je veux que mon habit luy plaise,
Il est bien entendu, chamarré haut et bas,
Fort riche en points, pourquoy ne luy plaira-t'il pas ?

      Vous ostant à mon frere,
J'étois fort résolu de n'en vouloir rien faire,
Mais puis que vous sçavez si peu me ménager,
Je vous épouseray pour vous faire enrager.

      Dés demain.

      Point de replique.

Est-elle…

      Contre vous gardez que je me pique,
Je vous épouserois toutes deux.

Oh, oh, ma Reine, donc vous en voulez par là.
J'en vay danser de joye.

      Ah, vous voila, Beaupere.
Je croy qu'en vostre temps vous étiez un bon Frere.
Peste⁎, l'heureux Grison ! qu'il est rablu !

      Courrez-vous point quelque fois les bons lieux ?
Vous en avez la mine, et tout vieux que vous estes…

      Et gay seul plus que trente.
Je ne vois point icy paroistre de suivante.

      Je veux la remplacer,
Vous en choisir moy-mesme une drôle, follete,
C'est contre le chagrin une douce recepte,
Et comme vostre Fille a l'air trop serieux,
Ayant où m'égayer, je m'en porteray mieux.

Est-ce depuis long-temps que vous estes son Père ?

Toûjours ? quoy mesme avant vostre nativité ?
Le stupide !

C'est aussi là-dessus que je veux qu'on réponde.
Quel âge a-t'elle ?

      Pourtant son teint n'est pas trop frais.
Le laict de sa nourrice estoit-il bon ?
 
Pas là l'humeur des gens⁎…

Et sa Mere ? soit dit sans vous desobliger,
Vous faisoit-elle point quelquefois enrager ?
Un Enfant tient de tout. Elle n'est pas la seule…

Dequoy vous mélez-vous ?

      Vous devriez vous taire,
Voyez, elle fera la leçon à son Père.
Eh, qu'on me la… Suffit, j'y veux mettre la main,
Concluons pour la Nopce⁎.

      A demain.

      J'ay reglé, l'un rit quand l'autre pleure,
Si vostre Fille est sote⁎, à son Dam.

      Bon, voilà parler en homme sage.

      A croire son dépit
J'aurois dix mille écus portez par le dédit⁎,
Mais comme il ne faut pas que d'un honneste⁎ Pere…
Dequoy diable vous estre avisé de la faire ?

      Je vous en déferay,
Elle a la teste creuse, et j'y remedieray.
Ah, tu m'épouseras, guenonne.

      Je vous prie,
Finirez-vous bien-tost vos lamentables tons ?

      Voicy l'autre. Sortons,
Beaupere, mon carrosse est là bas, et je pense
Qu'on peut, tout en roulant, se donner audience.

      Vous viendrez avec moy.

      Vous y viendrez, ma foy,
Je ne m'étonne pas si la Fille est testuë.
Marchez.

      Marchez donc, là, quel pas de tortuë !

      Ouy : le maudit Vieillard !
Qu'il aime à contester ! Les Belles, Dieu vous gard.

Qu'en dis-tu ? Suis-je exact ? J'ay promis, je m'acquite.
La Comtesse ?

      Ah, je n'en doute pas.
J'ay quité sans mot dire un Trio de Marquises
Pour venir… Mais encore à diverses reprises
Car j'ay, de ruë en ruë , esté forcé de voir
Vingt carrosses à qui j'ay donné le bon soir.
Pour m'avoir, à l'envy chacun faisoit instance.

      Je le pense.

Cette maison est belle.

      Encor plus.

      Grace à ma destinée,
Je la tiens déjà prise, et toute mitonnée.
Elle m'a veu, suffit.

      Pour peu qu'elle m'entende,
A moins que d'estre beste il faut qu'elle se rende.

      S'il a ces avantages,
Nous pourrons elle et moy faire de grands voyages.
Je vay haut quand je veux.

      L'air m'en plaist.

      Du reste il faut voir ce que c'est.

      Madame,
Je m'étois fait de vous un portrait…Sur mon ame,
C'estoit si bien vostre air qu'à la parole prez
Mon imaginative avoit pris tous vos traits.
Un agréement de taille, et certain caractere…
Dieu me damne, je croy que vous me pourrez plaire,
Il entre en vostre corps petit, mais bien troussé,
Je ne sçay quoy de grand dont je me sens blessé,
Et vos yeux ont sur tout la physionomie…

      Ah, je suis enchanté.
Que des yeux, la fatigue endorme la clarté.
Voylà ce qui s'appelle un tour beau, grand, facile.

L'Enfleure !

Ah !

Qu'on me donne deux mois, et je vay vous apprendre⁎
Ce qu'un autre en dix ans ne seroit pas comprendre.
Mais quand vous le sçauriez autant de bien perdu,
On parle à des lourdauts, il faut estre entendu.
Dites un mot nerveux, vous trouverez des asnes…

      C'est pitié !
Aussi pour la plus part j'en rabats de moitié. 
J'y trouve une épaisseur…

Si je le suis ? bien plus qu'on ne croit, sans rien feindre
De cent Belles à qui je parois en conter,
Je ne sçache que vous digne de mécouter.
Au lieu qu'en m'admirant les gens⁎ d'esprit s'écrient,
Je ne trouve par tout que des sottes⁎ qui rient,
Point de raisonnement.

Qui donc voir ? il faut bien hurler avec les loups.
On me cherche, on me court, je suis bon, comment faire ?

Si je voulois tenir papier de tous les cœurs…

      Je meure,
Je suis sourd des soûpirs⁎ que j'entens à toute heure.

M'assourdir ? non pas vous.

      Ma belle Comtesse,
Soûpirez⁎ à vôtre aise, et que rien ne vous presse.
Diable, vous n'estes pas à mettre à tous les jours.
Carlin, son mal en moy prend déjà mesme cours.
Mon cœur palpite.

Ne vous repentez point, Comtesse de mon ame,
Si vous estes en feu⁎, je me sents tout en flâme⁎,
Et pour prix des soûpirs⁎ que j'ay sçeu vous tirer,
Escoutez, je commence à contre-soûpirer.
Ah !

Non, pourquoy tant souffrir ? guerissez-vous sur l'heure
Et sans mettre avec moy cent soûpirs⁎ bout à bout,
Rognez, taillez, coupez, me voyla prest à tout.

      Ouy, ma belle Orgueilleuse,
Mon cœur de tous les cœurs l'inévitable écueil,
Ne veut s'énorgueillir qu'auprés de vostre Orgueil.

Tout.

Carlin, si je conclus, après le mot lâché
Tu diras que de moy je fais trop bon marché ?

      J'en trouverois cinquante.
Mais l'esprit ?

Les autres avec moy semblent guoguenarder.
Celle-cy parle juste, est accorte⁎, et sçait vivre.
Se promettre n'est rien à moins qu'on ne se livre.
Je m'y resous, demain, tout comme il vous plaira.

      De joye elle se pâmera.

J'en sçay qui creveront.

Garde aussi le poison, si l'on sçait que mon choix…

      Il vous trouve mignonne,
Ce Duc ?

Vous en voudroit-il concubinalement ?

      Sans couroux, ma Comtesse.
Vous sçavez que Nature est un peu larronnesse,
Que par tout elle pille, et qu'on voit de nos ans
Plus d'amours concubins qu'il n'en est d'épousants.

      D'Oronte ?

      Ah !

A certaine Lucrece…

      Non, c'est un nez…une bouche…
Des yeux…un teinte…Enfin elle n'a rien qui touche,
Vous la verrez.

Aussi fait-il à moy.

      Et bien ?

      Comment ?

Ne dit-on pas qu'Anselme…

      On en trouve en tous lieux,
Ne nous vantons point, Carlin.

      Du haut mal ? j'en dit fy.

      Il faut pourtant le faire.

Et quand il la verroit ?

      Il faut donc aussi que je me cache ?

      Il n'est plus temps, il m'a vû, le voicy.

Je venois m'informer si la belle Comtesse…

Ce Duc n'a pas le goust dépravé ; la Comtesse
Fait bien enrager ceux qui n'aiment pas la presse.
C'est un œil attirant…

Lui fait honneur ? là là.

La Comtesse par tout emportera le prix.
Dans sa petite taille elle a l'air si bien pris…

Ou diable a-t'il les yeux ? s'il en est ? et par bandes.

Geante !

Je ne la connois pas dites vous ? par exemple,
Elle a les cheveux bruns, le nez court, le front ample,
Les sourcils bien taillez, l'air fripon⁎, l'œil perçant,
Le teint des plus unis, le regard languissant,
La gorge…

Et si je vous disois que j'ay l'œil de travers,
Le visage de singe, et la mine à l'envers,
L'équipage et l'habit d'un pauvre Gentilhomme⁎,
Vous ne me croiriez pas, mon tres-cher ? c'est tout comme.

Sçay-je peindre ?

      Où je l'ay regardée.

      Il n'importe comment.
Ces Freres curieux parlent si lentement.
Laissez-moy mes secrets, je vous laisse les vôtres.

      Admirez donc, vous en verrez bien d'autres.

      Où va-t'il ?
Ce diable de Beaupere a l'odorat subtil ?
Il nous sent de bien loin.

      Le Beaupere demeure.

      Tout à l'heure.
Carlin, s'il va parler ?

      Le reste à tantost,
Serviteur.

      En maison étrangere,
N'en eust-on qu'un à dire, il est bon de se taire.

      On ne sçait rien,
Décampez.

      Je sais bien,
A quoy bon m'étourdir, vous ?

Je ne veux point d'avis⁎.

      L'imbecille !
Faire écoutez les Gens⁎.

      Tantost j'iray sçavoir chez vous,
Ne vous suffit-il pas ?

      Allez m'attendre.

Tu ne te tairas point, vieux loup-garou ?

      Qui te le conteste ?

      Le traistre m'a perdu.

J'enrage.

Ma Reine, un peu de cœur.

Ne vous pressez point tant, j'ay dequoy vous guerir.

      Moy.

      En vain⁎ je l'ay dissimulé,
Je suis le Campagnard⁎ dont on vous a parlé,
Et pourtant pas trop dupe.

      Je n'ay fait le sot⁎ que pour berner mon Frere,
Certain Cadet qu'au monde on voit mince et leger,
Et qui pour mes peschez n'en veut point déloger.
Charmé de cette Olympe il croit qu'à ma requeste
On tiendroit sa recherche un party fort honneste⁎,
Mais comme, à le bien prendre, il n'est bon qu'à noyer,
Au diable si pour luy je voulus m'employer,
Loin de cela, craignant qu'il n'obtint ce qu'il aime,
Je courus m'asseurer du party pour moy-mesme.

      Non.
En m'offrant au Veillard parlois-je tout de bon ?

      Quitte à l'aller reprendre,
Deux mots, et trop heureux encor de me le rendre.

      Que hazarderez⁎-vous ?

Je sçay sa tache, il faut y rembarquer mon Frere.
Ma foy, je riray bien si pour don nuptial
Je le voy regalé d'un broüet de haut mal.

Rien n'est plus laid.

Le dédit⁎ rendu nul, je suis à vous ce soir,
Touchez, foy de Marquis.
 
      Vous tromper ! je n'ay garde.

      J'auroy soin⁎
En pressant mon retour qu'il n'en soir pas besoin.
Adieu, mon Astre, adieu.

      Cours dire au vieillard qu'il me vienne trouver,
Que je pretens icy m'expliquer teste à teste.

Me trompay-je, Carlin ?

      C'est la Comtesse. Ah, ma chere.

Vous trouvez chez Anselme, et dans cét équipage !

J'ay de ravissement les sens tous égarez.
Carlin, ay-je le don de charmer les mieux faites ?
Des Comtesse pour moy se changer en soubretes,
Se resoudre à servir plûtost que hazarder⁎
Qu'une autre seul à seul puisse me regarder !
Je vaux trop, Dieux me sauve.

Il vous a fait choisir un employ des plus bas,
Mais enfin c'est pour moy, vous ne le perdrez pas.

Laissez faire, à present la Bourgeoise à son compte,
Mais pour la faire rire, et vous mettre en repos,
Je pretens devant vous luy dire quatre mots,
Elle les entendra.

      Je sçay par où m'y prendre :
Mais pour m'encourager…

Ma Comtesse.

