**** *creator_dancourt *book_dancourt_colin-maillard *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_colin-maillard *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURROBINOT *date_1701 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurrobinot Je reviendrai ce soir, mon enfant, je ne vais qu'à deux lieux d'ici, consulter un peu le Bailli de Pontoise, mon parent et mon ami, sur une petite affaire dans laquelle tu me feras aussi besoin. Je n'en doute pas. Non, Mathurin. Cette mort m'a laissé tant d'affaires… Ne parlons point de cela. Vois-tu, ce qui est passé est passé, mon pauvre Mathurin. La mort efface tout, et je ne prends sur mon compte que le présent : du reste, je suis un bon humain, qui aime la paix et la tranquillité, et j'ai toujours regardé une femme, moi, comme un mal nécessaire, comme une de ces choses dont on ne saurait se passer dans la vie, et qu'il faut prendre bonnes ou mauvaises. Cette jeune enfant qui est là-dedans auprès de ma tante ? Est-ce que tu ne l'avais pas encore vue ? (Ah ! Non à propos, elle était au Couvent.) Oh bien, cette aimable personne est sous ma tutelle, mon cher Mathurin, et de son tuteur je vais devenir son mari. Mais dis-moi un peu, toi, cette jeune paysanne avec laquelle je t'ai surpris tantôt causant dans la grange, hé, plaît-il ? Claudine, soit. Oui da. Oui, tu as raison, et je suis ravi que cela se rencontre ainsi, ce sera une compagnie pour Angélique. Comme elles sont de même âge, elles joueront ensemble à mille petits jeux, dont il faut quelquefois occuper ces jeunes personnes-là, afin de les distraire d'autres choses. Croirais-tu bien, tout barbon que je suis, que je passe quelquefois des heures entières, avec mon petit domestique, à jouer à Colin-Maillard avec elle ? Cela la divertit, cela la divertit : surtout lorsque je fais Colin-Maillard, moi, elle saute, elle rit, elle gambade, elle est dans une joie qui n'est pas concevable. Hé bien ? Fort bien. Oui, il faut prendre garde avec qui l'on y joue, et ne se pas laisser attraper. Tu n'auras pas la peine de venir si loin. J'ai choisi ma maison de campagne, comme plus convenable à mon dessein, et tu ne me vois à Andrésy que pour cela. Oh ! Non, mon enfant, je ne ferai point de noce, je crains trop l'éclat. Tu ne m'entends pas, Mathurin ? Je veux dire que j'ai des raisons pour faire les choses à petit bruit. La petite personne que j'épouse n'est point sans avoir quelque Amant ; et je suis bien aise, surtout, de prendre le temps qu'un certain Capitaine, qu'on appelle Éraste, est à la garnison. La présence de ce drôle-là pourrait mettre obstacle à mon dessein. Assurément, et tout absent qu'est celui-ci, il est important de garder le secret. Je ne me fie point à ma tante, je crains qu'elle n'ait donné quelque avis à ce Capitaine, et je te recommande sur toutes choses de faire si bonne garde aux environs de ce logis, que personne n'en puisse approcher sans que j'en sois averti. Ma tante va m'amuser encore, et je manquerai le Bailli : dépêche, Mathurin, va dire au maître de l'Épée Royale qu'il m'amène sa cavale à la porte de derrière, je traverserai le clos à pied tout en me promenant avec ma tante, ce sera autant de chemin de fait ; va vite. Vous voyez, ma tante, j'avais quelques ordres à donner à Mathurin, et le temps s'est passé en les lui donnant. Je ne l'ai pas encore éprouvé là-dessus : mais, ma tante, si on l'en veut croire, ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il est utile à la famille. Ce que j'en prétends faire ? Hé parbleu ! Ma femme. Oui, ma tante, du vivant de la défunte je l'avais promise à Éraste ; la défunte morte, vous ne trouverez pas mauvais que je la garde pour moi. À cela près, commençons toujours par épouser, le reste viendra après comme il pourra, ma tante. J'en courrai les risques, ma tante, j'en courrai les risques. Je vous ai bien ouï dire à vous-même, que mon oncle ne vous devait qu'à la persécution de vos parents. Nous sommes hardis, comme vous voyez, dans notre famille. N'auriez-vous point tiré mon horoscope sur la sienne ? Qui, retenir ? Hé bien ? Qu'est-ce à dire de moi ? La petite insolente ! Hé pourquoi ne m'aimerait-elle point ? Cela est certain ? Qui te le fait accroire ? Hé ! Qu'as-tu vu ? Que t'a-t-on dit ? Non, non, parle. Un grand jeune Monsieur, ma tante. Hé bien, ma tante, il faut approfondir cette affaire, et chercher un peu… Comment, décampé ? Hé, se sont-ils vus ? Se sont-ils… Ils ont parlé ensemble ? Tu avais le mot ? Comment ; impudente ! Si je l'épouserai ! Mais il n'est pas question de cela maintenant. Où t'a-t-elle suivie ? Dis. Pendant que j'étais Colin-Maillard ? Ah ! Je ne m'étonne pas si elle avait hier tant envie d'y jouer. Allez, impertinente, faites ce qu'on vous dit, et si vous vous mêlez encore de faire des signes davantage, j'avertirai Mathurin de l'histoire de la grande huche. Hé bien, ma tante ? Sans doute. Elle en aimera tant qu'elle voudra : mais elle n'épousera que moi. De très fortes raisons, ma tante, mon repos, l'acquit de ma conscience. Oui, de son bien, ma tante, et c'est par manière de restitution