**** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMETHIBAUT *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamethibaut Je n'en puis plus, donne-moi une chaise. Ôte-moi cela. Porte ce paquet dans ma chambre. Prends garde à ce coulant, mets cette montre sur ma table, et surtout aie soin que ce collier ne s'égare point. À peine ai-je eu le loisir de manger un morceau chez une de mes amies. Ton cousin, Monsieur de la Brie, est-il venu ? Il s'en est retourné ! Il faut qu'il soit fou. Y a-t-il un moment à perdre ? Cléante revient aujourd'hui de Versailles. Quelques mesures que je prenne pour paraître à ses yeux ce que je ne suis pas, avec le temps tout se sait, et si je ne l'oblige pas à m'épouser avant qu'il soit deux jours, peut-être ne l'épouserai-je jamais. Monsieur de la Brie devient furieusement libertin. A-t-on écrit les gens qui sont venus me demander ? Qui sont-ils ? L'Abbé ? Celui-là vous était recommandé, sans doute, puisque vous le nommez des premiers. Monsieur l'abbé Castoret vous aurait-il, par quelque petit bénéfice, mise dans ses intérêts ? Donnez cela. L'Abbé Castoret, puisqu'il est tant de vos amis, dites-lui que le Prieur Coffard n'est pas dans la volonté de le mettre en possession de rien, qu'aux conditions qu'il sait. Ce Major de milice est-il venu ? Est-ce ma faute, si le Commis de qui dépend son affaire a révoqué sa maîtresse ? Qu'il prenne des mesures d'ailleurs : car pour moi je n'avais que ce canal-là. Comment mettez-vous là ? Cet homme tout nu. Qui, ce jeune fou qui a joué et mangé tout son bien ? Hé, a-t-il dit qu'il reviendrait ? Oui ? Hé bien, dites-lui qu'il n'y a rien à faire pour des Commissions qu'à l'autre bail, à moins qu'il n'épouse cette fille dont je lui ai parlé : encore faut-il que dès le lendemain des noces, il la laisse à Paris, pendant qu'il ira faire sa Commission au fond du Périgord. Oh, je lui conseille d'avoir des volontés, Messieurs les Fermiers lui donneront des femmes pour les emmener ! Il n'a qu'à s'y attendre. Un homme pour un Privilège. Concernant quoi ce privilège ? Oh, oh, celui-là va avoir bien de la pratique. Vous devriez bien écrire sa demeure. À propos de la rue saint Martin, vous êtes-vous souvenue d'aller à ce Messager de Rouen, savoir si ce quartier de veau de rivière, ce muid de cidre, ces pots de noix confites, et ces deux témoins sont arrivés. Belle avance ! Comme si le Procureur voudra recevoir l'un sans l'autre. Je ne vois point ici que ce Maître à danser, ni ce Maître de musique soient venus ? Va vite serrer toutes ces hardes pendant que je lui parlerai. Hé bien, avez-vous été chez cette petite personne ? Notre Financier attend la réponse avec impatience. Lui montrez-vous à danser ? Vous n'avez donc pas dit à la mère que c'était vous qui montriez à cette Marquise de leur voisinage, qui à cinquante ans, danse le menuet aussi proprement qu'une fille de quinze ? Sait-elle que c'est vous qui montrez la Sarabande au petit bichon de Madame la Maréchale ? Et la raison, s'il vous plaît ? Et c'est là ce qui vous arrête ? Avez-vous perdu l'esprit, dites-moi ? Quoi regarder à un louis quand il s'agit d'en gagner trente ! Avec cette belle conduite-là, je veux vous voir bientôt réduit à vendre le cheval que je vous ai fait donner par le Milord pour avoir… Ne me faites pas parler Vraiment, mon petit ami, vous faites bien le renchéri depuis que je vous ai donné les moyens de vous faire un des Syndics de la danse. Voilà encore une veste et une cravate, que vous n'auriez jamais eues sans moi. Monsieur le Maître à danser ! J'ai bien sujet d'y être ; et si la musique est aussi déraisonnable que la danse, je n'aurai qu'à pendre l'intrigue au croc. Ne voilà-t-il pas ce que je dis ? Dans toutes les affaires dont je lui ai donné la conduite, je voudrais bien savoir s'il s'est tenu à une pistole. Il n'a jamais fait de marché, seulement. Avez-vous parlé à ce vieux Commandeur pour cette petite marchande, dont la mère est si surveillante ? À l'autre. Ils ont tous deux résolu de me faire enrager, je pense. Hé quelle raison pouvez-vous donc avoir ? Ne nous voilà pas mal. Il faut le laisser là, cet heureux génie, et s'accommoder au génie des autres. Voilà un étrange entêtement ! Quelle extravagance ! Diantre soit des impertinents ; mais, finissons. Vous y perdez tous deux plus que qui que ce soit. Çà, cette lettre ? Le portrait, vous ? Cette bourse ? Cette attache de diamants ? Au moins, le compte y est ? Hé, je vous connais, vous ne seriez pas le premier du métier, qui ayant ordre de faire un présent à une Dame, aurait en homme habile partagé le différend par la moitié. Oh, pour ce bijou-là, vous n'avez qu'à le garder, c'est le fruit d'une intrigue où vous avez eu plus de part que moi. Peste soit de la danse et de la musique. Sans les travers qu'ont ces gens-là, quelle fortune ne pourraient-ils point faire ! Hé bien, Monsieur de la Brie, vous savez les services dont j'ai besoin ? Hé, que vous en semble ? Il y a cent pistoles à gagner. Combien voudriez-vous donc, Monsieur de la Brie ? Vous serez content de moi, Monsieur de la Brie. Allez. Vous prenez encore bien mal votre temps, Madame. Voyons donc vite, de quoi s'agit-il ? Je vous avoue, Madame, qu'avant que d'avoir eu l'honneur de vous voir, je n'avais point encore ouï dire qu'il y eût de beaux esprits à brevets. Vous, Madame, une place à l'Académie ! Oh, je crois que vous dites cela au figuré. Des femmes à l'Académie ! Oh, il faudrait donc du moins se garder de leur donner des jetons ; car, au lieu de travailler au Dictionnaire, elles joueraient à l'hombre ou à la Bassette. La folle ! Qu'elle est divertissante ! Fort bien. Vous verrez que c'est cette précieuse dont on me parla hier. Le merveilleux génie de femme ! Votre pénultième mari, Madame ! Vous avez donc été marié bien des fois ? Oh, que vous n'en demeurerez pas là : belle et jeune comme vous êtes, pour peu que votre mari soit vieux, vous serez bientôt réimprimée. Fort bien. Fut-il jamais une plus extravagante créature. Mais apparemment, Cléante ne peut pas tarder à venir ; allons changer d'habit, et donner ordre à ce qu'il faut, pour le recevoir en veuve de qualité. Quoi ! Vous êtes ici, Cléante, et je n'en suis pas avertie. Vous me trouvez donc meublée à votre goût ? Oh, pour superbe, non, cela n'est que propre. En faut-il tant pour une veuve ? Qu'est-ce, Gabrillon ? Oh, dites-lui qu'il vienne une autre fois. Hé Monsieur, vous prenez bien mal votre temps. Croiriez-vous bien, Monsieur, que cet homme-là donne cinquante mille écus à ses enfants ? Aussi il gagne tout ce qu'il veut. Croyez-moi, remettons la chose à une autre fois. Le Ciel m'en préserve ! J'ai changé de sentiment. On me doit faire un remplacement de douze mille francs, je veux placer le tout ensemble. Nous parlerons de cela quand on m'aura envoyé mon argent : mais aujourd'hui que faut-il faire pour me débarrasser de vous ? Passons donc dans mon cabinet. Au moins voulez-vous bien me permettre… Entrez dans ma chambre : je vous rejoins dans un moment. Qu'on vous revoie donc bientôt, je vous prie. Monsieur le Capitaine a pris l'hameçon, il ne faut pas lui donner le temps de se reconnaître. Assurément. Voici quelqu'un, laisse-nous. Qui ? Comment ! Va lui dire qu'il n'est pas à vendre : ne vois-tu pas qu'il me fait honneur, et que Cléante le prend pour être à moi ? Écoute si cette Maîtresse des Comptes à qui il appartient venait ici, ne va pas lui dire qu'on le marchande ? Qu'il s'en accommode s'il veut. Ne voudrais-tu pas que j'allasse préférer ses intérêts aux miens ? Va, va, te dis-je… Mais que me voudrait ce Gentilhomme ? Monsieur, votre servante. Monsieur ? Ce me serait bien de l'honneur. Je ne ferai jamais tant de bien, que je souhaiterais d'en faire. Il y en a plusieurs : il ne s'agit là-dessus que de consulter votre inclination. Voulez-vous être de robe ou d'épée ? Si c'est dans le service que vous souhaitez d'entrer, je ne puis rien pour vous. Pas cela. Les emplois de la guerre ne sortent pas de ma boutique. J'en suis fâchée, quoiqu'au fond c'est bien dommage qu'un joli homme comme vous aille à l'armée. Vous êtes riche ? Tant pis. Oui, mais pas toujours. Croyez-moi, mon beau Gentilhomme, ne méprisez point mes conseils ; il y a tant de femmes qui ne s'appliquent uniquement qu'à réparer dans une jeunesse indigente le tort que lui fait la fortune : tâchez de vous associer avec quelque riche veuve. Quand un équipage est en désordre, il vaut mieux, pour le remettre, avoir recours à sa femme qu'à l'usurier. Ce que tous les autres jeunes gens qui épousent des femmes déjà surannées en font, leurs Intendantes et leurs Fermières. Si vous voulez, avant qu'il soit deux jours, je vous livre la veuve d'un Marchand de marée, qui me persécute pour lui trouver un joli mari. Si le parti vous accommode, elle vous mettra à la tête de vingt-cinq mille livres de rente. Qu'appelez-vous résidence ? Un homme de votre qualité est-il pour passer ses jours comme un Bourgeois cousu aux jupes de sa femme ? On passe six mois à l'armée, de là l'on revient à Paris. Madame y est-elle, on va à la Cour : vient-elle à la Cour, on retourne à Paris ; de manière qu'en tout un an, un mari n'aura pas donné quarante jours à sa femme. Est-il, à le bien prendre, une plus douce condition ? Où trouverez-vous encore un métier dont le travail de six semaines suffise pour vous défrayer de toute l'année ? Ouais, vous êtes donc bien libertin ? Vous ne voyez donc pas une femme ? Hé, Monsieur, vous n'y pensez pas. Mademoiselle Angélique ! Et qui vous reconnaîtrait dans cet équipage ? Allez-vous courir le bal ? Une affaire sérieuse ! Cela ne m'a point encore paru. Vous avez l'air tout à fait Cavalier. Mais, quelle affaire ?... Une affaire de jalousie ? Je le veux croire ; mais pourtant ce déguisement. Et tout cela sans être amoureuse ? Vous ferez aussi parler de vous. Êtes-vous folle, dites-moi ? Le Chevalier ne vous le pardonnera jamais, et voilà le vrai moyen de rompre tout à fait avec lui. Mais… De l'argent à moi ! Vous