      Un baiser seulement,
Je vous en tiendray compte, et…

J'en veux par là. Cassé, vieux, et prest à mourir,
Vous enragez assez de ne pouvoir courir.

      Pourquoy se tayre ?
Je veux qu'elle raisonne, et quand il me plaira
Malgré vous et vos dents elle raisonnera.

      Je veux le prendre,
Qu'en est-il ?

      Pourquoy rentrer ?

      Ventre.
Gardez de m'échaufer, je ne veux pas qu'elle entre.

      Ma foy, j'en suis d'avis⁎
Qu'un pied plat comme vous glose⁎ sur un Marquis.

      Je veux l'avoir voulu,
Bon pour lors, à présent il me plaist de m'en rire.

      Elle est tout ce qu'il vous plaira,
Je n'en veux point.

Point. Comme il parle doux !

Ouy, plaignez-vous, pestez⁎.

Je vous sçay fort bon gré d'enrager doucement.
Sus, rendez-moy mon fait, voicy le vostre ; viste.
Vostre Madame Olympe où fait-elle son giste ?    
Il nous la faut icy, je la veux pour témoin.

Non, ce vous semble ; va, fay venir ta Maitresse,
Dépesche.
      Pardonnez, ma divine Comtesse,
Pour duper le barbon il faut vous tutoyer.

Ce coup inopiné vous rabatra la hupe.
Franchement vous pensiez que je fusse une dupe,
Et que m'estant laissé bonnement prendre au mot
Avec vous tout de grand j'allois faire le sot⁎ ?

      Je sçay de vos nouvelles.
Diable, quel maistre Sire avecque ses tutelles⁎ !
Sur ces cent mille escus dont on m'a crû leurrer.
Dites, combien la Niéce a-t'elle à retirer ?
 
      On m'a dit le mystere.
Pour la Fille, elle a trop herité de sa Mere.
Tombe-t'elle souvent… Là, vous m'entendez bien ?

      Ce vilain mal, puisqu'il faut qu'on s'explique,
En quel temps devient-il plus ou moins domestique ?
Hem ?

Voicy sa Geniture.

      Approchez, nostre Prude⁎.

      Alte-là, s'il vous plaist,
Tantost, faute d'avoir oüy de moy fleuretes⁎,
Vous avez fait la folle, et c'est ce que vous estes ;
Mais quand vous auriez eu l'accueil benin⁎ et doux,
Vous parlant d'épouser, je me mocquois de vous.
Outre qu'à droite, à gauche, et devant, et derriere,
Vostre race a l'honneur d'estre fort roturiere,
Vous possedez encor tres personnellement
Tout ce que la laideur peut avoir d'ornement ;
Vous estes sote⁎, vieille, impertinente, gueuse⁎,
Sans esprit, sans talent que celuy de grondeuse,
Et le Diable qui loge avecque les Hyboux,
Voulant se marier, ne voudroit pas de vous.
Ma Comtesse.

Qu'elle m'en dise autant, je n'en feray que rire.
On me connoit.

Afin de m'adoucir vous direz mots nouveaux,
Point de rapatriement ; cela vaut fait, rupture.

      Pour déchirer déployons l'écriture.
Allons, vieux Roquentin, les armes à la main.
 
Bon, voyla ton dédit⁎, Bourgeois.

La colere vous prend, ne vous contraignez pas,
Enragez à vostre aise, et faites du fracas.
Fort bien, il vous faloit des Marquis ?

      Tout doux, ma Colombelle,
Je sçay que je vous fais une injure mortelle,
Vous laisser encor Fille est un tort des plus grands,
Mais ne vous fâchez point, tout vient avec le temps.
De peur qu'à trop garder ce vieux nom qui vous choque,
Vostre virginité vous presse et vous suffoque,
Demain, je vous amene un Galant⁎ achevé,
Joly, beau.

      Ah, voyons donc ce Gendre.
Trois jours après l'hymen⁎ c'est un homme à se pendre.
Et la chere Lucrece, elle n'est point icy ?
Je la cherchois des yeux.

      Vous l'appellez Virgine ?

Elle l'advertira si je veux. Demeurez.
Vous vous faites servir, ma foy ; vous en aurez
Des valets qui plus hauts que vous de trois estages,
Quand vous commanderez se mettront à vos gages⁎.

Demain, vous en pourrez tout au long discourir.
Bouche close aujourd'huy, Compere.

      Voyla le point,
Vous y touchez du doigt, et ne l'entendez point,
Laissez faire à l'Orgueil, il vous promet miracle.

      C'est mon Cadet, bon jour, Monsieur le Gendre,
Je suis ravy du choix, quand je la régalois
De l'offre d'un Amant⁎, c'est luy dont je parlois.

Trop heureux de l'avoir quand je ne veux plus d'elle.
Te voila bien, Cadet, tiens-y-toy.

Et quand il la verra se debatre par terre,
Faire des cris, hurler, rira-t'il bien ?

Dequoy ? Le fin⁎ Renard.

Ne craignez rien, je sçay ce qu'il faut qu'on luy cache,
Ils sont bien assortis, chacun d'eux a sa tache.
Mon Cadet est sans bien, je vous l'ay déjà dit,
Mais…

S'il ne tient qu'à cela, pour vous rendre content
Je me défraternise, il en peut faire autant,
Laisser du nom Lorgnac la noblesse en arriere,
Et se faire appeller Monsieur de l'Anselmiere.
La Seigneurie est belle, et bien digne de vous,
Pere Anselme.
      Le père et la Fille sont fous,
Qu'en dites-vous, ma Belle ? Il vous faut que je pense
Pour les pouvoir souffrir, grand fond de patience ?

Vous croire folle ? Ah non, c'est bien assez de deux,
Et d'ailleurs j'ay pour vous…
 
      Comment,
Qui vous l'a dit ?

      Vrayement ?
La Comtesse ! c'est bien mon amour qu'elle brigue.

      Demande à nostre vieux Rodrigue
Si la plus miserable accepteroit mon cœur.

      Il est bon, sur ma foy,
Virgine ! le moyen qu'elle voulust de moy ?
Mon bel Ange, parlez, que faut-il que j'en croye ?

Vous ne m'apprenez rien, n'en soyez point jaloux,
Je l'ay veuë, et sçavois son retour avant vous.

      Hola, qu'on appelle Virgine.
Que j'en vay voir icy qui feront grise mine !

      Ne dites mot.

      Nous verrons qui de nous est le sot⁎.
Motus.

Vous allez voir à qui.

      Maraut⁎.
Elle se divertit.

La Suivante m'a pleu, me plaist, et me plaira.

      Oronte le dira.

      Il veut pousser la piece,
La Virgine est sa sœur, Madame la Comtesse.

Carlin.

M'avoir fourbé ?

Ah, coquin, tu mourras.

D'un gibier de bourreau tu prens donc l'interest,
Cadet maudit ; et toy rieuse ridicule,
Epouse-le, j'en dois avaler la pillule ;
C'en est fait, je voy bien qu'en pensant l'attraper
Moy-mesme je me suis enfin laisser duper.
Pour un fat comme luy qui n'avoit pas la maille,
Cent mille écus sont beaux, il en fera gogaille⁎ :
Mais puisse-t'il se voir plus marqué sur le front
Que cent des mieux tymbrez ensemble ne le sont.
Que le nombre d'enfans vous rendant miserables
Vous fasse chaque jour donner à tous les diables ;    
Puissiez-vous en saize ans en avoir trente-deux
Tous borgnes, tous bossus, tous tortus, tous boiteux ;
Si-tost qu'ils seront grands, que chacun d'eux vous crache,
A toy sur la criniére, à toy sur la moustache,
Et pour l'achevement d'un malheur consommé,
Qu'ils soient haïs par tout comme je suis aimé.

**** *creator_corneillet *book_corneillet_comtesseorgueil *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_comtesseorgueil *dist2_corneillet_verse_comedy *id_chevalier *date_1671 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_chevalier


Peut-estre que je viens mal à propos ?

      Vous voyant dans la rüe,    
Passeray-je tout droit sans que je vous salüe ?

Mais ceux qui me verront…

      Toûjours injure sur injure ?
Vous estes mon aisné, je me tais, et j'endure.

      Grace à vostre injustice,
Me voir et me parler est pour vous un suplice,
J'en suis trop convaincu.

      Ma peine a pour vous des appas⁎,
Et plus vous connoissez que le malheur m'accable…

      Au moins, si par le droit d'aînesse,
Vous avez de grands bien, j'ay la mesme Noblesse.

Et la cape et l'épée auront toûjours dequoy
Faire considerer⁎ des gens⁎ faits comme moy.
Joüissez de vos droits, l'aînesse vous les donne,
Je n'y demande rien.

J'ay fait quelque dépence, et crû la devoir faire,
Ma gloire estant la vostre, il vous doit estre doux…

      Mon peu de bien vous semble un grand defaut,
Toûjours sur ce reproche ; et ne peut-il pas estre…

Puis que malgré moy mesme on a lû dans mon ame,
Il est vray, mon dessein⁎ est de prendre une Femme,
Et comme Anselme est riche, et qu'il manque d'appuy,
Ma naissance m'a fait esperer tout de luy.
La sienne, je l'avouë, est basse et fort commune.

      Non, c'est un secret gardé,
Mais quand il l'apprendra, vueillez ne pas me nuire,
Forcez-vous…

      M'offrir vos soins⁎,
Vous à qui je déplais !

      Mais…

J'ignore encor pour moy quelle estime elle a prise,
Mais vingt fois dans sa ruë elle m'a remarqué.

Le Père estant pour nous, il nous répondra d'elle.

      Ah !

Non, Olympe est pour moy le plus charmant⁎ objet.
Jamais rien de si beau ne s'offrit à ma veuë,
Et de tant de merite on la trouve pourveuë,
Que sa seule conqueste asseurant mon repos,
N'eust-elle aucune dot, je…

Peut-on…

J'auray soin⁎ que jamais aucune plainte à faire…

C'est encor un message à faire à quelque belle ?

Un Amant⁎ bien épris est toûjours indiscret.
J'ay trop parlé d'Olympe, il aura pû l'apprendre⁎,
Et soupçonné l'amour que ses yeux m'ont fait prendre ;
Mais puisqu'à m'y servir il est si disposé,
Le succez pour mes vœux en sera plus aisé.

Ouy, mais me voir sans bien luy donne quelque peine,
Et craignant d'en avoir un jour de l'embarras,
Si mon feu⁎ touche Olympe, il ne me nuira pas.
 
      Je voy que j'ay trop attendu,
Qu'il seroit bon qu'Olympe eust approuvé ma flame⁎,
Mais je ne sçavois pas qu'on dust lire en mon ame,
Et que de mon secret malgré moy trop instruit,
Le Marquis…

      Tay-toy, je voy venir Oronte.

Enfin donc il n'est rien que l'amour ne surmonte,
Lucrece a pris sur vous un pouvoir absolu,
Et pour elle à l'hymen⁎ vous voyla resolu ?

Le peril en est beau.

L'ordre vous en est doux, mais à quand l'hymenée ?
Lucrece vous aimant…

      Il aime à faire bruit.

Vous croyez donc bien-tost voir icy la Comtesse ?

Sur tout autre devoir l'amour toûjours l'emporte.

      Eloignons-nous, n'importe,
Je ne luy veux parler qu'après que j'auray sceu
Quel accueil du Vieillard ma flame⁎ aura receu.

Je vous ay par hazard apperceu dans la ruë,
Je m'en allois chez vous.

      L'amour est pressant,
Et me fait vous…

Il me donne sa fille ?

Quelle gloire !
 
Que ne vous dois-je point !

Si mon sang⁎…

      Il faut me taire, mais sans doute…

Puisque mes feux⁎ d'Olympe ont merité la main,
Je voudrois…

Ne vois-je pas quelqu'un qui s'avance au balcon ?
Si c'est Olympe ?

J'ay quitté mon Brutal pour chercher ce que j'aime.

Mes vœux estant receus je puis enfin parler.
Est-ce vous, belle Olympe ?

