**** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_moliere *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_moliere JE ne sais que penser de mon ami Chapelle. Veut-il me rendre fou ? Dans l'excès de son zèle⁎, L'autre jour, il m'emporte un de mes manuscrits, Et me laisse un des siens. Messieurs les beaux esprits Prétendent, me dit-il, que, dans mes Comédies, Je blesse le bon ton, et qu'elles sont remplies De mots ignobles, bas, et de détails bourgeois. Il veut me corriger et m'apprendre les lois Du beau monde qu'il hante ; et, si je le dois croire, J'aurai moins de profit et beaucoup plus de gloire. C'est fort bien fait à vous, Monsieur l'Epicurien ! Votre projet sans doute⁎ est d'un homme de bien ; Mais de me réformer il n'est plus temps, je pense, Et vous perdrez ici toute votre science. On ne redresse point un arbre déja vieux, Et je ferais plus mal, pour vouloir faire mieux. Chapelle cependant n'arrive point, j'enrage. Si du moins il m'avait renvoyé mon Ouvrage ! J'en ai besoin. Holà !... Je suis d'une fureur ! CHAPELLE n'a-t-il rien envoyé ? Qu'on me laisse ! IL me faut, en attendant qu'il vienne Me rapporter ma pièce, examiner la sienne. Il m'en a tant prié ! Lisons. Chapelle aussi S'avise d'être Auteur. Asseyons-nous ici, Et tâchons d'étouffer ma trop juste colère. De l'esprit, de l'esprit, comme à son ordinaire ! Encore de l'esprit, des traits⁎ vifs et brillants, Des détails fins, légers et des portraits saillants, Un jargon de ruelle, un ton de persiflage, Qui sans doute⁎ des sots obtiendra le suffrage ; Mais pas le sens commun, pas l'ombre de raison, Et de grands sentiments toujours hors de saison. Croit-il, mon pauvre ami, que, pour la Comédie, L'esprit soit suffisant ? Du bon sens, du génie, Voilà, voilà sur-tout les dons qu'il faut avoir. Tel qu'il est, en un mot, l'homme cherche à se voir, Et non tel qu'on l'a peint dans cette œuvre infidelle. Qui manque la copie est siflé du modèle. Je ne répondrais point que cet Ouvrage-là Ne réussît pourtant, qu'il ne plût, et voilà Comme de beaux esprits, Membres d'Académies, Quand je ne serai plus, feront des Comédies ! Ils uniront ensemble, et l'esprit et le cœur, La nature et l'amour, la peine et le bonheur : Leurs vers tout hérissés d'antithèses pointues, Rediront ce qu'ont dit, en phrases rebattues, Vizé, Balzac, Voiture et Monsieur Trissotin, Grands Auteurs dont on sait le malheureux destin. Mais achevons... Je crois qu'en chantant il s'annonce. Oh ! qu'il mériteroit une vive semonce ! EH bien ! m'apportez-vous mon manuscrit enfin ? Divin ! Vous plaisantez : je n'ai point fait d'Ouvrage Dont je sois satisfait, et c'est ce dont j'enrage. Vous ne croyez donc pas que j'aie à corriger Rien dans ma Comédie  ? Pas un mot ? Eh bien, je suis sincère : A la vôtre non plus je ne vois rien à faire ; Mais pour d'autres raisons. Je m'en garderai bien. A vous mettre en courroux⁎ Vous ne tarderiez pas ; et Dieu merci, ma femme Se fâche assez souvent. Tout-à-fait. « Franchement il est bon à mettre au cabinet ». Je me cite moi-même, en parlant de la sorte. Pardonnez ; mais, ma foi ! la vérité m'emporte, Et puis, vous le savez, je ne suis point flatteur. Votre style n'a rien de ce feu créateur, Qui distingua toujours les sublimes Poëtes : Il est semé d'éclairs, de clinquant, de bluetes ; Il éblouit souvent et n'échauffe jamais. D'accord ; et puisqu'enfin vous ne me croyez pas, Voulez-vous essayer, pour sortir d'embarras, Un moyen des plus sûrs ? A ma bonne servante Je lis tous mes écrits. Elle n'est point savante, Elle n'a point d'esprit ; mais un jugement sain. Mon ami, la nature est son guide fidèle, Et, pour plaire toujours, il faut n'écouter qu'elle. Je vais, si vous voulez, lui lire un Acte ou deux De votre Comédie. Disons-lui que la Pièce est de moi. Laforêt ! Laforêt ! Tenez-vous là. Je vais lire une Pièce. Sans doute⁎. Elle est nouvelle même, et je voudrais savoir Ce que vous en pensez. « L'Insouciant, Comédie en cinq Actes ». D'accord. A son maintien, Je vois déjà qu'au titre elle ne comprend rien. « A C T E P R E M I E R. S C E N E P R E M I E R E. ROSETTE. Ton Maître est-il ici ? LAFLEUR.             Non, il vient de sortir. ROSETTE. Tant pis⁎ ! LAFLEUR.         Pourquoi cela ? ROSETTE.                 Je venais l'avertir. Que Madame l'attend à souper. LAFLEUR.                 Oh ! je pense Qu'il ne s'y rendra pas : il n'est pas d'homme en France Qui soit plus invité. Chez nous, chaque matin, Trottent les billets doux. C'est un tapage, un train... Mais dans notre antichambre on a beau se morfondre, A personne jamais nous ne daignons répondre ; Et lorsque nous sortons, s'il faut ne rien céler, Nous ne savons encore où nous devons aller. Le hazard nous conduit selon sa fantaisie : Nous visitons Eglé, Célimene, Julie. Et notre seule étude est celle du plaisir. Vrais papillons, en vain on nous voudrait saisir ; Nous choisissons par fois la fleur la mieux éclose, Et nous volons toujours de l'œillet à la rose. ROSETTE. Ton maître est singulier, à ce qu'il me paroît, Et je crois mal aisé de faire son portrait. LAFLEUR. J'espère cependant esquisser son image : Il est insouciant, on ne peut davantage, C'est-à-dire, insensible à la peine, au bonheur, Cherchant la vérité, courant après l'erreur, Et n'écoutant jamais l'amour ni la nature... » Laforêt ! Vous voyez l'effet de la lecture : Elle dort tout debout. Ah ! ah ! ah ! Laforêt ! Quoi ! vous dormez debout, lorsque je lis ma pièce ! Eh bien, vous l'entendez ? Dites mieux, mon enfant, qui soit plus détestable : Mon dialogue est faux, et mes vers précieux, Entrelacés de mots prétendus gracieux, N'offrent rien à l'esprit que des billevesées, Que des phrases déjà sur le théâtre usées. De quel style sur-tout s'exprime mon valet ! Il parle comme un maître ; enfin tout m'en déplaît, Et déjà partageant votre fatigue extrême, Quand vous avez dormi, j'allais dormir moi-même. Le sommeil reviendrait : allez vous reposer, Seul avec mon ami je veux ici causer. EH bien, vous l'avez vu. C'est la simple nature Qui vient de vous juger. Après cette lecture Prétendez-vous encore à mon suffrage ? Vous pourriez, comme un autre, avec du tems, des peines, Arranger une intrigue et filer quelques scènes ; Mais il faudrait d'abord choisir mieux vos sujets. C'est de-là seulement que dépend le succès. L'insouciant ! quel titre ! un pareil caractère Peut fournir tout au plus une esquisse légère. Il n'est qu'épisodique, et pour le bien traiter, C'est au fond du tableau qu'il faut le présenter. Voulez-vous réussir ? Peignez dans vos ouvrages L'homme de tous les lieux, celui de tous les âges Dessinez largement : que de tous vos portraits A Paris, comme à Londres, on admire les traits⁎. Aux Peintres des boudoirs laissez la mignature, Et soyez, s'il se peut, grand comme la nature. Ce qu'il reste ? Du beau les sources immortelles Ne s'épuisent jamais, et l'esprit créateur Moissonne où glanerait un médiocre auteur. Ai-je peint l'envieux à l'œil cave, au teint blême, Qui se meurt des poisons qu'il distille lui-même ? Et ces nobles altiers, qui tyrans sous nos Rois, De l'humanité sainte ont usurpé les droits, Qui traînent dans les cours des noms qu'ils déshonorent, Et, pour mieux s'illustrer, l'un l'autre se dévorent ? Ai-je peint ces traitans qu'on voit avec éclat, Enfler leurs coffres-forts des trésors de l'Etat, Et qui meurent du luxe et martyrs et victimes ? De l'avide joueur ai-je tracé les crimes ? Ceux de l'ambitieux ? Ceux du vil séducteur, De l'adroit courtisan, de l'ingrat, du flatteur, De mille autres encor, qui brillent, disparaissent, Et, tous les cinquante ans expirent et renaissent, Pareils à ces essaims d'insectes qu'au printemps La chaleur renaissante éveille dans les champs ? Il faut que je vous laisse. Le voilà ; je vous suis. D'après un tel message, Si vous ne m'eussiez point rapporté mon ouvrage, Vous le voyez ; parbleu⁎ j'étais joli garçon. NON, ma femme, jamais je n'y consentirai Ma fille m'est soumise, et je la marierai Selon qu'il me plaira. La Cour ! voilà les femmes ! Elles veulent toujours être de grandes Dames Et toujours s'élever : ivres d'un vain éclat Elles ne savent point rester dans leur état, Je n'ai fait qu'indiquer dans une Comédie Ce travers singulier ; mais si je m'étudie A le représenter comme il s'offre à mes yeux, C'est vous que je peindrai ; je ne puis choisir mieux. Oui, ma femme, vous même. Nous verrons. Ma femme, vous parlez comme feu Ciceron ; Mais quel sera le fruit de votre ambition ? Vous perdrez votre fille : elle est simple, ingénue : Si jamais les grandeurs lui donnent dans la vue, Elle deviendra vaine, altière comme vous ; Elle mettra sa gloire à nous mépriser tous Et se fera bientôt mépriser elle-même. Et quel est ce Marquis ? Dans le siècle où nous sommes, Il est de faux dévots et de faux Gentilshommes : Je les ai démasqués ces imposteurs cruels, Qui méditent le crime à l'ombre des Autels. Du bon Monsieur Tartuffe on se souvient encore, Et si vous me fâchez, craignez tout pour Milflore. Jusques à ce moment de Messieurs les Marquis Je n'ai peint que les airs. Il court de certains bruits Que Milflore est de ceux dont la coupable adresse Usurpe les honneurs qu'on doit à la noblesse. Qu'il tremble : avec le temps chacun aura son tour, Et je puis peindre aussi les Tartuffes de Cour. Vous voulez donc qu'il soit de qualité ? J'y consens ; mais sachez une autre vérité Beaucoup plus importante, et vous perdrez l'envie De voir bientôt ma fille avec Milflore unie. Pour rendre fortuné le lien conjugal, Il faut, tant que l'on peut, épouser son égal. George Dandin le prouve avec clarté : je pense Y montrer les dangers d'une mésalliance. Cette pièce vous donne une bonne leçon. Profitez-en. Soit ; mais je ne veux point d'un Marquis pour ma fille ; Un Marquis n'entrera jamais dans ma famille. Je sais que Baron l'aime, et qu'elle aime Baron, Et je le lui destine. Et pourquoi, s'il vous plaît, la forcer au silence ? Une mère doit-elle user de violence ? Elle raisonne juste ; il est permis, je crois, Lorsque l'on n'a point tort de défendre ses droits. Ce trait⁎ est si naïf⁎, que j'en veux faire usage, Et je le placerai bientôt dans quelqu'ouvrage, Poursuis, ma chère enfant. Laissez-la s'expliquer, Votre fille vous aime et ne veut point manquer A ce qu'elle vous doit. Madame, la Duparc (2) remplira votre place : Elle sait votre rôle. (2) Actrice du temps de Molière. Qu'entends-je ? Ma foi ! c'est me réduire à vous crier, merci⁎. Un Médecin !.. ma femme ! ô Ciel ! quelle incartade N'est-ce donc pas assez pour moi d'être malade ? Prenez pitié de moi. QU'EST-CE, mon cher Baron ? vous paraissez rêveur. Et quel est le malheur Qui fait naître chez vous cette mélancolie ? Daignez me l'expliquer ; votre ami vous en prie. Oui, c'est un Comédien Pauvre à la vérité ; mais honnête homme. Mon camarade ! ô ciel ! Qu'il vienne, qu'il paraisse ! Doute-t-il que je l'aime ? Si je le veux ! sur l'heure. Je vous entends, Baron, et je serai discret. Cacher le bienfaiteur, c'est doubler le bienfait. Eh bien ! de ses besoins causons même en silence. Qu'est-ce qu'il lui faudrait. Très-chers. Quels sont ses rôles ? Il faut les lui porter. De ma part : les voilà. Puis, il faut ajouter Ces vingt-cinq de la vôtre. De l'obliger⁎ aussi te voilà donc jalouse ? Oh ! que j'aime à te voir ces généreux desirs ! Je conçois à quel point elle vous intéresse⁎ : Vous pourrez en parler ; mais dans un autre instant. Songez que, près d'ici, Mondorge vous attend, Et qu'il faut, avant tout, soulager l'infortune. Attendez ; j'ai dessein De joindre un habit neuf à la modique somme Que va de notre part toucher cet honnête homme. Si j'en crois mes soupçons, il n'est pas trop vêtu, Et le froid n'a jamais respecté la vertu. L'habit qu'on m'apporta, la semaine dernière, Est d'une bonne étoffe et doublé de manière A résister long-temps aux rigeurs des saisons, Sans faire à Laforêt connaître mes raisons, Dites-lui qu'à l'instant je veux qu'elle le donne A notre pauvre ami, que c'est moi qui l'ordonne. QUE de délicatesse et de discrétion Il vient de nous montrer ! et combien l'un et l'autre Vous m'avez enchanté ! Loin de lui faire un crime De son ardeur pour vous, je l'aime, je l'estime Plus que jamais, ma fille, et je veux qu'aujourd'hui Un fortuné lien vous unisse avec lui. Et que m'importe à moi que sur tout elle glose ? Le Marquis, dont sans cesse elle vante le nom, Montre-t-il, après tout, les vertus de Baron ? Aurait-il d'un ami prévenu la misère ? Mondorge est malheureux. Baron le traite en frère, Et sans l'humilier, il vole à son secours. Que de tels procédés sont rares de nos jours ! Le pauvre est dédaigné. Ce n'est que la richesse, Le rang ou le crédit qu'on loue avec bassesse, Et l'on me blâmerait de peindre ces travers ? Vous n'êtes pas au bout. Tremblez, hommes pervers ! Demande singulière ! Sans doute⁎ ; qu'on allume et qu'on se tienne prêt. Je vous suis à l'instant. Ma fragile santé Chaque jour, j'en conviens, s'affaiblit davantage ; Mais de l'humanité les maux sont le partage : Il faut les supporter ; il faut savoir souffrir, Et l'on vit seulement pour apprendre à mourir. Je me sens beaucoup mieux que ce matin. J'espère Que ma toux est passée. Non, vous dis-je, calmez ces alarmes mortelles ; Rassurez-vous, ma fille, et venez avec moi ; On nous attend tous deux. Je le doi. Relève-toi, ma fille ; à ton amitié tendre Je ne puis résister, mais daigne au moins m'entendre ; Et terminons enfin ces douloureux débats. Je le voudrais en vain. Ecoute-moi, te dis-je, Et ne m'interromps pas d'un seul mot, je l'exige. Né de parents obscurs, dès mes plus jeunes ans, J'eus l'amour de la gloire ; et de mes seuls talents, Je voulus emprunter toute ma renommée : Un Conquérant l'obtient en guidant une armée, Et chef de Comédiens, par de joyeux écrits Je me rendis célèbre, avant d'être à Paris, J'aurais vu cependant mes tristes destinées A deux ou trois succès obscurément bornées, Si l'on ne m'eût aidé, si l'amour de mon art N'eût de même enflammé la Duparc, la Bejart, La Grange, la de Brie et plus d'un autre encore Dont l'amitié m'est chère autant qu'elle m'honore. Ces Acteurs renommés, l'un de l'autre rivaux, Ont acquis quelque bien ; mais ceux que mes travaux⁎ Soutiennent chaque jour et chaque jour font vivre, Ceux qui manquent de tout, faut-il que je les livre Au besoin qui souvent naît d'un pénible emploi ? Tous ces infortunés sont pères comme moi ; Leur sort est dans mes mains, et par ma négligence Dois-je de leur famille augmenter l'indigence, Et les priver enfin du prix de leurs efforts ? Ah ! ne m'expose point à sentir un remords, Et laisse moi remplir un devoir nécessaire. Non : mais c'est moi qui dois venir à leur secours : Je dois être