**** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_soliman *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_soliman Moi qui me figurois que jusques dans Bizance, Ils viendroient à mes pieds implorer ma Clemence : Me voicy dans Alep, et ces fiers ennemis Ne se sont pas encore à mon pouvoir soubmis ! O Dieu quelle fureur ! Quel orgueil ! Quelle audace ! Les Perses resister au grand Seigneur de Thrace ! Ont-ils donc oublié que nos moindres efforts, Ont mille fois couvert⁎ leurs campagnes de morts ? Veulent-ils derechef⁎ tenter une fortune⁎ Qui leur prepare à tous une cheute commune ? Car (assurez-vous-en) nos bras victorieux Perdront de ces mutins l'Empire glorieux : Le Ciel qui dés-long-temps medite leur ruine, A si belle entreprise⁎ aujourd'huy me destine. Obeyssons lui donc, et tous ayez pour moy Dans le cœur, le courage, et dans l'ame, la foy⁎. Silence, taisez-vous. Je connois le merite et la valeur de tous. Mais allons, que du camp la place soit choisie, Attendant que mon fils arrive d'Amasie. Allez Je vois Osman qui devers⁎ moy s'avance, Il revient d'Amasie, et rapporte joyeux, Des nouvelles qu'on lit desjà dedans ses yeux. Et qui remplit mon cœur d'une joye incroyable. A ce conte ses soins⁎ furent bien diligens⁎ ! Comment a-t'il si tost ramassé tant de gens ? Retournons sur nos pas, afin de recevoir Ce fils qui fait par tout éclatter mon pouvoir. Ce que tu dis, Acmat, ne souffre⁎ point de doute, C'est pourquoy poursuivons nostre premiere route. Toy, vas dire à Rustan qu'il s'en vienne apres⁎ moy Si tost qu'il aura sceu ces nouvelles de toy : Cours et fais promptement ce que je te commande. Je vay prier les Cieux de nous estre propices : Toy, vas à nostre camp dessous de bons auspices, Et dessus tes Soldats prens l'absolu pouvoir, Qu'un General d'armée y doit tousjours avoir. Si le moindre repos à ta valeur fait peine, Dés la pointe du jour couvre toute la plaine, Commence de marcher contre les ennemis, Et conduis les Soldats qu'à tes soins⁎ j'ay commis1 : Je te suivray de prez avec une autre armée, Et bien-tost leurs projets s'en iront en fumée. Tu m'asseures, mon fils, en tenant ce langage, De ton affection, et de ton grand courage : Mais je ne puis vouloir que ce que j'ay voulu, L'ordre qu'on doit tenir est desjà resolu, Et je ne trouve point d'entreprise⁎ honnorable, Qu'alors qu'un Roy present la rend plus venerable, Et delà, les combats qui sont gagnez pour nous, Comme œuvres de nos mains, nous en semblent plus doux. Va donc trouver l'armée, et fay ce que j'ordonne : Cependant que le Ciel de Lauriers t'environne : Acmat, suivez-le au camp, et luy monstrez ses gens, Et que pour le retour vos pas soient diligens⁎. Encore un coup, sois tu tousjours victorieux ! Je vais exprés au Temple en conjurer les Cieux. Il le peut, s'il le veut : Mais qui vous meine icy ? Madame, je sçay bien que vostre affection A droit de s'enquerir de mon affliction ; Mais il est mal-aysé qu'un autre puisse entendre⁎ Ce que je ne puis pas moy-mesme bien comprendre. Je suis triste, je crains, et je ne sçay pourquoy, Ny quel trouble importun s'est emparé de moy. Ce qui n'est que trop vray. Quoy qu'il puisse arriver, Rustan, un tel presage Peut troubler, mais non pas abbatre mon courage. Il faut bien que d'ailleurs vienne quelque infortune⁎, Je ne suis pas troublé d'une crainte commune : La Thrace est trop puissante, et j'ay le cœur trop fort, Pour craindre, elle à present l'ennemy, moy la mort. Poursuivez hardiment. Madame, parlez donc : Qui seroit si hardy ? Mustapha ? Qui de luy, justement ces soupçons peut avoir ? Et comment me peut-on les faire concevoir ? Tant s'en faut, ce pouvoir est un tres-seur remede, On ne desire plus le bien que l'on possede. Ne vous tourmentez point : j'y penseray, Madame, Et vos sages advis prendront place en mon ame. Retournons là dedans, O celeste bonté ! C'est assez dit, Allons. Voylà ce que je crains, et pour me soulager, Je luy viens d'envoyer en haste un messager Qui le r'appelle en Cour, afin que j'examine Avec plus de loisir, ses discours et sa mine. Pour mieux executer sa trahison mortelle, Nostre ennemy souvent prend le nom de fidelle. Soit la foy⁎ de mon peuple inviolable et sainte : Il me reste d'ailleurs de grands sujets de crainte, Ce fils dénaturé joint avec les Persans Pour me perdre a-t'il pas des moyens trop puissans ? Un grand cœur tousjours monte, et suit audacieux Le talent qu'en naissant il a receu des Cieux : Et quoy qu'à ma couronne il doive seul pretendre, Peut-estre ayme-t'il mieux l'usurper que l'attendre. Je commence à le faire, et sens qu'à ta parole Mon cœur moins agité s'appaise et se console : Vas, et s'il n'est party, retiens Geron chez toy, Et luy dis qu'il attende un autre ordre de moy. Quelle est la citadelle Qui nous mette en repos comme un amy fidelle ! Voilà que son discours enfin m'a desgagé Des soubçons dont mon cœur se sentoit assiegé. Dans une douce paix maintenant je respire, Et dessus moy la peur n'a plus aucun empire. Il s'adresse à mon fils ! detestable aventure ! C'est du Prince ennemy la propre signature ! C'est son propre cachet ! ô Ciel secourez nous. Je n'attens pour partir que vostre mandement. Cette puissante armée est deja toute preste. Commencez seulement d'attaquer cette teste, Et vous serez par moy secouru promptement. Qu'ay-je leu ! mais allons adviser au remede : Pourquoy s'en retourner au camp si promptement, Et ne pas obeyr à mon commandement ? Non non, sa trahison n'est que trop descouverte Rien ne le peut sauver, ny retarder sa perte : Je veux de vive force entrer dedans son camp, Et faire qu'il y soit puny dessus le champ. A l'endroit⁎ d'un tel Fils, un Pere avec raison Peut oublier de Pere et l'amour et le nom. On n'en a point envers une beste farouche. Celuy-là soit hay qui n'a point d'amitié⁎. Quel besoin⁎ de l'oüir si son crime est sans doute ? Quel indice veux-tu plus clair que cét escrit ? Parle donc, je veux bien te donner audiance. En effet⁎, cher Acmat, je ne vous dois pas croire, Apres ce que je voy d'une action si noire : C'est pourquoy ne pouvant demeurer asseuré, Et laisser impuny ce fils dénaturé, Je veux que les horreurs de sa mort criminelle, Apprennent à chacun à m'estre plus fidelle. O Fils ! Toy, qui dedans les Cieux, de l'esprit te promenes, Où tu lis le secret des volontez humaines, Dy moy la verité de cette trahison. Et pourtant cette létre M'apprend la trahison, avec le nom du trétre ? Comment ? De quelle part vient elle ? Et n'apprend elle pas une embusche mortelle ? Responds moy seulement encore sur ce point, Est-il vray que mon Fils au Persan se soit joint ? Comment se fait cela ? Je suis plus que jamais incertain et pensif : Mais que veulent ces gens avecques ce captif ? C'est sans doute, Rustan, quelqu'un de ses complices. Comment l'avez-vous arresté ? Jeune homme, avoüez-vous ce que dit celuy-cy ? Responds-moy donc : Es-tu de Perse, ou bien de Thrace ? Et de plus Espion ? Tu mourras. Cette affaire n'est pas de petit interest : Leve-toy, bon vieillard, et m'apprends donc qui c'est. Toy Persine ! Mais quelle occasion en ce pays t'ameine ? Dieu que viens-je d'entendre⁎ ! Je le reconnois trop, ah fils contre nature, Et vous, dans peu de temps vous sçaurez, scelerats, De quels maux je punis de pareils attentats. Soldats, qu'on me l'emmeine, Dans un obscur cachot en attendant sa peine ; Et toy, vieillard, suy moy, tu seras mis aux fers. Je sens, fidelle Acmat, une pareille crainte A celle dont j'avois ce matin l'ame attainte : Les mesmes mouvemens, et la mesme terreur Confondent mes esprits de tristesse et d'horreur. O Dieu que dans nos cœurs la Nature est puissante ! Tout coupable qu'il est, son trespas m'épouvante. Mustapha vostre fils ! O Ciel ! qu'ay-je entendu⁎ ! Courez, Courez Soldats ; Que son funeste arrest⁎ ne s'exécute pas. Mais j'apprehende fort que leur course soit vaine. Allez, Madame, allez, et l'amenez icy. Je ne puis rien comprendre à tout ce discours cy ! Car si de Mustapha l'innoncence est si grande, Que veut dire l'escrit que l'ennemy luy mande ? Encor qu'en tout le reste on ait peu m'abuser, En cecy pour le moins n'a-t'on sceu m'imposer⁎ ; Car voilà de Tamas le propre signature ! C'est son prorpe cachet ! c'est sa propre escriture ! De mon Fils Mustapha l'innocence averée ! Au perfide Rustan la mort est asseurée ; Mais un autre sujet de mon estonnement⁎, C'est que je ne puis voir par quel evenement⁎, Mustapha pourroit estre aussi fils de la Reyne, Quoy qu'avecques plaisir, certes j'en suis en peine. Mais personne ne vient, helas ! que j'apprehende Qu'on ait executé ce que l'arrest⁎ commande ; Ah Dieu ! il est ainsi qu'on l'execute à tort, Puis-je mourir apres d'une assez rude mort. Comment ! de quelle mort ! Et pour quelle raison ? Son bras a seulement prevenu⁎ ma justice, Et le triste appareil⁎ d'un infame supplice ; Il eust apprist le Traistre à vomir son poison Autre-part que sur ceux qui sont dans sa maison. A ce point prés, mon fils, je voy ton innocence, Comment donc pourras-tu respondre à cét escrit ? Mais comment pût la Reyne ignorer ce mystere ? O perfide Rustan ! dont la noire malice Meritoit les horreurs d'un plus cruel supplice ! Quel estoit ton dessein sinon par mon erreur Me rendre à tous les mien un objet⁎ plein d'horreur ? O Dieu ! que dans la Cour, mesme au Throsne où nous sommes, On doit apprehender les embusches des hommes ! Et toy, fidelle Acmat, dont la sage raison, Tousjours de son venin fut le contrepoison : Que tu meritois mieux l'heureux titre de gendre De celuy dont le Fils tu sçais si bien deffendre : Mais toy, mon Fils, pardonne à ton Pere seduit⁎ Le funeste danger où tu t'es veu reduit ; Et dont les justes Cieux par leur muet langage Me donnoient ce matin un asseuré presage ; Cela me monstre assez combien tu leur es cher, Et que sans sacrilege on ne te peut toucher : Aussi reconnoissant tes vertus nompareilles Je devais croire moins mes yeux et mes oreilles. Escoutons-le. Tamas meu d'une juste peur Veut renoncer sans doute à son espoir trompeur. Quand ces raisons sur moy n'auroient point de puissance, En faveur de mon fils, j'userois de clemence ; Ouy, j'accorde la paix, et je veux dés ce jour L'arrester entre nous par des liens d'amour ; Je veux que Mustapha joint avecque Persine, Couppe de tous nos maux la source et l'origine. Finissez ces debats, et que chacun s'appreste A bien solemniser cette amoureuse feste. Retournons là dedans : où Madame à loisir, Doit touchant Mustapha contenter mon desir ; Apres, nous songerons à quitter cette terre : Persine valoit bien toute seule une guerre. FIN. **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_rustan *date_1637 *sexe_masculin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fils *role_rustan Commandez seulement, et vous pourrez connestre De quel zele⁎ Rustan est porté pour son Maistre : Au moindre signe d'œil, j'iray, Sire, pour vous     M'exposer⁎ hardiment à la fureur des coups. Ah que n'est la journée et l'heure desja preste, Où nous devons avoir nos ennemis en teste ! Car alors je mourray d'un glorieux trespas, Ou vous apporteray la teste de Tamas. Qu' inferes-tu de là ? Que puisse-t'il plustot estre privé du jour, Seigneur, la Reyne attend que je sois de retour, Je la vay retreuver⁎ si j'en obtiens licence. Aille apres⁎ qui voudra : demeure, Osman, demeure. Avant que je le souffre⁎ il faudra que je meure, Ah ! c'est trop r'animer Le feu dont contre luy je me sens enflamer. Qu'en dis-tu, cher Osman ? un nouveau venu prendre Le premier rang d'honneur où je devois pretendre ? Quelle presomption et surquoy se fonder ? Quel merite si grand le peut recommander ? Nous partageons l'honneur d'une mesme famille, Il est le fils du Roy, moy, l'espoux de sa fille : Pourquoy donc s'usurper⁎, et prendre insolemment Un pouvoir qui n'est deu qu'à Rustan seulement ? Mais non, n'en parlons plus, j'en auray la vengeance : Ainsi le plus souvent la Fortune⁎ mesprise, De faire reüssir une sage entrerprise : Mais je mespriseray moy-mesme ses mespris, Allons : que le conseil⁎ promptement en soit pris : Toy, vas voir prés du camp, comme tout s'y dispose, Là considre bien juqu'à la moindre chose, Ce qu'on fait, ce qu'on dit, enfin rapporte moy Quelque apparent subjet de soubçonner sa foy⁎. Vas, reviens bien instruit ; Mais j'apperçoy la Reyne. Madame, dans l'estat que nous voyons l'affaire, Bien plus que le discours l'effet⁎ est necessaire. Je m'en allois vers vous afin d'en conferer, Et resoudre sa mort ; mais sans plus differer. Dieu qu'est-ce cecy ? qu'ay-je entendu⁎ Madame ? Un mouvement⁎ si foible esbranle une telle ame ? Le son de quelques mots agreables et doux, Vous a fait relascher d'un si juste courroux ? Avez vous oublié que s'il ne perd la vie, La vie et la couronne à vous mesme est ravie ? Pour quelque temps, Madame ? Ah ! seulement je crains Que desjà nos efforts ne soient foibles et vains : Helas que pouvoit-il nous arriver de pire ? Et que luy reste-t'il pour obtenir l'Empire, Et nous faire mourir d'une cruelle mort, Chef d'une telle armée, et se voyant si fort ? Quoy vous n'en estes pas encor mieux informée ? Vous ne sçavez donc pas Qu'il a sous son pouvoir presque tous nos Soldats ? Que trop : jugez donc à cette heure S'il est bon qu'imparfaict nostre dessein demeure ; Un Sceptre rarement s'arrache aux mains d'autruy, Quand la force et le fer luy sert de ferme appuy. En ces occasions la meilleure deffense ; C'est qu'il faut par esprit rompre la violence. C'est le meilleur moyen que nous puissions tenir. Quand le Ciel veut prédire Quelque estrange mal-heur, il se sert quelquefois Du langage secret de ces muettes voix. A l'heure qu'il s'agit du salut d'un Monarque, On craint avec raison dessus la moindre marque. Peut-estre cette peur n'est que trop raisonnable, Sire, j'en concevois une toute semblable. Certes, Sire, voilà de grands subjects de crainte : Mais repensez encore à cette bonté feinte Qui luy faisoit tantost rechercher ardemment, D'avoir tous vos soldats sous son commandement : Que pretendoit-il faire avecques deux armées, Sinon tenir la Thrace et Bisance opprimés ? Prenons, prenons courage. Que vostre Majesté n'espere desormais A ses tristes mal-heurs de tresve ny de paix ; Qu'elle appreste la mort à son fils infidelle, Et contre les Persans une guerre immortelle. Sire, lisez ce mot qui vient d'estre arraché Par mon fidelle Osman, d'un espion caché. Mais tout vostre salut ne depend que de vous. Sire, hâtez-vous donc ainsi que veut l'affaire, En ces occasions, il se perd qui differe. O bien-heureux Rustan, que la fortune⁎ t'aide. C'est de cette façon qu'un grand Prince doit faire : Le moindre delay, Sire, est de grande importance. L'interprete subtil ! Sire, encore une fois je declare et proteste, Que puis que nous voyons le crime manifeste ; C'est avecques danger, mais danger tres-pressant, Que l'on s'efforce en vain de le rendre innocent. A quoy bon recourir aux fantosmes, aux fables, Ayant entre nos mains des preuves si palpables ? Mais puis que le fait touche à vostre Majesté, C'est la raison qu'on suive icy sa volonté. Ny les Dieux d'icy bas, ny les puissances hautes Ne nous pardonnent pas toute sorte de fautes : Mais comme son discours donne au Roy du soucy ! Termine desormais cét importun langage, Et songe pour le moins que commettre un forfait, Ou le deffendre trop, c'est le mesme en effect⁎. Et de tous mes dangers, le moins premedité. Sire, que faut-il plus ? Dieu ! qu'est-ce qu'il veut dire ! Je suis perdu. Ouy, Sire, il regardoit vostre seule Couronne. Puis qu'on ne t'entend⁎ point, ne dis mot, et vas-t'en ; Tu rends le Roy resveur. Fascheux retardement. Il faut qu'il le confesse au milieu des supplices. Voyez comme il respond, et qu'il est plein d'audace ! Quelle est de ce vieillard l'entreprise⁎ insolente ! Voilà cet innocent qu'Acmat vouloit deffendre ! Le crime est averé, Sire, n'en doutons point, Voilà comme ce fils avec le Perse est joint, Voilà sa trahison. Mais Madame, escoutez ; Hé ! que pensez-vous faire ? O Ciel, je suis perdu ! **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_acmat *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_acmat Grand Roy, nous attendons la fin de cet ouvrage, Moins du Ciel, ou du Sort, que de vostre courage : Et nous suivrons les pas de vostre Majesté, Le cœur remply d'ardeur⁎ et de fidelité. Que sert de faire au Roy cét offre temeraire ? Le propre d'un guerrier c'est d'agir et se taire. O nouvelle agréable ! Que j'ayme ses vertus, et qu'on me parle d'elles ; Là se fonde l'espoir des Ministres⁎ fidelles ! Mais, Sire nous devons quant et quant avoüer, Que loüer Mustapha c'est aussi vous loüer : Un ruisseau clair et net nous fait veoir en sa course, Qu'il a tiré son eau d'une plus vive source. Sire, continuez vostre premier voyage, Et recevez au camp ce fils plein de courage, Il l'a bien merité, l'honneur qui semble deu Pousse à faire encor mieux alors qu'il est rendu. Puis vous sçavez qu'il vient accompagné de Princes, Qui ne sont point sujets aux loix de vos provinces, Si bien que vous pouvez sans vous faire aucun tort, Les accueillir au camp, dés leur premier abord. Rien ne peut dans la guerre exciter le courage, Comme un Prince qui monstre un gracieux visage, Et les moindres regards dont il flate nos sens, Pour faire aimer la mort, ont des charmes puissans. Sire, je suis surpris d'un tel estonnement⁎, Qu'à peine puis-je icy dire un mot seulement : Si vous aviez peu voir avec quelle franchise⁎, Il a receu l'armée à sa charge commise, Je suis bien asseuré que vostre Majesté Penseroit autrement de sa fidelité. Mais qu'il est encor vray qu'il n'est point de poison, Qui plus mortellement blesse nostre raison, Comme de croire trop à ces soubçons iniques Qui sont suivis enfin de mille actes tragiques : Partant puis que ce poinct vous est encor permis ; Sire, foulez aux pieds ces soubçons ennemis Quoy doncques les vertus d'un Prince magnanime, Ne causeront en vous que la crainte d'un crime ? Une miniere d'or produit-elle du fer ? Et trouve-t'on au Ciel les horreurs de l'Enfer ? Que si tant de valeur vous trouble et vous estonne⁎, Non que vous craigniez rien de sa propre personne, Mais que de vos subjets estant trop bien voulu Ils luy donnent sur eux un pouvoir absolu ; Sçachez qu'il n'est chery d'une amitié⁎ si forte : Qu'à cause seulement de l'amour qu'on vous porte ; Hé par qui des mortels ne seroient estimez Ceux qui viennent de vous, et que vous mesme aymez ? Doncques si c'est pour vous qu'on l'honore et l'estime, Qui pour luy, contre vous, voudroit commettre un crime ? Et quoy sera-t'il dit que vostre Majesté Ayt oublié si tost nostre fidelité ? Le Prince vostre fils a l'ame trop prudente Pour s'embarquer sans voir la fin de ce qu'il tente : Hé comment combattroit l'ennemy pour autruy, Luy qui ne peut garder son Royaume pour luy ? Mais qui jusques icy de ces intelligences A peu donner encor les moindres apparences ? Il est vray qu'il a veu les pays ennemis ; Mais, Sire, vous aviez ce voyage permis ; Vous sceutes ce qu'il fit durant tout son voyage, Et si quelque entreprise⁎ eust trahy son courage, Vous auriez peu bien-tost vous en apercevoir, Ou quelque amy secret vous l'auroit fait sçavoir : Non, non, Sire, croyez qu'un cœur épris de gloire Ne concevra jamais une action si noire. Mais, Sire, de sa gloire il est si fort jaloux, Que l'on ne doit jamais apprehender pour vous Que s'emparant ainsi d'une chose asseurée Il voulut perdre un bruit d'éternelle durée : Que vostre Majesté pense donc à cecy, Et chasse s'il luy plaist, de son cœur, tout soucy. Grand Prince j'obeys. Mais non de la façon que doit agir un Pere. Mais il faut que du moins l'humanité le touche. On en a toutesfois souvent quelque pitié. Donc un si brave Fils mourra sans qu'on l'escoute ? Mais quel signe le rend criminel comme on dit ? Par ma fidelité qui vous est si connuë, Par mon affection et si pure et si nuë : Daignez, Sire, prester l'oreille à ce propos, Par où je remettray vostre esprit en repos. Je ne veux point icy repeter les raisons, Qui le font croire exempt de telles trahisons. Je ne propose point quelque autre conjecture, Qui me fait soubçonner la lettre d'imposture : Et que vous entendrez⁎, Seigneur, tout à loisir, Lors⁎ que vous en aurez le temps et le desir, Je dis, que comme c'est une subtile ruse, Et dont entre ennemis le plus souvent on use, Peut-estre cét escrit vint de nos ennemis A dessein seulement d'estre en