**** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_PHILIS *date_1713 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_philis Sensible aux maux de l'univers, Il ne jetait sur lui ses regards qu'avec peine, Sur les coteaux les raisins étaient verts ; Cérès languissait dans la plaine, Le Ciel nous redonne la paix, Nos vins et nos moissons mûriront désormais. Dans cet asile L'Onde tranquille À regret semble le quitter ; Et des mers craignant les orages, Elle refuse à leurs rivages Les tributs qu'elle doit y porter. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_THERSANDRE *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_thersandre Depuis que les Dieux sur la terre Ont éteint le feu de la guerre, Le céleste flambeau D'un feu nouveau s'allume, Et plus brillant que de coutume, Il nous promet un jour plus beau. Loin des hasards Les amours volent De toutes parts, Et nous consolent Des fureurs de Mars. Tous les cœurs s'enrôlent Sous leurs étendards. L'onde craintive Et fugitive, Tâche en vain de l'arrêter Sur cette rive Qu'elle a tant de peine à quitter. Comblés d'un bonheur extrême, Gardons-nous de nous écarter, D'un lieu charmant que les Dieux même Ne dédaignent pas d'habiter. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_BACCHUS *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_bacchus Quoi donc la Folie sans l'Amour. Je vous croyais inséparables. J'ai laissé ma suite dans le Village. L'envie de faire plaisir aux heureux habitants de cette agréable contrée ; je ne suis pas la seule divinité qui s'intéresse à leur bonheur. C'est un pays de vignoble, il est de mon domaine, je prétends le faire valoir, et lui donner des marques sensibles de ma protection. Je veux qu'il y ait cette année une très copieuse et très excellente vendange, qu'on puisse faire passer pour du vin de Champagne. Il ne tiendra pas à moi, je vous assure. Très volontiers, vraiment, et qui sont-elles ? Sont-elles du village ? Y demeurent-elles ? En a-t-il grande provision ? Cela est bon, je travaillerai à cela, il en faut faire la consommation, voilà de bonne besogne. Ne vous mettez pas en peine, l'un nous mènera à l'autre : je vais faire un tour dans les vignes, et je me rends ici dans un moment. . Ayez soin de votre côté d'entretenir les filles et leurs amants dans des sentiments judicieux et raisonnables, tels que vous êtes capable d'en inspirer. Vous êtes un fripon, Monsieur le Marchand de Vin, d'en faire de si gros magasins pour le renchérir. Voilà une nouvelle manœuvre ; Mais pour vous punir, je rendrai les vendanges prochaines si abondantes, que vous vous repentirez de votre usurière précaution. Oui, pour la vendre plus cher de jour en jour, et détruire presque entièrement le culte de ma divinité. Comment diable, depuis près de trois ans je n'ai presque pas remarqué que personne se soit mis en état de me faire véritablement honneur, tant l'avarice des usuriers, comme vous, a pris soin de faire triompher dans le monde mes deux grands ennemis, la soif et la sobriété. Qu'est-ce à dire : Je n'ai pas lieu de me plaindre ? Il y a un temps infini qu'on ne voit plus de Bourgeois ivres dans les rues, ni de petits Maîtres entre deux vins rendre hommage au beau sexe dans les bosquets des Tuileries. On ne bat plus le Guet à Paris ; on ne casse plus de lanternes. Quelle honte est-ce là, Monsieur le Vinotier ! Oh, j'y veux mettre ordre. Ce n'est pas votre faute ? Ce n'est pas la seule qu'on vous impute ; vous ne vous contentez pas d'empêcher de boire, vous ne voulez pas qu'on se marie. Oui, vous. Je sais de vos nouvelles, et vous avez un associé qui est dans le même cas, à ce qu'on m'a dit ; mais je vous corrigerai l'un et l'autre, ou je vous ruinerai tous deux. Je vous en avertis. Oh ! Pour cet article-là, je vous en réponds. Ce maraud-là me présente une plaisante Requête ! Voilà comme sont les hommes. Ils ne nous adressent des prières que par rapport à leur intérêt. Je ne perdrais pas grand-chose, et le Public y gagnerait. Mais il n'importe, je suis bon, j'aime à faire plaisir. Voyons un peu si tu te rendras digne de mes faveurs ; l'as-tu acheté bien cher ce vin vieux ? Non, la conscience de ceux qui en ont : mais comme les Marchands de vin n'en ont guère, je ne saurais lire dans la tienne. Prends garde à ne me pas mentir pourtant. Oui, vraiment. Fort bien. Il n'y a rien à dire à cela, tu as profité de l'occasion. Oh bien, pour prix de m'avoir dit la vérité, je te ferai défaire de ton vin vieux. Cela ne sera pas bien difficile. Ton magasin est dans le Village ? Dans une grande maison ? Beau jardon, cabinets de verdure, chambres, appartements proprement meublés ? Laisse-moi faire le reste, je te fournirai un bon Cuisinier, des garçons actifs et vigilants, de jolies servantes : et nous établiront une petite guinguette, où je ne te laisserai pas manquer de pratiques, et j'en serai le maître garçon, moi. Voilà des effets de ma protection, Monsieur Foret ; cela ne