leur père encor plus que leur maître. Obliger⁎ de sa bourse, Est un petit mérite ; et l'homme sans ressource A des droits infinis sur les cœurs généreux. Ce n'est pas l'argent seul qui sert les malheureux. Ma fille, on donne plus quand on a l'ame bonne ; Payer de ses talents, payer de sa personne, Voilà, dans ce moment, quel est mon vrai devoir. Encore un embarras ! « Vous savez, mon cher Moliere, que je travaille depuis long-temps à votre portrait ; l'amitié qui nous unit et votre grande réputation me faisaient une loi d'y mettre tout le soin dont je suis capable, et cette loi a été ma règle unique : je l'ai achevé enfin, et si vous voulez m'attendre chez vous aujourd'hui, je vous le ferai porter, afin que vous m'en disiez votre avis. Ce n'est jamais en vain que je vous ai consulté sur mes ouvrages. Si vous trouvez à redire à celui ci, je le retoucherai et vous prouverai par ma docilité les sentiments respectueux et tendres que vous m'avez toujours inspirés ». Pour attendre Mignard, Je ne resterai point. Qu'on aille de ma part Le lui faire savoir : Ma fille, vous avez sur moi beaucoup d'empire. Quand vous avez voulu me retenir ici,      Je vous ai refusée et votre mère aussi, Et, pour voir si Mignard m'a peint d'après nature, J'y resterais ! non, non ; ce serait faire injure A ma fille, à ma femme, et je connais leurs droits : Ainsi que l'amitié la nature a ses loix. Oui ; mais, pour trop m'aimer, elle fait mon tourment. A me désobéir, elle passe sa vie : Je me brouille avec elle et me reconcilie Au moins dix fois le jour. Et qu'est-ce qu'elle dit Pour ses raisons ? Mais encor ? Eh bien, il faut que j'aille, à mon tour la prêcher. Toujours me contrôler ! Je lui ferai connaître Si l'on remplit ainsi les ordres de son maître... Répétez cependant la scène, où, de tous deux, Quand je feins d'être mort, en regrets vertueux S'exhale la douleur et touchante et sincère : Il faut la bien savoir ; rien n'est plus nécessaire. MONDORGE part content, et je le suis moi-même. J'ai rempli mon devoir envers l'ami que j'aime. Mais un autre me reste. Avez-vous répété ? Baron est encor affecté De quelque grand chagrin. Sans doute⁎. Quand on fait son devoir, qu'est-ce que l'on redoute ? Le devoir avant tout. Lorsqu'on a quelque droit à des lauriers nouveaux, Et qu'on n'est pas encor au bout de sa carrière, On pourrait lâchement retourner en arrière ! Non, non ; je ne suis point de ces faibles esprits Qu'appaise un peu de gloire obtenue à vil prix. La gloire est une soif qui toujours me dévore, Et je voudrais mourant m'en abreuver encore. Ce n'est pas que je tende au puéril honneur D'être par-tout cité comme un sublime Auteur. Non, je veux méprisant une vaine fumée, Devoir à la vertu toute ma renommée.      D'ailleurs, mes chers enfants, ensemble nous jouerons ! Vous serez près de moi : qu'ai-je à craindre ? Partons. Oh ! quel nouveau supplice ! Morbleu⁎ ! que vous importe ? Si je souffre, tant mieux. De quoi vous mêlez-vous ? Voulez-vous qu'à la fin, je me mette en courroux⁎ ? Aisément pour cela ma force se ranime.      Eh bien ! entre mes bras Jettez-vous, mon ami. Si le Ciel l'abandonne, Et s'il meurt aujourd'hui, Moliere vous pardonne ; Mais je ne mourrai point. Dissipez votre effroi : Le Ciel n'est point injuste ; il veillera sur moi. O combien de vos soins je suis reconnaissant ! Ma fille, la douleur, sous son bras tout puissant, Vient de courber ma tête. Un intérêt si tendre, Le plaisir de vous voir, celui de vous entendre, Tout fait rentrer l'espoir dans mon cœur alarmé. Pour vous aimer encor, je me sens ranimé. Mais où donc est Chapelle ? Ah ! pardon, ma paupière Ne peut que par dégrés s'ouvrir à la lumière. Pardon, mon cher ami, je ne vous voyais pas... Et ma femme en ces lieux n'a point porté ses pas ? Ah ! puisse-t-elle Ignorer mes tourments ! Dans l'excès de son zèle⁎ Elle m'accablerait de reproches. Je veux Epargner, s'il se peut, des chagrins à tous deux. D'ailleurs mon accident n'a rien que je redoute, Et sur ma guérison je ne suis plus en doute. De vos soins, mes amis, elle sera l'effet. Mais qui frappe si fort ? Vois un peu Laforêt. Oui, j'espère demain remonter sur la scène : Ma force est revenue, et j'ai la tête saine. Qu'il entre comme ami, non comme Médecin. Le grand art d'Hypocrate est sans pouvoir sur moi, J'en conviens ; mais toujours à l'amitié fidèle, Mon plaisir le plus doux fut de vivre pour elle. Dites moi donc comment vous vous portez. Vos enfants, votre femme ? Vous aviez un procès de grande conséquence. Quand le jugera-t-on ? Votre fille est aimable. Un époux Lui conviendrait je crois, vous en occupez-vous ? Ah ! nous sommes perdus, s'il se met en courroux⁎. Rien n'est plus dangereux qu'un Docteur en colère. Oui, j'aime sa franchise. Me guérir ! et comment ? Saignaré, purgaré. Et clistérisaré. A merveille, Docteur ! l'ordonnance est hardie. Est-ce que nous jouons encor la Comédie ? Et faites-vous ici le rôle de Purgon ? Vous y réussirez ; vous prenez son jargon, Et même, en ce moment, vous avez sa figure : Vous le représentez, ma foi ! d'après nature. Eh bien mon cher Docteur, il n'est plus tems de feindre. Vous savez ce qu'un jour je répondis au Roi Qui me parlait de vous. Je suis de bonne foi, Et, sans y rien changer, je vais vous le redire : « Suivez-vous ses avis ? Non, repliquai-je, Sire Et je guéris toujours ». Je pense qu'aujourd'hui Il en sera de même. Un doux espoir m'a lui Dès que j'ai vu ma fille, Et ce cher camarade S'intéresser à moi. Puis-je être encor malade ? De tout ce qui m'est cher, je me vois entouré. C'est le cœur qui fait vivre, et par lui je vivrai. C'est bien parler, et pour le coup je pense Qu'enfin il vous échappe une bonne ordonnance. Conduisez-moi, ma fille, et vous, mon cher Baron, Restez pour recevoir ma femme : il serait bon De lui cacher l'état où son époux se trouve. Malgré son humeur brusque, elle m'aime, et j'éprouve Un chagrin si réel, quand je la vois souffrir, Qu'à ses yeux maintenant je craindrais de m'offrir. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_la-moliere *date_1788 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lamoliere DU bon vin ! du bon vin ! voilà comme vous êtes ! Boire et passer vos nuits dans les jeux, dans les fêtes ; Voilà votre méthode, et c'est, graces à vous, Que je te touche au moment de perdre mon époux. Je le vois chaque jour dépérir et s'éteindre. Les plaisirs de la table N'ont jamais rien valu pour sa foible santé. Il était au régime : avec soin apprêté, Un lait doux humectait sa poitrine affoiblie. Vous vous êtes moqué de son genre de vie : Vous l'avez fait manger et boire autant que vous, Et, dans cet instant même, une incurable toux Le tourmente, l'oppresse ; il en perd la parole, Et je viens de le voir balbutier son rôle, Et, contre son usage, obligé de s'asseoir. Vous savez cependant qu'il doit jouer ce soir. Quel discours ! Vous parlez comme un franc libertin. M'injurier chez moi !... quelle audace insensée ! Moi, je me fâcherais ! et pourquoi, je vous prie ? Votre raison, Monsieur, à chaque instant varie : Vous êtes si souvent à la perdre exposé ! CHAPELLE a t-il raison ? Je veux être maîtresse, Commander en ces lieux ; mais Moliere sans cesse Ne veut-il pas user d'un suprême pouvoir. Et me faire, dit-il, rentrer dans mon devoir ? Qu'il cède quelquefois, je céderai. Qu'entends-je ? C'est ma fille. D'où vient cette pâleur étrange Qu'on voit sur votre front ? Moliere est-il plus mal ? Rassurez-vous, ma fille, Il faut qu'il y renonce et qu'il se déshabille. Votre père m'est cher. Je ne souffrirai⁎ pas Qu'au trépas il s'expose en feignant le trépas. Son rôle est fatiguant, et tout me persuade Qu'il faut se bien porter pour faire le malade. Je veillerai, vous dis-je, au salut de ses jours. Vous-même renoncez à de folles amours Dont je suis informée, et songez, pour me plaire, Qu'il vous faut obéir en tout à votre mère. Oui, oui, Mademoiselle, Je connais votre humeur indocile et rebelle ; Mais je saurai bientôt vous mettre à la raison. M'oserez-vous nier que vous aimez Baron, Et qu'il ressent pour vous une égale tendresse ? Vous en convenez ? Soit ; mais ignorez-vous qu'orgueilleux à l'excès, Il pense que lui seul doit avoir des succès ? Que nous sommes toujours d'un sentiment contraire, Et que dix fois le jour il me met en colère ? Lui-même avec plus d'art ne pourrait s'excuser. Vous songez en secret peut-être à l'épouser. Eh bien ! je vous défends de nourrir dans votre ame Un espoir qui m'offense, et d'écouter la flâme Qu'au mépris de mes droits il a fait naître en vous. Je viens de vous choisir, d'ailleurs un autre époux. Le Marquis de Milflore est épris de vos charmes, Sitôt qu'il vous a vue, il a rendu les armes : A vous plaire, en un mot, tous ses vœux sont bornés. Pourquoi non ? Il m'a fait les plus vives instances : Il vous aime, et l'amour rapproche les distances. Il est sûr d'obtenir bientôt mon agrément. Oui vraiment. On vous appellera Madame la Marquise. Vous aurez un hôtel, un nom. Je suis surprise Que vous ne sentiez pas l'excès d'un tel honneur. Riez de sa folie. Votre père voit mal... Ah ! s'il avait mes yeux !... De votre père, en dot, vous porterez la gloire. Moliere s'est rendu fameux par ses écrits : Il tient le plus beau rang parmi les beaux esprits : Ses ouvrages ; voilà ses titres de noblesse. Eh bien ! Il faut aller le trouver de ce pas. Suivez-moi ; je prétends que vous m'aidiez vous-même A lui faire agréer Milflore qui vous aime. Mais songez donc, Moliere, Que ma fille aux honneurs s'ouvrira la carrière, Et que l'hymen s'unit avec le tendre amour Pour la faire bientôt parvenir à la Cour. Songez qu'incessamment... Et vous ferez, je gage Une pièce ennuyeuse, un détestable ouvrage. Et pourquoi blâmer l'ambition Que je vous fais paroître en cette occasion ? Elle est noble, elle tend au bonheur de ma fille. N'a-t-on pas vu cent fois d'une obscure famille Les humbles rejettons par le sort transplantés, Eux-mêmes s'étonnant de leurs prospérités, Briller modestement à la première place Et leur éclat s'étendre aussi loin que leur race ? Quelle obstination ! puisque le Marquis l'aime, Et puisqu'il est honnête, elle en prendra les mœurs, Et sera de la sorte à l'abri des censeurs. Avec plus de respect parlez d'un homme illustre De qui les seuls ayeux font la gloire et le lustre. Les bruits qu'on a semés sont faux : avec le Roi Il chasse, m'a-t-on dit, et je suis sûre, moi, Que personne, à la Cour, n'a plus de droits peut-être D'obtenir la faveur et l'oreille du maître, Et que... Ma foi ! je n'y vois rien de bon. Eh quoi ! ce fanfaron Qui, fier de son talent, méprise tout le monde ? Taisez vous. Qu'a-t-elle encore à dire ? Je souffre le martyre Puisque vous la servez de tout votre pouvoir, J'ai des droits qu'à mon tour je veux faire valoir. Qu'elle épouse Milflore ou Baron, peu m'importe ; Je ne m'en mêle plus. Ma crainte la plus forte Est que vous ne tombiez malade gravement, Si toujours dominé par votre entêtement, Vous jouez aujourd'hui dans votre Comédie. Votre santé n'est pas assez bien rétablie Pour le rôle d'Argan. Ainsi je vous prévien Qu'aujourd'hui je renonce à jouer dans le mien. Eh bien ! qu'elle le fasse ! Qu'elle soit de vos maux et complice et témoin ! Ne pouvant l'empêcher, d'un plus utile soin Je me vais acquitter. On m'a dit la demeure Du Docteur Mauvilain. Dans une heure Et peut-être plutôt vous le verrez ici. Vous avez beau railler. Non, non ; un Médecin... mais qu'est-ce que je voi ? Baron ! je ne saurais supporter sa présence. Sortons ; chez le Docteur allons en diligence. PLEURE, pleure, ma fille, à ta douleur sincère Je viens mêler la mienne. Il est trop vrai ; ton père… **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_isabelle *date_1788 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_isabelle Ah ! je crains qu'il ne touche à son terme fatal. Plus que jamais il souffre, et j'en suis désolée. Je le quitte à l'instant : sa toux est redoublée, Et ce qui doit sur-tout combler mon désespoir, Il s'y montre insensible, et, pour jouer, ce soir, Il vient de s'habiller. C'est mon vœu le plus cher. A vos ordres soumis Mon cœur, sans votre aveu, s'est-il jamais permis De former un desir. Non. Sans doute⁎ il m'intéresse ; Mais je ne savais pas que ce pur sentiment Fût un crime à vos yeux, et même en ce moment, J'ai peine à concevoir qu'il puisse vous déplaire. Baron, depuis long-temps, est l'ami de mon père : Il est son camarade, et son talent d'Acteur Prête un charme de plus aux talents de l'Auteur : Mon père l'a formé ; mon père l'idolâtre Et fonde sur lui seul l'espoir de son théâtre. L'orgueil est un défaut ; mais un grand Comédien Est homme comme un autre, et peut avoir le sien. Baron fait un emploi qui le rend excusable. Des Conquérants, des Rois l'orgueil est pardonnable A les représenter Baron accoutumé En héros quelquefois se croyant transformé, Conserve leur fierté, même hors de la scène, Et n'en a point, je pense, une ame plus hautaine. Eh quoi ! c'est un Marquis que vous me destinés ! J'abandonnerai donc le théâtre ? Des titres si pompeux ne font pas le bonheur, Et mon père d'ailleurs n'aime pas qu'on s'allie A de plus grands que soi. On peut me demander quels furent mes ayeux, Quelle est ma dot. Jamais on n'en doit faire accroire... Mon père de Baron approuve la tendresse, Et je crains qu'à vos vœux il ne consente pas. Votre refus toujours sur son orgueil se fonde ; Mais, Madame, mon père a des talents aussi, Dont il peut être fier, puisqu'ils ont réussi, Et lorsque vous l'aimiez, quand le nom de Moliere Surprit et captiva votre ame toute entière, Si l'on vous eût offert un Marquis pour époux, Auriez-vous sans regret renoncé... Madame, j'ai tout dit. Et de la mienne douze. Il me reste l'argent de mes menus plaisirs. Puis-je mieux l'employer ? D'ailleurs je vous imite, Et faire son devoir n'est pas un grand mérite. Cet éloge est le vôtre : O mon père ! c'est vous, vous qui le méritez : Vos exemples par nous viennent d'être imités : C'est vous qu'il faut louer. Si ma mère pourtant à cet hymen s'oppose... QUOI ! mon père, en effet Vous jouerez aujourd'hui, lorsqu'avec tant de peine Je vous ai vu tantôt⁎ répéter votre scène ? D'une cruelle toux votre organe affecté M'inspire une frayeur... On ne le sait que trop : il faut que chacun meure. Mais pourquoi, sans sujet, hâter sa dernière heure ? Pourquoi vous exposer à des périls certains, Et ne pas éviter un malheur que je crains ? Ah ! croyez-moi, mon père ; Elle peut revenir ; elle peut vous forcer D'abandonner la scène, et vous devez penser Qu'un pareil accident a des suites cruelles. Vous jouerez ? Non, vous ne jouerez point ; non ; j'ai trop d'épouvante Pour vous laisser sortir. Votre fille tremblante