allez y briller, je vous en réponds. Vous vous moquez ; je crois : il y a heureusement cinquante pistoles dans ma bourse. Adieu mon beau Cavalier, adieu. Qu'est-ce qu'il y a ? Et pourquoi la laisser entrer ? La porte n'était-elle pas fermée ? Viens, viens, suis-moi. Madame la Nourrice n'a qu'à se bien tenir, elle trouvera à qui parler. Je ne sais : le Maître de Musique est un mutin qui me fera peut-être assigner pour le reprendre : mais au pis-aller, j'ai des amis, et je me tirerai bien d'affaire. Qui ? Ce fou d'Éraste, qui pour se raccommoder avec sa famille, a quitté l'épée pour la robe, et d'Officier, s'est fait apprentif Magistrat ? C'est un homme d'un grand poids ! C'est donc pour cela qu'il cherche une toilette ? Il faut aller chez cette Marquise, qui mourut dernièrement ; savoir quand on fera son inventaire. Et la raison ? Ce sont de bons impertinents, de la vouloir noircir : une femme qui ne s'est occupée pendant tout le cours de sa vie, qu'à fonder des carrosses à perpétuité à de jeunes gens de naissance, que la nécessité mettait hors d'état d'en avoir. Ah ! Gabrillon, l'étrange chose que le monde ! Quelque bien que l'on puisse faire aux uns, on est presque toujours blâmé par les autres. Voici Cléante : qu'on dise à tout le monde que je n'y suis pas. N'avez-vous plus d'ordre à donner, et peut-on s'assurer de vous posséder autant de temps qu'on le souhaite ? Il me semble qu'on parle du départ. Je ne crains rien tant que votre éloignement. Que veut-on ? Ne vous avais-je pas dit de ne laisser entrer personne ? J'en suis plus en peine que lui. Qu'entends-je ? Ah, Ciel ! Hé bien, Cléante, qu'allez-vous faire ? C'en est fait, Gabrillon, toutes nos précautions vont peut-être devenir inutiles. Hé, comme vous voilà bâti, quelle métamorphose ! Ma foi non. Vous êtes trop sérieux, et je trouve qu'un plumet était mieux votre fait qu'un rabat. Pourquoi donc vous défaire de vos nippes ? Que voulez-vous que je fasse de ces deux écharpes, que votre laquais m'a apportées ce matin ? Vous vous sentez déjà des mauvaises impressions de l'habit bourgeois. Vous devenez ménager. C'est elle qui vous marie, apparemment ? Mais, je vous trouve bien hardi de prendre une femme sans me consulter ? Quand épousez-vous ? Et vous ne tremblez pas ? Voilà de fort bons préjugés. Pour vos écharpes, j'en attends réponse ; je les ai envoyées chez une Provinciale qui s'en accommodera, je pense. Je ne sais quelle inclination elle a pour ces sortes de nippes ; mais elle achète plus d'écharpes et de nœuds d'épée, que de coiffes et d'éventails. Nous ne lui vendrons donc plus que de la batiste ? Si nous trouvions moyen d'en faire une de ces deux écharpes : déploie un peu cela, Gabrillon. Attendez, j'ai là-dedans une étoffe d'or qui vient parfaitement avec ce point d'Espagne ; je vais la chercher. Qu'y a-t-il pour votre service, Madame ? Quelle sorte de carrosse voudriez-vous, Madame ? Pour Monsieur, peut-être ? Si vous n'en étiez pas si pressé, je connais un jeune homme qui s'est brouillé depuis peu avec la femme d'un Banquier : s'ils ne se raccommodent pas ; son carrosse sera bien votre fait. Je crois, Dieu me pardonne, que c'est la veuve qui a si bien vécu avec son premier mari. Passez dans ma chambre, Madame, pour vous reposer un moment. Monsieur, je suis votre très humble servante. Qu'y a-t-il, Monsieur, pour votre service ? Mais encore ? Vous me faites bien de l'honneur. Je vous entends, vous voudriez une douairière, peut-être ? Je crois avoir l'honneur de vous connaître. Je vous ai vu quelque part. Je ne saurais dire où. À l'Armée, moi ? À la Cour ! Non ; je ne vais guères dans ce pays-là. Vous avez raison, je rappelle mes idées : c'est dans votre carrosse que je vous ai vu. Il n'est rien de mieux entendu. Surtout quand le reste y répond. Bien loin de cela, vous m'avez tout l'air de bien jouer le premier rôle d'un équipage. Voilà une jolie tabatière. Elle est magnifique, vraiment. Mais, çà voyons, puisqu'il s'agit de vous marier, peut-on savoir, Monsieur le Marquis, à combien peut monter votre revenu ? Mais encore à peu près ? C'est bien dit. Sans doute. En toiles et en dentelles ? Bien loin de cela. C'est-à-dire, Monsieur le Marquis, que tout votre revenu est en fonds de crédit. C'est quasi la même chose. Je songe à vous bien assortir. Vous êtes un petit maître, et il y a bien de petites maîtresses en ce pays-ci. Si je vous allais donner une femme, dont le revenu fût comme le vôtre tout en étoffes, la cuisine serait bien mal fondée. Je connais une certaine veuve de marchand de marée, qui a plus de quatre cent bonnes mille livres, si vous vouliez vous en accommodez ? Elle a soixante ans, Monsieur le Marquis. Je vais tout à l'heure envoyer chez elle. Passez ici demain, je vous rendrai réponse. Adieu, Monsieur le Marquis. La fatigante chose que le métier dont je me mêle ! Si j'étais bien sûre de Cléante, je prendrais le parti d'y renoncer ; mais dans l'incertitude de pouvoir réussir dans mes affaires, il est toujours bon de continuer à me mêler de celles de tout le monde. Ah, ah ! C'est vous, Monsieur, je vous trouve bien hardi de m'avoir renvoyé cette Nourrice, et de revenir encore chez moi ? Écoutez, ne me faites pas prendre mon sérieux là-dessus, je vous prie, j'ai des amis qui… Je suis bien aise de vous voir raisonnable. Cela n'est rien, puisque vous revenez de bonne foi. Vous prenez le bon parti. Elle apprendra de vos airs préférablement à ceux de l'Opéra. Vous savez bien que je suis toute au service de Monsieur le Commandeur. Vous avez fort bien fait. J'en suis persuadée. Je sais ce que vous savez faire, il n'est pas besoin. Dépêchez-vous donc, j'ai quelques ordres à donner avant le concert. Il est fort joli, vraiment. Ne parlons plus de cela, je vous prie. Je ne suis pas fâchée de son retour, et si mon mariage avec Cléante ne réussit pas, j'ai intérêt de ne point perdre mes créatures. Qu'y a-t-il, Gabrillon ? Si Cléante venait par hasard, fais-le monter dans ma chambre par cet escalier dérobé. Je ne voudrais pas qu'il vît tout ce commerce. À quoi songez-vous donc ? Avez-vous perdu l'esprit ? Vous m'envoyez de la vaisselle avec ordre de ne la vendre qu'à lui, sans m'avertir de ce qu'il faut dire. Apprenez-moi donc vite ce que c'est que cette vaisselle, d'où elle vient, sur quel pied il faut la lui vendre, et ce que vous voulez que je fasse de l'argent ? Hé vite, vite, finissons, je sais tout cela. C'est donc une maîtresse femme, à ce que je vois ? Cela n'en est quelquefois pas plus mal. Dépêchez-vous donc de venir au fait. Mais si l'affaire vient à être sue, à quoi m'exposez-vous ? Laissez-moi faire, vous pouvez compter ces trois cents pistoles dans votre poche. Que vous avez-là un honnête Gentilhomme de fils, mon cher Monsieur ! Je lui suis vraiment bien obligée de me faire l'honneur de vous amener chez moi. Je connais tout ce qu'il y a d'honnêtes gens, Monsieur. Elle est là-dedans ; nous y passerons si vous voulez. Demeure-là, toi, et amuse Cléante en cas qu'il vienne. Quoi, Cléante, je vous revois ! Est-il bien vrai que vous me sacrifiez ainsi votre fortune ? Je veux tout ce que vous voulez ; mais ne vous repentirez-vous point de ce que vous faites pour moi ? Que veut-on ? Je voulais vous surprendre par un concert que je donne ici ce soir ; mais vous en voyez les apprêts malgré moi. Qu'on mette ces instruments là-dedans. Mon Notaire, Monsieur ? Ah, gardons-nous bien de lui rien dire de nos affaires ! C'est lui qui fait toutes les affaires de notre famille, et j'ai des raisons qui m'obligent à vous épouser en secret. Je suis volée ! Que m'aurait-on pris ? Es-tu folle ? Ah ! Le traître de Musicien. Le fourbe ! Qui l'eût cru, Gabrillon ? Voilà à quoi le veuvage m'expose : quel affront ! Hâtez-vous donc de le devenir, Cléante. Prenez le premier venu, Cléante ; faites-lui dresser les articles tels qu'il vous plaira, nous remplirons les noms et qualités quand le contrat sera dressé. Hé bien, Gabrillon, que dis-tu de l'insolence de ce coquin de Maître à chanter ? Je me vengerai du tour qu'il me fait. Qu'on le fasse monter. Quoique je n'aie plus guères besoin de pratiques, il est toujours bon d'expédier les vieilles ; quelque profession que l'on quitte, il en faut sortir avec honneur. Hé, bonjour, Monsieur Dubois, vous me paraissez bien affligé ? Hé, fi donc, vous n'y songez pas. Après six semaines de veuvage, est-il seulement permis de se souvenir de sa femme, que pour se réjouir de n'en plus avoir ? Hé ! Qui diantre la peut causer ? Tout vous rit, la Charge est à vous, je suis sûre de l'agrément. Ah, quel malheur ! Il faudra donc que vous rendiez le mariage de votre femme à sa famille. Elle ne l'est donc pas encore ? Cela est fort prudent. Et quel âge avait la petite fille ? Paix. Tais-toi donc, sotte ? Je songe à vous rendre un bon office. Cette femme n'y consentira jamais, Gabrillon ? Laissez-nous faire. Elle est pauvre ; mais elle aime ses enfants. Elle me fait souvenir d'une pauvre diablesse qui demeure à deux pas d'ici. Elle a une petite fille à peu près comme était la vôtre. Si l'on pouvait à force d'argent… Je ne sais si vous m'entendez ? Comment, mille écus ! C'est trop de la moitié. Vous autres hommes, vous jetez l'argent par les fenêtres, laissez-moi ménager la chose. Gabrillon, faites-moi venir cette femme ? Attendez, il vaut mieux que j'aille lui parler chez elle, et que vous ne paraissiez point dans tout cela. Pour rendre l'affaire plus secrète, il est bon qu'on ne connaisse pas seulement votre visage. Laissez-moi un moment, je vous prie, j'ai le cœur si serré que je ne puis parler. Ce que c'est que la tendresse d'une mère. Ah ; Gabrillon ! On a beau prêcher de l'intérêt, la nature est toujours la plus forte. Pardonnez-moi vraiment ; cinq cent écus d'abord, puis deux cents pistoles. C'est ce que j'ai fait. M'a-t-elle écoutée ? Vous ne m'aviez point donné ordre de passer cette somme ; mais pourtant, voici comme j'ai raisonné. Si Monsieur Dubois n'a cet enfant pour remplir le vide que la petite fille défunte laisse