**** *creator_dancourt *book_dancourt_bonsoldat *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_bonsoldat *dist2_dancourt_verse_comedy *id_ANGELIQUE *date_1693 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Quoi, d'un jaloux vieillard je me verrais la femme ? Jacinte, nous aimons l'honnête liberté, Nous serions toutes deux dans la captivité, Plus de Bal, d'Opéra, de Jeu, de Comédie, Qui faisaient nos plaisirs. J'aime autant me résoudre à mourir Que mon Père... Son père est attaqué de la goutte, il est vieux. Et Léandre me laisse au bord du précipice. Cesse en l'excusant d'augmenter mon supplice. Dis qu'il peut m'oublier, Répond-il à ma lettre ? Ha ! Si je lui suis chère Qu'il vienne m'enlever dans les bras de mon père, Qu'il me sauve de ceux de ce jaloux vieillard. Mon Père le croit riche, et veut que je l'adore, Il faut feindre d'aimer ce que mon coeur abhorre. Toi-même m'as donné cet avis, je l'observe, Et pour plaire à mon père, il faut que je m'en serve, Si, dit-il, je ne l'aime avec emportement, Il me fera finir mes jours en un couvent ; Vois, pour les abuser comme il faut que j'agisse. Si Léandre hasardait de venir jusqu'ici. Qu'a-t-il dit ? Ah ma peine est extrême ? Des enchantements ; Dieu m'a bien assistée de ne pas voir dedans, Comme je me serais accommodée. Qu'avec votre départ vous me désespérerez, Si près de nous unir serions-nous séparés. Et c'est ce qui m'étonne. Si jamais je ne vous avais vu Que je serais heureuse ! Il est tard, ne partez que demain, s'il vous plaît. Mon fils. Va-t-elle bien ? Elle vous coûte bien vingt Louis ? Vraiment elle est fort belle. Je le crois. Enfin, quelle heure est-il ? Hélas ! Ne partez point. Qu'est-ce encore que cela ? Que vous m'avez fait peur, à quoi bon tous ces cris. Aussi, pourquoi toujours mettre votre sac là. Rentrez, vous aurez froid dans cette grande salle, Monsieur. Je vous suis, allez tout apprêter, Vous n'avez pas besoin de moi pour vous botter. Oui, Jacinte, Il se botte. À merveille. Oh tu vas voir, Ces feints déplaisirs font, étant crus véritables, Dans un jaloux absent des effets admirables ; As-tu trouvé Léandre ? J'y vais. Quoi, vous allez partir ? Non, absente de vous, je ne pourrai pas vivre, Ou souffrez que je meure, ou laissez-moi vous suivre. Je veux toujours vous voir. Vous voulez me mettre au désespoir. Deux jours ! Ce mot me tue, Je pourrais me priver deux jours de votre vue, Deux jours ! Tout est charmant en vous, et tout a su me plaire, Vous le savez fort bien. Non, non, si je ne pars, ils ne partiront pas, Je ne vous quitte point. Quoi, si près d'un hymen, vouloir m'abandonner ? Hé ce moment venu m'est pis qu'un coup de foudre ; Oui, j'ai cru me résoudre à vous laisser partir, Mais je vois bien qu'enfin je n'y puis consentir. Quoi ! Vous pleurez, mon cher, ah cessez... Non, puisque son départ causera mon trépas. Partez. Quand viendrez-vous ? Puisque je me résous à souffrir votre absence, Loin de vous supplier à faire diligence, Pour ne me plus jouer de si sensibles tours, Au lieu de deux, de trois, prenez huit ou dix jours. Non, non, partez, Monsieur. Fussiez-vous déjà loin, Je pourrais vous revoir plutôt que je n'espère. Il est déjà bien tard. Mais la nuit vous prendra dans une heure d'ici. Faut-il laisser aller ce que j'aime le mieux ? Ah Ciel ! Adieu toute ma joie. Ha, je respire, et bien sais-je me contrefaire ? La feinte était fort bien. Enfin, il est absent, pour le coup, respirons, Et jouissons un peu du bien que nous avons. Comment, que fait cela ? Quoi, vous souffrir chez moi, Seule. Puis-je, mon