**** *creator_dancourt *book_dancourt_folleenchere *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_folleenchere *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMEARGANTE *date_1690 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madameargante Ah, ma pauvre Lisette, je me meurs de chagrin ! Je n'en puis plus, je suis au désespoir. Qui est cet homme-là ? Quoi c'est ? Que veux-tu, mon enfant ? Qui t'amène ici ? Et qui est-elle ta Maîtresse ? Un billet à Monsieur le Comte ? Comment, grand'mère, grand'mère, moi, moi, grand'mère ! Mais voyez un peu cet insolent ? Est-ce que j'ai l'air d'une grand'mère ? Il semble que tout soit fait aujourd'hui pour le désespérer. Je viens de rencontrer le petit Comte dans un carrosse. Mon coquin de fils était avec lui. Je ne crois pas ; mais Éraste aura su que nous nous aimons, il lui va faire cent sots contes de moi. Lui, du respect ! C'est un petit dénaturé, qui ne veut pas que je me marie. Il porte exprès des perruques brunes, et il dit partout qu'il a trente cinq ans, pour m'empêcher de paraître aussi jeune que je le suis. Assurément il ne les a pas ; et quand je le fis, j'étais si jeune, si jeune, que c'est un miracle que je l'aie fait. Je me vengerai de son ingratitude, et je veux me dépêcher de devenir Comtesse. Tout ce qui m'inquiète, c'est que ce petit Comte est bien joli homme ; et les jolis gens aujourd'hui sont rarement sans beaucoup d'intrigues. Non ; mais, je ne voudrais point un mari qui me sacrifiât à ses Maîtresses. Tu vois qu'on lui envoie des billets jusques chez moi. Je saurai bien des choses avant qu'il soit peu. Il y a une adroite de par le monde, qui depuis quelques jours prend soin d'observer sa conduite. C'est elle qui vient m'apprendre des nouvelles. Demeure ici, Lisette ; et si le Comte vient, tu l'amuseras quelques moments. Hé bien, Lisette ; il n'est pas venu ? Le scélérat ! Il n'a envoyé personne ? Petit monstre de perfidie ! Tu sais les termes où nous en sommes, et tu vois bien par ses manières, qu'il ne tient qu'à moi de l'épouser. Hé bien, Lisette, il est dans la même disposition pour une douzaine d'autres. Il y a entre autres une certaine vieille Marquise, avec qui l'on dit qu'il a des engagements très forts. Ah ! Ma pauvre Lisette, malgré tout ce qu'on m'en a dit, je n'aurai pas la force de le quereller. Mon coquin de fils aura parlé : je l'avais bien prévu. Elles ne vous paraissent pas toutes si affreuses, Monsieur, et certaine Marquise entre autres… Il est vrai que toute la terre en parle de la même manière. Le reste de la campagne ! Que dites-vous ? Monsieur le Comte, ne vous en allez point, si vous ne voulez me désespérer. Vous ne répondez point à cela, Monsieur le Comte ? Lisette me paraît une fille de fort bon conseil. Elle le sera ; j'ai un Notaire, qui est la discrétion même. Lisette, qu'on fasse dire à Monsieur de Bonnefoi que je le prie de venir ici. Je ne sais que penser, Monsieur ; vous voulez ménager mes rivales, puisque vous voulez éviter l'éclat. Je vous aime trop, je crois tout ce que vous me dites, je veux tout ce que vous voulez ; vous n'auriez pas de gloire à me tromper. Vous êtes le maître, qu'il vienne. Vous connaissez des noms bien hétéroclites, Monsieur le Comte ! Comment, du bruit ? Gardez-vous en bien ; je devine ce que c'est, vous lui devez de l'argent. Je le crois bien, à son nom seul je gagerais que c'est un brutal : le voici. Quelle physionomie ! Ce Monsieur le Chevalier vient de faire la débauche. Je le trouve impertinent dans toutes ses manières. Le brusquer ! Non, n'en faites rien. Il a du bon dans ses manières. Comment, Monsieur, des restitutions s'il ne l'épouse point ! Expliquez-vous, s'il vous plaît. Parlez plus clairement, je vous prie. Faites-moi comprendre cette énigme, Monsieur le Comte. Sur quelqu'une de ses maîtresses ? Mais vraiment, Monsieur de Pharnabasac est un voleur de grand chemin. Monsieur le Comte ; qu'allez-vous faire ? Quel ordre y mettre, à moins de lui donner trois cent pistoles ? Le plaisir de le tuer ! Ah ! Juste Ciel ! Monsieur de Pharnabasac, je vais vous chercher de l'argent. Monsieur le Comte, venez avec moi ? Vous me promettez d'être sage ? Il y a trois cent louis d'or dans cette bourse, Monsieur. Oui, vraiment. Douze livres dix sols, je n'en ai point d'autre. Monsieur de Bonnefoi va-t-il venir ? Une Dame, qui vous demande ! Que ne disiez-vous que Monsieur n'y était pas, petit animal ? Cette Marquise de la Tribaudière ? Demeurez ici, Monsieur le Comte. Dépêchez-vous de la renvoyer. J'aurai bien de la peine à m'empêcher de lui dire son fait. En vérité, Madame vous jouez un étrange personnage : courir après un jeune homme ! Votre mari ? Lui, votre mari ? Monsieur le Comte, détrompez Madame, s'il vous plaît. Il est vrai qu'il faut être étrangement entêtée de chimères. Quoi, Monsieur ! Vous ne m'en avez jamais rien dit. Tout ce qu'elle dit est donc vrai, Monsieur le Comte ? Pourquoi me faire un mystère de tout cela ? Je suis charmée de son procédé. C'est une chose épouvantable, de persécuter de la sorte un enfant, que vous voyez bien qui ne vous aime point. De vous le débaucher, Madame ? De quels termes vous servez-vous, s'il vous plaît ? Je pourrais bien me servir de la seule manière qu'il y a d'y répondre. Quelles mesures prendrons-nous ? Ne peut-on trouver quelque moyen ? As-tu imaginé quelque chose ? Dis-nous vite ce que c'est. Par quelle raison ? Sa visite me peine autant que celle de la Marquise. Que cela ne vous surprenne point, quoiqu'il