Un Père de ma flame⁎ authorise l'audace,
Et fort de son adveu je pourrois m'applaudir
Sur le flateur espoir qu'il luy plaist d'enhardir.
J'en prens, je vous l'avouë, assez de confiance
Pour ne balancer plus à rompre le silence;
Mais cét adveu, Madame, asseure peu ma foy
A voir tout ce qui doit vous parler contre moy.
Quoy qu'il semble à mes vœux donner pleine victoire,
Vous demeurez toûjours arbitre de ma gloire,
Et l'espoir qu'il me souffre est pour moy sans douceur
Si je n'ay merité de toucher vostre cœur.
C'est luy qu'à cet espoir l'amour veut qui consente,
Je ne suis point heureux si vous n'estes contente,
Et le moindre soupir⁎ à vostre ame échapé
Me reproche un pouvoir lâchement usurpé.
Aurois-je le malheur de vous en faire naistre ?

Si je m'en prévalois vous pourriez vous en plaindre ;
Mais quoy qu'il m'ait promis, vous n'avez rien à craindre.
Pressé de mon amour je ne l'ay fait parler
Que pour estre en pouvoir de vous plus immoler.
Incertaine autrement s'il agréeroit ma flame⁎,
Vous tiendriez vos vœux renfermez dans vôtre ame,
Mais lors que mon respect vous soûmet son adveu,
Je vous donne plein droit d'ordonner de mon feu⁎,
Sur luy, sur son espoir vous estes Souveraine ;
Ainsi dites un mot, sa victoire est certaine,
C'est de vous qu'il la veut, prest à la refuser
Si vos desirs contraints s'y peuvent opposer.

Que commencer à naistre ? Ah, ne le croyez pas.
Je brûle dés long-temps pour vos divins appas⁎,
Le respect, il est vray, jusqu'icy m'a fait taire,
Mais je n'en ay pas eu moins d'ardeur de vous plaire,
Et mes yeux ont trahy les ordres de mon cœur
S'ils ne vous ont cent fois parlé de ma langueur.
A vous chercher par tout leur soin⁎ estoit extréme,
Au Temple, dans la ruë, à vostre balcon mesme,
Et les vostres souvent par un regarde rendu
Ont semblé m'avertir que j'étois entendu.

Vous ne m'avez point veu ?

Je m'en estois flaté ; pour moy je vous ay veuë,
Mais cent fois, mais toûjours de tant d'attraits⁎ pourveuë,
Que mes brûlants transports⁎ s'augmentant chaque jour,
A peine tout mon cœur suffit à mon amour.
Tout ce qui de mes sens fit d'abord la surprise,
N'eut rien que ma raison aujourd'huy n'authorise.
Sans cesse elle me dit qu'il faut vous adorer,
Qu'à l'heur⁎ de vous servir rien n'est à préferer :
Madame, je me pers pour avoir trop à dire.

Vous consultez ensemble, helas, qu'en dois-je croire ?
Parlez, resolvez-vous ou ma perte, ou ma gloire ?

Ah, quel desespoir j'aurois l'ame frapée !
J'en mourrois de douleur, mais dans mes déplaisirs
Vous ne me verriez point contraindre vos desirs.
Je vous l'ay déjà dit ; malgré l'aveu d'un Père
Je renonce à l'espoir si je ne puis vous plaire,
Un autre à vostre bien pourroit estre attaché,
Mais ce n'est que de vous que j'ay le cœur touché,
Et quand vous auriez eu le sort moins favorable
Vous seriez à mes yeux également aimable,
Vostre seule personne est tout ce que je voy.

Elle croit que je sois le Marquis ? Ah Dieux !

      Non, Madame, achevez.
Voylà les derniers coups qu'il m'avoit reservez,
Je le voy trop, le lâche a parlé pour luy mesme.

Donc à ce que j'aprens vous connoissez mon Frere ?

Vous le voyez souvent ?

Et ses empressements⁎ ne font que vous déplaire ?

Non, vous m'obligerez de ne me point cacher
D'où vient que tant de soins⁎ ne vous ont pû toucher ?
Le trouvez vous mal fait ?

      Ah, Dieux ! quel coup de foudre !

C'est mon Frere.

      Moy.

      Moy.

      Ne craignez rien.

      Quoy, traistre,
Tu prétens avec moy parler toûjours en maître ?

      Tu m'a fourbé.

      Quoy, main basse ? Avance, et songe à toy.
Tu recules, infame.

Madame, j'ay douté si ce seroit vous plaire
Que venir prendre part au bonheur de mon Frere,
Je suis né malheureux, et voy malgré mes soins⁎
Que souvent j'importune où je l'ay cru le moins.
Mais l'honneur que sur moy fait rejallir sa flame⁎,
Avecque trop de force a penetré mon ame,
Pour ne m'avoir pas fait à la fin surmonter
Le scrupuleux respect qui vouloit m'arréter.
Si d'un pareil devoir l'empressement⁎ vous gêne⁎,
Au moins daigner songer qu'un beau zéle⁎ m'améne,
Et qu'il ne me faloit qu'avoir le sort plus doux
Pour en rendre l'ardeur moins indigne de vous.

Ah, vous ne devez rien, et quoy qu'on puisse faire,
On en est trop payé par l'honneur de vous plaire.
Mais helas ! quels devoirs si pressans, si soûmis
Pourroient jamais laisser ce doux espoir permis ?
Vous plaire est une gloire au dessus de toute autre,
Tout merite s'efface à voir briller le vostre,
Et le bonheur d'un seul par ses flateurs appas⁎,
Cause bien des soûpirs⁎ que vous n'entendez pas.

      S'ils n'ont rien qui vous touche,
C'est qu'ils perdent leur grace en passant par ma bouche ;
Mais l'absence où je suis tout prest à recourir,
Vous laissera de moy peu de chose à souffrir.

      Paris m'est trop contraire,
Le Ciel depuis long-temps m'y voit d'un œil severe,
Et peut-estre qu'ailleurs j'auray le sort plus doux.

Celuy de trop aimer, et de ne sçavoir plaire.

      Ah Dieux, qu'elle m'est chere !
Quoy que ses durs mépris me causent mille maux,
Je n'ay point à m'en plaindre, elle sçait mes defauts,
J'en dois subir la peine, en aimer la justice.

Que je presse ! non, non, rien n'est plus à tenter.
L'amour plus de cent fois m'a fait chercher sa veuë,
Je n'en ay parlé qu'une, et cette fois me tuë,
Dans cette seule fois elle m'a fait sçavoir
Tout ce qui porte une ame au plus vif desespoir,
Dans cette seule fois elle m'a fait entendre…

      Ah, non, quoy qui m'arrive,
Qu'elle ait tout le bonheur dont sa rigueur me prive,
Par là mon desespoir pour estre soulagé,
Et tout ce que je crains c'est d'en estre vangé.

      Adieu, Madame,
A trop d'emportement⁎ j'abandonne ma flame⁎,
Et sans doute j'ay tort de mesler mes chagrins
Aux sensibles douceurs de vos heureux destins.

      Quelle aimable surprise !
Quoy, Madame, à l'espoir Olympe m'authorise ?
Mes vœux sont préferez à ceux de mon Rival⁎ ?

      Mais par où me flater
Qu'Anselme à son defaut daignera m'écouter ?
Les grands bien de mon Frere auront touché son ame.

Vous aurez cette joye avant la fin du jour.

      Chez vous vous le verrez se rendre.
Les ordres sont changez, on vient de me l'apprendre⁎.

Mais pour joüer ce rôle…

      Et bien ?

      L'aurois-je pû prétendre ?
Quel heur⁎ !

A l'obtenir pour moy vous avez eu grand zele⁎.

Va, ne crains rien.

Ce Valet est à moy, point de bruit, s'il vous plaist.

**** *creator_corneillet *book_corneillet_comtesseorgueil *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_comtesseorgueil *dist2_corneillet_verse_comedy *id_oronte *date_1671 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_oronte


J'ay pesté⁎ jusqu'icy contre le mariage,
J'en tremble mesme encor lors que je l'envisage,
C'est une marché terrible⁎, et qui doit estonner,
Cependant au torrent je me laisse entraîner.

      Telle est ma destinée.
 
      Anselme son Tuteur⁎
Attend obstinément le retour de ma Sœur,
Parce qu'elle est Comtesse, il s'est mis à la teste
Qu'il faut pour plus d'éclat qu'elle honore la feste,
Sans cela point de nopce⁎.

A trois jours seulement le delay se réduit.

Peut-estre dés demain, mais j'aperçois Lucrece,
De grace, pardonnez aux transports⁎ d'un Amant⁎,
Si je cours où m'appelle un Objet si charmant⁎.

Quoy, sortir sans m'attendre ? Ah, j'ay lieu de m'en plaindre.

      Olympe est difficile.

C'est l'usage du monde, et si toutes les Belles
Traitoient ainsi que vous l'encens de bagatelles,
A quoy seroient réduits nos Galants⁎ du bel air
Qui par là prés de vous apprennent à parler ?
Pour faire un honneste⁎ homme il n'est point d'autre école,
Le beau sexe aux muets fait trouver la parole,
Et par ce qu'à vous plaire ils prennent de soucy,
Tout ce qu'ils ont de rude est soudain adoucy.

Je crains donc bien qu'icy le Marquis ne déconte,
Il donne lieu sans cesse à quelque nouveau conte,
Et sur ce qu'on en dit, ce n'est pas son defaut
Que d'avoir eu jamais plus d'esprit qu'il ne faut.
Il croit charmer par tout, fait le beau, l'agreable.

      Brusque, dit-on, en diable.

      Non, mais je connois son Frere,
Qui, s'il estoit plus riche, auroit bien dequoy plaire,
Il a l'air si galant⁎ et si particulier,
Qu'on ne peut…

De luy-mesme.

      Ah, c'est luy faire tort.
D'où vient qu'à ce soupçon vostre cœur s'abandonne ?

Un excez de respect l'a pû rendre timide,
Et je vous plaindrois peu pour l'hymen⁎ arresté,
Si le Marquis avoit mesme stupidité.

Il suffit, vous sçavez si j'y prens interest.

      La peine m'est cruelle,
Mais il faut obeïr, l'ordre du Roy m'appelle.
Au moins ce qui me rend ce malheur adoucy,
J'espere, à mon retour, trouver ma Sœur icy,
Et que tout sera prest pour l'heureux hymenée
Qui doit à vostre sort unir ma destinée.

Je prens, pour moins tarder, la porte au mesme instant,
Et j'obtiens, dans trois jours, le bonheur que je presse,
Pourveu qu'en arrivant je trouve la Comtesse.
L'amitié qui nous joint la fera se haster.
Olympe cependant pourra se consulter,
Je crains tout de l'Epoux qu'Anselme luy destine.

Mais moy-mesme je viens de luy rendre visite.
Vostre Oncle m'a mené luy faire compliment,
Et puis que je l'ay veu, j'en parle sçavamment.

      Sottise⁎ sur sottise⁎,
Qu'un Abbé luy fait piece avec une Marquise,
Et que ma Sœur jamais ne luy pardonnera
S'il néglige à la voir dés qu'elle arrivera.

      Il se le persuade.
Où l'auroit-il pû voir ? pure fanfaronnade !
Le bon homme luy-mesme en est scandalisé.

Rien moins, et l'on croiroit qu'il cherche à faire rire.

      Ouy, Madame, et par l'ordre du Roy.

      Je sçay ce que je doy,
Mon cœur qui vous demeure asseure ma promesse ;
Cependant, belle Olympe, ayez soin⁎ de Lucrece,
Tous les moments qu'icy je donne à mon amour
Ne font que differer d'autant plus mon retour,
Ainsi puis qu'il le faut je m'arrache à moy-mesme.

Ah, Monsieur le Marquis, que faites vous icy ?

Ainsi pour son reourtr mesme desir nous presse.
Lyse, aucun de ses Gens⁎ n'est-il encore venu ?
 
      Un Portier qui ne m‘est pas connû
M'a fait façon là bas quand je t'ay demandée.

      Le Duc lui fait honneur.

C'est un fou toûjours prest à dire une sottise⁎.

Petite ?

      En est-il de plus grandes ?

Pour vous, estant Geante, elle auroit plus d'appas⁎.
 
      Il parle d'elle, et ne la connoit pas.

      Ce portrait est le plus beau du monde,
Mais si je vous disois que la Comtesse est blonde ?

      Je le voy,
Ma sœur vous est du moins connuë autant qu'à moy.

      On n'en peut conserver mieux l'idée,
Mais où l'avez-vous veuë ?

