**** *creator_corneillet *book_corneillet_laodice *style_verse *genre_tragedy *dist1_corneillet_verse_tragedy_laodice *dist2_corneillet_verse_tragedy *id_laodice *date_1668 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_laodice Et Cleone elle-mesme en peut estre estonnée, Elle à qui ma conduite a deu trop enseigner Qu'il n'est pour moy qu'un choix, ou perir, ou regner ? En vain j'ay fait long-temps revivre Ariarate, D'un peuple audacieux l'impatience éclate, Et l'hymen de ma Fille offrant un doux espoir, Nos Princes ont de Rome employé le pouvoir, C'est par elle à choisir qu'ils ont crû me contraindre; Mais je n'attendray pas ce que j'aurois à craindre, Si par Aquilius l'un d'eux devenu Roy Se pouvoit voir en droit de regner malgré moy. Si je fais part du Trône, au moins je seray seure En y placeant un Roy d'y voir ma Creature, Et de rester toûjours pour qui veut m'asservir Maistresse du pouvoir qu'on cherche à me ravir. Et pouvant le prévoir tu crois que je m'y fie, Et soufre qu'aujourd'huy par le don de sa main Ma fille ait la douceur⁎ de faire un Souverain ? Pour qui ? pour moy, Cleone. Quoy donc, à son orgueil il faut m'assujetir, Et quand des droits du Trône on me doit voir instruite Cette Reyne des Rois reglera ma conduite ? Qu'elle en murmure ou non, je sçauray faire un Roy Qui dédaignant ses loix n'en prenne que de moy, Et content de l'éclat dont un si grand nom brille Me sauve de l'affront d'obeïr à ma Fille. Le pretexte est plausible, on croit mon Fils vivant, Et sur l'heureuse erreur de ce bruit decevant Je feindray que ma main ne donne au Peuple un maistre Qu'attendant qu'en ces lieux ce Fils daigne paroistre, Et vienne enfin de moy reprendre les Estats Que l'Espoux de sa Sœur ne luy remettroit pas. Dy qu'il est Estranger, sans appuy de naissance, Et que par Politique il me faut faire un Roy Dont le sort au besoin dépende tout de moy, Que je puisse à mon choix conserver ou détruire, Perdre au moindre projet qu'il feroit pour me nuire, Qui soit soumis, qui craigne, et reste sans secours Si jamais il me plaist ordonner de ses jours : Mais aprés cét orgueil, aprés ce que t'explique De mon ambition la fiere⁎ Politique, T'oseray-je, à ma honte, advoüer que l'Amour Dispose presque seul du choix de ce grand jour ? Estonne-t'en, Cléone, Toy qui sçais que jamais je n'aimay que le Trône, Et qu'une insatiable et vaste ambition Me faisoit dédaigner toute autre passion. Pour en remplir l'ardeur, je traitay de foiblesse Ce que peut la Nature⁎ inspirer de tendresse, Et quoy qu'elle en gemist, dans la mort de cinq Fils Le charme de regner fut tout ce que je vis. Le sixiéme qu'à Rome on gardoit en ostage A mes jaloux desirs faisoit encor ombrage. De peur qu'un jour du Trône il osast me priver, Sans pitié, sans remords, je le fis enlever, Et voulus que sa mort parust estre incertaine Pour suspendre les droits qui font ma Fille Reyne, Et contre son Hymen me laisser tout permis Sous couleur de garder la Couronne à ce Fils. Dans les brûlants transports dont l'inquiete flame Vers le Trône toûjours pousse toute mon ame, J'ay peine à concevoir par quel abaissement Dans un Roy que je fais j'aime à voir un Amant, J'y trouve de la honte, et ma fierté s'en fâche, Je me traite en secret et de foible et de lâche, Et cependant mon cœur ne se peut arracher Aux flateuses douceurs qui l'ont trop sceu toucher, Je voy sans cesse Oronte actif, ardent, fidelle, Par cent soins⁎ empressez me signaler son zéle⁎, Au seul bien de me plaire attacher tous ses vœux, Se soûmettre en aveugle à tout ce que je veux, Je m'en sens attendrie, et par sa déference De mon coeur avec luy telle est l'intelligence, Que je me défierois de moy-mesme aujourd'huy S'il me falloit choisir entre le Trône et luy. Ce sentiment est lâche, indigne, bas, infame, Je m'en hay, mais j'ay beau le bannir de mon ame, Il semble que des Dieux la dure volonté M'en ait fait pour ma honte une necessité, Que l'amour qui m'embrase indigne d'une Reyne Soit de mon trop d'orgueil l'inévitable peine, Et qu'exprés leur couroux ait voulu m'enflamer A l'âge où quoy qu'on puisse on doit rougir d'aimer. Des pretextes d'Estat en couvriront la honte, Je sçauray la cacher aux yeux mesme d'Oronte, Mais il faut qu'avec toy je soulage mon cœur Du poids trop accablant d'une si vive ardeur; Que toute ma fierté t'ayant esté connuë Tu m'aides à chercher ce qu'elle est devenuë, Et me plaignes du moins… Escoute-moy, Et voy si je répons à ce que je me doy. Il faut faire un grand choix, Oronte, et mon adresse A rompre pour ma Fille un hymen que l'on presse, Ne sçait plus qu'opposer aux superbes projets Que forment contre moy des Princes mes Sujets. L'espoir de la Couronne à la naissance acquise D'un succez éclatant flate leur entreprise, Et tous pouvant prétendre à l'honneur de mon choix, Tous de Rome en secret ont fait briguer la voix, Aquilius entr'eux vient resoudre d'un Maistre, Et l'on voit quelle honte au rang où j'ai sceu naistre Si pour moy dans ce choix qu'exprés je veux haster Les ordres du Senat estoient à respecter. Mais quoy qu'il ne soit pas indigne d'une Reyne De refuser le joug de la grandeur Romaine, Les Dieux me sont témoins qu'un interest plus cher Fait naistre icy l'orgueil qu'on me peut reprocher, Et que dans cét orgueil à mon rang necessaire Tout ce que je regarde est un devoir de mere Qui toujoûrs pour mon Fils m'engage à conserver Un sceptre dont je vois qu'on cherche à le priver. C'est ce que je veux faire avec cette tendresse Que demande le sang, que la Nature presse, Et comme de son Trône on voit en vous l'appuy C'est de vous jusqu'au bout que j'attens tout pour luy. Il est vivant sans doute, et le Ciel qui m'inspire Me promet la douceur⁎ de luy rendre l'Empire, Si toûjours d'un vray zéle⁎ Oronte prévenu Veut demeurer pour moy ce que je l'ay connu. Je n'attendois pas moins de ce noble courage Qu'à soustenir l'Estat mon interest engage, Aussi quand il me faut sur des droits incertains Mettre en dépost le Trône en de fidelles mains, Voyant combien d'orgueil nos Princes font paroistre, Je crains tout si par moy l'un d'eux en devient maistre, Et dans l'ambition qui les aveuglent tous Je n'ose pour ce choix m'asseurer que sur vous, Ce n'est pas que ma Fille à mes ordres défere Jusqu'à vouloir en sœur ce que je cherche en mere, De l'éclat de son sang la jalouse fierté, Contre moy, contre vous, tient son cœur revolté, Vôtre hymen luy fait honte, et dés que je la presse… Il en est, et j'en sçay sans que je la contraigne, Qui sçauront empescher qu'un jour je ne la craigne, Et vous affranchiront de la necessité D'estre jamais en bute à son trop de fierté. Vous sçavez quel éclat les Princes ont fait naistre, Le Peuple agit par eux, il me demande un Maistre, Et le Peuple obtiendra ce qu'il attend de moy, Si ma main vous acquiert la qualité de Roy. Ce dessein vous surprend, et quinze ans de veufvage, M'éloignant des soupçons d'un second mariage, Il paroistra nouveau qu'au rang où je me vois D'un Epoux tout à coup une Reyne ait fait choix, Mais fust-ce en démentir l'orgueilleux caractere Ma principale gloire est d'estre bonne mere, Et j'en croiray l'éclat au plus haut point monté Si je mets pour mon Fils le Trône en seureté. Comme de toutes parts l'ambition menace, C'est l'assurer pour luy que vous y donner place, Et luy choisir en vous sous ce grand nom de Roy Un Tuteur qui pour luy va s'unir avec moy, Qui plein du mesme esprit qui me pousse et m'inspire Aura le mesme zele à gouverner l'Empire, Et sera comme moy toûjours prest à ceder Ce que sans doute un autre essayeroit de garder. Le mien prend quelque part à cette Politique, Et j'aime les raisons qui semblent me forcer A l'Hymen où pour vous je me veux abaisser. Le Peuple qui par vous depuis long-temps respire Vous verra sans regret possesseur de l'Empire, Et si Rome s'en plaint, il luy sera permis D'attaquer un Heros protecteur de mon Fils. Ouy, ce seroit en vain Que je voudrois encor déguiser mon dessein, Comme il est resolu je consents qu'il éclate. Prince, j'entens toûjours parler d'Ariarate, On dit qu'il va paroistre, et ce bruit est trop fort Pour me croire permis de régler vostre sort. Entre de grands Rivaux qu'un doux espoir engage A soûmettre à ma Fille un noble et pur hommage, Ce Fils que les Destins vous reservent pour Roy Le Diadême au front choisira mieux que moy. Le Peuple cependant chaque jour fait connoistre Qu'attendant qu'il se montre il veut un second maistre Qui commande, execute, et puisse avec éclat M'ayder à soûtenir le grand poids de l'Estat. Aux dépens de ma main il faut le satisfaire, Et je croy que mon choix aura droit de luy plaire Quand il sçaura qu'Oronte élevé jusqu'à moy… Prince, n'abusez point d'un excez de bonté Qui m'oblige à soufrir vostre témerité, Je sçay ce que je dois à l'Estat, à ma gloire. C'est trop, n'achevez pas, Oronte est inconnu, son sang peut estre bas, Je le sçay comme vous, mais quoy qu'il en puisse estre, Malgré vous, malgré Rome il sera vostre Maistre, Et si quelque insolent murmure de mon choix, Je suis Reyne, et le Sceptre est la foudre des Rois. Princesse, enfin le Ciel par d'éclatantes marques Nous fait voir que toûjours il prend soin des Monarques ; Ce Fils si souhaité, ce Fils dont mon amour Par un secret instinct asseuroit le retour, Il paroist, et comblant tous nos peuples de joye, Sa main vous ouvre au Trône une brillante voye. Pour vous le conserver que n'ay-je pris de soins ? Vos yeux depuis long-temps m'en sont d'heureux témoins, A l'hymen de ma Fille ils m'ont veu mettre obstacle Pour attendre toûjours le temps de ce miracle, Et quand aux vœux du peuple il me falloit ceder Les Dieux à mon espoir ont daigné l'accorder. Vos vœux ont pû le rendre à ma juste tendresse, Ils se sont joints aux miens, et c'est assez, Princesse ; D'un retour qui fait seul le bonheur de ces lieux, Ne songeons aujourd'huy qu'à rendre grace aux Dieux. On vous attend au Temple, où par des sacrifices Vous vous acquiterez vers ces Dieux si propices, Tandis que j'auray soin que pour marquer sa foy Chacun sorte avec pompe au devant de son Roy. Qu'on me laisse icy seule; Oronte, demeurez. Plus ils semblent remplis, moins ils sont satisfaits, Oronte, et puisqu'enfin il faut ne vous rien taire, J'ay souhaité mon Fils, mon Fils me desespere, Par son fatal retour tous mes soins sont trahis. Ouy, mere pour un Fils à qui je serois chere, Qui viendroit sans secours le prendre de mes mains, Mais je ne puis soufrir l'esclave des Romains. Sousmis à ces Tyrans que bravoient nos Ancestres Il vient nous asservir sous l'orgueil de ses Maistres, Nous faire part