**** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_GUILLEMIN *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_guillemin Angélique ? Ce n'est que par moi qu'on met les nouvelles de Paris dans la gazette d'Hollande ; qui diantre peut avoir fait mettre dans celle-ci que je vous marie ? Ce n'est nullement mon dessein, au moins, et si je savais... Qu'est-ce à dire ? On veut m'avertir. Je sais bien ce que j'ai à faire, et je n'ai point d'avis à prendre. On pensera ce qu'on voudra, mais je veux que vous pensiez comme moi, vous. Je vais sortir, il n'y a aucun de mes garçons à la boutique, prenez-y bien garde, et ne vous amusez pas, je vous prie, à babiller avec un tas de godelureaux qui rôdent toujours autour d'ici. Écrivez bien les noms de ceux qui viendront me demander ; tenez surtout un mémoire fidèle des nouvelles qu'on m'apportera, entendez-vous ? Je ne tarderai pas à revenir. **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1693 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Mon père ? Je ne sais. On veut vous avertir peut-être que vous feriez bien de me marier. Je ne me mêle pas de vous en donner, mais vous voyez ce qu'on en pense. Hom. Je me soucie bien d'eux, vraiment. Oui, mon père. N'est-ce pas là le valet de chambre de Clitandre ? Je voudrais bien que son maître eût déjà lu la gazette d'aujourd'hui. Hé bonjour, ma chère bonne, que je te sais bon gré de venir causer avec moi. De mon mariage ! Je te suis obligée, vraiment. C'est une plaisanterie qu'on a voulu faire. Quelqu'un aura entrepris sur ses droits, apparemment. Je n'en suis point trop fâchée, cela mettra quelques personnes en mouvement. Et que démêles-tu ? Fort bien. Cela pourrait être. Tu me crois donc de l'esprit, à ce compte ? Oh bien, pour moi, je te l'avoue, j'ai plus de curiosité que d'amour. Que tu es extravagante ! Paix, voici ma tante. Quoi, ma tante ? Ma tante... Ce n'est pas lui, ma tante, qui... C'est une chose en l'air que ce mariage, et je n'en ai pas ouï parler moi-même. Que vous avez d'esprit, ma tante, de deviner cela ! Je le crois bien, ma tante. Non, ma tante, je vous en assure. Hé ! Mais... J'irai vous voir tantôt, ma tante. Ma tante m'a toujours tendrement aimée. Ah ! Ma chère Fillon, que je suis malheureuse ! Ah ! Que tu es extravagante avec tes plaisanteries ? Qu'il a de complaisance et de respect pour moi, ma chère ! Avec quelle discrétion il me rend des soins ! Que je remarque de retenue dans toutes ses assiduités ! Je ne sais point encore comme on prend de l'amour pour un homme : mais il me semble que celui-ci a tout ce qu'il faut pour en faire naître. Ah ! Les empressements de celui-là me font encore plus de plaisir, que les tendres égards de l'autre. Il n'est occupé que de moi, c'est sa passion qui le rend étourdi comme il est. Il jure qu'il m'aime à l'adoration ; et la violence de son amour mérite assez qu'on y réponde. Ah, si tu savais qu'il a de l'esprit ! C'est un grand charme pour moi que l'esprit. Dans tout ce qu'il dit, dans tout ce qu'il fait, on remarque un air de délicatesse que personne n'a comme lui. Quelque sensible que je sois à leurs bonnes qualités, il n'y en a pas un des trois que j'aime véritablement. Il n'a peut-être pas tant de mérite que les autres : mais il me semble que mon coeur s'intéresse pour lui davantage. Ma chère Fillon, le voici. Je ne me suis jamais sentie si troublée. Il ne viendra point nous aborder ? Voulez-vous voir, Monsieur, des réflexions nouvelles que l'on a faites sur les bonnes qualités des Dames ? C'est un jeune Abbé qui les a faites. Je crois, pour moi... Comment ! Expliquez-vous, Monsieur, quel intérêt... Vous m'aimez, moi ? Si vous ne me parlez que par simple galanterie, je vous répondrai bien moi-même. Si vous parlez sérieusement, il faut s'adresser à mon père. Tu me donnes des conseils qui me font plaisir, et tu n'as pas de peine à me persuader. Mais, comment faire ? Je suis seule ; il vient ici du monde à tout moment, pour cette Gazette surtout ; s'ils ne trouvent personne ? Ma chère tante, vous m'avez promis... **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMEPERNELLE *date_1693 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamepernelle Qu'est-ce que c'est donc que tout ceci, ma nièce ? J'apprends de belles nouvelles vraiment. Votre père a-t-il perdu l'esprit, dites-moi, de vous faire mettre dans la Gazette ? Le bel endroit pour faire parler de soi ! Mort de ma vie, que cela part d'une cervelle bien sensée ! Le vieux fou ! Mais ce n'est rien encore que cette gazette : je voudrais bien savoir de quel droit il prétend vous marier sans m'en avoir parlé ? Une chose en l'air ! Ah, le ladre ! Oh je devine ce que c'est, moi, ma nièce. Votre père est un vilain, un