**** *creator_dancourt *book_dancourt_madameartus *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_madameartus *dist2_dancourt_verse_comedy *id_MADAMEARTUS *date_1708 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madameartus Faîtes la révérence à Madame. Voilà Cette charmante enfant, dont hier on nous parla, De qui l'oncle, à Paris venu pour quelque affaire, Et retourné depuis, a prié mon Notaire, Et parrain de sa nièce, homme de probité, De la placer auprès de gens de qualité, Chez qui son jeune cœur à la vertu s'instruise. Oui, j'aime aussi beaucoup l'art d'ingénuité. Enfin, le Notaire, homme habile, Et qui se voit forcé d'être toujours en ville, Pour cette aimable enfant vous demande à genoux, Auprès de moi, ma bonne, un asile chez vous : Il a chez lui des Clercs, mille gens y surviennent, Qui de mauvais propos quelquefois s'entretiennent, Une jeune enfant là ! C'est une charité De l'en tirer. Il ne vient point dans mon appartement, Et Massine ici-bas descendra rarement, La fille qui me sert, par mes leçons instruite, Se chargera du soin d'éclairer sa conduite. De préférence à tout, ce que je lui défends, C'est d'avoir nul commerce avec pas un des gens ; Cette défense-là n'est pas pour vous, Finette ; Avec distinction vous savez qu'on vous traite ; Vous me ferez plaisir aussi d'en avoir soin, Et de vos bons conseils de l'aider au besoin. Je vous en prie, Vous savez travailler à la tapisserie, Massine ? Allez dans mon bureau, (Ursule en a les clefs) en choisir un morceau, Je reviendrai bientôt, et verrai votre ouvrage. Je ne sais quoi qui plaît, une grâce, un maintien, Qui force en la voyant, à lui vouloir du bien. Elle n'est destinée à rien moins que cela, Finette, et mes conseils ne conduisent pas là. Si je ne vous aimais je serais bien ingrate : Et je m'imputerais à crime assurément, Si je vous donnais lieu d'en douter seulement, Cette tendre amitié dans mon âme affermie, Ne peut… Sans doute. Renoncer à trente ans ! Le moyen ! Mais la grande affaire est de s'associer bien : Pour cela, sur Éraste ayant jeté la vue, Nous en aurons, je pense une fort bonne issue. Il n'est pas là-dessus malaisé qu'on décide, Cela ne peut rouler qu'entre vous et Célide, Votre fille est aimable, elle a quelques appas ; Mais près de vous les siens ne me toucheraient pas : En cela je présume avoir quelque lumière, Ma mignonne, et je parle avec franchise entière. Cette sincérité doit régner entre nous, Votre fille est moins belle et moins jeune que vous. Chacun, en vous voyant de tant d'attraits ornée, En vous de la beauté croit voir la fille aînée. Les vertus qu'on vous voit pratiquer, Augmentent vos attraits, les font mieux remarquer : L'union des beautés de l'âme et du visage, Pour les cœurs délicats fait un bel assemblage. L'objet que vous avez, doit vous justifier. Si son cœur s'est donné par goût ou par hasard, Au don qu'il en a fait vous avez bonne part, J'en réponds. Hé bien ? Tant mieux. Qu'il vous aime ! Assurément. Son embarras… Il est allé chez lui m'attendre, et voici l'heure… Que je vais le charmer ! Oui, oui. Peut-on songer à tout ? Avec Monsieur Ludet vous êtes en affaires ? Laissez-nous, Si l'on a par hasard des mesures à prendre… Si je ne savais pas comme on doit se contraindre, Je ne pourrais de vous m'empêcher de me plaindre, Monsieur. Oui, Monsieur. Je n'en ai pas pour un, je crois en avoir mille, Vous me croyez, Monsieur, une femme inutile, Ou très peu disposée à vous faire plaisir ; C'est un bien dont il faut malgré vous me saisir ; Peut-être à m'en prier trouvez-vous quelque honte, Madame votre mère est prête à rendre compte ; Tous les biens du défunt à sa garde commis, Seront, quand vous voudrez, entre vos mains remis. On fait moins pour vous deux que vous ne méritez ; Et quand je fais du bien, mon cœur ne considère, N'a pour unique objet, que le plaisir d'en