commence pas mal, comme vous voyez. Ne vous embarrassez de rien, c'est mon affaire. Commencez par m'envoyer votre jolie fille et sa camarade, cela contiendra tout. Malepeste, c'est le meuble le plus nécessaire d'une guinguette, que de jolies filles ! Ne raisonnez point, faites ce qu'on vous dit, et laissez-moi faire. Ce n'est pas ma faute, mes enfants. Ah, ah ! L'amour n'est plus aveugle, il me reconnaît en m'abordant. C'est là notre malheur, à nous autres Divinités ; on nous impute quelquefois des choses où nous n'avons pas la moindre part. Un honnête Procureur de ma connaissance donne tous les jours cent coups de pied dans le ventre de Madame sa femme ; on m'en accuse, on dit qu'il est ivre, il n'est qu'amoureux et jaloux ; ce sont vos affaires, et on en fait les miennes. Je ne m'en plains pas, et je laisse penser les hommes comme ils veulent. Hé, que leur ferai-je donc, s'il vous plaît ? Cet emploi-là ne sera pas difficile. Vertu de ma vie, quelle provision pour notre guinguette ! L'imagination me plaît, je leur en sais gré, et voilà deux jeunes drôles qui se présentent bien, au moins. Écoutez, mes enfants, de filles de guinguette à garçon de cabaret, il n'y a que la main ; n'allez pas abuser de la protection qu'on vous donne, et anticiper… Point, point ; il y a de la bonne foi parmi les ivrognes, c'est la meilleure qualité de mes sujets. N'ayons point de dispute là-dessus, et allons prendre possession de la nouvelle guinguette ; comme maître-garçon, j'y ai ma table, et ce ne sera pas la plus mal servie. J'ai fait dire au bonhomme Silène de se rendre ici, nous en ferons notre Portier. C'est un de mes favoris, Monsieur de Kerpinot, je le reconnais, tout masqué qu'il est. Prenez soin de lui, il est en bon état. Doucement, maraud, c'est moi qui viens de faire ces deux mariages. Tu en recevras, donne-toi patience, et fais les choses de bonnes grâces, tout ton vin vieux sera payé le double de ce que tu l'aurais vendu. Je te donnerai une Lettre de change sur la Fortune, moitié comptant, et le reste après vendanges. Et être de bonne humeur, surtout, ce n'est pas ici une Fête ordinaire, nous faisons cinq noces à la fois, et voilà comme on achalande les Guinguettes. Te remarier ! Es-tu veuf ? Cela viendra quelqu'un de ces jours, épouse Claudine, ta servante, ce sont les allures des Marchands de Vin ; pour aujourd'hui, célébrons les mariages de ta fille et de sa camarade, avec leurs amants. Et le mien avec la Folie ? Vous y demeurerez plus que vous ne croyez. C'est votre élément, que les Guinguettes. Allons, Messieurs de la Symphonie, de la Musique tendre, un peu folle, où il y ait quelque air d'ivresse en ma faveur. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_LAMOUR *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lamour Mais où m'emmenez-vous, s'il vous plaît ? Madame la Folie ? Ni la mienne, Seigneur Bacchus. Hé, là, là, Madame la Folie, un peu doucement, s'il vous plaît, vous ne devez pas trop vous plaindre que par malice ou par raison j'aie su vous attacher à moi. Vos plus gracieuses occupations sont celles que je vous donne, et il n'y a guères d'agréables folies que celles que l'amour fait faire. Hé ! De quoi vous embarrassez-vous de l'indignation de la famille de robe, quand vous avez le plaisir d'avoir établi la fortune d'un joli homme, qui par plus de cent autres folies saura vous faire honneur de celle que vous avez fait faire en sa faveur ? Vous voilà bien malade ; j'ai plus à souffrir que vous des aventures dont nous nous mêlons. Ce jeune Chevalier qu'on croit à l'armée, et qui mange avec des coquettes et des filous le bien de sa mère, dont il ne jouit pas encore, est-ce à vous que l'on se prend de sa conduite ? C'est moi qu'on en accuse, quoique je ne m'en mêle, ni de part, ni d'autre : il n'est point amoureux, il n'est point aimé, la folie seule et la débauche ruinent ses affaires, et c'est pourtant l'Amour qu'on rend responsable de l'événement. C'est la Folie qui se plaint sans cesse, et qui finit pourtant toute seule quantité d'affaires que nous ne faisons qu'ébaucher. Très volontiers, je m'intéresse au sort des jolies filles. Je les connais, les Grâces me les avaient déjà présentées. Et moi, je me déclare leur protecteur. Je dégarnis mes temples pour faire honneur aux vôtres. Voici leurs amants qui se sont faits aussi garçons de cabaret, pour avoir l'honneur de servir sous vos ordres. Oui, mais les mœurs de mon empire sont toutes différentes. Nous allons être accablés de monde : il nous faudrait quelqu'un pour écarter un peu la foule, et ne laisser entrer que des masques de connaissances. Car tout le monde est aujourd'hui masqué dans le Village. Du bonhomme Silène, il est toujours ivre ! Mais en attendant qu'il soit venu ? Voici déjà un honnête garçon, bien accommodé. Oui, oui, ce sera de bon papier. Oh ! Il n'y a personne sans vanité qui ait jamais eu dans le monde tant de crédit qu'en ont l'Amour et la Folie. Celui du Chevalier et de la Veuve. Écoutez, voilà bien des mariages, prenez-y garde ; ce n'est pas là le moyen de me garder longtemps parmi vous. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_SILENE *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_silene Ne vous emportez point, mon ami, un peu de douceur et de tranquillité, il n'y aura point de désordre, je vous en réponds. Moi, je suis le père de Silène. Bacchus m'a donné ordre de faire garder la porte pour éviter les inconvénients ; la pratique donne bien, comme vous voyez, la maison ne désemplit point, on se bat pour entrer. N'ont-ils pas raison ? Le maître garçon leur fait crédit, il prend tout sur son compte, ils en ont de la reconnaissance ; voilà d'honnêtes gens, il n'y a rien à dire. Vous l'y trouverez, ne vous mettez pas en peine, tout votre vin vieux sera consommé, il n'en restera pas une goutte : oh pour cela, il n'y a que Bacchus qui puisse imaginer des choses comme cela. Paix, paix, taisez-vous, et nous laissez faire, nous rétablirons l'abondance, il faut bien faire renaître le crédit. Fi donc, il serait à souhaiter que vous fussiez crevés tous tant que vous êtes, et que le crédit fût ressuscité. Oh ! Le voilà en bon train. Oh ! Non, diable ; nous avons affaire à d'honnêtes gens, tous enfants de Paris ; et j'ai bien recommandé qu'on ne laisse entrer que des personnes de connaissance. Qu'à bonnes enseignes ? Je ne te le conseille pas, tu t'attireras quelque mauvaise influence. J'ai encore le bras bon, tout vieillard que je suis, il me reste des forces dont tu feras l'épreuve. Je t'abandonnerai aux mécontents, et tu auras cent coups de bâton, prends-y garde. Oui, ta patronne, et celle de bien d'autres. Surtout quand la Folie s'en mêle. Il n'y a point d'appel, mon bon ami, ce sont des Arrêts de guinguette, qui s'exécutent toujours par provision. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_FORET *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_foret Puissant Dieu des buveurs, pouvais-je mieux marquer mon respect pour vous et pour votre divine liqueur, qu'en la conservant chèrement comme j'ai fait. Cela commence à revenir, Seigneur Bacchus, et vous n'avez pas lieu de vous plaindre. Ce n'est pas ma faute, je vous assure. Moi, Seigneur ! Hé ! Ne sommes-nous pas déjà tout ruinés, si vous rendez, cette année, les vignes si fertiles ? Ah, malheureux que je suis ! Me voilà perdu : que deviendrai-je ? Hé, miséricorde, Seigneur Bacchus, laissez geler les vignes, je vous prie, et ne me refusez pas votre protection, pour me faire débiter le vin vieux qui me reste. Si vous me refusez, j'irai me pendre de désespoir, et vous perdriez un fidèle serviteur. Qu'est-il besoin de vous le dire ? La conscience des hommes est-elle inconnue aux Divinités ? S'il faut vous dire la vérité ? Depuis trois ou quatre ans, d'intelligence avec les Vignerons et les Courtiers, nous y mettions un prix fort haut, dont on nous donnait des contrelettres. Ce prix servait de règle au Bourgeois délicat et au riche gourmet, chacun se pressait d'en avoir ; les aisés se ruinaient, l'artisan souffrait, le malheureux languissait, le Brasseur gagnait, et nous ne perdions pas nous autres. Que je vous aurai d'obligation ! Mais comment m'y prendre ? Oui, Seigneur. Toutes des plus jolies. Oui, il y a de tout cela, vous avez raison. Bacchus le maître garçon de ma guinguette ! Il en deviendra bientôt le maître. Qu'est-ce qu'il y a ? Comment donc ? Il est vrai, mais… Miséricorde, que faut-il que je fasse ? Mais Monseigneur ? On me promet une belle fortune, je ne sais pas si on me tiendra parole. Il est vrai, on se bat pour entrer ; mais tout le monde sort sans payer. Voilà une bonne chienne de pratique, les bords de l'eau sont pleins d'ivrognes, qui emportent des bouteilles, et qui boivent en chemin à la santé du maître-garçon. Il prend tout sur son compte ? Mais ce n'est pas le mien. Maugrebleu de l'imagination. Je ne veux point qu'il revive à mes dépens, je n'ai que faire de cela. Et me voilà en train de tout perdre, moi, si cela continue. On laissera entrer qui on voudra ; mais je vais être le Portier, moi, pour ne laisser sortir personne qu'à bonnes enseignes. Que peut-il m'arriver de pis, que d'être ruiné ? On s'expose à tout pour défendre son bien. C'est ce qu'il faudra voir. Votre guinguette, Madame ? C'est bien la mienne, puisque c'est mon vin qu'on y boit. La consommation est grande, mais il n'y a point de recette. La Folie ? Il a raison, il faut être fou pour confier sa cave au Dieu des ivrognes. D'accord, mais les plus courtes folies… Avec l'Amour ! L'Amour est ici ? Voilà de quoi m'achever de peindre. L'Amour, Bacchus, et la Folie, le beau trio pour faire fortune ! Mais, qu'est-ce que j'entends ? Oh, vraiment non, rien n'y manque, mais il y a quelque chose de trop, de par tous les diables. Ces deux Messieurs que je vois là-bas avec ma fille, et sa compagne, à qui on avait défendu de les voir. C'est une grande