avare, qui, de peur de se défaire de son bien, ne veut point se défaire de sa fille. Si je le connais ! Pour écarter les prétendants, il veut faire courir le bruit que vous êtes mariée. Mais pour contrecarrer sa gazette, je ferai afficher que vous êtes à marier, moi. Vraiment, il n'a pas affaire à une sotte. Il n'y a plus que lui et moi de la famille, je n'ai point d'enfants, il n'a que vous, et il ne vous marierait pas ! Mort de ma vie, avant que de mourir, je veux voir des rejetons de notre tige, moi, ma nièce. Votre grand-père était tout aussi ridicule que votre père, il voulait que je mourusse fille. Mais zeste, je me mariai toute seule en mon petit particulier, et je m'en suis fort bien trouvée, au moins. Voilà comme on attrape les pères, mes enfants, voilà comme on les attrape. Je ne vous donne pas de conseils, le Ciel m'en préserve : mais les exemples d'une tante ne sont quelquefois pas mauvais à suivre. Hé bien donc, parle-moi confidemment, là. N'y a-t-il point quelque jeune homme dans le monde que tu affectionnes plus qu'un autre ? Comment, non ? Mais tant pis, ma nièce, il faut pourtant bien prendre un parti, mon enfant. Veux-tu que je mêle de tes petites affaires, dis ? Je ne serai pas longtemps à trouver ce qu'il te faut, et un Contrat sera bientôt bâti. Qu'en dis-tu, parle ? Quoi, mais ! Viens, mon enfant, tu me feras plaisir ; j'entre de tout mon coeur dans toutes les petites bagatelles de la jeunesse, il me semble que cela me rajeunit. Adieu, je vais faire un tour au banc de mon Procureur, et je repasserai peut-être par ici ; car je veux laver la tête à Monsieur mon frère. Je vous dis, mon frère, que je suis sa tante et que je prétends qu'on la marie, moi. Quoi, ma nièce se marie comme ça toute seule ? Est-il possible ? Les pauvres enfants ! Paix, mon frère, vous ne savez ce que vous dites. Taisez-vous, vous dis-je, faites-les moi venir. Assurément. À la bonne heure, on n'en a que faire, je leur donnerai tout le mien, moi ; gardez votre argent, vieux ladre. On lui a bien de l'obligation. Venez, çà, ma nièce : approchez, Monsieur. Elle ne choisit pas trop mal, vraiment. Si je le veux ! Vous aimez ma nièce, ma nièce vous aime. Il n'y a rien de si dangereux que de ne vouloir pas ce que de jeunes filles veulent, mon Frère. Je te tiendrai parole. Vous voyez bien que c'est un homme de qualité, mon frère. Vous le voyez, mon frère, on ne pouvait pas mieux choisir. Allons, venez chez moi, Monsieur, et dépêchez-vous d'être mon neveu, je me charge d'y faire consentir mon frère. **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_FILLON *date_1693 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_fillon Ma mère est sortie. Je me suis lassée d'ourler des coiffes, et de montrer des rubans : je suis accourue pour te féliciter de ton mariage. Ah ! Que tu es heureuse, mon enfant, tu vas te marier ! C'est donc ton père qui l'a faite ? Car il est, je crois, le seul à Paris, qui ait correspondance avec le Gazetier d'Hollande ; et je viens de voir cette nouvelle dans la gazette. Tu ris, je pense. Ah ; je commence à démêler la chose. Que la nouvelle est de ta façon. Que c'est toi-même qui l'as envoyée au Gazetier. Et que par là tu veux obliger quelqu'un de tes amants à se déclarer. Je te crois de l'amour, cela ne suffit-il pas pour rendre ingénieuse ? L'esprit ne m'est jamais venu que par là. La curiosité d'être mariée ; n'est-ce pas ? La même curiosité me tient, mon enfant. Explique-moi donc... Ah ! Que vous le connaissez bien, Madame. La bonne tante que voilà ! Oh, vous en verrez, Madame, laissez faire. Assurément, il n'y arien à risquer, puisque vous vous en êtres bien trouvée. Cela viendra, Madame, ne vous mettez pas en peine. Cela n'est pas de refus, voyez. Le bon naturel ! La bonne pâte de tante que voilà. Si j'avais seulement une arrière-cousine de la même humeur, je ne bougerais de chez elle, sut ma parole. Hé ! Que ne profites-tu de cette amitié, pour faire consentir ton père à te donner un mari ? Comment, est-ce le choix d'un amant qui t'embarrasse ? Et parmi le grand nombre de tes soupirants, as-tu peine à te déterminer en faveur de quelqu'un ? Montre-moi ta liste, voyons. Quoi, tu ne tiens pas registre de tes conquêtes ! Vraiment je suis bien plus coquette que toi : mais il m'importe, je connais à peu près tous ceux qui t'en veulent ; et pour moi, si j'étais à ta place, j'aurais plus de penchant pour le petit Avocat, que pour un autre. Assurément, il n'y a nulle comparaison à faire de lui avec ce petit étourdi de Chevalier, qui... Ah ! J'entends, voilà le fortuné. Il faut s'en tenir au petit Académiste : car pour cet apprentif Partisan, je ne crois pas... Mais, si tu aimes ainsi la discrétion de l'un, la violente passion de l'autre, et