des fers qu'il s'abaisse à traîner, Et j'aurois quelque joye à le voir couronner ? Non, non, l'espoir du Trône en vain l'a pû surprendre, Point d'ordre du Senat s'il y vouloit prétendre, Point de force étrangere à me faire obeïr. Je sçay qu'il faut par eux que sa naissance éclate, Mais enfin avec luy si Rome estoit d'accord, A quoy bon si long-temps m'avoir caché son sort ? Quand deputant vers moy l'on m'a tant fait connoistre Qu'elle vouloit m'aider à faire choix d'un Maistre, Par quel rare motif ne m'a-t'on pas appris Que son Ambassadeur me ramenoit mon Fils ? Avec tant de mystere Aquilius s'avance Qu'on le voit arriver mesme avant qu'on y pense, Comme si tout à coup surpris de voir son Roy Le Peuple devoit mieux s'animer contre moy. C'est là, c'est là que tend toute leur Politique, Dans ces précautions je la voy qui s'explique, Et cherche à m'arracher par des moyens si bas Ce qu'ils ont présumé que je ne rendrois pas. Par l'Hymen de ma Fille où⁎ l'on me crut forcée, Ils ont voulu d'abord penetrer ma pensée, Et le choix que de vous ils sçauront que j'ay fait A leurs jaloux soupçons tiendra lieu de forfait, Ils voudront vous punir d'en avoir esté digne ; Mais que le Peuple s'arme, ou que Rome s'indigne, Pour vous perdre à son choix ou me faire la loy, Ce Fils n'est pas encor asseuré d'estre Roy. Si l'Estat veut un Roy, s'il a besoin d'un homme, Vous faisant mon Espoux que craindray-je de Rome ? Armé de ce grand tître et d'Espoux et de Roy Manquerez-vous de cœur à combatre pour moy ? Vous trouveray-je moins cét invincible Oronte Que nos plus fiers⁎ Voisins n'ont connu qu'à leur honte, Et l'orage que veut éviter vostre soin Est-il plus dangereux pour venir de plus loin ? Et bien, si vous craignez qu'à sa veuë on ne cede, C'est un mal où⁎ peut-estre il est quelque remede. Vous ne m'entendez⁎ pas il faut m'expliquer mieux. La rigueur me fait peine, et depuis que je regne Si pour ma seureté je soufre qu'on me craigne, Contre mille ennemis de ma grandeur jaloux J'ay toûjours essayé les moyens les plus doux. Aussi lente à punir que prompte à faire grace Il m'a suffy cent fois d'en desarmer l'audace, Tant j'ay conceu d'horreur dés mes plus jeunes ans Pour la severité qu'exercent les Tyrans. Mais il faut l'avoüer, s'agissant de l'Empire, Comme c'est à luy seul que tout mon cœur aspire, Si pour le conserver il faut armer mon bras Un peu de sang versé ne m'épouvante pas. Quoy ? vous feroit-il peur ? vous pâlissez, ce semble ? Il faut donc voir répandre et le vostre et le mien ? Ce choix seul est à faire, il s'agit de resoudre, C'est à nous ou d'attendre ou de lancer la foudre, Elle est inévitable à quiconque de nous N'osera par scrupule en prévenir les coups, Si mon Fils ne périt, notre perte est certaine. Il faut vous dire tout, Aussy bien avec vous dont l'ame est un peu tendre Qui s'explique à demy ne se fait pas entendre⁎, Sçachant mes interests vous jugerez de moy. J'eus six fils qu'en mourant me laissa le feu Roy. Par divers accidents des six les cinq moururent, Peut-estre avez-vous sceu quels fâcheux bruits coururent, J'en dédaignay l'outrage, et crus de tels malheurs, Puisque j'étois au Trône, indignes de mes pleurs. Dans le charme⁎ secret d'un si brillant partage Pour me l'asseurer mieux je mis tout en usage; Ariarate à Rome en ostage élevé Pouvoit me le ravir s'il n'estoit enlevé, J'en donnay l'ordre exprés, sa mort fut résoluë, Mais je voy que les Dieux ne l'avoient pas concluë, Qu'un lâche m'a trahie, et que de mon projet Ariarate et Rome ont sceu tout le secret. C'est à vous là dessus à voir ce que peut faire Un Fils trop convaincu de l'orgueil de sa Mere. Si j'immolay sa vie à l'ardeur de régner, Pour régner à son tour voudra-t'il m'épargner ? C'est mon sang, et ce sang du Trône est trop avide Pour trembler à l'aspect d'un simple parricide⁎, Et bientost, si par moy ce Fils n'estoit détruit, Sur mes propres leçons on l'y verroit instruit. Il faut, il faut le perdre, et je m'y voy reduite, Avec Aquilius on dit qu'il est sans suite, Vous ne pouvez avoir d'ennemis que les miens, Et qui veut s'en défaire en trouve les moyens. Lors qu'il s'agit du Trône on se fie aux serments ? Ne vous y trompez point, quand il se pourroit faire Qu'à ce Fils comme à vous le crime pust déplaire, Qu'une vertu pareille eust pour luy mesme appas, Dans ce qu'il sçait de moy, je ne m'y fierois pas. Je dis plus, quand j'aurois une entiere asseurance Qu'il deust laisser toûjours le Trône en ma puissance, Toûjours comme Sujet me soûmettre son sort, J'aurois la mesme ardeur à poursuivre sa mort. Pour en tenir l'arrest et juste et legitime, Il suffiroit de voir qu'il fist grace à mon crime, Et que je périrois si par un noble effroy Il ne refusoit d'estre aussi méchant que moy. Ainsy je ne puis voir cette mort assez prompte Ne fust-ce que pour perdre un témoin de ma honte. C'est par là que son sort est toûjours combatu, Je dois craindre son crime, ou haïr sa vertu, Et chercher dans son sang la seureté du nostre Pour me sauver de l'un, ou le punir de l'autre. Enfin, plus de replique, il faut vous declarer, Et choisir qui des deux vous voulez préferer. Si du sang à verser vous esmeut⁎, vous fait peine, J'en sçay qui sans scrupule en croiront une Reyne, Et qui pour un seul crime exigé de leur foy, Ne dédaigneront pas de régner avec moy. Mais avant qu'emprunter d'autre bras que le vostre Songez bien que souvent un crime en presse un autre, Et que vous ayant dit à quoy je me resous, Le Trône seul peut estre un azyle pour vous. C'est trop, n'en parlons plus, tant de vertu me lasse. A moy, quelqu'un. Escoutez. Je l'avouë, il fut grand, mais je l'ay bien payé. Quoy qu'ait pû m'opposer une envie importune, Par moy vostre destin a bravé la fortune, Eslevé tout à coup vous possedez un rang Qu'on n'accorda jamais qu'au plus illustre sang. Du suprême pouvoir depuis deux ans arbitre On ne vous voit de Roy manquer que le seul tiltre ; Je vous l'ofre, et pour prix, ingrat, de mes bienfaits Vous voulez m'arracher du Trône où je vous mets, Vous voulez qu'aux Romains je serve de victime ? Allez, dans le besoin gardez vostre vertu, Je recompenseray de mesme qu'on m'oblige. Et bien ? Allez, vous dis je, Je connois vostre cœur, vous le mien, il suffit. Ah, Cleone, ce Fils dont j'ay crû me défaire, Ce Fils dont je feignois d'attendre le retour… Dieux ! Viens, suy-moy, tu sçaura ce que je veux de luy. Fin du troisième acte. En vain tu me fais voir que le peuple est à craindre. Le projet est hardy, mais j'ay dû m'y contraindre, Etoufer la Nature, et ne balancer pas A couronner par là mes premiers attentats. Qui s'est pû dans le Trône affermir par le crime, S'il tremble à l'achever merite qu'on l'opprime, Et quand mille forfaits le rendroient odieux, Le dernier qui l'absout est toûjours glorieux, Si je ne veux perir sa mort est necessaire. Ay-je dans son destin quelque interest à prendre ? Le coup fait, qu'il perisse, il m'importe fort peu, Je feray de son crime un entier desadveu, Et croiray n'avoir plus à craindre un sort contraire Si d'un Ambitieux Rome veut me défaire. Ce n'est pas qu'il n'ait pris toutes ses seuretez, Si ceux dont il se sert se voyoient arrestez, Il m'a fait consentir qu'ils nommassent Oronte. A qui nous preste un crime on doit tout accorder, Anaxandre le hait, et m'auroit mal servie Si je n'avois pas feint d'abandonner sa vie, Et de vouloir sur luy rejetter l'attentat Qui malgré son refus est prest de faire éclat, Mais enfin quoy qu'Oronte ait merité ma hayne, Contre luy dans mon cœur elle est foible, elle est vaine ; Ce refus d'un forfait dont il me sçait le prix, Après ce qu'il me doit joint l'injure au mépris, Et par un sentiment qu'en vain je desavouë, Contre mes interests moy-mesme je l'en louë. Estrange adveu d'un cœur sous le crime abatu De se sentir contraint d'estimer la vertu ! Ouy, telle que je suis, aux forfaits enchaînée Par le dur Ascendant que prend la Destinée, Je me voy malgré-moy forcée à respecter Ce qu'un fatal penchant me defend d'imiter ; Plus Oronte du crime a rejetté l'amorce, Plus mon amour pour luy semble avoir pris de force, Son refus m'a trahie, et loin de l'en haïr Je l'aurois moins aimé s'il eust pû m'obeïr. Ma flame s'est accreuë à voir croistre sa gloire⁎, Et s'il n'a pû tantost me reduire à le croire, Si j'embrasse un forfait par luy si combatu, C'est afin qu'il me serve à payer sa vertu. J'en fais le prix du Trône, où de quoy qu'on m'accuse Je luy veux achepter la place qu'il refuse, Y voir briller sa gloire, et faire en ce grand jour Servir l'ambition de prétexte à l'amour. C'est par là seulement que ma honte s'efface. Quoy, mon Fils ! Tout va bien, Cleone. Helas, Princesse! O trop sensible effet du vif couroux des Dieux ! Aprés un si long regne et d'ennuys et d'alarmes Est-ce là ce bonheur dont ils m'ofroient les charmes ? Ce fils sur qui leur hayne a voulu s'assouvir Ne me l'ont-ils rendu que pour me le ravir ? Mais enfin s'il est mort, connoit-on le perfide Qui s'est osé soüiller d'un si noir parricide⁎ ? Comme il luy faut du sang les pleurs sont superflus. Que m'apprend-on, Phradate, et qu'ay-je à redouter ? Helas ! il est donc vray que mon Fils ne vit plus, Et qu'à mes vœux le Ciel n'a paru favorable Que pour mieux redoubler le malheur qui m'accable. J'avois eu trop de joye, et tous mes sens saisis Goustoient trop le triomphe où j'attendois ce Fils, Il faut que de sa mort sa gloire soit suivie. Il l'aura toute entiere, et je luy feray voir L'horreur que j'ay d'un crime et si lâche et si noir, Ce tumulte impréveu cache quelque mystere, Rome a pour l'éclaircir le pouvoir d'une Mere ; Ayant nourry mon Fils elle est au mesme rang, Elle est aux mesmes droits où⁎ je suis par le sang ; Mesme interest l'engage à se faire justice, Et de quelque façon qu'un Monarque perisse, Fust-ce par un malheur qu'on n'eust sceu prévenir⁎, Ce crime du hazard est un crime à punir. Princesse, à ma douleur prestez encor la vôtre, Pour mieux vanger ce Fils pressons l'une par l'autre, Il vous eust mise au Trône, et pour en démentir L'injustice du sort qui n'y peut consentir, Si Rome de ses dons soufre⁎ que je dispose Vôtre espoir n'aura rien où mon chagrin s'oppose, Obtenez son adveu, je vous rends vos Estats. Et bien, mon Fils est mort, Anaxandre ? De ce coup du hazard je perce le mystere, Voyla ce que me couste un Peuple temeraire, Qui me voulant contraindre à faire choix d'un Roy Preste à l'ambition des armes contre moy. Ma douleur entre vous ne designe personne, Mais mon Fils n'estant plus, ma Fille a la Couronne, Et le don de sa main qui fait tant de jaloux Pour qui peut y prétendre