**** *creator_coupignybarrepiisdesfontaines *book_coupignybarrepiisdesfontaines_hommageracine *style_verse *genre_vaudeville *dist1_coupignybarrepiisdesfontaines_verse_vaudeville_hommageracine *dist2_coupignybarrepiisdesfontaines_verse_vaudeville *id_PETITJEAN *date_1798 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_petitjean Ma foi, plus j'y réfléchis, plus je me trouve heureux, moi Petit-Jean, d'être devenu concierge des Champs-Élysées. Voilà ce que c'est qu'une bonne protection ! Racine, qui fit mon destin, Avant de descendre aux lieux sombres, M'avait mis portier chez Dandin, Il m'a mis portier chez les Ombres. Puisqu'il m'a placé sur ce bord, J'ai, ma foi, bien fait de le suivre ; Car sans ce poste, après ma mort, Je n'aurais pas eu de quoi vivre. Avec tout cela je me plaisais assez chez ce juge Dandin, qui m'avait fait venir d'Amiens pour être suisse. Dame ! Aussi.... Tout Picard que j'étais, j'étais un bon apôtre, Et je faisais claquer mon fouet tout comme un autre. Tous ces Normands voulaient se divertir de nous. On apprend à hurler, dit l'autre, avec les loups. Oh ! J'étais considéré. On me faisait bien des politesses ; et c'était bien de l'honneur pour moi. Mais sans argent l'honneur n'est qu'une maladie ; Ma foi, j'étais un franc portier de comédie. On avait beau heurter et m'ôter son chapeau, On n'entrait pas chez nous sans graisser le marteau. Ça leur était facile à nos plaideurs ; ils étaient cossus. Ici ce n'est pas de même ; je n'ai que la porte des poètes. Mauvaises pratiques ! Malgré tout, je ne me plains pas ; il y a par-ci par-là quelques revenant-bons : cela me soutient. Et puis je ne m'ennuie pas ici ; j'ai de bons amis : Antoine, le jardinier de Monsieur Boileau ; Mademoiselle Laforest, servante de Monsieur Molière : ils font ma petite société ; ils viennent déjeuner tous les matins avec moi. À propos, ils devraient être ici. Eh ! Parbleu, les voilà ! Quant à moi, sans frais, J'offre le frais, Le frais qu'on prend à ma porte (bis). Mademoiselle Laforest, je ne vous demande pas comment vous vous portez, parce qu'ici on se porte toujours bien. Il a raison. Asseyons-nous. Ni moi. Ici l'existence est fort belle ; Mais, je l'avoue franchement, Je n'aime une vie éternelle Que pour boire éternellement. On dit qu'on les a contrefaits à Paris. Je crois que cela fait de beaux divertissements, en comparaison des nôtres ! Ne médisons pas, mes amis, De nos Champs-Elysées ; Tout le monde est en paradis Dans nos Champs-Elysées. C'est bien différent à Paris ; Les femmes trop rusées Font damner leurs pauvres maris Dans leurs Champs-Elysées. Apparemment. Des postillons, des courriers, des messagers ; tantôt plus, tantôt moins, selon le vent qui souffle. Tantôt, par la barque à Caron, Ils nous arrivent pêle-mêle ; Du haut du ciel sur mon perron, Tantôt ils pleuvent comme grêle. L'autre jour encore, D'un courrier qui n'est pas frappant, Quoiqu'il frappe d'une main sûre, Il me tombe un gros paquet..... pan. C'était l'année entière. Non, ça ne se relie pas. Et Racine. Ah dame ! Il n'aime pas les mauvais livres, celui-là. Pas meilleur que Racine. Racine m'a si bien traité Qu'il a fait ma fortune. Ah ça ! Mais vous apercevez-vous d'une chose, vous autres ? C'est que nous disons du bien de nos maîtres. J'en suis fâché pour le monde ; mais cette mode-là ne prendra pas. Sans oublier notre santé Chaque jour rajeunie. Qu'est-ce que c'est que ça ? Il paraît que vous n'êtes pas arrivé ici comme tout le monde. C'est adroit. Mais qu'y a-t-il pour votre service ? Ça ne se peut pas. Non. Avez-vous un passeport ? Et parbleu, de votre médecin ! Et je vous ai déjà dit, moi, que vous ne pouviez pas entrer. En payant ! Excepté à ma porte. Si Petit-Jean, Comme ailleurs exigeant, Ici voulait à prix d'argent Se montrer indulgent, Que de gens de toute sorte Achèteraient à la porte Monsieur Petit-Jean ! Que de laids, Que de sots enrichis, Notés, tarés, honnis, Chez