que je l'épouse. Depuis douze ans qu'elle est ma pupille, ses revenus et les miens se sont tellement mêlés et confondus, que cela fait une espèce d'embarras ; et pour en sortir aisément, je veux tâcher de n'avoir de compte à rendre qu'à moi-même. C'est une raison que celle-là, comme vous voyez. Ce mariage-là me servira de quittance, et je voudrais bien pouvoir de même épouser tous mes autres créanciers. À l'amiable ou non, elles se feront : cependant, comme on me pourrait imputer d'avoir ou surpris ou contraint cette petite créature, je vais prier mon cousin le Bailli de dresser lui-même les articles, et de donner un bon tour à l'affaire. Vous, ma tante, rentrez, je vous prie, ayez l'œil un peu sur elle et sur la petite Paysanne ; et prenez garde aux signes, surtout. Je saurai bientôt qui est le jeune homme ; et s'il est demeuré dans le Village, il ne peut pas s'y cacher longtemps. Cependant, ma tante, il faut étourdir Angélique à force de jeux, d'amusements et de petites fêtes ; et tâchez, s'il se peut, d'empêcher qu'elle continue de réfléchir à l'engagement que j'exige d'elle. Il n'importe, tout coup vaille. Faites avertir les violons, et toute la Jeunesse du Village, de se trouver ici tantôt à mon retour ; je tarderai le moins qu'il me sera possible. Sans adieu, ma tante. Ah, ah ! C'est vous, mignonne ? Vous voilà bien émue ! Qu'avez-vous ? Comment, comment donc ? Ah ! Le charmant aveu ! Les douces paroles ! Je ne me sens pas de joie, et il ne tient qu'à moi de mourir de plaisir tout subitement. Toi, Claudine ? Que je te suis redevable ! Oh, pour cela, mignonne, je ne m'attendais pas à te trouver si raisonnable à mon retour. Ces sentiments-là te sont venus bien à propos ; mon cousin le Bailli doit arriver dans un moment avec nos articles tout dressés et tout prêts à signer, et notre mariage est une affaire à terminer dès demain si nous voulons. Mais aujourd'hui, mignonne… Il y a dans ces sortes d'affaires de certains délais auxquels il faut bien… Cela est admirable ! Oh bien, mignonne, on vient à bout de tout avec de l'argent, je m'en vais voir ce qui se peur faire, et je t'en viendrai dire des nouvelles. Ah ! L'heureux changement, l'heureux changement ! Adieu, ma poule. Me voilà de retour, moutonne, et tu seras mariée dès ce soir, comme tu le souhaites. La pauvre enfant, comme elle m'aime ! Vous voyez, ma tante ? Qui est cet homme-là, Mathurin ? J'ai quelque idée de son visage. Oui, j'ai donné ces ordres-là : y avez-vous songé, ma tante ? Ils viennent le plus à propos du monde, rangeons-nous, faisons-leur place. Ah, mignonne, je ne me sens pas de joie, et je vais cabrioler comme un jeune homme de quinze ans. Chantons, cabriolons, dansons, Pour amuser une aimable jeunesse. Un galant suranné se sert de nos chansons: Venez, fillettes et garçons, Prendre part à notre allégresse. Sans effaroucher les barbons, Quand on veut plaire à sa maîtresse, Les plaisirs sont de toutes les saisons. Un vieux corbeau, Amant d'une jeune hirondelle, Ne voulant pas qu'un franc moineau S'approchât d'elle : Mais cet amoureux passereau, Sous une figure nouvelle, S'empara du cœur de la belle. Et le laid, le vilain oiseau, En eut dans l'aile. Ne nous parlez point d'un amant, Qui près de nous pleure et soupire, Pour mieux nous prouver son tourment : Mais de celui qui nous fait rire, Qui mène au Bal, à l'Opéra, Le bon amant que celui-là. Ne me parlez point de maman, Qui me chante pour toute note Que la retraite ou le Couvent : Mais d'une qui vendrait sa cotte Pour nous tirer du célibat, Bonne maman que celle-là. Tout comme tu voudras, fanfan, tu n'as qu'à dire. Ah ! Fi, je ne le puis souffrir, moi. Dispensez-moi, mignonne… Mais c'est que… Et dans la grande huche, n'y est-il point encore Blaise ? Allons, je le veux bien, voyons. Claudine est fille d'ordre. Le sort tombe toujours sur moi, cela est étrange. Ah parbleu, je tiens quelqu'un pour le coup, il ne m'échappera pas. C'est un homme justement, oui, c'est Mathurin. Non, voilà qui est fini, je ne saurais plus jouer, cela m'étouffe ; continuez vous autres. Hé bien, cousin ? Oui, c'est bien dit, signons. Je n'ai jamais rien fait avec tant de joie. Allons, mignonne… Comment donc, où est Angélique ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Angélique partie ? Pour un Capitaine ? Ah, je suis trahi, je suis assassiné ! Vous étiez tous de concert, vous êtes des coquins, des canailles. Allons, cousin, ils ne peuvent être loin ; courons après ; et si je les attrape, je ferai tout pendre, et ma tante et Angélique même. **** *creator_dancourt *book_dancourt_colin-maillard *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_colin-maillard *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMEBRILLARD *date_1701 *sexe_masculin *age_veteran *statut_exterieur *fonction_autres *role_madamebrillard Ah, ah ! Mon neveu, vous voilà encore ? Je vous croyais bien loin. Vous le consultiez apparemment sur vos amours ? C'est un homme de bon conseil pour ces sortes d'affaires, que votre Mathurin. Hé, hé, brisons là-dessus. Il n'y a qu'à l'écouter, je crois, pour entendre