a des charmes bien doux, Sans ce coupable espoir mon Fils vivroit encore. D'Oronte pour l'Estat le zele inébranlable Repousse les soupçons qui le peignent coupable, Pour les pouvoir soufrir sa gloire a trop d'éclat. Viens, Oronte, et répons, c'est en vain qu'on t'excuse, Sur un bruit qui s'épand Anaxandre t'accuse, Est-ce à toy que le crime a si bien reüssy? Dans le superbe espoir que je t'avois donné C'est estre criminel que d'estre soupçonné, On murmure, on se plaint, qu'as-tu pour te défendre ? Seigneur, qui l'auroit crû qu'un jour si plein de charmes Dust estre un jour pour moy de soûpirs et de larmes, Et que venant icy pour finir mes malheurs La gloire de vous voir me pust couster des pleurs ? Pour tout remerciement à vostre Republique Faut-il que ma douleur avec elle s'explique, Et que de ses bienfaits je luy marque le prix Par le trouble où me met la perte de mon Fils ? Vous nous le rameniez instruit par de grands Maistres A marcher sur les pas de ses dignes Ancestres, Et par le dur revers du plus funeste sort Le moment de sa gloire est celuy de sa mort. A ce cruel objet ma raison qui me quitte Céde aux égarements de mon ame interdite, Et se perd quand je trouve à vanger à la fois Et l'injure de Rome, et le sang de nos Rois. C'est par là seulement qu'aux ennuis où je cede Aprés la mort d'un Fils j'attens quelque remede. Pour satisfaire Rome, et remplir cét espoir Prenez icy, Seigneur, un absolu pouvoir, Je sçay que d'injustice et d'erreur incapable Vous sçaurez separer l'innocent du coupable, Et que ceux que l'Envie aime à persecuter Sur un premier soupçon n'ont rien à redouter. Peut-estre ma douleur dans son impatience Auroit moins de lumiere, et plus de violence, C'est vous qu'elle en veut croire, ordonnez, punissez. Où l'ordre est du Senat il faut l'executer. Parlez, de qui, Seigneur, voulez-vous qu'on s'assure ? Il n'est pas temps, Prince, d'en murmurer. Qu'on le conduise au Fort. Theodot, suivez l'ordre, et vous, obeïssez. Obeïssez, vous dis-je, Vous mesme vous sçavez à quoy Rome m'oblige, Contre vous, contre tous je dois luy déferer, Si le soupçon est faux on sçaura l'averer, Allez, qu'on me réponde. Estes-vous satisfait, Seigneur, de ma franchise ? Que dites-vous, Seigneur ? Ce n'estoit pas mon Fils ! Ah, Seigneur, mais de grace, Le sort d'Ariarate en sera-t'il plus doux ? Puis-je croire qu'il vive, et me l'amenez-vous ? Quoy donc, il se pourra qu'enfin je le revoye ? Phradate, allez au Peuple annoncer cette joye, En le tirant d'erreur calmez son desespoir ; Mais, Seigneur, hastez-vous de me le faire voir, L'entreprise manquée il n'a plus rien à craindre. Je sçay qu'en vain mon Fils s'y voudroit opposer, Si la Lycaonie est jointe à cét Empire C'est le prix d'un malheur dont encor je soûpire, Le bonheur des Romains me cousta mon Espoux, Mais soufrez que ce Fils en resolve pour nous. Attachée à son sort, et moins Reyne que Mere Je cherche sa grandeur, elle seule m'est chere; Qu'il me soufre avec luy, qu'il vueille m'éloigner, Mes voeux sont satisfaits si je le vois régner, Ce triomphe est le seul où ma tendresse aspire, Jusque-là dans ces lieux prenez un plein empire, Venez pourvoir à tout, et selon vos souhaits Ordonnez de la ville ainsy que du Palais. Fin du quatriéme Acte. Vous l'emportez, Oronte, et mon Fils est sauvé, Contre les fiers⁎ projets de ma jalouse envie Déja le Ciel deux fois a défendu sa vie, Deux fois de ma fureur il a rompu les coups, Mais il n'eust pu jamais en triompher sans vous. C'est vous qui sur mon coeur plus fort que le Ciel mesme Y sçavez moderer l'ardeur du Diadême, Et contraindre l'orgueil qu'a trop enflé mon rang A croire la Nature, et respecter le sang. C'en est fait, cét orgueil n'a plus rien qui m'anime, A force de vertus vous m'arrachez au crime, Malgré tant de serments de ne rien épargner Ariarate est seur de vivre et de régner, Mon ambition céde, il n'a plus rien à craindre. Le Ciel qui le protege, et mon éloignement. Je suis juste, et vois trop à quelle défiance Le doit de mes projets porter la connoissance Pour exiger de luy que s'asseurant sur moy Il soufrist⁎ ma presence et régnast sans effroy. J'ay conspiré sa perte, et pour m'en voir punie Je m'impose l'exil de la Lycaonie, C'est là que le Senat m'autorise à régner, J'y consens, et déja suis preste à m'éloigner ; Mais dans ce qu'il me laisse et d'honneurs et de gloire Mon coeur de vos vertus ne perd pas la memoire, Et si ce coeur au Trône ose encor se donner C'est moins pour en joüir que pour vous couronner, Ouy, vous ayant flaté d'un pompeux hymenée Je ne révoque point ma parole donnée, A vous voir mon Espoux mes voeux sont limitez. S'ils ont changé mon sort ils ne m'ont pas changée, Et ce Fils, si long-temps par ma hayne opprimé, Seroit encor haï si vous n'étiez aimé. J'ay voulu vous le taire Tant qu'un prétexte heureux m'a permis de le faire, Et que ce qu'un beau feu pour vous m'a fait oser Sous des raisons d'Estat pouvoit se déguiser ; Mais par vostre vertu ma flame encor accruë Ne peut plus se contraindre à tant de retenuë, Et c'est peu que mon Fils trouve grace en ce jour Si je ne vous apprens qu'il la doit à l'amour. C'est luy qui pour vous seul me contraignant de vivre Me dérobe le sang que j'aimois à poursuivre, Et qui malgré l'orgueil de mes desirs jaloux M'oste à l'ambition pour me donner à vous. C'est luy, c'est cét amour dont l'ardeur me surmonte... Mais quoy ? vous vous troublez, expliquez-vous, Oronte, D'où viennent ces regards tremblans, mal asseurez, Cette froide surprise ? Vous soûpirez ? Vous aimez donc ailleurs, et l'hymen d'une Reyne Ne vaut pas que pour elle on brise une autre chaisne,  La constance en amour est digne d'un Heros. Vous, mon Fils ? N'en soyez point en peine Je la satisferay cette invincible hayne, Vos soûpirs font contre elle un impuissant appas, Et si vous l'étonnez vous ne l'ébranlez pas. Quoy, par de faux devoirs vous m'aurez sceu reduire A l'aveu de l'orgueil qui vouloit vous détruire, Vous aurez dans mon coeur penetré mes forfaits, Et vos voeux triomphans en feront les effets ? Non, il faut qu'entre nous cette hayne en decide, Elle offre le defy du plus prompt parricide⁎, Et du moins, si les Dieux ont trompé mon amour, Il vous en coustera l'innocence, ou le jour. Pour vous conserver l'une, il vous faut perdre l'autre, Devenir ma victime, ou me faire la vostre, Et vous résoudre enfin, quoy qui puisse advenir, De perir par mon crime, ou de le prévenir⁎. Ah, que ne l'osiez-vous ! Alors ma hayne libre auroit à force ouverte Gousté l'entier plaisir de jurer vôtre perte, Et mon coeur qui sans trouble auroit pû l'écouter N'eust pas eu contre vous de foible à redouter, Mais en vous déguisant vous m'avez sceu contraindre A cherir l'Ennemy que j'avois seul à craindre, Vos flateuses⁎ vertus par des charmes⁎ trop doux Ont pris intelligence avecque mon couroux, Et dans ce qu'à mon coeur elles offrent d'amorce⁎, Quand il veut vous haïr, il n'en a pas la force, De tout ce qu'il resout vous l'osez détourner. Ah, ce crime est trop grand pour vous le pardonner, Cinq enfans immolez par mes trames secretes Me laissent encor moins coupable que vous n'estes ; Par mille et mille soins rendus jusqu'à ce jour Vous m'avez pour mon Fils fait naistre de l'amour, Vous avez allumé dans le sein d'une Mere Une ardeur à la fois et detestable et chere, Et dont j'ay d'autant plus à craindre les effets Qu'elle cherche à m'oster le fruit de mes Forfaits; Elle a beau le prétendre, il faut que j'en joüisse, Que je fasse du sang ce dernier sacrifice, Et que l'ambition que j'allois étoufer, Reprenne tout l'orgueil qui l'en fit triompher. Dûst en gemir cent fois la Nature détruite J'ai trop bien commencé pour trembler de la suite, Pour craindre lâchement de m'immoler vos jours. Laissez-moy donc, ingrat, le pouvoir de le faire, Et quand à vous haïr tout semble m'animer, Arrachez-moy du coeur ce qui vous fait aimer. Ostez-moy cette ardeur qui, quoy que je l'abhorre, Me fait voir dans mon Fils un Amant que j'adore, Et qui bravant l'orgueil qui voudroit son trépas Sçait corrompre ma hayne, et retenir mon bras. En vain ma dureté de vôtre vie ordonne, La Nature vous l'oste, et l'Amour vous la donne, Et quand l'une du jour consent à vous priver, L'autre vient me seduire afin de vous sauver. Dure malignité du panchant qui m'entraine ! Les crimes ont toûjours accompagné ma haine, Et tel en est pour moy le triste enchaînement Que cessant de haïr j'en fait un en aimant. D'un violent amour la fureur indomptable Me laisse pour mon Fils brûler d'un feu coupable, Et mon Fils n'est sauvé que par l'indigne ardeur Que mon aveuglement alluma dans mon coeur. Les Dieux l'ont resolu, ma resistance est vaine, Vivez, Ariarate, et faites une Reyne, Tandis que je me rends à la necessité De chercher mon repos et vôtre seureté. Ne vous y fiez pas. Quoy que j'eusse promis, l'ambition peut-estre Estouferoit l'amour qui s'en est rendu Maistre, Et dans les bras d'autruy ce qu'on aima le mieux Devient bien-tost pour nous un objet odieux. Contre un peril si grand asseurons vôtre vie, Par son Ambassadeur le Senat m'y convie, Il m'en ouvre la voye, et j'y sçauray pourvoir. Princesse, joüissez enfin de vôtre gloire⁎. Les Dieux en prirent soin lors qu'un heureux accord Au destin de mon Fils attacha vôtre sort, Et leur bonté pour vous acheve de paroistre Quand dans l'illustre Oronte ils nous le font connoistre, Recevant de ma main ce Heros pour Epoux Vous ne douterez point s'il est digne de vous, Je vous laisse avec luy partager cette joye, Il vous en dira plus. **** *creator_corneillet *book_corneillet_laodice *style_verse *genre_tragedy *dist1_corneillet_verse_tragedy_laodice *dist2_corneillet_verse_tragedy *id_ariarate *date_1668 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_ariarate Madame, vous sçavez le dessein de la Reyne. Des vœux de ses Sujets se faisant une loy On la voit qui s'appreste à nous donner un Roy ; Au defaut de son Fils dont on plaint la disgrace⁎ Sa fille Arsinoé prend aujourd'huy sa place, Et l'Espoux que pour elle a resolu son choix Montant par elle au Trône y va donner des loix. Quelle douceur⁎ pour moy si dans cette journée Au lieu d'Arsinoé vous estiez couronnée ! Quand Rome disposa de vos Estats conquis La Reyne pour Espoux vous destina son Fils, Et dans la Cappadoce on vous vit élevée Pour la gloire⁎ où⁎ ce choix vous avoit reservée⁎. Plust au Ciel qu'il parust ce Fils, et qu'il fust prest... Quoy, donner vostre cœur au Prince Ariarate Seroit un sort pour vous… J'admire à ces raisons la fierté qu'il oppose, Mais si j'osois, Madame, en penetrer la cause. Ce