la délicatesse d'esprit du troisième, comment faire ? Tu ne peux pas les épouser tous trois ensemble. L'un après l'autre encore, quand on a du bonheur, il n'y a rien qui ne se puisse faite. Quoi, y en aurait-il un quatrième au-dessus de ceux-là ? Je le connais apparemment. La présence d'un joli homme remue terriblement les humeurs. Je vais engager la conversation, laisse-moi faire. Que demandez-vous, Monsieur, des Livres nouveaux ? Voyez ici les affaires du temps ? L'amour à la mode ? Nous avons ce que vous cherchez, Monsieur, et l'on serait bien malheureux de ne pouvoir vous accommoder. Pas trop, et je m'étonne, pour moi, qu'on en ait pu faire un volume. Qu'ils ne devraient pas regarder ! Ce sont ceux qui le connaissent le mieux, et qui s'attachent le plus à le connaître. Ils n'ont que cela à faire à la vérité. Comme ils n'épousent point, ils ne nous voient que du bon côté, et ne réfléchissent qu'à notre avantage. Je ne sais ; mais, j'ai ouï dire que les maris et les Abbés ne réfléchissent pas de même, il y a bien de la différence. Tu m'en diras bientôt des nouvelles. C'est une nouvelle si publique, qu'il serait inutile de vouloir en faire un mystère. Il a raison, ne vous hâtez point tant de mourir, vous aurez toujours pour cela du temps de reste. La nouvelle qui vous alarme n'est encore que dans la Gazette, et la Gazette est souvent menteuse. Hé ! Vraiment ; oui. Les filles n'ont-elles pas aussi le même Privilège que la Gazette ? Croyez-moi, si le coeur vous en dit tout de bon, pour le premier ordinaire, on tâchera de lui faire dire la vérité. Es-tu folle ? C'est bien à un père à se mêler de cela. Quand on a une tante comme la tienne, c'est elle qu'il faut consulter par préférence ; et une femme se connaît toujours mieux en maris, que le plus habile homme du monde. Ho ! Faites trêve à tous ces transports, s'il vous plaît. Nous sommes ici trop en vue, passons là-dedans, vous aurez tout le loisir de vous entretenir ensemble. On en sera quitte pour marchander quelque Livre, et pour l'acheter plus cher qu'il ne vaudra. Ne perdons point de temps, entrons. Que vois-je ! Notre petit brutal de Chevalier ? Hé ! Monsieur le Chevalier, que faites-vous, vous n'y pensez pas. C'est un des parents de Monsieur Guillemin, qui est ici depuis quelques jours pour ce mariage, apparemment. Paix, ne dites mot, son père le veut, mais cela n'est point encore fait. Elle est là avec un tas de cousins et de cousines qui sont d'ennuyeux personnages, et vous ne pouvez la voir à présent. Allez-vous-en chez sa tante, vous savez où elle demeure, dans une heure ou deux nous irons vous trouver ensemble. Je vous en assure. Ne vous mettez point en peine, et me laissez faire. Je serais bien fâchée que ce petit brutal eût trouvé là-dedans votre maître. Non, non, nous en voilà débarrassés. S'il vient quelque incommode, vous n'aurez qu'à m'appeler. Qu'est-ce qu'il y a ? Ah, ah ! Je viens de la laisser là-dedans avec un jeune Monsieur, qui voudrait bien faire mettre dans la Gazette qu'il se marie. Oh, pardonnez-moi, Monsieur, c'est avec elle qu'il se veut marier. Oui, Madame, comme vous, en son petit particulier. C'est ce petit homme qu'elle affectionne plus qu'un autre ; qui est avec elle. Ils s'aiment tous deux à la folie. Si vous pouviez persuader cette maxime à ma mère, je vous aurais bien de l'obligation. Et la gazette aura dit vrai, tu seras mariée. **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CLITANDRE *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clitandre Comment donc faire, Monsieur de la Rose ? Il faut en trouver à quelque prix que ce soit.f Huit pistoles ! Nous en serions bien plus avancés. Le beau commerce ! Je ne veux point de cela. Oh, finis comme tu l'entendras. Fort bien. Assurément. J'abandonne tout à votre conduite. Il faut bien se délasser à Paris des fatigues de la campagne. Ils sont bien en droit de se plaindre, vraiment ! On défend l'été leurs frontières, peuvent-ils trop payer l'hiver toutes les peines que se donnent les gens de qualités ? Voici Crispin, laisse-nous, et va m'attendre au logis : va vite. Hé bien, Crispin ? Le fâcheux contretemps ! J'étais bien résolu de lui parler cette fois-ci, je t'assure. Il faut pourtant me déclarer. Jamais passion ne fut égale à la mienne ; et s'il est vrai qu'on la marie, je ne sais ce que je deviendrai. Je suis amoureux de bonne foi, je te l'avoue, et mon amour m'occupe préférablement à toute autre chose. Je ne sais ce qui me retient. Je t'assure, Crispin, que quand son père sera sorti, je n'hésiterai point à lui faire un sincère aveu de la tendresse que j'ai pour elle. Demeure donc ici, toi, et prends bien garde... Que je sens d'émotion ! Il faudrait être étrangement difficile, et la seule