paraisse déjà formé, il n'y a rien de plus jeune. Tant que vous serez raisonnable, je ne chercherai point à vous chagriner. C'est une folle, qui ne sait ce qu'elle dit. Mais à moins que ce ne soit une nécessité indispensable… Tu as raison. Que je vous le prête, Monsieur ! Je ne sais pas de quels mauvais contes Madame de la Tribaudière vous a prévenu. Mais je ne suis pas cause de tout le mépris que Monsieur votre fils a pour elle. Je ne lui fais pas dire, comme vous voyez. Ne vous rendez pas, Monsieur le Comte. Comment, Monsieur ? Que voulez-vous faire ? Comment, Monsieur, vous prétendez passer vos Contrats dans ma maison ? Je ne comprends rien à tout votre procédé. Monsieur de Bonnefoi, je déchirerai vos papiers. Sans vanité, il y a quelque différence. Qu'il s'énonce agréablement ! Il fera bien d'aller écrire dans la rue. Ni moi non plus, vraiment. Quoi ! C'était elle ?… Mais vraiment, cela est tout à fait extraordinaire. Et moi je donne deux cent mille francs à Éraste. J'en ai pour plus de vingt mille livres, dont je lui donne la moitié. Je n'ai fait tout ceci que pour vous, M. le Comte. Allons, Monsieur ? Vous savez mieux ces choses que moi. Il vaut mieux que nous l'allions trouver tous ensemble. Il faut vouloir ce que vous voulez ; mais, ne tardez pas, Monsieur le Comte. Non, jamais. Non, vraiment. Cela me paraît ainsi. Vous avez raison. Que veut cet homme ? Qu'est-ce qu'il y a ? Elle enlève Monsieur le Comte ? Comment, Monsieur, elle l'épousera ? Cela ne déshonore point un jeune homme ; il faut faire vos diligences. Ah ! Juste Ciel, que dites-vous ! Je meurs de chagrin. Ne m'abandonnez pas, Lisette. Je vais faire informer de tout ceci. **** *creator_dancourt *book_dancourt_folleenchere *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_folleenchere *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ERASTE *date_1690 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_eraste Hé bien, verrai-je la fin de tout ceci ? Angélique demeurera-t-elle encore longtemps déguisée sous les apparences trompeuses d'un autre sexe que le sien ? Je suis dans une impatience… Avec quelle dureté, avec quelle prévention ma mère a refusé de consentir à mon mariage, sans vouloir apprendre même ni le nom ni la famille de la personne que j'aime ! Quelle raison peut-elle avoir eue ? Il faudra bien, pourtant… Mon pauvre Merlin, je veux tenter aujourd'hui l'exécution de ce que nous avons projeté. Elle l'aime à la fureur, je t'en réponds ; Angélique est charmante dans ce déguisement. Pour moi, je ne puis vivre dans l'incertitude. Comment le soupçonnerait-elle ? Nous ne venons jamais chez elle, ni toi ni moi, que quand nous sommes sûrs de ne la point trouver. Mais, crois-tu que Champagne ait assez d'esprit ? J'ai tout lieu de le présumer. J'ai vaincu ses scrupules, il ne tient plus qu'à de l'argent. Le meilleur homme du monde ; mais il m'a demandé mille écus pour me rendre un si bon office. Je t'attendais avec impatience. Hé bien, ma chère Lisette, peux-tu me rendre un compte exact des sentiments de ma mère ? T'a-t-elle ouvert son coeur ? Crois-tu sa tendresse assez forte ? Ma pauvre Lisette, garde-toi bien de rien dire qui puisse donner à ma mère aucun soupçon de la vérité. Elle a raison, il est temps d'agir. Si vous me la rendez heureuse, je vous promets de la partager avec vous. Ce ne sont point de simples paroles ; tiens, Lisette, je suis fâché qu'il n'y ait que trente pistoles dans ma bourse, mais achètes-en des fontanges, je te prie. Que veux-tu ? Je n'aurai jamais rien qui ne soit à toi, sur ma parole. Il court un bruit dans le monde, Madame, qui ne me paraît point étrange, et je me suis toujours attendu… Mais que vois-je, serait-ce là le beau-père que vous me destinez ? Vous faites un bon choix, Madame, je n'aurai pas lieu de m'en plaindre, apparemment ; et le Comte est trop gros Seigneur, pour se laisser gouverner par l'intérêt. J'ai tout lieu de le croire ainsi ; mais la Marquise, Comte, que dira-t-elle ? Vous ne connaissez peut-être pas cette Marquise, Madame, c'est une terrible femme, et qui a de grandes prétentions sur Monsieur le Comte. Il n'y a rien que je ne fasse pour l'obliger. Qu'est-ce que la place du neveu ? Que veux-tu dire ? La soeur du Comte ! Si je la connais ! Pour faire plaisir à Madame, je ferai tout ce qu'elle voudra. Il y a quelque temps, Madame, que je voulus vous ouvrir mon coeur, vous ne voulûtes pas m'écouter. Elle-même, Madame. Nous en avons parlé cent fois le Comte et moi, sans qu'il sût ce que je vous suis, comme j'ignorais les engagements où il était avec vous. Que j'ai de grâces à vous rendre ! Allons, Monsieur de Bonnefoi, remplissez du nom de Madame ; et marquez bien les deux cent mille francs. Elle sort fort irritée. C'est la plus adorable personne du monde, et je ne sais, Monsieur, comment vous exprimer… Que je crains son ressentiment quand elle sera détrompée ! **** *creator_dancourt *book_dancourt_folleenchere *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_folleenchere *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1690 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_angelique Hé ! Non, non, mon enfant, dis à ta maîtresse que cela ne se peut. J'ai d'autres affaires, j'ai d'autres affaires, te dis-je : voilà trente fois que je te le répète ; fais-moi le plaisir de ne me plus importuner. Ah ! Le fatigant métier que celui d'un joli homme ! Je ne le suis qu'en apparence, et je n'ai pas un moment à moi, femmes de robe, maltôtières, femmes