Vous conjure à genoux de rester en ces lieux. Ecoutez mes terreurs comme un avis des cieux Qui veulent conserver un père à sa famille. Ils ne trompent jamais et sur-tout une fille. Si je respire enfin, et si je vois le jour, De vous seul je le tiens, et je dois, à mon tour, Veiller sur votre vie. Ah ! mon père, de grace, Soyez moins insensible au sort qui vous menace, Et ne réduisez point mon cœur au désespoir. Pour la dernière fois je tremble de vous voir. Ils seront terminés, si vous ne jouez pas. Nécessaire ! et pourquoi ? Prétendent-ils, mon père, Que vous vous immoliez pour conserver leurs jours. Peuvent-ils l'exiger ? Ils doivent vous connaître. Mondorge partira chargé de vos bienfaits, Et l'on n'ignore pas que toujours les effets Suivent votre promesse. Ainsi mes pleurs sur vous n'auront aucun pouvoir. Eh quoi ! lorsqu'il desire.... ! « O Ciel ! quelle infortune ! quelle atteinte cruelle ! hélas ! faut-il que je perde mon père, la seule chose qui me restait au monde, et qu'encore, pour un surcroît de désespoir, je le perde dans un moment où il était irrité contre moi ! Que deviendrai je, malheureuse ! Et quelle consolation trouver après une si grande perte » ? Hélas ! je pleure tout ce que, dans la vie, je pouvais perdre de plus cher et plus précieux. Je pleure la mort de mon père. Ah ! Cléante, ne parlons plus de rien : laissons-là toutes les pensées du mariage. Après la perte de mon père, je ne veux plus être du monde, et j'y renonce pour jamais. Oui, mon père, si j'ai résisté tantôt⁎ à vos volontés, je veux suivre du moins une de vos intentions, et réparer par-là le chagrin que je m'accuse de vous avoir donné. » Soyez moins étonné. Sur ce père que j'aime J'ai des pressentiments qui me glacent d'effroi. Il souffre ; il est malade, et je ne sais pourquoi Je crains que, dès ce soir, la mort ne nous l'enlève. Et peut-on sur ce point rien obtenir de lui ? Il vient de rejetter mes vœux et ma prière. Ah ! Monsieur le Docteur, Qu'à propos vous venez ! une toux obstinée L'a fait beaucoup souffrir toute la matinée. Il faudrait lui donner quelqu'ordonnance. Vous l'entendez ? Oui, mon père. Son zèle⁎ doit vous plaire. Laissez-moi, laissez-moi ; je n'ai plus qu'à mourir. Je viens de voir mon père à son dernier soupir, Et sa fille, s'il meurt, n'aspire qu'à le suivre. Je n'espère plus rien. Ciel ! ne m'épargnez pas, Si mon père, en ce jour, doit subir le trépas, Et terminez aussi ma trop longue carrière ! Le portrait de mon père ! ah ! qu'on offre à mes yeux Sans tarder un moment un don si précieux. C'est mon père ! c'est lui ! dans mon malheur extrême Je puis encor le voir... De grace, laissez-moi Seule avec ce portrait. O respectable image ! Toi, qui m'offres les traits du père le plus cher, Mes larmes devant toi peuvent donc s'épancher ! Le sort va me ravir ce père que j'adore. Tu me restes, par toi, je le revois encore, Et je puis, à mon gré, t'exprimer mes douleurs ! Que ne peux-tu sur toi sentir couler mes pleurs ! Entendre mes soupirs, et leur répondre même ! D'autres vont t'admirer ; moi, je fais plus, je t'aime Et je voudrais jamais ne m'éloigner de toi. O portrait révéré ! Sois toujours avec moi ! L'amitié te créa pour calmer ma souffrance. En proie à tous les maux, n'ayant plus d'espérance Sans doute⁎ à ma tendresse un miracle était dû. Tel qu'il est dans mon cœur le pinceau l'a rendu. Ah ! ce mot a suffi pour me donner la mort. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_chapelle *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_chapelle Le voilà, mon ami, votre Ouvrage est divin. Je m'étais figuré d'abord que vos écrits Fourmillaient de défauts ; mais j'en sens tout le prix, Depuis que j'en ai fait à tête reposée Un examen suivi. Votre prose est aisée ; Vos caractères, vrais, comiques, amusants, Et vous offrez par-tout des traits⁎ neufs et plaisants. Je voudrais pour beaucoup avoir votre génie. Quoi qu'en dise des sots la tourbe réunie, Votre bon homme Argan m'a sur-tout enchanté. Il se croit bien malade et crève de santé ; Et cette belle-mère intéressée, avide, Que j'aime à voir les traits de son ame sordide Si bien représentés ! Votre Diafoirus M'amuse infiniment par son docte Phœbus. Votre Purgon me charme, et, dans cette peinture J'ai par-tout admiré le ton de la nature. Il n'y faut rien changer. Pas un mot. Comment ! expliquez-vous. Il est vrai que Madame N'est pas douce ; mais moi, je m'amuse de tout. De moi-même je ris quelquefois ; c'est mon goût. Boire la nuit, dormir la grasse matinée, A rien ne réfléchir, vivre au jour la journée, En deux mots me voilà. Sans projet ni chagrin J'entends tout, je vois tout avec un front serein ; Parlez donc franchement. Est-ce que mon Ouvrage Vous a paru mauvais ? Et de votre suffrage Me faudrait-il passer tout-à-fait ? Je n'ai pas, comme vous, l'art de peindre à grands traits, J'en conviens ; cependant il faut être équitable. Votre genre peut-être est le seul véritable. Si j'en crois néanmoins de célèbres Auteurs, De plus d'une manière on corrige les mœurs, Et, sans vous ressembler ou marcher sur vos traces, J'ai pu, tout comme vous, sacrifier aux graces. Consulter Laforêt ! Quel bizarre dessein ! Il serait hazardeux De tenter cette épreuve : elle est accoutumée A ce qui vient de vous, et votre renommée, Quand vous la consultez, lui fait trouver tout bien. Ne peut-on réussir par un autre moyen. Cette ruse Me plaît infiniment, et je n'ai plus d'excuse. Ne vous pressez pas trop : par des chûtes exactes Marquez bien chaque vers. J'en veux rire à mon tour ; c'est un excellent trait⁎. Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! Laforêt ! Elle a raison, ma foi ! Tu n'admires donc pas l'ouvrage de ton maître ? Elle l'a fait paraître. Non. Qu'on se moque de moi je sens qu'on a raison. Vous ne l'ignorez pas, Moliere ; ma paresse Ne m'a jamais permis de soigner une pièce, Et d'en approfondir l'intrigue, les tableaux : Je n'ai pas vos talents et sur-tout vos pinceaux. Je suivrai ces conseils par la raison dictés ; Mais les sujets majeurs vous les avez traités. Un caractère neuf est devenu si rare ! Les pédants, les fâcheux, l'hypocrite, l'avare, Le bourgeois gentilhomme et les tuteurs jaloux Le misantrope enfin qui les surpasse tous, Que reste-t-il encore après de tels modèles ? IL vient de me donner une sage leçon, Je veux en profiter : oui, j'en croirai Moliere, Et je condamne au feu ma Comédie entière, Quel pénible métier que celui d'écrivain ! Il vaut mieux ne rien faire et sabler du bon vin. Comment cela ? De moi vous auriez à vous plaindre ? Je ne le croyais pas. Moliere est mon ami, Et ce nœud qui m'est cher, par le temps raffermi, Veut que vous m'expliquiez en quoi je suis coupable. Moliere m'a caché... Je suis de son état affligé ; mais j'espère Qu'il sera peu durable, et puis la bonne chêre Ne fut jamais fatale aux enfants d'Apollon : Horace en est la preuve, ainsi qu'Anacréon. Oui, c'est du vin d'Aï la mousse pétillante, Qui seule peut donner une santé brillante. Je l'éprouve à mon tour ; regardez bien mes yeux : On y voit éclater ce nectar radieux ; Mon visage est empreint de sa couleur vermeille, Le meilleur élixir est celui de la treille. Oh ! non ; mais comme un homme ennemi du chagrin. Voulez-vous maintenant que je vous parle en sage ? Ce n'est pas, croyez-moi, le bachique breuvage, Qu'au milieu d'un souper je verse à votre époux, Qui cause ses douleurs et fait naître sa toux ; C'est votre humeur, Madame, elle est un peu changeante Elle est impérieuse, et jamais indulgente. Ce discours vous surprend : pardonnez, mais je crois Qu'ami de votre époux, j'ai sur vous quelques droits Et que je puis vous dire une fois ma pensée. Fâchez-vous, j'y consens ; je n'en rabattrai rien. Quand l'ame est en repos, le corps se porte bien. Bon ! le trait⁎ est malin, quoique peu déguisé ; Mais je n'en suis pas moins très-jaloux de vous plaire Et je sors pour calmer votre juste colère. Je vais à votre époux offrir tous mes secours : Pour prolonger les siens, je donnerais mes jours. NON, non ; vous resterez. Lorsque vous répétiez, caché dans la coulisse, Je vous ai vu tantôt⁎ sur vos genoux tremblants Vous soutenir à peine, et même, en ces instants Vous ne m'annoncez pas une santé bien forte. Vous avez l'air souffrant. C'est moi qui vous ai fait quitter votre régime : Votre femme tantôt⁎ me l'a dit aigrement, Et s'il vous arrivait quelque triste accident, On m'en accuserait. Dans sa douleur mortelle, Chacun de vos amis s'en prendrait à Chapelle, Et quoique je ne sois rien moins que Médecin, Chacun verrait en moi peut-être un assassin : On dirait hautement, il a tué Moliere, Pour l'avoir obligé de vivre à sa manière Chacun me maudirait ; et vous ne voulez pas Qu'ici vous retenant !... IL compte vainement se soustraire à mon zèle⁎. Suivons ses pas, volons où l'amitié m'appelle. LAFORET ! Laforêt ! où donc est cette fille ? Quel désespoir pour elle et toute la famille ! Certainement. Je viens d'être témoin d'un triste événement, Moliere étoit malade, et, malgré nos instances, Il a voulu jouer. Votre crainte est fondée : en ce moment fatal, Il est dans un état !... Il va bientôt paraître. Restez ; il est conduit par sa fille et Baron, Et peut avoir besoin de vous dans la maison. A la fin de la pièce, Je l'ai vu pâle et prêt à tomber en faiblesse En prononçant juro : dès-lors il aurait dû De la scène sortir, et laisser suspendu Un divertissement à sa santé funeste ; Mais, malgré ses douleurs, il continue, il reste : Pour cacher sa souffrance au public assemblé, Il redouble d'efforts, et bientôt accablé, Quand la toile est baissée, il chancelle, il succombe : J'accours, et sans vigueur entre mes bras il tombe, En proie à des tourments qu'on ne peut appaiser : Un crachement de sang finit par l'épuiser ; Mais j'entends quelque bruit... En ces lieux on l'amène. Un fauteuil ? des coussins ?... comme il marche avec peine ! Elle n'est point encor rentrée. Pour nous, suivons ses pas, et, quoiqu'il puisse dire, Allons lui prodiguer nos utiles secours Et tâchons, malgré lui, de prolonger ses jours. Pourquoi ce désespoir ?... Moliere encor peut vivre, Et la parque n'a point encor tranché ses jours, Espérez tout de l'art dont les heureux secours... Son ordre est une loi ! Sortons ; ne troublons pas sa douleur davantage. L'infortune est sacrée. QUE vois-je ?... ô triste effet de la rigueur du sort ! La mère est dans les pleurs : la fille évanouie... Madame, hâtez-vous de la rendre à la vie. Et vous conduisez-les dans leur appartement. VOUS, amis de Moliere, et dont, en ce moment, Je partage la peine, enlevez cette image ; C'est le reste chéri d'un grand homme, d'un sage : Il attend les honneurs qui sont dûs aux talents, Retournons au théâtre, et de nobles accents Faisons-le retentir en l'honneur de Moliere. Couronnons de lauriers une tête si chère Et qu'une apothéose y consacre à jamais Ses vertus, son génie et sur-tout nos regrets. FIN. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_baron *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_baron Ah ! j'ai sujet de l'être. Vous connoissez Mondorge ? Eh bien ! Il est plus que jamais plongé dans la détresse. Je sais qu'aux malheureux votre cœur s'intéresse, Et je viens vous prier... Il est essentiel Qu'il ne se montre pas. Quand la peine est extrême, On craint d'être importun. Non ; mais si vous voulez être son bienfaiteur... Epargnez la pudeur : Dont son front, à vos yeux se couvrirait peut-être, D'une rougeur subite il ne serait pas maître... Il fait son tour de France, Jouant la Comédie à Marseille, à Bordeaux : Il dépense beaucoup en habits, en chevaux : Les voyages sont chers. Ceux de Rois. Il pourrait avec quinze pistoles Demain se mettre en route. Vous l'entendez, Moliere. Ah ! que ces mots sont doux Pour mon cœur qui l'adore ! Elle est digne de vous ; Sans cesse elle le prouve, et ma vive tendresse... La louange en effet doit paraître importune A la vertu modeste, et je m'en vais soudain⁎ Remettre en votre nom... Ah ! que je suis charmé de la commission ! JE quitte Laforêt, et ma surprise est telle, Qu'à peine j'en reviens. Rien n'égale son zèle⁎. Cette fille est honnête et vous aime vraiment. Son obstination Plus que jamais éclate en cette occasion. Malgré vous, de vos droits elle veut faire usage. Mondorge allait partir : il suspend son voyage. Laforêt ne veut point lui remettre l'habit Que vous lui destinez. Que sai-je ? elle abonde en paroles. Ces raisons vous paraîtront frivoles, Et j'y vois néanmoins un air de vérité. Vous êtes trop humain, trop rempli de bonté, A ce qu'elle prétend. Elle se plaint sans cesse Que vous ne sentez point le prix de la richesse, Que vous vous ruinez ; et, pour vous empêcher... Qu'avez-vous donc, belle Angélique, et quel malheur pleurez-vous ? O Ciel ! quel accident ! quel coup inopiné ! hélas ! après la demande que j'avais conjuré votre oncle de faire pour moi, je venais me présenter à lui, et tâcher par mes respects et par mes prières, de disposer son cœur à vous accorder à mes vœux. Quel naturel ! j'en suis dans un étonnement Qui ne peut s'exprimer. Permettez qu'un moment J'interrompe mon rôle. Eh quoi ! Mademoiselle, Est-ce que vous sentez une douleur réelle ?      