vos mains remis : Pour rendre vostre Fils suspect par cette adresse, Et renverser sur nous l'embusche qu'on leur dresse. Veritable pourtant : Mais, Sire, ces soldats que l'on redoute tant, Et par qui Mustapha vous doit faire la guerre, Où furent-ils levez ? et quel lieu les resserre ? Puis que vos espions, qui vont par tout rodant, N'en ont peu découvrir aucun signe evident. S'il est vray que ce soit une invisible armée, Pour moy, je la croiray de fantosmes formée, Et qui, si vous daignez y jetter seulement Un des moindres rayons d'un si clair jugement, Disparoistront bien-tost comme dans les lieux sombres, A l'aspect du Soleil, disparoissent les ombres. Vous verrez que ce camp qui nous fait tant de peur N'est qu'un camp fabuleux, chimerique et trompeur. O Sire ! qu'il souvienne à vostre Majesté, Du mal qui peut venir d'un conseil⁎ trop hasté. Faut-il qu'un Roy si sage, et si plein de clemence, Condamne à mort son Fils sans oüyr sa deffence ! Son Fils, dis-je, ô doux nom ! qui marque le lien Que la Nature a mis de vostre sang au sien. Les escadrons des Roys, et leurs puissans asyles, Sont au prix des enfans des forces trop debiles⁎. Quand le meilleur amy nous quitte et cede au temps, Seuls parmy les mal-heurs ils demeurent constans : C'est pour eux que le Ciel pourvoit à nos dommages, De nous-mesmes ils sont les vivantes images. Donc sans respect de vous, ny de son amitié⁎, Peut-estre sans raison, mais tousjours sans pitié : Souffrirez⁎-vous, Seigneur, que la fureur vous porte, Jusqu'à faire perir vostre Fils de la sorte, Sans qu'il se justifie, ou demande pardon ? Puis que mesme il devroit obtenir un tel don. Que d'un Roy genereux⁎ la vengeance est bannie, Et qu'une ame bien née est tousjours mieux punie, Et reçoit de sa faute un plus seur chastiment Quand on remet sa peine à son ressentiment⁎. Enfin que la douceur est d'autant plus loüable, Plus on peut concevoir un courroux équitable. Sire, vous estes Roy, les Roys ce sont des Dieux Qui pardonnent sur terre, ainsi que l'autre aux Cieux. Seul, vous devez Seigneur, vous consulter ainsi, Vous ne sçauriez avoir un Conseiller plus sage. Je n'apprehende rien, car aupres de mon Maistre, Et mon zele⁎, et ma foy⁎ se font assez parestre. Seigneur, voicy venir la verité. Plutost ne s'adressoit qu'au Roy mesme en personne. Dieu qu'est-ce cy ! Dieu la triste avanture ! Ah Seigneur ! cette horreur que vostre ame ressent, Montre que Mustapha sans doute est innocent : Sire, encore une fois, au nom de la Nature, Escoutez sa deffence, Acmat vous en conjure : A la perte d'un Fils qu'on ne peut réparer Un Pere sçauroit-il jamais trop differer ? Mais Dieu ! voicy la Reyne et Rustan qui l'arreste, A quelque autre dessein leur malice s'appreste ? O doux commandement ! La Reyne qui servit d'instrument au forfait, Seigneur, éclaircira la verité du fait : Mais vous n'ignorez pas avecque quelle ruse Ce traistre sçait charger l'innocent qu'il accuse, Et vous avez peu veoir comme au premier accent, Que la Reyne a formé pour ce fils innocent, Le perfide a jugé sa trame descouverte, Et s'est mis à fuyr asseuré de sa perte ; Ce qui declare assez qu'il n'ose se fier A l'escrit qui pourroit seul le justifier. Cecy pareillement me rend fort estonné, Car son aisné mourut aussi-tost qu'il fut né. Seigneur, voicy la Reyne, et son Fils qu'elle embrasse⁎. Que du sein de la mort sort un bel hymenée ! **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_osman *date_1637 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_osman Invincible Seigneur, Roy le plus grand du monde, Qu'ainsi tousjours le Sort à vos souhaits responde : Ce fils de qui la gloire a l'univers ravy Le brave Mustapha, de cent Princes suivy, Arrive dans Alep. Le seul bruit de son nom et de sa renommée, Pourroit en moins de temps lever toute une armée, L'esclat de sa valeur sans exemple et sans pris Est l'attrait et l'aymant des cœurs et des esprits. Que ne fais-je aussi-bien ce que Rustan demande, Dont je viens d'observer, comme j'ay tousjours fait, Les preceptes et l'art⁎, peut-estre avec effet⁎ ; Car quoy que le Roy feigne, on tient cette maxime, Qu'un vieux Roy, de son fils, hait la trop grande estime. Mon Maistre qu'avez-vous ? Vostre colere est juste, et grande son offence, Et cecy peut encor aigrir vostre douleur, Que vous avez vous-mesme ourdy vostre mal-heur : D'avoir fait que chacun, comme j'ay fait moy-mesme, Vantast à Soliman son merite supresme ; Sans doute ces discours, contre vostre dessein, Ont jetté plus d'amour que d'envie, en son sein. Comme tousjours le sort destruit ce que je tente ! Mais quel nouveau visage à mes yeux se presente ! C'est quelqu'un de ses gens, Et sans doute quelqu'un de ses nouveaux agens. Escoutons-le. O fortune⁎ prospere ! Comme il est disparu ! La colere l'emporte ! Encor si ces papiers deschirez de la sorte, Par quelques mots entiers me rendoient éclaircy, De ce dont en fuyant il me laisse en soucy ; Mais qu'est-ce que je voy ! Dieu l'heureuse avanture ! C'est du Prince ennemy la propre signature ! C'est son propre cachet ! qu'il nous vient à souhait ! Je m'en vais à Rustan exposer⁎ tout le fait : Il est bien si rusé qu'en ce peu de matiere, Il treuvera⁎ subject d'une ruine entiere. Fin du second Acte. O triste desespoir ! ô divine vangeance ! Seigneur, Rustan est mort ! Il a fait sur soy-mesme un violent effort. Ayant veu que Madame Accusoit sa malice, et son injuste trame, Il est dans son logis accouru furieux, Et d'un coup de sa main tombé mort à mes yeux. Seigneur, j'en puis tout seul esclaircir vostre esprit : Espiant prés du camp, comme voulut mon maistre, Dequoy rendre à vos yeux le jeune Prince traistre ; Des papiers deschirez s'offrent à ce desseing, Où de Tamas estoient le cachet et le seing ; Je les donne à Rustan, qui trop plein d'artifice Les employe aussi-tost à ce damnable office⁎ : Le nom du Roy Tamas d'une aiguille il picqua, Qu'au pied d'un papier blanc après il applicqua : Puis il seme dessus une poudre menuë ; Mais de qui la noirceur sur le blanc retenuë, Laisse apres à sa plume un moyen fort aisé De passer sur le nom qu'il avoit supposé : Enfin le cachet mis en sa forme ordinaire, Il trace cét escrit changeant son caractere, Et vous le vint offrir le feignant arraché D'un Persan, qu'il vous dit que je treuvay⁎ caché. La voyant seconder ses desseins à regret ; Il n'oza ly fiér cét important secret ; Au contraire il vouloit la tromper elle-mesme, Afin que se jugeant dans un peril extresme, Elle vous conjurast avecques plus d'effect⁎, De procurer la mort de l'autheur du forfait. **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_persine *date_1637 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_persine D'où l'as-tu donc appris ? Mais si, comme tu dis, dans peu le fils de Thrace, Doit faire voir icy ses gens et leur audace, Faut-il m'en retourner sans avoir aujourd'huy Jugé de la valeur de ses gens et de luy ? Faisant une action si fort deraisonnable, Je perds de mon dessein l'effet⁎ le plus loüable, Et rends ma hardiesse et ce deguisement, Au lieu d'estre loüez, dignes de chastiment. Alvante, attends encor. Mais si je pars, je cours fortune⁎ de la vie. Oüy, la foy⁎, qui depuis que m'esleva ta femme, S'est fait voir à mes yeux si pure dans ton ame, A bien, mon cher Alvante, aujourd'huy merité, Que tu sçaches de moy toute la verité ; Apprends que le subjet qui me tira d'Arsace, Ne fut pas d'espier les desseins de la Thrace : Mais qu'un beaucoup plus noble et plus fort mouvement⁎ M'a fait venir icy sous cet habillement ; Un mouvement⁎ d'amour, que tu croiois de hayne. Pour celuy qu'on attend aujourd'huy. Pour luy. Le Soleil a desja deux fois dedans les Cieux, Rallumé le courroux du Lion furieux, Depuis le jour fatal que l'amoureuse flamme Passa dedans mes yeux pour consommer mon ame. De te dire à present d'où s'alluma ce feu, Ou comment je fus prise, il importe fort peu : Alvante sois content de sçavoir que je l'ayme, Et que s'il l'en faut croire, il me cherit de mesme. Si bien que pour donner à ce cœur langoureux, Le doux soulagement d'un regard amoureux, Et sçachant en ce lieu son heureuse venuë, J'y vins avec toy seul, et sans estre connuë ; C'est donc luy que j'attends, luy dont je veux tirer, Les effets⁎ de la foy⁎ qu'il ma voulu jurer : Car mon tourment s'accroist plus l'Hymen se differe, Et plus l'Hymen retarde, et plus j'en desespere. C'est Alvante en un mot ce que je me promets, Et voilà, tu connois mon secret desormais. Que cela desormais, amy, ne te soucie, Je reconnois ton zele⁎ et je t'en remercie : J'appröuve tes raisons, j'approuve ta bonté, Mais je ne sçaurois plus changer de volonté : L'Amour me le deffend, et me donne asseurance, Que ce Prince mieux né sera plein de constance⁎ : Car si des Cavaliers gardent si bien leur foy⁎, Que doit faire celuy dont ils prennent la loy ? Toutes sortes de maux me seront agreables, Et les tourmens d'Amour sont bien moins tolerables. Helas de trop d'ennuys⁎ mon cœur est abbatu. Alvante est donc enfin émeu par mes discours Et prend compassion de mes tristes amours. Ainsi tousjours le Ciel te soit propice et doux ! Suivant donc cette audace ordinaire entre nous, Je m'habille en Guerrier, et contre la Scythie, Conduis de nos Soldats la meilleure partie, Et cependant qu'un jour j'allois à petit bruit, Cherchant un lieu commode où nous camper la nuit : Voilà, nous descouvrons, dans un bois assez sombre, Un Guerrier qui marchoit à la faveur de l'ombre ; Et qui s'avance enfin où le champ plus ouvert, De l'ombrage du bois n'estoit pas si couvert⁎. Là de nous il fut joint, et quoy que l'apparence Ne nous fist remarquer aucune difference, Qu'il fust armé de mesme et parlast comme nous, Pour ennemy pourtant il fut jugé de tous : J'ordonne qu'on l'arreste, on court à l'instant mesme, Luy ne s'estonne⁎ point dans ce peril extresme, Mais l'espée à la main, il se vient presentant, Et fait teste à tous ceux qui le vont combattant ; Il frappe, tuë, abbat, et donne trop à croire Que le nombre tout seul empeschoit sa victoire ; Il resiste pourtant, et d'un accent plus fier, De ces mots menaçans les ose défier : Oüy, poltrons je mourray puis que le Ciel l'ordonne ; Mais je vous vendray cher mon sang et ma