conversation d'une si aimable personne... Je verrai tout ce qu'il vous plaira. Je ne suis pas de ce sentiment. Le mérite des Dames est un sujet qui me paraît inépuisable. Et l'Auteur de vos réflexions... Un Abbé ! Vous me surprenez, est-ce à ces Messieurs-là de réfléchir sur les manières d'un sexe, qu'il ne devraient pas regarder seulement ? Tout le monde réfléchit comme eux, et le mariage... Il est donc vrai qu'on la marie ? C'est une nouvelle bien terrible pour moi, je vous l'avoue. On vous marie, et je vous aime : jugez de l'état où je suis. Je vous adore, et je mourrai de désespoir. Et vous me confirmez vous-même... Serait-il possible que... Vous ne dites point ce que vous pensez là-dessus, belle Angélique ? Ah ! Que mon bonheur est extrême, de vous trouver dans les dispositions... Crispin n'a qu'à demeurer, il nous rendra compte. Comment, maraud ? Si j'étais assez heureux, Monsieur, pour vous faire approuver le dessein... Puisque c'est à vous qu'il faut s'adresser, Madame... Que veux dire ceci ? Crispin ? Que veut donc dire cette mascarade ? Crispin, veux-tu parler ? Comment, coquin... Je ne prétends pas y mener personne par force. Otez-leur, cet équipage, Monsieur de la Rose. **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CRISPIN *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_crispin Son père est avec elle, Monsieur, il n'y a rien à faire. Cela est admirable ! Quand elle est seule, la timidité vous prend : quand le père y est, vous vous croyez de la résolution. Par ma foi, Monsieur, je ne vous comprends point. Vous êtes un fort joli homme de qualité, fort jeune et fort connu de quantité de coquettes, que vous n'aimez que... comme il faut aimer des coquettes. Dans toutes vos intrigues de l'hiver, vous n'avez employé que Monsieur de la Rose, votre Sergent, et vous m'employez à présent, moi. Vous devenez sérieusement amoureux d'une grisette : la petite fille d'un Libraire triomphe de votre insensibilité, vous négligez pour elle toutes vos affaires, vous oubliez votre devoir : il vous manque quatre ou cinq soldats, que Monsieur de la Rose et moi, nous trouverions pourtant moyen de faire. Il y a quinze jours que nous devrions être au Régiment, et vous ne songez point à tout cela. Hé, pourquoi donc ne pas parler ? Que craignez-vous ? Les petites filles du Palais entendent le français, Monsieur, je vous en réponds. Hé, que diable, un Capitaine doit-il être aussi bourgeoisement amoureux que vous l'êtes ? Nous verrons : mais en attendant pour ne point demeurer inutile, allez-vous-en prendre chez votre usurier cinq cents écus qu'on vous fait passer pour mille ; peut-être que demain il ne voudrait plus vous donner que cent pistoles. J'aurai l'oeil au guet, et prendrai soin de vous avertir, adieu. Par ma foi les jeunes gens vraiment amoureux, sont aussi sots qu'ils sont indolents quand ils n'aiment que par manière de conversation. Mais voici notre jeune maîtresse, et son vieux bonhomme de père. Bon, le voilà parti ; courons après mon maître, l'occasion ne saurait être meilleure pour son dessein. Allons, courage, Monsieur, la voilà. Voilà un titre qui promet beaucoup. Il est extrêmement sensible à la moindre idée de mariage, et il prend les choses fort à coeur. Ho, Monsieur ! Ne nous désespérons point avant les noces, et tâchons d'en être seulement. Il arrive quelquefois des choses qui font changer les résolutions désespérées. Voilà une petite personne qui parviendra, elle n'en fait mal à son âge. Moi, Monsieur ? Vous savez que j'ai mess affaires. Hé bien, voilà qui est fait, vous n'avez qu'à dire : n'êtes-vous pas le maître ? La bonne chienne de commission qu'on me donne là ! J'ai de mon côté aussi une maîtresse qui m'attend ; car, dans le Printemps, chacun est amoureux. Ah, que les valets sont misérables ! Me voilà donc garçon Libraire malgré que j'en aie. Baste, les Marchands n'ont qu'à venir, je leur ferai bon marché : mais, je profiterai seul du débit, sur ma parole. Que lui voulez-vous, à Monsieur Guillemin ? Hé bien, je suis Monsieur Guillemin, sans contredit. Je passe pour cela. On ne vous a pas trompé. Comment acheter ! Que voulez-vous dire ? Vous vous méprenez, assurément ; je suis le Monsieur Guillemin qui vend, je ne suis point celui qui achète. Qu'est-ce à dire, lisez ? Parbleu, lisez vous-même. Sans colère ! Lisez, lisez, il croit parler à son valet. Voilà un drôle assez bien bâti, il nous faut des soldats. Je prendrai votre Livre. Non, Monsieur, quoique je m'y connaisse, j'ai un commis pour ces sortes de choses à qui je vais vous adresser. Dites-moi votre nom auparavant. Vos qualités ? Hé bien, Monsieur Eustache Crassin, allez-vous-en ici près, rue du Coeur-Volant, à l'Hôtel de Normandie, et demandez Monsieur de la