Encor, quelle rencontre…
 
J'admire…

      Ah, Monsieur.

J'ay receu nouvel ordre.

      Lyse l'attend toûjours,
Mais à certaine amie elle écrit tous les jours,
Et pour m'en informer j'allois passer chez elle.

      Lyse, retire toy.
Vous pouvez tout icy.

      Je vous viens faire part de ma joye,
Ma sœur est arrivée enfin selon mes vœux,
Et demain je me vois en estat d'estre heureux.

Pour surcroist d'allegresse on m'a là bas appris
Ce que doit vostre amour à Monsieur le Marquis.
S'il daignoit honorer ma Sœur d'une visite,
Elle est civile, douce, et connoit son merite.

Vous l'avez veuë ?

D'où vient que…

      Virgine a de l'esprit.

Je m'y perds comme vous.

Ma Sœur ?

Vous en voilà défaits.

**** *creator_corneillet *book_corneillet_comtesseorgueil *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_comtesseorgueil *dist2_corneillet_verse_comedy *id_anselme *date_1671 *sexe_masculin *age_veteran *statut_maitre *fonction_pere *role_anselme


Dés mes plus jeunes ans un Chevalier de Malte
M'aprit que quand l'honneur qu'on daigne nous faire…
 
Du moins je vous répons d'une fille fort sage,
Modeste, accorte⁎, douce, à qui, dés son Bas âge
Où l'esprit est toûjours de fadaise⁎ remply,
Les Quadrains de Pybrac ont donné le bon ply.
Elle les sçavoit tous, sur chacun, bonne glose⁎.

      Autant qu'une fille peut l'estre.

      La dépence est petite,
Plus de cent mille escus dont elle seule herite,
Tant en maisons, effets, comme en argent comptant…

Quand je ne vous verrois pour tout bien que la gloire
D'estre sorty de Gens⁎ renommez dans l'Histoire,
Mon choix seroit pour vous, et ne regardant qu'eux…

La Race en est celebre, et d'abord qu'⁎on la nomme…

      De vostre Noblesse on n'est guere en soucy.

Vous touchant de si prés, il m'auroit fait honneur,
Et l'on tiendra toûjours sa recherche à bonheur.

      Mais son sang⁎ est illsutre ;
Et par tout sa vertu luy donne tant de lustre,
Que sur ce qu'on en dit…

      Il n'importe.

Chacun le croit.

Qu'appellez-vous de ruë ?

Ma Fille, en discourant, pourra vous étonner,
Sur quoy qu'on luy propose elle sçait raisonner,
Jamais de bagatelle, ou c'est la faire taire.

Il suffit qu'entre nous elles soient concertées,
Et qu'un dédit⁎ signé, qui vous répond de moy,
Quoy qui puisse arriver, m'engage vostre foy.
Du reste, un peu de temps est assez necessaire
A qui tout à la fois a deux nopces⁎ à faire.

      D'une Niéce on m'a fait le Tuteur⁎.
Pour l'épouser, Oronte attend icy sa Sœur,
Demain elle y doit estre.

On luy doit cét honneur.

La Comtesse d'Orgueil.

Quoy ? vous la connoissez ?

On le dit, car pour moy je ne l'ay jamais veuë.

      Et tres fort.
Un Vieillard a tout fait pour elle avant sa mort.
Comme sur ses vieux ans il l'avoit épousée,
Avec luy sa fortune à faire fust aisée,
Son revenu, du moins, monte à dix mille escus.

      Et peut-estre encor plus.

Un Duc aussi, dit-on, cherche fort à luy plaire.
 
      Ouy, qui voudroit…

Elle en est peu touchée.

Le temps…

Si je nuis…

      Mais vieux,
Et c'est…

Pareilles questions n'ont jamais esté faites.

C'est qu'il est gay, ma fille.
 
Ma Fille en avoit une, il l'a falu chasser.
Certains tours trop rusez…

Ma Fille aura toûjours si grand soin⁎ de vous plaire…

Que répondre à cela ? je l'ay toûjours esté.

      J'entens depuis qu'elle est au monde.

      Elle a…

Elle raille⁎.

      N'en ayez point d'ombrage⁎.

      Il est juste.

La comtesse d'Orgueil qu'on attend à toute heure
Réglera…

      J'ay de l'âge,
Taisez-vous.

C'est un fruit de l'hymen⁎.

      Encore un coup, taisez-vous.
 
Il vaut mieux qu'icy seul…

J'aurois soin⁎ de calmer…

      Ah !

Sortiray-je avant vous ?

La compagnie est belle.

      En passant par la ruë,
Le hazard sur vos gens⁎ m'a fait jetter la veuë,
Et c'est d'eux que j'ay sceu que vous estiez icy.

      Ils me l'ont dit aussi.
Et puisque vous restez, l'affaire qui nous presse
Est de voir arriver Madame la Comtesse.
Qu'en avez-vous appris ?

Tandis que vous irez, sur quelque bagatelle
Pourrions-nous sans témoins parler mon Gendre et moy ?
Je le trouve à propos.

      Comme on ne peut trop tost
Appaiser les debats qui…

      Quatre mots.
 
Puisqu'on sçait que pour vous ma Fille…

      A quoy bon me pousser ?

      L'avis⁎ est utile.

      Ecoutez.

      N'entrez point en couroux ;
Si vous sçaviez…

      Peut-estre…

Vous estant tout de mesme offert à moy pour Gendre…

      Pourquoy ?
Vous ne vous moquerez d'Olympe ny de moy,
Je ne suis que Bourgeois, mais…

Chacun vaut ce qu'il vaut, je ne dis pas le reste.
Adieu.

      La piece est galante⁎,
Vous fuyez la Maistresse, et courez la suivante ?

Continuez, le jeu commençoit à vous plaire.

      Tay-toy.

Vous prenez son party d'un air…

      Encor ? il faut t'entendre.
C'est depuis un moment qu'on t'a receuë icy,
Et déjà…c'est assez, n'en sois point en soucy.
Rentre.

      Rentre te dis-je.

Quoy, toûjours vos je veux ?
 
Vous l'estes, et je sçay ce qu'est vostre famille,
Mais d'où vient ce mépris quand vous aimez ma Fille ?
Son hymen⁎ avec vous n'est-il pas résolu ?
Vous le vouliez tantost

Mais dans ma Fille encor que trouvez-vous à dire ?
N'est-elle pas…

      Demain cette humeur passera.

      L'affaire est donc concluë ?

      La plainte est superfluë.
Je diray seulement sans plus d'émotion
Que nous avions tous deux la mesme intention,
Et que je ne venois que pour vous faire entendre
Que jamais, moy vivant, vous ne seriez mon gendre.

Pour rester quitte à quitte on n'en a pas besoin.

Quand vous m'auriez tenu…

De quoy me parlez-vous ?

Est-ce donc que ses yeux ne luy servent à rien ?
Tomber !

      J'ignore à quoy tend ce galimatias⁎.

      Vous ne pouviez mieux dire.

      Et voyla comme
Je fais estat du tien, Monsieur le Gentilhomme⁎.

      J'ay sans vous un Gendre tout trouvé,
Qu'on le fasse venir.

Il est fort pour Virgine, et ne sçauroit souffrir⁎…

      Elle est heureuse,
Et tandis que ma Fille est sote⁎, vieille, gueuse⁎,
C'est pour elle un sujet d'orgueil…

Monsieur le Chevalier n'y mettra pas d'obstacle.

Venez, on vous attend pour un ordre assez doux,
J'ay repris ma parole, et ma Fille est à vous.
Donnez-luy vostre main.

      Je pretens
Que tous trois nous auront sujet d'estre contents,
Et qu'entre nous jamais ny discorde ny guerre…
 
      Dequoy ?

      C'est de l'Hebreu pour moy.

      Il aime la gloire, et cela me suffit.
Si quelque qualité⁎ peut en luy me déplaire,
Puis qu'il faut parler franc, c'est qu'il est vostre frere.

Vous pensez-vous railler⁎ ? Je plaindrois son malheur,
Et si j'en estois crû, quoy que le bien nous tente,
Virgine que voilà qui n'est qu'une Suivante,
Quand vous la voudriez…

C'est d'elle pour l'hymen⁎ que le jour se doit prendre.

L'exemple tout d'un coup la met en appetit.

Quel est donc ce mystere ?

      Qui nous rendra raison de tout cecy ?
Depuis un an et plus Virgine sert icy,
Après l'avoir chassée on vient de la reprendre,
Et c'est une Comtesse ! y peut-on rien comprendre ?

      Suy-nous,
C'est moy qui dois payer, et je répons pour tous.

**** *creator_corneillet *book_corneillet_comtesseorgueil *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_comtesseorgueil *dist2_corneillet_verse_comedy *id_olympe *date_1671 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_olympe


      Que dans tout l'entretien
Vous avez écouté de grands diseurs de rien.
Qu'il est d'impertinents !

Quoy, d'abord qu'⁎on vous voit, recourir au doux stile⁎,
Prodiguer la fleurette⁎, et vous assassiner,
De cent offres d'un cœur qu'on n'a plus à donner ?
Pour moy, je suis un peu delicate en merite,
Plus le vray me sçait plaire, et plus le faux m'irrite,
Et comme j'aime en tout qu'on soit de bonne foy,
Les soûpirans d'office ont bien-tost fait chez moy.

La douceur s'étend loin.

Moy, mariée ?

Ne t'inquiete point, encor deux ou trois jours,
Son chagrin passera, j'en répons.
 
      Quoy, j'en serois aimée ?

Sans m'avoir consultée ?

Fort bien ; chez moy pourtant l'esprit seul est de mise,
Et de quelque haut rang que l'on me pûst flater,
Un sot⁎ qui m'en voudroit n'auroit qu'à déconter.

Voilà ce qu'il me faut.

C'est par où se prendroient des esprits mal tournez,
Mais quand la vertu seule a pouvoir sur une ame…

      Vous voulez parler du Chevalier ?
 
      A sa mine on connoit sa naissance,
Mais l'effet répond mal souvent à l'apparence,
L'air ne fait pas l'esprit ; et je douterois fort
Que le sien fust de ceux…

C'est un secret qu'encor je n'ay dit à personne.
Depuis plus de deux mois en cherchant à me voir,
Ce brave⁎ Chevalier a paru m'en vouloir.
Au Palais pour emplete, au Temple, dans la ruë,
Je le trouve par tout, par tout il me saluë,
Mais quoy qu'il ait eu lieu cent fois de m'aborder,
Il n'a jamais plus fait que de me regarder.
Jugez si c'est à tort que je le croy stupide.

Quoy qu'on ait fait sans moy, s'il est tel que vous dites,
La puissance d'un Père a ses bornes prescrites,
Et par précaution, avant que m'engager,
Luy parlant en secret, je prétens en juger.

      Ce soir par ma fenestre.

      Laisse-moy faire,
Et l'attens au moment qu'il quittera mon Père,
Le jour baisse déjà ; si-tost qu'il fera nuit,
Dy-luy sous mon balcon qu'il se rende sans bruit.

J'auray quelque migraine et ne paroistray pas,
Fay ce que je te dis, Virgine.

Cousine, va de grace entretenir⁎ mon Père,
Et l'amuse si bien par ce que je te dis,
Que je trouve le temps de parler au Marquis.

Repose-t'en sur moy, tu l'auras trait pour trait.
 
      Je souhaite
Qu'il n'ait pas les defauts…

Mais tu sçais à quel point Oronte le méprise.

N'entens tu pas du bruit ?

Son retour est bien prompt.

      Ouy, parlez bas de grace.

Voyons la suite, il peut l'avoir étudié.
L'Amour hait ce qu'il tient d'un secours mandié⁎,
Et tout autre peut-estre eust tâché de me plaire
Avant que d'employer l'authorité d'un Père.
N'importe, c'est beaucoup pour flater vostre espoir,
Sa parole est donnée, et je sçay mon devoir.

Ce n'est pas grand effort que de se rendre maistre
D'un amour qui ne fait que commencer à naistre.

Une ardeur si discrete a merité sans doute
De me trouver sensible aux soins⁎ qu'elle vous coûte,
Mais ma mémoire en vain⁎ vous cherche sur mes pas.

      Je ne m'en souviens pas.

Tay toy.

      Que trop.