de qualité, bourgeoises ; on ne sait de quel côté tourner. Il y a la femme d'un banquier qui me persécute ; et partout où je suis, il pleut des grisons et des billets de sa part. Parbleu, je les défie toutes tant qu'elles sont de la deviner. Arrivée depuis trois mois seulement de la Province la plus reculée, je n'ai commencé à briller dans le beau monde que sous ce déguisement ; et de l'air dont je fais le jeune homme, je donne aux yeux les plus pénétrants à démêler que je ne le suis pas. Je les copie d'un bout à l'autre ; je n'ai de la complaisance que pour moi, des égards pour qui que ce soit, un palsambleu ne me coûte rien devant des femmes de qualité, même je brusque de sang-froid la plus jolie personne du monde. Je suis insolent avec les personnes de robe, honnête et civil pour les gens d'épée ; pour les Abbés, je les désole ; je prends force tabac d'assez bonne grâce, et je serais parfait jeune homme si je pouvais devenir ivrogne. Comment ? Ah ! Je sais ce que c'est, son espion est à nous, on ne lui dit rien que Merlin n'ait dicté, et les soins qu'elle a pris ne serviront qu'à la mieux tromper. Nous l'avons bien voulu. Je ne l'envisage qu'avec frayeur, et j'aurais voulu pouvoir être heureuse sans le secours de tous les artifices dont nous nous servons. Merlin ne va-t-il pas venir ? Je sais mes rôles par coeur. Tu ne me disais pas qu'elle était au logis. Si elle nous avait écoutées ? En vérité, Madame, il m'a fallu essuyer ce matin une fatigante conversation. Le plaisant animal qu'une vieille amoureuse ! Oui, Madame, justement ; c'est une Marquise qui m'a tant ennuyé. La vieille folle ! C'est elle-même, apparemment ? Tais-toi, Lisette, on n'a que faire de savoir ces sortes de bagatelles. C'est une femme qui me désole, elle me perd de réputation. Comment, Madame ! Elle publie partout que je suis amoureux d'elle, que je brûle d'impatience de devenir son mari. Ce bruit est venu jusqu'à vous ? Quoi, Lisette ? Moi, le Héros ! J'en suis le maître ; et malgré toute la tendresse que j'ai pour vous, je serai forcé de vous quitter, et d'aller faire le reste de la campagne. Je suis accablé d'aventures ; la plupart des jeunes gens sont à l'armée, toutes les coquettes de Paris me tombent sur les bras. Tu as raison ; mais les femmes du monde raisonnent-elles ? Il n'y a que de l'étoile et du caprice dans tout ce qu'elles font. Dites-moi donc ce que vous voulez que je fasse. C'est à moi d'attendre que je sache ce que vous en pensez. Mais, Madame, à moins que cette affaire ne soit extrêmement secrète. Moi, Madame ! Je les méprise toutes ; mais je vous ai parlé cent fois de l'humeur bizarre de mon père, je crains mille obstacles de sa part. Que fais-je si son caprice n'irait point jusqu'à ne pas souffrir ce mariage, quelque avantageux qu'il me puisse être, s'il ne trouvait en mêle temps un parti considérable pour ma soeur ? Vous auriez de la peine à croire quel est son entêtement là-dessus. Pharnabasac ! Dis-tu, Pharnabasac ? L'étrange homme que Monsieur de Pharnabasac, de me venir rendre visite chez Madame !… C'est un joueur, une espèce de fripon, même, je vous l'avoue, avec qui je prévois que j'aurai du bruit. Oui, Madame, une bagatelle, trois cents pistoles, qu'il m'a déjà demandées avec une insolence… Ah ! Lisette, Merlin est ivre, tout est perdu. En vérité, Monsieur de Pharnabasac, vous prenez aussi mal votre temps. Comment donc ! Que voulez-vous dire ? Il semble que vous preniez Madame pour ma trésorière. Il est ivre, Madame, comme vous voyez. Je vais le brusquer, et l'obliger de sortir. Il faut vous débarrasser de cet ivrogne. Je ne m'attendais point à le voir dans cet état. Il ne sait ce qu'il dit. Je n'y comprends rien moi-même. Il fait le mauvais plaisant, Madame. Si la patience m'échappe une fois… Écoutez, Monsieur de Pharnabasac, vous n'êtes pas en état qu'on vous parle raison ; si pourtant vous continuez à me fâcher, je vous la ferai entendre d'une manière… Les lui donner, Madame, j'aimerais mieux mille fois… Non, Madame, n'en faites rien, je vous en conjure. Je souscris à ce que vous voulez, mais je me fais une terrible violence pour vous obéir. Pourquoi donc affecter de le paraître ; tu m'as d'abord fort embarrassée ? Où est Éraste ? Ce commencement n'est pas malheureux. J'appréhende qu'elle ne se rebute. Mon cher Monsieur de Pharnabasac, finissons, je vous prie ; vous êtes content, serviteur. Je suis au désespoir de cette aventure, et tout à fait confus de la manière dont elle se termine. Lisette est beaucoup dans mes intérêts. Une Dame qui me demande ? Quel contretemps ! Toutes sortes de malheurs m'arrivent. Cela n'est pas difficile, un grand carrosse doré ; c'est la Marquise assurément. Oui, Madame. Ma pauvre Lisette, il faut que tu ailles lui parler, je te prie ? Tu lui diras… Il vaut mieux que j'y aille moi-même. Hé bien donc, Lisette, tu lui diras… C'est elle-même ; comment faire ? Ne la brusquez point, Madame, c'est une extravagante ? La détromper ! C'est là sa folie, ne vous l'ai-je pas dit ? Que me servirait-il de la dire, Madame ? Ne vous ai-je pas là-dessus expliqué cent fois mes pensées ? Je veux croire qu'il vous l'a donnée. C'est pour cela que je vous recommandais le secret. Il me semble que j'en ai ouï parler. À quoi vous entretenir de ces bagatelles ? C'est une condition que mon père exigeait de vous. Mon père a ses vues, Madame, et j'ai les miennes ? Par quelle raison vous en importuner ? Ai-je dessein de sacrifier ma tendresse aux intérêts de ma