**** *creator_dancourt *book_dancourt_etedescoquettes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_etedescoquettes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1690 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Oh, ma chère enfant, laisse-moi en repos, je te prie ; le seul mot de raison me fait mourir à mon âge. Faite comme je suis, je passerais pour folle dans le monde, si l'on me soupçonnait seulement de savoir ce que c'est que la raison. Le mieux du monde. Ma mère me passe tant de bagatelles ; je serais bien injuste de ne lui pas souffrir au moins la liberté de vouloir certaines choses. Nullement. Je serai toujours complaisante et soumise à ses volontés, je me ferai un devoir de lui obéir aveuglément ; mais, je prendrai si bien mes mesures, que Monsieur mon cousin ne voudra point de moi. Je ne regarde le mariage qu'avec frayeur : ce que j'en entends dire me fait frémir ; c'est un engagement que mille personnes se repentent d'avoir pris, et dont aucune n'est satisfaite. Il n'est point de femmes qui s'en louent, et les plus modestes croient beaucoup faire de ne pas s'en plaindre. Tu feras bien de t'en tenir à l'imagination, pour n'être pas détrompée. Le temps du départ est venu bien à propos ; sans le voyage d'Allemagne, j'aurais peut-être fait l'extravagance de l'épouser. Je ne sais. Il ne m'ennuie pas tant qu'un autre, je lui trouve plus d'esprit, des manières plus tendres et plus insinuantes, la conversation plus enjouée, le coeur mieux fait... Oui. Oui. D'accord. Beaucoup, je te l'avoue. Non, il me semble que je n'aime personne. Comment ? Non, de bonne foi, je n'aime personne ; mais je suis ravie d'être aimée, c'est ma folie, j'en demeure d'accord. Cependant je ne suis point Coquette, et tout ce que je fais n'est que simple curiosité. Oui, je me plais à connaître les différents effets que l'esprit et la beauté peuvent produire dans les coeurs. Quelquefois. Mon maître à chanter, par exemple, je ne serai point contente que je ne l'aie fait mettre aux Petites-Maisons. Si la pluie n'avait cessé, je ne lui aurais donné audience qu'à onze heures du matin. Ne suis-je pas heureuse, de savoir me divertir de toutes sortes d'originaux ? Il est bon de s'accommoder aux temps et aux situations où l'on se trouve. Tant que durera la guerre, si l'on ne s'humanisait un peu, on mourrait d'ennui tout l'été. Il faut se faire une occupation dans la vie. J'y trouve une espèce de mérite même : on polit un homme de Robe, on apprend à vivre à un Abbé, on met un jeune homme dans le monde ; l'hiver vient insensiblement, et l'on se trouve dans son centre. Qu'on fasse entrer.Il m'envoie l'argent que je lui gagnai hier au soir.Ton Maître est bien exact. Vous m'avez ruiné, Madame, et je ne puis payer comptant que deux cent pistoles. Je vous envoie, pour nantissement des cents autres, un diamant que vous avez trouvé beau, et que je reprendrai pour mille écus toutes fois et quantes. Fait à Paris, en mon Bureau, l'an de grâce 1690, et du Bail courant le troisième. César-Alexandre Patin. Voilà des manières tout à fait galantes. Prenez cette bourse, Lisette, et donnez dix louis à ce valet de chambre. Dis à ton maître que je veux souper ce soir avec lui. S'il ne vient pas, nous nous brouillerons ensemble. C'est à moi qu'il est redevable du peu de noblesse qu'il commence à mettre dans ses manières. Hé bonjour, mon aimable petite, et d'où sortez-vous ? J'en suis ravie ! Tu seras contente. Es-tu mariée ? Et ton vieux tuteur est-il mort ? Te veut-il toujours épouser ? Me hait-il toujours ? Ma mère est à la campagne. Hé bien, ma chère enfant, comment vont tes affaires ? Le parti d'un Couvent ! Hé ! Qui t'empêche d'être heureuse ? Quoi ! Tu t'amuses à aimer ? Es-tu folle ? À ton âge aimer ! Tu n'y songes pas ? Je ne m'étonne pas que tu te trouves malheureuse ! Non, vraiment. Je souffre qu'on m'aime ; et quand je ne me fâche point de me l'entendre