Vous venez de me peindre un cœur bien enflamé⁎,
Et quiconque aime ainsi merite d'estre aimé.
Mais si d'un autre amour j'étois préoccupée ?

Ces nobles sentiments obtiennent tout de moy,
Et rien ne sçauroit plus m'obliger à vous taire,
Que quand vous ne seriez que ce qu'est vostre Frere,
Trahy de la fortune ; avec la mesme ardeur
Je voudrois vous donner et ma main et mon cœur.
Ny le rang de Marquis, ny tous vos droits d'aînesse…

      Qu'est-ce ?
Nous vient-on écouter ?

Non, vostre Marquisat ne fait pas ce que j'aime,
Et pour gagner mes vœux sur le choix d'un Epoux,
Vos soins⁎ n'avoient besoin seulement que de vous.

Quoy, vostre Chevalier ? il prétend à me plaire,
Et je croy qu'il est bon de vous en advertir
Bien moins par vanité que pour vous divertir.

      Plus que je ne souhaite,
Il me cherche en tous lieux, passe, revient, s'arréte,
Jour et nuit fait la ronde, et je m'étonne bien
Qu'il n'est déja venu troubler nostre entretien.

Je le dois épargner estant né vostre Frere.

      Sa personne est bien prise,
Si j'en croy ses Amys, dans le monde on le prise,
Mais puis qu'il vous en faut dire la verité,
Il me paroist avoir grande stupidité :
Et comme enfin le cœur a ses secrets suffrages,
Eust-il et vostre bien et tous vos avantages,
Si mon Père pour luy disposoit de ma foy,
Mon devoir me seroit une fort dure loy ,
J'irois jusqu'à l'éclat plutost que m'y resoudre.
Vous ne me dites rien ?

Quelqu'un s'avance, adieu, Marquis separons-nous.

      Je crains l'insulte d'un jaloux,
Je vous l'avois bien dit, qu'il passoit à toute heure.

Ah, Dieux !

      Où me vois-je réduite ?

Quel brutal ? contre un Frere ?

Le nombre m'épouvante, et ma peine est extéme.

      S'il faut qu'il soit blessé.

      Retirons-nous, Virgine.

Je crains toûjours pour luy.

      Helas !
Je ne craindrois pas tant si je ne l'aimois pas

Est-ce une verité que l'on vient de me dire ?
Vous partez ?

Le chagrin de l'absence est cruel quand on aime,
Cousine, je te plains.

Tu m'aimes, et je sçay ce qu'il faut que j'en croye.
Mais que t'as dit Oronte ? Il a veu le Marquis.

      Mais quoy qu'il m'ait sceu plaire,
Si tu m'ouvrois les yeux…

Quels defauts a-t'il veus ?

Ah, pour l'esprit, permets que je sois incrédule,
Je m'y connois un peu ; pour quelque vanité
C'est un vice ordinaire aux gens⁎ de qualité⁎,
Et peut-estre est-il bon, quoy que le monde en cause,
De croire quelquefois que l'on vaut quelque chose.
Si le Marquis se juge un peu d'orgueil permis,
Avec moy, pour le moins, il n'est rien plus soûmis,
C'est un respect si grand, une ardeur si discrete,
Que…

Voilà ce que sur moy fait l'esprit, c'est mon charme,
Quoy que fiére, par luy ma fierté se desarme,
Et pour estre le prix d'un don si precieux,
Mon cœur n'a pas besoin du conseil de mes yeux.

Ah, tu me connois mal.

      Tu t'en és réjoüie,
Soit ; au moins croy tes yeux plûtost qu'un faux rapport ;
Je l'estime, il viendra, tu verras si j'ay tort.
Ce n'est pas seulement son esprit que j'admire,
Son courage l'égale, et l'on n'en peut trop dire.
Si je te pouvois bien dépeindre de quel air
Il repoussa son Frere, et le fit reculer…

Dequoy s'avise-t'il ?

Sur un pareil defaut quand je luy ferois grace,
Ce qu'il fit hier au soir marque une ame si basse,
Qu'au moins si je m'en tais, il sera malaisé
Qu'il me trouve à l'estime un cœur bien disposé.

J'employeray le Marquis, va, je te le promets.

Je dois trop aux bontez du Marquis vostre Frere
Pour ne pas estimer ce qu'il vous plaist de faire,
Et vous m'avez fait tort quand vous avez douté
Si vous hazarderiez⁎ cette civilité⁎.
Non que je la merite, et que je deusse attendre
Que vous pussiez si-tost songer à me la rendre ;
Mais j'ay quelque lumiere, et sans rien éxiger,
Je sçay ce que je dois à qui veut m'obliger.

      Non, j'en suis assez contente ;
Mais le Marquis, c'est bien autre chose, il enchante.
J'étois peu préparée à recevoir de vous
Des éloges conceus en des termes si doux,
Je les trouve un peu forts.

Quel malheur assez grand vous éloigne de nous ?

La Dame est bien cruelle.

Cette façon d'agir ne me peut trop surprendre.
Le cœur doit estre libre à se laisser charmer,
Mais on peut sans mépris se défendre d'aimer.

Tant de respect gardé fait voir…

      Il la fait avec grace,
Et sans ce qu'il fit hier qui témoigne un cœur bas,
Son esprit, tel qu'il est, ne me déplairoit pas.

Sur quelques soins⁎ rendus je l'aurois soupçonné,
Mais pour luy quels mépris ay-je laissé paroistre ?

Le Marquis est discret.

Mais avec luy jamais ay-je quelque entretien ?
Il dit qu'il a parlé.
 
Voicy quelque message.

      Que veux-tu ?

Le Marquis ?

Qu'il entre.

Enfin tu vas juger si je m'y connois mal.

      Le voicy.

Que dis-tu de son air ? L'a-t'il galant⁎ et doux ?

Comme ayant eu long-temps toute l'inquietude
Où d'un malheur qu'on craint plonge l'incertitude.
Ce combat impréveu…

De nuit les plus vaillants son sujets à la chute.

      D'où vient qu'il fait le ridicule ?
Me veut-il éprouver ?
 
      Ah, grands Dieux !

Pourquoy le demander ?

      Ne me dy rien. J'enrage.
Se peut-il faire…

Il m'en faut éclaircir, sans doute on m'a joüée.
Estes-vous le Marquis ?

      Répondez.

Cousine, on me fait piece.

      Quoy, celuy qu'en qualité⁎ d'Epoux…

A la fin je commence à percer le mystere,
Vous n'avez pû me voir ?

De quel étonnement mon esprit est frapé !

      Je le quitte.
Celuy dont je t'ay tant élevé le merite,
Que j'ay crû le Marquis, c'estoit le Chevalier.

      Rien ne presse.

      Ah, ma chere Lucrece,
Quel malheur est le mien ?

      Qui l'eust jamais pû croire ?

      Moy rire ? et dequoy ?

      Laissez-moy.

      Ne veuillez rien.

      Où peut estre mon Père ?
Il le faut appeller.

Vous le traitez si mal…

      Rien de vous ne me plaist.

Qu'il me donne la main ?

M'épouser ?

Voilà les beaux discours, et les termes choisis
Dont nous régale icy Monsieur vostre Marquis.

      Quarante ans à peu prés.

De la Mere il ira jusqu'à la Bisayeule,
Et si vous l'écoutez, vous courez grand hazard…

      Je dois y prendre part,
Et ne pas endurer…

      Jusqu'icy
L'heur⁎ de vous plaire a fait mon unique soucy.
Mais si vous m'ordonniez d'accepter…

Plûtost que me resoudre…

      Si ma vie
Vous est…

A-t'on jamais parlé de pareille folie ?

Pour se l'imaginer je le donne au plus fin⁎.
 
Ah, Virgine.

Je l'avouë.

J'eusse eu peine à luy croire un esprit aussi doux.

L'esprit répare tout, il m'aime, c'est assez.

Ah, pour m'en dégager vint mille au lieu de dix.
Moy l'épouser ?

      Fais agir ton adresse.

Quoy que du Chevalier les vœux puissent me plaire,
Par où te répons-tu qu'ils plairont à mon Père ?
Que sur luy son merite aura mesme pouvoir ?

Je ne vay pas si viste en ce qui m'interesse.

      Ne me querelle point.

Tu seras toûjours folle.

Doit-il venir bien-tost ?

Mais par le Chevalier s'il voit la place prise,
N'aura-t'il point d'ombrage⁎ ?

A se rendre credule il n'a point son égal.

Tu prétens l'épouser, et je te la destine.
Jamais en me servant on ne perd avec moy.

Tu ne changeras point.

Je vous ay dit tantost quelque chose de rude,
Vous en estes choqué, mais si vous estiez prest
A recevoir l'excuse…

      Autant ! à vous le beau des beaux !

      Je l'avouë,
J'ay touchant vostre hymen⁎ merité qu'on me jouë.
Mais vous trouverez bon que fort modestement
Je vous fasse à mon tour un leger compliment,
Et ne vous cache plus que si prendre une femme
Est un dessein⁎ fixé que vous ayez dans l'ame,
Vous estes obligé par beaucoup de raisons
D'en aller choisir une aux petites maisons.
Vous avez le cerveau…

      Vous met-elle en soucy ?
Virgine, promptement.

Pour Monsieur le Marquis adverty ma Cousine.

**** *creator_corneillet *book_corneillet_comtesseorgueil *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_comtesseorgueil *dist2_corneillet_verse_comedy *id_lucrece *date_1671 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_lucrece


Ouy, car je viens de faire une visite à craindre,
Et ma Cousine sçait…

      Vous l'avez mandiée⁎.

      Mais, Virgine,
Appren-nous quel époux mon Oncle luy destine.

Que vous me faites peur !

Virgine a l'humeur gaye, et pense que…

Laissons-là cette fole, et venons au Marquis,
Le connoissez-vous ?

En secret ? Et comment ?

Mais si pour vous donner cette grande nouvelle,
Lors que nous rentrerons, mon Oncle vous appelle,
Et qu'à voir le Marquis, dont sans doute il fait cas…

      Vous, Oronte,
Rendez-moy du Marquis un plus fidelle compte,
Informez-vous par tout en quelle estime il est.

Je n'entens plus personne.

J'aurois à l'écouter une joye excessive,
Mais pour tes interests il faut que je m'en prive,
Tel qu'il puisse estre, au moins j'en attens le portrait.

Vous vous éloignez donc ?

Je crains un long sejour si l'ordre est important ;

J'ignore, en le voyant, ce que fera sa mine ;
Mais l'ayant cette nuit long-temps entretenu,
Elle veut que d'erreur chacun soit prévenu :
Jamais, s'il l'en faut croire, on n'eut tant de mérite.

Et que vous a-t'il dit ?

Il connoit la Comtesse ?

A cela prest encor a-t'il l'esprit aisé ?

Mais vous m'avez promis…

      Il doit si-tost cesser,
Que je n'auray pas trop le loisir d'y penser.
D'ailleurs, j'ay tant de part à prendre dans ta joye…

Que sert de te parler, si ton dessein⁎ est pris ?
Il te plaist, c'est assez.

      Vois-tu ? je suis sincere,
Et je te dirois plus que tu ne veux sçavoir.

      Tout ce qu'on en peut voir,
Une vanité forte, un esprit ridicule.

      T'en voilà coifée, il t'a dit la fleurette⁎,
Mais ce qui me confond, c'est de voir qu'un moment
Ait produit dans ton ame un si grand changement.
Je veux qu'il ne soit pas ce qu'on le prétend estre,
Ce n'est que d'hier au soir que tu le peux connoistre,
L'entretien dura peu, tu parlas sans le voir,
Et déjà sur ton cœur l'amour a tout pouvoir ?

Sans ce rafinement, dy que ce qui t'a prise,
C'est la douceur de voir que tu seras Marquise ;
Cousine, un si beau nom couvre bien des defauts.

      Je sçay ce que tu vaux,
Le faste jusqu'icy ne t'a point ébloüie,
Mais le Marquis peut bien…

Ce n'est pas le Marquis ?

      Quoy que l'on t'en ait dit,
Tu t'és préoccupée, il doit manquer d'esprit.

Est-il stupide ?

Vous nous abandonnez ?

Il n'est point de rigueur que le temps ne fléchisse,
Voyez, parlez, pressez, pourquoy vous rebuter.

Que je luy veux de mal !