soeur ? Ne suis-je pas prêt à désobéir à mon père ? Et à faire serment à Madame, que je me donnerai plutôt la mort, que de me soumettre à l'épouser. Que je ne veux aimer que vous seule au monde. Mon père est trop raisonnable, Madame, pour me forcer d'être la victime d'un entêtement comme le vôtre. Ah ! Madame ! Hé bien, Madame, sont-ce là des titres pour me forcer à devenir votre époux malgré moi ? Voilà ce que j'appréhendais le plus, je vous l'avoue. Je ne sais où j'en suis. Cherche, invente, ma pauvre Lisette. On ne peut pas plus, mais seulement à cause de ma soeur et de ce neveu qui doit l'épouser. Justement. Est-ce vous, Éraste, qui êtes le fils de Madame ? Ah ! Voici la Marquise avec mon père. Hé de grâce, mon père ! Ne forcez point mon inclination. Hé ! Laissez le faire, Madame ; je me tuerai plutôt que de rien signer contre mon sentiment. Hé, mon père ! Rendez justice à votre choix et au mien. Examinez Madame la Marquise ; je lui demande pardon de parler ainsi devant elle, mais enfin elle m'y réduit ; voyez son air et ses manières, et regardez sans prévention les charmes de Madame. Si vous m'avez donné la vie, ne me la rendez point insupportable. Hé ! Ne me contraignez point à la passer avec une personne que je ne puis souffrir. Hé bien, mon père, si l'établissement de ma soeur est une chose où vous soyez si sensible, il se rencontre ici une aventure merveilleuse. Ma soeur aime tendrement le fils de Madame, que vous voyez. Oui, mon père, et Monsieur est passionnément amoureux d'elle. Si jamais je vous fus cher, Madame, il est temps de vous déclarer. J'y prends autant de part qu'Éraste, je vous assure. Je serai de retour dans un moment. **** *creator_dancourt *book_dancourt_folleenchere *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_folleenchere *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LISETTE *date_1690 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lisette Cela passe l'imagination, et je ne sais pas si vous ne devriez point vous faire conscience d'avoir aidé à la mettre dans l'état où elle est. Un de mes étonnements, est qu'elle s'y connaisse si peu ; car enfin quelque bon air qu'ait Mademoiselle Angélique, quelque peu embarrassée qu'elle soit de son déguisement, une fille n'est point faite comme un homme, et je m'apercevrais fort bien de la différence. Ne craignez rien, je suis bonne personne ; mais dépêchez-vous de venir au fait, elle pourrait à la fin s'apercevoir que Monsieur le Comte n'est qu'une Comtesse. Voilà le plus heureux présage du monde. L'aimable petit homme, que ton Maître ! Moi, je l'ai toujours aimé d'inclination : il faut savoir tous les soins que j'ai pris pour mettre l'esprit de Madame dans la situation dont nous avons besoin pour le succès de notre entreprise. Et comment voudrais-tu qu'elle ne le fût pas ? Elle est vieillotte et très coquette : un jeune garçon, ou qui paraît l'être, du moins, tout des plus beaux et des mieux faits, s'attache à lui en conter ; elle serait bien ennemie d'elle-même, si elle ne le croyait pas. Il lui dit qu'elle est jeune et jolie : y a-t-il rien de plus facile à persuader ? Elle est bien contente d'elle depuis quelque temps. Bon, les miroirs ! Je parierais qu'elle s'est mise en tête que le goût change pour les visages, et que les plus ridés deviennent les plus à la mode. Comme je sais que c'est toi qui dois faire ce père-là, j'en ai fait un portrait le plus impertinent qu'il m'a été possible. Nous ne l'entretenons d'autre chose. Elle en est parfaitement persuadée ; mais la Dame est avare, je t'en avertis. Voici Madame, il serait bon qu'elle ne te vît pas. Comment donc, Madame, qu'y a-t-il de nouveau ? C'est… On ne peut pas de méprendre plus grossièrement. Que vous est-il donc arrivé ? Hé bien, Madame. Quoi, Madame ! Est-ce qu'ils se connaissent ? Oh, Madame ! Il a trop de respect. Le petit ridicule ! Le méchant esprit ! Il n'en a pas encore vingt, je gage. Et le petit ingrat ne vous sait point de gré d'avoir fait un miracle ? Vous ne sauriez prendre un meilleur parti. Et quand il en aurait, Madame, il ne devrait vous en paraître que plus aimable. De bonne foi, vous accommoderiez-vous d'un amant qui n'aurait aucun sacrifice à vous faire ? Ma foi, Madame, je répondrais bien de celui-ci, et je mettrais ma main au feu qu'il ne vous fera jamais d'infidélité. Ce n'est pas sa faute. Comment donc, Madame ? Oui par ma foi, tout ceci pourrait bien ne pas tourner aussi heureusement que Monsieur Merlin se l'est imaginé ; cette femme est soupçonneuse, elle cherche à découvrir quelques intrigues de notre petit Comte, et elle découvrira peut-être qu'il ne lui est pas possible d'en avoir ; mais le voici. Vous vous expliquez cruellement, et vous avez, à ce que je vois, plus de bonnes fortunes que vous n'en voulez. Voilà de pauvres femmes bien mal adressées ! Est-il possible que tant de froideur ne rebute point les unes, ou ne fasse point ouvrir les yeux aux autres ? Je m'étonne que quelque rusée n'en devine point la véritable raison. Oui, pour les airs de nos jeunes gens, vous les prenez tous à merveille, et il semble que vous les ayez étudies toute votre vie. Il est vrai, c'est la seule chose qui vous manque ; mais toutes ces perfections ne serviront de rien pour votre affaire, et Madame Argante est peut-être détrompée à l'heure qu'il est. Elle vous a fait épier, et on lui rend compte de tout. Cela est heureux ! Elle vient de voir Éraste avec vous. C'est-à-dire, que nous touchons au dénouement. Ces bons