imprudence à elles... Il n'y a respect qui tienne ; ma fille est ma fille, et il ne sera pas dit… Ma fille est mariée sans mon aveu ? Et vous, Nérine, sans celui de votre oncle ? Oh ! Parbleu, j'y résiste, moi. Je me moque de ce conseil-là, j'en appelle. Marier ma fille, et vider mon magasin sans que je reçoive d'argent ! Mon vin vieux sera payé double ; et de quelle manière ? Les bons endosseurs ! Ce sera là de bon papier ! Il faudra donc s'en contenter. Comment, cinq noces à la fois ; voudriez-vous aussi me remarier, moi ? Morbleu, non ! Mais par votre moyen, avec un de ces Arrêts de Guinguettes, qui s'exécutent par provision, on pourrait toujours en attendant… **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_CLITANDRE *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clitandre Que vient-on de m'apprendre, ma chère Nérine ? Pour me dire de ne plus vous voir. Qu'ai-je fait pour m'attirer cette disgrâce de sa part ? Comment ? Ils ont été les premiers à nous souhaiter dans leur maison. Comment nous y prendre ? Il n'y a point d'extrémité où je ne me porte. Contre ma famille et la vôtre. Pour m'unir à l'aimable Nérine. Bacchus, l'Amour et la Folie s'intéressent à notre sort ! Les Dieux se mêlent de nos affaires, en pouvons-nous craindre l'événement ? Cela est inutile, c'est une chose réglée dans le conseil que l'on vient de tenir à table. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_ERASTE *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_eraste Savez-vous bien, ma chère Lucile, que vous me mettez au désespoir ? Quoi ! Nous cesserions de nous voir ? Et vous cesserez de m'aimer ? Ah ! Lucile, Lucile ! Que l'amour est faible dans un cœur où le devoir se fait écouter ! Hé ! Pourquoi s'en faire l'esclave ? Mon père me défend de m'attacher à vous, il me déshérite si je vous épouse. Ai-je cessé de vous rendre des soins ? Ai-je changé de résolution ? Hé ! Ne rougissez-vous point, dites-moi, d'être si timide, quand je marque tant de fermeté ? En vérité charmante Lucile, vos chimères et vos scrupules me déconcertent, faites pour moi ce que je fais pour vous, ou je croirai que vous ne m'aimez point. Moins que vous ne pensez. Commençons par désobéir, et mettons les choses dans un état qui puisse ôter à nos familles l'espérance de nous désunir. Il n'y a que de l'amour, je vous jure. Les plus folles sont quelquefois justifiées par l'événement. Venez, charmante Nérine, venez m'aider à persuader votre aimable compagne de ne pas désespérer un amant que vous savez bien qui l'adore Elle est résolue de lui obéir. Vous voyez, Lucile ? On aime plus tendrement que vous, Lucile. Que Clitandre est heureux ! Et que ma destinée est différente de celle de mon ami ! Qu'ai-je fait pour m'en attirer autant de la part du père de Lucile ? Nous sommes dans le même cas l'un et l'autre, et nous en ignorons le sujet. Nous n'obtiendrons jamais leur aveu. Il n'y a point de violence dont je ne sois capable. Contre toute la terre ensemble. Pour posséder la charmante Lucile. Nous vous le promettons. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_KERPINOT *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_kerpinot Holà, ho, quelqu'un, du vin, de la glace, et de l'eau cordiale ! Comment donc ! Vous me voulez quitter, vous m'abandonnez dans l'occasion, mon adorable, ma divine, ma robuste ! Mais, mais, mais parbleu ! Charmante, je ne vous manque point de respect ; et si la vivacité de la passion autorise des mouvements de cœur… qui causent… une palpitation, qu'on n'est pas maître de renfermer dans une imagination toute remplie de vos charmes… Oh ! Pour cela, oui, mon discours se soutient mieux que moi, et si mes résolutions avaient autant de fermeté que ma pénétration a d'agrément… Hé ! Bonjour, ma chère… mon aimable petite folichon. Ma santé ne s'altère point, parce que j'ai soin de boire. Hé ! Par quelle heureuse aventure… vous n'êtes pas seule ici apparemment ? Ah ! Que vous avez bien fait ; voici une nouvelle petite guinguette aussi jolie, aussi attirante, je n'ai jamais pu m'empêcher d'y entrer, et si nous venons déjà de faire collation, dans une autre à Passy, Madame et moi, avec mon laquais, sa femme de chambre, notre Fiacre, tous cinq tête à tête. Quand on se trouve à la Ginguette, on n'y fait point tant de cérémonie. Oh ! Point du tout, mignonne, c'est vous qui êtes aimable ; je suis un ivrogne, un brutal, un cheval de carrosse. Hélas ! De tout mon cœur, je ne demande pas mieux, moi, quelquefois. Mais Madame Pinterelle a dans l'esprit des contrariétés… Oui, voilà ce qui fait la difficulté. Mon amour, à moi est une passion qui est la suite d'une autre ; je ne veux épouser Madame que le soir, et Madame ne veut m'épouser que les matins ? Vous comprenez bien la différence ? Ne pourriez-vous point trouver quelque milieu à cela, vous qui êtes si ingénieuse ? Voilà déjà une bonne proposition, cela m'accommode. Oui, mais ce matin paraîtra aussi le soir à Madame Pinterelle, c'est une délicate qui veut qu'on l'épouse de sens froid, cela ne se peut pas, ce n'est pas la manière du pays, comme vous savez. Le conseil est bon, ma Princesse, il le faut suivre. On ne nous encanaille point, allons ma Princesse : que vous m'allez aimer, et que je m'en vais boire. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_LECHEVALIER *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lechevalier Hé, comment donc, la première ici ? Oh pour le coup, je suis un fat, belle personne, et vous n'êtes pas faite pour attendre. Hé de grâce, Madame, ne méprisons pas les guinguettes, puisque je leur dois mon bonheur : c'était où nous avons fait connaissance. Sandis, je m'en loue et l'en remercie ; hé, mardis, vive les guinguettes pour prendre des engagements. On s'y connaît, on s'y développe. En arrivant à Paris, je me dis d'abord à moi-même, il te faut une occupation, Chevalier. Gens du pays sans quelque intrigue, sont les Maltôtiers sans patron. Cherchons des belles ; je m'en informe, on me mène au Cours, on y voit les visages qu'au travers des glaces, ce sont des pastels, je n'achète point chat en poche, je veux connaître. Je vais aux Comédies, à l'Opéra ; maintes beautés toutes brillantes ; mais aux chandelles, cela m'est suspect. Que faire ? Il me faut une affaire de cœur absolument. Où la prendre pour n'être point trompé ? Ma bonne fortune me conduit à la guinguette, j'y vois sans glace et sans chandelles cette belle dame en plein jour, j'en étudie l'esprit et le caractère, j'en surprends le cœur, et j'en deviens fou. Voilà l'histoire, ai-je tort, Madame ? Quand, Madame ? Et quand vous voudrez. Suis-je de taille et de pays à dire non dans une affaire ? Dès ce soir, dès le moment même. Ah cadédis, laissez-moi faire, je vous attends dans la Province, vous n'y tiendrez pas, vous y mourrez de gloire et de joie. Gouverneurs, Présidents, Directeurs d'affaires, Commis des postes, Gens de plaisir et de bonne chère ; ce sera belle Dame, à qui nous régalera, j'en suis sûr. Vous aurez le fauteuil chez l'Intendante, au moins, sans contestation. Pour ma famille, je n'en parle pas : le soleil n'a que douze maisons, et nous avons trente châteaux que je parcours toute l'année. Magnificence, grand régal, et de l'argent partout ; nous jouissons entre nous de quatre-vingt-quinze mille livres de rente. Un Chevalier, l'aîné ? Fi donc, Madame, je suis cadet de treize frères. Bonne partie quand on partage ; mais le père et la mère vivent, nous jouissons par indivis ; qui plus en prend, plus en possède, et je prétends vous faire voir que je n'ai pas la main mauvaise : cette vie aisée vous conviendra-t-elle ? Cadédis, oui, je vous en réponds. Volontiers, je suis sans façons, et ne refuse ni partie d'amour, ni partie de table, ce sont mes centres. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_LAFOLIE *date_1713 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lafolie Est-ce pour vous une nouveauté, Seigneur Bacchus ? Il est bien vrai que l'Amour ne va jamais sans la Folie ; mais je vais souvent sans l'Amour. Hé, vous voilà bien seul aujourd'hui, tout cela me surprend. Hé, quel sujet vous y amène ? Je suis instruite de cela. Cela est fort louable. Cela ne sera pas nouveau ; mais ces bienfaits-là ne seront que pour les Vignerons, et il faut que tout le monde se ressente ici de l'honneur de votre présence. Nous avons deux jeunes filles qui ont grand besoin de votre secours, et nous vous prions, l'Amour et moi, de vous unir avec nous pour les rendre heureuses. L'une est fille d'un vieil usurier de Marchand de vin, qui a fait fortune, et l'autre est la nièce de son associé ; ils ne veulent pas qu'elles épousent deux jeunes gens de Paris, qui les aiment éperdument. Oui, dans la maison d'un des deux amants dont le père a loué les caves pour en faire un magasin d'assez bon vin. Oui, sans doute. Mais c'est au mariage des filles qu'il faut songer plutôt qu'à la consommation du vin. Je vous y attends. Laissez-moi faire, je ne les quitterai point, et je ne me ferai pourtant point connaître à eux, que pour les assurer de votre protection. Et la Folie ne vous sera pas inutile. Comment donc ? Vous me méconnaissez tous quatre, et vous me regardez à deux fois ? Ce n'est pourtant pas d'aujourd'hui que nous avons commerce ensemble. Les jolies gens ! Voilà de mes traits, je me reconnais. Ne vous inquiétez point, on travaille pour vous. L'Amour, Bacchus et moi, nous agirons de concert pour vous rendre service. Cela vous étonne ? Vous êtes deux jolis ivrognes. Vos maîtresses sont faites pour l'Amour ; vous l'êtes tous quatre pour la Folie. Nous cherchons tous trois à vous faire plaisir. Voici Bacchus avec votre père, éloignons-nous : tout en marchant je vous instruirai de ce que vous aurez à faire. À la guinguette, Monsieur l'Amour. Avez-vous oublié notre projet, et que nous y avons affaire ? Il y a un temps infini que nous n'avons pas fait de petite débauche avec