nous seraient admis ! Les honnêtes défunts, surpris, S'y croiraient à Paris. Lesquels ? Certainement, il y en a... les arts et les sciences y sont divisés en départements, les départements en bureaux, qui sont conduits par ceux qui s'y entendent. D'aprés cela, Phidias est pour la sculpture, Pour la peinture le Titien. Vitruve pour l'architecture, Pour la médecine Galien ; De la sublime tragédie Corneille a le gouvernement, Et de la haute comédie Molière a le département. Ça doit bien amuser les hommes. À la romaine ? C'est drôle ça ! C'est possible, mais enfin. Pourquoi d'une mode nouvelle Vouloir emprunter le secours ? Une Française est toujours belle, Les grâces la parent toujours ; Vêtements grecs ou d'Italie Peuvent dessiner ses appas ; Mais pour la rendre plus jolie, Ça n'se peut pas (bis.) Racine ! Que ne vous adressez-vous à lui-même. Est-ce que ça le tient toujours ? Oh ! C'est qu'hier il est arrivé un tas de livres nouveaux, des romans, des satyres, des tragédies, des drames.... Le ballot était gros, gros.... et c'était lourd.... ah mon dieu, comme c'était lourd ! Quand Boileau a vu tout ce fouillis, qu'il a essayé d'en lire quelques pages ; ah ! mon ami, si vous aviez vu comme il était en colère !... Il jetait ce livre-ci, il déchirait celui-là.... Il frappait du pied, il grinçait les dents.... Du noir sans intérêt, s'écriait il ; de la farce sans gaieté, du fiel sans esprit ! S'il y avait du style, s'il y avait des vers.... si du moins cela était français ! Vous n'avez donc plus de critiques chez vous ? Oui ! Mais je dis, de ces gens qui ont du goût, qui régentent les autres, comme faisait Boileau dans son temps. Paix ! Voici Boileau ; il a encore l'air fàché. Oh non, monsieur : cela vous met trop en colère. Ces brochures Obscures, Et ces petits pamphlets A sifflets ; Ces gazettes Fluettes ; Ces énormes romans Endormants, Loin du temple de Mémoire Dans le fleuve d'Oubli, Biribi, Iront boire (bis). Pour cette fois, ce n'est pas un paquet ; c'est monsieur qui désire vous parler. Sûrement qu'ils le devaient. Vous êtes venu à bout de votre projet : j'en suis bien aise. Moi j'exigerais un gage Avant de les lui prêter ! Il a, d'après son langage, Trop besoin de les garder. **** *creator_coupignybarrepiisdesfontaines *book_coupignybarrepiisdesfontaines_hommageracine *style_verse *genre_vaudeville *dist1_coupignybarrepiisdesfontaines_verse_vaudeville_hommageracine *dist2_coupignybarrepiisdesfontaines_verse_vaudeville *id_ANTOINE *date_1798 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_antoine Mon ami, je vous apporte Des fruits de plus d'une sorte. C'est bien ! C'est bien ! Pas tant de politesses. Dans l'autre monde On tient à ces propos gênants : Prenez ma façon franche et ronde ; J'ai laissé tous les compliments Dans l'autre monde. Si j'ai laissé mes compliments de l'autre côté, je n'y ai pas laissé mon appétit. Lorsque l'on a tant à vivre, À vivre nonchalamment, Il faut bien que l'on se livre Au plaisir d'être gourmand. C'est joli, nos Champs-Élysées ! Il y a longtemps. Oh bien oui, dormir ! Ils ont bien autre chose à faire. Et les petits-déjeuners, les petits-goûtés. Pour le moins. À peu de mets on Est réduit Dans nos Champs-Élysées Toujours du nectar et du fruit Dans nos Champs-Elysées : OEufs frais, café, thé-vert, thé-bout, Sorbets, liqueurs glacées : Ces Parisiens prennent de tout Dans leurs Champs-Élysées. Tu vois tout cela dans tes journaux, toi. Mais comment cela vous vient-il ? Et relié, peut-être ? Et Boileau, donc : toutes les fois qu'il jette les yeux sur ces paperasses-là, il me demande s'il n'est pas arrivé ici quelque épicier. Non, et dans son temps il ne leur faisait pas de grâce. Pour les méchants auteurs ; mais du reste le meilleur homme du monde. Boileau fit pour son jardinier Une épître touchante. De quoi donc ? Tant pis. Et voilà pourquoi nous aimons tant nos maîtres. Trinquons, buvons à leur santé, Le coeur nous