sentiments excusent tout ; c'est une belle chose que l'intention. Apparemment vous êtes instruite de tout ce que vous avez à faire. Songez à vous en bien tirer. Je crois entendre Madame. Elle pourrait avoir écouté sans avoir entendu, la salle est grande, et la bonne Dame n'a pas l'oreille fine ; mais pour plus de sûreté, cachez-vous un moment, et me laissez prendre langue. Dépêchez vite, la voici ; elle ne paraît pas de bonne humeur. Non, Madame ? Non, Madame. Votre chagrin est encore augmenté ? Hé bien, Madame ? Pour une douzaine d'autres ! Hâtez-vous de le prendre, Madame ; il vous échappera, vous n'avez point de temps à perdre : le voici. La pauvre femme ! Le beau compliment à lui faire ! N'est-ce point elle qui vous envoie chercher, jusques ici ? Je ne sais point quel âge elle a ; mais son valet de chambre prend tout le monde pour des grand'mères. Demandez à Madame. Vraiment, vraiment, il nous en est venu de bien plus terribles. On a fait entendre à Madame, que vous êtes le Héros de la coquetterie. Hé mort de ma vie, qu'elles sont folles ! Il y a tant d'autres gens qui ne savent que faire ; et la Robe ne fournit-elle pas d'aussi jolis hommes que l'Épée ? Il me semble, pour moi, qu'un jeune Avocat en été, vaut encore mieux qu'un vieux Colonel pendant le quartier d'hiver. C'est-à-dire que vous êtes à présent l'objet de l'étoile et du caprice. Hé pourquoi tant hésiter ! Vous vous aimez tous deux ; faut-il faire tant de façons ? Un bon mariage dans les formes guérira Madame de ses soupçons, et pourra vous mettre à couvert des persécutions qu'on vous fait. N'est-il pas vrai ? Voilà l'affaire en bon chemin. Monsieur, voilà un Monsieur de Pharnabasac qui vous demande. Oui, Monsieur Pharnabasac. Il vient au fait ! Ne vous effarouchez point. Son ivresse est de bon sens, laissez le faire. Soutenez la gageure, vous dis-je. Ils s'égorgeront dans votre chambre, si vous n'y mettez ordre. Hé ! Le petit mutin ! Madame, il n'y a point d'autre parti à prendre. Dépêchez-vous, Madame, ce n'est pas lui qu'il en faut croire. Le petit déterminé ! Hé ! Allez, allez, Madame, ne craignez rien, je les séparerai s'ils se veulent battre. Le petit coeur de lion ! Allez vite, Madame, allez vite. Oui. Sans cela, il n'y aurait donc rien à faire ? La belle morale ! Songe toi-même à reprendre ton sang-froid. Voici Madame. Bon, confus ! Est-ce que les jeunes gens d'aujourd'hui rougissent de cers sortes de choses ? Il faut regarder ces trois cent pistoles, comme un échantillon du présent de noces que Madame vous fait. Un de vos laquais est allé chez lui, voulez-vous que j'en envoie encore un autre ? J'ai autant d'impatience que vous, et je voudrais déjà que tout fût signé. Vous ne m'en avez pas toute l'obligation, ce n'est que par rapport à Madame. Je suis franche, comme vous voyez. Il semble que ce soit ici le bureau d'adresse. Ne devinez-vous point qui ce peut être ? Que lui dirai-je ? Elle vous enlèvera. Ma foi, vous lui direz vous-même. Elle s'est impatientée ; je crois que la voici. Voilà une Marquise tout à fait honnête ? Bon cela commence fort bien. Si la conversation s'échauffe, la Marquise aura sur les oreilles. Voilà ce qu'on peut appeler un sacrifice dans les formes. Ne vous emportez point, Madame, Monsieur le Comte vous vengera lui-même, et Madame sera assez punie de ne le point épouser. Bon ! Si l'on épousait d'obligation toutes celles qui font des extravagances, il y a mille jeunes gens qui auraient plus d'une douzaine de femmes. Nous amener Monsieur votre père ; quelle aubade ! On dit que c'est l'homme du monde le plus extraordinaire. Il n'y a rien de plus embarrassant. Attendez. Il me roule de petits projets dans la tête : un peu de patience. Dites-moi un peu, avant toutes choses. Monsieur votre père est-il fort entêté de cette Marquise ? Et du bien que la tante assure au neveu. Nous ne réduirons jamais ce père-là. Par la raison que vous n'avez point de neveu à donner à sa fille. Si Monsieur votre fils était un garçon à faire les choses de bonne grâce, encore, on pourrait raisonner sur ce principe. Je crois que le voici ; c'est le hasard qui vous l'amène. Et quoique Madame soit sa mère, elle est aussi jeune que Monsieur son fils. Nous ne la connaissons pas ? Elle sort d'ici, et Madame votre mère aura grand besoin de vous dans cette affaire. Mais outre la nécessité, Madame, s'il ne consent à épouser la soeur, le frère ne sera point pour vous, sur ma parole. Mais outre la nécessité, Madame, en la mariant de cette manière, vous n'aurez pas le chagrin que de petits marmots vous appellent ma grand-maman ; et les enfants de Monsieur votre fils ne seront que vos neveux. La rencontre est tout à fait heureuse ; il faut qu'il prenne la place du neveu, vous dis-je. Oui, du neveu de Madame de la Tribaudière, par exemple : il faudrait que vous prissiez la peine d'épouser une fort aimable personne, qui est la soeur de Monsieur le Comte. Est-ce que vous la connaissez ? Et vous auriez la bonté d'agréer que dans le Contrat, Madame votre mère vous fît une donation de son bien comme à son beau-frère. Auriez-vous bien la force de vous y résoudre ? Quelle soumission ! Votre Notaire, Monsieur de Bonnefoi ! C'est bien le nôtre, s'il vous plaît. L'affaire est en bon train, ne fais pas trop le difficile. Courage, Monsieur. Soixante mille écus ! Allons, ferme Madame, il ne faut point laisser aller un si bon marché pour si peu de chose. Vous voilà maîtresse du champ de bataille. Ne vous a-t-on pas dit que c'était l'homme