dire, je prétends qu'on m'a grande obligation. Tu as donc grand nombre d'Amants ? Hé ! Quel est cet heureux mortel ? Peut-être ; on le nomme ? Clitandre, dites-vous ? Il n'est pas impossible qu'il y ait plus d'un Clitandre dans le monde. C'est un jeune homme assez bien fait ? Spirituel et de bon goût ? D'une conversation agréable ? Il est de famille de robe ? Volontaire ? Mais, vraiment, à ce compte, il faut qu'il trompe l'une de nous deux. Il me le jurait encore la veille de son départ. Il n'y a guère plus d'un mois. Comment ? Cela est fort passionné. Et que faisait-il, dans cette maison ? Ah ! Je n'en appelle plus. Je suis la sacrifiée ; voilà filer le parfait amour. Moi, mon enfant ? Je donnerais tous les hommes du monde pour une amie. Un Amant de moins n'est pas une affaire, et ma Cour n'est que trop nombreuse. Je ne prendrai point de leçon aujourd'hui. Mais je ne suis point en humeur de chanter, Lisette. Les coeurs tendres sont pour la musique : qu'il entre. Hé, fi, fi, tu te moques ; moi, fâchée pour la perte d'un soupirant ! J'en ai tous les jours une vingtaine de renvoi dans mon antichambre. Approchez, Monsieur des Soupirs, approchez. La danse a tenu quelque temps le haut du pavé ; mais, Monsieur des Soupirs fait prendre le pas devant à la musique. Un carrosse, Monsieur des Soupirs ! Voilà une manière belle pour la médisance. Combien de femmes vont être soupçonnées d'avoir part à cet équipage ! Tais-toi donc, folle. Comment, ma chère ; c'est son moindre talent que la musique. N'a-t-il pas raison ? Malgré la guerre et la saison, je ne manque pas de fleurettes, comme tu vois. Ah ! Que cela est joliment tourné ! Climène, c'est moi apparemment ? Ne pensez pas railler ; il réussirait mieux qu'un autre. Allons, Monsieur des soupirs, chantez-nous quelque air nouveau, je vous prie, de votre composition. Je ne saurais. Non, je vous prie de m'en dispenser. Cela est parfait. Et tout à fait dans la nature. Avec quelle modestie il s'en défend ! Au moins, Monsieur des Soupirs, je veux que vous me donniez cet air. Entrez dans mon cabinet, et faites-en deux copies, en attendant qu'on nous serve. Vous dînerez avec nous. Conduisez-le dans mon cabinet, Lisette, il y trouvera tout ce qu'il lui faut. Te crois-tu meilleure que moi ? Tu vois les plaisirs innocents que je me donne pendant l'absence du beau monde. Ah ! Que la morale a bonne grâce dans ta bouche, et que tu fais bien des réflexions ! Nous verrons, l'hiver qui vient, de tes maximes sur les écrans. J'en serais ravie, cela me ferait connaître à mille gens qui ne savent pas que je suis au monde. Je viens d'entendre arrêter un carrosse. Veux-tu que je demeure seule ? Faute de meilleure compagnie, on s'accoutume à ces Messieurs-là. Tais-toi donc, il va venir. Veux-tu te taire ? Le voici. Sauve-toi vite dans ma chambre. Il ne t'a point vue, je ne tarderai pas à m'en débarrasser. Hé bien, Lisette, vous n'avez donc point dit là-bas que je ne voulais pas être au logis, et l'on me laisse monter tout le monde ? Je ne dis plus rien, et l'ordre n'était pas pour lui. Oh pour cela, Monsieur l'Abbé, vous êtes bien persuadé qu'elle fait plaisir, qu'on ne vous voit jamais autant de temps que l'on voudrait ; mais quelle métamorphose ! Je ne m'étonne pas si je vous ai d'abord méconnu ; cette perruque allongée, le justaucorps violet bleu, la veste brodée ; vous allez à la campagne apparemment ? Quoi ! Pour demeurer à Paris vous vous mettez en habit de chasse ? Vous perdez l'esprit, Lisette. Vous ne sauriez me faire plus de plaisir. Vous doutez que je le sois, Monsieur l'Abbé ? Est-il si difficile de vous en apercevoir ? Et ne voyez-vous pas que vous y êtes autant bien qu'une personne de votre caractère y doit être ? Ah ! Les belles Malines, Lisette. Que je mes voie de près, Monsieur l'abbé, je vous prie. Ah Ciel ! Ah ! Je n'en puis plus. Un fauteuil. Un fauteuil, je me meurs. Ah ! Ah ! Éloignez-vous de