personne : Son courage, son sort, ces mots, cette action, Firent naistre en mon cœur de la compassion : Je cours où le combat plus violent se montre, Et justement j'arrive (agreable rencontre) Lors⁎ que de mille coups son armet⁎ entr'ouvert, Se lasche et laisse voir sa face à descouvert : Tel qu'apres maint éclair et le bruit du tonnerre, Le Soleil apparoist plus riant à la Terre, Tel brilla ce visage en cét heureux moment ; Mille rayons de feu luy servoient d'ornement, Et son œillade estoit de tant d'attraicts pourveuë, Que tout au mesme instant il m'esbloüit la veuë, Et me remplit le sein d'une telle amitié⁎, Qu'aussi-tost elle change en amour ma pitié. Ainsi pour le tirer de ce peril extresme, Je luy fais contre tous un bouclier de moy-mesme ; Et crie à mes soldats, d'un accent de courroux, Qu'ils appaisent leur rage et retiennent leurs coups ; Puis retournant mes yeux dessus son beau visage, D'un ton plus gratieux je luy tiens ce langage : Veuillez, brave guerrier nous ceder desormais, Recevez de nos mains et la vie et la paix, Et si de nous ceder vous avez quelque honte, Cedez de moins au sort, c'est luy qui vous surmonte : Si vous ne desdaignez la fille d'un grand Roy, Soyez son serviteur et vous rendez à moy, A moy qui suis Persine : à ceste voix derniere Je leve mon armet⁎, je hausse ma visiere ; Il me contemple, il tremble, une morne pâleur Luy dérobe⁎, et luy rend sa vermeille couleur ; Et toutes deux cent fois partagent son visage ; Puis souspirant au Ciel, il luy tient ce langage ; O Dieu ! que puis-je plus ! j'apperçoy mon vainqueur ! Oüy, Madame, je rends et l'espée et le cœur, Tous deux ils sont à vous ; là rompant sa harangue, Il commit à ses yeux l'office⁎ de sa langue, Ses yeux où je lisois avec contentement Les secrets qu'il n'osoit me dire ouvertement. Voilà quand et comment mon amour prit naissance, Or entends⁎ maintenant comme elle prit croissance : Et puis tu jugeras par quel heureux chemin Elle doit desormais parvenir à sa fin. Pourquoy vas-tu troublant de presages de mort Le fortuné succez que j'espere du sort. Escoute donc comment s'avança mon amour. Estant avecque luy vers mon camp de retour. Je le presse instamment de me faire connaistre Son nom, et ce qu'en fin le Ciel l'avoit fait naistre, Luy jurant de garder, quel que fust son secret, L'inviolable foy⁎ d'un silence discret ; Et de plus luy donner, si c'estoit son envie, Entiere liberté, non seulement la vie : Lors⁎ il me declara qu'aux Scythes inconnu, Jusqu'où nous l'avions pris, seul il estoit venu ; Qu'il pretendoit de là voir le pays des Perses, Pour connestre des lieux les assiettes diverses ; Qu'encor qu'il pratiquast ce dangereux métier, De la Thrace pourtant il estoit l'heritier : Joyeuse de sçavoir une telle merveille, Je preste à ses discours une attentive oreille, Rien ne m'asseurant mieux qu'il n'estoit pas menteur, Que faisoit mon desir, amoureux et flatteur : Apres ces mots s'accroist le feu qui me tourmente, Car l'amour entr'égaux facilement s'augmente ; Et lors⁎ je reconnois, quoy qu'il n'en dise rien, Que son brasier n'est pas moins ardent que le mien : Comme d'une autre part, encor que je me taise, Il reconnoist aussi mon amoureuse braise : Car des cœurs enflammez d'un mutuel desir, S'expliquent d'une œillade et du moindre soûpir. Nous fusmes quelque temps dans cette violence ; Mais il fut le premier qui rompit le silence, Et qui me descouvrit sa flame en peu de mots, Mais mots entrecoupez de pleurs et de sanglots : Croyant qu'un jour apres le decez des deux Princes, Cela pourroit causer la paix dans nos provinces, D'un esprit balancé de honte et de plaisir, Je l'escoute, me tais, approuve son desir, Et lors⁎ entre nous deux fut la foy⁎ d'hymenee, Le Ciel pris à tesmoin, secrettement donnée : Cependant le Tartare en Perse descendit, Tu sçais comme le Sort à ses vœux respondit Si bien que dans un fort tristement retirée, De mon aymable espoux je me vis separée, Qui depuis me manda par un moyen secret, Qu'il estoit retourné dans la Thrace à regret, En attendant le temps et l'heureuse journée Que nous verrions l'effet⁎ de cette foy⁎ donnee, Dont voilà, cher Alvante, et la cause, et la fin : Ce qui m'ameine icy tu l'as sceu ce matin. Donc puisque incessamment un peuple l'environne ; Et que je ne sçauroit luy parler en personne : Si tu ressens pour moy quelque peu d'amitié⁎, Si, comme tu disois, mon feu te fait pitié, Declare maintenant ce qu'il faut que je fasse. O mon amy fidelle, ô pere secourable, Qu'à tes vœux, derechef⁎ le Ciel soit favorable ! Tiens, avecque la lettre où dans peu de discours, Je reclame son ayde à mes longues amours, Ce papier blanc signé que je pris à mon Pere : Qu'il reçoive dans luy la Perse de doüaire, Car il le peut remplir de ce qu'il luy plaira, Et dessous ce cachet tout le monde plira. Je m'en vay, daigne Amour conduire cette affaire. Le traistre a donc commis cette infidelité ! Alvante que dis-tu ? O trois et quatre fois Persine infortunée ! Je n'ay donc plus de part à ce cœur infidelle ! Je suis doncques trahie, et mon chaste desir N'obtiendra pour tout fruit qu'un honteux desplaisir ? En vain je prends les noms et d'Espouse et d'Amante⁎, Puis qu'on fait un peché de ma flame innocente : Mais qu'est-ce que tu dis à ce cœur inhumain ? Ce discours, sage Alvante, estoit digne de toy : Mais que dit-il ? O Ciel ! O Ciel ! injuste Ciel ! que fais-tu de ta foudre ! Laisses-tu les meschants sans les reduire en poudre ! Hé ! que puis-je plus craindre, Si sans chercher ailleurs ce dernier reconfort, Je suis preste moy-mesme à me donner la mort ? Mais elle amoindriroit un si fascheux tourment. Vivray-je donc apres une si grande offense ? Allons, c'est la raison que l'amoureuse flame Cede aux feux que la haine attise dans mon ame. Va donc pour donner ordre à nostre partement, Mais quel est mon dessein, et quelle est ma pensée ! Moy-mesme plus qu'aucun je me suis offensée. Donc pour punir celuy qui m'a fait plus de tort, C'est à moy seulement qu'il faut donner la mort. Sus donc cœur imprudent, sus donc ame coupable, Songeons à nous donner un trespas honorable : Mais que ce soit aux yeux de ce traistre et brutal, Que je voye en mourant l'objet⁎ qui m'est fatal, Afin qu'au triste aspect d'une fin si cruelle, De son crime, il conçoive une horreur eternelle. Heureux subject de joye, Puis que je puis aussi mourir par cette voye. Importune frayeur, et qu'est-ce que je crains ? La mort que j'apperçoy si belle entre leurs mains ? Pourquoy trembler ? Je suis de Perse et non de Thrace. Vous l'avez entendu⁎ ; Que veux-tu faire Alvante ? Ne dis rien, ou du moins secondant mon enuie, Ne dis que ce qui peut me faire oster la vie. O par trop pitoyable, et trop cruel Alvante. A ce mot, si ton cœur irrité De ma perte, conçoit une plus forte enuie, Il est vray, je la suis, arrache moy la vie. Que fais-tu ? La naturelle hayne Que contre ta personne, et contre tous les tiens, Dans ce cœur genereux⁎ de tout temps j'entretiens, Est l'unique sujet qui m'ameine en Syrie, Pour te faire sentir l'effet⁎ de ma furie. Doncques que veux-tu plus, et qu'est-ce qu'on attend ? J'ay merité la mort, que differes-tu tant ? Que tu me fais de tort ! O tourmens d'une main douce offers ! Quelle pitié tardive amollit ton courage ! Ah tais-toy, mon amy, de semblables propos Bien plus que tu ne crois, nuisent à mon repos. Sçaches que le subjet qui fait que tu m'estimes Indigne de ces maux, les rend seul legitimes : Mais que voy-je bon Dieu ! de grace mes amis, Qu'un moment de delay me soit icy permis ; Souffrez⁎ que je reproche à qui m'oste la vie, Qu'il a ce qu'il desire, et qu'elle m'est ravie : C'est Mustapha qui vient, laissez moy veoir à luy, Que de quelques propos j'allege mon ennuy⁎, Et si je n'en sçaurois tirer d'autre vengeance, Que ma langue du moins punisse son offence. Ah veüe ! ah fier aspect ! ah cruel homicide ! Et ce qui passe tout, homme ingrat et perfide ! Dieu ! comme le venin qui de son sein glacé Tout froid, jusqu'en mon cœur, par mes yeux a passé, Me saisissant la langue et le pied tout ensemble, Oste la voix à l'une et fait que l'autre tremble. Que les armes par toy sont justement quittées, Puis qu'elles en estoient indignement portees ! Qu'à bon droit tu deffends qu'on ne te suive pas, Ferois-tu bien le Prince ayant le cœur si bas ? Mais quitte aussi le jour, ou dedans les boccages, Vas te cacher parmy les Ours les plus sauvages, Comme eux impitoyables, et sans aucune foy⁎. Non, ces liens ne sont ny mensonge, ny faux, Tu me vois endurer de veritables maux, Et la mort qui bien tost finira ma misere, Ne sera point non plus fausse ny mensongere : Doncques resjoüis-toy, superbe⁎, déloyal, Et qui foules aux pieds un cœur de sang royal : Contemple avec plaisir dans une chaisne infame, Et qui n'attend sinon l'heure de rendre l'ame, Celle dont tu receus la lumiere du jour, Et qui fut pour toy seul dans les liens d'amour. Tu ne te crois donc pas assez abominable Si tu ne feins encor de n'estre pas coupable ? Que pretens-tu par là ? d'accroistre mes ennuis ? Tu ne le sçaurois plus en l'estat où je suis ; Ou si craignant d'en haut une juste vengeance, Tu veux dissimuler et nier ton offence Et penses comme à moy pouvoir cacher aux Cieux, Ce qu'ils n'ont que trop veu pleins de lumiere et d'yeux ? Non, non, n'espere pas leur cacher ton offence, Et sçaches qu'ils prendront eux-mesme ma deffence. Tu te mocques encore, et le mal te plaist tant, Que tu le veux ouyr redire à chaque instant : Et bien, j'en suis contente, il faut que je te die Comme tu déchiras, remply de perfidie, Et la lettre et la feuille où se tenoient enclos, Mon esprit, mon espoir, ma vie et mon repos. Comme te noircissant d'un horrible parjure, Tu fis à mon honneur une sensible injure, En niant de m'avoir jamais donné la foy⁎, Sinon pour m'abuser et te mocquer de moy : Comme tu m'accusas de science magique ; Comme tu me chassas ainsi qu'une impudique, Et si je ne sortois de ces lieux promptement, Dis que tu me ferois mourir honteusement : Mais va, resjoüis-toy, la mort m'est preparée, J'ay voulu la chercher toute desespérée, Afin de me punir de t'avoir trop aymé. Quand tu m'en donnerois une entiere asseurance, Que me peut desormais servir ton