du monde le plus bizarre et le plus capricieux ? Laissez le faire, de peur de quelque inconvénient. On n'a que faire de nous le dire. Cela serait ridicule. L'effrontée, enlever un homme ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_folleenchere *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_folleenchere *dist2_dancourt_prose_comedy *id_JASMIN *date_1690 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_jasmin Voilà cette grosse Madame qui fut hier longtemps avec vous. Monsieur, il y a là-bas une Dame dans un grand carrosse doré, qui vous demande ? Oh dame, Madame, je ne savais point que vous ne vouliez pas qu'il y fût. Elle dit que vous vous dépêchiez de descendre, et que vous ne lui donniez pas la peine de vous venir quérir ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_folleenchere *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_folleenchere *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MERLIN *date_1690 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_merlin Hé bien, Monsieur Champagne, où diantre venez-vous ? Vous n'avez que faire ici. Allez-vous-en m'attendre où je vous ai dit. Il est tout prêt. Non. Tout l'équipage est au logis : va-t-en, bourreau, et me laisse ici. Rien ne manquera, je t'en réponds. Il faut prendre la Fleur avec toi. Écoute, écoute : ne t'avise pas de laisser ta moustache, au moins. Allons bride en main, s'il vous plaît ; l'impatience la plus violente n'avance pas une affaire du moindre petit moment. Mais en revanche, Monsieur, avec quelle fermeté, avec quelle grandeur d'âme vous êtes-vous résolu à la fourber ? Monsieur, elle veut être jeune en dépit de la nature ; en vous mariant, vous la feriez grand'mère, et le titre de grand'mère vieillit ordinairement une femme de quinze bonnes années des plus complètes. Oh, assurément il faudra bien qu'elle la devienne ; vertu de ma vie, vous n'êtes ni de taille ni d'humeur à mourir sans héritiers, je vous connais. Il faut savoir, au juste, dans quelle situation est le coeur de Madame votre mère pour le petit Comte supposé ? Elle s'y plaît assez à elle-même, et je ne sais si elle a autant d'empressement que vous de le voir finir. On vous en tirera le plus tôt qu'on pourra, Madame votre mère ne me soupçonne point d'être à vous. C'est une étrange mère, franchement ; et la noble aversion qu'elle a pour vous, mérite assez la petite friponnerie que nous allons lui faire. Comment assez d'esprit ! C'est un de mes élèves, il fera la fausse Marquise à merveille, ne vous mettez pas en peine. Lisette est dans vos intérêts ? Assurez-vous-en. Et le Notaire de Madame votre mère ? Il est bon homme. Mille écus, c'est donner les choses pour rien, je tirerai cette somme de Madame votre mère, et quelques chose de plus, même : comme j'avais prévu que nous aurions besoin d'argent, j'ai déjà pris mes mesures, et la machine est toute trouvée. Voici Lisette. Comment conscience ! Une mère, parce qu'elle est maîtresse de tout le bien, se croira en droit de faire enrager Monsieur son fils ; elle lui refusera son consentement pour un mariage honnête ; elle ne voudra lui faire aucunes avances sur sa succession : et moi qui fais profession d'être le vengeur des injustices, je verrai cela d'un oeil tranquille ? Non, je ne ferai point ce tort à ma réputation, et la bonne Dame apprendra à se connaître en gens, sur ma parole. Oh diable, tu es une connaisseuse. Agissons donc, j'y consens ; allez avertir Angélique de se rendre ici. Le Chevalier de Pharnabasac veut être payé ; elle sait ce que cela signifie. Pour vous, attendez mes ordres chez le Notaire, j'irai vous porter les trois cents louis moi-même. Adieu, voici bientôt les moments qui décideront de votre destinée. Les belles paroles ne coûtent rien. Monsieur ? Ne trouvez-vous point que j'aurais besoin d'un petit chapeau. Te voilà assez bien enfontangée, à ce qu'il me semble. Tu ne l'avais jamais trouvé si joli. Et penses-tu qu'il y soit ? Là, parlons sérieusement : donne-t-elle de bonne foi dans le parfait amour ? Est-elle bien persuadée… Tu as raison. Et les miroirs ne troublent-ils point un peu son petit contentement ? Mais en effet, il y a mille Coquettes à Paris qui n'en portent point d'autres. Venons au fait. Est-elle prévenue que Monsieur le Comte dépend d'un père avare, fâcheux, violent, impérieux, bourru, capricieux, brutal même ? Il était bon d'aller jusques-là. Fort bien. Lui a-t-on fait entendre que ce père à une fille qu'il aime tendrement, et qu'il veut absolument la voir mariée avant que de souffrir aucun établissement à Monsieur son fils ? Fort bien, c'est le noeud de l'affaire. Monsieur le Comte a-t-il fait connaître adroitement à Madame Argante qu'il a besoin d'argent ? Il n'importe, elle est amoureuse, je te réponds de tout ; tu n'as qu'à faire la guerre à l'oeil, et à nous seconder Champagne et moi. Cela ne gâtera rien, au contraire, j'ai une botte à lui porter. C'est ma Maîtresse qui m'y envoie, Madame. La Marquise de la Tribaudière, Madame ! J'apportais un billet de sa part à Monsieur le Comte. Oui, Madame ; mais je vais dire à ma Maîtresse que je ne l'ai point trouvé, et que j'ai eu seulement l'honneur de faire la révérence à Madame sa grand'mère Bonjour, Madame, votre valet. J'entre assez librement, comme vous voyez, mais c'est ma manière, et de tout temps les Pharnabasacs ont toujours été sans façon. Bonjour ivrogne, c'est toi que je cherche. Non, Madame, mais j'ai bien dîné ; et ma passion dominante, à moi, c'est de rendre