moi, Monsieur l'Abbé, vous avez des odeurs. Ah ! Et c'est un poison qui me fait mourir. Sortez d'ici, je vous prie. Ah ! Ah ! Me voilà malade pour quinze jours. Ah ! Monsieur l'Abbé, vous êtes un cruel homme. Eh, sortez, encore une fois, si vous m'aimez. Ah ! Ah ! Est-il parti ? Va-t-en le dire à Cidalise. Les vapeurs ! Ah, que tu es bonne ! Est-ce que je suis sujette aux vapeurs ? Et m'en as-tu jamais vu ? Il fallait se débarrasser de cet importun. L'idée des vapeurs m'est venue, je m'en suis servie. Ah ! L'ennuyeuse créature. Va, va-t'en avertir Cidalise. Vous voyez les tristes effets de la guerre, Madame. Où aller ? Servir volontaire dans quelque régiment de faveur ? Cela serait-il de votre goût, Madame ? Vous avez un coeur de Héros. Je vous croyais à la campagne, Madame. On dit que c'est un si beau lieu, Madame. Ah ! Je ne m'étonne plus, Madame, que vous soyez dans le goût d'aller visiter la frontière. Votre amant est à l'armée, selon toutes les apparences. Nous profiterons de son absence. Il paraît dans sa conduite autant de prudence que de passion. Il a pris des mesures fort justes, et pour peu qu'il fasse diligence, il arrivera tout à propos pour voir séparer l'armée. Nous le connaissons donc, Madame ? Trop de curiosité serait indiscrète. Clitandre ! Moi, je ne puis m'empêcher d'en rire. Nos fortunes sont pareilles à ce que je vois. Que vous vous confiez à vos rivales, Madame. Ne vous en fâchez point, Madame, ce serait à nous de nous plaindre. Depuis un mois il est parti pour moi. Il y a quinze jours qu'il fit ses adieux à Cidalise ; et ce n'est que d'hier qu'il prit congé de vous. Il semble que vous n'êtes pas la plus maltraitée. Ce petit gentilhomme fera une belle campagne cette année. Pour son équipage, Madame ? Pour son équipage ? Ah ! Il n'y a pas le mot à dire ; et ce n'est pas sans raison qu'il a quitté Madame la dernière. Il n'est peut-être pas encore bien parti, et dans quinze jours, je ne désespère pas que quelqu'une de nos amies ne nous vienne apprendre de ses nouvelles. C'est un petit volontaire qui sert les Dames par quinzaine. Vous venez fort à propos, Monsieur Patin, et notre petit cercle avait besoin d'un chapeau. Quoi ! Toujours régal sur régal ; tous les jours des cadeaux, et des présents même. Je ne parle point de ce que vous perdez au jeu ; mais en vérité, Monsieur Patin, vous vous jetez dans une dépense effroyable, et il faut être ce que vous êtes pour la soutenir. Tu ne le connais point ? Voyez ce que c'est, Lisette. Je le voudrais, nous nous en réjouirions, et cela tirerait peut-être Cidalise de sa mauvaise humeur. De tout mon coeur, dans un repas rien ne me fait tant de plaisir que la musique. Volontiers. Aussi bien ces Dames sont rêveuses. La conversation languit, une chanson leur fera plaisir. Elle est fort de mode, je vous assure. Hé bien, Lisette... Oh, parlez haut, je ne hais rien tant que le mystère. Vous l'aviez deviné, Madame, c'est une aventure d'été. Je vous disais bien qu'il n'était pas tout à fait parti. Vous l'allez savoir. Lui avez-vous dit qu'il y avait compagnie ? À la bonne heure. Entrez tous dans ma chambre, et n'en sortez que bien à propos. Faites-le monter, Lisette, et ne l'avertissez de rien. Vous serez contente, faites seulement ce que je vous dis. Passez vite, Monsieur des Soupirs. Entrez, Monsieur Patin, vous aurez votre part de la Comédie. Ah ! Fourbe, fourbe, tu m'as trompée ; tu te livres bien heureusement à la vengeance que j'en veux prendre. Quoi, Clitandre, c'est vous ! Quitter l'armée pour me venir voir ? Cet empressement me devrait faire plaisir ; mais je n'aime pas qu'aux dépens de votre gloire, vous me donniez des marques de votre tendresse. Il n'est pas permis de mentir si effrontément. Serez-vous longtemps à Paris ? Quatre jours ! Faire tant de chemin pour être si peu avec vos amis ! Que n'y faites-vous donc un plus long séjour ? Regardez-moi, Clitandre, ne méritais-je