innocence ; Puis qu'elle ne sçauroit me sauver du trespas ? Mais plutost ce visage est luy seul criminel, Et digne que je souffre⁎ un supplice eternel, Puisque pour avoir eu le bon-heur de te plaire, Il a de Soliman excité la colere. Que ce soit, cher Amant⁎, ou le Ciel ou la Terre Qui nous livre aujourd'huy cette funeste guerre, J'en deteste l'autheur, mais la cause m'en plaist, Et j'en benis l'effet⁎ tout injuste qu'il est. Ne devois-je pas croire Alvante veritable, Luy que j'avois tousjours trouvé digne de foy⁎ ? Plustost ton innocence est tout ce qui me trouble : Par elle, mon erreur s'augmente et se redouble ; Si bien que je me juge indigne de l'honneur Que me fait maintenant nostre commun Seigneur. **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_alvante *date_1637 *sexe_masculin *age_veteran *statut_maitre *fonction_pere *role_alvante C'est le bruit de la Cour, Et puisque Soliman n'attend que son retour, Pour venir fondre⁎ en Perse et nous faire la guerre, Madame, treuvez⁎ bon de quitter cette terre. Retournons vers Tamas luy faire tout sçavoir, Afin qu'en diligens⁎ il y puisse pourvoir. Les soldats que le Prince ameine en cette ville, Si j'ay bien entendu⁎, sont à peine dix mille : Dans un nombre de gens petit comme le leur, Que peut-on remarquer d'audace et de valeur ? Mais ce qui me fait peur, c'est la puissante armée, Et depuis si long-temps à vaincre accoustumée, Que suivant votre advis, j'epiois ce matin, Et qui va de la Perse achever le destin. Partons donc tout à l'heure, afin que votre Pere Ait le temps d'aviser à ce qu'il faudra faire. Ce seroit vous trahir : En toute autre sujet je suis prest d'obeïr : Quelle necessité vous oblige à cette heure A vouloir faire icy de plus longue demeure ? Ah ! Retournons Persine, et si le Sort heureux A suivy jusqu'icy vos desseins genereux⁎, Songez qu'il peut tourner ce visage agreable, Et que son naturel c'est d'estre variable ; Car si l'on nous descouvre, hé bon Dieu ! quelle main Vous pourra retirer de ce peuple inhumain. Hé par qui, hors d'icy, peut-elle estre ravie ? Dieu comme elle se trouble, ah ! Madame parlez, Et que je sçache au vray ce que vous me celez⁎. Un mouvement⁎ d'amour, est celuy qui vous meine Et pour qui ? Vous avez de l'amour pour Mustapha ? Helas ! qu'ay-je entendu⁎, quelle est vostre pensee ? Et depuis quand vostre ame est elle ainsi blessee ? O fille sans esprit ! pardonnez moy Madame L'excez d'affection qui me transporte l'ame : Par qui vous estes vous laissee ainsi charmer ? Quelle amour est-ce là ? quelle façon d'aimer ? Pouvez vous voir ainsi vostre gloire fletrie Et violer la foy⁎ deuë à vostre patrie ? Suivez vous deguisée, avec tant de fureur, Un ennemy qui n'a pour vous que de l'horreur ? Sçavez vous pas qu'ils ont en ce païs infame, Le serment dans la bouche et le parjure en l'ame ? Ainsi tout glorieux de vous manquer de foy⁎, Il ira triomphant de la fille d'un Roy ! Pouvez vous donc souffrir⁎ cette infamie extresme, D'aller de vostre honneur luy faire offre vous mesme ? Vous mesme à votre honneur en vain et sans raison, Vous ferez sans rougir si lâche trahison ? Je veux qu'il soit fidelle, et plein de courtoisie. Aujourd'huy que son pere avec toute l'Asie, Au milieu de la guerre est en sa Majesté, Et par tout l'Univers se void si redouté, Sans craindre le succez de son outrecuidance, Ozera-t'il traiter d'une telle alliance ? Non, ne le croyez pas : changez donc de dessein, Et voyez mes raisons d'un jugement plus sain : Car Madame, escoutez encore une parole, Si vous n'abandonnez cette entreprise⁎ fole, Ou ne la reservez à quelque temps meilleur, Puissé-je estre trompé, je vous predis mal-heur. On vient. Fuyons ; le Ciel releve ta vertu ! Pour guerir un amant⁎ de sa melancolie, Il faut faire semblant d'approuver sa folie. Ouy, je me sens vaincu ; Qui pourroit resister A ce Dieu si puissant, et qui sçait tout donter ? Suivez donc seulement l'histoire commencée, Et puis sur ce sujet j'ouvriray ma pensée. Qu'une amour née en guerre et parmy les alarmes, N'attende que la mort, et des subjets de larmes. J'apprehende pour vous, parce que je vous ayme, Et ne vous nuirois pas, non pas du penser mesme. Vous pourriez esmouvoir un naturel de glace : Oüy, je vous veux ayder, et par cette action Vous tesmoigner l'ardeur⁎ de mon affection : Quel soin⁎ plus glorieux me pouviez vous commettre ! Je vay porter au Prince et la fueille et la lettre : Au cas que sans roder icy tout alentour. Vous irez au logis attendre mon retour. Allez, et je feray tout ce qu'il faudra faire. Doncques est-il possible ! ô Dieu quelle fureur ! Puis-je estre encore en vie à cét objet⁎ d'horreur ! Mustapha, nostre Roy ! Et pour luy trahir ainsi son pere ! Son pere ! et son Royaume ! Me croire l'instrument de sa lâche fureur ! Comment pûst son esprit tomber dans cette erreur ! Moy porter ces papiers où ta honte est enclose ! Ne permette le Ciel que je me le propose. Voilà comme j'avois dessein de les porter, Lors⁎ que je te promis de les luy presenter. Je dis la verité. D'autant plus qu'oubliant la promesse donnée, L'impatiente ardeur⁎ de vostre jeune amour Vous a fait si soudain prevenir⁎ mon retour Pour apprendre plutost ceste triste nouvelle. Quand je vis ces papiers déchirez de sa main, Ah ! grand Prince, luy dis-je, est-ce donc de la sorte, Que vous reconnoissez une amitié⁎ si forte ? N'estimez vous donc rien qu'elle ait quitté pour vous, Tout ce qu'en son païs elle avoit de plus doux ? Que sans aucune suitte, et comme une inconnuë, Elle soit pour vous voir en ce lieu cy venuë ? Qu'elle ait esté rebelle à son pere, à son Roy, Plustost que de souffrir⁎ de vous manquer de foy⁎ ? Comment eut elle mieux contenté vostre envie, Qu'en vous livrant son cœur, son Royaume, et sa vie ? Seigneur, par vostre bonheur, et par cette clarté, Que vous n'ignorez pas tenir de sa bonté, Daignez prester secours à cette infortunée, Et donnez luy la vie, elle vous l'a donnee ; Aimez donc qui vous aime, et luy gardez la foy⁎. D'un cris de mespris, et de rage, (Car ces mots vivement piquerent son courage) M'oses-tu bien, dit-il, faire ressouvenir D'une foy⁎ que jamais je n'ay voulu tenir ? Et puis, dit-il, par un pouvoir magique, Et par cette science en Perse si publique, Elle m'avoit alors empoisonné le cœur, Qui depuis grace au Ciel a repris sa vigueur. Et si de son honneur faisant si peu de conte, Elle foule à ses pieds toute sorte de honte : Je ne suis pas d'advis de suivre ceste loy, Et ce seroit mal fait qu'un Prince comme moy, Prist en affection, et moins en hymenée, Une fille dont l'ame est si desordonnée : Partez doncques tous deux dans une heure d'icy Ou n'attendez de moy ni grace, ni mercy ; Son visage à ces mots paroissant tout de flame, Me jetta l'espouvante et l'horreur dedans l'ame, Et ma langue et mon cœur resterent si confus, Qu'aussi-tost je m'enfuys sans luy repliquer plus. Quoy qu'elle ait à souffrir⁎ de ce contrepoison, Il n'importe, pourveu qu'il soit sa guerison. Madame, il n'est plus temps desormais de se plaindre, Craignons pour nostre vie : L'excez de la douleur vous trouble et vous surmonte, Vostre mort ne feroit qu'augmenter vostre honte. Un invincible cœur endure constamment⁎. Oüy, car c'est le moyen d'en tirer la vengeance : Quittons donc ce pays, et si cét inhumain Montre avoir maintenant vostre amour à desdain, Qu'il vous trouve au retour sa mortelle ennemie, Et dans son propre sang lave son infamie : Allons, pour revenir avec tant de soldats, Que nous mettions sa teste et son orgueil à bas. J'y cours, ô d'un tel tour l'heureux evenement⁎ ! Elle est entre leurs mains, ô Ciel quelle disgrace ! Ah fille mal-heureuse ! hé Dieu ! tout est perdu. Ah Seigneur ! De grace, par ces pleurs qui baignent tes genoux, Daignes, puissant Seigneur, surmonter ton courroux, Et ne veuilles priver du jour une personne, Qui peut pour sa rançon t'offrir une couronne. Seigneur, sans vous tenir plus long-temps en soucy, La fille de Tamas, Persine, la voicy. Seigneur, comme je voy, ce mot vous espouvante : Mais j'ay dit toutesfois la pure verité. Seigneur considerez Ces cheveux Qu'elle serre au dedans entortillez par nœuds : Seigneur, je le diray. Seigneur, le vray subject, et qu'elle a voulu taire ; Est tel qu'il esteindra toute vostre colere ; C'est l'amour qu'elle porte au Prince vostre ainé, Soubs la foy⁎ de l'hymen entr'eux deux destiné. O deplorable Sort ! O Persine. Je fus de tout le mal l'occasion premiere, Et seul à sa malice ay fourny de matiere ; Car au lieu de tenir ce que j'avois promis, Ces papiers par moy-mesme en pieces furent mis, Et pensant ruyner les amours des Persine, Malheureux que je suis, je causay sa ruyne ; Car avecques l'escrit qu'elle m'avoit donné, Estoit du Roy son Pere un papier blanc siné. Que les Cieux sçavent bien nos fautes reparer ! Je les ay reünis, les voulant separer ! **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_la-reine *date_1637 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_lareine J'ignore en quel endroit⁎ mon pié douteux me guide, Au trouble des pensers qui me rendent timide. Hé comment recevoir avec un doux accueil, Un qui mettra mon fils, et moy-mesme au cercueil ? Comment ayant le cœur en guerre, et dans l'orage, Montreray-je la paix, et le calme au visage ? Ha ! Seline, un temps fut que je pouvois bien croire Que le Roy m'eslevoit à ce degré de gloire : Mais maintenant helas ! et c'est là mon tourment, Il n'est plus embrazé d'un feu si vehement. Celui-cy justement qu'il m'en donne ce jour, Ayant pour Mustapha tant d'estime et d'amour ; Car il m'apprend assez qu'au Sceptre il le destine, De Selin, et de moy, meditant la ruine. Qu'en vain sur son amour je fonday mon espoir, Je commence, et trop tard, à m'en appercevoir : Son amour qui me fit, par un dessein contraire Garder ce second fils aupres du Roy son Pere, Au lieu de l'exposer⁎, le sauvant de la mort, Ainsi que je fis l'autre, à la mercy du Sort. Je creu que Soliman espris de cette flamme Que Circasse estant morte, il eut pour moy dans l'ame, Me lairroit de ses feux un tesmoignage entier, En choisissant ce fils pour unique heritier. Mais bien loin de regner, je connois à cette heure, Qu'il faudra qu'avec moy le miserable meure. Je te