des visites sérieuses en sortant de table. Je prends mal mon temps, dites-vous ? Parbleu, mon cher, il me semble que pour vider les petits comptes que nous avons ensemble, je ne te puis mieux joindre que dans cette maison. Pourquoi non ; si elle ne l'est pas encore, il ne tiendra qu'à elle de la devenir. Voici une occasion des plus favorables, Madame, un petit gentilhomme d'aussi bon air, vaut assez qu'on fasse quelque chose pour lui. Quelle petite conversation avez-vous là tous trois, en votre petit particulier ? Vous parlez de moi, sur ma parole. Le beau brin de femme ! Morbleu, le beau brin de femme ! Je suis dans l'admiration, depuis les pieds jusqu'à la tête. Où ce petit fripon-là déterre-t-il les beautés ! Cette Marquise encore, elle est drue, elle est drue. Et à propos de cette Marquise, tu n'es donc plus dans le goût de l'épouser ? Voilà qui est fini, tu as bien fait si tu ne l'épouses pas ; pourtant tu seras obligé à de grandes restitutions. Ils auront quelques petits comptes à faire ensemble. Il vous en coûtera quelques milliers de pistoles pour le tirer des mains de cette Marquise. Il est engagé, au moins, ce jeune homme ; mais baste, ce n'est pas là ce qui m'amène : parlons d'autres choses. Hé bien ! Qu'est-ce ? Ces trois cents pistoles que tu me dois, n'es-tu point las de me faire attendre ? Madame va-t-elle me les compter ? Veux-tu me donner une lettre de change sur quelqu'une de tes maîtresses ? Cela m'est indifférent, moi ; çà, dépêchons, je vous prie, j'ai d'autres affaires : allons, Madame, de l'argent. Vous pourriez vous énoncer plus civilement, Madame ; voleur de grand chemin ! Hé morbleu, je suis chez vous. Il est violent ce petit homme ! Non, s'il vous plaît, Madame, je ne les veux pas recevoir de votre main ; je ne prétends pas qu'on dise que je suis un voleur. Mais Monsieur me doit trois cent pistoles ; n'est-il pas juste qu'il me les paie ? La vérité est, que si je ne les ai pas tout à l'heure, d'une façon ou d'une autre, je vous estime et vous respecte, Madame, je ne veux point faire de bruit dans votre maison, mais j'aurai le plaisir de le tuer à votre porte. Je me moque de tout, moi. Nous battre ! Hé morbleu, pourquoi nous battre, puisque Madame nous accorde ? Est-elle partie ? Il me semble que pour un ivrogne, je me suis assez bien tiré d'affaires. Pourquoi, Madame ? C'est une petite fantaisie qui m'a pris en venant ici ; J'ai plus d'un rôle à jouer dans cette comédie, et l'air et le ton d'un ivrogne déguisent parfaitement un visage. Où vous l'avez laissé, chez Monsieur de Bonnefoi ; ils m'attendent, avec les trois cents pistoles. Non, mon enfant : point d'argent, point de notaire, c'est la coutume de Paris. La Marquise de la Tribaudière attend que le Chevalier de Pharnabasac soit sorti pour venir prendre sa place. Nous ferons faire du chemin à Madame Argante en peu de temps. Ne le craignez point, j'ai de la pratique, et je connais les femmes. Une jeune personne se résout sans peine à perdre un amant dans l'espoir d'en faire aisément un autre ; mais une vieille amoureuse craint de lâcher prise : ce serait passer pour n'y plus revenir. Elle est bien vraie, songez donc… Oui, je vous le dis naturellement, moi, cette Madame Argante est mieux votre fait qu'aucune autre : une brave femme, belle, bien faite, jeune avec cela ; et qui dans les choses assurément, fait voir que… Ah ! Madame, je vous demande pardon, je disais librement mes petites pensées à ce petit jeune homme, je suis sans rancune. Qu'on me doive de l'argent, je le demande ; quand je suis payé, je n'en demande plus. Ce sont des louis neufs, Madame ? Valant douze livres dix sols pièce ? Il serait malhonnête que vous payassiez les gens en vieille monnaie : cela serait suspect, voyez-vous ? Votre valet, adieu, jusqu'au revoir : voilà la plus obligeante personne que je connaisse. Hé bien, qu'est-ce, où est-il, ce jeune homme ? Et morbleu, Madame, n'ayons point de bruit ensemble : prêtez-moi mon fils pour une demi-heure. Le mépris ne fait rien à la chose, Madame ; qu'on se méprise, qu'on se déteste, on ne laisse pas souvent de s'épouser. On en vit ensemble plus commodément. Allons, petit drôle, qu'on se range à son devoir. Tu l'épouseras. Il l'épousera, Madame, ou je ne suis pas son père. Voici tout à propos Monsieur de Bonnefoi, mon Notaire, comme si je l'avais mandé. Tout ira bien, ne te mets pas en peine. Approchez, Monsieur de Bonnefoi, approchez. Nous ne tarderons pas à les remplir. Avec votre permission, Madame. Cela sera fait dans un petit moment. Ouais ! Mais voici un petit fripon, qui devient bien rétif. Oui, Madame de la Tribaudière a le visage plus mâle, à ce qu'il me semble. Il m'attendrit ! Oui vraiment, il s'explique au net ; qu'en dites-vous ? Ah ! Vous l'aurez, Madame, vous l'aurez. Allons, allons, Monsieur de Bonnefoi, j'ai donné ma parole, elle est inviolable. Écrivez. Comment ? Ma fille aime Monsieur ! Ouais ! Mais voici un amour bien prompt, Je n'en avais jamais ouï parler. Je ne m'étonne pas que vous les ayez rencontrés tantôt ensemble. Voilà des incidents qui veulent dire quelque chose, Madame la Marquise. Allons, à soixante mille écus ce jeune homme. À deux cent mille francs, une fois, deux fois ; à deux cent mille francs. Attendez, Monsieur, voici une enchère. Hé bien, Madame ? À deux cent six mille six cent livres, à cause de la passe des écus. À deux cent dix mille livres, une fois, deux fois, à deux cent dix mille livres. Écrivez, Monsieur de Bonnefoi, adjugé à la plus