pas bien ma quinzaine comme une autre. Vous êtes un adroit fripon, Clitandre, puisque vous m'avez trompée. Je vous le pardonne : allez, à cela près vous êtes un fort joli homme, et je veux bien encore être de vos amies. Mais toutes les femmes ne sont pas bonnes comme moi, et je suis fâchée pour vous, que le hasard fasse rencontrer chez moi Cidalise. Dites-lui qu'elle vienne, Lisette, et que Clitandre brûle d'impatience de la voir. Quoiqu'il n'y ait que quinze jours que vous l'avez quittée, elle ne sera point surprise de votre retour ; et en quinze jours on fait bien des choses. Il ne faut point perdre contenance : quand on a de l'esprit, on se tire aisément d'un mauvais pas. Moi ! Vous en empêcher ? Je veux vous aider à la tromper, au contraire. Vous connaîtrez ma sincérité. La voici. On ne peut pas rendre un compte plus juste, et tu dois être satisfaite. Elle s'explique net ; et pour elle comme pour moi, vous aurez de la peine à vous faire croire innocent. Il a raison. Oh ! Ne prenez point votre sérieux. De quoi vous plaignez-vous ? Vous nous avez jouées les premières, demeurons bons amis, et ne parlons plus du passé. Ne vous emportez pas, Madame, on vous le cède ; et il vous demeurera pour l'équipage. Allons nous mettre à table, nos différents s'y termineront mieux qu'ici, et nous irons tous ensemble souper ce soir chez Monsieur Patin. Donnez la main à la Comtesse, vous avez intérêt à la ménager. **** *creator_dancourt *book_dancourt_etedescoquettes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_etedescoquettes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LISETTE *date_1690 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lisette Oh çà, Madame ; parlons un peu raison, s'il nous est possible. Hé bien, soit, parlons donc caprice, puisque le terme de raison vous effarouche. Comment vous accommodez-vous de celui qui a pris à Madame votre mère de vouloir vous faire épouser votre vieux cousin ? Quoi ! Vous l'épouserez ? Et Madame votre mère ? Il n'y a rien de mieux imaginé. Ma foi, je ne suis pas de votre sentiment ; ce que j'entends dire du mariage ne m'en dégoûte point du tout ; et ce que j'en imagine, me paraît tout à fait joli. Vous n'avez pas toujours été dans ce goût-là, et Clitandre... Mais vous l'aimez ? Vous aviez du plaisir à le voir ? Vous receviez ses lettres avec joie ? Son absence vous fait peine ? Les dangers où il peut être exposé vous cause de l'inquiétude ? Et vous ne savez si vous l'aimez ? Mort de ma vie ! La voix publique est donc bien injuste ! Elle vous accuse d'aimer tout le monde. C'est celle de toutes les jolies femmes ; et vous êtes folle à meilleur titre que pas une. Curiosité ! N'entre-t-il point aussi un peu de malice dans votre fait ? Vous lui fîtes passer dernièrement une bonne nuit sous vos fenêtres. Ma foi, Madame, vous n'avez point de conscience. Il était percé jusqu'aux os. Oui vraiment, et je commence à connaître qu'une fille d'esprit n'a jamais le loisir de s'ennuyer. Vous avez raison. Assurément. Il n'y a rien de plus louable. Que la conduite est une belle chose ! Les beaux noms pour un financier ! Et très solides. Il y a peu de gens qui puissent écrire si noblement. César-Alexandre Patin est un financier fort bon à décrasser, Madame. Hé ! Madame, voilà Cidalise. Il y a mille ans que vous ne l'avez vue. Nous ne nous ennuierons pas aujourd'hui. L'heureuse rencontre ! Cela est de fort bon sens. Voilà votre petit Maître à chanter, Madame. Ah ! Madame, ne lui faites pas perdre son étalage. Il est paré, poudré, beau comme un Adonis ; il a du blanc, du rouge, et des mouches. Ce serait un petit homme à s'aller pendre. Qu'importe. Il vous fredonnera quelques airs nouveaux. Ah ! Cela n'est-il pas juste ? C'est la musique qui fait aller la danse, mais la danse ne fait point chanter la musique. Assurément ; et par toutes sortes de raisons, les Chevaliers de Ce Sol Ut doivent l'emporter sur les