croiray, Seline, et veux dés aujourd'huy, Commencer à le perdre, et me tirer d'ennuy⁎. Fin du premier Acte. Tais-toy, voicy Rustan : je te treuve⁎ à propos Pour en parler ensemble, et me mettre en repos. Et c'est là justement le point qui me tourmente ; Car sa mort d'une part le salut nous presente, D'autre part la pitié m'attendrit tellement, Que je ne sçaurois presque y penser seulement. Je voy bien ce danger, et je vous le disois, Que s'il vivoit, la mort nous estoit asseurée : Mais soit pour quelque temps sa perte differée. Las que me dites vous ? Chef ! et de quelle armée ? Je n'en ay rien apris. Est-il donc vray ! Donc en tant de façons, ô Destin plein d'envie, M'ostes-tu les moyens de me sauver la vie ? Comment n'a peu le Roy prevoir un si grand mal ? Mais tires-nous Rustan, de ce danger fatal. Je veux à ce subjet seulement dire au Roy Les soupçons qui pour luy me donnent de l'effroy ; Affin que subvenant à sa propre disgrace, Il nous delivre aussi du mal qui nous menace. Allons donc le treuver⁎ : mais le voicy venir. Soldats, où va le Prince ? Arrestez-vous icy. Dieu quel soucy le gesne⁎ ! Seigneur, que le Destin tousjours plus favorable Vous comble d'un bon-heur qui soit incomparable. Vous connoissez, Seigneur, mon amoureux soucy, Et que je ne vy pas si je ne vous contemple : Si bien que pour vous voir je m'en allois au Temple : Avec dessein aussi que nos vœux innocens Estant unis ensemble, en fussent plus puissans : Mais, Seigneur, de quel mal avez vous l'ame attainte ? Quelles sont vos douleurs, vos soins⁎, ou vostre crainte ? Hé que dites-vous, Sire ! Mais l'homme sage doit toute chose tenter Pour connoistre son mal, afin de l'eviter : Qui craint que dedans peu son naufrage n'arrive, A recours promptement à la prochaine⁎ rive. Qui sçait si l'Empereur⁎ successeur des Latins, Las d'esprouver tousjours de contraire destins, N'auroit point espié le temps de vostre absence, Pour entrer aujourd'huy le plus fort dans Bisance ? Si l'air de ce climat ou de cette Cité, Ne pourroit pas enfin nuire à vostre santé ? Ou bien si combattant avecques trop d'audace, Quelque danger helas ! de mort ne vous menace ? Si bien que retournant en Thrace seulement, Ce presage seroit sans nul évenement⁎. Sire, c'est bien conclurre, et j'apperçoy moy-mesme Une autre occasion de ce peril extresme. Helas ! seroit-il vrai ! Peut-estre crains-je à tort, quoy qu'avec fondement. Je crains qu'un scelerat N'ait tramé dessus vous quelque noir attentat, Et par vostre trespas n'occupe cét Empire, Où son ambition depuis long-temps aspire. Qui se sent le plus fort : Celuy dont vous devriez attendre moins ce tort ; L'injuste Mustapha. C'est luy-mesme. Pourquoy vous troubler tant, et devenir plus blesme ? Je n'en asseure pas, j'en doute seulement : Mais certes cette peur me trouble extremement. Sire, voyez-vous pas cette valeur guerriere, Combien elle luy rend l'ame hardie et fiere, Et tant d'autres vertus veritables ou non, Qui donnent dans la veuë, et font bruire son nom ? Ouy, vous le voyez bien, et voyez trop peut-estre, Puis que mesme il vous plaist si bien les reconnestre, Et que vous les aymez par une aveugle erreur, Au lieu que vous devriez les avoir en horreur : Considerez de plus cette humeur liberale, Et cette courtoisie à tout le monde esgale : Ne croit-il pas par là meriter d'estre Roy ? N'est-ce pas par cet art⁎ qu'on tire un peu à soy ? Si bien qu'il est certain que ses desseins sinistres Ne manqueront jamais de damnables ministres⁎ : Et puis vous sçavez bien que le peuple souvent Aveugle a plus d'amour pour le Soleil levant. Mais de plus qui pourroit nous donner asseurance Qu'il n'ait avec Tamas eu quelque intelligence, Quand sous un faux pretexte errant comme inconnu, Il fut chez les Persans en prison retenu ? Ce fut peut-estre alors qu'il trama vostre perte, Et qu'au Prince ennemy son ame fut ouverte : Peut-estre il luy promit un bon-heur eternel, S'il vouloit seconder son dessein criminel : Et tant de messagers, et de courses diverses, Dont il feint d'espier l'intention des Perses Pour moy je les soupçonne, et crois avec raison Qu'ils sont les instruments de cette trahison : Et si jusques icy l'issuë en fut remise Les forces luy manquant à si haute entreprise⁎ : Desormais qu'il se void la puissance en la main ; Il l'executera du jour au lendemain. Mais, Seigneur, vous sçavez ce que c'est du pouvoir, Que tant plus on en a, plus on en veut avoir. A-t'il donc tesmoigné tant de temerité ? Ah ! que doutons nous plus de cette verité ? Seigneur, qui vous retient ? helas ! sans le connaistre, Vous vous precipitez aux lacs⁎ que tend un traistre : Si vous ne nous croyez, croyez-en pour le moins Ces voix de vostre cœur, muets, mais vrais temoins. Allons, mais qu'il souvienne à vostre Majesté Qu'on ne sçauroit trop tost prevoir à son dommage. Seline, c'en est faict, son arrest⁎ est donné, On va faire mourir ce Prince infortuné. O Dieu quelle pitié dans moy se renouvelle ! Je suis donc l'instrument d'une mort si cruelle ! Mais il meurt innocent. Quoy doncques des soupçons legers et sans raison, Auront peu me resoudre à cette trahison ! Non, je ne puis souffrir⁎ ce reproche en mon ame, Je veux tout declarer. N'importe. Ce que tu dis, vieillard, me surprend et m'estonne⁎ ! Mustapha ne pourroit pretendre à la Couronne ! Et n'est-ce pas celuy que trois jours justement, Devant⁎ les premiers cris de cét enfantement, Où de mon aisné mort je pleuray la disgrace, Mit pour ma perte au jour, la Sultane Circasse ? Ciel ! estoit-ce donc luy ! L'avare ! le parjure ! Doncques tant de joyaux qu'il receut lors⁎ de moy Ne purent l'obliger à me garder sa foy⁎ ! Mais dy-moy bon vieillard, toy qui dés sa naissance, As de ce jeune Prince entiere connoissance, Toy, dis-je, dont les soins⁎ furent creus suffisans, Pour eslever la fleur de ses plus tendres ans, N'as-tu point sur son corps apperceu quelque marque ? C'estoit mon propre fils ! et celuy de Circasse L'enfant mort qui fut mis au sepulchre en sa place ! Naissant je le perdis par trop de piété ; Maintenant je le perds par ma credulité. Je suis en son endroit⁎ doublement criminelle, Pitoyable autrefois, et maintenant cruelle : Car sçaches, bon viellard, que l'on croit faussement, Que mon premier enfant soit dans le monument⁎ : Je feigny cette mort pour luy sauver la vie, Craignant que par Circasse, elle luy fust ravie, Qui ne pouvoit souffrir⁎ ( mais tu la connus bien) De voir à Soliman d'autre enfant que le sien. Ainsi pour eviter son embusche mortelle, Je voulus pratiquer cette ruse nouvelle, Et j'envoyois mon fils loin d'elle et du danger, Dans une place forte avec cét estranger, Qui devant⁎ que partir me donna (chose estrange), L'autre enfant mort du roy qu'il eut par ton eschange, Et qui sous un destin plus heureux et plus beau Fut pour mon propre fils porté dans le tombeau, De mesme que du Ciel la sagesse profonde T'adressa vers celuy que j'avois mis au monde, Afin que tous les deux, le vivant, et le mort, Fussent creus fils du Roy, mesme malgré leur sort. Allons donc tout à l'heure Empescher si je puis que mon cher fils ne meure, Et si l'ayant trouvé je le pers aujourd'huy, Moy-mesme je mourray de regret et d'ennuy⁎. Je t'ay trop escouté : Ta trahison aura ce qu'elle a merité. Non, toutes ces raisons ne m'en peuvent distraire. J'apperçoy Soliman. Seigneur, c'est à moy seule A qui de Mustapha le chastiment est deu ; Ma mort plus que la sienne, est juste et legitime, Et seule contre vous, j'ay peu commettre un crime, Puis que j'ay conspiré contre mon propre sang, Et ruyné celuy qui sortit de ce flanc : Je suis de Mustapha la veritable mere, Et que cecy, grand Prince, appaise ta colere ; Quel autre chastiment me peut estre donné, Qui ne cede aux tourmens dont j'ay l'esprit gesné⁎ ; Marastre que je suis ! horreur de la nature ! J'ay de mon propre fils creusé la sepulture. Ouy, Sire, asseurément : Ce vieillard me l'enseigne, et vous sçaurez comment : Cependant de Rustan l'ambition couverte⁎ M'a fait injustement travailler à sa perte, Et jetter dans l'esprit de vostre Majesté Des soupçons esloignez de toute verité : Ou souffrez⁎ donc, Seigneur, qu'avec luy je perisse, Ou que j'aille à l'instant le tirer du supplice. Seigneur, j'avois désjà de moy-mesme mandé, Que son supplice fust quelque temps retardé, Craignant qu'on ne courust trop tard à sa deffence, Quand vostre Majesté sçauroit son innocence. Mais, Seigneur, accordez au Zele⁎ toute puissant, Que pour son propre sang une mere ressent, Que je coure moy-mesme aussi le reconnestre, Et que j'aille embrasser⁎ celuy que j'ay fait naistre. C'est le subject, mon Fils, d'où provient ta disgrace, Et sur tout de la lettre ; Il ne te reste plus Qu'à te justifier au Prince, là dessus. Le voilà qui t'attend pour ouyr ta deffence. Ainsi le Ciel luy-mesme a puny son offence. Seigneur, son innocence est desormais trop claire. O fils heureusement aujourd'huy retreuvé⁎ ! Que tu rends desormais ta mere fortunée ! **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_seline *date_1637 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_seline Ceux qui renferment mieux leurs pensers au dedans, Sont Madame, à la Cour tenus les plus prudens : C'est pourquoy je voudrois ; qu'avecques plus d'adresse, Vous retinssiez couvert⁎ le tourment qui vous presse, Moderez votre plainte, usez d'un doux accueil, Envers cét ennemy, bouffi de tant d'orgueil : Enfin n'oubliez rien qui vous rende croiable, Alors qu'aupres du Roy vous le rendrez coupable. Mais vostre inimitié du moins se doit cacher, Voiant que Soliman l'ayme et le tient si cher ; Feignez de luy porter une amitié⁎ semblable, Vous en serez au Roy d'autant plus agreable, Et par là vos discours auront plus de credit, Plus on ayme quelqu'un, plus on croit ce qu'il dit. Que dites-vous, Madame, et quel nouvel indice Tesmoigne qu'envers vous son feu se refroidisse ? Oüy, si vous n'essaiez avec la mort d'autruy, De destourner ce mal, et de vous et de luy. Donc pour y parvenir, usez d'art⁎ et de ruse, Pour vivre, et pour regner, tout se fait, tout s'excuse. Mais, Madame, c'est estre à soy-mesme, inhumaine : Ah Madame ! plustot qu'il meure mille fois. Madame, ayez bon cœur, tout vous vient à souhait : Ce