Au désordre qui règne en vos sens éperdus,      On dirait qu'en effet votre père n'est plus. Ce n'est plus l'art enfin ; c'est la nature même. La même crainte, hélas ! dans mon ame s'élève. Il faudrait l'empêcher de jouer aujourd'hui. O mon ami ! mon maître Pourrais-je m'empêcher de le faire paraître. Je tremble pour vos jours. Vous savez que d'Argan Le rôle est difficile et sur-tout fatigant, Et vous vous disposez à le jouer ! Votre devoir n'est pas D'affronter la douleur, d'insulter au trépas ; Par des travaux⁎ nombreux la source de la vie, Se montrant, chaque jour, en vous plus affaiblie Semble vous commander un utile repos. A vos moindres desirs vous me verrez souscrire. MOLIERE jusqu'au bout garde son caractère. Il hait les Médecins, et quand leur ministère Pourrait de ses douleurs alléger le fardeau, Il les plaisante même aux portes du tombeau. Il voit sans s'émouvoir la fin de sa carrière. Monsieur de Montausier ! Qu'il sera doux pour moi de le remercier. Il est si vertueux ! Montausier est un homme Tel qu'on en vit jadis aux beaux siècles de Rome. Hélas ! il ne va pas trop bien : Nous le craignons : sa force est presqu'anéantie. Heureusement pour lui qu'il ne voit point son mal, Et qu'il marche, en riant, sur l'abîme fatal. Vous en serez instruit Incessamment, je pense, et de la même crainte Si je ne sentais point aussi mon ame atteinte, J'irais... A quel point votre cœur partage nos alarmes ! C'est vous, Monsieur Pirlon ! Ciel ! Et que venez-vous faire en cette maison ? Assez mal. C'est Tartuffe. En propre original. CIEL ! Isabelle en pleurs ! à quoi dois-je m'attendre ! O ma chère Isabelle ! Chassez de votre cœur cette crainte mortelle, Et souffrez que nos soins... **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_montausier *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_montausier DE Moliere toujours j'estimai les talents, Et la plus juste crainte a passé dans mes sens, Lorsqu'une toux funeste, à la fin de son rôle, A failli tout-à-coup lui couper la parole. Comment va-t-il ? Ici, moi-même, exprès je vien     Pour le savoir. Tant pis⁎ ! est-ce qu'il est en danger de la vie ? Ce serait pour la France une perte réelle Que la mort de Moliere, et ma frayeur est telle, Qu'ici je resterai jusqu'à ce qu'on m'ait dit S'il est mieux ou plus mal. Non, demeurez : respectons les douleurs Du malheureux qui souffre, et cachons-lui nos pleurs. Qui plus que le génie aurait droit à mes larmes ? Quel est cet insensé qui raisonne si mal ? Tartuffe ! Laissez-moi lui parler : laissez-moi le confondre. On devrait vous punir, au lieu de vous répondre. Est ce ainsi que l'on vient insulter un mourant ? Votre discours m'indigne autant qu'il me surprend. Oui, j'aime le Théâtre, et ne m'en cache pas. J'ai toujours honoré la noble poësie, Et l'on sait que je hais sur-tout l'hypocrisie. Mon nom est Montausier. Tout doux : expliquons-nous, de grace, Sans mettre en nos discours de partialité Je chéris les beaux arts moins que la vérité. En quoi donc, s'il vous plaît, Moliere est-il coupable ? Et quel crime a commis ce génie admirable ? Serait-ce en vous jouant qu'il a blessé l'honneur. Et lui reprochez-vous son sublime imposteur ? Mais dans le Misantrope il m'a joué moi-même ; On me l'assure au moins, et cependant je l'aime, Autant que je l'estime, et loin de l'accabler, J'ai dit qu'à son héros je voudrais ressembler. Oui, Monsieur, ses talents ont sur moi tant d'empire, Que de moi-même enfin je lui permets de rire, Et s'il peut des humains corriger les travers, Je défendrai toujours et sa prose et ses vers. Je le vois. J'ai cru qu'il le peignait des plus noires couleurs ; Et de vous le prouver il me serait facile. Et pourquoi non, Monsieur ? Est-ce un crime à vos yeux Que d'écrire en vers doux, aisés, harmonieux ? Que vous connaissez mal la divine clémence, Si vous imaginez qu'un tendre amour l'offense ! Nommez, nommez, plutôt la fausse piété, Et l'infame avarice et l'orgueil indompté, Et l'altier Misantrope et ses humeurs bizares, Et la présomption de ces tuteurs barbares, Qui pensant que, pour eux, Dieu créa la beauté, La tiennent dans les fers, et dont l'autorité, S'élevant quelquefois jusques à la licence, Pour la première fois fait rougir l'innocence. Voilà, Monsieur, voilà les vices, les erreurs Qui peuvent provoquer les célestes rigueurs ; Voilà ceux que poursuit, que terrasse Moliere ! Ces monstres, parmi nous, levaient leur tête altière, Au glaive de Thémis tout fiers d'être échappés D'un joyeux anathême il les a tous frappés : Ils ont senti les traits⁎ de sa verve féconde, Et, comme un autre Alcide, il a purgé le monde. Il n'a point, j'en conviens, cet orgueil doctoral, Qui distingue souvent les Charlatants en titre : Entre le Ciel et l'homme il craindrait d'être arbitre. Il ne vient point armé d'un zèle⁎ doucereux, Saintement abréger les jours d'un malheureux, Lui faire le procès à son heure dernière, Et du Ciel pour jamais lui fermer la carrière ; Mais quiconque le lit avec attention, Pourrait-il ne pas voir que son intention Est celle d'un mortel d'une probité rare ? C'est en le punissant qu'il corrige l'avare : Il fait plus dans Tartuffe : il montre avec clarté Jusqu'où mène l'excès de la crédulité ; Et qui n'admire point dans les Femmes Savantes De l'abus de l'esprit ces peintures vivantes, Et ces traits⁎ avec art sur le sexe lancés, Qui lui disent tout haut : renoncez, renoncez A l'érudition dont le vain étalage Vous rend plus orgueilleux, sans vous rendre plus sage ? Ainsi parle Moliere. On voit sous ses pinceaux Pêle-mêle tomber les méchants et les sots. Le vice, à son aspect, d'épouvante recule. Et ne voyez-vous pas qu'une vertu trop rude ; Fatiguante, à la longue, importune les yeux ; Qu'il faut haïr le vice et non les vicieux, Et que Moliere enfin, dans cette œuvre admirable Veut qu'on soit vertueux, sans cesser d'être aimable, Que l'on soit indulgent, et que l'aménité Est le premier lien de la société⁎ ? Mais j'entends quelque bruit : sans doute⁎ on va m'apprendre... **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_le-docteur *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ledocteur JE suis, vous le savez, un ami de Moliere, Et, quoique Médecin, j'ai souvent le bonheur De le voir, de l'entendre. Moi ! Je m'en garderai bien : il rirait trop, ma foi, Si je voulais droguer⁎ sa poitrine oppressée. Un semblable projet est loin de ma pensée. Son état cependant m'alarme. Si j'en croi Votre mère qui sort à l'instant de chez moi, Sa vie est en danger : des symptômes funestes, Depuis deux ou trois mois en menacent les restes. Je voudrais le sauver ; que dis-je ? Il est certain Que, s'il refuse encor de voir un Médecin, C'est un homme perdu. Je tremble Qu'il ne rentre à l'instant et ne nous voie ensemble. Il croirait que je viens ici pour le guérir. Assurez-le donc bien qu'il s'expose à périr, Si d'Argan, en ce jour, il veut jouer le rôle. J'ai lu dans Galien et la moderne école De Salerne... Qu'entends-je ? Il arrive en toussant. Donnez-lui cet avis ; il est intéressant. MA visite n'a pas le bonheur de vous plaire ; Je le soupçonne au moins. A mon art salutaire Moliere n'a voulu jamais ajouter foi. Fort bien. A merveille : je vien... La prochaine séance. Il faudrait... Oui ; mais un autre objet auprès de vous m'attire. Souffrez que mes conseils... Quoi ! je vous vois sourire ! Moliere, il n'est plus temps de plaisanter sur nous. Fort bien ; à mes dépens cherchez à vous distraire. Dans ce joyeux projet je vous ai secondé ; Vous en souvenez-vous ? Par ma science aidé Vous avez employé nos bizarres formules Et des mots qui souvent nous rendent ridicules, Mais vous vous portiez bien, et je vous vois souffrir Raillez-moi donc ; et moi, je viens pour vous guérir. Il faudrait sans remise Vous saigner, vous purger. Prendre au moins un remède. Ah ! quel homme ! il voit peu son extrême danger. Quel plaisir trouvez-vous à me faire enrager ? Moliere, je vous aime, et sur ce qui vous touche Vous essayez en vain de me fermer la bouche. Riez, si vous voulez, encor de mon sermon. La région du foie et celle du poumon Est chez vous attaquée, et j'ai tout lieu de craindre... Je le desire. Au moins daignez, mon cher Moliere, Souffrir⁎ que je vous fasse encore une prière. Le grand air peut vous nuire : il faudrait promptement Aller vous renfermer dans votre appartement, Et là... **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_pirlon *date_1788 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_pirlon COMMENT se porte-t-il ? Moliere m'a jadis immolé sur la scène ; Je m'en souviens encor ; mais je n'ai point de haine. Dieu veut que l'on pardonne à tous ses ennemis ; Qu'à ses moindres devoirs on se montre soumis, Et je viens pour savoir comment va le cher homme. Ah ! tant pis⁎ ! ses talents qu'on renomme Et qu'admire sans cesse un monde peu chrétien, Ont pu scandaliser pourtant les gens de bien : Moliere a, je l'avoue, un talent agréable, Mais de combien d'erreurs il s'est rendu coupable ! On reconnaît, Monsieur, que vous êtes du monde, Que sur ses vains plaisirs votre plaisir se fonde Et que la Comédie a pour vous mille appas. Monsieur le Duc, eh quoi Un homme tel que vous, en faveur près du Roi, Vient chez un Comédien dont l'indiscrete audace Mériterait... Je suis pour mon prochain tout rempli d'indulgence, Et je crois cependant qu'il n'est personne en France, Qui plus que cet Auteur ait offensé le Ciel. Dans mes discours, Monsieur, je ne mets point de fiel. Mais je dois dénoncer un coupable. On fait aimer le vice en le rendant aimable, Et Moliere par-tout le couronne de fleurs. Quoi ! vous approuveriez les graces de son style ? Je ne dis pas cela ; mais ce qu'en lui je blâme, C'est de les employer à décrire la flamme D'un amour tout mondain, et que, dans son courroux⁎, Punit le juste Ciel de notre encens jaloux. J'ai peine à concevoir ce prodige inoui Et d'un éclat trompeur je vous crois ébloui. Moliere, à vous entendre, en attaquant les vies, A tout le genre humain a rendu des services. Je doute cependant qu'il ait un but moral. Oui ; mais il a rendu la vertu ridicule, Et dans le Misantrope on est fâché de voir Alceste bafoué. Fidèle à son devoir Alceste le remplit avec exactitude. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_laforet *date_1788 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_laforet QU'EST-CE ? Oh ! j'aimons bien cela. Quand vous nous en montrais, je rions tant ! j'écoute Déjà de tout mon cœur. Alle est de vous ? Je grillons de la voir. Lisais. Eh bien ! qu'est-ce ? Pardonnez-nous, Monsieur ; mais je n'ons rien compris A tous ces biaux discours, et je sommes d'avis Que vous jettiez au feu toutes ces fariboles. Il faut, pour m'égayer des choses qui soient drôles, Et ce Monsieur Lafleur a trop d'esprit pour moi. Oh ! pour celui-là, non. Encore un coup, Monsieur, excusez si j'avons Un tantinet dormi : je nous y connaissons, Et vous n'avez rien fait qui soit moins agréable. VOUS avez appellé, je crois. Je sommes dans les transes. Ah ! Monsieur, j'ons bien peur qu'il ne se trouve mal. Ah ! notre pauvre maître ! J'allons le secourir. Et d'où vient son désastre ? Laisserez-vous entrer le Docteur Mauvilain ? **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_lesbin *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_lesbin Non, Monsieur. DE Mignard à l'instant on m'apporte une lettre …………………………………………………………. MIGNARD envoie ici le portrait de Moliere. Et Mignard va bientôt venir ici lui-même. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_un-semainier *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_unsemainier ON m'envoie en ces lieux pour savoir si Moliere Dans sa pièce jouera. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_un-garcon-de-theatre *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_ungarcondetheatre POUR répéter, Monsieur, votre nouvelle pièce, On n'attend plus que vous. Du manuscrit aussi le souffleur a besoin, Et de le demander on m'a commis le soin. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_domestique *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_domestique MONSIEUR de Montausier, inquiet sur Moliere, Vient ici pour le voir. Monsieur de Montausier, inquiet sur Molière, Vient ici pour le voir. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_moliere-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_moliere1802 JE ne sais que penser de mon ami Chapelle ; Veut-il me rendre fou ? Dans l'excès de son zèle⁎, L'autre jour, il m'emporte un de mes manuscrits, Et me laisse un des siens. Messieurs les beaux esprits Prétendent, me dit-il, que dans mes comédies, Je blesse le bon ton, et qu'elles sont remplies De mots ignobles, bas, et de détails bourgeois, Il veut me corriger et m'apprendre les lois Du beau monde qu'il hante ; et, si je dois l'en croire, J'aurai moins de profit et beaucoup plus de gloire. C'est fort bien fait à vous, monsieur l'épicurien ! Votre projet, sans doute⁎, est d'un homme de bien ; Mais de me réformer il n'est plus temps, je pense, Et vous perdrez ici toute votre science. On ne redresse point un arbre déjà vieux, Et je ferais plus mal, pour vouloir faire mieux. Chapelle, cependant, n'arrive point, j'enrage. Si du moins il m'avait renvoyé mon ouvrage ! J'en ai besoin. Holà !... Je suis d'une fureur… Chapelle n'a-t-il rien envoyé ? Qu'on me laisse ! Il me faut, en attendant qu'il vienne Me rapporter ma pièce, examiner la sienne. Il m'en a tant prié… Lisons. Chapelle aussi S'avise d'être auteur. Asseyons-nous ici, Et tâchons d'étouffer ma trop juste colère. De l'esprit, de l'esprit, comme à son ordinaire ! Encore de l'esprit, des traits⁎ vifs et brillants, Des détails fins, légers, et des portraits saillants ; Un jargon de ruelle, un ton de persifflage, Qui sans doute⁎ des sots obtiendra le suffrage ; Mais pas le sens commun, pas l'ombre de raison, Et de grands sentimens toujours hors de saison. Croit-il, mon pauvre ami, que pour la comédie, L'esprit soit suffisant ? Du bon sens, du génie, Voilà, voilà sur-tout, les dons qu'il faut avoir. Tel qu'il est, en un mot, l'homme cherche à se voir, Et non tel qu'on l'a peint dans cette œuvre infidèle. Qui manque la copie est sifflé du modèle. Je ne répondrais point que cet ouvrage là Ne réussît, pourtant, qu'il ne plût, et voilà Comme de beaux esprits, membres d'académies, Quand je ne serai plus, feront des comédies ! Ils uniront ensemble, et l'esprit et le cœur, La nature et l'amour, la peine et le bonheur : Leurs vers tout hérissés d'antithèses pointues, Rediront ce qu'ont dit, en phrases rebatues, Vizé, Balzac, Voiture et monsieur Trissotin, Grands auteurs dont on sait le malheureux destin… Mais, achevons... Je crois qu'en chantant il s'annonce. Oh ! qu'il mériterait une vive semonce ! Eh bien ! m'apportez-vous mon manuscrit, enfin ? Divin ! Vous plaisantez : je n'ai point fait d'ouvrage. Dont je sois satisfait, et c'est ce dont j'enrage. Vous ne croyez donc pas que j'aie à corriger Rien dans ma comédie ? Pas un mot ? Eh bien, je suis sincère, A la vôtre non plus je ne vois rien à faire ; Mais pour d'autres raisons… Je m'en garderai bien. A vous mettre en courroux⁎ Vous ne tarderiez pas ; et Dieu merci, ma femme Se fâche assez souvent. Tout-à-fait. Franchement il est bon à mettre au cabinet. Je me cite moi-même, en parlant de la sorte, Pardonnez ; mais, ma foi ! la vérité m'emporte. Et puis, vous le savez je ne suis point flatteur Votre style n'a rien de ce feu créateur, Qui distingua toujours les sublimes poëtes : Il est semé d'éclairs, de clinquant, de bleuettes ; Il éblouit, souvent, et n'échauffe jamais. D'accord ; et puisqu'enfin vous ne me croyez pas, Voulez-vous essayer, pour sortir d'embarras, Un moyen des plus sûrs ? à ma bonne servante Je lis tous mes écrits. Elle n'est point savante, Elle n'a point d'esprit, mais un jugement sain. Mon ami, la nature est son guide fidèle ; Et pour plaire toujours, il faut n'écouter qu'elle. Je vais, si vous voulez, lui lire un acte ou deux De votre comédie. Disons-lui que la pièce est de moi. Laforêt ! Laforêt ! Mettez-vous là. Je vais lire une pièce. Sans doute⁎. Elle est nouvelle, même, et je voudrais savoir Ce que vous en pensez. « L'INSOUCIANT, Comédie en cinq actes ». D'accord. A son maintien, Je vois déjà qu'au titre elle ne comprend rien. ”ACTE PREMIER. SCENE PREMIERE. ROSETTE. Ton Maître est-il ici ? LAFLEUR.             