Rose ; je me donne au diable, s'il vous quitte que vous n'ayez fait affaire ensemble. Il vous donnera de l'argent d'avance ? Ne perdez point de temps, allez vite. Oh, par ma foi, Monsieur le Docteur, vous aurez la bonté se porter le mousquet dans le Régiment de Champagne. C'est ici, Madame. Vous le connaissez ? En ce cas-là, je ne suis pas lui, je ne suis que son Commis. De quoi s'agit-il ? Voyons. Vous n'avez qu'à parler, Madame. Vous voulez qu'on mette votre mariage dans la Gazette, peut-être ? Comment les suites ! Ah, que vous êtes mièvre, Madame ! Voilà une nouvelle fort importante, et qui tiendra bien son coin dans l'article de Paris, je vous en réponds. Votre nom, Madame, s'il vous plaît ? Vous savez, Madame... Deux pistoles ! Ce n'est guère, et voilà un enfant qu'on vous fait à bon marché : mettez-en quatre, nous ferons venir le petit Mirebalais au monde, ce sera toujours autant de fait. Qu'est-ce que cela fait ? Oh, il arrive tous les jours des choses plus extraordinaires. Je ne suis plus si fâché de garder la boutique ; nous ferons notre recrue, et j'aurai de l'argent de reste. Qu'est-ce encore que ceci ? Voilà un espèce de Procureur d'assez bonne façon. Non, Monsieur : mais je tiens sa place, et je suis comme lui à votre service, vous n'avez qu'à me dire votre affaire. Monsieur Robichon ! Hé parbleu, c'est justement le mari d'une des maîtresses que mon maître avait cet hiver. En vérité, Monsieur, je suis ravi d'avoir l'honneur de saluer un homme d'un aussi grand mérite. Nous ne nous étions jamais vus, et je ne vous connaissais que de réputation. Vous avez quelque chose à faire mettre dans la Gazette apparemment ? C'est justement notre homme. Nous vengerons Madame Robichon, sur ma parole. Je dis que vous vous êtes glorieusement tiré d'affaire. Assurément. La peste ! C'est prendre la chose comme il faut ; et de quels termes nous servirons-nous, s'il vous plaît ? Assurément : laissez-moi faire, je vais vous enseigner un homme dont je me sers ordinairement pour tourner galamment les choses ; on n'a qu'à lui dire son affaire, et l'on envoie l'article tout dressé au Gazetier, il ne vous en coûtera pas davantage. Non, Monsieur Robichon, je suis votre serviteur, et je ferais conscience de prendre votre argent. Non, vous dis-je, je n'en prendrai point ; allez-vous-en de ce pas à l'Hôtel de Normandie. De ma part Monsieur de la Rose, et dites-lui seulement que c'est Monsieur de la Crispinière qui vous envoie. Oui, Crispin de la Crispinière, tout comme vous voudrez ; il entendra bien ce que cela veut dire, et il vous expédiera sur-le-champ, je vous en réponds. Si vous n'y êtes pas, ce ne sera pas ma faute. Votre valet, Monsieur Robichon. Oh, par ma foi vous viendrez en Flandre. Vous faites enfermer les gens pour des bagatelles : je me donne au diable si vous avez votre congé, qu'en nous donnant celui de votre femme. Ah, ah ! En voici un que je n'enrôlerai point, sur ma parole. Il m'a tout l'air d'enrôler les autres. Il m'examine diablement. Je le reconnais, c'est un des soupirants de la petite fille à qui en veut mon maître. Il ne faut pas qu'il aille troubler la conversation. Non vraiment, c'est vous qui demandez, au contraire. Oui, Monsieur, ne demandez-vous pas qui je suis ? Oui, Monsieur. Le premier venu. Je ne vous attendais pas, et vous voilà pourtant. Je ne m'étais pas trompé, c'est un de nos rivaux, ceci ne finira pas bien. Si je la connais, je ne la connais guère. Ce que j'y fais ? Hé parbleu, je réponds à vos questions. Voilà un jeune drôle bien interrogeant à ce qu'il me semble. Voulez-vous bien, Monsieur, que je vous dise que vos questions me fatiguent. Monsieur, Monsieur, point de bruit enfin, car voyez-vous, cela suffit. Par ma foi, la vôtre ne me plaît guère. Par ma foi, vous avez bien fait de venir ; j'aurais tout avoué de peur d'être battu. Vous avez raison, deux brutaux ensemble ne se font guère de civilité. En viendra-t-il encore quelqu'un de ce caractère-là ? Je laisserais tout là, le diable m'emporte. Cela vaut fait. Qui est ce grand benêt-ci ? Il ne sera pas si méchant que l'autre. Non pas que je sache. À la bonne heure. Oui vraiment, je le suis, donnez. Vous êtes le fils de Monsieur le Goinfre, l'Huissier à Verge ? J'en suis bien aise. De quoi s'agit-il ? Dépêchons. Oui, mais cela vaut plus de deux écus, au moins. Cela y sera. Une friponnerie ? Assurément. Votre frère est un garçon d'esprit apparemment ? Comment, des ouvrages... Cela est fort agréable, vraiment. Cela ne vaut pas le diable. Et vous avez pâti de la méprise ? Et comment le profit ! Hé bien ? Non vraiment. Vous avez raison. Assurément, et c'est le bon parti que la guerre. Où voudriez-vous servir ? Vous n'avez qu'à dire, dans l'Infanterie ? Dans la