faire. Non. Pour vous, il faut que j'en rougisse, Monsieur, le vôtre au mien ne rend pas bien justice, Vous me voyez trop peu, pour juger en effet… Ah ! Cet éclat n'a rien qui me puisse toucher, Et de ce monde-là je voudrais m'arracher. On y travaillerait vainement entre nous ; Et c'est elle qui cherche à m'y rejeter. Ah ! Que mon faible cœur tient encore à la terre, Et dans l'aveuglement où je le sens plongé, Je crains que de longtemps il n'en soit dégagé. On ne réussit pas dans tout ce qu'on projette, L'amour propre au-dedans combat tous nos efforts, Et souvent la vertu ne règne qu'au dehors : Telle de notre sexe est l'erreur sans seconde, Qu'il n'offre guère au Ciel que le rebut du monde ; Ce n'est qu'à soixante ans que l'on songe à quitter Ce monde, où jusques-là on se plaît de rester. Est-ce là ce qu'on cherche avec un bon esprit ; On s'en passe aisément, à soi-même on suffit ; On peut, du vrai bonheur se faisant une étude, Jouir du monde ensemble, et de la solitude, Et s'unir à quelqu'un, qui légitimement Fasse tous nos plaisirs, tout notre attachement, Madame votre mère a cet objet en vue, Et je l'aurais aussi, pour peu qu'elle en fût crue. Je ne sais, Mais pour elle je crois ne pouvoir faire assez : Chacun a sa faiblesse ; elle veut que la mienne Autorise, ou du moins, fasse excuser la sienne : Quoique mon cœur résiste, et répugne à cela, Ma complaisance pour elle ira jusques-là, Je dois à ses bontés cet effort de mon zèle. Oui, c'est notre dessein. Moi ? J'ai trente-cinq ans, au plus, Vous ne me voyez pas du bon côté, Dorante. Je vous entends, parlons plus sérieusement ; Avez-vous pour objet votre établissement ? Par mes conseils votre mère s'apprête À vous mettre aujourd'hui tout son bien sur la tête, Si je fais tout pour vous, que ferez-vous pour moi ? Croiriez-vous que ce fût un trop grand sacrifice ? Hé bien ? Rien. Ce n'est pas d'aujourd'hui que ce projet m'occupe : Éraste, mère, sœur, tout en sera la dupe, Par mes soins, tout le bien dans vos mains tombera, Et nous leur en ferons la part qu'il nous plaira ; Prenez votre parti, Dorante ; je vous aime, Sans attendre pourtant que vous m'aimiez de même, Mais l'amour seul rend-il un mariage heureux ? Un rang ; un nom, du bien, voilà ce que je veux ; Assurons-nous tous deux celui de votre mère ; Profitez du faux pas que je l'engage à faire ; Mais il faut pour cela, vous unissant à moi, Que l'hymen aujourd'hui m'assure votre foi. Établissons nos droits, et puis laissez-moi faire. Oui, c'est elle, Monsieur qui me l'a proposé. Et moi, j'ai pour cela fait venir le Notaire, Je me sers dès longtemps de ce Monsieur Ludet, Et comme je voudrai le contrat sera fait. Adieu. Par un peu de retour, Dorante, efforcez-vous de payer tant d'amour. Un amant, moi ? Ce nom seul m'intimide, Monsieur. Dorante là-dessus se ménage bien peu. Quoique sur l'aveu de Madame sa mère, Il craint qu'à cet hymen vous ne soyez contraire. Vous savez à quel point pour vous je m'intéresse. Ce prix est un présent qui vous est destiné, Qu'on vous remettra tel qu'Éraste l'a donné. Vous le serez, qu'importe. Appuyez l'union de Dorante avec moi, Et de votre heureux sort fiez-vous sur ma foi. Voici celui qui doit faire notre bonheur. Oui, mon enfant. Hé bien, mon cher Monsieur Ludet, Avez-vous bien en tout suivi notre projet ? Dites ; nos deux Contrats ? Comment ! Tout de bon ? Je ne prends pas le change, il m'aime faiblement, Cette ardeur qui paraît si vive et naturelle, N'est qu'un empressement de sortir de tutelle. Par mes conseils en tout sa mère l'a contraint, Pour le réduire au point où je voulais qu'il vînt. Pas assez pour le laisser le maître. Ceux qu'il aura pour moi je les aurai pour lui, C'est promptement son bien que j'épouse aujourd'hui, Si vous avez suivi les ordres de sa mère… Le Contrat est fait d'une manière… Bon. Il s'agit maintenant d'avoir