Accordé, Monsieur, étant aux champs, Souffrir, avec honneur, le moindre homme céans ? Je n'ai qu'une cuisine, une chambre et ma salle, On ne peut vous coucher que dans un galetas. Je crains... Vois qui heurte ? Hé va, nous le verrons quand nous serons à table. Jacinte, le voici. Je vous aime, mon coeur ne dément point ma voix, Je crois depuis deux ans vous l'avoir dit cent fois, Je vous aime. C'est dessus notre hymen que mon amour se fonde ; Où donc, vous prétendez me faire un grand régale. Jacinte, que je sens de trouble dans mon âme. Et ma bouche et mes yeux, ne vous l'ont que trop dit. La porte du devant est-elle bien fermée ? Je viens d'être alarmée. D'un soldat que nous avons là-haut. Oui. Il ronfle comme il faut. Lui ? Rien. Monsieur, quelle est ma crainte ! Ah, si c'est lui, Léandre, où vous sauverez-vous ? C'est lui ? Que lui ferai-je croire ? Portez dans cette grande armoire La Table comme elle est. Oui, vous dis-je, elle l'est plus que vous ne pensez, Cachez-vous dans ce coin, Monsieur. Dépêchez-vous, je suis bien plus morte que vive. Non, j'en suis si surprise, Que de ce soir, Monsieur, je n'en serai remise. À l'heure qu'il est, que voulez-vous qu'on croie ? Ah ! Votre retour m'est un coup de poignard ; Pourquoi s'en revenir puisqu'il était si tard Et pourquoi me donner une frayeur mortelle. Oui, mais mon trop d'amour entretient ma frayeur, J'aime, et je crains toujours. J'avais déjà l'effroi D'un Soldat qui céans s'est logé malgré moi Souffrir un homme ici, seules, en votre absence, Que dira-t-on de moi ? Ne vous attendant pas, qu'aurions-nous eu sans vous. Ah, ne le croyez pas, Monsieur qu'allez-vous dire ? Jacinte, qu'est ceci ? Il me prend un frisson. Ah, Monsieur, c'est un Diable. C'est un Magicien, il n'en faut plus douter. Cela m'est impossible. Et moi. Ah, Monsieur est un Diable, il va nous perdre, Hélas ! C'est pour troubler les nôtres. Lui ! Si nous le voyons, Monsieur, je suis perdue. La figure de l'homme est la plus agréable : Que comme un tourbillon il sorte de ces lieux, Je tournerai le dos, ou fermerai les yeux. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bonsoldat *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_bonsoldat *dist2_dancourt_verse_comedy *id_JACINTE *date_1693 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_jacinte Il faut au pis-aller s'y résoudre, Madame. J'en suis toute étourdie, Nous aurons vous et moi diantrement à souffrir, Madame. Voyez son avarice extrême, Chez ce futur époux il vous conduit lui-même, Il vous y fait loger et veut dès aujourd'hui, Au plus tard dès demain vous marier chez lui, Et même sans prier aucun de la famille, Qui jamais de la sorte a marié sa fille ? Que sa goutte remonte on en sera bien mieux. Mais... Il peut tout ignorer. On lui vient d'envoyer, Jocrisse l'a portée. C'est un vilain magot que ce Monsieur Grognard. Et vous feignez si bien, Madame, en vérité, Que vous semblez l'aimer avec sincérité. Vous avez un esprit qui se démonte à visse. Jocrisse vous dira... mais déjà le voici. La bête, Les cheveux et la peau, Jocrisse n'est-ce pas ? Madame, Voici Monsieur Grognard, je crois qu'il a dans l'âme Quelque chagrin. Bon, excellente nouvelle, J'en vais faire avertir Léandre. Hé bien, partira-t-il ce grogneux ? Avez-vous commencé votre plainte ? Il faudra paraître au désespoir Dans les derniers adieux, Madame. Oui, j'ai su l'avertir, Que votre vieil Amant s'apprête pour partir, Et même en ce moment, au coin de cette rue Il a mis devant moi son valet à l'affût, Pour savoir quand Monsieur Grognard décampera, Et pour