Cavalerie, ou dans les Dragons ? Dans les Capitaines, soit, je ferai votre affaire. Cela vaut fait, allez-vous-en seulement trouver de ma part Monsieur de la Rose. C'est un fort galant homme, diable ; il demeure ici près, rue du Coeur-Volant, à l'Hôtel de Normandie ; il vous fera Capitaine en moins d'un moment, je vous en réponds. Adieu, Monsieur Jacob le Goinfre. Nous ferons un assez bon Piquier de Monsieur le Capitaine. Avec tout cela, mon Maître n'est pas malheureux, il fait l'amour ; et moi, je fais sa Compagnie. Nous ne vendons point de cela, Madame. Oui, Madame, mais... Voilà une recrue qui accommoderait assez le Régiment. Voyons, Madame, de quoi s'agit-il ? Ah, ah ! Et qu'est-ce que la Gazette peut pour votre service ? Vous n'avez qu'à faire afficher, Madame, Amant perdu. Trente pistoles à gagner. Vous retrouverez votre homme sur ma parole. C'est donc un joli homme, apparemment ? Et de quelle profession est-il, Madame ? La peste ! C'est un bon métier ; mais, que fait-il ordinairement ? Comment de vos rentes ? Oh, je vous le ferai retrouver, ne vous mettez pas en peine. La pauvre Dame, elle a fait une grosse perte ! En été, les chevaliers sont rares à Paris, les meilleurs sont sur la frontière. Malepeste, c'est le bonhomme, st, st. Parbleu, venez donc si vous voulez. Ne voyez-vous pas que c'est un incommode ? Voilà une affaire qui ne traîne point. Et fi, Monsieur, puisqu'il est déjà dans la Gazette, si la chose ne se faisait point, on se moquerait de vous. Il ne vous veut rien, c'est à moi qu'il parle. Rien, Monsieur, c'est un petit échantillon d'une recrue que Monsieur de la Rose, et moi, nous avons faite. Ma foi, Monsieur, j'en demande pardon à Monsieur Guillemin. Mais ces Messieurs sont venus pour se faire mettre dans la gazette, et je les ai mis dans votre Régiment. **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CRASSIN *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_crassin À ce que je puis juger, Monsieur, vous êtes Monsieur Guillemin, apparemment ? Je lui apporte un trésor, Monsieur. On m'a adressé à vous, Monsieur, comme au plus habile homme qu'il y ait dans toute la République des Lettres. Comme au meilleur connaisseur de tous les Auteurs anciens et modernes. Comme à un homme qui sait parfaitement le prix des ouvrages, et qui les achète toujours plus qu'un autre. Ah, Monsieur ! Vous perdez une fortune, si vous refusez le manuscrit que je vous apporte. Le titre seul vaut deux cents pistoles, lisez. Sans colère, Monsieur. Il faut que vous en entendiez la lecture, et que... Eustache Crassin, pour vous rendre service. Docteur en droit, Maître ès Arts, et Répétiteur général des humanités. Mais, pour convenir du prix, il faudrait... Monsieur, c'est une friponnerie qu'on m'a faite, et je n'allais point chez vous pour m'enrôler. C'est la vérité, Monsieur, je ne veux point aller à la guerre. Par ma foi, voilà un honnête homme. **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ROBICHON *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_robichon Monsieur Guillemin n'est pas ici Monsieur ? Il me connaît, au moins, je m'appelle Monsieur Robichon. Monsieur, je suis votre serviteur. Oui, Monsieur, une affaire d'honneur. J'ai eu le bonheur de prouver la mauvaise conduite de ma femme, et le crédit de la faire enfermer. Je viens de la mettre dans un Couvent. Comment, que dites-vous, Monsieur ? Voilà, Dieu merci, la quatrième femme contre qui je gagne un semblable procès, cela n'est pas malheureux, n'est-il pas vrai ? Nous avons de l'honneur dans nitre famille ; et je suis bien aise que toute la terre sache de quel bois les Robichons se chauffent. Il m'est important qu'on soit informé que j'ai de bonnes raisons pour cloîtrer ma femme. Je ne prétends point passer pour un visionnaire, moi. Il faudra mettre tout simplement que Maître Claude Robichon, Procureur, a fait enfermer Madame sa femme, pour des causes... bien et dûment vérifiées en pleine audience : qu'en dites-vous ? Cela justifiera ma conduite. Voilà un louis d'or neuf. Mais, Monsieur... Rue du Coeur-Volant, n'est-ce pas ? Je vois cela d'ici. Monsieur de la Crispinière ? Au moins, Monsieur, que je sois dans le premier ordinaire. Monsieur, je vous baise les mains de tout mon coeur. Monsieur de la Rose, j'airai raison de la violence que vous me faites. Vous voyez bien que ce n'est pas mon métier. **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LECHEVALIER *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lechevalier Je m'alarme mal à propos. Ce mariage est sans apparence. Angélique m'en aurait parlé. Qui est cet homme-là ? Il me semble que je l'ai vu souvent rôder autour d'ici. Que fait-il seul dans la boutique de Monsieur Guillemin ? Depuis que j'ai lu cette