Marquis de la Capriole. Mais, vous ne parlez point à Monsieur, de son teint. Où le prend-il, Madame ? On peut dire qu'aussi bien que les mouches, il est assurément de la bonne faiseuse. Monsieur des Soupirs est bon prince, Madame, il entend raillerie, autant qu'homme du monde. Voilà un pauvre petit diable en bonne main ! Cela vous étonne ? Fou, musicien et poète, qui dit l'un, dit l'autre ; c'est la même chose. La voix de Madame a la migraine. Chantez. Ma foi, vous fûtes pourtant bien mouillé ; et le Soleil, ou un fagot, ne vous aurait point incommodé. Allons, venez, petit fripon. Cela est plus heureux qu'un honnête homme. Monsieur des Soupirs est content comme un petit Roi, Madame. Il est entré mystérieusement dans votre cabinet, comme si je l'eusse fait cacher, et je gagerais qu'il prend ceci pour une aventure dans les formes. C'est Monsieur l'Abbé, je l'ai vu par la fenêtre. Oh, celui-ci n'est pas comme un autre, il n'a point de Bénéfices, et il n'a pris le petit collet, que pour ne point marcher à l'Arrière-ban. Bon, bon, Madame, avant qu'il ait consulté son petit miroir de poche, mordu ses lèvres, arrangé les boucles de sa perruque, et pris l'avis de tous les laquais sur sa parure, il en a pour un bon quart d'heure sur l'escalier. Jeune, Madame ? Celui-ci a cinquante bonnes années, et je ne désespère pourtant pas qu'au premier jour, pour toucher le coeur de Madame, il n'arbore le plumet, et ne se fasse Cornette de Cavalerie, s'il ne peut d'abord être Capitaine. C'est Monsieur l'Abbé Cheurepied, Madame. Et ne voyez-vous pas bien, Madame, que c'est son habit à bonnes fortunes. Mais aussi, n'ai-je pas raison ? Il faut être tout un ou tout autre. Monsieur l'Abbé dans cet équipage n'a l'air ni d'un bénéficier, ni d'un homme d'épée, et il n'y a personne qui ne le prenne pour un animal amphibie. Ma foi, Madame, le petit collet et le manteau ne gâtent rien. On se repent quelquefois de s'en être défait ; et c'est une espèce de housse, qui fait souvent honneur à ceux qui la portent. C'est un jeune enfant, qui ne sait à quoi se déterminer. Monsieur l'abbé a raison, Madame. Reprendra-t-il la housse ? Voulez-vous qu'il se fasse Mousquetaire ? Il ne tient qu'à vous d'arracher un coeur à la mollesse, et de donner un guerrier de plus à l'État. Ah ! Que la réponse est juste ! Madame ? Eh, les vilains Abbés avec leur poudre ; ils en portent exprès pour donner des vapeurs aux Dames. Le beau sujet d'étonnement ! Les femmes sont capricieuses, ne faut-il pas que leurs vapeurs le soient aussi ? Eh sortez, vous vous désespérerez dans la rue. Sans cela, nous allions peut-être savoir les sentiments qu'elle a pour vous. Eh ! Sortez donc, Monsieur, vous empester cet appartement. Voulez-vous donner des vapeurs à tout le monde. Ah ! Ah ! Vous ferez fort bien. Adieu, allez prendre l'air dans la plaine. Oui, Madame. Ah ! Ah ! Et les vapeurs sont-elles passées ? Quoi, la poudre de Chypre ? La jolie chose que l'esprit d'une femme ! Par ma foi, j'ai si bien cru vos vapeurs véritables, qu'il a pensé m'en prendre par compagnie. Elle ne nous ennuiera qu'autant que vous voudrez, et un petit trait de vapeurs vous en fera raison. Voilà Monsieur Patin, Madame. C'est un soupirant d'été, Madame, qui ne va point sur la frontière. Hé, Madame, ces Messieurs les Financiers entendent bien leurs affaires ; et s'ils font en été si grosse dépense avec les Dames, ils ont pendant l'hiver en revanche tout le temps de se ménager. Hé bien, Madame, c'est Clitandre, qui arrive de l'armée incognito. Que vous a-t-il donc fait, Madame ? Non, Madame. Je commence à démêler l'aventure. Monsieur ? Je n'en suis pas trop informée ; mais autant que j'en puis juger, on a fait entendre à ces Dames que depuis votre dernier départ vous avez toujours été en garnison dans le château de Martin-sec. Allons, ferme, Monsieur, il faut sauter le fossé. Ma foi, vivent les femmes de bon esprit toutes les