sa signature ; Et sans qu'il soit besoin d'en faire la lecture, Dès que vous lui direz que je les aurai vus, Elle a si peu d'esprit… Fi donc ; c'est une ridicule, À son âge épouser un jeune homme ! Ah vraiment, Il faut la corriger de cet entêtement. Qu'importe ? D'ordinaire Une bru n'est pas bien avec sa belle- mère. Mettez le tout sur moi, laissez-là quereller. Éraste est avec elle, Saisissez le moment… Ne faisons point marché, mon cher Monsieur Ludet, Avec quelque dessein j'ai pris votre filliole ; Je la marierai bien, croyez-en ma parole, À sa famille, à vous, il n'en coûtera rien, Monsieur Damis, notre oncle, est maître d'un gros bien. C'est un assez sot homme, espèce d »imbécile, Encore plus que sa sœur à gouverner facile, Je veux que de Massine il devienne l'époux ; Et vous faire épouser ma belle sœur à vous. Elle n'a qu'à vous plaire, Je vous réponds de tout ; allez laissez-moi faire, Le Contrat une fois par la mère signé, Par moi dans la maison tout sera gouverné ; Ce que jusqu'à présent ménage mon adresse, Je le ferai pour lors de plein droit, en maîtresse ; Et comme par vos soins mon projet s'est conduit, Je prétends avec vous en partager le fruit. Hâtez-vous donc, allez, et vous me reprendrez, On vient… Enfin, Monsieur, nous touchons au moment, Qui vous rend de vos biens le maître absolument. Ne me les cachez point, je les connais, Dorante, Monsieur Ludet m'a dit quelle ardeur diligente Chez lui dans le moment vous avait fait passer, Et signer le Contrat qu'il venait de dresser. Remettez-vous toujours de tout à ma prudence. Par vos soins complaisants si je suis soutenue… Quel bonheur ! Finissons. On peut compter sur moi, quand j'ai donné parole. Vous voyez, je n'ai rien oublié Pour gagner votre estime avec votre amitié, Et ce que nous allons être l'une à l'autre, Fera toujours céder mon intérêt au vôtre. Moi, vous trahir, ma bonne ! Cela ne me sera reproché de personne ; Mais sur votre dessein, de grâce, ouvrez les yeux, Vous verrez qu'en ceci l'on fait tout pour le mieux. Un peu moins de colère, Madame, je respecte en vous ma belle-mère, Je sais ce que de moi demande un nom si doux, Et suis déterminée à souffrir tout de vous. Je n'ai garde. Comment donc ? Qui vous fait vous oublier ainsi, Monsieur ? Hé quoi, Monsieur Ludet ? Ciel ! **** *creator_dancourt *book_dancourt_madameartus *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_madameartus *dist2_dancourt_verse_comedy *id_MADAMEARGANTE *date_1708 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madameargante C'est vous ? Vous n'étiez pas seule ici tout à l'heure. Quel train ! Finette, que je suis lasse de tout ceci ! Et que mes deux enfants me donnent de souci ! De trop de dureté son cœur est revêtu, Et je ne lui connais nul goût pour la vertu. Des gens de bien elle est effarouchée, Cette honnête personne, à qui depuis un temps Je dois tout le bonheur que je goûte céans ; Dont le sage entretien instruit, enlève, enchante. Ma fille en paraît mécontente, Et contre elle en secret murmure sans raison. Qu'elle veuille établir l'ordre dans ma maison ; Comme Monsieur mon fils contre nous révoltée, Nos occupations de nous l'ont écartée ; De nos moments perdus les emplois les meilleurs, Faire des nœuds, filer, lui donnent des vapeurs. Le monde seul l'amuse, et l'occupe et la tente, Et son cœur n'est point fait pour la vie innocente. Enfin Madame Artus, qui n'a point d'autre objet Que le bien du public dans tout ce qu'elle fait, La voyant attachée aux choses temporelles ; Et tout à fait sans goût pour les spirituelles, Peu contente d'ailleurs de vivre avecque nous, Veut de sa propre main lui donner un époux ; Mon frère s'est tantôt chargé de l'en instruire. Oh ! Ça, Finette, à fonds son âme t'est connue ; D'aucune passion n'est-elle prévenue ? En voudrais-tu jurer ? Dieu le veuille ! Je te crois. Cependant j'avais