malheureuse gazette, je suis le plus bourru des hommes, et tout le monde m'est suspect d'avoir part au mariage qui me chagrine. Qui êtes-vous ? Demandez-vous ici quelque chose ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LESERGENT *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lesergent C'est temps perdu, Monsieur, J'ai cherché dans tous les Fours de Paris, et je n'ai pu trouver ce qu'il vous faut. Les hommes sont chers par le temps qu'il fait, et comme vous les demandez surtout. Morbleu, j'enrage. Il y a quinze jours que je devrais avoir mené la recrue au Régiment, et nous n'avons pas encore la moitié de nos gens. On m'a fait voir deux petits malingres d'assez bonne mine à la vérité : mais on veut les vendre huit pistoles pièce. Oui, Monsieur : mais il n'y a rien à perdre, ce sont des enfants de famille, dont on retirera plus que son argent. Oh, par ma foi, Monsieur, vous êtes trop scrupuleux pour un Officier d'Infanterie, il n'y a pas moyen de s'y sauver. À quoi vous en tenez-vous donc, et comment vous plaît-il que nous finissions ? Je me donne au diable, il me prend envie de faire un four de votre appartement, autant de gens qu'il y viendra, je vous les enrôle. Vous avez un tas de créanciers, surtout, que j'aurais bien envie de mener à notre bataillon. Je ferais plaisir à bien d'honnêtes gens. Nous sommes déjà convenus, votre Crispin et moi, qu'il m'adresserait quelqu'un de ses amis : et quand quelque drôle un peu bien tourné viendra me demander de sa part, je saurai bien ce que cela voudra dire. Il aurait bien mieux valu faire vos affaires de bonne heure, que vous amuser pendant tout l'hiver à troubler, comme vous avez fait, la paix de deux ou trois ménages. D'honnêtes Bourgeois ont bien affaire que ce soit chez eux que vous veniez vous délasser. Je ne sais, Monsieur : mais depuis quelques jours vous venez bien souvent au Palais. Vous y traitez quelque affaire sérieuse, puisque vous ne m'en dites mot ? Vous me chassez, vous êtes amoureux tout de bon ; s'il n'y avait que du libertinage, vous m'en auriez fait confidence. Vous direz tout cela quand nous serons en Flandres. Paix, taisez-vous, Monsieur le Capitaine. **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LAMARQUISE *date_1693 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lamarquise Mon cher Monsieur, je n'ai recours qu'à vous, donnez-moi la santé, le repos de la vie. Comment, n'êtes-vous pas, Monsieur, le correspondant de la Gazette ? Hé ! Mon bonheur, ma tranquillité, tout dépend de vous, mon cher Monsieur. D'un volage, d'un perfide, d'un scélérat que j'aime à la fureur, et qui depuis trous mois, ne m'a pas écrit ce qu'il est devenu, seulement. Je m'en vais vous le dire. Faites-y mettre, je vous en conjure, que la Marquise d'Ormesec donnera trente pistoles à qui pourra lui dire des nouvelles certaines du Chevalier de Dubartas son amant. Non, Monsieur, il n'y a que le peuple qui lit les affiches, et mon Chevalier m'a été volé par quelque femme de con séquence. C'est le plus beau brun qu'il y ait au monde. Il est Gascon, c'est tout ce que j'en sais. Il ne fait rien, Monsieur, il vit de mes rentes. Oui vraiment. Dans l'espérance de l'épouser, je lui ai donné un bon Contrat de mille écus de revenus ; et voyez le malheur, je ne l'ai pas revu depuis. Que je vous aurai d'obligation ! Voilà déjà quatre pistoles que je vous donne. Si je retrouve mon Chevalier, je vous donnerai tout ce qu'il vous plaira. **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LACOMTESSE *date_1693 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lacomtesse La boutique de Monsieur Guillemin ? Enseignez-moi, Monsieur, le Bureau d'adresse de la Gazette, je vous prie. Mais, vous n'êtes pas Monsieur Guillemin, vous, Monsieur ? Car je le connais de vue. Oui vraiment. Il n'importe, vous ferez mon affaire. Je veux faire mettre dans la Gazette une chose qui n'est pas encore : mais qui sera bientôt, si j'en suis crue. Voici le fait, mon cher Monsieur ; pour faire enrager des parents mal intentionnés qui comptent trop sur ma succession, je me suis mariée depuis trois mois incognito. Non, Monsieur, ce sont les suites du mariage qu'il y faut mettre. Oui vraiment les suites : ma famille ne craint rien tant, que de me voir un petit héritier, et je fais tout mon possible pour leur donner ce chagrin-là. J'y réussirai, je vous en donne ma parole : mais je viens, comme je vous ai dit, vous prier d'avance par un heureux présage, de faire mettre dans votre gazette que c'est une chose faite, et que j'ai des indices de grossesse. Ma famille est la Garoussière, Monsieur ; le nom de mon mari, le Vicomte de Mirebalais. Marquez bien tout cela, je vous prie. Oui, Monsieur, et voilà déjà deux pistoles