y convie. Puisque j'ai, de l'autre côté, Fait ma dernière maladie Et mes adieux la faculté, Je bois à coup sûr à ma santé. Monsieur Arlequin-Mercure, soyez le bienvenu. Il est drôle, ce vivant-là. Eh bien ! Tenez, voilà sa servante. Et surtout les maris. Morgué, je suis fâché d'être mort ; j'en verrais quelques unes à Auteuil. Et moi, je vais vous envoyer Boileau ; il est aussi l'ami de Racine ; et puis, il sera bien aise de vous voir : vous avez le petit coup de patte ; vous lui ferez peut-être passer sa mauvaise humeur. Toujours. Il s'entend en jardinage, ce petit moricaud-là. C'est là que le V, En petit enfant de choeur, Sur un ton simple et facile, Suit les élans de son coeur ; Et qu'avec sa voix rustique Qu'accompagne un flageolet, Aux dieux de l'art dramatique **** *creator_coupignybarrepiisdesfontaines *book_coupignybarrepiisdesfontaines_hommageracine *style_verse *genre_vaudeville *dist1_coupignybarrepiisdesfontaines_verse_vaudeville_hommageracine *dist2_coupignybarrepiisdesfontaines_verse_vaudeville *id_MOLIERE *date_1798 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_moliere Non ; mais pourquoi serais-je toujours sombre ? Thalie est encore la moins maltraitée des Muses, et je lui sais par-ci par-là quelques bonnes fortunes. Elle a noué passablement Certaine Intrigue épistolaire ; Assez fidèle à l'Inconstant, De Philinte elle devint fière ; Puis écoutant, pour s'amuser, Plus d'un amant sans caractère, Elle a fini par épouser Un vieux célibataire. Mais quelle est donc cette figure grotesque ? Elle a l'air d'un enfant de la Balle. Du V !... Mon ami, Redites votre affaire. Encore faut-il bien que je sache ce que vous voulez de moi. Ce que vous demandez là... Son observation est assez juste ; et je crois, mon ami, que nous pouvons l'écouter. Au fait. Plaisir à Racine ! Vous êtes trop heureux, mon ami, si vous en avez trouvé l'occasion. Quel génie ! Interprète du sentiment, À sa muse élégante et pure Racine prêta constamment Le langage de la nature. Aux grâces d'un style enchanteur Joignant un goût sûr et sévère, Il fut inspiré par son coeur ; Au coeur il saura toujours plaire. Parlez, mon ami, parlez ; vous m'intéressez. Je vous comprends, mon ami ; et je suis bien touché de votre respect pour cet auteur inimitable. Dispersés ! Je ne demande pas quels sont les motifs qui les séparent ; mais au nom de Racine. Dans cette circonstance auguste, Faite pour les intéresser, Ils devaient autour de son buste Se réunir et s'embrasser. Boileau, je t'en prie, ménage-le ; son zèle me plaît. Mon ami, vous allez me suivre. Je vous présenterai à Piron, Favart, Santeuil, Dufresny, Scarron, Rousseau et autres, qui, tour-à-tour, iront seconder vos efforts. Ce soir vous emmènerez... Avec sa taille enfantine Il n'est pas en son pouvoir D'élever jusqu'à Racine Un riche et noble encensoir ; Mais pour lui rendre un hommage Avoué par les neuf soeurs, Au devant de son image Qu'il jette, en riant, des fleurs. Elle s'y entend, Laforest. **** *creator_coupignybarrepiisdesfontaines *book_coupignybarrepiisdesfontaines_hommageracine *style_verse *genre_vaudeville *dist1_coupignybarrepiisdesfontaines_verse_vaudeville_hommageracine *dist2_coupignybarrepiisdesfontaines_verse_vaudeville *id_BOILEAU *date_1798 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_boileau J'avais proscrit les Chapelains, Les Linières, les Bonne-Corse, Et les Pradons et les Cotins, Tous écrivains de même force ; Et cent modernes avortons Au goût ne font pas moins d'outrages ; Ce ne sont plus les mêmes noms, Mais ce sont les mêmes ouvrages. Eh bien ! Qu'est-ce encore ? Un paquet comme celui d'hier ? Tant mieux ! Je n'en veux plus voir. Rassurez-vous. Pour châtier l'ambition Des auteurs à prétention Je garde la satyre : Vos traits promettent la gaieté, Même un peu de malignité ; Je juge sans sévérité Les gens qui me font rire. Une grâce ! Nous verrons cela. Au surplus, le voici. Eh bien ! Mon