offrante. Ne voudriez-vous point y mettre quelque chose de plus ? Que voulez-vous que je fasse, Madame ? Je suis engagé de parole avec vous, j'en demeure d'accord ; mais, vous savez que depuis quelque temps, la parole est l'esclave de l'intérêt. Vous voyez comme je rends justice au mérite. Oui, Madame, c'est la règle. Voilà une maladie qui m'a bien donné de la peine. Hé bien, Monsieur, cela est-il dans les formes ? Je vous entends. Holà, Comte, accompagnez Monsieur jusqu'au logis ; faites signer votre soeur, et l'amenez ici. Tous ensemble, Madame ? Non pas, s'il vous plaît. Il y a certaines bienséances qu'il est bon d'observer. Je suis rigide en diable, moi, sur la bienséance. Voilà un petit drôle assez bien tourné, au moins ! Vous n'avez jamais vu sa soeur ? C'est encore un petit charme ; elle lui ressemble comme deux gouttes d'eau. N'est-il pas vrai ? Le plus joli esprit : vous serez charmée d'avoir une belle-soeur comme elle ; car il ne faudra pas la nommer votre bru. Et je ne prétends pas qu'elle vous appelle sa belle-mère. Le terme de belle soeur a quelque chose de bien plus agréable à l'oreille. Il y a quelque chose de trop sérieux dans l'autre. C'est mon Page, Madame. Le voilà bien essoufflé ? Qu'as-tu ? Qu'a-t-elle fait ? Madame de la Tribaudière enlève mon enfant ! Elle l'épousera. Est-ce que vous voudriez l'épouser, vous après un tel affront ? Elles seraient inutiles, Madame. Cette Madame de la Tribaudière est une étrange femme, et je crains bien qu'on n'ait jamais aucunes nouvelles, ni d'elle ni de mon fils. Et je suis si désespéré moi-même, que je crois qu'on n'entendra jamais parler du père. Elle aura peine à trouver des témoins. Il faudra bien qu'elle prenne patience : ne songez qu'à votre bonheur. Vous allez posséder Angélique, vous devez être content. Je voudrais de tout mon coeur que la compagnie le fût aussi. **** *creator_dancourt *book_dancourt_folleenchere *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_folleenchere *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CHAMPAGNE *date_1690 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_champagne Tu ne me dis pas la moitié des choses. Mais ce carrosse ? N'y passerai-je point en chemin faisant ? Mon bonnet coiffé, mes fontanges ? Si quelque chose manque, Monsieur s'en prendra à moi. Adieu donc. Je l'amènerai. Tu as bien fait de m'en avertir, je l'aurais oublié. Voici Monsieur, je vais t'attendre de pied ferme. Ma bonne Dame, votre très humble servante. Sans ce Gentilhomme qui est toujours chez vous, à ce qu'on dit, je ne vous rendrais pas une visite aussi hors d'oeuvre que celle-ci. Hé bien, Monsieur, avez-vous bientôt fini ; viendrez-vous ? Votre père et mon neveu le Chevalier Jumeau, nous attendent. Comment donc, Madame, qu'est-ce que cela signifie ? Ne doit-il pas être mon mari, ce jeune homme ? Parlez, Monsieur, parlez. Quelles mesures gardez-vous, qui vous empêchent de dire naturellement la vérité ? Comment de chimères ! Vous souffrez qu'on m'appelle chimères, Monsieur ? Parlez, Monsieur, parlez. N'ai-je pas la parole de votre père ? Votre soeur ne doit-elle pas épouser mon neveu ? Ne donnerai-je pas à mon neveu le meilleur et le plus beau de mon bien en faveur de ce mariage ? Vraiment, s'il ne l'exigeait pas, je me garderais bien de me la faire moi-même. Vous devez, après sa mort, être le maître de tout son bien ? N'est-il pas juste qu'il cherche à assurer la fortune de votre soeur ? Oui, Madame, et je ne suis point une chimère, comme vous voyez. Ah le dénaturé ! Le petit impie ! L'insolent, à ma barbe oser s'expliquer de la sorte ! Et là, là, petit garçon, votre père vous rangera ; donnez-vous patience. Et fi, fi, Madame, vous devriez rougir, de me le débaucher comme vous faites. Je me sers de termes qui conviennent fort au sujet. Je ne l'épouserais pas, moi ? J'aurai tout fait pour lui ? Dis le contraire, petit ingrat ; dis le contraire. Argent comptant, pierreries, et ma vaisselle même ! J'ai sacrifié tout à tes folles dépenses, et je te souffrirais après cela dans les bras d'une autre ? Je n'ai personne ici dans mes intérêts, mais ton père me fera raison de tes perfidies, je vais te l'amener : tu n'as qu'à l'attendre, tu n'a qu'à l'attendre. Je vous l'avais bien dit, que je l'amènerais. Vous voyez, Monsieur, comme on me traite. Vous en étonnez-vous ? C'est Madame qui le gâte. Je dis que tout cela ne m'étonne point. Vous me l'avez promis, je le veux avoir, ou votre fille n'aura ni mon bien, ni mon neveu. Ce ne sont que des chansons ; mais que Madame fasse pour Monsieur son fils, ce que je suis prête à faire pour mon neveu. Je lui donne soixante mille écus, en faveur de ce mariage. Il me reste pour deux mille écus… Oui, j'ai encore pour deux mille écus de pierreries, que je m'oblige de donner à votre fille. Oui, Monsieur ! C'est ainsi que vous me tenez ce que vous m'avez promis ? Vous n'êtes pas encore où vous pensez ; je l'aurai mort ou vif, et le Chevalier Jumeau mon neveu n'est pas homme à souffrir qu'on fasse un affront de la sorte à sa tante de la Tribaudière. **** *creator_dancourt *book_dancourt_folleenchere *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_folleenchere *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LAFLEUR *date_1690 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lafleur Ah, Monsieur ! Monsieur. Madame de la Tribaudière. Elle enlève Monsieur le Comte. Elle a le diable au corps ; elle enlève aussi le Notaire. Elle les guettait au sortir d'ici.