Dy tant que tu voudras que ton Marquis l'efface,
Sa plainte m'a touchée.

Il a voulu toûjours épargner ce qu'il aime,
Et d'abord je croyois qu'il parlast de toy mesme,
Son œil estoit vers toy si tendrement tourné…

Cette nuit au Marquis tu les as fait connoistre.

      Ne te répons de rien.

      Ce n'est pas toy qu'il aime,
D'accord ; on le maltraite, et tu ferois de mesme,
Qu'importe quel Objet sa passion ait eu ?

      Approche.

      Tes yeux brillent de joye.

Je me tais.

      Quel excez de parure !
Il est tout englouty dedans sa chevelure.

C'est-là ce grand esprit ?

Ils meritoient de vous plus de civilité⁎.

Quoy, vous serez jaloux ?

Vous nous déconcertez, cela se doit-il dire ?

      Mais pourquoy vous en rire ?
Puis qu'enfin vous l'aimez…

      Nier une flame⁎ advoüée !

      Elle seroit bien forte.

C'est là comme tu dis qu'il a poussé son Frere ?

Oronte avoit-il tort ? ton Marquis ?

Un Amant⁎ prend toûjours l'ordre d'une maîtresse⁎.

      Que me voulez-vous dire,

Je ne vous entens point.

      Ah, ne nous montrez pas.
Mon Dieu, le vilain homme !

Mais quand vous vieillirez…

L'injurier !

      Oüy, si…
 
      Bon cela.

      Courage.

Mais, mon Oncle, souffrez…

C'est encor pis cent fois que ce qu'on en publie.

Mais tu nous le vantois, où donc est ce merite ?
Comment avois-tu pû luy trouver de l'esprit ?

Cousine, cependant le Chevalier te plaist ?

      Et c'est toy dont le mépris trop rude
Donne tant de matiere à son inquietude ?

Attendant que ses vœux puissent estre exaucez,
Tu peux luy faire dire en secret qu'il espere,
Mais les dix mille écus arréteront ton Père,
Il faudra qu'il les paye en trompant le Marquis.
 
      Encor si nous avions Oronte,
Qu'il pust…

Non, il vient de partir.

      Qu'est-ce que tu prétens ?

Estes-vous satisfait ?

L'erreur du rendez-vous a causé tout le mal,
Et la fourbe éclaircie, il ne faut plus vous taire
Qu'autre que vous jamais n'aura droit de luy plaire.
Le respect que pour elle a gardé vostre amour
Meritoit la douceur d'un si charmant⁎ retour.
Tandis qu'à d'autres soins⁎ ce changement l'appelle,
J'ay voulu vous donner cette heureuse nouvelle,
Et vous mander icy pour prendre vostre advis⁎
Sur le tour qu'on s'appreste à joüer au Marquis.
Lyse de ce logis rend Virgine Maîtresse⁎.

Mais quand elle viendroit ce ne seroit que tard.

      J'avois à t'assurer
Que d'Olympe et de moy tu peux tout esperer,
Et que son premier soin⁎ sera de reconnoistre
Le zele⁎ Officieux que tu luy fais paroistre.
Voilà ce qui sur tout ma fait venir icy.

Ce n'est pas ce qui doit allarmer vostre flâme⁎,
N'ayez point là-dessus l'esprit inquieté,
Tout Gendre luy plaira s'il est de qualité⁎,
Et l'estime d'ailleurs qu'il a pour vous conçeuë,
De nos prétentions facilite l'issuë.
L'obstacle le plus fort vient des dix mille escus.
Il est grand, mais enfin nous ne le craindrons plus,
Si Virgine pour vous poussant le stratagême,
Peut forcer le Marquis à rompre de luy-mesme.
C'est dequoy divertir Oronte à son retour.

Il ne part point ?

      Il est en bonne main,
Virgine a de l'esprit, croyez-moy. Que fait-elle ?
Virgine.

      Tu m'ébloüis les yeux.
Quel éclat !

Je crains ta folle humeur, garde-toy bien de rire,
Tu sçais…

Mais s'il te reconnoit. J'oubliois qu'il t'a veuë.

Allons trouver Olympe. Adieu, prens garde…

      Enfin, réjoüis-toy,                1560
Cousine, dans tes vœux tu n'as rien de contraire,
L'esprit du Chevalier plaist si fort à ton Père,
Que pour l'avoir pour Gendre, au hazard du dédit⁎,
Si faloit éclater il n'est rien qu'il ne fist.
Ainsi des deux côtez la parole est donnée,
Et c'est de ton aveu que dépend l'hymenée,
On t'attend pour cela.

J'ay déjà répondu de ton consentement.
Mais enfin pour la forme il est bon qu'on te voye,
Viens.

Vous me croyez peut-estre encor plus folle qu'eux ?

      J'en devine la cause,
On m'a dit que je dois vous estre quelque chose
Que vous épouserez la Comtesse.

      Qu'importe à quand l'hymen⁎ ?

Pourquoy non ?

**** *creator_corneillet *book_corneillet_comtesseorgueil *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_comtesseorgueil *dist2_corneillet_verse_comedy *id_virgine *date_1671 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_virgine


Enfin c'est tout de bon vous estes mariée.

      Ouy, vous, quel malheur à souffrir ?
M'en voicy hors d'haleine à force d'accourir.
Pour prix d'une nouvelle à mes desirs si chere,
Daignez faire ma paix avecque vostre Père,
Faudra-t'il que de luy je me cache toûjours ?

Un Marquis si charmé, dit-il, de ses appas⁎,
Qu'il se pendra demain s'il ne l'épouse pas,
Le Marquis de Lorgnac.

De vostre Cabinet, où j'estois enfermée,
Je viens d'entendre tout ; sur mon ame il dit d'or.
Vos attraits⁎ sont pour luy le plus riche tresor,
Le bon homme se rend aux desirs qui le pressent,
Et de l'heure qu'il est les articles se dressent.

      Eh, pour se marier,
Est-il fille aujourd'huy qui se fasse prier ?
Et puis quand il s'agit du grand nom de Marquise…

      Moquez-vous du, dit-on.
Voulez-vous un Epoux sage comme un Caton,
Qui prétende en vertu de sa grave⁎ figure⁎
Qu'on marche par compas, et parle par mesure⁎ ?

      Ma foy,
Bien d'autres là-dessus penseroient comme moye.
Pour devenir Marquise il n'est esprit qui tienne,
Le tiltre en plaist toûjours, de quelque part qu'il vienne,
Et d'ailleurs, quelquefois, s'il faut tancher le mot,
Il est avantageux d'estre femme d'un sot⁎,
Excuse, adresse, fourbe, il n'est rien qu'il ne croye ;
Quoy qu'on fasse, il ne voit que ce qu'on veut qu'il voye,
Et se laissant mener, au besoin⁎, par le nez…

D'accord, c'est fort bien fait que d'estre honneste⁎ femme,
Mais Dieu vueille du trop preserver tous marys.

Un premier entretien vous le fera connoistre :
Et si pour son début il n'a tous mots exquis,
Madame, vous voulez refuser un Marquis ?
Ma foy, si vous sçaviez combien…

Carlin.

      Ouy, qui cherche ton Maistre.
Vous puis-je dire un mot, Monsieur ?

Du moins je vous apporte un advis⁎ important,
Ce soir à la fenestre Olympe vous attends.

      Elle mesme.

Vous voyez le balcon, y peut-elle venir ?
La nuict se fait obscure.

Ne vous éloignez point, Monsieur ; à la fenestre
Avec moy tout à l'heure Olympe va paroistre.

      Qui ne vous connoit pas ?
Un homme dont par tout on parle avec éloge ?

Vous estes beau, galant⁎, gratieux, plein d'esprit.

Olympe est donc, Monsieur, tout comme il vous la faut
Vous pouvez pratiquer le haut stile⁎ avec elle,
Luy parler serieux, d'un ton grave⁎.

Vous estes curieux.

J'entens marcher, adieu.

      Il ne tardera guere.

N'en déplaise à quiconque a fait la médisance,
Je maintiens le Marquis un Marquis d'importance.
Si ce grand serieux n'est pas dans ce qu'il dit,
C'est qu'il a l'humeur gaye et qu'il se divertit,
Mais quand il veut il parle, et des mieux.

      Charitez qu'on luy préte.
Croyez-moy, le mal est qu'à trop l'examiner,
Vous estes prévenuë, et voudrez rafiner ?

C'est qu'il enrageroit si vous estiez Marquise,
Et qu'il ne sçauroit voir sans en estre jaloux,
Qu'en l'épousant, Lucrece ait moins de rang que vous.

      J'écoute, c'est luy mesme.

      L'amour l'a fait voler.

Madame, ce début ? hem ? m'y sçay-je connoistre ?

Pouvez-vous écouter ces fadaises⁎ sans rire ?

      Ce n'est qu'un sot⁎, il ne sçait ce qu'il dit.
Il vous plaist donc ?

      Il n'avoit point d'esprit.

C'est qu'on fait quelque bruit, et qu'il écoute.

Monsieur le Chevalier prend galamment la fuite.

      Il se sauve en larron ;
Et cependant de jour il fait le fanfaron,
A le voir, vous diriez que c'est la valeur mesme.

Le Marquis est adroit ; comme il l'a relancé !
Ils sont déjà bien loin.

Il se ménagera.

Vous vous inquiétez, n'en faites point la fine⁎.

      Vous l'aimez donc ?

Madame, une visite où vous ne songiez guere.

      Non, c'est son brave⁎ Frere.

De peur que le Vieillard luy-mesme ne l'amene,
Je vay vous écouter de la chambre prochaine,
Prenez l'occasion de faire enfin ma paix.

Le bon homme est sorty, je puis paroistre enfin.

      Ma foy, j'en suis toute interdite.

Les Foux semblent-ils foux quand on leur aplaudit ?
J'avois bien hier connu m'acquitant du message,
Que son humeur estoit portée au badinage⁎,
Mais devois-je le croire aussi blessé qu'il est ?

Carlin m'avoit appris qu'il soûpiroit⁎ pour vous,
Mais outre qu'il avoit ordre de n'en rien dire,
Sçachant son peu de bien je n'en faisois que rire.

      Il n'est donc plus à Paris à ce conte ?

      Attendant son retour,
Il me tombe en l'esprit un assez plaisant tour,
Je cours chercher Carlin.

Ma frayeur est de voir arriver la Comtesse,
Elle gasteroit tout.

Allons, vous le sçaurez quand il en sera temps.

      L'on y va. Voyez si je suis belle.
Ay-je perdu mon temps ?
 
      Je feray la Comtesse des mieux.

      J'ay veu le loup, Madame, c'est tout dire
De l'air dont je soûtiens certains tendres soûris
Je broüillerois le tymbre aux plus sages Marquis.
Jugez de celuy-cy, sa conqueste m'est deuë.

Il est vray qu'avec luy j'eus hier quelque entretien ;
Mais se voit-on de nuit ? n'en apprehendez rien.
Qu'au besoin⁎ seulement ma Suivante m'observe.

      Je payerai bien, mais j'entens qu'on me serve.

Souviens-toy du message entre nous concerté.

C'est à quoy je répons qu'il n'aura pas songé.
Voicy Carlin.

      Là dedans j'attendray le message,
A sortir gravement⁎ mon nouveau rang m'engage.

Rentrez page.

Qu'aujourd'huy mon étoile est heureuse !

Leur clarté doit pourtant estre bien endormie.
Les Veilles, la fatigue…

L'enfleure de l'esprit paroist dans le haut stile⁎.

      Qu'avec vous je ferois de profit !

      Vous ne dites rien qui ne soit si bien dit…

Il est, je l'avouëray, peu d'esprits diaphanes,
De ces esprits, à jour bien ouverts.

      Que vous estes à plaindre !
 
      Pourquoy les voyez-vous ?

Vous soufrez bien, je pense, à force de trop plaire.

Qu'on vous fait chaque jour paroîstre de langueurs !
Que d'amoureux transports⁎ qui s'échapent !

Il en est qui pour vous auroient pû s'enhardir,
Mais puis que l'on connoit que c'est vous assourdir…

      Ah !

A dissiper mon trouble en vain⁎ mon cœur travaille.
L'assaut que sa langueur me livre à l'impourvû…
Ah, Monsieur le Marquis, pourquoy vous ay-je vû ?