qu'il nous tient caché, Que sans doute en secret quelque autre l'a touché, Et qu'ainsy… Madame, au nom des Dieux ne me le cachez pas. Un si fort interest me presse de l'apprendre… Madame… Vous sçavez le credit où la faveur m'a mis, Je puis ce que je veux sur l'esprit de la Reyne, Et quand le choix d'un Roy luy tient l'ame incertaine, Nommant qui vous aimez vous n'auriez point l'ennuy De craindre que ce choix pust s'arrester sur luy, J'en sçaurois à vos vœux⁎ espargner le suplice. Et vous pourriez, Madame, en croire un temeraire, Qui pour faire un heureux, quel que soit vôtre rang, Chercheroit plus l'amour que la splendeur du sang ? A quel prompt desadveu vous verrois-je reduite ? Que sert cét avantage où le reste a manqué ? Si je vous proposois quelqu'un dont la naissance Avec le sang des Rois eust trop de difference, Quelqu'un dont ce malheur ternist les qualitez ? Et si j'osois vous parler pour moy-mesme, Vous jurer que jamais une si vive ardeur Avec tant de respect ne s'empara d'un cœur, Que le mien tout à vous par un pur sacrifice… Mais de ma fole audace ordonnez le supplice, Dans son emportement je m'égare et me pers. Est-ce à moy de porter de si glorieux fers ? Est-ce à moy de prétendre où mon orgueil aspire ? Parlez, Madame, Quoy, sans me vouloir dire… C'est beaucoup, il est vray, mais si ce pur hommage… Ce que vous m'opposez n'est pas ce qui me gesne, Soûtenez ce beau sang, je le verray sans peine, Dites-moy seulement si mon feu vous déplaist, Si vôtre cœur touché… L'espoir d'une Couronne est fâcheux à quitter, Mais Axiane est ferme, et loin de luy voir craindre … Je vous dois trop, Seigneur, pour vouloir reculer, Ce service est le moindre où l'honneur me convie, Sans vous dans un combat j'aurois perdu la vie, Et cent fois vos bontez s'interessant pour moy Ont daigné m'affermir au rang où je me voy. Ainsi pour vôtre amour ne soyez point en peine, Aimez Arsinoé, je respons de la Reyne, Et vous pouvez vous croire au comble de vos vœux⁎, S'il est vray que sa main vous puisse rendre heureux. Ne craignez rien de luy; L'aveugle ambition dont la fierté l'entraine Luy laisse peu de part aux bontez de la Reyne, Elle cherche un esprit souple, docile, accort, Qui pour regner toûjours luy serve de support, Et qui du rang pompeux dont on la voit arbitre, Luy laissant le pouvoir se contente du tiltre. Quoy, Seigneur, sa personne A des charmes pour vous plus forts que sa Couronne ? Toûjours d'un pur amour je vous ay crû capable, Vous en aviez besoin, et pour m'expliquer mieux, Ariarate est prest de paroistre en ces lieux. Et quoy ? son retour vous fait peine ? Le secret de son Fils n'est connu que de moy, Elle-mesme l'ignore, et pour ne vous rien taire A vous qui m'honorez d'une amitié sincere, Aquilius qu'exprès Rome envoye en ces lieux Vient rétablir ce Prince au rang de ses Ayeux. Helas ! ils n'ont enfin esté que trop connus. Dispensez-moy, Seigneur, de parler là-dessus, Et pour finir plûtost un discours qui me gesne Songez aux bruits fâcheux qu'on sema de la Reyne.  De cinq fils, tous enfans, restez en son pouvoir, La mort soüilla son nom du crime le plus noir, Le poison l'en défit, au moins contre sa gloire⁎ Chacun le publia comme on le voulut croire ; Mais si l'on eut icy des soupçons incertains Le crime fut bien-tost évident aux Romains. Comme la peur de rendre un jour le Diadême En elle avoit armé le sang contre soy-mesme, Le jeune Ariarate en ostage chez eux Mettoit un dur obstacle au succez de ses vœux. Pour l'enlever de Rome elle choisit Orcame Qui surpris de sa rage, et plein d'horreur dans l'ame, Feignant de la servir vient apprendre au Senat L'ordre de ce funeste et dernier attentat. Rome qu'occupoit lors une pressante guerre Suspend pour quelque temps l'éclat de son tonnerre, Et croit qu'un seul témoin ne l'autorise pas A détruire une Reyne, et prendre ses Estats, Mais pour n'exposer plus le Prince à tant de rage, Elle feint qu'on luy vient d'enlever son Ostage, Tandis que l'élevant ailleurs sous un faux nom, Du sort qui le conserve elle oste le soupçon. Orcame cependant vient retrouver la Reyne, De ce Fils malheureux luy fait la mort certaine, Et la sienne qui suit la laisse en liberté De joüir de son crime avec impunité. Pour regner toûjours seule en dépit de l'envie, Du Prince Ariarate elle opposoit la vie, Et feignant de douter de la mort de ce Fils, De son doute affecté le Trône estoit le prix. Mais enfin il est temps de rompre le silence, L'Ambassadeur de Rome est plus prés qu'on ne pense, Et dés aujourd'huy mesme on doit rendre éclaircy Par un premier advis ce qui l'amene icy. Ouy, Prince, il faut vous faire entiere confidence; Fils d'une indigne Mere … Ces respects, Si l'on nous observoit, pourroient estre suspects, Il est bon qu'aujourd'huy ce zele se surmonte, Attendant le Romain traitez-moy comme Oronte, Luy seul de mon secret a droit de disposer. Rome a donné ce temps à ma juste priere Pour me laisser fléchir la hayne de ma mere, Et voir si je pourrois luy faire concevoir Qu'en vain d'un Fils au Trône elle a craint le pouvoir. Que bien loin qu'à ce rang l'ambition m'appelle, Mesme en donnant des loix, je veux en prendre d'elle, J'ay reüssi, ce semble, elle m'aime, ou du moins Pour l'appuy de son Sceptre elle estime mes soins⁎. J'ay d'ailleurs⁎ la douceur⁎ d'avoir pû sans Couronne Attacher Axiane à ma seule personne, En voir mes vœux⁎ receus sans qu'un feu si discret Pour les faire agréer ait trahy mon secret. J'aime à le taire exprés jusqu'à ce qu'elle apprenne Qu'Ariarate vit, et vient la faire Reyne, Et que j'aye éprouvé si dans ce doux appas Oronte abandonné ne la touchera pas. Ce sera lors… Laissez-moi penetrer ce qu'il ose prétendre, Ses projets n'ont plus lieu d'alarmer vôtre amour. Seigneur, cette amitié… Je ne sçay si ce choix peut dépendre de moy, Mais si l'espoir du Trône est un bien qui vous flate, Soyez seur que jamais vous n'y verrez Phradate. Ah, Seigneur, voyez-vous Ce que le Ciel a mis de distance entre nous ? D'un tel excez d'honneur je me trouve surpris, Comme vous en secret l'ambition me flate, Mais qu'opposerez-vous au Prince Ariarate ? Il est vivant, dit-on, et vient de ses Ayeux… Quoy ? vous refuseriez de rendre la Couronne ? Du sang d'Ariarate on cherit la memoire, Et pour luy contre vous je crains qu'on ne fist gloire… Mais s'il vous opposoit les plus Augustes marques Que mit jamais le Ciel sur le front des Monarques, Pourriez-vous sans remords sur son Trône usurpé… Madame, pardonnez si mon chagrin s'exprime Quand je vous voy douter du zéle⁎ qui m'anime. Mes plus doux vœux sans doute auront esté remplis Si je puis voir régner le Prince vostre Fils. Mais pour vos interests tel est ce zéle extréme Que malgré le respect qu'on doit au Diadême, Si ce Fils sur le Trône oubliant son devoir Abusoit contre vous du souverain pouvoir, S'il ne vous laissoit pas tous les droits que vous donne Le privilege heureux de porter la Couronne, Il me verroit moy-mesme armé pour le chasser De ce Trône où vous seule auriez sceu le placer. Jugez aprés cela si je veux toûjours estre Ce que jusques icy vous m'avez sceu connoistre, Et si j'ay merité que peu seure de moy A de nouveaux serments vous obligiez ma foy⁎. Vouloir jusques à moy qu'Arsinoé s'abaisse ! Non, non, quelques dédains qu'elle fasse éclater Mon sort trop inégal me les fait meriter, Elle se rend justice, et si la faisant Reyne Par l'interest d'un Fils sa grandeur vous fait peine, Il est d'autres moyens de ne point hazarder Le Trône qu'à ce Fils il vous plaist de garder. Ah, pour tant de bontez c'est trop peu qu'une vie Qu'aujourd'huy de nouveau ma foy⁎ vous sacrifie, Et tout mon sang pour vous répandu mille fois Ne pourroit m'acquitter de ce que je vous dois. Aprés m'avoir déja par un effort d'estime Eslevé dans un rang glorieux et sublime, Quoy qu'oppose le Peuple ou pense le Senat, Du Trône à mon destin vouloir joindre l'éclat, Et par tout ce qu'aux Roys il donne d'avantage, Dans vôtre Creature achevez vôtre ouvrage. Madame, s'il se peut, penetrez dans mon cœur Ce qu'un zele⁎ soûmis y renferme d'ardeur. Voyez-y ce qu'il faut enfin que vous explique… Ah, puisque de ce Fils l'interest seul vous presse De ne pas confier le Trône à la Princesse, Il ne faut plus cacher… L'honneur qu'elle me fait passe le sort d'Oronte, Il va jusqu'à l'excez, mais j'en rendray bon compte, Ses desseins par ce choix ne seront point trahis. J'y feray mes efforts, et peut-estre en ma place Quelque autre la rendroit de plus mauvaise grace, Mais enfin comme en tout j'aime à garder ma foy, Qu'on montre Ariarate, Oronte n'est plus Roy. Si le ciel pour regner de quelques droits me flate, Je n'entreprendray point sur ceux d'Ariarate, Le temps éclaircira s'il est vivant ou non. Je sçay combien pour vous son Hymen a de charmes⁎, Il vous promet beaucoup, mais j'en prens peu d'alarmes, Et vous plains si du Trône y croyant voir les droits, Vous n'avez rien pour vous de plus fort que son choix. Aquilius arrive, il faut le recevoir. C'est par luy seul enfin qu'Arsinoé se donne, Obtenez-la, Seigneur. Je ne sçay qui de nous s'en met le plus en peine. N'en soyez point surpris, Par un advis secret j'aye déja tout appris. Un Imposteur qu'anime une coupable audace De ma premiere enfance ayant sceu la disgrace⁎, Et n'oyant plus parler de mon enlevement A pris enfin mon nom, et l'a pris hautement. Comme Fils du feu Roy que de longues miseres Firent vivre incertain du vray rang de ses peres, Pour trouver les moyens d'en terminer le cours, Il est venu de Rome implorer le secours. Rome qui de mon sort eut toûjours connoissance A feint de s'abuser sur sa fausse naissance, Et ne l'envoye icy qu'afin de l'y punir Du mensonge insolent qu'il ose soûtenir. J'en tire au moins ce fruit, que s'il est quelque traistre, Aux perils de ce Fourbe il se fera connoistre, Quoy qu'après les bontez que ma Mere a pour moy Mes secrets Ennemis me causent peu d'effroy. Ouy, la Nature⁎ est forte, Et telle est pour son Fils la chaleur qui l'emporte Que de peur que du Sceptre on n'osast abuser Elle se contraignoit à vouloir m'épouser. Jugez me connoissant ce que j'en dois attendre. Cependant ayez soin d'observer Anaxandre, Et j'iray découvrir quand il s'agit d'un Roy, Quels secrets sentimens Axiane a pour moy Fin du second Acte. Dans les bras d'un Rival voir passer ce qu'on aime Est sans doute un malheur plus grand que la mort mesme, Je le sçay, mais malgré ce desespoir jaloux En vous osant aimer je ne puis voir que vous. Ainsi quand ma princesse acquiert le nom de Reyne Je n'examine point si ma perte est certaine, Ce haut rang où l'éleve un destin