dans sa famille, il sera obligé de rendre tout le bien de sa femme. Je m'en suis bien doutée ; aussi, je n'ai point hésité d'offrir encore un sac de mille francs. Elle est sourde. Autre sac de mille francs ; car voyez-vous, dans une affaire de cette conséquence, il n'est que d'aller vite en besogne. Comme si je n'avais point parlé. Ne vous désespérez point. Deux mille écus l'ont émue, les sept mille francs l'ont ébranlée, et les huit cent pistoles ont achevé de la déterminer Dans le besoin pressant où vous en êtes, entre nous, Monsieur, c'est marché donné. Allez vite prendre de l'argent, il n'y a point de temps à perdre. Ah ! Que vous êtes adroit, Monsieur Dubois, vous prétendez que pour mes épingles je me contente de ce petit surplus ; mais, Gabrillon ? Ne craignez rien, je vous réponds d'elle. Adieu, retournez chez vous comme si de rien n'était, engagez la nourrice à se taire ; et quand il sera nuit, envoyez-moi votre carrosse, je vous porterai l'enfant moi-même. Le Maître à chanter ne s'en serait pas défait à si bon compte. Quoi, c'est vous, Monsieur le Conseiller, vous voilà redevenu Officier. Vous avez fort bien fait, le plumet vaut mille fois mieux que la robe. Vos affaires sont en mauvais état. Vous comptez deux fois le fonds, et vous oubliez la moitié des dettes. En vérité, c'est grand dommage ; et si vous disiez vrai, je me ferais une vraie affaire d'accommoder toutes les vôtres, et de vous marier avantageusement même. Vos manières m'ont gagné l'âme. Entrez là-dedans, faites un mémoire de votre bien, et de vos dettes surtout ; mais qu'il soit fidèle ; je me fais fort de trouver moyen de vous tirer de l'embarras où vous êtes. Entrez là-dedans, vous dis-je, voilà des gens qui ont affaire à moi ; quand j'aurai fini avec eux, je vous en dirai davantage. Songe à m'apporter ces dentelles. Vous me faites bien de l'honneur, Madame. D'un tempérament jaloux ! Fi, Monsieur, vous êtes pour cela une trop bonne pâte d'homme. Ah ! Quel meurtre, Monsieur. Ah ? Madame, il n'y a rien à dire. Comment ? On ne me l'a point encore apporté, je ne l'attends que dans deux jours. Vous qui êtes un si bon mari, Monsieur, vous devriez bien acheter cela pour Madame. Elle n'en a point de si belles, sur ma parole. Vous êtes de fort bon goût, Madame. Assurément. C'est une sotte qui ne sait pas la conséquence des choses qu'elle dit. À qui le dites-vous ? Je le sais mieux que personne. Voilà un habit que je lui ai vendu, par exemple, elle le trouvait trop cher ; n'est-ce pas vous qui le lui avez fait prendre malgré elle ? Je donne tout pour rien : ces dentelles ne sont que de dix pistoles encore. Vous faites trop bien les choses, Monsieur. Oh, Monsieur, je n'ai garde d'y manquer. Cascaret, portez cela dans le carrosse de Madame. Que ferai-je de cet argent ? Mais Éraste est longtemps après son mémoire, la liste de ses dettes est un peu longue. Ah, ah, voici notre vieille Marchande de marée : elle veut un mari à toute force, je ne sais pas qui voudra l'être. Va dire à Éraste qu'il se dépêche. Si j'y ai songé, Madame Torquette ? J'ai un magasin de maris à vous offrir. Vous n'avez qu'à me dire comme il vous le faut ; car nous ne nous sommes point encore assez expliquées. Hé ! Qui vous contraint d'en chercher ? Voilà de nos veuves ! Le mari meurt à Pâques, portion de lit à louer pour la Saint Jean. Voilà une mauvaise toux, Madame Torquette. Mais vraiment, cela m'étonne que vous soyez ainsi persécutée. Vous êtes si riche. Je vous entends, vous ne vous mariez simplement que pour avoir un appui. Ainsi vous ne vous souciez pas fort d'avoir un jeune homme ? Oui, mais il me faut pas aussi qu'il soit si vieux ? Car enfin, quelle protection pourriez-vous attendre d'un homme de soixante ans, par exemple ? Hé bien, cinquante-cinq ? Et un de cinquante ? C'est-à-dire, que vous butez à un de quarante ? Vraiment, c'est plus votre affaire que la mienne. Et vous dites que vous ne voulez pas d'un jeune homme ? On le voit bien. Vous avez du fiel, Madame Torquette, vous aimez les vengeances qui durent. Tenez, voilà peut-être l'homme de Paris le plus propre à vous venger de vos enfants. Gardez-vous bien de tousser, au moins. Paix, remettez ce papier dans votre poche. Voilà une riche veuve que je prétends vous faire épouser. Hé, tant mieux. Combien de maris voudraient que leurs femmes en eussent un semblable ! Serrez ce papier, vous dis-je, et retournez dans ma chambre, j'ai à vous parler. Je vais sonder un peu ses sentiments, et je reviendrai dans un moment vous en rendre compte. Notre affaire va le mieux du monde. Hé, fi donc, vous n'y songez pas. Comment donc ? En voici bien d'une autre. Vous jouez de bonheur. Quelle étourderie ? Si Monsieur ne vous accommode pas, je vous en ferai voir d'autres. Vous l'avez un peu trop poussée : malgré votre mémoire, les choses auraient pu se faire encore. Y a-t il longtemps qu'il est revenu ? Ce moment me fait trembler, Cléante, et la présence d'un Notaire… Ah, juste Ciel ! Que pourrait-ce être ? Ne me perdez pas, Monsieur, je vous en conjure. Quoi, vous n'êtes donc pas Cléante ? Quelles aventures ! Hé, point de bruit, Messieurs, je vous prie ; je rendrai la vaisselle et les trois cents pistoles. Passons là-dedans, et vous serez contents de moi. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LABRIE *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_labrie Bonjour, cousine : que me veut ta Maîtresse ? On m'a dit à l'auberge qu'elle avait envoyé me chercher. La besogne donne-t-elle ? Car, elle ne m'emploie que lorsqu'il y a ici des affaires à tout rompre. Écoute, ne pense pas rire, tout homme qui travaille pour Madame Thibaut, ne doit pas être un sot. Malepeste ! Il se fait ici les plus belles affaires de Paris : voulez-vous des Charges, des Offices, des Emplois ? On vous en fera voir de tous les échantillons. Êtes-vous dans le goût de vous marier ? On vous y fournira des femmes de toutes tailles, de tous âges ; et si vous plaidez, vous y trouverez des Solliciteuses depuis une pistole jusqu'à trente : voilà ce qu'on appelle une bonne boutique ; il n'y a point ici de nenni. Mais, mon zèle l'emporte sur la curiosité : dis-moi donc, qui y a-t-il de nouveau. Et dis-moi donc vite. Elle se marie ! Et contre qui ? Gentilhomme ? Il est Gascon ? Voilà de quoi faire un bon haras. Le Gascon et le Normand sont dans le monde, ce que le Singe et le Renard sont dans la fable. Mais que tu es extravagante de croire… Oh ! L'affaire change bien de face. La fine mouche ! Eh, dis-moi un peu ! Comment t'a-t-elle connue ? Mais encore, que veut-elle de mon petit ministère ? Qui me l'aurait dit ? Non, vraiment ! On m'a dit simplement qu'elle voulait me parler. Tu as raison, cela me décrierait à l'auberge. De quoi diantre s'avise-t-elle de confier ces choses au papier ? Je ferai diligence, ne te mets pas en peine. Fort bien. J'ai vu tout cela d'un coup d'œil. Cela est bon, cela réussira, nous en viendront à bout. Cent pistoles ! Ce n'est guères. Il y a ouvrage et ouvrage, voyez-vous. Si nous n'avions qu'un Bourgeois à duper, ce ne serait pas une grosse affaire : j'en entreprendrai, moi qui vous parle, à dix pistoles pièce, tant que vous voudrez ; mais, lorsqu'il s'agit de tromper un Capitaine, c'est une besogne diablement vétilleuse. Vous-même je vous en fais juge. Tenez, le seul personnage de Notaire, si je ne le faisais pas moi-même, me reviendrait à moi, sans les buvettes, à plus de cent pistoles. Malepeste, on ne vient pas à bout des gens de cette profession à si bon marché que vous le croiriez bien. Je vais donc me préparer. Quel temps faut-il donc prendre, Madame ? Ou vous êtes en compagnie, ou vous êtes en affaires. Tout ce que je veux, Madame, cela était bon autrefois ; mais aujourd'hui pour épargner les frais d'un Contrat, la plupart des gens se marient sous seing privé. Çà commencerons-nous, Madame ? Nous aurons fait dans un moment. Monsieur voudra bien… Il n'y a que quatre baux, cinq quittances, et deux Contrats de constitution : en voulez-vous le lecture ? À propos, je trouve à placer vos deux mille pistoles sur un jeune homme de famille, qui les emploiera à se faire un bon équipage pour donner dans la vue à la veuve d'un partisan. Nous ferons mention dans le Contrat de l'emploi des deniers. Cela est bon, mon Clerc est venu vous le dire. J'ai votre fait aussi, Madame, et notre pis aller sera de les prêter pour un nouvel établissement d'Opéra. Autrefois qu'ils ne donnaient qu'une pièce en tout un an, je ne l'aurais pas conseiller : et fi ! Ils ne gagnaient pas de l'eau. Mais présentement qu'ils en donnent tous les mois, quand vous seriez ma sœur, je ne pourrais en conscience vous indiquer une meilleure hypothèque. Signer tous ces papiers, Madame. Laissez-moi faire, tout ira bien. N'ai-je pas fait le Notaire à merveille ? Il ne me manque que la Charge, car j'ai d'ailleurs toutes les parties nécessaires pour faire un parfait habile homme. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LARAMEE *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_laramee Présentement que nous sommes seuls, viens, que je t'embrasse mon pauvre Jolicœur. Lui-même. C'est lui-même, te dis-je, reculeras-tu toujours, J'ai mes raisons. Toi-même, que faisais-tu devant la porte de ce logis ? Lorsque je t'ai vu, je mourais de peur que ne m'allasses donner du la Ramée devant mes gens ; c'est pourquoi, je t'ai promptement entraîné ici. J'ai pris le nom de notre Capitaine, je me fais appeler Cléante, et je suis Gascon comme lui. Que dis-tu de ce logis ? Quand tu voudras, ce sera ton auberge. J'en épouse la maîtresse. La trouves-tu passablement logée ? Qu'appelles-tu, une chambre ? Ce n'est qu'une salle à breland pour les laquais : la maîtresse de ce logis est une femme de qualité, veuve d'un Conseiller de Bretagne, qui a amassé des biens considérables, et qui, de crainte de dépenser un sou, s'est laissé mourir de faim. Que je vais faire honneur aux acquêts du défunt ! Je veux par ma magnificence immortaliser à jamais cette humeur sobre et laborieuse, dont il était doué. Ma foi, mon pauvre Jolicœur, j'ai tenté fortune. Prévenu que pour prendre une femme, un carrosse est un merveilleux trébuchet, j'ai donné dans l'équipage, et je me suis jeté dans le grand monde. Après quelques aventures, mon bonheur m'a conduit ici, et il ne s'est peut-être pas encore vu un plus beau coup de sympathie. Crois-tu qu'à la première conversation, la Dame me trouvant de l'esprit, elle se sentie toute émue de tendresse pour moi ; et moi la voyant riche et toute brillante de pierreries, je me trouvai pour elle tout de flamme. Notre Capitaine, sans le savoir. Tu l'as dit. Deux mille écus. Près de sept cent pistoles. Cela te surprend ? Et tu verras que rien n'est plus facile quand tu sauras la chose. Premièrement, je dois faire douze soldats, je n'en ferai point. Je devais payer pour lui quatre cents pistoles à son Drapier, je n'en ferai encore rien. J'ai ordre de lui faire faire deux habits par son Tailleur, de les payer comptant ; je les prends à crédit, et je m'en sers. Il ne faut point être scrupuleux, Jolicœur, quand on veut faire sa fortune. Mon ami, ce n'est pas là mon coup d'essai. Je n'ai pas toujours été soldat, et tel que tu me vois, j'ai fait rouler pendant cinq ou six ans un fort bon carrosse à Paris. Que veux-tu ? Les gens qui ne vivent que par machines sont sujets à ces sortes de revers. Mon adresse et mon savoir-faire m'avaient mis dans le monde dans une assez belle situation : mais mon bonheur m'y fit des jaloux, on me suscita des affaires, je m'enrôlai pour me garantir des brutalités de la Justice. Fais-toi mener chez moi par un de mes laquais. Je veux prendre de tes conseils pour m'assurer cette fortune. Je donnais des ordres à un de mes Sergents, et regardais la beauté de votre salle. Je n'ai encore rien vu de mieux entendu, de plus riche, ni de plus superbe que votre appartement. Hé, Madame, que je ne sois pas cause… Madame me désobligerait de… Deux Contrats de constitution ! Ce sont trente deux mille livres ; j'ai des gens en main qui s'en accommoderont. Selon. Il faut savoir qui fait la musique, premièrement, et que quelque riche négociant mette son nom et son paraphe au bas du Contrat de constitution. Madame… Non, Madame, je n'ai point été chez moi depuis mon retour de Versailles, j'ai quelques ordres à donner. Le plutôt qu'il me sera possible. Je suis plus pressé de conclure qu'elle ne pense. Je vous consacre tous les moments de ma vie, Madame ; et si les affaires du Régiment m'empêchaient d'être tout à vous, je me casse moi-même, et je remets ma Compagnie. Que fait cela, Madame ? Homme de Cour et de qualité comme je suis, je ne pars que quand il me plaît. Je passe à Paris des demi Étés incognito Je joins l'armée le jour d'une action ; cela fini, je reviens triomphant mettre à vos pieds toute ma gloire, et vous sacrifier ma fortune. Ah ! Ma Princesse, que je suis heureux si ma présence… Un essoufflé ? Que veut-elle dire ? Un Courier, moi ? Cela ne se peut. Qui lui aurait dit que je suis chez vous, Madame ? Hé, cadédis, c'est Champagne, le valet de chambre de mon père. Que viens-tu m'annoncer, mon pauvre diable ? Apprends-moi vite… Tu ne veux pas me dire… Hé bien, mon père est-il blessé, est-il mort ? Mon mariage ? Ah ! Madame, mon père saurait-il nos affaires ? Insolent, voudrais-tu bien te taire ? Veux-tu toujours me parler énigme. Tu as une lettre ? Hé, que ne me la donnes-tu donc ? Fais vite. Que me voudrait mon père ? Mon Fils, je ne saurais vous donner de plus fortes preuves de mon amitié, qu'en vous donnant Ismène pour épouse. J'espère qu'après que vous l'aurez vue, vous avouerez comme moi que les cent mille livres qu'elle vous apporte en mariage, sont moins à estimer que sa beauté. Prenez la poste dès qu'on vous aura rendu ma lettre, et comptez que quelque diligence que vous fassiez, vous aurez peine à satisfaire l'impatience de ceux qui vous attendent. Votre affectionné père, Le Marquis de Cléante. Madame, quel coup de foudre ! Renvoyer cet homme à mon père, Madame, lui promettre tout, et revenir sur mes pas ; me mettre, si vous voulez, hors d'état de faire ce qu'on veut de moi. Vous le voyez. Tout ce que je crains, c'est que quelques parents de conséquence que j'ai malheureusement à la Cour, ne cherchent à traverser la passion que j'ai pour vous. Ce coquin de valet de chambre de mon père est un vieux domestique, espèce de Pédagogue, il m'a menacé d'un oncle, dont je redoute la conversation : Je suis amoureux, mais je suis timide. Au nom de notre amour, Madame, brusquons les noces, je vous prie, pour ne plus dire non. M'en repentir ? Si vous me connaissiez, Madame, je me donne au diable, vous n'auriez pas cette pensée. Comment sandis ! C'est tout un Orchestre que cet homme a sur ses épaules. Voulez-vous que je vous dise, Madame ? Vous vous amusez à la bagatelle ; ce n'est point un concert, c'est un bon contrat qu'il nous faut : votre Notaire est un habile homme. Je vous demande la même chose : point d'éclat, je vous en conjure. Que veut-elle dire ? Ce sont ces bardauts d'Opéra qui ont porté le concert ; ils galopent, parce qu'ils s'en retourne à vide. Un enfant !... Cadédis, le concert accouche ? Il vous faut un mari, Madame, absolument ; vous avez raison. Vous n'avez qu'à parler, Madame, je cours au Notaire comme au feu. Ordre charmant ! Commission toute adorable ! Je vole où vos ordres m'appellent, et je reviens promptement ici procéder au reste. Le Contrat est dressé, Madame, il ne manque plus rien à mon bonheur qu'un mot de votre belle main. Montons dans mon carrosse, Madame, et venez le mettre ce mot précieux, qui va m'assurer toute la félicité de ma vie. Qu'est-ce, Madame ? Ceci ne prend pas un bon train. Messieurs, prenez garde à ce que vous faites, Madame est une femme de qualité. Comment, Madame de Bretagne, vous vous jouez à un Gascon, et à un Gascon Capitaine ? Tu vois, mon pauvre Jolicœur, le plus infortuné de tous les hommes. Que me dis-tu ? Moi, sortir ? Quelque sot. Je m'enfonce dans l'appartement ; s'ils ont affaire de moi, qu'ils y viennent. Ce ne sont plus là vos affaires. À fourbe, fourbe et demi ; Madame, finissez avec ces Messieurs, je vous le conseille. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_JOLICOEUR *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_jolicoeur Quoi ! C'est là la Ramée ? La Ramée, Sergent dans la Compagnie de Cléante ? Hé qui diable t'aurait reconnu ? Tu sors d'un carrosse magnifique, et tu es vêtu comme un Colonel. Oh, je n'en doute pas. Mais enfin, que fais-tu à Paris, aurais-tu déserté ? Me crois-tu assez indiscret pour appeler la Ramée, un homme qui a un carrosse et quatre laquais ? Combien y a-t-il de gens à Paris, qui, comme toi, ont un bon équipage, et qui seraient bien fâchés qu'on les appelât par leur premier nom ? Pourquoi me demandes-tu cela ? Comment donc ! Tout de bon ! Comment diable ! Voilà une chambre magnifique. Hé comment as-tu fait cette connaissance ? Mais de ton équipage, qui en fait la dépense ? T'aurait-il envoyé en recrue ? Combien t'a-t-il donné ? Combien en as-tu déjà dépensé pour toi ? Sur six cent pistoles, en dépenser sept cents, voilà une belle économie. Voilà déjà un gain assez considérable sur le premier article. Oh ! Il y a là-dessus plus de la moitié de profit. Oh, pour celui-là, il y a de l'usure. Oh, tu es comme il faut être. Il y paraît. Je t'ai vu un temps que tu n'en avais pas de fort beaux restes. Parle bas, quelqu'un vient. Comment donc ? Sais-tu déjà que Cléante notre Capitaine est là-bas ? Que te voilà pris comme un sot. Le Guet à cheval est à la grande porte, et le Guet à pied à celle de derrière, regarde par où tu veux sortir ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEMAITREACHANTER *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lemaitreachanter Qu'est-ce donc que tout ceci ? Vous voilà tous deux en colère ? Comment donc ? Lui est-il arrivé quelque disgrâce qui le dégoûte du commerce ? N'aurait-il su prendre le temps que son écolière était seule ? Un père serait-il survenu, un rival, un mari ?... Expliquez-vous donc si vous voulez ; à gens de notre profession, il ne peut guères arriver de pire accident, que je sache. Oui, si je trouvais d'ailleurs quelque profit plus considérable. Vous vous moquez, je crois. Oui, mais je ne lui montrerai point. Non, ce n'est point l'argent qui m'arrête. Elle ne veut apprendre que des airs de l'Opéra. De quoi me servirait donc l'heureux génie que le Ciel m'a donné pour la composition ? Je vous baise les mains : je fais de la musique, c'est mon métier ; et tous les Commandeurs du monde ne me feraient pas montrer à de petites filles qui ne veulent point apprendre de mes airs, et les trouver plus beaux que ceux de l'Opéra même. Et moi, je verrais crever tous les Financiers du Royaume, plutôt que d'apprendre à danser à leurs Maîtresses pour une pistole. Je trouve qu'il est de fort bon sens, moi. Le voici. Je vous la vais donner. Je n'ai plus rien à vous que ce petit enfant sans père, dont la mère est morte il y a quinze jours. La nourrice doit le rapporter, vous trouverez bon que je vous l'envoie. Nous verrons pourtant à qui il demeurera. Je ne vous dit pas adieu. Ah ! Qu'un ton de colère vous sied mal, Madame Thibaud ; si votre voix ne peut aller jusques là. Il ne s'agit plus de cette affaire. La Nourrice est contente, et je vous réponds que vous n'en entendrez plus parler. Je le suis devenu de plus d'une manière, et je sens tout le tort que j'avais de me vouloir brouiller avec vous. Je suis raccommodé avec Monsieur le Commandeur, je montrerai à sa petite Marchande. Ils se sont mis à la raison, enfin. Monsieur le commandeur est entré dans ce goût-là, et je dois lui faire entendre ici dès aujourd'hui un petit concert de ma composition, qui, à ce que je me persuade, achèvera de le déterminer. Vous voulez bien nous prêter votre logis ? J'ai si fort compté là-dessus, que j'ai déjà donné ordre qu'on apportât tous les instruments de musique dont nous aurons besoin. Vous serez charmée de ma musique. Je veux que vous en entendiez par avance un petit échantillon. Parbleu, vous l'entendrez en faveur de notre raccommodement. La, la, la, la. Quel objet charmant à mes yeux Qu'une campagne où tout abonde ? Sur un coteau délicieux Une Vigne fertile enchante tout le monde. L'abondance plaît en tous lieux. Mais, il n'est rien de plus fâcheux Qu'une Maîtresse féconde. Hé bien, ce petit couplet, que vous en semble ? Et fort vrai, Madame Thibaut. Vous le savez ; qui ne peut mais de la fécondité, en a souvent tout l'embarras. Jusqu'à tantôt, je ne vous dis pas adieu. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEMAITREADANSER *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lemaitreadanser Je sors de chez elle. Non. Pardonnez-moi, vraiment. Oui, mais tout cela ne sert à rien. La raison ? La raison est qu'ils ne veulent donner qu'un louis par mois. Ne me faites pas parler vous-même ; et comptez, quoi qu'il puisse arriver, que je ne montrerai jamais pour une pistole, ce serait le moyen de me décrier. Ma foi, Madame, dans toutes les affaires que nous avons faites ensemble, vous avez gagné plus que moi, et je n'ai point rendu de billet dont vous ne vous soyez fait payer le port. Oui, fort bien, vous me payez de vieilles nippes qui vous restent, et vous gardez l'argent comptant. Madame la… Si l'on voulait vous contraindre à montrer à chanter pour la moitié moins que vous n'avez coutume de prendre, de bonne foi le feriez-vous ? Est-ce avec les écoliers qu'on en fait ? C'est avec ceux qui nous les donnent. Je suis ravi de n'être pas seul de mon sentiment. Vous me paraissez avoir grande raison. La voilà. Tout à l'heure. Pour qui me prenez-vous ? Vous êtes en colère, serviteur. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_DORISE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_dorise Il y a quinze jours, Madame, que j'épie l'occasion de pouvoir vous entretenir en particulier, ce que je n'ai pu trouver jusqu'aujourd'hui. Je n'ai que deux mots à vous dire. D'un brevet de bel esprit, Madame. Cela vous surprend ! C'est que pour m'exprimer à vous, Madame, d'une manière plus élégante, je me suis servi du figuré ; mais, à parler au propre, cela veut dire que je postule une place à l'Académie. Pourquoi pas, Madame, une place à l'Académie ? Parce que je suis femme, peut-être ? Oh, si vous le prenez là, c'est notre vrai ballot que les ouvrages de langues. S'il est besoin de faire preuve de beau génie, grâces au Ciel, il court dans le monde des Sonnets et des Madrigaux de ma façon, qui ont fait dire à plus d'un connaisseur, qu'en matière de Poésie je ne pouvais manquer d'être bel esprit à la première promotion. Pour la Prose, c'est en quoi j'excelle. Je travaille à mettre en beau langage le Code, le Protocole des Notaires, et le Praticien Français. Par mon moyen, on parlera dorénavant au Palais comme on parle à la Cour. Les exploits, les ajournements personnels, les décrets et les sentences de mort, seront écrits de ce petit style gai, coupé, enjoué et fleuri, dont on écrit les historiettes et les Romans. Il n'y aura point de bel esprit qui ne veuille avoir vingt Procès, et l'on plaidera moins à l'avenir par nécessité, que par galanterie. Croiriez-vous bien, Madame, que je ne me suis fait séparer de corps et de bien d'avec mon pénultième mari, que parce qu'il m'étourdissait tous les jours de quelques barbarisme du Palais. J'en suis à ma cinquième édition. Adieu, Madame. Vous qui connaissez tant de gens, faites, je vous prie, qu'on glisse dans le monde quelques mots en faveur de mes ouvrages, pour me procurer la place que je souhaite. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Bonjour, Madame. Touchez-là. Touchez-là, vous dis-je, je veux faire amitié avec vous. Et à moi bien du profit. Comment, diable ! On dit que la fortune et vous, vous êtes les deux doigts de la main, qu'elle vous met à même des emplois, et que vous rendrez heureux qui bon vous semble ? Il ne tiendra qu'à vous que je n'en fasse l'épreuve. Vous voyez un jeune homme tout frais sorti de l'Académie, qui cherche à entrer dans le monde : mais qui aimerais mieux n'y mettre jamais le pied, que de n'y pas entrer par une belle porte. De robe ! Regardez-moi bien, ai-je l'air d'un écolier en Droit ? D'épée, morbleu, d'épée s'il en fut jamais ; on a toujours porté les armes dans ma famille. Vous ne pouvez rien faire pour moi ? Lorsqu'on est né l'épée au côté, je crois que partout ailleurs un homme de mon âge fait une sotte figure. Je suis tout l'opposé. Bon, bon, tant pis ; quand on a de la naissance et de la valeur, le service donne le reste. Moi ! Prendre une femme ! Hé, qu'en ferais-je ? Une femme de vingt-cinq mille livres de rente, le joli poste pour un jeune homme, si cela n'obligeait point à résidence ! Six semaines auprès d'une femme ! Ne comptez-vous cela pour rien ? Que voulez-vous ? Chacun a son faible, et celui-là n'est pas le mien. Je les verrais toutes, si elles étaient toutes faites comme toi. La folle, qui ne reconnaît pas Angélique. Une affaire bien plus sérieuse me met en campagne. Si j'ai dit des folies, et que je ne me sois pas d'abord fait connaître à toi, ce n'était que pour faire l'épreuve de mon déguisement ; s'il a pu te tromper, il pourra bien en tromper d'autres. Une affaire de jalousie ! Je ne suis jalouse que de la bonne sorte, et je te jure que c'est sans être amoureuse moi-même. Je ne l'ai pris que pour m'introduire dans une maison où mon perfide de Chevalier donne des rendez-vous à ma rivale. Il me dit tous les jours qu'il ne la voit point ; et sous prétexte d'aller jouer, ils se trouvent ensemble dans le logis en question. J'y vais ce soir à la faveur de cet habit : je les observerai de près, j'étudierai jusqu'à leurs moindres gestes ; et si le cœur m'en dit, je les frotterai tous deux comme tous les diables. Oui, je te jure ; mon dessein n'est que de décrier ma rivale par une aventure d'éclat. Non. D'accord, je ne suis pas trop sage ; mais je serais fâchée de l'être assez pour changer de résolution. La rupture est certaine de manière ou d'autre ; et il me semble qu'un finissant une intrigue, c'est une espèce de consolation, que de gourmer un infidèle. Mais… Tes discours sont inutiles, je ne suis point ici pour prendre de tes conseils, j'y viens pour te demander de l'argent. Oui, mon enfant. À moins que de jouer dans la maison de rendez-vous, on y fait mauvaise figure, et je prétends la faire bonne. Voilà un diamant de cent pistoles, prête-m'en cinquante, je te prie, je t'en paierai bien l'intérêt. Je te suis obligée. Quand je devrais les perdre, je ferai beau bruit pour mon argent, et tu entendras parler de moi. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CHAMPAGNE *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_champagne Je suis mort, Monsieur. De Bourdeaux à Paris en deux jours ! Le diable, tout diable qu'il est, n'a jamais fait une telle diligence. Votre père. Rien de tout cela. Il n'entre point de mortalité dans mon message ; au contraire, je suis un porteur de nouvelles toutes tissues d'allégresse ; c'est pour votre mariage qu'on m'envoie. Comment donc vos affaires avec Madame ? Vous alliez donc prendre une femme jusqu'à nouvel ordre ? Et vous, voudriez-vous bien venir vous botter ? Les jours sont courts pour un homme qu'on attend à souper à cent cinquante lieues d'ici, il n'y a pas un moment à perdre. Vous parler de souper, c'est vous parler énigme ? Il faut n'avoir ni faim ni soif pour n'entendre pas cela. Tenez, voyons si vous comprenez mieux les choses par écrit. Oui, Monsieur. Cela rompt vos mesures ; mais, il faut suivre l'ordre. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ERASTE *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_eraste Bonjour, ma chère Madame Thibaut. Est-ce que tu ne trouves pas que j'aie bon air en manteau. Je n'y renonce pas tout à fait, et je le reprendrai quelquefois. Je veux les vendre ou les troquer. J'ai besoin d'une belle toilette, et je prétends que mes écharpes m'indemnisent de cette dépense. Je m'en avise un peu tard, ma pauvre Madame Thibaut, et ma foi, ce n'est qu'à mon corps défendant ; mais, j'ai fait tant de dépenses, que sans le bien de ma vieille tante, je me trouverais aujourd'hui fort embarrassé. Tu l'as deviné ? Sans ma Tante, je n'en aurais pris une que de ta main. Dès demain. Pourquoi trembler ? C'est une veuve des plus modestes ; et la conduite que tout le monde sait qu'elle a eue avec son premier mari, m'est caution de celle qu'elle aura avec moi. Songe donc à mes écharpes ? Comment ferons-nous pour la toilette ? Comment ? Elle a des talents admirables. Je suis le plus trompé du monde, si ce n'est ma Maîtresse avec un jeune homme. Que vient-elle faire ici. Voici un endroit propre pour me cacher, je ne tarderai pas à en être éclairci. Je ne me trompais pas, c'est elle-même. Ce début n'est pas mal. Mon écharpe ! Son frère ! Et de quel côté ? Madame, l'écharpe est à moi, vous en donnerez ce qu'il vous plaira. Adieu, Madame. Je vais remercier ma Tante et l'informer que vous avez un frère, que toute votre famille ne savait pas que vous eussiez. Bonjour, ma chère Gabrillon. Demeure, folle : où est ta Maîtresse ? L'habit bourgeois me portait malheur, Madame Thibaut ; je ne l'ai porté que vingt-quatre heures, il a pensé m'en coûter cher, je me suis remis dans mon centre. Le diable m'emporte si je le quitte. Je trouverai par ton moyen, peut-être, quelque femme qui n'aura point de frère. J'ai cent mille francs de bien, je dois dix mille écus ; faute d'un peu d'argent comptant, je suis ruiné. Non, je ne me flatte point, te dis-je ? Mais avec cela, je suis obéré. Tu plaisantes peut-être, Madame Thibaut ; mais je t'aurais plus d'obligation qu'à ma famille, et je n'en serais pas ingrat, sur mon honneur. Tu es une femme adorable. Tiens, ma chère Madame Thibaut, voilà le mémoire de mes dettes aussi fidèle que tu me l'as demandé. Voilà une riche veuve qui a un vilain rhume. Mais, tu vois bien… Vous voilà terriblement enrhumée, Madame. Il est cruel qu'une aussi aimable personne… Que veut dire ceci ? Aurais-je… Du septième Octobre. Quatre francs pour une médecine. Vous me donnez des parties d'apothicaire, Madame. Non pas, s'il vous plaît. Vous avez vu mon mémoire, je profiterai de la méprise. Mémoire des drogues et médicaments qui ont été fournis pour l'entretenement de la santé de Madame Torquette. Doucement, s'il vous plaît, Madame Torquette.Premièrement, pour avoir pendant quinze jours étudié le tempérament de Madame deux cent cinquante livres.Oh, je ne croyais pas que les Apothicaires fissent payer leurs spéculations. Donnez-vous patience, Madame Torquette.Pour avoir trois fois la semaine, pendant un an, remonté de filasse neuve les pompes avec quoi Madame prend ses remèdes.Vous vous faites pomper, Madame Torquette ? En donnant, donnant, Madame Torquette : rendez-moi mon mémoire, ce n'est pas pour vous que je l'ai dressé. Et voilà vos parties, Madame. La vieille folle ! Moi, j'aurais épousé Madame Torquette, ma pauvre Madame Thibaut ? Voilà deux aventures dans le même jour qui me le persuadent : et malgré le désordre de mes affaires, j'aime mieux vivre garçon mal aisé, que d'avoir obligation à une vieille ou à une coquette. Adieu, je te laisse mon mémoire, si tu peux me rendre service, je n'en serai pas méconnaissant. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ARAMINTE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_araminte Tu te moques de moi, ma bonne ; si elle n-y est pas, elle reviendra, et nous avons tout le loisir de l'attendre. Nous ne la tiendrons guères : dis-lui seulement qu'une Dame lui veut parler. Si je vous avais cru, Chevalier, il m'aurait fallu attendre seule, et vous seriez demeuré dans le carrosse. Ah ! Chevalier, que peut-il m'arriver de plus fâcheux, que de n'être pas avec vous autant de temps que j'en ai l'occasion ? On m'a dit, ma bonne, que tu savais quelquefois des carrosses à vendre. Un petit carrosse coupé. Que tient-elle là ? Une écharpe ! Elle est belle, vraiment ; cela servira bien à m'acquitter de la discrétion que vous me gagnâtes hier, Chevalier. Et moi je le prétends : elle est à vendre apparemment ? Hé, mon frère, que vous faites le badin ? Je le veux, vous dis-je, ne me la donneras-tu pas bien pour quinze pistoles ? Ah Ciel ! Ah ! Chevalier, il y a pour en mourir. Un homme que je devais épouser demain, de qui la Tante faisait ma fortune. Ah ! Je n'en puis plus. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LECHEVALIER *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lechevalier Ces sortes de femmes connaissent toute la terre : sait-on ce qui peut arriver ? Justement : en sauriez-vous un ? Je ne prétends pas cela, Madame. Non, je n'y consentirai jamais. Je ne comprends rien à tout ceci, Madame. Quoi ! C'est là cet Éraste ? J'avais raison de vouloir demeurer dans le carrosse. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEMARQUIS *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lemarquis Bonjour, la belle enfant, pourrait-on dire un mot à votre maîtresse. Il faut pourtant que je lui parle. Quand je devrais l'attendre jusqu'à minuit. Voilà une fille qui me parle bien cavalièrement. Est-il possible qu'elle ne reconnaisse pas à mes allures que je suis homme de qualité ? Ah, mon enfant ! C'est toi qui m'as mené cette nuit au bal, je pense ; pourquoi n'es-tu pas venu me reprendre ? Mon valet de chambre t'a payé ? Et où as-tu remené ces Dames ? Cela ne fait pas honneur à vos voitures. Ah ! Que tu sens le vin. N'as-tu point de honte ; au lieu de t'enivrer, ne vaudrait-il pas mieux t'acheter un habit ? Comment donc ? Hé bien ? De tout mon cœur, tu m'assez diverti pour bouteille. Qu'elle tarde tant qu'il lui plaira ; tiens-moi seulement compagnie, je l'attendrai sans impatience. Non, Dieu me damne. Dieu me damne. Je m'accommode de tout, moi. Ce Cocher même m'a réjoui, et ta conversation vaut bien la sienne. Serviteur, Madame Thibaut. Savez-vous que le bruit de votre réputation a percé jusqu'à la Cour, et qu'il a pénétré jusqu'à moi ? Vous ne le devinerez jamais. Je viens vous prier… je vois qu'il faut franchir le mot, de m'aider à faire une sottise. Quatre Marquis de mes amis, que vous avez ennocés, m'ont mis en goût d'en faire autant. À la vérité les épouses que vous leur avez données, ne sont pas belles : mais mort de ma vie, elles sont bonnes, la plus gueuse a… Vous l'avez dit. Souvent on a pour rien ce qu'un autre a payé bien cher. Vous me regardez ? Cela se peut. Les gens de ma qualité se voient partout. À l'Armée peut-être ? C'est donc à la Cour ? Ah ! J'y suis, Madame Thibaut, vous m'avez vu dans mon carrosse ? Il est remarquable, oui, mon carrosse ; et je suis autant connu de tout Paris par mon équipage, qu'estimé de la Cour par mes manières. En avez-vous remarqué la beauté ? Je donne toujours dans le beau : j'ai des chevaux, morbleu, qui tourneraient sur la pointe d'une épée, un Cocher qui a du poitrail, et pour le moins une once et demi de barbe ; pour moi, j'ai toujours aimé cela. Un Cocher qui remplit bien son siège, et qui a tous ses crins, donne un merveilleux relief à la surface d'un équipage. Hé, mais, j'ai deux grisons, un coureur et quatre autres laquais : ce ne sont pas des géants à la vérité ; mais de larges bassets qui ne meublent pas trop mal le derrière d'un carrosse : pour le dedans, c'est moi qui l'occupe. Je me sais si je suis d'une tournure à faire dire que le poisson dément la coquille. Il n'y a pas encore vingt-quatre heures qu'elle était boîte à mouche. Je l'ai prise ce matin sur la toilette d'une Duchesse, avec qui je suis en pourparler de faveurs. Si mon Intendant était là ; car nous autres gens de qualité, nous ne nous piquons guères de savoir ce que nous avons de bien, cela est trop bourgeois. Hé ! Mais, il me reste du côté de ma mère assez considérablement de bien ; mais comme mon père m'a laissé encore plus considérablement de dettes, je ne vous ferai le détail que de mon revenu le plus liquide. Premièrement il n'y a point d'année, quelque mauvaise qu'elle soit, que je ne touche sept à huit cents pistoles par les mains de Gautier, cela en étoffes : mais qu'est-ce que cela fait ; ne faut-il pas s'habiller ? De la Picarde, cela peut monter aux environs de deux mille écus, sept mille francs, tantôt plus, tantôt moins. Oui, cela l'accommode et moi aussi. A-t-on jamais trop de linge ? Croiriez-vous qu'à Jame et à Bequet, tant en chevaux de selle que de carrosse… Fonds de terre, ou fonds de crédit, qu'est-ce que cela fait ? Ne touché-je pas cela tous les ans ? Mais à quoi rêvez-vous tant, s'il vous plaît ? Vous avez raison. Comme j'ai grands fonds de crédit, moi, il faudrait pour diversifier les choses, que la Dame eût grands fonds de terre. Si je le veux ? Quatre cent mille livres ! Où loge-t-elle ? Je veux qu'elle me voie dans mon carrosse. Vous moquez-vous ? Je prends garde à l'argent, et non pas aux années. Soixante ans ! Je la trouve jeune, et si quelque chose me chagrine, c'est qu'elle n'en ait pas quatre-vingt ; quand la peut-on voir ? À demain matin, soit. Serviteur, Madame Thibaut. Si je deviens marchand de marée, tu peux compter sur trois cents pistoles. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LECOCHER *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lecocher Par votre permission, Monsieur, n'est-il point monté ici un Monsieur et une Madame ? Ah ! Serviteur, mon Prince : ma foi je vous demande pardon, ce n'est pas ma faute. Ces deux grosses femmes que vous me dites de voiturer m'ont fait courir jusqu'à dix heures du matin, et encore ne m'ont-elles rien baillé pour boire. Je ne lui demande rien. Ces Dames, Monsieur ? J'ai mis l'une au bout d'une rue dans le marais, et l'autre à la porte des grands Augustins. Il y a comme çà des espèces de Dames qu'on ne remène jamais jusques chez elles, et je menons plus celles-là que des autres. Bon, de l'honneur, qu'en ons-je affaire, pourvu que je trouvions notre compte ? On a morbleu biau dire ! Tant que j'aurons des glaces de bois, et qu'on ne verra le jour que par une lucarne, je ne manquerons pas d'être employés. C'est que j'en ai bu. Cela ne dépend pas de moi. Q'un honnête homme, pour m'engager au secret, me donne quelque argent, ne dit-il pas : Tiens, mon enfant, voilà pour boire ? Je ne puis pas en conscience aller contre l'intention du fondateur, il faut que je boive d'obligation. Si vous me voulez fonder chopine, par exemple,… Grand merci, Monsieur, grand bien vous fasse. Je vais m'y rendre, afin qu'on m'y trouve. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEANDRE *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_leandre À la fin, je t'amène mon père. Mon père va venir, ma chère Madame Thibaut. Nous étions ensemble, il a rencontré son Procureur à ta porte, il cause avec lui dans son carrosse. Je m'en vais t'en instruire en deux mots. Cette vaisselle est celle de ma mère : tu sais bien que mon père et elle se sont volontairement séparés, parce que ma mère n'est pas bonne, et que mon père s'est ennuyé d'être trop bon. Mais tu ne sais pas que depuis la séparation, ma mère a pris le temps que mon père était à la campagne, pour faire enlever de chez lui pour sept à huit cents pistoles de vieille vaisselle, que depuis trois jours elle a troquée pour de la neuve. Moi, qui suis aussi séparé de mon père et de ma mère : car il y a terriblement de séparations dans notre famille. Je n'en suis pas fâché, je te l'avoue. M'y voici. Irrité de l'injustice de ma mère, comme je suis de profession à savoir ce que c'est que le droit de représailles, j'ai pris le temps que la bonne Dame était au bal, j'ai enlevé la vaisselle neuve, je l'ai fait apporter ici. Mon père en veut acheter, tu vas la lui vendre, et par ce moyen il l'aura à bon marché. La conscience de ma mère ne sera plus chargée de rien, et j'aurai de l'argent pour faire ma Compagnie. Je prends tout sur moi, ne te mets pas en peine. Il a sur lui trois cents pistoles, qu'il faut toujours prendre à bon compte. Il en entrera quelques-unes dans la tienne. Mais voici mon père. Madame Thibaut le sait mieux qu'une autre. Voulez-vous que nous voyions la vaisselle ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_DORANTE *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dorante Hé bien, Monsieur le Capitaine, est-ce Madame qui me doit faire si bon marché ? D'où vient votre connaissance, Madame ? C'est un compère qui me dépense bien de l'argent : il est Capitaine de Dragons, et il vit comme un Colonel. Je ne viens que pour cela, voyons. Très volontiers, allons. Ma femme dans cette maison ! Qu'y voudrait-elle faire ? Hé bien, qu'y a-t-il ? Hé bien, mon fils, Madame, qu'a-t-il fait ? De vaisselle neuve ! Ah le fripon ! Il vous l'a volée, et me l'a vendue. Oui, Madame, j'ai la vôtre neuve, et vous m'avez pris ma vieille ; et mon coquin de fils a mon argent sans doute, car je ne le vois plus. Holà, quelqu'un ? Où est mon fils ? Ah, scélérate ! On s'entend ici avec lui pour me fourber : Mais je te ferai pendre, et ta maîtresse aussi, sur ma parole. Morbleu, Madame, voilà les fruits de votre belle conduite. Oui, Madame, vous en êtes cause. Serait-il à la peine de vous voler, si nous étions ensemble, comme nous devrions être ? Mais le père d'un côté, la mère de l'autre ; vous me volez ma vaisselle, il vous prend la vôtre, il ne pêche que par exemple. Hé, Madame ! Revenez avec moi, c'est le seul moyen de le mettre dans son devoir. Je sais les moyens de vous y forcer quand il me plaira. Assurément. Celui du Couvent : votre bizarrerie et vos travers ne me permettent pas d'en douter. Comment, vous reviendrez avec moi ? Avec moi ! Le Ciel m'en préserve ; demeurons plutôt comme nous sommes. Et la mienne, qui me la rendra ? Ne vous en avisez pas, j'aime mieux vous renvoyer la vaisselle. L'esprit du Diable est-il pire que celui-là ? M'en voilà pour mes trois cents pistoles. Il faut pourtant que la coquine qui a aidé à me tromper… Ouf. La voici avec un homme d'épée ; de peur de quelque inconvénient, allons faire mes plaintes chez un Commissaire. Oui, Monsieur, c'est une coquine qui a recelé de la vaisselle que mon fils a volée à sa mère. Point, Monsieur, mon fils m'a tout dit. C'est une malheureuse, qui sous prétexte de revendre des hardes, a mille nippes à un chacun, dont elle se fait honneur pour attraper quelque dupe. Vous voyez bien, Monsieur, qu'on ne peut manquer de s'assurer de cette coquine-là. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MELINDE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_melinde Ma mie, ce Monsieur dont le carrosse est là-bas, ne serait-il point ici. Ah ! Monsieur, j'allais chez vous… Mais voyant là-bas votre carrosse… J'ai fait arrêter le mien. Votre fils, Monsieur… votre fils. Il m'a volé cette nuit pour deux mille écus de vaisselle neuve. Vous avez ma vaisselle, Monsieur ? Fort bien. Votre fils m'a volée, et vous vous prenez encore à moi de son dérèglement. Oui, je lui ai donné l'exemple, et c'est peut-être vous qui lui avez dit de le suivre. Moi, Monsieur, demeurer avec vous ? Je sais vos vues. De concert avec mes parents, vous voulez me contraindre à retourner avec vous, ou à choisir un Couvent. Et quel parti croyez-vous que je prendrai, Monsieur ? Tout au contraire. Avec vous. Oui, avec vous, avec vous ; mais, pour vous faire enrager plus que jamais. Je crierai nuit et jour, je chasserai vos valets, j'engagerai vos meubles, je déchirerai vos papiers, je mettrai le feu dans votre logis, et peut-être je ferai pis encore. Voilà sur quel pied, Monsieur, je veux retourner avec vous. Non, Monsieur, j'y retournerai si vous ne me rendez ma vaisselle. Si je ne l'ai pas dans deux heures, je fais porter ce soir ma toilette chez vous, et j'y couche. Vous ferez bien : n'y manquez pas, ou vous m'aurez bientôt à vos trousses. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURDUBOIS *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurdubois Je me meurs de chagrin, Madame Thibaut. Vous me soupçonnez de pleurer ma femme ? Vous vous moquez de moi, je pense, ma douleur est bien plus raisonnable. Il n'est plus temps. Je suis ruiné, Madame Thibaut ; ma petite fille vient de mourir entre mes bras, d'une convulsion qui lui a pris tout d'un coup sans apparence même de maladie. Vous voyez bien qu'il n'est plus question de la Charge ; et quand cette mort sera sue… Il n'y avait avec moi que la nourrice, à qui j'ai donné vingt pistoles, pour l'engager à ne point parler que je n'aie mis ordre à mes affaires ? Cinq mois et demi. Que dites-vous, Madame Thibaut ? Comment ? Quelle est votre idée ? Mais, que je sache… Que vous avez d'esprit, Madame Thibaut ! Par quel bonheur ? Si elle vient à bout de son entreprise ! Tu es heureuse de faire ton apprentissage sous une si habile personne. Elle doit être à son aise, Madame Thibaut ? Comment donc ? Ta Maîtresse n'a pas lieu de se plaindre ; elle fait souvent de bonnes affaires, dont tous les revenants-bons sont pour elle. De ces frotteurs ? Voilà un grand équipage. Ils les gagnent bien. Hé bien, ma chère Madame Thibaut. Qu'y a-t-il donc ? Notre affaire ne se fera point ? Mais, ne lui avez-vous rien offert ? Je vous avais dit d'aller jusqu'à mille écus. Hé bien ? Ah, Ciel ! Que je suis à plaindre ! Il m'en coûtera plus de dix mille écus du mien, Madame Thibaut. Hé bien ? Cinq cent pistoles ! J'en suis au désespoir Huit mille francs, Madame Thibaut ! Sans aller chez moi, Madame Thibaut, voilà trois billets payables au porteur, les trois ensemble font quatre cent vingt livres plus que la somme. Voilà pour elle un diamant de quinze pistoles ; mais qu'elle prenne garde… Adieu, Madame Thibaut. Je n'aurais jamais cru que des enfants fussent un e si chère marchandise. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURDELAPROTASE *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurdelaprotase Peut-on voir Madame Thibaut ? J'aurais bien voulu lui parler. Pour qui me prenez-vous ? Savez-vous que vous parlez au premier homme du monde pour le Dramatique, à un bel esprit, à un Auteur du premier ordre. Ce que vous dites-là ne sont pas des vers à la louange de la fortune ; néanmoins, il n'est que trop vrai que c'est assez d'être bel esprit pour être mal avec elle. Patience. Laissez faire, si je puis parvenir à mettre une pièce sur le théâtre sans être sifflée, on me verra aussi bien étoffé qu'un autre. J'ai ce malheur-là : je fais les meilleures pièces du monde, elles charment tous ceux à qui je les lis ; mais, à peine passent-elles dans la bouche des Comédiens, qu'on les siffle à faux-bourdon. J'ai un bien meilleur expédient que cela. D'aller directement au Roi. Oui da, au Roi : ce n'est point son intention qu'on siffle personne, et c'est dans cette vue-là que je viens faire un accommodement avec ta Maîtresse. Elle connaît toute la Cour. Voici un Placet : Qu'elle le fasse présenter par qui elle voudra, et je lui promets un quart de part dans toutes les pièces qu'on jouera dorénavant de moi, où l'on ne sifflera pas. Pourquoi non ? Il n'est fait que pour être vu. Nous verrons, nous verrons, Messieurs du Parterre, si vous sifflerez à l'avenir les Auteurs et les Comédiens, comme on siffle les linottes et les perroquets. Placet au Roi. Comme je ne puis faire pour moi, que je ne fasse en même temps pour trous les autres Poètes mes confrères, j'ai trouvé qu'il était à propos d'adresser mon Placet au nom de toute ma communauté des Auteurs, de Paris s'entend. Au Roi. Sire, Les auteurs modernes en dramatique, tant en vers qu'en prose, de votre bonne ville et faubourgs de Paris, remontrent très humblement à votre Majesté, qu'après avoir sacrifié leurs soins et leurs veilles aux plaisirs du public, leur zèle serait tous les jours mal reconnu par certains quidams indiscrets, qui, de dessein prémédité, se transportant journellement ès lieux où lesdits auteurs font représenter leurs ouvrages, avec des appeaux à perdrix, des sifflets de chaudronniers, et autres armes offensives, desquelles ils chargent sans miséricorde tout ce qui ose paraître d'Acteurs sur le Théâtre, avec tant de fureur, que le comédien le plus intrépide est souvent contraint de lâcher pied, et de se retirer le cœur meurtri et tout percé de coups de sifflets. Toutes mes pièces étaient écrites de cette locution-là. Écoutez, écoutez ceci. Ah, SIRE, souffrirez-vous que le théâtre, qui est le symbole de la joie, devienne celui de la douleur ! Je ne doute point, SIRE, que les ennemis de la science ne représentent à Votre Majesté que nous exigeons d'Elle une chose impossible ; qu'il est naturel au Parterre de siffler, comme à nous de parler. Je n'ignore pas non plus qu'eux, SIRE, que Pline le Naturaliste dans son Traité des Animaux, au Chapitre du mouvement vocal, dit que l'homme parle, que le Cerf brame, que le lion rugit, que le taureau beugle, que l'âne brait, et que le Parterre siffle ; je sais, dis-je, tout cela comme eux, SIRE ; mais Votre Majesté fait tous les jours des choses si incroyables, que nous osons espérer, etc. Qu'en dis-tu ? Je le crois comme cela. Adieu, je te laisse mon Placet, fais-le voir à ta Maîtresse. Si elle réussit, et que tu sois en goût de Comédies, tu n'as qu'à te renommer à la porte, Monsieur de la Protase, mon nom est le passe-partout du Théâtre. Adieu, ma fille, adieu. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ORGON *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_orgon Il est vrai que toutes les fois qu'elle sort, c'est toujours pour aller au Palais, ou chez Madame Thibaut. Si j'étais d'un tempérament jaloux… Je lui ai demandé pardon, Madame Thibaut. Elle fait de moi tout ce qu'elle veut : pour l'affaire d'aujourd'hui, elle m'a taxé à lui donner un bureau. Çà, voyons, ma petite femme, on t'a dit que Madame Thibaut en avait un, n'est-ce pas ? Ne te chagrine donc point, mignonne, tu te feras malade. Non, je suis prêt à consigner, tu n'as qu'à vouloir. Elle a tant de dentelles, Madame Thibaut. Ah : fi, voilà un dessein bien brouillé. Non, mais les fleurs sont trop détachées, elles courent trop les unes après les autres. Repliez, repliez cela, Madame Thibaut : crois-moi, mignonne, rien n'use tant la vue que de regarder fixement des dentelles. Mignonne, comme tu cries. Voilà une femme qui m'aime bien, Madame Thibaut ? Là, ma mie, là, je ne mourrai point : tiens, va, je te le promets. Hé bien, oui, ma mie, tout ce que tu voudras. Elle avait bien affaire de lui parler de mort et d'enterrement. Cela n'est pas concevable. Pour cela non, elle n'a qu'à souhaiter, Madame Thibaut. Je ne m'en repends point ; cet habit-là lui a fait honneur. Et si vous ne me l'avez fait payer que treize pistoles en treize pièces. Dix pistoles, mignonne, dix pistoles ! Ah ! Je les donne de tout mon cœur. Tais-toi, mignonne, c'est avoir les choses pour rien. Tenez, Madame Thibaut, voilà dix louis d'or, la passe est pour le vin du marché. Mais à condition que vous avertirez ma petite femme quand il vous viendra de ces rencontres-là. Quand ce bureau sera venu, que nous le sachions, au moins. Allons mamour, allons essayer la garniture. Je meurs d'impatience de voir si cela te siéra bien. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ARDALISE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_ardalise Ma pauvre Madame Thibaut, je ne sais pas ce que je ferais sans toi. Je ne puis me lasser de te venir voir. Lui ? Croirais-tu bien, Madame Thibaut, qu'il a eu aujourd'hui la cruauté de me mettre de mauvaise humeur ? Vous pensez donc en être quitte ? Vous savez la peine que je vous ai imposée. Quand il me fâche, je le mets à l'amende, et tu profites toujours de cet argent-là, toi. Voilà nos pas perdus, je suis au désespoir. Cela vous est bien facile à dire, et vous vous croyez par là dégagé de payer l'amende. Qu'est-ce, Madame Thibaut ? Voyons cette garniture, elle est à vendre ? Ah ! Mon fils, vous n'y songez pas, il n'y a point du tout de confusion dans cet ouvrage. Que dites-vous ? C'est ce qui en ait la beauté, et pour moi, je n'ai jamais rien vu de plus agréable. Je ne puis me lasser de les voir. Et qui l'en empêche ? Ah ! Ah ! Mon fils, pour peu qu'une femme aime son époux, peut-elle entendre parler de la mort d'un mari, sans mourir elle-même de douleur ? Ah, Ciel ! Que t'ont fait les maris, pour être sujets à la mort comme les autres hommes ? Je ne sais comme vous l'entendez ; mais pour moi, cher petit mari, je prétends mourir la première. Je serais bien injuste de ne pas vous aimer, un mari qui ne m'a jamais refusé la moindre chose. En fait-il d'autres ? Non, mon petit ami, croyez-moi, n'allez point mettre là de l'argent : je vous fais faire d'ailleurs tant de dépenses inutiles. Au moins, mon fils, c'est sans préjudice de l'amende. Tu donneras cent francs à Lisette, le reste est pour toi. Adieu, Madame Thibaut. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LISETTE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lisette Ma pauvre Gabrillon, ne sais-tu point ce qu'est devenu ce petit Dragon que tu as donné à Madame ? Il a jasé mal à propos ; on lui a voulu donner le fouet, il s'en est enfui. Ne t'inquiète point, Madame le fera chercher. En voici un de fraîche date ? Madame Thibaut est-elle ici ? Elle doit venir tantôt ici avec son mari : elle lui a fait croire que vous aviez un très beau bureau à vendre. Hé, mais comme de coutume, montrer ces dentelles, dire qu'elles sont de hasard. Oh, vraiment non. Si l'on ne prenait que chez un Marchand, on serait souvent mal assortie. Pour huit ou dix pistoles : car vois-tu, pour obliger Monsieur à les prendre… N'est-il pas vrai ? Voici justement ton petit neveu. Parlerez-vous, petit garçon ? Entendez-vous ce petit coquin ? Ce sera fort bien fait de vous étriller un peu, pour vous apprendre à causer une autre fois. Qu'est-ce que vous dites ? Oui, il faut le mettre auprès d'une gueuse qui lui fera porter des sabots. N'êtes-vous pas à Madame ? Allons tout à l'heure au logis. Vous y viendrez. Je reviendrai peut-être tantôt avec Madame. Madame sera bientôt ici : on mettait les chevaux au carrosse quand je suis sortie du logis. Son bonhomme de mari est plus amoureux d'elle qu'il ne l'a jamais été : il faut savoir toutes les excuses qu'il lui a faites, d'avoir cru ton petit neveu. Enfin, tous deux ensemble vont venir ici dans la meilleure intelligence du monde. Madame Thibaut est-elle avertie ? Madame a besoin de ces dix pistoles, pour payer cet Ingénieur qui a pratiqué cette trappe dans son alcôve. Assurément, ce sont des améliorations qu'on fait à sa maison. Adieu. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEPETITDRAGON *date_1692 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_lepetitdragon Hin, hin, hin, hin. Laissez-moi là, s'il vous plaît. C'est elle, ma tante, qui me fait toujours gronder par Madame. Hé bien, ne voilà-t-il pas ? Elle vous a déjà fait accroire que c'est moi qui ai dit à Monsieur, que Madame se faisait descendre tous les jours de carrosse dans la cour neuve du Palais, et puis qu'elle allait trouver Monsieur le Chevalier, qui l'attendait vis-à-vis saint Barthélemy dans un Fiacre. Hé bien, cela est vrai. Mais je ne l'ai pas dit, et si pourtant on me veut faire donner le fouet. Non, son petit mari. Non. Hé, ce vilain Chevalier. Hin, il s'en repentira. Il verra, il verra, si je ne dis pas qu'il a mordu Madame à l'œil. Ma bonne tante, mettez-moi autre part. Je me soucie bien où, pourvu que ce soit avec une femme qui n'ait qu'un mari. Monsieur dit qu'il veut que je lui dise tout ce que Madame fait, et Madame dit qu'elle ne veut pas que je lui dise. Hé bien, qu'est-ce que cela fait ? Oui-da, cela est bien aisé à dire, vraiment. Si je n'obéis pas à Monsieur, il me donnera le fouet : et si je lui obéis, Madame me le donnera. Le moyen de ne pas l'avoir ? Non, là, je n'irai pas. Hé bien, si vous m'y menez de force, j'irai ; mais vous verrai si je ne dis pas à Madame que toutes les fois que Picard entre dans votre chambre, vous ne m'envoyez pas quelque part. J'aurai le fouet, mais je vous ferai bien enrager. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMETORQUETTE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madametorquette Hum hum. Avez-vous songé à moi, ma chère Madame Thibaut ? Vous avez tant d'affaires… Comme il me le faut ? Hélas ! Ma pauvre Madame Thibaut, j'aurai beau chercher, je n'en trouverai jamais qui vaille le défunt. Comment voulez-vous que je fasse ? Si vous saviez le peu de cas que l'on fait d'une veuve ? J'ai des enfants qui me manquent de respect, des fermiers qui ne me paient point, des créanciers qui me persécutent : il n'y a pas jusqu'à un fripon d'apothicaire, qui, comme je sortais de chez moi, a eu l'insolence de me donner ses parties en présence de dix personnes. Hum, hum. Je ne l'ai que par habitude. J'aurai, mes comptes faits, plus de quatre cent et tant de mille livres : mais comme il n'y a que cinq semaines et trois jours que le pauvre Monsieur Torquette est défunt, nos affaires ne sont point encore réglées, mes enfants me font enrager ; et un mari, Madame Thibaut m'est absolument nécessaire. Hum, hum. Justement. Un jeune homme ! Ah ; l'horreur ! Il serait beau qu'on me prît pour la grand'mère de mon mari, comme il est arrivé à des femmes de ma connaissance. Ah ! Soixante ans, fi. Mais, Madame Thibaut, vous n'y songez pas. Qui est l'homme qui songe à se marier à cet âge-là ? Hum. Quelle est la femme qui en voudrait ? Voulez-vous que je vous parle à cœur ouvert ? C'est que comme mes enfants sont jeunes, pour les tenir plus longtemps dans leur devoir, ils auraient besoin d'un beau-père qui ne vieillit pas si tôt. Hé, mais ! Un homme est-il si jeune à vingt-sept ou vingt-huit ans, par exemple ? Le sais bien ce que je fais, voyez-vous. Plus j'aurai d'enfants de ce mariage, et plus ce sera me venger des enfants du premier lit. Ce sont des coquins que je ne saurais trop punir. Ah ! Que voilà bien ce qu'il me faudrait. Je me retiendrai, laissez-moi faire. Hem, hem, hem. Comme il me regarde, ma physionomie lui revient sans doute. Oui, oui, faites. Ah, le beau jeune homme ! Il s'en faut bien, ma foi, que Monsieur Torquette fut coupé de ce sens-là. Mais, qu'est-ce qui est tombé de ses poches ? Ne serait-ce point quelque lettre de galanterie ? Voyons un peu cela. La jeunesse est sujette à caution quelquefois. Mémoire de ce que je dois. Oh, oh, voici de quoi me rendre savante. Premièrement, huit cents pistoles au Chevalier Codile, pour argent du jeu. Ah, ah ! C'est donc un joueur ! À la Touprix, pour façon de jupes et de manteaux, trois mille livres. Oui da, je me doutais bien qu'il y avait ici du cotillon. À Forel, tant de bouteilles de vin, que pour des repas portés en ville. Il est ivrogne par-dessus le marché. À la Frenaye… Voyons le total, je n'aurais jamais fait. Où donc est-il ? La légende est longue. Somme totale, vingt-neuf mille livres. Et je voudrais après cela de ce Damoiseau ? Hem, hem. À quelque chose le malheur est bon ; je n'ai qu'à tousser tout à mon aise. Hem, hem, hem. Laissez-moi tousser, l'affaire est rompue. Vous voyez, Monsieur. Croyez-moi, Monsieur, ne faites point de dépense en compliments : je ne suis point d'humeur à payer pour vous ni Forel, ni le Chevalier Codile. Il faut vous tirer de peine, Monsieur. Tenez, voilà ce qui m'en a tant appris. Pardon, Monsieur, j'ai pris un papier pour l'autre. Cela ne se fait point. Mais, Monsieur ? Vous me poussez furieusement, Monsieur. Hem, hem. Mort de ma vie, rendez-moi mes parties ; on ne les a pas faites pour vous divertir. Le voilà, Monsieur, votre mémoire. Ne me parlez jamais de mariage, Madame Thibaut : m'en voilà dégoûtée pour toute ma vie. **** *creator_dancourt *book_dancourt_femmedintrigues *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_femmedintrigues *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CASCARET *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_cascaret Madame, voilà un Monsieur le Commissaire, qui vient vous rendre visite en robe détroussée.