notre gros ami le Dieu du vin. Aveugle, lui, est-ce qu'il l'a jamais été ? Ce n'était que pour me faire des tracasseries, qu'il se plaignit à Jupiter que je lui avais crevé les yeux ; et pour pouvoir mettre sur mon compte, en m'obligeant de lui servir de guide, toutes les sottises qu'il est très capable de faire par lui-même. Il n'y en a pas de moins excusables ; ni qui fassent tant murmurer contre moi. N'est-ce pas vous qui m'avez attiré l'indignation de cette famille de robe, dont la grand-mère épousa dernièrement ce joli petit Comte, à qui elle donna tout son bien, et qu'elle a laissé veuf au bout de huit jours ? Je ne prends point le change, et j'en veux pour juge notre ami ; c'est à vous que le petit homme sait gré de sa fortune, et c'est à moi que l'on se prend de l'extravagance de la vieille. Rendons-nous justice, Seigneur Bacchus ; il n'arrive guère de sottises dans le monde, dont nous ne soyons cause, ou tous trois ensemble, ou séparément ; et si vous voulez que je vous dise la vérité, nous n'avons pas là-dessus de grands reproches à nous faire. C'est moi qui ai commencé celle qui nous rassemble ; mais ce sera vous qui la finirez, s'il vous plaît. En voici deux que je vous présente. Les Grâces ont pris soin de leur enfance ; mais je sais à présent leur gouvernante, moi. Le promoteur de leur mariage. Voilà de jolies filles de cabaret, au moins. Ils auront peine à tenir parole ; l'air de Suresnes est terriblement dangereux pour ces choses-là. C'est que vos deux États relèvent des miens ; c'est moi qui en règle la police. Tant mieux on le prendra pour un Suisse. J'en ferai les fonctions, moi. Je n'aime point demeurer en place, et je ne me plais à table qu'à la fin des repas. Oh pour cela il sera bien difficile de les en empêcher ; mais leur présence ne gâtera rien. Oh ! Monsieur Kerpinot n'est point masqué, il est ivre, c'est son naturel. Je m'en charge, je vous l'enverrai, vous l'achèverez. Il est avec Madame Pinterelle, une de mes intimes : voilà un joli tête à tête. Bonjour, Monsieur de Kerpinot, que vous voilà joli garçon ? Que vous vous portez bien ! Oh, vraiment non ; c'est moi qui y ai amené plus de la moitié de la Compagnie. Ce n'est pas d'aujourd'hui que vous vous connaissez, je sais de vos nouvelles, et Madame Pinterelle est depuis longtemps de vos amies. Quelle modestie ! Il n'y a point là d'amour-propre. Mais que vous ne vous épousez-vous puisque vous vous aimez tant. Point du tout ; du matin au soir seulement, c'est une bagatelle. Cela ne sera pas difficile à accommoder, passez ici la nuit à table. Comme vous ne serez point couché, le matin vous tiendra lieu du soir, et voilà la difficulté levée. Je vous ferai changer de sentiment à tous deux. Allez-vous-en trouver de ma part Bacchus et l'Amour qui tiennent table au fond de ce petit bois, vous ne sortirez pas d'ici sans être d'accord. Voilà une bonne recrue pour la table du Dieu du vin ; mais dans un repas de guinguette, il faut des fous et des folles de toute espèce. En voici une joliment masquée. Je la connais, c'est cette riche Veuve que l'Amour et moi avons rendu si folle d'un cadet Gascon dont nous voulons faire la fortune ; elle est ici sans lui, qu'est-ce que cela veut dire ? Le pouvoir de la Folie est moins borné que vous ne croyez ; et si vous êtes folle, comme vous le dites, Madame, vous pouvez vous vanter de l'être en bonne compagnie. Je ne vous en crois point, moi, Madame, et vous me semblez toute parfaite. Quelle simplicité ! Cela doit être, c'est la règle. Vous y venez souvent apparemment ? Ce n'est pas une des moins attirantes, et vous attendez compagnie sans doute. Quelle conduite ! Oui vraiment, et vous ferez bien de vous en défaire tout au plus vite. Qu'il est bien fait ! Qu'il a bon air ! Moi, Madame, je n'ai point d'amant, mais on en trouve à la guinguette. Le hasard ne vous a pas trop mal adressés l'un et l'autre. Je n'ai garde de trouver cela. Il n'y a rien de si joli qu'une passion de guinguette. De gloire et de joie, cela flatte agréablement. Quelle prérogative ! Toujours en mouvement, on n'a pas le temps de s'ennuyer. Il, faudrait que Madame fût bien difficile. Oh çà, çà, puisque vous voilà si bien d'accord, il faut que vos noces se fassent en bonne compagnie ; l'air de ce pays-ci est admirable pour les mariages. Allez m'attendre dans ce petit bois, et joignez-vous à la compagnie que vous y trouverez à table avec l'Amour, vous n'y serez point de trop. Voilà une noce bien avancée ; mais ne vois-je pas le bonhomme Silène ? C'est lui-même, il est avec le Marchand de vin. Laissons-les ensemble, et allons parcourir un peu tous les échos de la nouvelle guinguette. Qu'entends-je ? Quel bruit fait-on ? Quelle impertinence, quelle audace ? Oser faire du désordre dans notre guinguette ? Ton vin qu'on y boit ! Je t'en félicite, il s'en est fait grande consommation. Cela est écrit sur le livre, il n'y a rien à perdre, à moins que je ne brûle le livre, et cela pourrait