saisons leur sont égales, rien ne les chagrine ; et jusqu'aux moindres bagatelles tout leur fait plaisir. **** *creator_dancourt *book_dancourt_etedescoquettes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_etedescoquettes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CIDALISE *date_1690 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_cidalise J'aurai tout le temps de vous le dire ; je viens passer avec vous toute la journée. Nous dînerons aux bougies, premièrement ; j'ai des chagrins que je veux dissiper par quelque plaisir extraordinaire. Le Ciel m'en préserve ! Non, c'est un tuteur éternel. Il me persécute plus que jamais. En perfection. Il est pour vous, ce que votre mère est pour moi. Et mon persécuteur aussi. Lisette, donne cette pistole à mes porteurs ; tant qu'elle durera, qu'ils ne sortent point du cabaret. Tout à fait mal, et je suis à la veille de prendre le parti d'un Couvent. Quand on ne peut vivre heureusement au monde, n'est-ce pas être sage d'y renoncer ? Le testament de mon père, qui m'attache à ce que je hais, et qui ne me permet pas d'être à ce que j'aime. Comment donc ? Est-ce que tu n'aimes pas toi ? Nous ne nous ressemblons donc guère ; car pour moi je sais toujours gré aux personnes qui m'aiment ; et de tous ceux qui me l'ont dit, je n'ai jamais haï que mon tuteur. Oui, mais je n'en aime qu'un ; et s'il m'aime toujours, je l'aimerai toute ma vie. Tu ne le connais pas ? Je n'ai rien de caché pour toi, on l'appelle Clitandre. Tu le connais ? Celui que je connais est le vrai Clitandre ; mais son nom m'a paru vous embarrasser, vous le connaissez assurément. Tout des mieux faits. Plein d'esprit et de délicatesse. Qui ne m'a jamais ennuyée. Oui, mais il ne laisse pas d'aller à l'armée. Vous le connaissez ; c'est lui-même. Parlez, m'est-il fidèle ? Ne me déguisez rien. Me trompe-t-il ? Vous le savez. Ah ! Je suis malheureuse, il vous aime. La veille de son départ ! Un mois, dites-vous ? Ah ! Je respire. Vous êtes la plus trompée ; il n'y a que quinze jours qu'il s'en est allé. Tout le monde le croyait parti comme vous ; mais il a été quelque temps caché dans une maison voisine de la nôtre, dont les fenêtres répondaient aux miennes. Il passait les jours à m'écrire, et les nuits à m'entretenir. Tu vas être en colère contre moi ? Que tu es heureuse ! Ah ! Ma bonne, en faveur du rouge et des mouches, il ne faut pas le renvoyer. Il nous réjouira. Je serai ravie de l'entendre. Clitandre te tient au coeur : quelque mine que tu fasses, tu es fâchée contre moi. Ah ! Ma bonne, quel excès de magnificence ! Je croyais que la danse seule pouvait suffire à de si grands airs. C'est une vérité incontestable. Elles n'ont rien de désavantageux pour vous, et vous êtes toujours le Héros de tous les contes qu'on peut faire. Mais voyez donc, Madame, qu'il est bien fait, et qu'il a bon air ! Qu'il soutient spirituellement tous les compliments qu'on lui fait ! Qu'il y a de délicatesse dans tout ce qu'il dit ! Ah ! Voilà du plus tendre et du plus délicat ! C'est un impromptu, je crois. Je ne croyais pas que Monsieur des-Soupirs fît des vers. Poète et musicien ! Il pourrait faire tout seul un Opéra. Je ne raille point. Elles sont d'une grande beauté. Je l'entends, il en est l'auteur et le sujet. J'en retiens un ; mais je veux savoir l'aventure. Tu n'es pas bonne, au moins. Je n'ai fait que te seconder. Ils sont innocents, il est vrai. Mais penses-tu qu'on les regarde du bon côté ? Ces petits Messieurs sont fanfarons, ils ont trop peu d'esprit pour s'apercevoir qu'on les raille, et trop bonne opinion d'eux-mêmes pour ne pas croire qu'on les aime. Ils se font un honneur de le publier, et ne trouvent que trop de personnes qui, pat bêtise ou par malice, sont faciles à persuader. Fort bien, et l'on verra peut-être un tableau d'almanach de tes aventures. Tu vois que mes réflexions sont assez justes. Quoi ! Tu donnes dans les Abbés, ma