      Monsieur le Marquis, voulez-vous que je meure ?

La Comtesse d'Orgueil seroit assez heureuse
Pour meriter le choix…

Je pourrois vous avoir tout à moy, sans partage ?

      Il ne faut donc point differer davantage.
L'ordre est donné chez moy de cacher mon retour,
Pour témoin de nôtre heur⁎ ne prenons que l'amour,
L'hymen⁎ peut dés demain nous unir l'un à l'autre.
Ordonnez du Contract, tout mon bien est le vôtre.

Mon cher Marquis.

Qu'au brillant de mon astre on va porter envie !

      Que j'en seray ravie !

Qu'est-ce ?

Qu'il vienne trente encor, je n'y suis pour personne.

      Malgré l'ardeur de son empressement⁎…

Concubinalement.

Le Duc est grand amy de mon frere.

Quoy, vous le cognoissez ?

      Que j'en ay de honte !

      Admirez le beau choix.
Un homme comme luy donner dans le Bourgeois !
Si j'eusse pû de vous me priver davantage,
Il eust eû beau presser la fin de mon voyage,
Son hymen⁎ pour six mois m'eust fait fuïr de Paris.
Cette Lucrece est roche, et c'est ce qui l'a pris.
Est-elle belle ?

      Trop tost, j'en meurs déjà de peur,
Car enfin le bourgeois me fait si mal au cœur…

      Passe encor pour Lucrece,
Son bien repare assez le manque de Noblesse,
Mais il est une Olympe…

      Que t'a-t'on dit,
Lyse ?

      Elle n'a rien.

      Ouy, qu'il a quelque bien,
Mais il se fait honneur de celuy de Lucrece,
Il en a la tutelle⁎, et comme avec adresse
Des grands deniers qu'il touche il ébloüit les yeux,
Une Dupe à trouver…

Cette Olympe a d'ailleurs la tache de sa Mere,
Qui tombant du haut mal…

Je plains la pauvre dupe, il faudroit l'avertir.
Ce Mariage est trop…

Quel bruit faisoit-on là ?

Oronte ?

Ah, Monsieur le Marquis, je suis desesperée.

      Non, laissez-moy mourir.
 
Vous ?

      De ce Vieillard n'estes vous pas le Gendre ?
Olympe…Ah non fatal, que me viens-tu d'apprendre⁎ ?
C'estoit donc vous…

      Olympe a sceu vous plaire ?
Ah !

C'est là mon desespoir, qu'une Bourgeoise…

Mais le dédit⁎ signé…
 
Vous iriez chez Olympe ? ah, ne me quittez pas.
Si l'ardeur de ma flâme⁎ a pour vous quelque appas⁎,
Pour ne troubler en rien l'heur⁎ de ma destinée,
Avant que voir personne achevons l'hymenée,
Après, s'il faut payer le dédit⁎, j'ay du bien.

      Quoy, Lyse,
Tu veux donc hazarder⁎…

L'amour n'est guere fort quand il n'est point jaloux.
Olympe vous voyant essayera de vous plaire.

Mais ne peut-elle pas vous paroistre si belle…

      Enfin vous me serez fidele ?

      Je vis sur cét espoir,
Mais si vous me trompez…

Craignez tout, il n'est rien où je me hazarde⁎.
Eclat, emportement⁎, fer, poison.

      Tout va le mieux du monde.

Viens sçavoir avec moy ce qu'Olympe aura fait.

Demeurez-en d'accord, Madame, quand on aime
On trouve grand plaisir à se gêner⁎ soy-mesme.
Des rebuts du Marquis vostre Père en couroux
Semble estre encor de luy plus dégousté que vous,
Et ce qui doit sur tout flater vostre esperance,
Avec le Chevalier il est en conference.
Cependant on diroit à vos frequents soûpirs⁎
Que tout se montre icy contraire à vos desirs.

S'il ne l'agréoit pas, l'auroit-il voulu voir ?
 
Ma foy, je me repens d'avoir esté Comtesse,
De n'avoir pas laissé la chose au mesme point.
Vous ne meritez pas…

Et le moyen ? N'estoit que je vous considere⁎
Pour avoir fait ma paix avecque vostre Père,
Vous n'en seriez pas quitte.

      Au moins tu m'avoüeras
Que de pareils soucis causent de l'embarras.
Le bien pour les Vieillards est une douce amorce,
A consentir à tout c'est par là qu'on les force,
Le Chevalier en manque.

      Et celuy du Marquis ?
A ce Frere déjà je le tiens tout acquis.
Imperieux, fantasque, et plein d'extravagance
Qui voudroit l'épouser ? Ce seroit conscience,
Et j'en détournerois… S'il me vouloit pourtant
Je prendrois le party d'un cœur assez content,
Et ferois ce me semble, avecque plus d'adresse,
La Marquise à bon jeu, que la fausse Comtesse,
Lors à bon chat, bon rat ; s'il vouloit estre sot,
Peut-on pas contenter les gens⁎ sans dire mot ?

      Et bien, quelle nouvelle,
Le Marquis ?

Mais dégagé d'icy, quand il voudra ce soir
Aller chez la Comtesse essayer son pouvoir,
Et qu'au lieu d'y trouver un accueil amiable
On luy dira neant ?

Tu l'iras consoler.

      Courez donc promptement.

      Vous craignez, je croy, d'en montrer de la joye,
C'est bien fait, vostre honneur par là seroit noircy.

      Je vous attens icy,
Allez, sur le grand ouy faites bien la grimace⁎.

      Je suis remise en grace,
Et sans plus de façon, je me montre au Vieillard,
Mais je crains le Marquis.
 
S'il m'avoit icy veuë en habit de Suivante,
Comme la fourbe alors deviendroit apparente,
Piqué de cet affront, dans son secret dépit,
Penses-tu qu'il voulust renoncer au dédit⁎ ?

Cependant n'ay-je pas dequoy faire la vaine ?
Mon rôle de tantost ne se peut mieux joüer,
Me suis-je démentie ?

Le beau raisonnement !

      Va là-bas sçavoir ce qui se passe,
Et lors que tu verras le Marquis arriver…
Mais…

C'est luy, tout est perdu, Dieux !

      Ne me découvrez pas,
Marquis.

Je vous aime, et l'amour cause bien du soucy.
Carlin, dy luy pourquoy je me déguise ainsi.

Ne le juge-t'il pas ? J'aurois fait encor pis
Si pour remedier au mal qui me tourmente
Il n'avoit pas suffy de me faire suivante.
Olympe en cherchoit une, et j'ay sans hesiter
Employé mon adresse à me faire accepter.
Restant chez moy sans vous, mon amour en alarmes
Eust de vostre Bourgeoise apprehendé les charmes,
Et pour peu de pitié que son malheur vous fist,
Vous croyant son époux, j'aurois perdu l'esprit.
Icy presente à tout je soûtiendray peut-estre
Les bontez que déjà vous m'avez fait paroistre,
Voyant ce que je fais vous me prefererez.

      Ay-je l'heur⁎ de vous plaire
Par ce que vous voyez que l'amour m'a fait faire ?

Pourvû que vous rompiez, et qu'Olympe ait la honte…

      Sur tout sans plus attendre
Déchirons le dédit⁎.

      Ah, point d'emportement⁎.

      Arrestez.
 
Ne croyez pas, Monsieur…

      Si Monsieur…

L'occasion est belle, au dédit⁎, promptement.

Vous attendrez fort peu, je vay vous l'envoyer.

      J'entens.

Viste.

Donnez-moy, vous seriez d'icy jusqu'à demain.

Jugez-en.

Je me cache un moment afin de le surprendre.
 
On a besoin de moy, qu'est-ce ?

      Tandis que chacun se marie,
Si j'en faisois autant ?

J'ay promis en secret, puis-je tenir parole ?

      C'est la fin de mon rôle,
Touche, Carlin.

      Je n'ay pas le cœur haut.
Si pourtant vous pouviez vouloir d'une Suivante,
Je suis vostre tres-humble et tres-tendre Servante.

      Je puis débroüiller ce cahos.
Si l'on veut m'écouter j'auray fait en deux mots.
Le Marquis pretendant épouser ma Maitresse
J'ay pour l'en dégouster contrefait⁎ la Comtesse
Et par là luy faisant pour moy tout oublier
J'ay levé tout obstacle aux vœux du Chevalier.
 
      J'ay tort ; mais Carlin qui me gaste…

      Et tout par mon adresse.
Quel present fera-t'on à la fausse Comtesse ?
Il m'en faut un de nopce⁎, et des plus beaux.

**** *creator_corneillet *book_corneillet_comtesseorgueil *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_comtesseorgueil *dist2_corneillet_verse_comedy *id_lyse *date_1671 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_lyse


J'attens de jour en jour Madame la Comtesse,
Qui depuis près d'un mois absente de Paris
Abandonne à mes soins⁎ la garde du logis.
On croit ne point tarder d'abord que⁎ l'on s'engage,
Mais insensiblement on prend goust au voyage,
D'Orleans on veut voir Saumur, Angers, & Tours,
Et le retour ainsi se différe toûjours.

      En faut-il douter ?

Tout de bon ?

Tu te sens donc pour moy d'amour bien travaillé ?

      Ah, point de brusquerie.
Et que diroit Virgine à qui tu t'es promis.

Tu n'es point scrupuleux.

Olympe en sa disgrace a donc pris grande part ?

      Elle doit t'estre chere.

Ton marquis de Lorgnac est le sot⁎ ?

Le Chevalier, son Frere, est-il fait comme luy ?

La tache est un peu forte.

      Je comprens la finesse⁎.
Olympe par Virgine a sçeu sa passion ?

Peut-il le décrier sans qu'il se fasse tort ?

Comment ?

Ainsi…

      Quelle rare⁎ figure⁎ !

      Il comble ma mesure⁎,
Quel attirail de points, de rubans, d'affiquets !

La Comtesse d'Orgueil.

      Elle n'a que vingt ans.

      Elle est veuve.

      Qui pourroit n'aimer pas à vous plaire ?
Un Marquis qu'on fait gloire en tous lieux d'admirer ?

      Elle est vostre Servante.

Eh, vous pouvez penser…

Elle a dans Orleans tout fait mourir d'amour,
Mais vous en jugerez, Monsieur, à son retour.

      Puis qu'il faut vous le dire,
Pour vouloir fuïr le mal quelquefois ou l'empire.
L'autre jour en passant la Comtesse vous vit,
Vostre mine, vostre air, enfin tout la surprit,
Et chez elle d'abord l'amour faisant ravage,
Pour guerir par l'absence elle a fait un voyage,
Mais de fiévre en chaud mal, son cœur par la tombé
Est contraint avec vous de venir à jubé.
Sa flâme⁎ impatiente en ces lieux la rappelle,
Vous la verrez demain.

Vous viendrez donc ?

C'est là le Chevalier ?

Est-il original⁎ qui vaille ton marquis ?
 
Vous sçavez que j'attens Madame la Comtesse,
Il faut de l'arrivée essuyer le hazard.

En tout cas on n'a point à craindre de surprise,
La porte de derriere icy nous favorise :
Vous n'auriez qu'à sortir.

Je voudrois que déjà la chose eust reüssi.
Le bon est que dés hier, par un pur badinage⁎,
Carlin à son Marquis me fist faire message,
Ainsi tout ira bien.

N'importe, il sera bon que la piece ait effet
Avant qu'il sçache rien de ce qu'on aura fait.
Je craindrois son scrupule et sa delicatesse
A voir qu'on se servit du nom de la Comtesse,
Ainsi jusqu'au succez cachez-luy ce dessein⁎.

Dame.

Va, je sçay les respects deus à ta qualité⁎.

Autre embarras, qui peut mettre à bout ton adresse.
Depuis hier qu'au Marquis je nommay la Comtesse,
Sur ce qu'il croit pour luy qu'elle brûle en secret,
S'il s'en estoit fait faire à peu prés le portrait ?
Adieu ton étalage en prétendu merite.
Elle est grande, fort blonde, et toy brune et petite.
Quoy qu'elle ait l'air galant⁎, tu l'as plus dégagé.

      Il croit donc que par excez d'amour
Pour luy seul la Comtesse est icy de retour ?

      Je vay l'avertir de ce pas.
Qu'elle en aura de joye !

Vous en serez payé largement.