éclatant M'ofre tout ce qu'il faut pour me rendre content, Cét objet seul me frape, et dans la chere idée Dont par vôtre heureux sort j'ay l'ame possedée, Un aimable transport me fait imaginer Que c'est moy, c'est ma main qui va vous couronner, Que si vôtre malheur par le Trône s'efface, Malgré mes Envieux c'est moy qui vous y place. Condamnez-vous ma joye, et dans ce doux appas… Ah, si ce pur amour qu'en moy vous fistes naistre N'a pû jusques icy se faire assez connoistre, Par où pourrois-je mieux vous en prouver l'ardeur Que par la pleine joye où nage tout mon cœur ? Vous regnez, et mon sort s'attachant tout au vôtre, Ce triomphe pour moy l'emporte sur tout autre. Pour en joüir sans trouble et dans sa pureté, Tournez ainsi que moy les yeux de ce costé, Ne voyez que la gloire où le Ciel vous appelle, Ne voyez que ce Trône… Que vous entens-je dire ? Moy, j'eusse consenty sous l'espoir de regner A perdre… L'amour, ce pur amour dont tout l'excez éclate Lors qu'Oronte vous cede aux vœux⁎ d'Ariarate. Peut-il vous arracher à l'Hymen d'un grand Roy ? Il fait tout mon bonheur, il fait toute ma joye, Mais quand du Ciel sur vous la faveur se déploye, Seroit-ce vous aimer que mesler mes regrets Aux pompes d'un destin qui remplit vos souhaits ? C'est dequoy je me flate, Avant que d'en douter voyez Ariarate, Et si le connoissant vous avez quelque ennuy, Que Rome vous engage à regner avec luy, Si luy donnant la main ma Princesse est capable De regreter ailleurs quelque chose d'aimable, L'excez de ma douleur alors luy fera voir Jusqu'où peut ce dégoust porter mon desespoir. Alors ce desespoir luy montrera sans cesse Si je crains que son cœur me couste une foiblesse, Et si de son bonheur j'ay pû me réjoüir, Qu'asseuré qu'elle-mesme aimeroit d'en joüir. S'il m'est permis de croire à ce que j'en présume Cette douceur toûjours sera sans amertume, Et pour ne taire plus ce qui doit éclater Sçachez… Madame, j'attendois à vous faire paroistre Quelle joye en mon cœur la vôtre avoit fait naistre, Apprenant que le Ciel propice à vos souhaits… Quoy, vous en plaindre, vous qui n'aimiez que ce Fils, Qui luy gardiez le Sceptre, et qui du nom de Mere… Le sang dans vôtre cœur se laisse donc trahir. Si le Senat depute⁎, est-ce l'avoir pour Maistre Que prendre son adveu pour se faire connoistre ? Sans luy, sans les Romains qui l'ont nourry chez eux, Le destin de ce Fils seroit-il pas douteux ? Pourriez-vous sur sa foy le croire Ariarate ? Je veux bien avec vous blâmer la Politique Dont par trop de secret le mystere vous pique, Ariarate a dû faire un plus prompt éclat, Mais songez ce que c'est qu'irriter le Senat. Vous l'ayant renvoyé pensez-vous qu'il endure Qu'au destin de ce Fils vous osiez faire injure ? Il armera sans doute, et tout autre que vous Craindroit un grand pouvoir dans un juste couroux. J'auray le mesme cœur, mais à quoy qu'il m'anime, Que peut-on esperer contre un Roy legitime, Qui sçaura malgré vous, malgré tous nos projets, Gagner en se montrant le cœur de ses Sujets ? En est-il quand déja son nom seul en ces lieux… Ouy, Madame, il est vray, je pâlis, et je tremble, Et quand le sang d'un Fils est l'unique moyen… Vous suivez les transports où le soupçon vous mene, Mais dequoy ne peut pas le sang venir à bout ? Croyez-vous que ce Fils… Ah, pour rompre un projet à ses jours si funeste, Soufrez qu'il s'abandonne à l'espoir qui luy reste, Et que pour vous fléchir, ce Prince infortuné Vous oppose par moy le sang dont il est né. Croyez en m'écoutant que c'est luy qui vous prie, Qu'en regardant sa Mere il la cherche attendrie, Et qu'enfin à vos pieds il vous dit par ma voix, Accordez moy la vie une seconde fois, Je vous suis odieux, mais quoy qui vous anime, Estre né vostre Fils n'est pas un si grand crime. Daignez luy faire grace en faveur d'un respect Que jamais rien de moy ne vous rendra suspect, Prenez-en pour garand la foy⁎ sincere et pure Qu'à la face du Ciel ma tendresse vous jure, Cette foy que jamais les plus durs changemens… Et bien, prenez ma vie, elle est à vous, Madame. Toûjours la vertu seule a regné sur mon ame, Et s'il me faut mourir, je mourray satisfait D'avoir donné mon sang au refus d'un forfait. Eh, de grace, Par ce zéle pour vous tant de fois employé… Moy ? dites que je veux vous épargner un crime, En voir le noir projet par le sang combatu. Madame… Madame, Aquilius est à vint pas d'icy, Il a sceu l'attentat, et s'il m'en croit complice, J'ay du sang à verser, vous luy ferez justice. Peut-estre est-ce un peu trop que d'en croire Anaxandre. Vous pourrez achever devant l'Ambassadeur. Quoy, malgré tant d'efforts pour calmer sa furie On n'a pû l'empescher de s'immoler sa vie ? Ainsy j'ay causé seul le malheur d'Anaxandre Que par Aquilius j'avois fait arréter Pour rompre seulement ce qu'il eust pû tenter. Mais si d'un Ennemy sa mort m'a sceu défaire, Que n'ay-je point toûjours à craindre de ma mere ? Tous ses voeux n'ont pour but que de me voir perir. C'est trop soufrir l'abysme où sa hayne m'a mis, Si mes soûmissions ne servent qu'à l'accroistre Estonnons cette hayne en me faisant connoistre, Et voyons si ce Fils par son orgueil trahy Connu pour ce qu'il est sera toûjours hay. La voicy, laissez-moy sur cette ame trop dure Faire un dernier effort pour vaincre la nature, Le temps de ce triomphe est peut-estre arrivé. Je brusle de vous croire, et cherche à m'y contraindre ; Mais pardonnez, Madame, à mon coeur interdit Un scrupule forcé que mon respect dédit. C'est en vain que je veux empescher qu'il n'éclate. Vous m'avez demandé le sang d'Ariarate, Et si malgré les Dieux qui s'en montrent l'appuy La mesme ardeur encor vous armoit contre luy, Me découvririez-vous cette funeste envie A moy dont le refus vous a si mal servie, Et qui tâchant à rompre un dessein trop cruel Peut-estre auprés de vous me suis fait criminel ? Ainsy par où juger qu'un repentir syncere Faisant vaincre le sang luy rend enfin sa mere ? Quel garand aura-t'il d'un si grand changement ? Je sçay ce que je dois à vos rares bontez, Mais quand il vous a plû de me laisser prétendre Aux pompes d'un Hymen qui vous faisoit descendre, Craignant tout des Romains, dans ce pressant besoin Vous cherchiez un appuy dont les Dieux ont pris soin, De cét abaissement ils vous ont dégagée. Si je n'étois aimé ? Helas ! Il est vray, je soûpire, et plust au Ciel, Madame, Vous pouvoir déguiser ce qui trouble mon ame, Les maux que je prévoy ne seroient pas le prix Du funeste secret que vous m'avez appris. Le mien va vous réduire où m'a reduit le vostre, J'ay soûpiré de l'un, vous tremblerez de l'autre, Et plus de vostre amour vous aurez cru l'erreur, Plus la hayne pour moy vous donnera d'horreur. Mes voeux n'ont reüssy que trop pour mon repos. Quel dur revers, Madame, et qui l'auroit pû croire ? Pour estre aimé de vous j'ay cherché de la gloire, Et je me vois reduit à la necessité De me plaindre d'un bien que j'ay tant souhaité. Haïssez un ingrat, perdez un temeraire, J'ay trop teu ce qu'enfin il ne faut plus vous taire, Mais quand d'amour pour moy vôtre coeur est surpris, Comment vous advouër que je suis vôtre Fils ? Si pour vous la nature muete N'ose de mon destin se faire l'interprete, N'épargnez point mon sang, ce sang trop odieux Qui peut-estre en coulant vous l'expliquera mieux. C'est là qu'avec plaisir vous trouverez sans doute Les tristes veritez que vôtre ame redoute ; Pour combler les malheurs de ce funeste jour Satisfaites la hayne au defaut de l'amour, Il me sera plus doux... En vain ce vif transport s'empare de vôtre ame, Quoy qui puisse arriver vous regnerez, Madame. Si mes voeux n'avoient eu qu'un Trône pour objet, Je n'aurois pas deux ans paru comme Sujet, Je n'aurois pas deux ans par un respect sincere Tâché de meriter les bontez de ma Mere, Les armes à la main sans craindre son couroux J'aurois osé paroistre... Et bien, prenez ce fer s'il vous faut du secours, Puisque ma mort pour vous peut estre un doux spectacle, Hastez-vous d'en joüir, je n'y mets point d'obstacle, Frapez, percez ce coeur dont les derniers soûpirs Furent toûjours l'objet de vos plus chers desirs, Effacez dans mon sang ce tendre caractere... Où la trouverez-vous pour un Fils qui vous aime, Qu'en daignant partager la puissance suprême ? Soyez par vos conseils l'appuy de ses Estats, Et regnant avec luy... Les prieres d'un Fils auront quelque pouvoir, Et si le temps fait tout, il m'est permis de croire… Non, croyez cet amour, il ne vous trompe pas, Je suis Ariarate, et si de ma naissance Je vous ay dérobé toûjours la connoissance, J'ay voulu par mes soins⁎ meriter d'estre aimé Sans que le Trône eust part au feu qui m'a charmé, D'ailleurs⁎, je m'asseurois de l'esprit de la Reyne. Le Peuple a sceu déja vanger ma fausse mort, Et ce hardy tumulte où sa crainte l'engage De sa fidelité me donne un nouveau gage, Mais il faut le calmer, et c'est ce que je puis. Seigneur, il n'est plus temps de cacher qui je suis. La Reyne et la Princesse ont appris ma naissance. J'y cours, mais... O Ciel ! O Fils trop malheureux ! ô déplorable mort ! **** *creator_corneillet *book_corneillet_laodice *style_verse *genre_tragedy *dist1_corneillet_verse_tragedy_laodice *dist2_corneillet_verse_tragedy *id_aquilius *date_1668 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_aquilius Madame, je vous plains, et de votre infortune La fatale rigueur semble si peu commune, Qu'il est bien malaisé qu'avecque moins d'éclat Vostre fermeté cede au coup qui vous abat ; Il est rude sans doute, et quand sa violence Laisse vostre ame entiere ouverte à la vangeance, Si c'est vous soulager que de vous dire icy Que j'en veux avec vous partager le soucy, Ne vous inquietez que du choix des suplices. Pour sçavoir le Coupable il suffit des Complices, Mes soins à le trouver ne sçauroient estre vains, Et vous pouvez déja le croire entre vos mains. L'outrage est grand pour Rome, et vous le connoissez ; Mais de quelque rigueur qu'il arme sa colere, Madame, elle est encore plus juste que severe, Et s'il m'en faut par tout soûtenir l'interest, Quand j'ose condamner, je répons de l'arrest ; Mais aussy je ne puis qu'aux perils de ma teste Voir sans précaution qu'un grand trouble s'appreste, Et je serois suspect moy-mesme d'attentat Si j'avois negligé d'en prévenir l'éclat. J'ay de pressants soupçons qui ne peuvent paroistre Qu'on n'ait mis en lieu seur ceux qui les ont fait naistre, Dans leur juste défence ils seront écoutez, Mais je ne parle point s'ils ne sont arrestez, C'est au nom du Senat que je vous le demande. D'Anaxandre. Si c'est vous faire injure, Le sang des criminels sçaura la