certain soupçon Qu'Éraste dès longtemps ami de la maison, Qui depuis quelque temps nous rend souvent visite… On m'avait dit qu'épris de son mérite, Il venait rendre hommage à ses jeunes attraits ; Qu'ils avaient même entre eux des entretiens secrets. Et conclusion est qu'il l'aime, j'en suis sûre. Il faut rompre le cours de cette passion : Par plus d'une raison je m'y trouve engagée. Oui ! C'est un composé de toutes les vertus. Ah ! Oui, les bons conseils, Finette, qu'elle donne ! C'est un esprit… un cœur… une âme… un jugement… Une… elle agit en tout désintéressement. Ce n'est point de ces vertus sévères, Qui des plaisirs permis font même des affaires ; Qui de n'en prendre aucun faisant profession, Par-là présument tendre à la perfection. On ne voit rien de faux, rien d'affecté chez elle ; Tout y coule de source, et pure et naturelle. Par ses conseils ; et c'est de quoi se récrier, Moi, fille et fils, ici tout va se marier. Oui, Finette. On a cru qu'attentive à ses seuls intérêts, Les miens n'étaient comptés pour rien dans ses projets ; Mais pour faire entre nous le bonheur de ma vie, Finette, il faut savoir ce qu'elle sacrifie. Quoi ? Plus qu'on ne peut penser. Au monde son dessein était de renoncer ; Et pour me rendre heureuse, elle-même y va prendre Des engagements… Ils pourront te surprendre. Mais en cela pour moi l'effort qu'elle fait, Part d'une amitié vive, et d'un zèle parfait. Autant que je le puis, je la prends pour modèle, Défère à ses conseils, et me forme sur elle. Je vais la retrouver. À ma fille, à mon fils, Ne parle point encore de ce que je te dis ; Je ne m'en suis moi-même expliquée à personne, À ta discrétion seule je m'abandonne. Adieu. Je trouble ici votre entretien, peut-être ; L'embarras que je vois me le fait trop connaître, Quelque doux entre amis que fût cet entretien, Trouvez bon, s'il vous plaît, que j'y mêle le mien. Malgré tous les chagrins que vous m'avez pu faire, Je vous aime Dorante, et vous suis bonne mère, Votre oncle vous a dû prévenir ce matin, Et vous dire que j'ai pour vous quelque dessein, J'espère être de vous contente dans la suite, Et que vous changerez d'humeur et de conduite. Votre oncle est comme moi, de vos meilleurs amis, Et c'est lui qui pour vous tantôt me l'a promis. Mon bois coupé, vendu, vos folles amourettes, Et le dérangement actuel où vous êtes, Tout cela dans mon cœur est autant d'effacer, L'espoir de l'avenir en bannit le passé ; Mais j'exige surtout de votre complaisance ; De faire attention à la reconnaissance Que vous devez avoir pour de certaines gens, Et de la leur marquer quand il en sera temps. De mes bontés, mon fils, faites un bon usage ; Je ne puis à présent m'expliquer davantage : Mais comptez que pour vous mon excès d'amitié, Par le choix que j'ai fait sera justifié. Vraiment de mes secrets vous êtes bien instruit, Monsieur. Oui vous avez raison, je vous le donnerai, Monsieur. Adieu, Monsieur. Quelle impudence ! Un fils m'oser parler avec tant d'insolence ! Ah ! Que j'ai bien besoin, Monsieur, d'un honnête homme Pour jouir de mes biens avec tranquillité, Et mettre à la raison cet enfant révolté. Si vous saviez quel choix mon bon goût m'a fait faire. Mon cher Monsieur… Entrez-y, Oui, vous. Mon fils vous considère : Vous étiez estimé, chéri de feu son père ; Enfin dans cette affaire, Éraste vous pourriez… Elle tournerait bien, si vous vous en mêliez. Ah ! Ne me faites point trop expliquer, de grâce ; Mais lorsque j'ai dessein de me remarier, Prenez sur vous le soin de me justifier. Vous avez de l'esprit, des amis, du mérite, Et vous seul pourriez faire approuver ma conduite. Non, Attendez. Demeurez, Et n'en parlez que lorsque vous le connaîtrez. Il fuit. Je cédais presque au transport de mes sens. Petit esprit bouché, qui n'entends pas les gens ! Mon trouble doit pourtant avoir frappé sa vue. C'est mon fils, qui