trouble obscurcira la verité du fait. Prenez le temps, Madame. La raison, le devoir, les loix de l'amitié⁎, Vouloient que vous eussiez de vous-mesme pitié. Il deviendroit coupable, Empescher de faillir c'est estre charitable. Gardez-vous-en, Madame, Si vous vous accusez, vous attirez sur vous, Du juste Soliman, la haine et le courroux. Parlez bas, car nous serions perdues, Si celuy-cy qui vient nous avoit entenduës⁎. O merveille ! **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_mustapha *date_1637 *sexe_masculin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fils *role_mustapha Derechef⁎ je rends grace à vostre Majesté D'un honneur que je sçay n'avoir point merité : Le pouvoir qui me vient de cette main auguste Ne souffrira⁎ jamais rien de lasche ou d'injuste : Mais dessous la faveur d'un Prince si guerrier, J'espere veoir fleurir la Palme et le Laurier : Combatant pour un Roy remply de tant de gloire Me pourroit-on ravir l'honneur de la victoire ? Pleust aux Cieux seulement que vostre Majesté Commist toute la guerre à ma fidelité, Et que se reservant au bien de cét Empire, Elle aimast le repos que son âge desire, Et non pas toutesfois sans imiter le cœur, Qui ne bouge et partout espanche sa vigueur. Je prens congé, grand Prince, et cours avecque joye, Où le vouloir d'un Pere et le Destin m'envoye. Que si le Messager n'est indigne de foy⁎, Au Palais de la Reine, on doit trouver le Roy : Voicy donc le plus court ; Mais voy-je pas Ormene ! Comment m'as-tu suivy bon Pere et qui t'ameine ! Que crains-tu ? Quelle raison pourroit exciter leur courrous ? Et qui peut concevoir un courroux équitable, Pour un choix que chacun trouve si raisonnable ? Quiconque craint de moy quelque offense, il s'abuse : Mais quels seroient leurs lacs⁎ ? quelle seroit leur ruse ? Quelle puissance ont-ils, et quel droit dessus moy ? N'ay-je pas pour deffense et mon Pere, et mon Roy ? Et dequoy Mustapha peut-il estre accusé ! Ma foy⁎ n'est-elle pas à mon Pere assez claire ? Ce seroit là vrayment un detestable tour, De faire reüssir leur haine par l'amour ! J'ayme, je le confesse (et tu connois Ormene Quelle est à son sujet mon amoureuse peine) La fille de Tamas, Roy de nos ennemis, Persine, en qui le Ciel tous ses thresors a mis : Et toutesfois (permets qu'icy je le redie) Bien loin de me noircir d'aucune perfidie, Si je ne puis enfin gaigner dessus le Roy, Que par un doux hymen je dégage ma foy⁎ : Si, dis-je, je n'obtiens dedans cette entreprise⁎, Ou que par la victoire elle me soit acquise, Ou bien mesme qu'estant des Perses surmonté, Mon Pere me la daigne offrir par sa bonté : Pour ne pas offenser mon Roy pour l'amour d'elle, Pour ne la pas trahir ny rester infidelle, Je me türay moy-mesme, et de cette façon Je m'exempteray bien de blasme et de soubçon. J'approuve ta sagesse, Ormene, et je l'escoute : Mais ta peur apres tout, n'est que sur une doute : Si bien que je ne puis, sans manquer au devoir, N'aller pas vers mon Pere apprendre son vouloir ; J'y vais, et que le Ciel m'aide si j'en suis digne. Que veut dire, et d'où vient mon Adraste fidelle ? L'homme ferme et constant⁎ n'a pas le pied leger, Et ne se trouble point sans sçavoir le danger. Apprends moy donc devant⁎, ce qui te met en peine. Mais en es-tu certain ? ou si tu l'apprehendes ? L'innocent est trop fort, Il est invulnerable à tous les traicts du sort. Non, ne differons plus, qui differe est coupable. Amis, que faictes-vous ? Plutost, plutost qu'il meure. Mais dis que c'est l'effect⁎ d'une affection sage, Qui desire empescher vos crimes par ma mort. Sans l'honneur qui vrayment est l'ame de la vie, La vie est elle un bien digne de nostre envie ? Le Temps descouvrira la verité du faict. O de tous mes mal-heurs ; le mal-heur plus extresme ! Retourne ! mais retourne Adraste aussi toy-mesme, Si jamais ta bonté me daigna secourir, Et leur dis que je vis. Que trop ; allons-y donc, ô Sort impitoyable ! Fin du troisiesme Acte. Vas t'en, et si quelqu'un venoit dessus mes pas, Enjoins-luy de ma part de ne me suivre pas ; Et luy dis qu'aimant mieux une mort glorieuse, Que de vivre une vie à mon Prince odieuse, Je retourne à la Cour pour avoir le bon-heur D'immoler s'il le faut ma teste à mon honneur : Mais afin que mon Pere avec plus d'asseurance Sur ce flanc desarmé lise mon innoncence, Emporte cette espée, et vas pres de la Tour, Ou si tu veux, au camp, attendre mon retour. Veillé-je, ou si je dors ! Dieu ! qu'est-ce que je voy ! Est-ce une chose vraye ! ou si101 c'est quelque songe, Dont mon desir m'abuse avec un doux mensonge ! C'est sans doute elle mesme ! ô Dieu ! troupe barbare ! Hé comment traitez-vous une beauté si rare ! O Destins inhumains ! En quel estat apres une si longue perte, Maintenant à mes yeux, par vous est-elle offerte ! Persine prisonniere ! et pour tout reconfort, Persine n'attendant que l'heure de la mort ! Persine qui pourroit retenir asservie Des Rois les plus puissans, la franchise et la vie ! Et pourquoy m'accuser de manquer à ma foy⁎, Moy qui n'aimay jamais, et qui n'ayme que toy ? Je reste tout troublé ! quel est donc ce forfait ? Que je sçache du moins le crime que j'ay fait ? Certes si j'ay failli, ma faute est pardonnable, Car c'est la volonté qui rend seule coupable. Ah tais-toy, de douleur je suis presque pasmé : Je perds à tes discours et l'esprit et la vie : Quelle est cruel destin aujourd'huy ton envie ? Quel estrange complot de l'Amour et du Sort, A juré ma ruyne, et conspiré ma mort ? Quels autres ennemis ont entrepris encore De m'accuser à toy d'un crime que j'ignore ? Dequoy me parles-tu ? quels estoient ces escris ? Qui me les apporta ? qui les a veus ou pris ? Qui jamais entendit sortir de cette bouche, Que des mots de loüange en tout ce qui te touche ? Deschirer tes escrits ! desavoüer ma foy⁎ ! Ah que ces actions ne partent pas de moy. T'appeller ny te croire impudique ou sorcière ! Te chasser, menacer de t'oster la lumière ! O Ciel, s'il est ainsi, que tarde ton courroux ? Precipices, Enfers, que ne vous ouvrez-vous ? Affin de m'engloutir dans vos profonds abysmes, Pour la punition que meritent ces crimes ? Que la terre ait horreur de soustenir mes pas ; Que ny l'air, ny le feu ne me soulagent pas ; Qu'avec les Elemens l'Univers me haïsse, Et pour me souhaitter un plus rude supplice, Que Persine elle mesme ait pour moy de l'horreur, Si jamais mon esprit conceut tant de fureur, Et si dedans ce cœur qui garde ton image, Mon amour ne te rend un eternel hommage ; Que ne penetres-tu dedans mes sentimens ! Que ne vois-tu Persine en ce cœur si je mens ! On ne respectera plus de si divins appas, Et quand tant de beauté ne te pourroit deffendre, Si quelqu'un doit mourir, J'ay du sang à respandre. Fin du quatriesme Acte. Faut-il donc que ce fer, trop aimable Persine, Se monstre si cruel à ta beauté divine, Et que nos cœurs unis par l'Amour et le Sort, Soient separez du coup d'une si dure mort ! Mais pourquoy n'est-on pas content de mon supplice, Sans que cette Princesse avecque moy perisse, Qui ne peut en vivant donner aucun ennuy⁎, Ny s'usurper⁎ la gloire ou le Sceptre d'autruy ? Ne reconnoist-on pas quelle est son innocence ? Si ce n'est que l'amour ait causé son offence. Ce visage Persine a des attraits trop doux, Pour estre le sujet d'un si rude courroux : Croy plutost que le Ciel jaloux des belles flames Où s'alloient consommant nos innocentes ames, Et dont nous recevions dans un paisible accord Des biens qu'on ne sçauroit gouster qu'apres la mort ; Le Ciel, dis-je, sur nous deschargeant son envie, A luy mesme entrepris de nous oster la vie : Mais mourons constamment⁎, et faisons voir ce jour Qu'on nous peut bien oster la vie, et non l'amour. Avançons donc, Persine, et courons avec joye, Où par arrest⁎ du Ciel un Pere nous envoye ; Et puis qu'on nous deffend de nous joindre autrement, Qu'en allant l'un et l'autre ensemble au monument⁎ ; Allons mourir ensemble, et qu'au moins en ce monde Nostre sang dans la mort se mesle et se confonde. Persine, une autre fois me croirez-vous coupable ? Doncques vous le croyiez plus fidelle que moy ? Pere, et Roy, le meilleur et plus grand des humains, Et ma vie et ma mort sont bien entre vos mains ; Vous avez trop de soin⁎ de l'ame la plus basse, Pour ne pas mesnager le sang de vostre race : Puis de quelque façon que vint vostre courroux, Que pouvoit-il m'oster qui ne fust tout à vous ? Pardonnez seulement à cette belle Amante⁎ L'excez où la porta son ardeur⁎ vehemente ; Aussi pardonnez-moy si sans vostre congé⁎ Dans cét amour suspect mon cœur s'est engagé, Le plus juste sujet de toutes mes traverses. La valeur du bien-fait et l'action est telle, Qu'elles meritent, Sire, une grace immortelle ; Et si je ne croy pas qu'un tel remercîment Pûst encore estre égal à mon ressentiment⁎ : Mais quelle triste nüe obscurcit ton visage ? Persine, fuyrois-tu cét heureux mariage ? Ou si te ressentant de ton premier courroux, Tu m'estimes coupable, et me hays pour espoux ? **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_soldat *date_1637 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_soldat Au Palais, grande Reyne. Sire, ce prisonnier Persan de nation, Vient pour vous éclaircir de son intention. Faisant garde, et rodant autour de la Cité, Nous le vismes de loin comme hors de luy-mesme, Les yeux estincelans, et le visage blesme ; Et creusmes aussi-tost qu'il couvoit en son sein, Ou venoit d'achever quelque mauvais dessein. Apres nous estre enquis de cent choses diverses, Il nous dit qu'il estoit un espion des Perses ; Et sans nous resister il fut conduit icy. Madame, de vos maux j'ay si fort l'ame attainte, Et fay ce triste office⁎ avec tant de contrainte, Que si l'on avoit mis l'un et l'autre à mon choix, Je choisirois plustost de mourir mille fois. Vos beautez, vostre rang, vostre sexe, et vostre âge, Que vous faites reluire avecques tant d'éclat, Me touchent vous voyant reduite en cét estat : Mais ce qui plus que tout sensiblement me presse, C'est que de Mustapha vous soyez la Maistresse. Amour, Maistresse, mort, vengeance, deplaisir ; Mais soit ce qui pourra ; j'accorde ton desir. Le Roy, brave Seigneur, l'a mise entre nos mains, Jugez par là du