bonne, toi qui ne les pouvais souffrir ? La plupart des jeunes Abbés sont fous de leur ajustement. Ah ! Ma chère enfant, c'est le frère de mon tuteur. Quelle heureuse rencontre pour moi, Madame ! Ah ! Qu'elle a bien raison. Il n'est parti que d'hier, Madame ? Se mettre si tard en campagne, c'est un peu sacrifier sa gloire à son amour. C'est peut-être lui qui porte les ordres pour la faire entrer en quartier d'hiver. Clitandre, juste Ciel ! Jamais surprise ne fut pareille à la mienne. Clitandre ! Je n'en puis revenir. Non, je déteste les hommes, et je n'en verrai de ma vie que pour les mépriser et me moquer d'eux. Vous êtes heureux d'y pouvoir suffire. Ne m'en fais point la guerre, elle ne durera pas, je t'en réponds, et j'aurai bientôt pris mon parti. Oui, Crenet et la Guerbois, cela est de bon goût. En vérité, c'est pousser l'impudence un peu trop loin, et pour moi je ne le veux point voir. Mais, quel est ton dessein ? Vous n'y seriez pas venu si l'Amour vous avais donné de bons avis. Le scélérat ! Qu'avez-vous fait Monsieur, depuis que vous m'avez quittée ? Oh je n'y puis plus tenir, en vérité, et j'ai trop d'horreur pour l'imposture. C'en est fait, Clitandre, rompons sans bruit et sans éclaircissement. Je vous connais trop, pour vous aimer encore, et je vous estime trop peu, pour avoir du ressentiment contre vous. Il est brutal, et n'aime pas qu'on le plaisante. On prendra soin de le retenir, Madame. **** *creator_dancourt *book_dancourt_etedescoquettes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_etedescoquettes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_DESSOUPIRS *date_1690 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dessoupirs Je me suis donné un carrosse depuis quelques jours, Madame. Vous ne sauriez croire, Madame, tous les contes qui s'en font déjà, et les plaisanteries qu'on m'en dit à moi-même. Madame ! Madame ! Madame ! Madame ? À vous parler naturellement, Madame, je n'ai jamais regardé la musique que comme un amusement. J'étais né pour toute autre chose ; mais je ne me repends point du parti que j'ai pris, puisqu'il me donne quelquefois les moyens d'être auprès de Madame. Le printemps de Paris chassera les Plumets, Les ardeurs de l'été feront tarir la Seine ; Mais sans adorateurs, jamais Nulle saison ne surprendra Climène. Oui, Madame. Oui, Madame. Voulez-vous prendre votre théorbe, Madame ? Vous ne chanterez pas, Madame ? Que je hais la clarté du jour. Que cette nuit m'a paru belle ! Favorable à mon tendre amour, Elle m'a fait revoir ma Bergère fidèle : Et le Soleil par son retour, M'a forcé de m'éloigner d'elle. Cet endroit n'exprime-t-il pas bien le chagrin qu'on a de quitter ce qu'on aime ? Et le Soleil par son retour, M'a forcé de m'éloigner d'elle. Les paroles, que vous en semble ? Elles sont vraies du moins, et je sais la chose d'original. Madame... Quand il vous plaira, Madame. Madame ! Madame, voilà les deux copies que vous m'avez demandées. J'ai fait un air sur les paroles que vous m'avez envoyées, Monsieur. Vous allez en juger si vous voulez, et Madame peut-être voudra bien l'entendre. Vous qui faites tous vos plaisirs De régner dans le coeur des belles, Il faut pour vous faire aimer d'elles Autres choses que des soupirs. Sans cadeaux et sans promenades, L'Amour les tient peu sous ses lois ; Et sans Crenet et la Guerbois, Ce Dieu n'a que des plaisirs fades. Avez-vous bien tué des allemands, Monsieur ? Il avait tort. **** *creator_dancourt *book_dancourt_etedescoquettes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_etedescoquettes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURPATIN *date_1690 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurpatin Vous ne m'attendiez que ce soir, Madame ; mais, je me dérobe à mes affaires pour me donner tout entier au plaisir d'être auprès de vous. Je suis ravi de trouver si bonne compagnie ; et ces Dames, je crois, voudront