réparer. Rome en est incapable, et quand vous l'offencez… Suivez, Lucilian, et prenez garde à tout. Madame, à cét éclat le Senat m'autorise, Et vous ne pouviez mieux vous acquiter vers luy Que par ce que son ordre en vous trouve d'appuy, Il l'apprendra sans doute avec beaucoup de joye, Mais il est temps qu'icy la vostre se déploye, Et que la mort d'un lâche indigne de vos pleurs Cesse d'estre comptée au nombre des malheurs. Que toûjours équitable Le Ciel à l'attentat n'a livré qu'un Coupable, Qui dérobant le nom du Prince vostre Fils A la fourbe déja croyoit le Trône acquis. Rome vous l'envoyoit pour en punir l'audace. Il est vivant, Madame, et le bruit de sa perte Fut une illusion heureusement offerte, Dont Rome interessée à vous garder ce Fils, Pour ne l'exposer pas, se crut l'abus permis. Elle en prit toûjours soin, et preste à vous le rendre Tel que d'elle aujourd'huy vous le pouvez attendre, Elle a voulu d'abord prévenir⁎ en ces lieux Ce qu'elle soupçonnoit de quelques Factieux. Vous en voyez l'effet, et leur rage peut-estre Sur un Fourbe avortée aura peine à renaistre, Quand le Prince averty qu'on en veut à ses jours Dans sa précaution trouvera du secours. Un juste empressement a peine à se contraindre, Vous le verrez bientost paroistre avec éclat, Cependant apprenez l'équité du Senat. S'il fait régner ce Fils que le Ciel vous redonne Il ne peut consentir à vous voir sans Couronne, Et que ce changement vous reduise aujourd'huy A ne donner des loix que sous l'aveu d'autruy. Vivez sans dépendance, et toûjours Souveraine, Les Lycaoniens vous recevront pour Reyne, Comme ils sont sa conqueste, il en peut disposer. Tout se perdroit, Seigneur, par un plus long silence. J'ay rencontré la Reyne, et je viens devant tous De luy redire encor ce qu'elle a sceu de vous, Mais ce n'est point assez ; il faut par vostre veuë Appaiser promptement la populace esmeuë⁎, Qui grossissant toûjours dans la Cour du Palais D'elle contre son Fils craint de nouveaux forfaits. Ce peuple à haute voix la nomme Parricide⁎, Et peut-estre il suivroit la fureur qui le guide Si pour la retenir et calmer son effroy Nous differions encor à luy montrer son Roy, Hastons-nous, le temps presse, et tout paroist à craindre. Quoy, des Mutins l'aveugle et prompte audace... Le Ciel est équitable, et le fait bien connoistre, Mais le peuple, Seigneur, soûpire aprés son Maistre, Forcez vostre douleur, et pour prix de sa foy Allons luy faire voir et sa Reyne et son Roy. Fin du cinquiéme et dernier Acte. **** *creator_corneillet *book_corneillet_laodice *style_verse *genre_tragedy *dist1_corneillet_verse_tragedy_laodice *dist2_corneillet_verse_tragedy *id_phradate *date_1668 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_phradate Voudrez-vous l'advouër ? La Princesse Axiane Cherche à rompre par vous un choix qu'elle condamne, L'Hymen d'Arsinoé la doit inquieter. Que je la trouve heureuse, et que je suis à plaindre ! Quoy que d'Arsinoé tous les vœux⁎ soient pour moy, J'ay des Rivaux, Oronte, et j'en tremble d'effroy, Car vous ne doutez point que leur jalouse envie M'ostant Arsinoé ne me couste la vie. Vous pouvez seul contre eux soûtenir mon espoir, Vous avez sur la Reyne un absolu pouvoir, Et cent fois, quant le trouble est entré dans mon ame Vous m'avez répondu du succez de ma flame, Enfin, mon cher Oronte, il est temps de parler. A l'honneur de ce choix beaucoup osent prétendre, Mais mon amour sur tout me fait craindre Anaxandre, Cét orgueilleux Rival ne manque point d'appuy, Et de ses partisans… Je l'abandonne entier à l'ardeur de ses vœux, Le cœur d'Arsinoé, c'est tout ce que je veux, Et pourveu que sa main … Ouy, j'atteste les Dieux que sans ambition Elle seule a causé toute ma passion, Que sans Trône à mes yeux également aimable … Ariarate ! Non, mais je conçois mal le dessein de la Reyne, Pourquoi feindre aujourd'huy le choix d'un autre Roy ? Aucun n'ignore icy que dés son plus bas âge Du vivant du feu Roy Rome l'eut en ostage, Mais à peine du jour le Roy fut-il privé Que Rome se plaignit qu'il luy fut enlevé, Et si nous en croyons ce qu'elle fit paroistre, Ce crime eut des autheurs que l'on ne put conoistre. Ah, souffrez que pour moy tout le secret éclate, Ce que vous m'apprenez me montre Ariarate, Puisque sous un faux nom il nous abuse tous, A vos rares vertus je le dois croire en vous, Sur ma fidelité prenez toute asseurance. Ah, Seigneur ! Mais Quoy ? depuis deux ans Seigneur, vous déguiser ? Seigneur, j'apperçois Anaxandre. Seigneur, d'où naist ce bruit qui tout à coup éclate, Aquilius, dit-on, amene Ariarate, Il se montre, on le voit. Vous la croyez vaincuë ? L'aveugle emportement que semble avoir fait naistre Dans un grand peuple émeu⁎ la perte de son Maistre, Son desespoir éclate, et dans ses cris confus… C'est ce triomphe seul qui luy couste la vie. Par vôtre ordre, Madame, on a fait son pouvoir Pour se mettre en estat de l'aller recevoir. Le Peuple sous ses Chefs en superbe équipage Brûloit de s'acquiter de ce premier hommage, Et sortant de la ville avec l'empressement Qu'inspire à des Sujets un si grand changement, A peine avions-nous fait mille pas dans la Plaine Que nous voyons de loin briller l'Aigle Romaine Qui vers nous à pas lents paroissant advancer Donne à nos Escadrons le temps de se placer. On s'arreste, et tandis qu'on veut se rendre maistre De l'ardeur qu'à la voir nos Soldats font paroistre, Ariarate arrive, et se livre en nos mains Suivy d'Aquilius et d'un gros de Romains. D'une foy toute pure il a d'abord pour gages Nos plus profonds respects, nos plus soûmis hommages, Il soufre⁎ avec plaisir qu'on le puisse approcher, Et nos devoirs rendus on commence à marcher. C'est lors qu'entre deux Chefs un interest de gloire Fait naistre un different qu'on aura peine à croire, Tous deux proches du Prince et le voulant garder Disputent un honneur qu'aucun ne veut ceder, Et dans l'aveugle ardeur de cette préference, Tandis qu'avec Oronte Aquilius s'avance, Tel est l'emportement qui soûtient leurs desseins Qu'aprés quelque menace ils en viennent aux mains. D'un party contre l'autre on voit la troupe émeuë⁎, Malgré nous on se mesle, on se bat, on se tuë, Quand d'un funeste coup jusqu'au Prince échapé Dans ce fatal desordre il est d'abord frapé, Il tombe, et sans avoir la force de rien dire, A peine a t'il poussé deux soûpirs qu'il expire. Cette mort de frayeur saisit les Combatans, On arreste les Chefs et les plus importans, Et voulant qu'à vos yeux l'attentat s'éclaircisse Aquilius icy vient demander justice. Ce soupçon peut avoir des raisons que j'ignore, Mais comme enfin par là mon honneur est noircy Je me rends prisonnier tant qu'il soit éclaircy. L'innocence à l'épreuve aisément s'abandonne. Seigneur, on a tâché d'éviter ce malheur, Mais le Peuple animé de rage et de douleur Dans son emportement ne cherchant qu'où se prendre, Quoy qu'ait fait Theodot s'est saisy d'Anaxandre, Et sans vouloir soufrir qu'on le menast au Fort, Du Prince Ariarate il faut vanger la mort, A-t'il dit, et soudain, comme seur de son crime Sans rien examiner il l'a pris pour victime. Anaxandre mourant fait oüir à hauts cris Que la Reyne elle seule a fait perir son Fils, Et de ce Peuple esmeu⁎ l'impatiente rage Eust pû jusques sur elle achever son ouvrage, Si d'un faux attentat le bruit par tout semé En le tirant d'erreur ne l'eust pas desarmé. A voir par ses transports quel doux espoir le flate Sçachant qu'il n'a pleuré qu'un feint Ariarate, Il semble qu'il connoit déja pour son repos Que le Ciel va pour Roy luy donner un Heros, Qu'il n'est bonheur sous vous qu'il n'ait sujet d'attendre. Le Ciel jusques au bout sçaura vous secourir, Il s'est trop declaré contre son injustice. Cependant de sa hayne admirez l'artifice. Tout ce que pour un Fils sauvé des Factieux On peut montrer de joye, éclate dans ses yeux. Avec Aquilius elle régle, elle ordonne Qui doit d'Ariarate escorter la personne, Quelle sera sa Garde, et par où prévenir⁎ Les suites d'un forfait qu'elle cherche à punir. Aucun trouble échapé ne la montre gênée De tout ce qu'a produit cette grande journée, Ses voeux sont exaucez, le Ciel luy rend son Fils. Ah, Seigneur, la Reyne ne vit plus. Non, Seigneur, apprenez quelle est cette disgrace⁎. Ayant sceu que le Peuple au Palais amassé Pour voir son nouveau Maistre avoit déja pressé, Sur l'appuy d'un Balcon obstinée à paroistre La Reyne aux Factieux se fait d'abord connoistre, Et sa veuë aussi-tost animant leur fureur, Tous pour elle à la fois ont marqué de l'horreur. Joignant insolemment l'injure à la menace Du plus sanglant reproche ils armoient leur audace Quand d'un ton qui de loin pouvoit estre entendu, Va, dit-elle, sans toy je sçay ce qui m'est deu, Peuple lâche, et de qui les timides maximes T'ont fait jusques icy dissimuler mes crimes, Sans moy qui contre moy te veux prester mon bras Tu tremblerois toûjours, et ne punirois pas. Là tirant un poignard dont elle estoit saisie Avant qu'on l'ait pû voir elle a tombé sans vie, Un seul coup malgré nous a terminé son sort. **** *creator_corneillet *book_corneillet_laodice *style_verse *genre_tragedy *dist1_corneillet_verse_tragedy_laodice *dist2_corneillet_verse_tragedy *id_anaxandre *date_1668 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_anaxandre Phradate prend grand soin de vous faire sa Cour, Et je ne doute point qu'il n'ait quelque avantage Sur quiconque voudra briguer vôtre suffrage. La secrete amitié qu'on remarque entre vous… Je n'en suis point jaloux, Parlez-moy seulement avec pleine franchise. Vous sçavez mon espoir, la place est-elle prise ? Proposez-vous Phradate, en faites-vous un Roy ? Si vous me dites vray, je puis tout esperer. Chacun en ma faveur aime à se declarer, Et quoy qu'à mes Rivaux nous voyions entreprendre, Si vous n'estes pour eux, ils n'ont rien à prétendre, Mais comme c'est par vous que je veux estre Roy, Le Trône, si j'y monte, est plus à vous qu'à moy, Prenez-en ma parole, et pour plus d'asseurance J'y joins déja les noeuds d'une estroite alliance, De l'Hymen de ma sœur... Si d'un sang plus obscur le Ciel vous a fait naistre, Ce n'est pas un defaut pour qui sçait vous connoistre, L'éclat de cét Hymen n'est que le moindre prix… Montons au Trône, Oronte, et laissons faire aux Dieux. Nous en sçaurons les droits si l'hymen me la donne, Et lors comme de tout le temps sçait decider, Nous verrons s'il faudra la rendre, ou la garder. Eust-il icy l'appuy d'un million de bras, Avec le Sceptre en main je ne le craindrois pas. Du foudre sans remords je m'y verrois frapé. Fust-il tout prest à cheoir, il est beau de l'attendre ; Mais c'est perdre du temps et l'on peut nous entendre, Allez trouver la Reyne, et recevez ma foy Que le Trône est à vous si son choix est pour moy. Fin du premier acte. Quoy, c'est par vostre hymen que nous aurons un Roy, Madame, et sur un bruit qu'exprés on a fait naistre, Il nous faut recevoir un Inconnu pour maistre ? Oronte ! Et le Senat voudra-t'il vous en croire, Luy qui pour vos Sujets dont il soûtient les vœux, Demande un digne Maistre, et non pas un heureux ? Soufrira-t'il qu'un Trône où depuis tant d'années La naissance est l'appuy des testes couronnées, Où la splendeur du sang… Dans l'espoir dont je voy que la Reyne vous flate Vous pouviez estre seur du destin de Phradate, Et m'oster tout sujet de rien craindre de luy Quand j'ay crû pour régner qu'il auroit vostre appuy. Ainsy vous garderez la Couronne à son Fils ? Vous pensez déja l'estre, et devorant dans l'ame Les restes prétieux du régne d'une femme, Vous consentez sans peine au genereux effort De rétablir ce Fils dont vous sçavez la mort. C'est ainsy qu'un Heros doit se faire un grand nom, Aussy bien de quelque œil que le Senat vous voye Vostre Hymen préviendra⁎ les ordres qu'il envoye, Et je le croy trop juste, après de si beaux nœuds, Pour ne pas consentir à vous laisser heureux, Sans trouble de sa part votre gloire est certaine. Mais enfin vous serez le mary de la Reyne Tandis qu'à l'un de nous daignant donner sa foy Sa Fille Arsinoé sçaura choisir un Roy. Quoy, déjà Souverain jusqu'à disposer d'elle ? Dy viste. Vous croyez-vous encor Arsinoé soumise, Seigneur, et le Senat sera-t'il sans pouvoir ? Quoy ? ce Prince est vivant ? Et c'est aussy par luy Qu'on voit un temeraire estre enfin sans appuy. Allez remplir ce Trône où vous attend la Reyne. Avant que vous connoistre un amy lâche et feint De quelque ambition j'avois le cœur atteint, Du Prince avec chagrin j'eusse receu l'obstacle, Mais vostre orgueil puny m'est un si doux spectacle, Il m'asseure un plaisir si charmant à gouster Que qui peut en joüir n'a rien à regreter. Flatez-vous des douceurs que promet la Couronne, Vostre sort sera beau, quoy que le Ciel ordonne, Et du moins un moment, Phradate que je voy Peut adorer en vous le Fantosme d'un Roy. Ouy, Madame, Dans les bras des Romains il vient de rendre l'ame, Sa gloire⁎ a fait sa perte, et jamais on n'a veu Revers plus surprenant ny coup plus impréveu. Madame il est fâcheux de voir qu'on nous soupçonne, Mais si l'espoir du Trône a pû nous engager A resoudre une mort que vous devez vanger, Que croira-t'on d'Oronte à qui dans ce jour mesme Vôtre hymen resolu donnoit le Diadême ? Je ne l'accuse point, mais on est estonné Que venant pour le Prince il l'ait abandonné ; Qu'avec Aquilius s'avançant vers la ville Il ait rendu pour luy son secours inutile, Et semble tout exprés s'estre mis hors d'estat D'apporter quelque obstacle à ce lâche attentat. On se plaint, et beaucoup le traitent de coupable. Je sçay que sa vertu luy doit servir d'appuy, Qu'un vray Heros est ferme, et jamais ne s'oublie, Mais Aquilius sçait ce que l'on en publie, Et dans l'horreur du crime où va la trahison Peut-il se dispenser d'en demander raison ? Madame, Aquilius parle au nom du Senat, Et quand d'Ariarate il doit luy rendre compte, S'il demandoit qu'à Rome on envoyast Oronte, Pour l'oser affranchir d'un ordre si pressant, Pensez-vous qu'il suffist de le croire innocent ? J'ay dit ce qu'on publie, et n'ay point prétendu Appuyer un soupçon qui ne vous est pas deu ; Mais il a beau s'armer contre vostre innocence, Nos Mutins arrestez prendront vostre défence, Et n'ayant point de part à la coupable ardeur… Il n'est rien que sous vous l'innocence apprehende, Madame, et si d'Oronte on s'obstine à douter… De moy ! Madame… Quoy, jusqu'à l'injustice Rome n'a qu'à vouloir, il faut qu'on obeïsse ? Que sans esgard au rang… Il faut ceder, Madame, Mais pour m'en consoler vous connoissez mon ame, Et ne soufrirez⁎ pas que l'on me pousse à bout. **** *creator_corneillet *book_corneillet_laodice *style_verse *genre_tragedy *dist1_corneillet_verse_tragedy_laodice *dist2_corneillet_verse_tragedy *id_axiane *date_1668 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_axiane Quoy, le Senat députe⁎, et sans daigner attendre Qu'icy l'Ambassadeur ait le temps de se rendre, La Reyne sur ce choix ne consultant que soy, Veut à la Cappadoce enfin donner un Roy ?  Mais Rome se plaindra de ce choix fait sans elle :  Si le feu Roy mourut armé pour sa querelle, Du moins dans sa mort mesme il en receut le prix Lors que Rome aggrandit l'Empire de ses Fils, Et qu'à la Cappadoce on vit par elle unie La Cilicie entiere, et la Lycaonie. Le Ciel dont contre moy les rigueurs éclaterent M'osta la Cilicie où mes Ayeux regnerent, Et par l'ordre de Rome envoyée en ces lieux J'y pouvois esperer un destin glorieux, Du moins Rome, en donnant mes Estats à la Reyne, Sembla me reserver⁎ au rang de Souveraine, Et pour les voir au siens plus seurement unis Me destina pour Femme à l'Aisné de ses Fils ; Mais ils ne vivent plus, et quoy que l'on se flate Que le Ciel a sauvé le jeune Ariarate, Arsinoé sa Sœur a droit seule aujourd'huy De posseder le rang que j'attendois de luy. Sçais-tu d'où vient le bruit qui le force à renaistre ? La Reyne que le Trône a toûjours sceu charmer⁎ Fait à regret le Roy qu'elle est preste à nommer, Et des jours de son Fils la frivole asseurance Tenoit toûjours l'hymen de sa Fille en balance, Qui de son Frere encore attendroit le retour, Si le Peuple ennuyé ne pressoit⁎ ce grand jour, Il croit ce Prince mort, et veut avoir un maistre. Il a de quoy toucher, Mais peut-estre à ce prix il me cousteroit cher. Il peut seul m'affranchir d'une fortune ingrate, Mais pour nous ébloüir quoy qu'un Trône ait d'apas, Peut-on estre content quand le cœur ne l'est pas ? Il peut sur moy ce qu'il peut sur une autre, Et ce qu'on met d'obstacle aux traits qu'il fait sentir Sert à croistre souvent ce qu'on pense amortir. Son merite est bien rare. Ils sont grands, mais crois-tu qu'on puisse trop pour luy ? Il se peut qu'en son cœur cét espoir n'ose naistre, Mais, Alcine, pourquoy ne pourroit-il pas l'estre ? L'amour, de la raison est-il toûjours l'effet, Et n'aime-t-on jamais sans sçavoir ce qu'on fait ? Et n'ay-je pas un cœur et des yeux comme une autre, Et quand d' un vray merite on fait briller l'appas, Est-il en mon pouvoir de ne l'estimer pas ? Songe-t'on que l'amour se déguise, Et dans la liberté de voir et d'estimer, Lors qu'on aime en effet, s'apperçoit-on d'aimer ? D'un doux je ne sçay quoi la plus flateuse amorce⁎ N'est d'abord qu'un tribut où⁎ la vertu nous force. L'éclat dont elle brille aux yeux de cent témoins D'un cœur qui la connoist ne peut attendre moins. L'ame a beau s'en trouver inquiete, interdite, La raison y consent, c'est l'effet du merite, Et l'on ne veut pas voir que malgré son secours Ce merite plaist tant qu'on y pense toûjours. C'est par là qu'éblouy d'une vertu parfaite Mon cœur en succombant s'est caché sa defaite, Et qu'à mes sens surpris osant trop deferer Il a pris de l'amour, et n'a crû qu'admirer. Tout ce que des Heros l'Histoire nous raconte, Tout ce qu'ils ont de grand je l'ay veu dans Oronte. L'Estat qui chanceloit sans l'appuy de son bras Doit son entier triomphe à ses derniers combats, Au Trône par luy seul la Reyne est affermie, Et s'il eut en naissant la fortune ennemie, Quoy qu'on vueille par là ravaler ses exploits, C'est estre plus que Roy que maintenir les Rois. Je tâche à luy cacher Ce qu'en vain de mon cœur je voudrois arracher, Je m'observe sans cesse en tout ce qu'il m'inspire, Mais l'amour dit beaucoup lors qu'il croit ne rien dire, Et quelque soin qu'on prenne à bien dissimuler, Si la bouche se taist, les yeux sçavent parler. Aussi je l'advouëray ; cét heureux temeraire Semble se tenir seur de ne me point déplaire. Je le voy quelquefois d'un regard tout mourant Solliciter l'adveu des devoirs qu'il me rend. Son amour que fait taire un respect tyrannique Emprunte le secours d'un soupir qui l'explique, Et j'ay connu souvent qu'il s'estoit répondu Que s'il m'avoit parlé je l'avois entendu. Juge, Alcine … 0ronte en mon destin prend toûjours interest, Et ne peut sans douleur voir ma gloire obsurcie Par le sort qui m'a fait perdre la Cilicie. Comme elle est le partage où regnoient mes Ayeux J'aurois voulu sans doute y regner aprés eux, Mais puisqu'enfin le Ciel autrement en dispose M'ostant la Cappadoce, il m'oste peu de chose, Et du moins ne devant ny mon cœur ny ma foy, Si je vis sans éclat, je puis vivre pour moy. La liberté me flate, Et ce cœur trop altier appelle un attentat Tout ce qui le soûmet à des raisons d'Estat. Et que me diriez-vous ? Ce soupçon va trop loin pour ma gloire⁎ Mais enfin quel sujet auriez-vous de le croire ? D'aucuns vœux⁎, d'aucuns soins⁎ m'a-t'on veu faire cas ? Vous ? Et Quel interest auriez-vous lieu d'y prendre ? Expliquez-vous, je vous ay tout permis. Je luy ferois peut-estre un peu moins d'injustice, Et croirois que ma gloire⁎ auroit à s'indigner Si mon cœur luy coustoit la douceur⁎ de regner. Mais ma crainte par là trouve peu de matiere, Et pour vous en donner la marque toute entiere, Si quelque vray merite avoit à me charmer, Ce seroit par vos yeux que je voudrois aimer, Ce que vous choisiriez auroit droit de me plaire. Ayant choisy par vous j'en craindrois peu la suite, Et qui pour la vertu s'est toûjours expliqué… Ces defauts au Destin doivent estre imputez, Un Heros n'est garand que d'un merite extréme, Que d'un… Adieu. Espargnez ce qu'icy je me dois de fierté. C'est vous avoir trop dit que d'avoir écouté. A quoy bon me presser d'en dire davantage ? Les devoirs d'un beau sang vous sont assez connus, Vous sçavez qui je suis, jugez vous là dessus. Je ne sçay ce qu'il est, Mais je sents qu'il se trouble à vouloir vous entendre, Et que quoy que l'amour vous forçast d'entreprendre Vous pourriez esperer le succez le plus doux, Si l'orgueil de mon rang n'estoit pas contre vous. Je veux bien l'avouër, que malgré vôtre flame Je m'étois attenduë à cette grandeur d'ame, Et n'avois point douté qu'un si dur changement Ne laissast triompher le Heros de l'Amant; Mais je l'avouë aussi, ce que le Ciel m'envoye N'obligeoit pas Oronte à montrer tant de joye, Et perdant ce qu'il aime, un cœur bien amoureux Eust pû se dispenser d'estre si genereux. Ouy, cruel, puis qu'enfin tu ne m'y places pas, Je ne t'en ay déja que trop dit pour ma gloire, Acheve de joüir de toute ta victoire, Et vois une Princesse aux dépens de sa foy Murmurer d'un bonheur qui ne vient pas de toy. Lors qu'à te couronner la Reyne a