      Monsieur le Duc pour la dixiéme fois…
 
On a suivy vôtre ordre.

      Dans son quartier tout le monde s'en rit.
Un Campagnard⁎ fort riche et de bonne famille,
Est si sot⁎ que d'Anselme il épouse la Fille.
Le Voyla bien logé.

Cependant de superbe elle a le cœur boufy,
Et selon qu'on la trouve en son humeur verveuse,
On luy voit quelquefois faire la dédaigneuse.

      Comment l'en garantir⁎ ?
Le dédit⁎ est signé d'une fort grande somme.

      Rentrez, c'est vôtre Frere.

      Il monte ; promptement.

Suivez viste.

Entrez.

Non, Monsieur.

Du Duc, et de ses Gens⁎ je me trouve obsedée,
Il vient icy sans cesse, et pour m'en garantir⁎
Je fais dire souvent que je viens de sortir.

      Quel est-ce bon Seigneur ?
Des contes qu'il me fait je suis toute surprise.

      Il va tout perdre.

Voulez-vous disputer contre un fou ?

Monsieur, défaites-nous du Vieillard.

A quoy qu'il puisse aller, pour tous deux ce n'est rien,
Mais, Madame, en payant voulez-vous que l'on dise
Qu'un Marquis d'un Bourgeois soit la dupe ?

Auprés de ton Vieillard, pourveu qu'on te seconde,
Les vœux du Chevalier pourront avoir effet.

**** *creator_corneillet *book_corneillet_comtesseorgueil *style_verse *genre_comedy *dist1_corneillet_verse_comedy_comtesseorgueil *dist2_corneillet_verse_comedy *id_carlin *date_1671 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_carlin


Quoy ? te trouver encor & seule & sans maîtresse⁎ ?

Tant mieux pour toy, d'avoir liberté toute entiere
De prendre du bon temps, & te donner carriere.
Ah, si pour moi le cœur t'en disoit tant soit peu,
Sote⁎ !

      Le mien est tout en feu⁎,
Et depuis cette nopce⁎ où tu me fis tant boire,
Je me suis si bien mis ta largesse en mémoire,
Qu'aussi-tost que la soif commence à me presser,
Pour en guerir plûtost je voudrois t'embrasser.

      Tout de bon, & s'il t'en faut plus dire,
Ecoute, en te voyant, de quel ton je soûpire⁎.

Ma foy, je n'en dors point quand je suis éveillé,
Et si ton cœur sensible à la friponnerie…
Lyse, ma chere Lyse.

Y doit-on regarder de si près entre amis ?

      Vois-tu ? j'aime Virgine,
Mais ce qui m'en degouste elle est un peu trop fine⁎,
Et sçait tant de détours, qu'à ce que j'en entens,
Avec elle un Mary passera mal son temps.
Anselme aussi, voyant du trouble en sa famille,
L'a depuis peu chassée en dépit de sa Fille.

Elle la garde encore au déceu du vieillard,
Le temps rajuste tout.

Veux-tu de mon amour sçavoir tout le mystere ?
Je suis homme d'intrigue⁎, & tel que tu me vois,
J'entreprens de servir deux Maistres à la fois,
Ou plûtost près de l'un faisant le bon Apostre,
Je tâche à le duper pour estre utile à l'autre.

      Justement.
Jamais on ne fut sot⁎ si methodiquement.
Comme il est de naissance & fort riche, il croit estre
L'homme le plus parfait qu'on ait encor veu naistre,
Et dans cette folie il est persuadé
Qu'on meurt d'amour pour lui dès qu'on l'a regardé.
Aussi fait-il le beau, le plaisant, l'agreable,
Vain⁎ s'il en fut jamais, contrariant en diable,
Grand parleur, curieux des affaires d'autruy.

Comme luy ? Dieu l'en garde, il est son antipode.
C'est un homme discret, civil, d'humeur commode,
Poly⁎, galand⁎, qui fait les choses comme il faut,
Et dont la gueuserie⁎ est l'unique defaut.

      Et d'autant plus qu'il aime.
Estre gueux⁎ en amour est un malheur extrême ;
Mais aux beaux yeux d'Olimpe il n'a pu resister,
A Virgine par là j'eus ordre d'en conter.
Pour gagner quelque accès auprès de sa Maitresse
Le Chevalier voulut…

Non pas, grace à l'excès de sa discretion,
Depuis deux mois et plus que pour elle il soûpire⁎,
Il s'est fait remarquer, mais sans vouloir rien dire.
Moy-mesme, il m'a falu faire le reservé.
Cependant tout d'un coup le Frere est arrivé,
Ce Diable de Marquis, qui s'en va d'importance
Faire sonner partout son manque de finance.

Tort ou non, il le hait, & voudroit le voir mort.
Pour détourner ce coup j'ay joüé d'artifice.

      Du chevalier j'ay quitté le service,
Et cent sujets de plainte au besoin⁎ inventez
Ont esté du Marquis avec joye écoutez.
En moy par cette fourbe il a pris confiance,
Et comme j'applaudis à son extravagance,
Je suis chez luy le tout, je tranche, ordonne, agis.

      Prens garde à toy, voicy nostre Marquis.
Le cœur te bat-il point ?

Et bien ? Fait-il la mode ?

      Ouy, Monsieur.

Elle vous regardoit, Monsieur.

Elle s'en souviendra.

Elle vient de la part de certaine Comtesse…

      Luy mesme, adieu, ma chere.

Sans Monsieur le Marquis j'estois sec, autant vaut.

      Monsieur.
      J'entens.

Grand mystere toûjours, et toûjours bagatelle.
Mais où diable a-t'il sçeu vostre amoureux secret ?

J'en doute, il n'eut jamais pour vous que de la haine.

Il est homme pourtant à nous en donner d'une.
Son cœur est plein pour vous d'une vieille rancune,
Ainsi j'aurois voulu avant qu'il eust parlé,
Vostre amour à Virgine eust testé revelé.
Contre ce qu'il eust dit, comme elle a de l'adresse,
Elle auroit préparé l'esprit de sa maîtresse⁎,
Mais vous m'avez fait taire, et tout estoit perdu
Si j'eusse osé…

      Pour ou contre, il va faire grand bruit,
Et le Vieillard…

Olympe est avec elle.

Quatre mots à quartier, Monsieur.

La Marquise, chez vous, a passé pour vous prendre,
J'ay voulu l'arréter, mais ne vous trouvant pas…
C'est donc comme il en fait, fracas contre fracas,
M'a-t'elle dit, dy-luy que puis qu'il me dédaigne,
L'abbé qui luy déplaist va commencer son regne ;
J'aurois pû me resoudre à ne l'écouter plus,
Mais…

Eh, n'en médisons point ; certains Abbez novices
Ne sont pas à courir de méchants benefices.
Les Belles trouvent là dequoy se régaler,
Bijoux, cadeaux, bombance, elles n'ont qu'à parler,
L'argent ne couste rien ; mais pour vostre Marquise,
Que faire ?

Je le croy.
 
      Il se résout à prendre,
Sur vostre bonne foy, le Chevalier pour Gendre ?

      Que vous estes heureux
D'avoir pû vous défaire, à la fin de ce gueux⁎ !
Il l'eust falu nourrir, c'est toûjours vostre Frere,
Que diable auriez-vous fait ?

Olympe y supléera.

      Pour qui donc ?

Ah, le traître ! Quoy donc vous aimez ?

Si vous luy souhaitez misere sur misere,
Il veut le Conjungo, Monsieur, laissez-le faire,
N'est-ce pas, quand luy-mesme il vous en vient prier,
L'accabler de tous maux, que de le marier ?
Qu'on ait volé, brûlé, causé famine et peste⁎,
Mariez-moy les gens⁎, ils sont punis de reste :
Mais la pitié vous prend, et tant de charité
Pour vostre cher Cadet vous tient inquieté ;
Que résolu sur l'heure à vous mettre en ménage,
Il vous plaist d'enrager de crainte qu'il n'enrage.

Rien que cela ? bon, bon, vous voyla garroté.

Vous connoit-elle ?

Mais vous l'épouserez ?

Comment ?

Ils ont tort, mais pour luy, que voulez-vous qu'on die ?
C'est l'ordre, chacun vit le plus long-temps qu'il peut.

      Je vay la reconnoistre.

      C'est toy, Virgine !

On vous demande seul.

      Ils sont-là.

      Qu'il se retire.

C'est Monsieur le Marquis, Madame, qui m'envoye…

      Il est là.

      Elles verront un rare⁎Original⁎.

      Monsieur ? quittez la place.
Le Marquis, d'un ruban corrige la grimace⁎.
Il est sur l'escalier où ce coin le retient.

      Il vient.
Dépeschez.

C'est l'entendre.

S'il le croit ? a-t'on veu jamais de ridicule
Qui n'eust entr'autres dons celuy d'estre crédule ?
Pour le voir, il croira, si tu veux, qu'à grand frais
La Reine de Congo vient icy tout exprés.
Voy dans ces nœuds toufus quel amas de merite.

      Et le meuble ?

La Comtesse a pris soins⁎ d'amasser des escus ;
Il la faut mitonner.

      Faites bien le transy.
Les Veusves d'ordinaire aiment le radoucy.
C'est par là qu'on les prend.

Beste ? et quoy son esprit fait la nique aux plus prompts.
Il est toûjours en l'air, et ne va que par bonds.
Vous en serez charmé.
 
      La voicy.

      Ailleurs où trouver qui la vaille ?
 
Sans les meubles elle a dix mille écus de rente.
Vous pourriez trouver mieux.

      C'est à vous, Monsieur, à vous sonder.

      C'est vôtre affaire.

Monsieur, voylà ce tour, disiez vous, d'habile homme.
La Comtesse demain vous épouse en secret,
Mais les dix mille écus, Anselme a vostre fait,
Comment le retirer ?
 
      Adieu la fourbe.

      C'est pour vous seulement
Qu'elle rentre à Paris, voulez-vous qu'il le sçache ?

      Qu'il est mutin⁎ !

Je croy que la Comtesse aura tout entendu.

      La voicy qui sort toute éplorée.

      Ton air fin⁎ luy broüille la cervelle,
Du grand don d'estre beau tout entesté qu'il est
Il voit rire toûjours quand on luy dit qu'il plaist,
Ton serieux le charme, et ce soir il se conte
D'aller, en t'épousant, gagner le nom de Comte.
Son fait à retirer le met seul en soucy.

      Je le croyois icy.
Il aura sur ses pas trouvé quelque Marquise.

      Il n'en est plus jaloux,
Et cela, grace au bien que l'on a dit de vous.
Madame la Comtesse, outre la gueuserie⁎,
Vous a donné d'un plat sa matoiserie,
Si vous ne le sçavez, vous tombez du haut mal.
 
Ces pretendus defauts peuvent tant sur son ame,
Qu'avec joye à son Frere il vous cede pour Femme.

      Ce sera bien le diable.

      Peste⁎, il y feroit chaud.
Il n'est pas toutefois plus méchant qu'il ne faut,
J'en viendray bien à bout, et pourveu que Virgine…

Ah, ma chere Comtesse.

Tu n'oses donc encor…

      C'est une affaire à part.

Il tiendroit bon sans doute, et feroit de la peine.

      Il le faut avoüer,
Tes charmes rehaussez m'ont fort chatoüillé l'ame,
Mais avec ton talent de faire la grand' Dame,
Quand tu seras à moy, ne va pas t'aviser
De devenir Comtesse, ou de t'emmarquiser.
Il est, sans chercher loin, certains Marquis et Comtes
Qui sur la gaye intrigue⁎ ont les démarches promptes.
Et je n'aimerois pas que s'adressant à toy,
Ma Race de par eux fust plus noble que moy.

      Quand on craint la disgrace,
Il fait bon…

      Ne fay pas la beste,
Il se faut comme on peut tirer d'un mauvais pas.

      Courage.

Monsieur, c'est qu'elle a craint qu'Olympe… Dans son ame.
Si vous connoissiez bien ce que l'amour… Madame,
Vous direz mieux vous-mesme à Monsieur le Marquis…

Ne voulant point entendre, il ne répondra pas.

      Garde mon dos, ce n'est plus raillerie⁎.

      Mon tout, ma Virgine !

      Monsieur.

      Moy ? je n'ay point de haste⁎.