bien arriver ; car je suis la Folie, au moins, défie-toi de mes caprices. Sont les mauvaises. Les plus suivies sont les meilleures, on s'épargne le moment de la réflexion, Bacchus tient ici table à ses dépens, avec l'Amour. Ne te brouille pas avec eux. Est-ce que nous allons jamais l'un sans l'autre. Tu entends d'assez jolies musiques, on a soin de tout, comme tu vois, rien ne manque dans ta guinguette. Que pourrait-ce être ? Tu es mal obéi, comme tu vois. Mais pour l'être par de jolies filles, il ne leur faut commander que ce qu'elles souhaitent. Taisez-vous, insolent, vous manquez de respect au maître garçon, c'est lui qui se mêle de cette affaire. Et nous l'endosserons l'Amour et moi. De Monsieur Kerpinot, et de Madame Pinterelle. Voilà qui est fait, je le veux bien, vous n'en ferez pas dédit, et la plus grande folie que la Folie puisse faire, c'est d'épouser le Dieu des ivrognes. Vous serez content. C'est le caractère des Musiciens de la Guinguette. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_LAVEUVE *date_1713 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_laveuve C'est ici le lieu du rendez-vous, et le Chevalier n'y est point encore. Hé, bon Dieu ! Madame, que faites-vous ici ? Quoi ! Toute seule à la Guinguette ? Je croyais qu'il n'y avait que moi dans le monde assez folle pour cela. Je crois l'être, je crois ne l'être pas ; ma folie me parait sage, la sagesse des autres me parait folie. Je ne connais personne sans ridicule, les uns plus outrés, les autres moins. J'ai les miens, j'en suis persuadée ; mais ils me font plaisir, et je craindrais de les connaître, de crainte de m'en corriger. Rien moins que cela, Madame, j'ai un entêtement insupportable ; je suis esclave des bienséances. La crainte de la médisance me tient dans une gêne, dans une contrainte effroyable. C'est mon ridicule ; je m'étais flattée que le veuvage me mettrait à portée de jouir un peu des douceurs de la vie, des petits plaisirs innocents que le commerce du monde peut fournir. Ce ne l'est pas chez moi. Il y a quinze jours que je suis veuve, et depuis ce temps-là, Madame, nulle satisfaction dans la vie, point de partie de plaisir. Il a fallu renoncer aux Spectacles ; plus d'Opéra ni de Comédie, pas de promenade même ; je n'ai de ressource qu'au Bal, parce qu'on s'y déguise, et quelquefois à le Ginguette, cela est sans conséquence. Oh ! Je suis bienheureuse qu'elle soit à la mode, et que ce plaisir-là n'ait point été connu quand on a fait les règles du veuvage. Hélas ! Si peu, Madame ; Je me refuse à tout, je n'y ai encore soupé que huit ou dix fois depuis quinze jours ; mais je n'étais encore jamais venue dans celle-ci. Compagnie ? Non. Dans l'état où je suis, il ne me convient pas de voir grand monde ; et pour ne point m'écarter des règles, je me réduis au tête à tête. C'est avec un jeune homme de Province, qui me recherche, et que je prendrai le parti d'épouser, je pense, non pas par amour ni par faiblesse, mais pour changer de nom ; celui du défunt me fait toujours souvenir de la perte que j'ai faite, cela est trop triste. C'est bien mon dessein. Voici le petit homme de Province. Nous nous aimons à la folie, et nous avons tous deux raison. Je n'attends pas seule, au moins Chevalier, et l'amant de Madame n'a ni plus de politesse, ni plus d'empressement que vous. Un amant de guinguette ? La jolie chose ! Il n'y a que celles-là de bonnes, mais on n'a que faire de dire d'où on se connaît. Oh çà, Chevalier, quand nous marierons-nous ? Son empressement me charme ; je me fais une idée si gracieuse de vivre avec lui. Madame ? Et vous êtes l'aîné, Monsieur le Chevalier ? Mais les aînés chez vous n'ont-ils pas tout le bien ? Allons, mon cher Chevalier, je me trouve bien partout où vous êtes. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_NERINE *date_1713 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_nerine Qu'est-ce que c'est, mes enfants, qu'y a-t-il de nouveau ? Vous voilà dans les réflexions dans les grandes phrases, poussez-vous les beaux sentiments ? Comment ? Que parlez-vous de désespoir ? Tu n'y songes donc pas, Lucile ? Un amant désespéré n'est propre à rien : ils sont rares, les amants, et il est important de les ménager, quand on en a de bons. Le grand malheur ! Tu l'en aimeras davantage. Voilà une sotte résolution, c'est une imbécile. Oui da, le premier mouvement pourrait bien m'inspirer quelque faiblesse, mais la réflexion vient au secours des personnes qui aiment ; et l'esprit sert à bien des choses, par exemple. Mon oncle vient de me défendre aussi de voir Clitandre. Très sérieusement. Pourquoi veux-tu que mon oncle soit plus raisonnable que ton père ? Ils sont associés pour leur négoce, ils ont voulu faire aussi société de caprice. Mon dessein ? Je viens d'envoyer chercher Clitandre tout à l'heure. Je n'y songe pas ? Il faut bien lui signifier l'ordre et les menaces que l'on m'a faites en cas de contravention. Lui faire bien voit