souper ici Léandre se rendra. Il va donc partir ? Ouvre-lui bien la bouche et mets le mors dedans. Fort bien, Va vite la brider de crainte de la touche, Voici Monsieur. Ah ! Le vilain botté. Vous nous désespérez. Elle est trop violente ? S'il revient dans deux jours, serez-vous pas contente ? Vos affaires iront d'une belle dégaine, Vous ne seriez pas pis s'il était votre époux ! Votre ménage ira tout sens dessus dessous, Un mari ne pourra jamais faire un voyage, Sans qu'une femme soit à ses trousses, j'enrage, Quelle honte ! Je la consolerai. Mais vous rêvez, je pense ! Laissez-le donc aller, Madame. Mais la nuit à présent n'est pas noire, elle est blonde, Puisque le clair de lune est le plus beau du monde. Ma foi, vous finirez malgré tous vos adieux, Partez, s'il fallait donc qu'il fit un grand voyage ! Il croit que vous allez mourir de déplaisir. Mais vous avez pensé gâter toute l'affaire, Votre feint déplaisir l'a mis si fort à bout, Qu'il a, ma foi, pensé ne point partir du tout. Mais un peu trop poussée, Pour l'obliger d'agir selon notre pensée. Vraiment vous voilà seule, et n'avez plus de crainte, Vous allez voir Léandre, et le voir sans contrainte. Qu'est-ce ? Hé bien ! Non, il est à la campagne. À moins qu'on ne coure après, et qu'on ne le rattrape, On ne vous peut loger. Étant seules ici... Je le crois, mais, Madame est une jeune femme, Ou va l'être du moins. L'honnêteté, Monsieur, n'en est pas moins blessée. Rien n'est si chatouilleux que l'honneur d'une femme, Vous le savez, Monsieur, nous avons ce malheur, Le moindre homme suffit pour ternir notre honneur, Et son ombre à présent nous ferait du scandale. Il n'y faut point de nappe, Nous n'avons pain ni vin. Mais il est tard. Barbe vous trouvera quelque morceau de pain, Sans le mari, toujours la femme se chagrine, Et pour lors il n'est rien plus froid que la cuisine. Oh, non, passez-vous-en jusqu'à demain matin. La nuit est avancée, Barbe, de la lumière, et conduisez Monsieur Au galetas. Ne craignez rien, la justice est si bonne, Que l'on ose aujourd'hui faire insulte à personne. Qu'est-ce encore que ceci ? Vous apportez du vin et du rôt, pourquoi faire ? Et qui vous a chargé de l'apporter chez nous ? Ne vous l'ai-je pas dis, portez dans la cuisine, Découvre un peu, voyons. Bonne ou mauvaise, va l'on te payera bien. Donne donc ton bassin à notre cuisinière. C'est assez. Tant mieux. Barbe, tenez tout prêt pour le servir ici, Quand ce Monsieur viendra. Voici l'occasion la plus belle du monde ; Votre jaloux amant est parti pour deux jours, L'agréable saison pour les tendres amours : Madame, mettra-t-on le couvert dans la salle, Mais votre amour s'échauffe, et le souper froidit, Si longtemps sans manger, est-ce être raisonnable, Ne voulez-vous donc pas, Monsieur, vous mettre à table ; Dites-lui qu'il s'y mette, il veut être prié, Plus de soupirs, demain vous serez marié. Oui, Madame, elle l'est. Qui diantre heurte ainsi ? Il faut bien que ce soit Monsieur. C'est lui-même. Mais il monte. Entendant que l'on heurtait si fort, Nous croyons toutes deux qu'on vous rapportait mort. Oh ! On ferait tout Paris. Nous n'avons employé ni broche ni marmite, Et chacune a, je crois, mangé sa pomme cuite. À l'heure qu'il est on ne peut rien avoir. J'en mangerai de même. Monsieur est un bon Diable, il ne nous perdra pas. Mes ris ! Je ne ris pas, Monsieur, c'est que je pleure. Nous verrons, s'il le faut, l'Enfer de bout en bout, Mais ne nous montrez point ce Diable-là surtout. Ils sont bien dix ou douze, Mais le Diable, Monsieur, qui l'emporte, l'épouse, C'est Léandre. Preniez-vous tout cela pour de l'argent comptant. Elle vous haïssait, Monsieur, comme le Diable, Je ne suis pas d'humeur à vous déguiser rien. Et je vous parle franc. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bonsoldat *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_bonsoldat *dist2_dancourt_verse_comedy *id_LEANDRE *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_leandre Madame, vous voyez ce que j'ose entreprendre, Mais si vous ne m'aimez, que deviendra Léandre ? Hé, Madame, est-ce assez de le dire Et d'en demeurer là, pour croître mon martyre ; Vos souhaits et les miens seront-ils superflus, Montrez que vous m'aimez, et ne le dites plus. Non, Madame, ce n'est qu'un fort petit cadeau, Et l'on ne peut ici vous le donner plus beau. Ah, Madame, serait-ce en faveur de ma flamme ? De qui donc ? Par étape ? Dort-il ? Quand ces gens soupent bien, ils dorment à merveille, Et l'on leur tirerait le canon dans l'oreille, Qu'ils dormiraient encore. Qu'a-t-il soupé ? Tant pis, l'estomac vide, on ne dort pas bien. Va voir, Jacinte. Je ne sais, car par là, tout est fermé sur nous. Quoi qu'il arrive... Madame, vous n'avez à craindre nullement. Angélique venez vous jeter dans mes bras, Suivez-moi tous. **** *creator_dancourt *book_dancourt_bonsoldat *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_bonsoldat *dist2_dancourt_verse_comedy *id_JOCRISSE *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_jocrisse Il enrage, Votre papier, je pense, était un sorcelage, Il a dit, le lisant, puis-je croire cela ? Ah diable d'innocent que m'apportes-tu là ? Puis prenant ses cheveux et la piau de sa tête, Il s'est tout écorché d'une force... Non la piau, les cheveux, oui, j'ai vu tout à bas, Une tête de viau qu'on écorche est de même, La sienne. Rien. Qu'avait-ce papier donc ? Non, je n'ouvrirai pas qu'on ne buque à la porte. Bien, pas un n'entrera, quand ils y viendraient cent. Par la gueule du sac, la carogne est entrée, Palsanguenne al en tient la chienne est éventrée, Al n'est pargué pas morte, il y fallait cela, Qu'elle ronge à présent. Oh parguenne, al en tient, Monsieur. C'est qu'al en tient, ouvrez, et vous allez bien rire, Si vous ne la trouvez en quatre ou cinq quartiers... Une Souris qui rongeait vos papiers. J'entendais la carogne, Cric, crac, cric, crac, cric, crac, al avançait besogne. Oh vraiment, hé, Monsieur, s'il vous plaît, Ouvrez le sac, voyez en quel état qu'al est. Allez sur ma parole, Ne craignez rien, al est plus plate qu'une sole, Six coups de mon bâton... Ah oui da, pour si peu qu'elle vous a mordu, Al en a dans les dents. Il ment, c'est pour une souris. Mais notre serrurier la raccommodera, Donnez-la-moi, Monsieur, on la rapportera. Il a raccommodé des choses bien plus fortes. Morgué, cela m'affole, Comment diable est-ce donc que ceci se bricole, Que sert ce fer, pourquoi ces brimborions-là, Palsanguenne un licou vaut mieux que tout cela ? Oui, mais afin qu'il détale, Morgué ne savez-vous point brider une cavale ? C'est qu'al lève le nez, et qu'a serre les dents, Je suis pour la brider, monté dans la mangeoire, Al m'a levé la tête, et cassé la mâchoire, Je l'ai pourtant bridée, et il n'y manquait rien, Hors que le fer était sous la gorge. Comment lui faire ouvrir la bouche ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_bonsoldat *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_bonsoldat *dist2_dancourt_verse_comedy *id_BARBE *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_barbe Montez. Est-elle grande assez ? Ah ! Que Monsieur est blême.