reste. **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_ormene *date_1637 *sexe_masculin *age_veteran *statut_maitre *fonction_pere *role_ormene Seigneur, j'acours à vous, et je rends grace aux Cieux, Qu'encore assez à temps je vous touve en ces lieux : Certes si j'eusse esté present à ce message, Je m'y fusse opposé ; mais de tout mon courage, Pour la crainte que j'ay d'un sinistre accident, Qui dedans mon esprit se rend presque evident. J'apprehende, et non sans juste cause, Que l'on n'ait contre vous machiné quelque chose : Pourquoy si promptement vous r'appeller en Cour, Vous mandant de tenir secret vostre retour ? A peine en sortez vous, et nous devons bien croire, Que Soliman n'a rien laissé dans sa memoire. Quel desir pourroit donc rendre en si peu de temps D'un Roy si resolu les conseils⁎ inconstans ? Ah je voy les serpens qui se cachent sous l'herbe, C'est la Reyne elle-mesme, et Rustan le superbe⁎, Dont la rage vomit son venin contre vous. Je croy que dans Rustan vostre insigne merite Desjà depuis long-temps cette rancune excite, Le merite à la Cour est rare et pretieux, Et tousjours exposé⁎ pour butte aux envieux ; Mais ce qui plus que tout a sa rage enflamée, C'est de voir que le Roy vous a fait chef d'armée : Je sçay que ce matin il ne l'a peu souffrir⁎, Presumant qu'à luy seul ce rang se deust offrir. Quoy que ce qui nous nuit se fasse justement, On ne le sçauroit voir sans mescontentement : Si bien que secondé du courroux de la Reine, Il dresse à vostre vie une embusche certaine ; Et vous n'ignorez pas quelle injuste raison Peut obliger la Reine à cette trahison : Seigneur, elle est marastre, et de plus ne demande Que de voir chaque jour sa puissance plus grande : Mais elle craint de vous, pour elle et pour Selin, A leurs jours glorieux, une cruelle fin. Ah Seigneur, vous feignez de ne me pas entendre⁎. Sçachant que le Roy seul sur vous peut entreprendre, Ils vous auront vers luy quelque crime imposé⁎. Mais les ruses et l'art⁎ que ne peuvent-ils faire ? Manquent-ils de matiere à leur subtilité, Ou de fausse couleur⁎ à leur méchanceté ? Hé qui sçait s'il n'ont point desseigné vostre perte Sur cette amour, par eux, malgré nous descouverte ? Seigneur, si la bonté de cette ame ingenuë, Comme elle l'est au Ciel, en terre estoit connuë, Je suis bien asseuré, que ny de cette part, Ny d'ailleurs vous n'auriez à courre aucun hazard : Mais quoy, l'œil des mortels ne connoist pas ces choses : Voyez donc si je crains avec de justes causes, Et vous-mesme jugez combien il est besoin⁎, D'apporter en ce fait, de prudence et de soin⁎. Seigneur, ne bouge, et voy qu'Adraste t'en fait signe. O de ma triste peur asseurances trop grandes ! Fuyons, mon fils, fuyons. Mais qui se peut garder du venin de l'envie ? Ah Seigneur ! Ah mon fils ! par tes jeunes années, Autrefois par mes soins⁎ tendrement gouvernées ; Par mon affection, par mon ardente foy⁎, Conserve toy, mon fils, et pour nous, et pour toy : Fuys nostre perte à tous, fuys cette injuste mere, Fuys du traistre Rustan la malice ordinaire, Evite la fureur de ce Pere irrité, Et laisse avec le temps sortir la verité. Hé mon Fils ! Ouy, mais si Soliman vous contraint de mourir, Et que par tout le monde il fasse apres courir D'une innocente fin, une raison infame, Vostre mort sera-t elle honorable et sans blasme ? Vivez donc, pour joüyr de cét heureux effect⁎. Si de ce cœur fidelle, et de ce grand courage, Vous craignez que le Roy prenne le moindre ombrage. Seigneur, vous jugez bien qu'il est plus à propos, Que vous-mesme y mettiez la paix et le repos. Possediez-vous, Madame, un eternel bon-heur, Comme vous ferez grace à mon fils et Seigneur : Car lors⁎ que vous sçaurez un secret d'importance, Vous userez sans crainte envers luy de clemence : Mustapha maintenant a les Cieux ennemis, Non point comme je crois, pour mal qu'il ait commis : Mais parce qu'il n'est pas de royale naissance, Pour heriter du Sceptre et regner dans Bisance ; Encor qu'en ce point mesme il soit net de peché, Et que jusques icy ce fait luy soit caché : J'ay tousjours reservé ce secret dans mon ame, Depuis qu'il fut enfant eslevé par ma femme : Mais le voyant helas ! si proche de la mort, J'ayme encor mieux qu'il vive, et renonce à son sort. Le jour que vostre aisné dans le monde parut, Le mesme jour, le fils de Circasse mourut : Elle qui sur ce fils élevoit son courage, Craignant que ce trépas ne causast son dommage, Afin de reparer cette injure du sort, Me pria de chercher un vivant pour le mort : C'est celuy que depuis la subtile Circasse Fit croire à Soliman de son illustre race ; Bien que de fort bas lieu sans doute il soit venu, Et que je l'eusse pris du premier inconnu, Qui le debvant porter au loin dans une ville, Dont la mer qui la ceint rend l'abord difficille, Consentit aisément à s'en veoir delivré, Moyennant cent sequins qu'alors je luy livray Avecques l'enfant mort qu'il mit en sepulture. Le Ciel vouloit qu'un jour il fust nostre Monarque ; Aussi pour cét effect⁎ receut-il en naissant Sur le bras droit, un signe, en forme de Croissant. O prodige ! O bien-heureux Ormene ! **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_adraste *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_adraste Ah grand Prince ! fuyez cette maudite Cour, Où l'on a conspiré de vous priver du jour. Du camp, où ce malheur vous-mesme vous r'appelle. C'est, Seigneur, en un mot ; que Rustan et la Reine, Pour vous perdre, ont de vous en diverses façons, Dedans l'esprit du Roy, jetté de faux soubçons. Vous n'estiez pas encor de nostre camp sorty, Que j'en fus en secret aussi-tost adverty : Ainsi, Seigneur, tandis que vous le pouvez faire Evitez promptement son injuste colere. Seigneur, c'est lascheté d'aymer par trop la vie, Et de ne pas mourir à l'heure qu'il le faut : Mais de mourir à tort, c'est un pareil defaut. Entendez⁎ un mot irrevocable ; Que le Dieu Tout-puissant qui punit les pervers, Tienne dessous mes pieds les abymes ouverts, Si ma promesse n'est de son effect⁎ suivie : Il vous faut, ou regner, ou bien perdre la vie : Mais Adraste aujourd'huy vous sauve et vous fait Roy Et l'armée, et la Cour, tout est presque pour moy : Sus donc, qu'attendons-nous ? Le Destin favorise Ceux qui suivent hardis une belle entreprise⁎. Nous te declarons Roy : Compagnons criez tous, Vive le jeune Prince. Ah, Seigneur, quelle rage ! Mais ce remede seul détourne vostre sort. Mais que tu vas mourir. Pensez-vous que des gens remplis de défiance, Aux paroles d'autruy prestent si tost creance ? A peine voudront-ils s'en fier à leurs yeux, Seul vous appaiserez leurs esprits furieux. Seigneur, trouvez-vous pas cét advis raisonnable ? **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_messager *date_1637 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_messager O Seigneur, retournez, retournez à l'armée, Où parmy tous les Chefs la nouvelle est semée, Que vostre teste court un funeste danger, Desjà l'on se soûleve afin de vous vanger. **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_devin *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_devin La trahison est vraye, et faite sans raison. Mais le traistre se cache, Et couvre avec son nom, une action si lasche, Qui non plus que son nom ne se cognoistra pas, Qu'apres l'evenement⁎ de son juste trépas. Cette lettre, de vray, monstre assez le forfait ; Mais ne declare pas le nom de qui l'a fait ; Cét escrit que tu tiens, et qui t'emplit d'effroy, S'addressant à ton Fils, ne regardoit que toy. Bien plus que tu ne crois, et sans estre coupable. Mon dire est veritable : Mais je ne sçaurois pas t'expliquer clairement, Ce que je n'apperçoy qu'en ombre seulement ; Le reste surpassant mon humaine foiblesse, Demeure ensevely dans une nuit espaisse. Oüy j'obeys, Rustan : Mais si je pars, tousjours le Ciel sur toy demeure, Et parlera pour moy, devant⁎ qu'il soit une heure. **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_gentilhomme *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_gentilhomme Seigneur, voicy venir l'Ambassadeur des Perses. **** *creator_dalibray *book_dalibray_soliman *style_verse *genre_tragedy *dist1_dalibray_verse_tragedy_soliman *dist2_dalibray_verse_tragedy *id_ambassadeur-perse *date_1637 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_ambassadeurperse Invincible Seigneur, le Roy Tamas mon Maistre, Privé du doux aspect de celle qu'il fit naistre, Et qu'il a fait chercher par d'inutiles soins⁎ Dedans tous les pays de son pouvoir tesmoins ; Desjà desesperé de perdre en cette fille L'appuy de sa Couronne, et l'heur de sa famille, Enfin a descouvert par la bonté des Cieux Qu'elle estoit inconnuë arrivée en ces lieux ; Et comme si son cœur trop veritable augure Eust pour elle preveu cette triste avanture : Il m'a, Seigneur, exprez devers⁎ vous deputé, Pour la redemander à vostre Majesté : Elle vient de courir fortune⁎ de la vie, Seigneur, ne souffrez⁎ pas qu'elle luy soit ravie ; Quel honneur recevroit un grand Roy comme vous, Qu'une jeune Princesses esprouvast son courroux ? Plustost, plutost, Seigneur, dissipez ces tempestes, Qui s'en vont fondre⁎ en Perse et menacent nos testes, Et puis que nous voyons le port nous estre ouvert, Que vostre Majesté nous y mette à couvert⁎. Il semble qu'en ce jour le Ciel et la Fortune⁎ Offrent l'occasion à nos vœux opportune : L'occasion est fiere, elle hayt le refus ; Une fois méprisée elle ne revient plus : C'est elle qui vous prie au nom du Diadéme, Au nom du Roy Tamas, mais au nom de vous mesme, D'embrasser⁎ le repos, et pour vous, et pour luy, Que la faveur du Ciel vous presente aujourd'huy : Vous sçaurez trop, Seigneur, de quelles belles flames Se sentent consommer ces genereuses ames, Donnez à leur ardeur⁎ seulement vostre aveu⁎ Et nos feux aussi-tost s'esteindront par ce feu : Car j'ay charge, Seigneur, de vous rendre les terres Qui causent parmy nous de si cruelles guerres, Au cas que cét Hymen de mon Roy souhaitté Ayt aussi l'heur de plaire à vostre Majesté. Je veux que vous soyez certain de la victoire ; Icy, Seigneur, la paix vous donne autant de gloire, Et puis dés à present mon Prince vous remet, Ce qu'apres un long temps vostre espoir vous promet. A quel bon-heur mon Roy se void-il eslevé !