paru preste, Qu'il falloit me resoudre à te voir sa conqueste, J'ay voulu, j'ay tâché de vaincre mes desirs, Mais ce n'a pas esté sans pousser des soûpirs. Contre tes interests mon cœur pressoit ma flame, Je souhaitois ta gloire, et j'en tremblois dans l'ame. Qui te rend dans mon sort le cœur moins abatu ? Est-ce defaut d'amour ? est-ce excez de vertu ? L'un et l'autre de toy m'est un pareil outrage, Et si d'un pur amour tu m'a offert l'hommage Devrois-tu me reduire à soûpirer tout bas De voir qu'en me perdant tu ne soûpires pas ? Et le puis-je, infidelle, (Car qui du Trône seul veut qu'un cœur soit charmé⁎, Ou trahit ce qu'il aime, ou n'a jamais aimé ?) Ah, que je m'abusois quand j'ay crû que la Reyne Par l'ofre de sa main te causoit quelque peine ! Tu regnois, et l'éclat d'un sort si glorieux Pour les tourner vers moy ne te laissoit plus d'yeux. Tu te livrois entier aux charmes d'un Empire Dont ton amour vaincu… Et quel motif te l'eust fait dédaigner ? Non, ce n'est point par là que je me plains de toy. Je te l'ay déja dit, il est beau que ton ame Immole à ma grandeur tout l'espoir de ta flame, Mais seroit-ce une honte indigne d'un grand cœur D'en laisser échaper du moins quelque douleur ? Ne sçaurois-tu souffrir⁎, ingrat, qu'une Princesse Pour prix de son amour te couste une foiblesse, Ou crois-tu qu'à rougir il falust t'apprester Si quand tu perds mon cœur tu l'osois regretter ? Ah, contre ton amour, contre son arrogance Que n'ay-je fait agir l'orgueil de ma naissance, Et pourquoy me laissois-je arracher un adveu Qui m'a fait tant de peine, et te touche si peu ! Qui remplit mes souhaits ? Va, tu seras content, et puisque c'est te plaire, Sans regret, sans murmure, il faut te satisfaire, Je m'abandonne au Trône, et ne vois plus en toy Que ce qui te pouvoit rendre indigne de moy. Croy déja que regnant avec Ariarate Il n'est plus rien ailleurs qui m'attire ou me flate, Et que sa main m'asseure un bonheur si parfait Que j'aurois fait ce choix si Rome ne l'eust fait. Aussy bien quand j'aurois à soûpirer sans cesse, Il suffit qu'une fois j'ay fait une bassesse, Je t'empescherois bien d'esperer la douceur⁎ De t'applaudir jamais des peines de mon cœur, Tu me verrois égale, et tranquile et constante Montrer dans mes ennuis l'ame la plus contente, En dementir l'atteinte, et ne rien témoigner Qui parust m'affoiblir la douceur de regner. La Reyne vient, et c'est trop t'écouter. Si ce miracle est grand, il étoit dû sans doute Aux soins que jusqu'icy ce doux espoir vous couste, Madame, et je dois trop à vos rares bontez Pour ne partager pas tout ce que vous sentez. Dans le retour d'un Fils que le Ciel vous renvoye Par vos seuls interests j'aurois eu pleine joye, Et pour remplir mon cœur des transports les plus doux Vous me soufrez en luy d'esperer un Espoux. Tant de gloire est un bien dont le Ciel m'autorise A me montrer charmée aussi bien que surprise, Heureuse si pour dot ma main rendoit soûmis Le reste de la terre à cét illustre Fils. Madame, j'obeïs, et mon obeïssance Parlera mieux que moy de tout ce que je pense, Je vous la jure entiere, et vous l'éprouverez. Ah, Madame, apprenez une étrange disgrace⁎, On ne la sçait encor que sur un bruit confus, Mais si l'on m'a dit vray, le Prince ne vit plus. Ce bruit change en soûpirs la commune allegresse. Chacun de ce malheur également surpris Fait par tout jusqu'à nous retentir de longs cris, On gémit, on se plaint, et le peuple en furie Demande au Ciel raison de cette barbarie, Il jure de vanger un sang si pretieux. Ariarate est mort, on ne dit rien de plus, On parle seulement de desordre, d'insulte Qu'a causé pour les rangs un impréveu tumulte, Mais sans que rien s'explique, et si l'on peut douter… Madame, vos bontez ne me surprennent pas, Mais je me croirois l'ame aussi lâche qu'ingrate Si j'oubliois si-tost la mort d'Ariarate. Vangez-la, punissez un perfide assassin, Et le Senat aprés reglera mon Destin. De tant de perfidie Oronte est incapable. Sa vertu, son grand cœur, tout parle assez pour luy. Le voicy qui paroist, soufrez⁎ que je vous quitte. Un sensible interest à punir vous invite, Madame, et je craindrois dans un sort si cruel D'avoir de mauvais yeux à voir le criminel. Que faut-il que je croye ? Après les plus beaux voeux à mon rang immolez Se pourroit-il qu'Oronte... Ah de grace, parlez, Quoy que de vôtre sort la Reyne ait pû m'apprendre, Je crains que mon amour n'ait voulu trop entendre, Que d'une erreur flateuse il n'ait trop crû l'appas… D'un Peuple émeu⁎ contre elle on doit craindre la haine, Il s'assemble, il menace, et crie à haute voix Que d'une Parricide⁎ il abhorre les loix, Que lors que sa fureur contre son sang éclate, Ne l'en oser punir c'est perdre Ariarate. La fuite est dangereuse, et dans un pareil sort... Allez, Seigneur, ce feu ne peut trop tost s'éteindre, On y feroit sans vous des efforts superflus. **** *creator_corneillet *book_corneillet_laodice *style_verse *genre_tragedy *dist1_corneillet_verse_tragedy_laodice *dist2_corneillet_verse_tragedy *id_cleone *date_1668 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_cleone Madame, on est surpris que dés aujourd'huy mesme Vous vueilliez partager la puissance supréme, Et pour Arsinoé faire choix d'un Espoux Avant que Rome ait pu conferer avec vous. Aquilius ne vient que pour cét Hymenée. Ce Roy nommé par vous doit n'aimer qu'à vous plaire, Mais pour gagner la Fille, il oubliera la Mere, Et quand Arsinoé l'aura pris pour Espoux, Je doute qui pourra le plus d'elle ou de vous, Il n'est rien qu'à l'amour le temps ne sacrifie. Pour qui donc cét Espoux qui doit monter au Trône ? Vous promettez ce choix. Pour vous, Madame ! Et Rome y voudra consentir ? Quoy qu'attende Phradate, ou qu'Anaxandre espere, Je ne demande plus quel choix vous allez faire. Tant d'honneurs sur Oronte à pleines mains versez Sans vous l'oüir nommer me l'apprennent assez, Son zéle⁎ exact et pur, sa valeur, sa prudence… Vous, de l'amour, Madame ? Madame. Madame. L'ordre est donné. Quel nouveau trouble encor agite vostre esprit ? Madame ; si j'osois parler sans vous déplaire… Un si prompt revers change bien ce grand jour. Mais il semble d'ailleurs⁎ que quelque autre disgrace⁎ Se joigne à la rigueur du sort qui vous menace ; Dans le moment qu'Oronte est sorty d'avec vous J'ay crû vous voir contraindre un violent couroux. Avant qu'il vous quittast vous m'avez fait entendre Qu'il faloit que sur l'heure on trouvast Anaxandre, Comme si pouvant seul adoucir vostre ennuy… Pour vôtre seureté je voy ce qu'il faut faire, Ce Fils dés son jeune âge instruit de vos desseins Suivra pour s'en sauver le conseil des Romains, Et dans ce qu'ils auront de juste défiance Vos jours seuls immolez feront son asseurance, C'est ce que vous avez sans doute à prévenir⁎. Anaxandre promet, mais pourra-t'il tenir ? En jurant cette mort voyez ce qu'il hazarde ; Le Prince autour de luy doit avoir quelque Garde, C'est un foible secours que vous ne craignez pas, Mais verra-t'on le coup sans connoistre le bras ? Un complice arresté que devient Anaxandre ? Quoy, pour ce malheureux une hayne si prompte, Madame? Et vôtre amour a pû si tost ceder ? **** *creator_corneillet *book_corneillet_laodice *style_verse *genre_tragedy *dist1_corneillet_verse_tragedy_laodice *dist2_corneillet_verse_tragedy *id_alcine *date_1668 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_alcine Vous en estonnez-vous quand Rome s'interesse A l'Espoux qu'elle doit choisir pour la Princesse ? Déja depuis long-temps le peuple à haute voix Afin d'avoir un Roy presse⁎ pour ce grand choix, Et comme Aquilius que ce projet amene Arrivant tout à coup peut surprendre la Reyne, Pour prévenir son ordre, elle veut aujourd'huy Nous donner seule un maistre et s'en faire un appuy. Jalouse de l'éclat dont la Couronne brille Elle a peine sans doute à la rendre à sa Fille, Mais au moins cét Espoux que son choix seul resout, Ne tiendra rien de Rome, et va luy devoir tout. Que ne sont-ils vivants ces Fils infortunez Par qui tous ces Estats vous estoient destinez ! L'Hymen qui vous eust jointe à l'aisné de ces Princes Vous auroit fait regner sur toutes ces Provinces, Et vos Ciliciens par ce nœud glorieux Eussent veu leur Princesse au rang de ses Ayeux. Aux vœux⁎ d'Arsinoé quoy que ce rang promette, Ariarate encor la peut laisser Sujette. Le plus riant espoir nous trompe assez souvent, Que sçait-on si ce Frere enfin n'est point vivant ? Si l'on en croit la Reyne, il est prest à paroistre. Ah, s'il estoit vivant, et qu'il se fist connoistre, Le Trône seur pour vous… Quoy ? vous refuseriez l'hymen d'Ariarate ? O Dieux ! se pourroit-il que pour toucher le vostre, L'Amour… Cet adveu me surprend, mais à qui puis-je croire Que l'amour ait voulu destiner tant de gloire⁎ ? Nos Princes qui pourroient aspirer jusqu'à vous De leur ambition font leurs voeux les plus doux, La main d'Arsinoé donne le Diadême, Et dans l'avidité de la grandeur suprême, Chacun pour son Hymen qui les fera regner Brigue la voix d'Oronte, et tâche à le gagner. Ce fameux Inconnu peut beaucoup sur la Reyne. Il obtient tout sans peine, Et ce faiste d'honneurs où l'on voit aujourd'huy… Je sçay bien qu'à l'Estat il est si necessaire Qu'afin de l'arrester on ne peut assez faire. Depuis plus de deux ans que la faveur des Dieux Nous l'ayant envoyé le retient en ces lieux, De nos fiers⁎ Ennemis l'insolence estoufée A ses moindres exploits a servy de trophée, Et ce que leur audace ou medite ou produit Par ses sages conseils est aussy-tost détruit ; Mais ces rares effets de valeur, de prudence, Luy donnent de la gloire⁎, et non de la naissance, Et le rang inégal où le Ciel l'a formé Ne l'empesche pas moins d'esperer d'estre aimé. Je croirois que son rang trop different du vostre… L'estime est innocente, et fut toûjours permise, Mais l' amour… Je le veux croire ainsy. Mais Oronte, Madame, Est-il assez heureux pour lire dans vostre ame ? En sçait-il le secret ? Voyez que l'amour vous l'amene. **** *creator_corneillet *book_corneillet_laodice *style_verse *genre_tragedy *dist1_corneillet_verse_tragedy_laodice *dist2_corneillet_verse_tragedy *id_theodot *date_1668 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_theodot Ah, Seigneur, sçavez-vous une grande nouvelle ? Aquilius est tout prest d'arriver. A trois milles d'icy chacun le va trouver, Et le Peuple montrant sa joye et sa surprise… Ce n'est pas pour luy seul que tant de joye éclate, Il vient accompagné du Prince Ariarate, Il l'amene avec luy. On ne prend plus ce bruit pour un bruit decevant, On l'approche, on luy parle, et luy-mesme il ordonne…