Non, il vient de sortir. ROSETTE. Tant pis⁎. LAFLEUR. Pourquoi cela ? ROSETTE.             Je venais l'avertir. Que madame l'attend à souper. LAFLEUR.                 Oh ! je pense Qu'il ne s'y rendra pas : il n'est pas d'homme en France Qui soit plus invité. Chez nous, chaque matin, Trottent les billets doux. C'est un tapage, un train... Mais dans notre antichambre on a beau se morfondre, A personne jamais nous ne daignons répondre ; Et lorsque nous sortons, s'il faut ne rien céler, Nous ne savons encore où nous devons aller. Le hazard nous conduit selon sa fantaisie : Nous visitons Eglé, Célimène, Julie. Et notre seule étude est celle du plaisir. Vrais papillons, en vain on nous voudrait saisir ; Nous choisissons par fois la fleur la mieux éclose, Et nous volons toujours de l'œillet à la rose. ROSETTE. Ton maître est singulier, à ce qu'il me paraît, Et je crois mal aisé de faire son portrait. LAFLEUR. J'espère cependant esquisser son image : Il est insouciant, on ne peut davantage, C'est-à-dire insensible à la peine, au bonheur, Cherchant la vérité, courant après l'erreur, Et n'écoutant jamais l'amour ni la nature...” Laforêt ! Vous voyez l'effet de la lecture : Elle dort tout debout. (riant) Ah ! ah ! ah ! Laforêt ! Quoi ! vous dormez debout, lorsque je lis ma pièce ! Eh bien, vous l'entendez ? Dites mieux, mon enfant, qui soit plus détestable. Oui, je rime si bien que Laforêt sommeille. Vous dormiriez encore, allez vous reposer, Seul avec mon ami je veux ici causer. Eh bien, vous l'avez vu. C'est la simple nature Qui vient de vous juger. Après cette lecture Prétendez-vous encore à mon suffrage ? Vous pourriez, comme un autre, avec du tems, des peines, Arranger une intrigue et filer quelques scènes ; Mais il faudrait d'abord choisir mieux vos sujets : C'est de là seulement que dépend le succès. L'Insouciant ! quel titre ! un pareil caractère Peut fournir tout au plus une esquisse légère. Il n'est qu'épisodique, et pour le bien traiter, C'est au fond du tableau qu'il faut le présenter. Voulez-vous réussir ? Peignez dans vos ouvrages L'homme de tous les lieux, celui de tous les âges Dessinez largement : que de tous vos portraits A Paris, comme à Londres, on admire les traits. Aux Peintres des boudoirs laissez la mignature ; Et soyez, s'il se peut, grand comme la nature. Ce qu'il reste ? Du beau les sources immortelles Ne s'épuisent jamais, et l'esprit créateur Moissonne où glanerait un médiocre auteur. Ai-je peint l'envieux à l'œil cave, au teint blême, Qui se meurt des poisons qu'il distile lui-même ? Et ces nobles altiers, qui, tyrans sous nos rois, De l'humanité sainte ont usurpé les droits ; Qui traînent dans les cours des noms qu'ils déshonorent,     Et, pour mieux s'illustrer, l'un l'autre se dévorent ? Ai-je peint ces traitans qu'on voit avec éclat, Enfler leur cofre-fort des trésors de l'état, Et qui meurent du luxe et martyrs et victimes ? De l'avide joueur ai-je tracé les crimes ?      Ceux de l'ambitieux ? Ceux du vil séducteur, De l'adroit courtisan, de l'ingrat, du flatteur, De mille autres encor, qui brillent, disparaissent, Et tous les cinquante ans expirent et renaissent, Pareils à ces essaims d'insectes qu'au printemps La chaleur renaissante éveille dans les champs ? Il faut que je vous laisse. Le voilà, je vous suis. D'après un tel message, Si vous ne m'eussiez point rapporté mon ouvrage, Vous le voyez, parbleu⁎ j'étais joli garçon. NON, ma femme, jamais je n'y consentirai : Ma fille m'est soumise, et je la marierai Selon qu'il me plaira. La cour ! voilà les femmes ! Elles veulent toujours être de grandes dames Et toujours s'élever : ivres d'un vain éclat, Elles ne savent point rester dans leur état. Je n'ai fait qu'indiquer dans une comédie Ce travers singulier ; mais si je m'étudie A le représenter comme il s'offre à mes yeux, C'est vous que je peindrai ; je ne puis choisir mieux : Oui, ma femme, vous même. Nous verrons. Ma femme, vous parlez comme feu Ciceron, Mais quel sera le fruit de votre ambition ? Vous perdrez votre fille : elle est simple, ingénue : Si jamais les grandeurs lui donnent dans la vue,      Elle deviendra vaine, altière comme vous ; Elle mettra sa gloire à nous mépriser tous Et se fera bientôt mépriser elle-même. Et quel est ce marquis ? Dans le siècle où nous sommes, Il est de faux dévots et de faux gentilshommes : Je les ai démasqués ces imposteurs cruels, Qui méditent le crime à l'hombre des autels : Du bon monsieur Tartuffe on se souvient encore, Et si vous me fâchez, craignez tout pour Milflore. Jusques à ce moment de messieurs les marquis Je n'ai peint que les airs. Il court de certains bruits Que Milflore est de ceux dont la coupable adresse Usurpe les honneurs qu'on doit à la noblesse. Qu'il tremble : avec le temps chacun aura son tour, Et je puis peindre aussi les tartuffes de cour. Vous voulez donc qu'il soit de qualité ? J'y consens ; mais sachez une autre vérité Beaucoup plus importante, et vous perdrez l'envie De voir bientôt ma fille avec Milflore unie. Pour rendre fortuné le lien conjugal, Il faut, tant que l'on peut, épouser son égal. Georges Dandin le prouve avec clarté : je pense Y montrer les dangers d'une mésalliance. Cette pièce vous donne une bonne leçon : Profitez-en. Soit ; mais je ne veux point d'un marquis pour ma fille ; Un marquis n'entrera jamais dans ma famille. Je sais que Baron l'aime, et qu'elle aime Baron, Et je le lui destine. Et pourquoi, s'il vous plaît, la forcer au silence ? Une mère doit-elle user de violence ? Elle raisonne juste ; il est permis, je crois, Lorsque l'on n'a point tort de défendre ses droits. Ce trait⁎ est si naïf⁎, que j'en veux faire usage, Et je le placerai bientôt dans quelqu'ouvrage, Poursuis, ma chère enfant. Laissez-la s'expliquer ; Votre fille vous aime et ne veut point manquer A ce qu'elle vous doit. Ma toux vient par accès, Ne le savez-vous pas ? elle me laisse en paix Souvent une heure entière, une demi-journée ; Et comme j'ai toussé beaucoup la matinée, Je suis calme, ce soir, et mon rôle ira bien. Madame, la Duparc remplira votre place : Elle sait votre rôle. Qu'entends-je ? Ma foi ! c'est me réduire à vous crier merci⁎. Un médecin ! ma femme ! O ciel ! quelle incartade N'est-ce donc pas assez pour moi d'être malade ? Prenez pitié de moi. Qu'est-ce, mon cher Baron ? vous paraissez rêveur. Et quel est le malheur Qui fait naître chez vous cette mélancolie ? Daignez me l'expliquer ; votre ami vous en prie. Oui, c'est un comédien Pauvre, à la vérité, mais honnête homme. Mon camarade ! ô ciel ! Qu'il vienne, qu'il paraisse ! Doute-t-il que je l'aime ? Si je le veux ! sur l'heure. Je vous entends, Baron, et je serai discret. Cacher le bienfaiteur, c'est doubler le bienfait. Eh ! bien, de ses besoins donnez-moi connaissance ; Qu'est-ce qu'il lui faudrait ? Très-chers. Quels sont ses rôles ? Il faut les lui porter. De ma part: les voilà. Puis, il faut ajouter Ces vingt-cinq de la vôtre. De l'obliger⁎ aussi te voilà donc jalouse ? Oh ! que j'aime à te voir ces généreux desirs ! Je conçois à quel point elle vous intéresse⁎ : Vous pourrez en parler, mais dans un autre instant. Songez que, près d'ici, Mondorge vous attend, Et qu'il faut, avant tout, soulager l'infortune. Attendez ; j'ai dessein De joindre un habit neuf à la modique somme Que va, de notre part, toucher cet honnête homme. Si j'en crois mes soupçons, il n'est pas trop vêtu, Et le froid n'a jamais respecté la vertu. L'habit qu'on m'apporta la semaine dernière, Est d'une bonne étoffe, et doublé de manière, A résister long-temps aux rigueurs des saisons, Sans faire à Laforêt connaître mes raisons, Dites-lui qu'à l'instant je veux qu'elle le donne A notre pauvre ami, que c'est moi qui l'ordonne. Que de délicatesse et de discrétion Il vient de nous montrer ! et combien l'un et l'autre Vous m'avez enchanté ! Loin de lui faire un crime De son ardeur pour vous, je l'aime, je l'estime Plus que jamais, ma fille ; et je veux qu'aujourd'hui Un fortuné lien vous unisse avec lui. Et que m'importe, à moi, que sur tout elle glose ? Le marquis, dont sans cesse elle vante le nom, Montre-t-il, après tout, les vertus de Baron ? Aurait-il d'un ami prévenu la misère ? Mondorge est malheureux. Baron le traite en frère, Et sans l'humilier, il vole à son secours. Que de tels procédés sont rares de nos jours ! Le pauvre est dédaigné. Ce n'est que la richesse, Le rang ou le crédit, qu'on loue avec bassesse, Et l'on me blâmerait de peindre ces travers ? Vous n'êtes pas au bout : tremblez, hommes pervers ! Demande singulière ! Allez ; point de relâche et qu'on se tienne prêt. Je vous suis à l'instant. Ma fragile santé Chaque jour, j'en conviens, s'affaiblit davantage ; Mais de l'humanité les maux sont le partage ; Il faut les supporter ; il faut savoir souffrir, Et l'on vit seulement pour apprendre à mourir. … Eh ! bien soit : terminons ces douloureux débats. Je le voudrais en vain. Ecoute moi, te dis-je, Et ne m'interromps pas d'un seul mot, je l'exige : Né de parens obscurs, dès mes plus jeunes ans, J'eus l'amour de la gloire ; et de mes seuls talens, Je voulus emprunter toute ma renommée. Un conquérant l'obtient en guidant une armée, Et chef de comédiens, par de joyeux écrits Je me rendis célèbre, avant d'être à Paris : J'aurais vu, cependant, mes tristes destinées A deux ou trois succès obscurément bornées, Si l'on ne m'eût aidé, si l'amour de mon art N'eût de même enflamé la Duparc, la Béjart, Lagrange, la Debrie et plus d'un autre encore Dont l'amitié m'est chère autant qu'elle m'honore. Ces acteurs renommés, l'un de l'autre rivaux, Ont acquis quelque bien ; mais ceux que mes travaux⁎ Soutiennent chaque jour et chaque jour font vivre, Ceux qui manquent de tout, faut-il que je les livre Au besoin, qui souvent naît d'un pénible emploi ? Tous ces infortunés sont pères, comme moi ! Leur sort est dans mes mains, et par ma négligence Dois-je de leur famille augmenter l'indigence, Et les priver, enfin, du prix de leurs efforts ? Ah ! ne m'expose pas à sentir un remords. …. Obliger⁎ des sa bourse Est un petit mérite ; et l'homme sans ressource A des droits infinis sur les cœurs généreux. Ce n'est pas l'argent seul qui sert les malheureux, Ma fille : on donne plus quand on a l'ame bonne ; Payer de ses talens, payer de sa personne, Voilà, dans ce moment, quel est mon vrai devoir. Encore un embarras ! “Vous savez, mon cher Molière, que je travaille depuis long-temps à votre portrait ; l'amitié qui nous unit, et votre grande réputation me faisaient une loi d'y mettre tout le soin dont je suis capable, et cette loi a été ma règle unique : je l'ai achevé, enfin, et si vous voulez m'attendre chez vous aujourd'hui, je vous le ferai porter, afin que vous m'en disiez votre avis.Ce n'est jamais en vain que je vous ai consulté sur mes ouvrages. Si vous trouvez à redire à celui ci, je le retoucherai et vous prouverai par ma docilité les sentiments respectueux et tendres que vous m'avez toujours inspirés”. Pour attendre Mignard, Je ne resterai point. Qu'on aille de ma part Le lui faire savoir. Ma fille, vous avez sur moi beaucoup d'empire ; Quand vous avez voulu me retenir ici, Je vous ai refusée et votre mère aussi ; Et, pour voir si Mignard m'a peint d'après nature, Je resterais ? non, non ; ce serait faire injure A ma fille, à ma femme, et je connais leurs droits ; Ainsi que l'amitié, la nature a ses loix. Eh bien ! il faut que j'aille à mon tour la prêcher. Toujours me contrôler ! Je lui ferai connaître Si l'on remplit ainsi les ordres de son maître… Répétez, cependant, la scène où, de tous deux, Quand je feins d'être mort, en regrets vertueux S'exhale la douleur et touchante et sincère : Il faut la bien savoir ; rien n'est plus nécessaire. Eh quoi ! vous hésitez ! vous oubliez sitôt ?... Etudiez, mon cher, vous serez sans défaut. Quelle cruelle toux ! Je vous quitte un moment Pour aller embrasser mon ami, qui voyage ; Continuez tous deux d'embellir mon ouvrage. Mondorge part content, et je le suis moi-même. J'ai rempli mon devoir envers l'ami que j'aime ; Mais un autre me reste. Avez-vous répété ? Baron est encore affecté De quelque grand chagrin. Sans doute⁎. Quand on fait son devoir, qu'est-ce que l'on redoute ? Le devoir avant tout. Lorsqu'on a quelques droits à des lauriers nouveaux, Et qu'on n'est pas encore au bout de sa carrière, On pourrait lâchement retourner en arrière ? Non, non ; je ne suis point de ces faibles esprits Qu'appaise un peu de gloire obtenue à vil prix : La gloire est une soif qui toujours me dévore, Et je voudrais, mourant, m'en abreuver encore. Ce n'est pas que je tende au puéril honneur D'être par-tout cité comme un sublime auteur : Non. Je veux, méprisant une vaine fumée, Devoir à la vertu toute ma renommée. D'ailleurs, mes chers enfans, ensemble nous jouerons ! Vous serez près de moi ; qu'ai-je à craindre ? partons. Oh ! quel nouveau supplice ! Morbleu⁎ ! que vous importe ? Si je souffre, tant mieux. De quoi vous mêlez-vous ? Voulez-, qu'à la fin je me mette en courroux⁎ ? Aisément, pour cela, ma force se ranime. Eh bien ! entre mes bras Jettez-vous, mon ami. Si le ciel l'abandonne, Et s'il meurt aujourd'hui, Molière vous pardonne ; Mais je ne mourrai point. Dissipez votre effroi : Le ciel n'est point injuste; il veillera sur moi. Vous, qui de la raison entendez le langage, Loin de vouloir l'éteindre, enflamez mon courage ; Je dois, par mes travaux⁎, soutenir mes acteurs, Faire trembler le vice et réformer les mœurs. O combien de vos soins je suis reconnaissant ! Ma fille, la douleur, sous son bras tout-puissant,      Vient de courber ma tête. Un intérêt si tendre, Le plaisir de vous voir, celui de vous entendre, Tout fait rentrer l'espoir dans mon cœur alarmé. Pour vous aimer encor, je me sens ranimé. Mais où donc est Chapelle ? Ah ! pardon, ma paupière Ne peut que par dégrés s'ouvrir à la lumière. Pardon, mon cher ami, je ne vous voyais pas.... Et ma femme, en ces lieux, n'a point porté ses pas ? Ah ! puisse-t-elle Ignorer mes tourmens ! Dans l'excès de son zèle⁎ Elle m'accablerait de reproches. Je veux Epargner, s'il se peut, des chagrins à tous deux. D'ailleurs, mon accident n'a rien que je redoute, Et sur ma guérison je ne suis plus en doute : De vos soins, mes amis, elle sera l'effet.     