pour cette prétendue grossesse. Cela ne se pourrait pas vraiment, il n'y a pas un mois que je suis mariée. Non, Monsieur, commençons par un bout, et nous finirons par l'autre. Adieu, Monsieur, si la nouvelle fait mourir de chagrin quelqu'un de mes parents, je ne serai point ingrate d'un si bon office. C'est moi, dites-vous, qui ?... Ah, ah ! Vous attendez quelqu'un, apparemment ? Et qui encore ? Vous connaissez Mademoiselle Angélique ? Plaît-il ? Hé ! Que faites-vous donc seul ici ? Ouais, voici un maroufle qui me paraît bien raisonneur. Savez-vous bien, mon cher, que vos réponses me déplaisent ? Je veux absolument savoir qui vous êtes, et ce que vous faites ici. Oh, si vous ne parlez... Ah, ma chère Fillon, j'enrage ! Qui est cet homme-là ? Dites-le moi, je vous prie. Soit par raison, ou par caprice, sa présence me fait une peine horrible. Comment ? Il est donc vrai qu'Angélique se marie ? Il faut pourtant que je lui parle. Vous me le promettez ? Dites-lui bien que si elle obéit à son père, elle me mettra au désespoir, et que je ne vaux rien à désespérer. Qu'elle y songe. Je vais vous attendre. **** *creator_dancourt *book_dancourt_gazette *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_gazette *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CHONCHON *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_chonchon Bonjour, Monsieur, comment vous portez-vous ? Comme vous me regardez ! Vous ne me connaissez pas ? Je ne vous connais pas non plus : mais je sais pourtant bien qui vous êtes. Voilà deux écus que je vous apporte pour mettre quelque chose dans la gazette. Vous êtes Monsieur Guillemin, n'est-ce pas ? Pour vous expliquez la chose, c'est que mon père est un Huissier à Verge, qui s'appelle Nicolas le Goinfre ; et moi, qui ne suis qu'apprentif Procureur, je m'appelle Jacob le Goinfre, à votre service. Oui, justement, il est mon père ; et de là je conclus que je suis son fils, comme vous dites. De faire enrager mon père et ma mère, je vous ai choisi pour m'aider à cela. Point du tout, il n'y a rien de plus facile. Il ne faut que mettre dans la gazette que mon oncle le paysan, qui est le frère de mon père, est arrivé ces jours-ci chez nous, et que ma mère, qui veut être jeune, est fâchée qu'il soit venu, parce qu'il sait par coeur son baptistaire. On m'a fait une friponnerie dont on se repentira. Oh, dame oui, une friponnerie, mon père est un maître Sergent, je vous en avertis. J'ai un frère qu'on aime mieux que moi ; Je suis pourtant plus beau garçon que lui, je suis plus grand : mais ils disent que je n'ai pas d'intelligence. Qu'est-ce que cela fait ? Je n'ai que vingt-huit ans, cela me viendra, n'est-il pas vrai, Monsieur Guillemin ? Je vous en réponds, il fait des ouvrages... Oui, pour se gausser des uns et des autres, il invente je ne sais combien de sottises qui font rire. Oui, mais comme tout le monde n'aime pas à rire, il y a eu un petit mutin qui m'a donné des coups de bâtons, à moi, à cause de l'esprit de mon frère. Il a été bien attrapé ; car il a pris l'un pour l'autre, voyez-vous. Oui, vraiment, et je n'en ai pas eu le profit. C'est là le hic, Monsieur Guillemin. Comme mon père est du métier, il a poussé cette affaire. Oh dame ! On ne nous rosse pas comme çà, nous autres, qu'on n'ait la bonté de le bien payer. Hé bien, en vertu des coups que j'ai reçus, moi, on a baillé de l'argent à mon frère, cela n'est pas juste, comme vous voyez. Aussi j'appelle de cet accommodement-là : et malgré mon père et ma mère qui m'en veulent, je prétends bien intervenir. Par la morbleu, Monsieur Guillemin, si l'on ne me fait justice, je m'enrôlerai, et puis après nous verrons beau jeu. Je suis plus propre à la guerre qu'à toute autre chose, moi. Oh non, Monsieur Guillemin, je veux servit dans les Capitaines. Hé je vous prie. Si vous connaissez quelque Seigneur de la Cour, qui lève un Régiment de Capitaines, parlez-lui de moi, je suis son homme. Monsieur de la Rose ? Voilà un nom qui me réjouit. Je lui aurai bien de l'obligation ; et quand je le serai une fois, si mon frère ne me baille pas ma part de l'argent, je lui baillerai sa part des coups de bâton, moi. Oh, je suis un petit drôle qui n'entend point de raillerie. Serviteur, Monsieur Guillemin, je vais faire vos compliments à Monsieur de la Rose. Hé bien, qu'est-ce, Monsieur Guillemin ? Me voilà déjà Capitaine, je ne barguigne point, moi, comme vous voyez. Oui, Monsieur, ces Messieurs m'ont choisi pour être un de vos Capitaines, et j'ai bien de la joie... Monsieur de la Rose vous amène encore deux autres Capitaines qui ne veulent pas venir ; mais nous les ferons bien marcher ; et tenez, les voilà. Voilà de jolies filles, Monsieur de la Rose, si nous en enrôlions quelques-unes.