toutes les conséquences qu'il y aurait de ne pas obéir. Afin qu'il m'ait plus d'obligation de n'en rien faire, et que la passion que nous avons l'un pour l'autre s'augmente par les difficultés. Chacun pense à sa manière ; mon enfant, voilà la mienne. D'aimer et d'être aimée : d'attendre, du temps et de la fortune, un changement à la nôtre ; mériter par la persévérance un bonheur que les obstacles auront rendu plus sensible. Oh ! Je vous réponds bien qu'elle sera pareille. Le père et l'oncle défendent de concert, il faut que la fille et la nièce s'entendent de même. Que je voulais vous parler. Non, je ne vous ferez pas ce compliment-là ; c'est le style de mon oncle, mais ce n'est pas le mien : et comme nous pensons différemment, cela fait que nous ne nous exprimons pas toujours de même. Cela est bien difficile à deviner ! Vous avez paru nous aimer, nous en avons paru contentes : le bonheur d'autrui leur fait peine, ils cherchent à le traverser. Je le crois bien, vous aviez un millier de pistoles à y dépenser, et vous n'en vouliez qu'à la cave. L'espèce vous manque, vous prenez à crédit, et vous vous attachez aux filles ; cela fait une grande différence, voyez-vous. Nous l'aurons par force ou par adresse. C'est ce qu'il faudra voir. Le temps et l'Amour travailleront pour nous. La Folie, soit. Nous ne nous défendons point d'être de votre domaine. Nous sommes encore d'âge à cela. J'aurai les mêmes égards pour mon oncle. Comment ? Ce que c'est que d'avoir du mérite, il ne manque jamais d'être récompensé. Ni mon oncle de grâce. Ne suffit-il pas de celui de Bacchus et de l'Amour ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_MADAMEPINTERELLE *date_1713 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamepinterelle Holà donc, doucement, tenez-vous, petit badin, ces sortes d'empressements-là sont trop marqués, un peu de modestie. Qu'il parle bien ! Qu'il s'exprime juste ! Un discours poli, bien soutenu ! C'est un homme de précaution, que Monsieur de Kerpinot. Le moyen de n'en pas être, il est si engageant. Il ne sait ce qu'il dit, ma chère, c'est délicatesse… Je ne veux devoir son engagement qu'à lui-même. Elle est assez grande, comme vous voyez. Je défère beaucoup à vos conseils. L'Amour et le Dieu du vin, voilà bonne compagnie. **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_LUCILE *date_1713 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lucile Je plains fort l'état où vous êtes. Ma situation n'est pas meilleure. Il faut bien s'y résoudre. Je ne vous dis pas cela, mon cœur dépend de moi, je vous l'ai donné, je vous le laisse, ma volonté dépend de celle de mes parents, je la soumets à ce qu'ils me prescrivent. Éraste, Éraste que le cœur souffre se s'assujettir au devoir ! Non, je n'ai pas lieu de m'en plaindre. Ce qu'on pardonne à votre sexe ; ne serait pas excusable dans le nôtre. Mais quel parti prendre, et quel espoir nous peut flatter ? Vous êtes homme de famille, vos parents se mésallieraient en consentant à notre mariage, mon père est un bon Bourgeois de Suresnes, qui vient de faire fortune dans son négoce, il ne veut point entrer dans une famille qui mépriserait peut-être la sienne. Ah ! Mon cher Éraste, que notre bonheur est éloigné ! Il y a de la folie dans votre proposition. L'Amour vous donne des idées bien extravagantes. Les idées folles déshonorent, et l'événement ne justifie point. Mon père vient de me défendre absolument de voir Éraste. Quoi, ru ne penserais pas comme moi ? Comment, par exemple ? Quoi tout de bon ? Ils se sont donné le mot apparemment. Et quel est ton dessein, Nérine ? Tu n'y songes pas vraiment. Vous voyez, Éraste. Je ne suis pas seule de mon sentiment. Mais, ma chère Nérine… Et quel objet te proposes-tu ? La Folie ? Pour moi, je ne sais pas ce que cela veut dire : mais en vous voyant, je me confirme tout à fait dans la résolution d'obéir aux lois de l'Amour, plutôt qu'à celles de mon père. Mais quels moyens mettre en usage… Ne laissez point entrer mon père, Madame, je vous prie. Le moyen de résister à leurs volontés ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_impromptusuresnes *style_prose *genre_comedieballet *dist1_dancourt_prose_comedieballet_impromptusuresnes *dist2_dancourt_prose_comedieballet *id_CLAUDINE *date_1713 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_claudine Hé vite, Monsieu, dépêchez-vous. Tout est au pillage dans votre magasin. Les portes se sont ouvartes d'elles-mêmes ; il y a je ne sais combian de garçons qui tiront le vin dans de grandes cruches, les broches tournent dans toutes les cheminées. Il est tombé dans la maison une nuée d'affamés qui feront la cuisine jusques dans le jardin, et ils disont comme ça, qu'il y en a encore davantage de l'autre côté de l'iau, qui s'apprêtont à venir faire comme eux. Venez mettre ordre à ça, s'il vous plaît. On ne sait auquel entendre, et ils mettront peut-être le feu à la maison, s'ils ne voyont parsonne à qui parler.