de belles choses ; c'est encore un bon babillard. Mais vous, Monsieur mon neveu, que prétendez-vous faire de votre Mademoiselle Angélique ? Votre femme, mon neveu ! Votre femme ? Et ne vous souvient-il plus que la défunte et vous l'aviez promise à Éraste ? Ils s'aiment, ils sont de même âge et de pareille condition, et… Oh bien, faites, mon neveu, faites, vous allez faire de belles affaires. Pour moi, je n'y donnerai point les mains, et je m'en vais quitter la maison ; je ne saurais entendre tant gémir, tant soupirer. La pauvre enfant n'oserait dire ce qu'elle pense : mais je m'en doute bien. Je viens de la laisser là-dedans avec une jeune Paysanne, à peu près de son âge, peut-être lui ouvrira-t-elle son cœur plus volontiers qu'à moi : mais au bout du compte, mon neveu, l'on n'est point triste comme cela la veille de ses noces, quand on épouse ce qu'on aime. Le reste ne viendra peut-être que trop tôt, et il n'est pas difficile de faire l'horoscope d'un mari qui a épousé sa femme en dépit d'elle. Jour de dieu, mon neveu, ne raillons point sur de pareilles matières ; la chose est sérieuse, crois-moi. Qu'est-ce qu'il y a, mon enfant ? Se jeter dans le puits ? Vous voyez, mon neveu ? Hé ! Pourquoi fait-elle tout cela, ne te l'a-t-elle pas dit ? Vous voyez, mon neveu ? Parce que vous ne lui paraissez point aimable. Hé puis : voulez-vous que je vous dise, il me paraît qu'elle en aime quelque autre. Vous voyez, mon neveu ? Si je m'en suis doutée ! Oui vraiment, je m'en suis doutée. Hé bien, mon neveu ? Hé bien, mon neveu, vous hasarderez d'épouser cette petite personne malgré elle ? Ah ! Merci de ma vie, vous paraissez une bonne pièce. Allez, Claudine, retournez auprès d'elle, mon enfant, je vais vous joindre : en attendant, tâchez de lui remettre l'esprit, de lui faire entendre… Hé bien, mon neveu ? Vous persévérez dans votre dessein ? Une fille que vous voyez qui en aime un autre ? Hé ! Qui vous fait vous obstiner dans cette résolution ? L'acquit de votre conscience ? Auriez-vous abusé… Oui, et très forte, même. Mais si les choses se faisaient un peu plus à l'amiable ? Je ne jouerai point à Colin-Maillard, je vous le promets. Vous aurez bien de la peine à y réussir. Je vous baise les mains, mon neveu. Hom, le vieux fou, qui pense amuser une fille de seize ans avec les Ménétriers de Village, et des jeux d'enfants. Ce n'est ni l'esprit, ni les oreilles ; c'est le cœur qu'il faut amuser à cet âge-là. Mais que vois-je ? Est-ce toi, Lépine ? Hé ! Que viens-tu faire ici, mon pauvre garçon ? Tu me parles ? Mais tu ne me dis rien ! Que fait ton maître ? A-t-il reçu ma lettre ? Éraste est ici ? Quoi ! C'est lui qu'on a fait cacher dans ce cabinet… Mon neveu le croit à la garnison. Hé bien, quelles mesures prend-t-il ? Que prétend-t-il faire ? Il a fort bien fait de venir. Oh, non, non. Où est-il ? Il faut que je lui parle. Qu'il vienne, qu'il vienne ; mon neveu n'y est pas, et nous le ferons jouer à Colin-Maillard, s'il revient. Vous parlâtes hier à Angélique, que vous a-t-elle dit ? Vous aime-t-elle ? Oui : mais Monsieur Robinot prétend l'épouser, voilà ce qu'il y a de plus certain. Mais quels conseils pourrais-je lui donner, moi ? Je ne sais par où m'y prendre. Je crois que oui, mon enfant. Hé bien ? Hom, ce temps-là n'est pas si fort éloigné, qu'il ne me soit quasi présent, Monsieur de Lépine. Oh, je valais mieux qu'elle à cet âge-là, sur ma parole. Hé ! À qui le dis-tu, mon enfant ? Nous en avons quelquefois fait soupirer quelques-uns. Oui, je trouve cela fort tendre. Allons donc, tenez-vous, petit badin, vous m'attendrissez trop, vous m'attendrissez trop : je suis toute je ne sais comment. Mais vraiment, la proposition est un peu vive. Oui sans doute, cela donne à rêver. Ah, vraiment oui, cela persuade, cela ne persuade que trop. Ne m'en dis pas davantage, voilà qui est fini : qu'on m'enlève, allons qu'on m'enlève. Oui, me voilà déterminée. Ah ! Cela est vrai. J'entre là-dedans ; tu as raison. Je m'égarais un peu : Mais tu dis les choses d'une manière si vive, si touchante, c'est un tableau si naturel ! Laisse-moi faire, va, je suis pénétrée, je vais le conseiller comme pour moi. Ce rustre-là nous écoutait, je pense… Que veut dire cet animal-là ? Quel insolent est-ce là ? C'est le Jardinier de Monsieur Robinot, un maroufle. Et moi, de mon côté je te la garde bonne. Je vais songer à vos intérêts, Éraste. C'est ce qu'il faudra voir. En attendant je vous demande pour toute reconnaissance, Éraste, de traiter ce coquin-là comme il le mérite, je vous le recommande. Non, je suis caution de sa sincérité. Je vous accompagnerai moi, je servirai de chaperon, j'aime à voyager. Cela est vrai, mon neveu, je le sais mieux que personne ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_colin-maillard *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_colin-maillard *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1701 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Ah, ma pauvre Claudine, à quoi t'amuses-tu donc ? Que tu es lente ! As-tu trouvé ce jeune Monsieur ? Je l'ai perdu ! Comment ? Hé bien ? Demeurer avec toi ! Hé bien ? Comment, impudente ? Ce qu'elle me dit là n'est pas concevable : elle a perdu l'esprit, ou bien Éraste est devenu fou. Non, non, il n'y a pas d'apparence qu'il la préfère à moi. Elle extravague assurément. Ma pauvre Claudine, ma chère enfant, parlons sérieusement, je te prie. Éraste est amoureux de toi ? Il est allé demander le consentement de ta mère ? Tout cela peut-être. Elle parle avec une confiance qui m'assassine ; et ce qui me désespère le plus, je ne vois point Éraste : il devrait me chercher, il m'évite, il est infidèle. Ah, Claudine, Claudine ! Vous m'avez trahie. Non, cela n'est point, ce sont des contes, je ne suis point assez touchée de cette prétendue perfidie ; j'y serais plus sensible, si elle était véritable. Mais qu'elle le soit ou non, il néglige de me voir et de me parler pendant l'absence de Monsieur Robinot, cette apparence de mépris lui coûtera cher s'il m'aime encore ; et s'il ne m'aime plus, il ne jouira pas au moins du plaisir de croire qu'on ne l'aura pas prévenu. Si je le prendrai ! Dussé-je le reste de mes jours traîner une vie languissante et malheureuse avec Monsieur Robinot, prévenons, du moins en apparence, en lui donnant la main, la honte de n'avoir pu garder un cœur qui devait n'être qu'à moi. Je suis dans un état un peu violent, Monsieur, je vous l'avoue ; et les moments de votre absence ont donné lieu à des réflexions qui m'ont très cruellement agitée. Nr vous alarmez point, elles n'ont servi qu'à me faire sentir tout le tort que j'avais de refuser l'offre de votre cœur. C'est à vous que je dois mon éducation, et la reconnaissance que j'en ai ne saurait souffrir de retardement : trop heureuse, si le don de ma main peut aujourd'hui m'acquitter envers vous du soin que vous avez pris de mon enfance. Dès demain, Monsieur ! Non, dès aujourd'hui : point de retardement. Vous hésitez, Monsieur, et vous voulez que je croie que vous m'aimez ? Les délais ne me conviennent point. À quoi je m'engage, et quelle résolution viens-je de prendre ! L'indigne Amant ! Je n'en puis plus douter, c'est un perfide. Ah, scélérat ! Cet habillement-là vous sied à merveille, et celle pour qui vous l'avez pris vous est bien redevable. Adieu, Monsieur. Ne me suivez pas. Non vraiment, vivez, Monsieur le Paysan, vivez pour votre aimable Paysanne, et jouissez avec elle… Oui, traître, et mon plus grand chagrin, c'est que cela ne puisse pas t'en donner. Ne me suivez pas, vous dis-je. Ne me trompez-vous point, Éraste ? Ah ! Qu'ai-je fait, Éraste, vous n'étiez point coupable, vous m'aimez, et mon dépit m'a fait promettre à Monsieur Robinot de l'épouser dès aujourd'hui. M'en aller seule avec vous ? Prendre la fuite ? C'est une démarche si peu de mon goût. Sa présence me détermine. Je ferai tout ce que vous voudrez, Éraste. Que cet espoir me flatte agréablement, Monsieur, et que je serai contente de ma destinée ! Ah, c'est assez chanter, danser, changeons d'amusement, Monsieur, je vous en prie. Jouons à quelques petits jeux. Ah, oui, j'aime le Colin-Maillard à la folie. Oh, non, Monsieur, vous y jouerez : cela serait beau vraiment, qu'au moment de ce qui va se faire vous manquassiez de complaisance ! Donne, donne-moi que je tire la première. **** *creator_dancourt *book_dancourt_colin-maillard *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_colin-maillard *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CLAUDINE *date_1701 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_claudine Hé ! Venez vite, Madame ; venez vite. Venez m'aider à la retenir, vous dis-je. Cette Mademoiselle Angélique. Je crains, dieu me pardonne, qu'elle ne se défasse, elle se veut jeter dans le puits. Elle pleure, elle se lamente, elle tape du pied, elle se tord les bras, elle se tourmente. Si fait vraiment. Hé bien, Monsieur, elle dit qu'elle aime mieux mourir que d'épouser un vilain, un pied plat, un laid mâtin, un vieux pénard. Comment, Madame, est-ce que vous croyez que c'est de Monsieur qu'elle parle ? Mais, écoutez, Monsieur, cela pourrait bien être ; car elle dit qu'elle ne vous aime point, et je gagerais bien qu'elle dit vrai. Elle en aime quelque autre ? Est-ce que vous vous êtes doutée de cela, Madame ? Oh bien, n'en doutez plus, cela est certain. Ce qu'on m'a dit, et ce que j'ai vu. Ne vous impatientez point, je m'en vais vous le dire : mais que cela ne vous fâche point, au moins. Hier au soir, quand vous arrivâtes, il y avait un grand jeune Monsieur qui était arrivé dès le matin. Vous ne le connaissez peut-être pas, vous, Monsieur ? Mais il est de la connaissance de Mademoiselle Angélique, et c'était elle qu'il attendait, ce n'était pas vous. Bon, chercher, vous aurez beau chercher, vous ne trouverez rien, il est décampé. S'ils se sont vus ! Ils ont parlé ensemble. Oui vraiment, et c'est moi qui ai conduis tout ça, j'avais le mot. Oh dame, écoutez, je n'y entends point de malice ; ce jeune Monsieur m'avait priée de faire en sorte qu'il dit seulement deux ou trois paroles à une jeune personne qui viendrait avec vous. Tour en arrivant, je lui ai fait un signe : elle tout d'abord, m'en a fait un autre ; j'ai recommencé, elle a continué ; j'ai passé devant, elle m'a suivie ; et sans nous être jamais connues, nous avons fort bien entendu tout ce que nous voulions nous dire. Dans la salle où était ce jeune Monsieur ; et à peine s'étaient-ils dit quatre paroles, en tremblant tous deux, on vous a entendu venir, on a caché le Monsieur dans le cabinet, où il a demeuré pendant tout le souper, et il n'en est sorti que quand nous avons joué le soir à Colin-Maillard, pendant que c'était vous qui l'étiez. Le tour est plaisant, n'est-ce pas ? Oh, ces Demoiselles de Paris ont l'esprit bien plus joli que nous autres Paysannes. Oh non, en vérité, je suis trop innocente, et ce n'est que faute d'invention que le jour des fiançailles de Mathurin et de moi, ce pauvre Blaise, qui m'était comme ça venu parler en cachette, fut enfermé plus de vingt-quatre heures chez ma mère, dans la grande huche, pendant que tout le monde était à table : il pensa étouffer, et il ne put sortir que le lendemain. Si j'avais eu de l'esprit comme votre Mademoiselle Angélique… Elle n'entendra rien, Madame, à moins que ce ne soit ce jeune Monsieur qui lui parle, ou que le vieux qu'elle craint lui promette de ne point l'épouser. Le grand malheur ! Je voudrais qu'il la sût, car je ne l'aime pas plus qu'on vous aime. Hé ! Que faites-vous là, Monsieur ? Que n'entrez-vous ? Monsieur Robinot n'y est pas, et Mademoiselle Angélique m'envoie vous chercher, pour vous dire qu'elle sera ravie de vous voir. Allons, venez, venez. Avec moi, Monsieur ? Vous n'y songez pas. Est-ce que ce n'est pas pour Mademoiselle Angélique que vous êtes venu ici ? Oh vous mentez, Monsieur, cela ne s'est pas fait si vite. Vous fûtes hier avec moi toute la journée ; et quand Mademoiselle Angélique arriva, vous l'aimiez encore de tout votre cœur, je sais bien cela. Vous me trouvâtes plus jolie, moi ? Hé bien, Monsieur, vous mentez encore, ou bien vous ne vous y connaissez pas, et peut-être aussi vous voulez m'en faire accroire ? Hé fi donc, Monsieur, vous venez ici pour elle, et vous ne la verriez pas ? Cela serait beau vraiment. Si cela est comme ça, Monsieur, allez-vous-en ; car ça est inutile, nous ne sommes pas pour être mariés ensemble. Oui, de nous aimer : mais de nous marier, ce n'est pas de même ; et quand des Messieurs comme vous épousent de petites paysannes comme moi, on dit que ce n'est jamais pour de bon, et je veux que ce soit tout de bon qu'on m'épouse. Que ma mère, ma tante et mes cousines soient de la noce. Mais comment faire, Monsieur ? Il faudrait donc me défiancer d'avec Mathurin ? Car nous sommes fiancés, je vous en avertis. Oh ! Ce n'est pas là la difficulté, je vous aimerai mieux que lui, c'est un vilain, un rustre, un butor. Est-ce que tu étais-là, Mathurin ? Oh ! Ne t'embarrasse pas de ça, nous ne le serons point, c'est ce Monsieur-là qui m'épouse. Il n'y a point de conte, il m'épouse tout de bon : le voilà, demande-lui plutôt. Hé bien, Mathurin ? C'est bien de la bonté à vous, Monsieur. Tu entends, Mathurin ? Mathurin ? Ho, Monsieur ! Sont-ce là des feintes, Mathurin ? Un carrosse, Mathurin ! Oh ! Moyennant que cela soit comme ça, je vous aimerai bien, Monsieur, je vous en réponds. Ça ne sera pas malaisé, Monsieur, je vous veux déjà, moi, c'est le principal ; il n'y a plus qu'à me demander en mariage à ma mère, elle le voudra bien aussi, je vous en réponds. Dépêchez-vous donc, Monsieur, je vous en prie, je m'en vais faire part de mon bonheur à tout le Village. Mathurin, holà, ho ; Mathurin, écoute donc, j'ai quelque chose à te dire. Ma mère dit que ru ailles vite la trouver, qu'il faut que tu lui rendes sa parole. Je serai trop heureuse de le r'avoir ! Il aura dit du mal de moi à ce Monsieur, peut-être : mais cela n'aura rien fait, il m'aime trop. Mais voici cette Mademoiselle Angélique. Oui vraiment, je l'ai trouvé : mais je crois que vous l'avez perdu, vous, Mademoiselle Angélique. J'ai eu beau lui dire que vous lui vouliez parler, que Monsieur Robinot n'y était pas, que ce serait un grand plaisir pour vous de le voir. Il m'a dit que ce n'en serait pas un pour lui, qu'il aimait mieux demeurer avec moi. Oui vraiment, et que si je voulais l'aimer, il y demeurerait toute sa vie. Hé bien, Mademoiselle, je l'ai bien voulu. Impudente ? Oh doucement, s'il vous plaît, je serai bientôt plus grande Dame que vous. Mais voyez un peu avec son impudente ! Il n'y a pas d'apparence ? Ah ! Voyez donc comme il n'y en a pas. Hom, quand j'aurai de belles pierreries aux oreilles, avec ces beaux habits dorés, dans ce beau carrosse qu'il me fera faire… Je vous parle sérieusement aussi. Comme un perdu. Il m'épouse dès demain : il est allé demander le consentement de ma mère. Oui vraiment ; et il est si hâté, si hâté de m'épouser, qu'il m'épouserait sans ça si je voulais. Demandez à Mathurin, on va me défiancer d'avec lui. Oh pour ça oui, je vous en réponds : demandez à Mathurin, vous dis-je, il m'a chanté pouille, il est aussi fâché que vous, et il n'y a que le Monsieur et moi qui soyons bien aises. Je vous ai trahie, moi ? Je ne vous connais quasi point, suis-je obligée de refuser ma fortune pour l'amour de vous ? Non pas, s'il vous plaît, je ne suis pas si sotte, il faut prendre son bon quand on le trouve. Oui, c'est bien dit. Oh pour ce qui est de cela, vous ne sauriez mieux faire que de prendre votre parti. C'est bien prendre la chose. Hé, tenez, le voilà tout à propos. Voilà bien du changement, Monsieur, comme vous voyez. C'est moi, Monsieur, qui suis cause de ça. Dès aujourd'hui ! Ces personnes de Paris sont bien pressées ! Le voilà presque aussi aise que moi. Ah ! C'est lui, c'est ce Monsieur qui m'aime, et qui s'est habillé en Paysan pour me faire plaisir. Avez-vous vu ma mère, Monsieur ? Mais dépêchez-vous donc de parler à ma mère, Monsieur, s'il vous plaît. Mais qu'est-ce que c'est donc que ça, Monsieur, vous disiez que vous ne la verriez plus, et vous lui parlez plutôt qu'à moi ? Elle est fâchée de ce que vous m'aimez, et elle va épouser Monsieur Robinot par dépit. Comme il court après, Mathurin, qu'est-ce que ça veut dire ? Je n'y comprends rien. Comment ? Ah ! Mathurin, je crois que celui-ci s'est moqué de moi, mon pauvre Mathurin. Les vilaines gens ! Tu vaux mieux que tout ça, toi, Mathurin, tu n'es point trigaud. Tu reviens si aisément quand on t'a donné quelque chagrin. Hé bien, touche donc là. Va, je t'aime mieux que personne. Je n'en veux point d'autre que la tienne. Bon, c'est encore un bon nigaud avec ses contes. Va ! Mathurin, je n'y serai plus attrapée. Oui, je te le promets. Tu as raison. Cela est fort bien dit, Mathurin. Que tu as d'esprit ! Non, non, va, ne crains rien. C'est cette bonne Madame qui les as raccordés. Oui ? C'est un plaisant visage, vraiment, d'avoir cru se moquer de moi, on donne bien là-dedans. Oh, non, non, à Colin-Maillard : c'est un joli jeu que Colin-Maillard, n'est-ce pas, Monsieur ? Allez, allez, Monsieur, ne craignez rien, Il n'y a point de Monsieur dans le cabinet. Il dit qu'il fera tout ce qu'on voudra, qu'il en est bien aise. Çà, çà, allons vite, au doigt mouillé, voyons qui le sera. Non pas, s'il vous plaît, c'est au maître du logis que l'honneur appartient, et il est bon qu'une femme s'accoutume de bonne heure à porter respect à sa personne. Allons, Monsieur. Et vous êtes Colin-Maillard, Monsieur. Tiens, Mathurin, voilà un mouchoir blanc, bouche-lui bien les yeux. Oui, vela Madame votre tante et le cousin de Bourgenville qui l'emmenont ; ils l'avons enrôlée, et ils disont que c'est une recrue pour un Capitaine. C'est ce Monsieur du cabinet d'hier au soir. Vous n'êtes pas heureux à Colin-Maillard, n'y jouez plus. **** *creator_dancourt *book_dancourt_colin-maillard *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_colin-maillard *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ERASTE *date_1701 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_eraste Ah ! Madame, que j'ai de grâces à vous rendre des avis que vous m'avez donnés par votre lettre : mais suis-je assez tôt arrivé pour mettre obstacle à mon malheur ? Nous n'avons pas eu le temps de nous entretenir. J'ai lieu de le croire. Comment la tirer de ses mains, mon pauvre Lépine ? Non, rien du tout. Es-tu fou, Lépine, avec ton détail ridicule ? Maugrébleu de la vieille folle ! Qu'est-ce que c'est que ce faquin-là, Madame ? Oh bien, Monsieur le Jardinier Concierge, vous me paraissez un maître fat, qui voulez faire l'important… Mais je vous avertis… Si… Écoute, mon ami. Je perdrai patience. Justement. Ah ! S'il ne tient qu'à te prier… Ne t'oppose point à l'exécution des desseins favorables qu'on veut faire prendre à Angélique, je t'en conjure. Avec toute l'ardeur imaginable, tous les sentiments de reconnaissance qu'un si bon office me peut inspirer. Il faut pourtant absolument… Je dois recevoir de l'argent à Paris. Au défaut de l'argent comptant, il faut payer d'imagination ; il est amoureux de cette petite Claudine, qui me fit parler à Angélique ? La voici que le hasard me livre le plus à propos du monde. Tu le verras. Tâche de rejoindre le Jardinier, et de l'amener ici comme sans dessein. Non, demeurons, belle Claudine, je me plais mille fois plus avec vous qu'avec elle, et je voudrais y pouvoir demeurer toute ma vie. Oui, Claudine : mais je vous ai vue ; j'aimais hier Angélique en arrivant, aussitôt que je vous vis, mon amour diminua pour elle. Non, je vous assure. Un reste de tendresse combattait pour elle, je vous l'avoue : mais dès le moment que je vous vis toutes deux ensemble, aussitôt que je pus comparer vos charmes aux siens… Sans comparaison. Point du tout ; et pour marque de ma sincérité, promettez-moi seulement de m'aimer, et je vous promets de ne voir Angélique de ma vie. Il est vrai, je venais ici pour elle : mais je n'y demeure que pour vous, je vous assure. Pourquoi non ? Si vous voulez m'aimer, il n'y a rien de plus facile. Ce sera tout de bon aussi. C'est comme je l'entends. On vous défiancera, voilà une belle bagatelle. Aimez-moi seulement. Non, Monsieur le Jardinier, non, ce ne sont point des feintes : Claudine sera ma femme, je vous en réponds. Je me fais un plaisir