Mais, qui frappe si fort ? Vois un peu, Laforêt. Oui, j'espère demain remonter sur la scène : Ma force est revenue, et ma tête est plus saine. Qu'il entre comme ami, non comme médecin. Le grand art d'Hypocrate est sans pouvoir sur moi, J'en conviens ; mais toujours à l'amitié fidèle, Mon plaisir le plus doux fut de vivre pour elle. Dites moi donc comment vous vous portez. Vos enfans, votre femme ? Vous aviez un procès de grande conséquence. Quand le jugera-t-on ? Votre fille est aimable : un époux Lui conviendrait, je crois ; vous en occupez-vous ? Ah ! nous sommes perdus, s'il se met en courroux⁎. Rien n'est plus dangereux qu'un docteur en colère. Oui, j'aime sa franchise. Me guérir ! et comment ? Saignaré, purgaré. Et clistérisaré. A merveille, docteur ! l'ordonnance est hardie. Est-ce que nous jouons encor la comédie ? Et faites-vous ici le rôle de Purgon ? Vous y réussirez; vous prenez son jargon, Et même, en ce moment, vous avez sa figure : Vous le représentez, ma foi ! d'après nature. Eh bien mon cher docteur, il n'est plus temps de feindre. Vous savez ce qu'un jour je répondis au roi Qui me parlait de vous. Je suis de bonne foi, Et, sans y rien changer, je vais vous le redire : “Suivez vous ses avis ? –Non, repliquai-je, sire ; Et je guéris toujours”. Je pense qu'aujourd'hui Il en sera de même. Un doux espoir m'a lui Dès que j'ai vu ma fille, et ce cher camarade S'intéresser à moi. Puis-je être encor malade ? De tout ce qui m'est cher, je me vois entouré. C'est le cœur qui fait vivre, et par lui je vivrai. C'est bien parler ; et pour le coup je pense Qu'enfin il vous échappe une bonne ordonnance. Conduisez-moi, ma fille ; et vous, mon cher Baron, Restez pour recevoir ma femme : il serait bon      De lui cacher l'état où son époux se trouve. Malgré son humeur brusque, elle m'aime, et j'éprouve Un chagrin si réel, quand je la vois souffrir, Qu'à ses yeux, maintenant, je craindrais de m'offrir. Je suis peu loin, je crois, de mon heure dernière ; Imitons le soleil au bout de sa carrière ; Lançons des traits⁎ plus vifs : aux pâles envieux Que mon dernier regard fasse baisser les yeux. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_la-moliere-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_lamoliere1802 Du bon vin ! du bon vin ! voilà comme vous êtes ! Boire et passer vos nuits dans les jeux, dans les fêtes ; Voilà votre méthode, et c'est graces à vous, Que je te touche au moment de perdre mon époux. Je le vois chaque jour dépérir et s'éteindre. Les plaisirs de la table N'ont jamais rien valu pour sa faible santé. Il était au régime ; avec soin apprêté, Un lait doux humectait sa poitrine affaiblie ; Vous vous êtes mocqué de son genre de vie : Vous l'avez fait manger et boire autant que vous, Et, dans cet instant même, une incurable toux Le tourmente, l'oppresse, il en perd la parole, Et je viens de le voir balbutier son rôle, Et, contre son usage, obligé de s'asseoir. Vous savez cependant qu'il doit jouer ce soir. Quel discours ! vous parlez comme un franc libertin. M'injurier chez moi !... quelle audace insensée ! Moi, je me fâcherais ! et pourquoi, je vous prie ? Votre raison, monsieur, à chaque instant varie : Vous êtes si souvent à la perdre exposé ! Chapelle a t-il raison ? je veux être maîtresse, Commander en ces lieux ; mais, Molière sans cesse Ne veut-il pas user d'un suprême pouvoir. Et me faire, dit-il, rentrer dans mon devoir ? Qu'il cède, quelquefois, je cèderai. Qu'entends-je ? C'est ma fille. D'où vient cette pâleur étrange Qu'on voit sur votre front ? Molière est-il plus mal ? Rassurez-vous, ma fille, Il faut qu'il y renonce et qu'il se déshabille. Votre père m'est cher : je ne souffrirai⁎ pas Qu'au trépas il s'expose en feignant le trépas. Son rôle est fatiguant, et tout me persuade Qu'il faut se bien porter pour faire le malade. Je veillerai, vous dis-je, au salut de ses jours. Vous-même renoncez à de folles amours Dont je suis informée, et songez, pour me plaire, Qu'il vous faut obéir en tout à votre mère. Oui, oui, mademoiselle, Je connais votre humeur indocile et rebelle ; Mais je saurai bientôt vous mettre à la raison. M'oserez-vous nier que vous aimez Baron, Et qu'il ressent pour vous une égale tendresse ? Vous en convenez ? Soit ; mais ignorez-vous qu'orgueilleux à l'excès, Il pense que lui seul doit avoir des succès ? Que nous sommes toujours d'un sentiment contraire, Et que dix fois le jour il me met en colère ? Lui-même avec plus d'art ne pourrait s'excuser. Vous songez en secret peut-être à l'épouser ? Eh bien ! je vous défends de nourrir dans votre ame Un espoir qui m'offense, et d'écouter la flame Qu'au mépris de mes droits il a fait naître en vous. Je viens de vous choisir, d'ailleurs, un autre époux. Le marquis de Milflore est épris de vos charmes ; Sitôt qu'il vous a vue, il a rendu les armes ; A vous plaire, en un mot, tous ses vœux sont bornés. Pourquoi non ? Il m'a fait les plus vives instances : Il vous aime, et l'amour rapproche les distances. Il est sûr d'obtenir bientôt mon agrément. Oui, vraiment. On vous appellera madame la marquise. Vous aurez un hôtel, un nom. Je suis surprise Que vous ne sentiez pas l'excès d'un tel honneur. Riez de sa folie. Votre père voit mal... Ah ! s'il avait mes yeux !... De votre père, en dot, vous porterez la gloire. Molière s'est rendu fameux par ses écrits : Il tient le plus beau rang parmi les beaux esprits : Ses ouvrages ; voilà ses titres de noblesse. Eh bien ! Il faut aller le trouver de ce pas. Suivez-moi ; je prétends que vous m'aidiez vous-même A lui faire agréer Milflore, qui vous aime. FIN DU PREMIER ACTE. Mais songez donc, Molière, Que ma fille aux honneurs s'ouvrira la carrière, Et que l'hymen s'unit avec le tendre amour Pour la faire bientôt parvenir à la cour. Songez qu'incessamment... Et vous ferez, je gage Une pièce ennuyeuse, un détestable ouvrage. Et pourquoi blâmer l'ambition Que je vous fais paraître en cette occasion ? Elle est noble, elle tend au bonheur de ma fille. N'a-t-on pas vu cent fois d'une obscure famille Les humbles rejettons, par le sort transplantés, Eux-mêmes s'étonnant de leurs prospérités, Briller modestement à la première place, Et leur éclat s'étendre aussi loin que leur race. Quelle obstination ! Puisque le marquis l'aime, Et puisqu'il est honnête, elle en prendra les mœurs, Et sera de la sorte à l'abri des censeurs. Avec plus de respect parlez d'un homme illustre De qui les seuls ayeux font la gloire et le lustre. Les bruits qu'on a semés sont faux : avec le Roi Il chasse, m'a-t-on dit, et je suis sûre, moi Que personne, à la Cour, n'a plus de droits peut-être D'obtenir la faveur et l'oreille du maître, Et qui… Ma foi, je n'y vois rien de bon. Eh quoi ! ce fanfaron Qui, fier de son talent, méprise tout le monde ? Taisez vous. Qu'a-t-elle encore à dire ? Je souffre le martyre Puisque vous la servez de tout votre pouvoir, J'ai des droits qu'à mon tour je veux faire valoir : Qu'elle épouse Milflore ou Baron, peu m'importe ; Je ne m'en mêle plus. Ma crainte la plus forte Est que vous ne tombiez malade gravement ; Si toujours dominé par votre entêtement, Vous jouez aujourd'hui dans votre comédie. Votre santé n'est pas assez bien rétablie Pour le rôle d'Argan. Ainsi je vous prévien Qu'aujourd'hui je renonce à jouer dans le mien. Quant à moi je renonce à jouer dans le mien. Eh bien ! qu'elle le fasse ! Qu'elle soit de vos maux et complice et témoin ! Ne pouvant l'empêcher, d'un plus utile soin Je me vais acquitter : on m'a dit la demeure Du docteur Mauvilain. Dans une heure Et peut-être plutôt, vous le verrez ici. Vous avez beau railler. Non, non ; un médecin... mais qu'est-ce que je voi ? Baron ! je ne saurais supporter sa présence : Sortons ; chez le docteur allons en diligence. Pleure, pleure, ma fille, à ta douleur sincère Je viens mêler la mienne. Il est trop vrai, ton père… **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_isabelle-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_isabelle1802 Ah ! je crains qu'il ne touche à son terme fatal. Plus que jamais il souffre, et j'en suis désolée. Je le quitte à l'instant ; sa toux est redoublée, Et ce qui doit sur-tout combler mon désespoir, Il s'y montre insensible, et pour jouer ce soir Il vient de s'habiller. C'est mon vœu le plus cher. A vos ordres soumis, Mon cœur, sans votre aveu, s'est-il jamais permis De former un desir ? Non. Sans doute⁎ il m'intéresse, Mais je ne savais pas que ce pur sentiment Fût un crime à vos yeux, et même en ce moment, J'ai peine à concevoir qu'il puisse vous déplaire. Baron, depuis long-temps, est l'ami de mon père ; Il est son camarade, et son talent d'acteur Prête un charme de plus aux talens de l'auteur : Mon père l'a formé, mon père l'idolâtre Et fonde sur lui seul l'espoir de son théâtre. L'orgueil est un défaut ; mais un grand comédien Est homme comme un autre et peut avoir le sien. Baron fait un emploi qui le rend excusable. Des conquérants, des rois l'orgueil est pardonnable ; A les représenter, Baron accoutumé, En héros quelquefois se croyant transformé, Conserve leur fierté même hors de la scène, Et n'en a point, je pense, une ame plus hautaine. Eh quoi ! c'est un marquis, que vous me destinez ? J'abandonnerai donc le théâtre ? Des titres si pompeux ne font pas le bonheur ; Et mon père, d'ailleurs, n'aime pas qu'on s'allie A de plus grands que soi. On peut me demander quels furent mes ayeux, Quelle est ma dot. Jamais on n'en doit faire accroire. Mon père, de Baron, approuve la tendresse ; Et je crains qu'à vos vœux il ne consente pas. Votre refus, toujours, sur son orgueil se fonde ; Mais, madame, mon père a des talens aussi, Dont il peut être fier, puisqu'ils ont réussi, Et lorsque vous l'aimiez, quand le nom de Molière Surprit et captiva votre âme toute entière, Si l'on vous eût offert un Marquis pour époux, Auriez-vous, sans regret, renoncé... Madame, j'ai tout dit. Et de la mienne douze. Il me reste l'argent de mes menus plaisirs, Puis-je mieux l'employer ? D'ailleurs je vous imite, Et faire son devoir n'est pas un grand mérite. Cet éloge est le vôtre : O mon père ! c'est vous, vous qui le méritez : Vos exemples, par nous, viennent d'être imités :      C'est vous qu'il faut louer. Si ma mère, pourtant, à cet hymen s'oppose... Quoi ! mon père, en effet Vous jouerez aujourd'hui, lorsqu'avec tant de peine Je vous ai vu tantôt⁎ répéter votre scène ? D'une cruelle toux votre organe affecté M'inspire une frayeur... Non, vous ne jouerez point ; non ; j'ai trop d'épouvante Pour vous laisser sortir. Votre fille tremblante Vous conjure à genoux de rester en ces lieux. Ecoutez mes terreurs comme un avis des cieux Qui veulent conserver un père à sa famille ; Ils ne trompent jamais, et sur-tout une fille. … Ils seront terminés, si vous ne jouez pas. En pouvez-vous connaître ? Ainsi mes pleurs sur vous n'auront aucun pouvoir ? Je vous dois mon bonheur, et c'est le compromettre Que d'aller… Eh quoi ! lorsqu'il desire.... « O ciel ! quelle infortune ! quelle atteinte cruelle ! hélas ! faut-il que je perde mon père, la seule chose qui me restait au monde, et qu'encore, pour un surcroît de désespoir, je le perde dans un moment où il était irrité contre moi ! Que deviendrai-je, malheureuse ! Et quelle consolation trouver après une si grande perte ? » « SCENE XXI, du Malade Imaginaire. Hélas ! je pleure tout ce que, dans la vie, je pouvais perdre de plus cher et plus précieux : je pleure la mort de mon père. Ah ! Cléante, ne parlons plus de rien : laissons-là toutes les pensées de mariage. Après la perte de mon père, je ne veux plus être du monde ; et j'y renonce pour jamais. Oui, mon père, si j'ai tantôt⁎ résisté à vos volontés, je veux suivre du moins une de vos intentions, et réparer par là le chagrin que je m'accuse de vous avoir donné. » Soyez moins étonné : sur ce père que j'aime, J'ai des pressentimens qui me glacent d'effroi. Il souffre, il est malade ; et je ne sais pourquoi Je crains que, dès ce soir, la mort ne nous l'enlève. Eh peut-on sur ce point rien obtenir de lui ? Il vient de rejetter mes vœux et mes prières. Ah ! monsieur le docteur, Qu'à propos vous venez ! Une toux obstinée L'a fait beaucoup souffrir toute la matinée. Il faudrait lui donner quelqu'ordonnance. Vous l'entendez ? Oui, mon père. Son zèle⁎ doit vous plaire. Laissez-moi, laissez-moi, je n'ai plus qu'à mourir. Je viens de voir mon père à son dernier soupir, Et sa fille, s'il meurt, n'aspire qu'à le suivre. Je n'espère plus rien. Ciel ne m'épargnez pas, Si mon père, en ce jour, doit subir le trépas, Et terminez aussi ma trop longue carrière ! Le portrait de mon père ! Ah ! qu'on offre à mes yeux Sans tarder un moment un don si précieux. C'est mon père ! c'est lui ! dans mon malheur extrême Je puis encor le voir !... De grace laissez-moi Seule avec ce portrait. O respectable image ! Toi qui m'offres les traits du père le plus cher, Mes larmes devant toi peuvent donc s'épancher ! Le sort va me ravir ce père que j'adore : Tu me restes, par toi je le revois encore, Et je puis, à mon gré, t'exprimer mes douleurs ! Que ne peux-tu, sur toi, sentir couler mes pleurs ! Entendre mes soupirs, Et leur répondre, même ! D'autres vont t'admirer, moi je fais plus, je t'aime, Et je voudrais jamais ne m'éloigner de toi. O portrait révéré ! sois toujours avec moi ! L'amitié te créa pour calmer ma souffrance. En proie à tous les maux, n'ayant plus d'espérance, Sans doute⁎ à ma tendresse un miracle était dû. Tel qu'il est dans mon cœur, le pinceau l'a rendu. Ah ! !! ce mot a suffi pour me donner la mort. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_chapelle-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_chapelle1802 Le voilà, mon ami, votre ouvrage est divin. Je m'étais figuré d'abord que vos écrits Fourmillaient de défauts, mais j'en sens tout le prix, Depuis que j'en ai fait à tête reposée Un examen suivi. Votre prose est aisée ; Vos caractères, vrais, comiques, amusans, Et vous offrez par-tout des traits⁎ neufs et plaisans. Je voudrais pour beaucoup avoir votre génie. Quoi qu'en dise des sots la tourbe réunie, Votre bon homme Argant m'a sur-tout enchanté : Il se croit bien malade et crève de santé. Et cette belle-mère intéressée, avide ; Que j'aime à voir les traits de son âme sordide Si bien représentés ! Votre Diafoirus M'amuse infiniment par son docte Phœbus. Votre Purgon me charme, et dans cette peinture J'ai par-tout admiré le ton de la nature. Il n'y faut rien changer. Pas un mot. Comment ! expliquez-vous ? Il est vrai que Madame N'est pas douce ; mais moi, je m'amuse de tout. De moi-même je ris quelquefois; c'est mon goût. Boire la nuit, dormir la grace matinée, A rien ne réfléchir, vivre au jour la journée, En deux mots me voilà. Sans projet ni chagrin, J'entends tout, je vois tout avec, un front serein; Parlez donc franchement. Est-ce que mon ouvrage Vous a paru mauvais ? Et de votre suffrage Me faudrait-il passer tout-à fait ? Je n'ai pas, comme vous, l'art de peindre à grands traits, J'en conviens ; cependant il faut être équitable. Votre genre peut-être est le seul véritable : Si j'en crois néanmoins de célèbres auteurs, De plus d'une manière on corrige les mœurs ; Et, sans vous ressembler, ou marcher sur vos traces, J'ai pu, tout comme vous, sacrifier aux graces. Consulter Laforêt ! quel bizarre dessein ! Il serait hazardeux De tenter cette épreuve : elle est accoutumée A ce qui vient de vous ; et votre renommée, Quand vous la consultez, lui fait trouver tout bien. Ne peut-on réussir par un autre moyen ? Cette ruse Me plaît infiniment, et je n'ai plus d'excuse. Ne vous pressez pas trop : par des chûtes exactes Marquez bien chaque vers. J'en veux rire à mon tour ; c'est un excellent trait⁎. (riant). Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! (appellant) Laforêt ! Elle a raison, ma foi ! Tu n'admires donc pas l'ouvrage de ton maître ? Elle le fait paraître. Mais Rosette et Lafleur Sont de la même main. Ce jugement est dur : quelque facilité Brille dans un endroit que vous avez cité ; Et vos rimes sur-tout ont charmé mon oreille. Non. Qu'on se mocque de moi je sens qu'on a raison. Vous ne l'ignorez pas, Molière, ma paresse Ne m'a jamais permis de soigner une pièce, Et d'en approfondir l'intrigue, les tableaux : Je n'ai pas vos talens et sur-tout vos pinceaux. Je suivrais ces conseils par la raison dictés, Mais les sujets majeurs vous les avez traités. Un caractère neuf est devenu si rare ! Les pédans, les fâcheux, l'hypocrite, l'avare, Le Bourgeois Gentilhomme et les tuteurs jaloux, Le Misantrope enfin, qui les surpasse tous… Que reste-t-il encore après de tels modèles ? Il vient de me donner une sage leçon, Je veux en profiter : oui, j'en croirai Molière ; Et je condamne au feu ma comédie entière, Quel pénible métier, que celui d'écrivain ! Il vaut mieux ne rien faire et sabler du bon vin. Comment cela ? De moi vous auriez à vous plaindre ? Je ne le croyais pas. Molière est mon ami, Et ce nœud qui m'est cher, par le temps raffermi, Veut que vous m'expliquiez en quoi je suis coupable. Molière m'a caché... Je suis, de son état, affligé, mais j'espère Qu'il sera peu durable ; et puis la bonne chère Ne fut jamais fatale aux enfants d'Apollon : Horace en est la preuve, ainsi qu'Anacréon. Oui, c'est du vin d'Aï la mousse pétillante, Qui seule peut donner une santé brillante. Je l'éprouve à mon tour ; regardez bien mes yeux : On y voit éclater ce nectar radieux ; Mon visage est empreint de sa couleur vermeille : Le meilleur élixir est celui de la treille. Oh ! non, mais comme un homme ennemi du chagrin. Voulez-vous maintenant que je vous parle en sage ? Ce n'est pas, croyez-moi, le bachique breuvage, Qu'au milieu d'un festin je verse à votre époux, Qui cause ses douleurs et fait naître sa toux ; C'est votre humeur, madame, elle est un peu changeante Elle est impérieuse, et jamais indulgente. Ce discours vous surprend : pardonnez, mais je crois Qu'ami de votre époux, j'ai sur vous quelques droits Et que je puis vous dire une fois ma pensée. Fâchez-vous, j'y consens ; je n'en rabattrai rien. Quand l'ame est en repos, le corps se porte bien. Bon ! le trait⁎ est malin, quoique peu déguisé ; Mais je n'en suis pas moins très-jaloux de vous plaire Et je sors pour calmer votre juste colère : Je vais à votre époux offrir tous mes secours : Pour prolonger les siens, je donnerais mes jours. Non, non, vous resterez. Lorsque vous répétiez, caché dans la coulisse, Je vous ai vu, tantôt⁎, sur vos genoux tremblants Vous soutenir à peine ; et même en ces instants, Vous ne m'annoncez pas une santé bien forte. Vous avez l'air souffrant. C'est moi qui vous ai fait quitter votre régime : Votre femme, tantôt⁎, me l'a dit aigrement ; Et s'il vous arrivait quelque triste accident, On m'en accuserait. Dans sa douleur mortelle, Chacun de vos amis s'en prendrait à Chapelle ; Et quoique je ne sois rien moins que médecin, Chacun me blâmerait ; le monde est si malin ! On dirait hautement : il a tué Molière, Pour l'avoir obligé de vivre à sa manière. Chacun me maudirait ; et vous ne voulez pas Qu'ici vous retenant... Quelle verve ! quel feu presqu'au bord de la tombe… A ses travaux⁎, pourtant, je crains qu'il ne succombe, Je veux, pour son salut, ne rien faire à demi ; Le plus fameux docteur en sait moins qu'un ami. FIN DE L'ACTE II. LAFORET ! Laforêt ! où donc est cette fille ? Quel désespoir pour elle et toute la famille ! Certainement. Je viens d'être témoin d'un triste évènement, Molière était malade, et malgré nos instances, Il a voulu jouer. Votre crainte est fondée : en ce moment fatal, Il est dans un état !... Il va bientôt paraître. Restez ; il est conduit par sa fille et Baron, Et peut avoir besoin de vous dans la maison. A la fin de la pièce, Je l'ai vu pâle et prêt à tomber en faiblesse En prononçant Juro : dès-lors il aurait dû De la scène sortir, et laisser suspendu Un divertissement à sa santé funeste ; Mais, malgré ses douleurs, il continue, il reste : Pour cacher sa souffrance au public assemblé, Il redouble d'efforts, et bientôt accablé, Quand la toile est baissée, il chancelle, il succombe : J'accours, et sans vigueur entre mes bras il tombe, En proie à des douleurs qu'on ne peut appaiser : Un crachement de sang finit par l'épuiser. Mais, j'entends quelque bruit... en ces lieux on l'amène. Un fauteuil ! des coussins. Comme il marche avec peine ! Elle n'est point encor rentrée. Pour nous, suivons ses pas, et, quoiqu'il puisse dire, Allons lui prodiguer nos utiles secours Et tâchons, malgré lui, de prolonger ses jours. Pourquoi ce désespoir ?... Molière encor peut vivre, Et la Parque n'a point encor tranché ses jours ; Espérez tout de l'art, dont les heureux secours... Son ordre est une loi ! Sortons ; ne troublons pas sa douleur davantage. L'infortune est sacrée. Que vois-je ? ô triste effet de la rigueur du sort ! La mère est dans les pleurs : la fille évanouie... Madame, hâtez-vous de la rendre à la vie. Et vous, conduisez-les dans leur appartement. Vous, amis de Molière, et dont en ce moment Je partage la peine, enlevez cette image ; C'est le reste chéri d'un grand homme, d'un sage : Il attend les honneurs qui sont dûs aux talens, Retournons au théâtre, et de nobles accens Faisons-le retentir, en l'honneur de Molière. Couronnons de lauriers une tête si chère, Et qu'une Apothéose y consacre à jamais Ses vertus, son génie et sur-tout nos regrets. Fin de l'Acte III et de la Mort de Molière. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_baron-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_baron1802 Ah ! j'ai sujet de l'être. Vous connaissez Mondorge ? Eh bien ! Il est plus que jamais plongé dans la détresse. Je sais qu'aux malheureux votre cœur s'intéresse, Et je viens vous prier... Il est essentiel Qu'il ne se montre pas. Quand la peine est extrême, On craint d'être importun. Non ; mais si vous voulez être son bienfaiteur... Epargnez la pudeur : Dont son front, à vos yeux, se couvrirait peut-être ; D'une rougeur subite il ne serait pas maître... Il fait son tour de France, Jouant la comédie à Marseille, à Bordeaux : Il dépense beaucoup en habits, en chevaux : Les voyages sont chers. Ceux de rois. Il pourrait avec quinze pistoles Demain se mettre en route. Vous l'entendez, Molière ! Ah ! que ces mots sont doux Pour mon cœur qui l'adore ! Elle est digne de vous ; Sans cesse elle le prouve, et ma vive tendresse... La louange, en effet, doit paraître importune A la vertu modeste ; et je m'en vais soudain⁎ Remettre en votre nom... Ah ! que je suis charmé de la commission ! Je quitte Laforêt ; elle se plaint sans cesse, Que vous ne sentez point le prix de la richesse, Que vous vous ruinez ; et pour vous empêcher… Qu'avez-vous donc, belle Angélique, et quel malheur pleurez-vous ? O ciel ! quel accident ! quel coup inopiné ! Hélas ! après la demande que j'avais conjuré votre oncle de… Pardonnez, vous savez que j'adore Isabelle, Je suis toujours distrait quand je joue avec elle. « Faire pour moi, je venais me présenter à lui, et tâcher, par mes respects et mes prières, de disposer son cœur à vous accorder à mes vœux. Quel naturel ! j'en suis dans un étonnement… Au désordre qui règne en vos sens éperdus, On dirait qu'en effet votre père n'est plus : Ce n'est plus l'art, enfin, c'est la nature même. La même crainte, hélàs ! dans mon ame s'élève. Il faudrait l'empêcher de jouer aujourd'hui. O mon ami ! mon maître ! Pourrais-je m'empêcher de le faire paraître ? Je tremble pour vos jours. Vous savez que d'Argan Le rôle est difficile et sur-tout fatiguant, Et vous vous disposez à le jouer ! Votre devoir n'est pas D'affronter la douleur, d'insulter au trépas. Par des travaux⁎ nombreux la source de la vie, Se montrant chaque jour en vous plus affaiblie, Semble vous commander un utile repos. A vos moindres desirs vous me verrez souscrire. Molière, jusqu'au bout, garde son caractère : Il hait les médecins ; et quand leur ministère Pourrait de ses douleurs alléger le fardeau, Il les plaisante, même aux portes du tombeau. Il voit sans s'émouvoir la fin de sa carrière. Monsieur de Montausier ! Qu'il sera doux pour moi de le remercier ! C'est un républicain ; lorsqu'il vient au théâtre, C'est pour les vieux romains, dont il est idolâtre ; Ennemi des flatteurs, avec vivacité, A la cour du monarque il dit la vérité. Ami de tous les arts, au goût toujours fidèle, De talens, de vertus c'est un vivant modèle. Hélas ! il ne va pas trop bien. Nous le craignons : sa force est presqu'anéantie. Heureusement pour lui qu'il ne voit point son mal, Et qu'il marche, en riant, sur l'abîme fatal. Vous en serez instruit Incessamment, je pense, et de la même crainte Si je ne sentais point aussi mon ame atteinte, J'irais... A quel point votre cœur partage nos alarmes ! C'est vous, Monsieur Pirlon ! Ciel ! Et que venez-vous faire en cette maison ? Assez mal. C'est Tartuffe. En propre original. Ciel ! Isabelle en pleurs ! à quoi dois-je m'attendre ? O ma chère Isabelle ! Chassez de votre cœur cette crainte mortelle, Et souffrez que nos soins... **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_montausier-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_montausier1802 De Molière, toujours, j'estimai les talens, Et la plus juste crainte a passé dans mes sens, Lorsqu'une toux funeste, à la fin de son rôle, A failli tout-à-coup lui couper la parole. Comment va-t-il ? ici, moi-même, exprès je vien Pour le savoir. Tant pis⁎ ! Est-ce qu'il est en danger de la vie ? Ce serait pour la France une perte réelle Que la mort de Molière, et ma frayeur est telle, Qu'ici je resterai jusqu'à ce qu'on m'ait dit S'il est mieux ou plus mal. Non, demeurez : respectons les douleurs Du malheureux qui souffre, et cachons-lui nos pleurs. Qui, plus que le génie, aurait droit à mes larmes ? Quel est cet insensé, qui raisonne si mal ! Tartuffe ! Laissez-moi lui parler : laissez-moi le confondre. On devrait vous punir, au lieu de vous répondre. Est ce ainsi que l'on vient insulter un mourant ? Votre discours m'indigne, autant qu'il me surprend. Oui, j'aime le théâtre, et ne m'en cache pas. J'ai toujours honoré la noble poésie ; Et l'on sait que je hais surtout l'hypocrisie. Mon nom est Montausier. Tout doux : expliquons-nous, de grace, Sans mettre en nos discours de partialité ; Je chéris les beaux arts moins que la vérité. En quoi donc, s'il vous plaît, Molière est-il coupable ? Et quel crime a commis ce génie admirable ? Serait-ce en vous jouant, qu'il a blessé l'honneur. Et lui reprochez-vous son sublime Imposteur ? Mais dans le Misantrope il m'a joué moi-même ; On me l'assure, au moins, et cependant je l'aime, Autant que je l'estime, et loin de l'accabler, J'ai dit qu'à son héros je voudrais ressembler. Oui, monsieur, ses talens ont sur moi tant d'empire, Que de moi-même, enfin, je lui permets de rire, Et s'il peut des humains corriger les travers, Je défendrai toujours et sa prose et ses vers. Je le vois. J'ai cru qu'il le peignait des plus noires couleurs ; Et de vous le prouver il me serait facile. Et pourquoi non, monsieur ? Est-ce un crime à vos yeux Que d'écrire en vers doux, aisés, harmonieux ? Que vous connaissez mal la divine clémence, Si vous imaginez qu'un tendre amour l'offense ! Nommez, nommez, plutôt, la fausse piété, Et l'infâme avarice et l'orgueil indompté, Et l'altier misantrope et ses humeurs bizarres, Et la présomption de ces tuteurs barbares, Qui pensant que pour eux Dieu créa la beauté, La tiennent dans les fers, et dont l'autorité, S'élevant quelquefois jusques à la licence, Pour la première fois fait rougir l'innocence. Voilà, monsieur, voilà les vices, les erreurs Qui peuvent provoquer les célestes rigueurs ; Voilà ceux que poursuit, que terrasse Molière ! Ces monstres, parmi nous, levaient leur tête altière, Au glaive de Thémis, tout fiers d'être échappés D'un joyeux anathême il les a tous frappés : Ils ont senti les traits⁎ de sa verve féconde, Et, comme un autre Alcide, il a purgé le monde. Il n'a point, j'en conviens, cet orgueil doctoral Qui distingue souvent les charlatans en titre : Entre le ciel et l'homme il craindrait d'être arbitre. Il ne vient point armé d'un zèle⁎ doucereux, Saintement abréger les jours d'un malheureux ; Lui faire le procès à son heure dernière, Et du ciel, pour jamais, lui fermer la carrière ; Mais quiconque le lit avec attention, Pourrait-il ne pas voir que son intention Est celle d'un mortel d'une probité rare ? C'est en le punissant, qu'il corrige l'avare : Il fait plus dans Tartuffe : il montre avec clarté Jusqu'où mène l'excès de la crédulité. Et qui n'admire point dans les Femmes Savantes De l'abus de l'esprit ces peintures vivantes, Et ces traits⁎ avec art sur le sexe lancés, Qui lui disent tout haut : Renoncez, renoncez A l'érudition, dont le vain étalage Vous rend plus orgueilleux, sans vous rendre plus sage ? Ainsi parle Molière. On voit sous ses pinceaux Pêle-mêle tomber les méchants et les sots. Le vice, à son aspect, d'épouvante recule. Et ne voyez-vous pas qu'une vertu trop rude, Fatiguante, à la longue, importune les yeux ; Qu'il faut haïr le vice, et non les vicieux ; Et que Molière, enfin, dans cette œuvre admirable, Veut qu'on soit vertueux sans cesser d'être aimable, Que l'on soit indulgent, et que l'aménité Est le premier lien de la société⁎ ? Mais j'entends quelque bruit : sans doute⁎ on va m'apprendre... **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_le-docteur-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_ledocteur1802 Je suis, vous le savez, un ami de Molière, Et, quoique médecin, j'ai souvent le bonheur De le voir, de l'entendre. Moi ! Je m'en garderai bien : il rirait trop, ma foi, Si je voulais droguer sa poitrine