ami, je te vois un peu déridé ; aurais-tu trouvé dans ce fatras d'hier quelque chose de moins mauvais ? Quand on pourrait vous les accorder, quel parti voudriez-vous tirer de leurs personnes ? Les faire mourir d'ennui une seconde fois ? Non, non, cela est impossible. On ne sort pas d'ici. Quel écrivain ! Vous n'en voyez pas chez vous comme celui-là, et vous n'en verrez plus guère. Entre sa femme et ses enfants Il passa doucement sa vie ; Insensible aux traits des méchants, Jamais il ne connut l'envie. Plus encore que ses talents Une chose dans lui m'étonne ; Il faisait des vers excellents, Et ne les lisait à personne. Le V !.... Et qu'a de commun le petit V avec le grand Racine ! Que voulez vous dire, enfin ? Rien n'est moins clair que ce que vous dites. Et comment les dépositaires des chef-d'oeuvres de ce grand homme restent- ils dans l'inaction ? Je vous entends, mon petit bon-homme. Vous prétendez, apparemment, Que tous les artistes sont frères. Très-petit cousin.... de bien loin. Fort bien ; mais ces hommes célèbres, où les logerez-vous ? Dans votre rue de Chartres ? Monsieur, quand il s'agit des grands hommes qui ont illustré l'art dramatique, ils ne peuvent être honorés que dans le temple de Thalie ou de Melpomène. Des auteurs qu'il vous faut prendre Hâtez-vous de profiter ; Chaque soir songez à rendre Ceux qu'on pourra vous prêter. **** *creator_coupignybarrepiisdesfontaines *book_coupignybarrepiisdesfontaines_hommageracine *style_verse *genre_vaudeville *dist1_coupignybarrepiisdesfontaines_verse_vaudeville_hommageracine *dist2_coupignybarrepiisdesfontaines_verse_vaudeville *id_LAFOREST *date_1798 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_laforest Voici du nectar frais. Monsieur Petit-Jean, je ne vous demande pas comment vous avez dormi, parce qu'ici le sommeil est toujours bon. Et déjeunons. Ni moi. Un peu uniformes. Oui ; mais s'il faut en croire les nouvelles, on s'y divertit plus que jamais. Ma foi ! écoutez donc. Quoiqu'on soit tous des bienheureux Dans nos Champs-Élysées, Les Parisiens sont plus joyeux Dans leurs Champs-Élysées ; Par un trop long repos, hélas ! Nos ombres sont blasées : Ces vivants-là ne dorment pas Dans leurs Champs-Élysées. Qui valent bien les nôtres. Vous en recevez beaucoup ? C'est ce que dit Molière. Comme il était méchant ! Pas meilleur que Molière. Mon maître était d'une bonté Aujourd'hui peu commune. Molière encor plus familier Consultait sa servante (bis). J'y pensais. Portiers, frotteurs, cochers, coiffeurs, laquais, Femmes de chambre, et jusques aux jockets, Contre leur maître exercent leurs caquets ; De tout temps ce fut la méthode : Mais par hasard nous nous trouvons céans Trois serviteurs de leurs maîtres contents, Et qui plus est, tous trois reconnaissants ; En ferons-nous venir la mode ? Il est pourtant si naturel d'aimer les gens qui nous font du bien. Ah ! Ah !... Voici du nouveau. Il est gai. Oh ! Il y a de l'ordre aux Champs-Elysées. Mieux mises que leurs maîtresses ! Eh mais, vous me rappelez le nom d'une personne qui est arrivée ces jours derniers et que Molière a embrassée avec bien du plaisir. D'après ce que Molière en dit, elle aurait dû donner l'exemple aux autres. C'est singulier ! Ah ça ! Dites-donc ; j'en reviens aux femmes, moi. J'ai vu quelquefois des statues de femmes romaines ; il me semble qu'elles étaient un peu... Ah ! Mon dieu, mon dieu ! De mon temps il n'en était pas ainsi. Autrefois, découvrir son bras Eût été chose ridicule ; Aujourd'hui bien d'autres appas Aux yeux sont offerts sans scrupule. Ah ! croyez-moi, sexe imprudent, Craignez un costume trop leste ; Dans vos attraits tout est piquant : Qu'on en voie un peu ; mais pourtant Laissez deviner le reste. Et dites-moi, je vous prie.... Pour quelle affaire ? En ce cas je vais vous chercher Molière. Voyons s'il réussira. Prenez pour votre devise Malice et gaîté sans fiel, Raison, décence et franchise, Surtout soyez naturel.