sensible de réparer l'injustice du sort qui l'a fait naître paysanne. Que j'ai d'impatience de la voir habillée d'une belle étoffe d'or. Avec une belle croix de diamants, et de belles pierreries à ses oreilles. Qu'elle sera brillante, dans ce beau carrosse que je lui ferai faire ! Non, Monsieur le Jardinier, pour acheter vos soins auprès d'Angélique, dont je ne me soucie plus : mais pour rendre Claudine la plus heureuse personne du monde, vous verrez que rien ne nous manquera. Que veux-tu que je te dise ? Je trouve Claudine si charmante, et tu m'as fait tant de difficultés pour Angélique… Nous trouverons moyen de les surmonter. Je ferai tout ce qu'il faudra faire, ne vous mettez pas en peine. Oh ça, mon pauvre garçon, enseigne-moi vite, je te prie, où demeure la mère de cette aimable enfant. Tu ne veux pas me le dire ? Je le saurai de quelque autre. Hé bien ? Elle me paraît si simple, si douce. Je ne saurais me persuader de cela. Je trouverai moyen de la fixer. Quelle apparence que tu dises vrai ? Tu veux l'épouser. Mon parti est pris, rien ne me peut changer. Je n'y saurais que faire. Non. Cela est inutile. Ah ! Mon pauvre Lépine, il s'est fait depuis tantôt aussi d'étranges révolutions dans mon cœur Ma passion est trop vive, je n'en suis pas le maître. J'ai peine à l'oublier, je te l'avoue, l'amour combat encore un peu pour elle. Un tendre souvenir me rappelle à ses charmes. J'y trouve tant d'obstacles. Non, je fais cas de ta fidélité, je ne veux point que tu trahisses ton maître. Il mourrait de douleur. Ce serait une trop grande perfidie à toi de me livrer une personne qu'il regarde comme sa femme. Comment, qu'est-ce ? Hé bien ? Hé bien ? Tu as raison ; que faire à cela ? Comment changer de figure ? Charmante Angélique, je mourais d'impatience… Non, pas encore… La tante de Monsieur Robinot vous a-t-elle parlé d'un dessein… Tout à l'heure. Vous ne me dites mot, me méconnaissez-vous, Angélique ? Je le pardonnerais à vos yeux : mais votre cœur devrait vous dire que sous cet habit de Paysan vous voyez le tendre, l'amoureux Éraste. Moi, scélérat, aimable Angélique ! Je veux vous expliquer… Voulez-vous ma mort ? Quelle est votre erreur, Angélique ? Il faut vous dire… Épouser Monsieur Robinot ? Adorable Angélique, écoutez. Ah ! Je ne vous quitterai point, aimable Angélique, que je ne sois justifié du crime imaginaire que vous m'imputez. S'il vous en faut encore quelque autre, voilà Mathurin qui vous rendra compte… Je dégagerai votre parole, avouez-moi de tout seulement, et consentez au dessein que l'on vous a dit. **** *creator_dancourt *book_dancourt_colin-maillard *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_colin-maillard *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEPINE *date_1701 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lepine Moi-même, Madame, à votre service. Tâcher de vous rencontrer et de vous parler, Madame. Je vous rencontre et je vous parle, voilà qui est fini. Oui, Madame, il est ici. Depuis hier matin, Madame. Il vit le soir Angélique en arrivant, il lui a parlé. Oui, Madame, et qui en est sorti pendant que vous dormiez dans un coin de la salle, et que Monsieur Robinot jouait à Colin-Maillard avec Angélique. Tout ce qu'il vous plaira, Madame, il attend vos ordres, et je viens les prendre. Pas trop, Madame, et je crains bien qu'il ne soit arrivé que pour être de la noce de sa maîtresse. Il faut qu'il vous parle aussi, Madame. Voici mon maître. Si elle ne vous aime pas, elle hait Monsieur Robinot du moins, voilà ce qu'il y a de sûr. Et nous prétendons l'en empêcher, nous : voilà de quoi il s'agit. Il faut obtenir d'elle qu'elle y consente, premièrement. Si Madame était d'humeur à lui donner un bon conseil. De bons conseils, donnés bien à propos quelquefois, déterminent bien utilement la jeunesse. Examinons un peu cela. Allons, de la vivacité, Monsieur, rêvant chacun de notre côté, et nous rassemblerons ensuite nos idées. Hé bien, Monsieur, trouvez-vous quelque chose ? Hem. Pauvre esprit ! Et vous, Madame, n'entrevoyez-vous rien qui pût… Quelle faiblesse d'imagination ! Seriez-vous si peu ingénieuse que cela pour vous-même ? Oh je n'en crois rien, moi, je m'y connais. Voyons un peu. Mettez-vous à a place d'Angélique, par exemple. Figurez-vous que vous êtes elle-même, que vous n'avez que son âge. Fort bien, Madame, vous entrerez mieux dans le fait de la chose. Vous êtes donc Mademoiselle Angélique, et vous n'avez comme elle que quinze ou seize ans tout au plus. Vous êtes passionnément aimée de Monsieur Éraste, que voilà ? Qui est un joli homme, un grand garçon, beau, bien fait, Capitaine en pied dans un Régiment de garnison ? Ils savent bien aimer, Madame, ces Officiers de garnison, ils n'ont que cela à faire. Je le crois bien. La peste ! Celui-ci est averti qu'un vieux magot, qui est votre tuteur, vous veut épouser malgré vous. Il met d'abord en gage quelques vestes d'or, quelques justaucorps galonnés, une montre d'Angleterre… Hé non, Monsieur, je ne suis point fou ; laissez-moi faire. Cela est bien touchant, n'est-ce pas, Madame ? Il prend la