oppressée. Un semblable projet est loin de ma pensée. Son état, cependant, m'alarme. Si j'en croi Votre mère, qui sort à l'instant de chez moi, Sa vie est en danger : des symptômes funestes, Depuis deux ou trois mois en menacent les restes. Je voudrais le sauver ; que dis-je ? il est certain Que, s'il refuse encor de voir un médecin, C'est un homme perdu. Je tremble Qu'il ne rentre à l'instant et ne nous voie ensemble ; Il croirait que je viens ici pour le guérir. Assurez-le donc bien qu'il s'expose à périr, Si d'Argan, en ce jour, il veut jouer le rôle. J'ai lu dans Galien et la moderne école      De Salerne... Qu'entends-je ? Il arrive en toussant. Donnez-lui cet avis, il est intéressant. Ma visite n'a pas le bonheur de vous plaire ; Je le soupçonne, au moins. A mon art salutaire Molière n'a voulu jamais ajouter foi. Fort bien. A merveille : je vien... La prochaine séance. Il faudrait... Oui ; mais un autre objet auprès de vous m'attire. Souffrez que mes conseils... Quoi ! je vous vois sourire ! Molière, il n'est plus temps de plaisanter sur nous. Fort bien ; à mes dépens cherchez à vous distraire ; Dans ce joyeux projet je vous ai secondé ; Vous en souvenez-vous ? Par ma science aidé      Vous avez employé nos bizarres formules, Et des mots qui souvent nous rendent ridicules : Mais vous vous portiez bien, et je vous vois souffrir ; Raillez-moi donc ; et moi, je viens pour vous guérir. Il faudrait, sans remise, Vous saigner, vous purger. Prendre au moins un remède. Ah ! quel homme ! il voit peu son extrême danger. Quel plaisir trouvez-vous à me faire enrager ? Molière, je vous aime, et sur ce qui vous touche, Vous essayez en vain de me fermer la bouche. Riez si vous voulez encor de mon sermon. La région du foie et celle du poumon Est chez vous attaquée, et j'ai tout lieu de craindre... Je le desire. Au moins daignez, mon cher Molière, Souffrir⁎ que je vous fasse encor une prière. Le grand air peut vous nuire : il faudrait promptement Aller vous renfermer dans votre appartement, Et là... **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_pirlon-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_pirlon1802 Comment se porte-t-il ? Molière m'a jadis immolé sur la scène ; Je m'en souviens encor, mais je n'ai point de haine. Dieu veut que l'on pardonne à tous ses ennemis ; Qu'à ses moindres devoirs on se montre soumis, Et je viens pour savoir comment va le cher homme. Ah ! tant pis⁎ ! Ses talens qu'on renomme, Et qu'admire sans cesse un monde peu chrétien, Ont pu scandaliser, pourtant, les gens de bien : Molière a, je l'avoue, un talent agréable, Mais de combien d'erreurs il s'est rendu coupable ! On reconnaît, monsieur, que vous êtes du monde, Que sur ses vains plaisirs votre plaisir se fonde ; Et que la comédie a pour vous mille appas. Monsieur le duc, eh quoi ! Un homme tel que vous, en faveur près du roi, Vient chez un comédien, dont l'indiscrète audace Mériterait... Je suis pour mon prochain tout rempli d'indulgence, Et je crois cependant qu'il n'est personne en France, Qui plus que cet auteur ait offensé le ciel. Dans mes discours, monsieur, je ne mets point de fiel. Mais je dois dénoncer un coupable. On fait aimer le vice, en le rendant aimable ; Et Molière, partout, le couronne de fleurs. Quoi ! vous approuveriez les graces de son style ? Je ne dis pas cela ; mais ce qu'en lui je blâme, C'est de les employer à décrire la flame D'un amour tout mondain, et que, dans son courroux⁎, Punit le juste ciel, de notre encens jaloux. J'ai peine à concevoir ce prodige inoui, Et d'un éclat trompeur je vous crois ébloui. Molière, à vous entendre, en attaquant les vies, A tout le genre humain a rendu des services… Je doute, cependant qu'il ait un but moral. Oui ; mais il a rendu la vertu ridicule. Et dans le Misantrope on est fâché de voir Alceste bafoué. Fidèle à son devoir, Alceste le remplit avec exactitude. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_laforet-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_laforet1802 Qu'est-ce ? Oh ! j'aimons bien cela ! Quand vous nous en montrais, je rions tant ! j'écoute Déjà de tout mon cœur. Alle est de vous ? Je grillons de la voir. Lisais. Eh bien ! qu'est-ce ? Pardonnez-nous, monsieur ; mais je n'ons rien compris A tous ces beaux discours, et je sommes d'avis Que vous jettiez au feu toutes ces fariboles. Il faut, pour m'égayer, des choses qui soient droles, Et ce Monsieur Lafleur a trop d'esprit pour moi. Oh ! pour celui-là, non. Ce valet qui reçoit tant de coups de bâton, Par un dieu goguenardqui lui vole son nom Et même son visage, et puis ce maître Jacques Qui change de métier en changeant de casaque ; Ce bon monsieur Jourdain, de noblesse entêté, Dont Nicole se mocque avec tant de gaité, Qui vouliont de la cour imiter les usages : Et Covielle et Scapin voilà les personnages Qui m'amusiont toujours. Eh ! pardine, monsieur Pourquoi le répéter ? J'en sommes bien fâchée, C'est le culot qu'on trouve au fond de la nichée. Encore un coup, monsieur, excusez si j'avons Un tantinet dormi : je nous y connaissons, Et vous n'avez rien fait qui soit moins agréable. Vous avez appellé, je crois. Je sommes dans les transes. Ah ! Monsieur, j'ons bien peur qu'il ne se trouve mal. Ah ! notre pauvre maître ! J'allons le secourir. Et d'où vient son désastre ? Laisserez vous entrer le Docteur Mauvilain ? **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_lesbin-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_lesbin1802 Non, Monsieur. De Mignard, à l'instant on m'apporte une lettre Mignard envoie ici le portrait de Molière. Et Mignard va bientôt venir ici lui-même. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_un-semainier-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_unsemainier1802 On m'envoie en ces lieux pour savoir si Molière Dans sa pièce jouera ? **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_un-garcon-de-theatre-1802 *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_ungarcondetheatre1802 Pour répéter, Monsieur, votre nouvelle pièce, On n'attend plus que vous. Du manuscrit aussi le souffleur a besoin, Et de le demander on m'a commis le soin. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_montausier-apotheose *act_VII *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_montausierapotheose Vous pouvez y compter. Sur le Parnasse ! il est un peu loin de ces lieux. C'est nous en dire assez, je vous entends. Avec bien du plaisir. Lorsque je vois une couronne Au front de cet auteur fameux Et qu'une Muse la lui donne, Cette Muse comble mes vœux. Mais c'est peu que, dans une fête, On lui prodigue ces honneurs, Si la couronne est sur sa tête, Il a des autels dans nos cœurs. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_chapelle-apotheose *act_VII *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_chapelleapotheose OUI, notre ami n'est plus, une crise funeste Vient de trancher ses jours ; mais un espoir me reste, Le génie a le droit de ne jamais périr, Molière vit encor, pourquoi donc tant gémir ? Cessons, amis, cessons de répandre des larmes Et de remplir nos cœurs d'inutiles alarmes. Molière vit encore, au lieu de le pleurer, Par un tribut plus noble il le faut honorer. Je viens d'imaginer une innocente fête Que, tout près de ces lieux, par mon ordre on apprête, Et pour la célébrer vous vous joindrez à moi. Pour rendre à sa mémoire un solemnel hommage, J'ai fait, sur le Parnasse, élever son image. La maison d'un poëte est le temple des Dieux. Et Molière, d'ailleurs, n'a-t-il pas son théâtre, Où ces divinités, dont on est idolâtre, Où Mercure, Momus, les Muses, Apollon, Apparaissent, par fois, comme au sacré valon ? Ici, vous allez voir, graces au machiniste, Tout le Pinde assemblé. Mais soyez donc moins triste. Oui, j'aime de Baron le courageux transport⁎ ; Entrons-nous dans la vie, entrons-nous dans la mort, Formons-nous les liens d'un tendre mariage ? Un prêtre est toujours là, qui vient, selon l'usage, Nous unir, nous bénir, nous donner des leçons… Passons. Vous brûlez d'épouser la fille de Molière Vous l'aurez : il m'a dit à son heure dernière… Tout espoir ! arrêtez ; Ses moindres vœux, par moi, seront exécutés, De votre destinée il m'a rendu l'arbitre : Mais à son amitié Mignard eut plus d'un titre, Je le vois qui s'avance et qui vient avec nous… Vous l'avez fait revivre : C'est à tort que votre ame à la douleur se livre. Je l'ai vu, ce portrait, ce chef-d'œuvre nouveau Qu'a tracé de Mignard le sublime pinceau. Quelle grace ! quel feu ! tout Molière y respire. Des dévots, à ce point, manquent de charité ? Raison de plus, amis, pour lui rendre l'hommage Que de nous, en ce jour, réclame son image. Un célèbre sculpteur, le premier de son art, Emprunta l'autre jour le portrait de Mignard ; Ce tableau l'enflama ; d'une main noble et fière Sur le marbre il rendit tous les traits de Molière, Couronnons ce marbre. Les talens de Molière ont droit à nos suffrages ; Les Muses, par leurs chants, acquitent nos hommages, Mais, je rougirais trop d'oublier ses vertus, Et pour les célébrer j'ai fait trois impromptus. Allons, mon cher Baron, plus de mélancolie, Et joignant votre voix à la voix de Thalie, Du charme qui leur manque, embellissez mes vers. Vous, si vous desirez d'augmenter nos concerts, Tenez, monsieur le duc, un couplet doit suffire, Pour rendre clairement ce que le cœur veut dire. Aurez-vous la bonté de chanter celui-ci ? Je vais chanter aussi. Molière, à l'amitié fidèle, Toujours en sentit le pouvoir ; C'était peu : martyr de son zèle⁎, Il meurt pour remplir son devoir. Cher aux filles de l'harmonie, Son nom est partout répandu ; Il faut des lauriers au génie, Et plus encor à la vertu. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_baron-apotheose *act_VII *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_baronapotheose Tout nous en fait la loi. Et comment voulez-vous que j'oublie aujourd'hui Les nœuds chers et sacrés qui m'attachaient à lui ? Molière fut mon maître, il me donnait sa fille, Par les plus doux liens, j'entrais dans sa famille, Et je lui devais tout : que dis-je ? ses vertus Tenaient ses ennemis à ses pieds abbatus. Ils vont se relever, insulter à sa cendre, Et dans la tombe, en paix, il ne pourra descendre. Le sombre fanatisme et le farouche orgueil, Lui refusent déjà les honneurs d'un cercueil : Et celui dont la Grèce eût fait l'apothéose, Ne peut avoir d'asyle où sa cendre repose. Vengeons-le, mes amis, à ce noble mortel, Au défaut d'une tombe élevons un autel ; Plus sages, plus heureux que nos faibles ancêtres, Sachons mourir enfin sans le secours des prêtres. Ah ! je perds tout espoir. J'était né dans la foule obscure, Et Molière, par ses leçons, M'apprit à rendre la nature ; Je suis un de ses nourissons. Par elle j'obtiendrai peut-être Quelque gloire, dans l'avenir, Quand on a Molière pour maître, Pourrait-on ne pas réussir ? **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_mignard *act_VII *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_mignard Moi, je viens, mes amis, le pleurer avec vous. Molière ne vit plus !... Son talent sur mon cœur a le plus doux empire. Que n'a-t-il pu de même enchaîner les méchants Jaloux de son repos, à ses derniers instants ; Qui, même après sa mort, par leurs cris fanatiques Veulent épouvanter ses mânes poétiques : Les dévots sont en feu : déjà de toutes parts Ils courrent dans la ville, avec des yeux hagards. Monsieur l'abbé Pirlon, leur disciple fidèle, Qui de monsieur Tartuffe a fourni le modèle, Soulève contre lui tout le peuple irrité. Le prélat de Paris ne veut pas qu'on l'enterre ; Il ne veut point couvrir son corps d'un peu de terre ; Et des auteurs sifflés, le burlesque troupeau, D'épitaphes sans sel barbouille son tombeau. Oui, mais de monsieur Pirlon Qui le vengera ? L'exemple de Chapelle est excellent à suivre ; Il fait des impromptus qui valent un gros livre ; Et sans avoir reçu le souffle d'Apollon, Je vais suivre ses pas dans le sacré valon.     Vous voyez que la troupe est fière D'avoir célébré les talens ; Mais vous ne verrez point Molière Rentrer au nombre des vivans : Qu'au vain espoir qui nous énivre Succède un sentiment plus doux, C'est vous qui le faites revivre, Notre maître aujourd'hui, c'est vous. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_apollon *act_VII *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_apollon Qui ? les Muses, Apollon. Quel autre s'illustra par de plus grands services ? A l'exemple des dieux, il fit la guerre aux vices ; Il amuse, il instruit : gracieux et savants, Ses ouvrages, des mœurs, sont les tableaux vivants. Comme il peint à grands traits les enfans d'Esculape ! Aucun de leurs défauts à sa gayeté n'échappe ; Ni leur petit savoir, caché sous de grands mots, Ni leur talent surtout pour attraper les sots ; Et quoi qu'on m'ait nommé dieu de la médecine, J'admire les portraits où sa main les dessine, Et je ris le premier des travers de Purgon. Je ris, lorsqu'empruntant le mystique jargon, Il offre le miroir au perfide hypocrite, Qui, de s'y voir honteux, et s'indigne et s'irrite, Et qui, toujours à craindre et toujours rugissant,     Se débat sous les coups d'un vainqueur tout-puissant : Telle autrefois ma main, conduite par la gloire, En terrassant Pithon, dédaigna sa victoire. Ma voix a rassemblé les Muses en ces lieux Pour élever Molière au rang des demi-Dieux. Celle que vous voyez avec une couronne, Et que toujours, des ris, le cortège environne, C'est Thalie : elle vient par un hymne flatteur, La première, fêter notre immortel auteur. Molière a peu souvent fréquenté Melpomène ; Mais de Racine, amis, sur la tragique scène, C'est lui qui, le premier, guida les pas tremblants, Et Paris, de Baron, lui devra les talens. Un Racine ! un Baron ! quels trésors pour la France ! Pour le chanter aussi, Melpomène s'avance. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_melpomene *act_VII *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_melpomene Molière n'eut point l'avantage D'agiter mon noble poignard, Il fit peut-être davantage, Il forma les maîtres de l'art. C'est en vain, ma chère Thalie, Que tu prônes tes nourissons, Baron, et l'auteur d'Athalie, Devront leur gloire à ses leçons. **** *creator_cubieres *book_cubieres_mortmoliere *style_verse *genre_show *dist1_cubieres_verse_show_mortmoliere *dist2_cubieres_verse_show *id_thalie *act_VII *date_1788 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_thalie Oui, je dois tout au grand Molière ; Déjà, de l'emporter sur moi, Ma sœur, Melpomène, était fière : Je ne redoute plus sa loi. Il a créé mon art en France, Art ignoré jusqu'aujourd'hui, Plaute, Aristophane, Térence, Tous les trois revivent en lui.