bien être de la partie que je viens vous proposer. C'est un petit régal que j'espère ce soir avoir l'honneur de donner à Madame dans ma maison de campagne, qui n'est qu'à demi lieue d'ici. Vous moquez-vous, Madame ? Ce ne sont que des bagatelles. Oh, pour moi, l'hiver et l'été, je vais toujours le même train. Ah ! Ah ! Eh, voilà Monsieur des Soupirs ! Il sera des nôtres, Madame, ne le voulez-vous pas bien ? Nous en aurons, Madame, et de la meilleure. Hé bien, est-il joli, est-il joli ? Hé bien, Mesdames, cette chanson est de bon sens ; qu'en dites-vous ? Quel est cet incident, je vous prie ? Faut-il me cacher aussi, moi, Madame ? Je suis de taille difficile à cacher. Hé bonjour, Monsieur, serviteur. Hé bien, vous revenez de l'armée ; quelle nouvelle ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_etedescoquettes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_etedescoquettes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CLITANDRE *date_1690 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clitandre Il m'était impossible de vivre plus longtemps sans vous voir. Un mois entier éloigné de vous ! Si vous saviez avec quelle impatience l'amour m'a fait voler ici... Que vous dirai-je, Madame, il semblait qu'il m'eût prêté ses ailes, et j'ai fait une diligence incroyable. Que dites-vous, Madame ? Je n'y puis demeurer plus de quatre jours. Que ne ferais-je pas, Madame, pour être un instant avec vous ? Que me dites-vous là, Madame ? Madame ! Cidalise, Madame ! Moi, Madame ! Me voilà pris comme un fat ; et sans un peu d'effronterie, j'aurai peine à sortir d'intrigue. Ma foi, Madame, puisque vous êtes si bonne, je vous avouerai tout ingénument ; mais pardonnez-moi cette bagatelle, ou ne m'empêchez pas du moins de me justifier près de Cidalise. Êtes-vous de bonne foi, Madame, et ne me trahirez-vous point ? L'Amour est un bon guide, Madame, je vous aurais cherchée vainement chez vous, et c'est lui qui m'a fait entendre que je vous trouverais ici. Qu'aurait-il pu me dire, Madame, qui m'eût fait craindre de vous voir ? Parlez, vous a-t-on prévenue contre moi, et quinze jours d'absence me feront-ils vous retrouver infidèle. Moi ! Madame, j'ai joint l'armée ; j'ai vu l'ennemi, je me suis fait voir à nos généraux, j'ai fait le coup de pistolet, pris quelques officiers prisonniers ; l'Amour m'a rappelé vers vous, je suis revenu sans réflexion. Madame... Madame ! Lisette ? Qu'est-ce que tout cela signifie ? Dans le château de Martin-sec ! Et qui peut avoir fait ces contes ? Madame ? Moi, Madame, je n'ai rien à répondre ; que voulez-vous que je vous dise ? Le respect me ferme la bouche, et je m'en vais prendre la poste. Ah ! Monsieur Patin, votre valet. Tout le monde revient, et les bourgeois n'ont qu'à déguerpir, Monsieur Patin. Mon pauvre Monsieur des Soupirs, pour tout exploit, j'ai fait donner des étrivières à un maître à chanter qui faisait le mauvais plaisant. Vous êtes bonne, Madame, et je connais votre sincérité ; je la reconnaîtrai, sur ma parole. Sans rancune, Madame. **** *creator_dancourt *book_dancourt_etedescoquettes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_etedescoquettes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_JASMIN *date_1690 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_jasmin De la part de Monsieur Patin, Madame. Madame la Comtesse de Martin-sec, Madame ? Madame, il y a là-bas un Monsieur dans une chaise, qui demande si vous êtes au logis. Il a le nez dans un manteau, et il prend grand soin de se cacher. Madame, on a servi. **** *creator_dancourt *book_dancourt_etedescoquettes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_etedescoquettes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LAFLEUR *date_1690 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lafleur Il serait venu lui-même, Madame, mais il a eu ce matin des affaires au grand Bureau. Voilà le diamant, Madame.