poste, il part, il arrive, il vous trouve outrée de désespoir de la violence qu'on veut vous faire ; il soupire, il pleure, il gémit, il se jette à vos pieds, il embrasse vos genoux. Tant mieux, Madame, voilà comme il faut que soit Angélique. Il vous conjure de prévenir par la fuite le malheur qui vous menace également l'un et l'autre. De consentir à un enlèvement, qui peut seul vous mettre à couvert des persécutions de ce vilain tuteur. D'abord vous ne répondez rien à cela, le mot d'enlèvement vous effarouche. Assurément ! Et Angélique est une fille bien née de s'en effaroucher : mais elle a pour amie une personne de bon esprit, comme vous, qui entre charitablement dans ses intérêts, qui la rassure contre les scrupules, qui lui dit naturellement que dans les maladies désespérées les remèdes violents sont nécessaires, que c'est plutôt une promenade qu'un enlèvement. Cela donne à rêver à la petite fille. N'est-il pas vrai ? Le Capitaine saisit le moment de la réflexion. Il parle, il presse, il prie, s'arrache les cheveux, il se veut passer son épée au travers du corps ; cela persuade, Madame. Comment, Madame ? Hé, non, Madame, ce n'est pas pour l'enlèvement que vous êtes Angélique. Vous changez de personnage sur la fin, et vous devenez cette bonne amie qui lui conseille la chose. Hé, Monsieur, ne prenez pas garde à cet homme-là. Voilà un maraud qui prend tout le train de se faire battre. Mon camarade… Je le crois : mais si tu es si rétif, voilà mon maître, Monsieur le Capitaine, qui est un peu brutal ordinairement, je le suis aussi de mon métier. Oui, mais nous sommes deux brutaux contre un, prends-y garde, tu te feras donner cent coups de bâton. Oui, de mon maître seulement, et autant de moi. Il compte fort bien, au moins, Monsieur. Je t'en conjure aussi. On ne peut mieux prier que cela, mon pauvre garçon. Comment ? Oui, à merveilles : mais… Si fait, si fait, nous comprenons bien : mais il y a une petite difficulté, c'est que nous ne portons jamais de bourse, nous autres. Vous avez raison : mais au défaut de bourse, nous vous ferons notre billet si vous voulez, hem ? Mais… Mon pauvre garçon… Mais écoute donc. Hé, attends, attends, on fera un effort. Il a raison, Monsieur, c'est un grand secours que celui d'une bourse bien garnie, et malheureusement la nôtre ne l'est pas. Oui : mais ce rustre-ci ne veut point de billet, et sans argent comptant, ces maroufles-là… Hé bien, Monsieur ? Qu'en prétendez-vous faire ? Ah, je vous devine à peu près. L'idée est bonne, et nous en aurons bonne issue. Comment donc ? Qu'est-ce que cela signifie, Monsieur ? C'était nous qui prions tantôt cet animal-là, et je le trouve à vos genoux. Comment donc, Monsieur ? Ton accordée ! Ah ! Monsieur, où est la charité ? Voudriez-vous faire ce tort-là à ce pauvre diable ? Il faut l'être, Monsieur, allons, allons, un peu d'humanité ; voilà un pauvre coquin que vous mettez au désespoir. As-tu une bourse ? De cent francs ? Je suis plus honnête que toi, je l'accepte. Oh çà, Monsieur, il faut avoir un peu de conscience dans la vie. Voilà des gens qui sont fiancés une fois, je regarde cela, moi, comme mari et femme ; et pour une petite fantaisie qui vous passe dans la tête, vous venez troubler la paix d'un ménage, cela n'est pas bien. Le voilà rêveur… nous en viendront à bout. Le beau dessein à un homme comme vous, d'épouser une paysanne ? Une petite étourdie apparemment : sans conduite, sans jugement, sans retenue, sans scrupule. Il en reviendra, laissez-moi faire. Elle vous fera peut-être au premier jour le même tour qu'elle fait à cet homme-ci. Et cependant vous rompez pour elle des engagements très solides, vous oubliez Mademoiselle Angélique. Il faut se laisser vaincre, Monsieur, il faut se laisser vaincre. Voilà un fort honnête garçon, Monsieur. Il a raison, Monsieur, il n'y aura point de mal à tout cela, je n'y trouve qu'un petit inconvénient. Hom, si fait, si fait, il y en a. Monsieur Robinot s'informe de nous dans le Village, on est venu de sa part au cabaret demander qui nous sommes. Avant qu'Angélique se soit déterminée à ce que vous souhaitez, il se passera du temps peut-être ; de jeunes filles qui sortent du Couvent sont un peu barguigneuses quelquefois. Hé bien, hé bien, si Monsieur Robinot vient à savoir que c'est vous qui êtes ici, il se tiendra sur ses gardes, et cela rendra l'exécution de vos projets plus difficile. Cela est de fort bon sens, Monsieur, ne perdons point de temps, allons. Dépêchons, Monsieur : voilà un bon garçon, ce serait conscience de lui prendre son accordée. **** *creator_dancourt *book_dancourt_colin-maillard *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_colin-maillard *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEBAILLI *date_1701 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lebailli Ah, ah ! Qu'est-ce que ceci ? Fort bien, je suis bien aise de voir ainsi tout le Village en joie à la veille d'une noce. Non, c'est moi, cousin ; je ne suis pas du jeu, mais il n'importe. J'ai votre affaire toute prête dans ma poche, le Contrat tout dressé, il n'y a qu'à le signer.