toujours me donne du chagrin, Je ne sais qui lui peut avoir dit le dessein, Dont je t'avais parlé tantôt en confidence. Il m'a traitée… Il me donne la mort, Finette. Oui. Non. Il ne t'a rien dit ? La belle journée ! Non. Non, Finette. Mais, c'est Madame Artus, qui sort avant dîner. Je sais ce que c'est. Hé quoi, Finette ! Quelque chose de mieux est pour lui destiné. De mieux, te dis-je. Elle est belle, en effet, il faut qu'on en convienne. Je ne m'étonne pas qu'en vos mains on l'ait mise, On n'a pu mieux choisir. Vos conseils, vos vertus… Paix, taisez-vous, Finette. On la nomme ? Votre père ? Et votre famille est… Elle paraît avoir de l'éducation. Ce qui m'en plaît le plus, c'est sa simplicité. C'est même une nécessité, Vraiment. Elle a l'humeur bien douce, et l'air tout à fait sage. Laissez-nous un moment. Vous m'aimez, ma bonne, et je m'en flatte. Parlez-moi donc en véritable amie, Je vous ai confié le trouble de mon cœur, Vous avez approuvé son innocente ardeur, C'est par vos seuls conseils enfin que je m'engage, Dans les tendres liens d'un second mariage ; Le veuvage à trente ans est un terrible ennui, Et contre mes enfants il me faut de l'appui, Ce sont là les raisons qui m'ont déterminée ; Pour la société je sens que je suis née. Mais entrevoyez-vous qu'il ait de bonne foi, Comme je l'ai pensé, quelques desseins pour moi ? Vous êtes, je l'avoue, une aimable personne ; Votre sincérité me plaît si fort, ma bonne : J'en connais tout le prix, et c'est un fait constant, Qu'aujourd'hui mes miroirs m'en ont dit tout autant. Ah, fi donc ! Cet assemblage en moi par vos bons soins s'est fait ; Ma Bonne, allons, rendons votre ouvrage parfait ; Mon âme pour Éraste à l'amour engagée, De l'austère morale est un peu dérangée. Hâtons-nous par l'hymen de le rectifier. Tout ce que j'appréhende, est qu'Éraste peut-être… Ma Bonne, de son cœur s'il n'était plus le maître ? Je ne sais ce qu'il faut que j'en pense, Mais je dois vous en faire ici la confidence ; Il vient de me quitter, et par occasion… Sa présence me fait toujours impression ; J'ai, pour savoir si c'est ma fille ou moi qu'il aime, Voulu lui donner lieu de s'expliquer lui-même, Sans trop m'ouvrir… Pour un vrai soupirant Il parait bien discret ou bien peu pénétrant, Je l'ai vu comme moi dans une inquiétude… Il s'expliquait avec incertitude. Est-il vrai, ma bonne ? Je veux que l'on m'aime autrement. Vous savez sa demeure ? Que veut-on ? J'avais oublié net que j'eusse cette affaire. Non ; vous m'y descendrez, Et quand vous aurez fait, vous m'y trouverez. Vous n'êtes, il est vrai, qu'à demi bien instruit ; Et l'hymen de ma fille… N'est qu'un faux bruit. Oui, fort bien, vous avez, Monsieur, mal entendu, Il a parlé du mien, vous avez confondu. Comment ? Quoi ? Qu'est-ce à dire Avec ce fi, ma sœur ? Vraiment je vous admire ! Tous vos discours sont pleins d'une certaine aigreur, Il n'est pas malaisé de vous tirer d'erreur, Monsieur ? Comment ? Quoi, Monsieur ? Quoi ! Ma trahir ainsi ? Pour le mieux ? Quoi, perfide ! Vraiment, Je l'ai signé. La petite orpheline ? Hélas ! Suis-le en état de vous rien accorder ? Rien ne dépend de moi, cette méchante femme… Hé bien, pour m'obéir, soyez tous quatre heureux. À ce double hymen vous consentez, mon frère ? Madame je n'ai point de reproche à vous faire ; De mon faible pour vous voyez quel est le fruit ; Et sortez de chez moi sans éclat et sans bruit. **** *creator_dancourt *book_dancourt_madameartus *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_madameartus *dist2_dancourt_verse_comedy *id_DAMIS *date_1708 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_damis Serviteur, mon neveu. Je ne viens point vous faire ici de réprimande, Je vous ai quelquefois donné de bons avis, Et pendant quelque temps vous les avez suivis ; Ils vous ont ennuyé, vous changez de conduite, Elle est belle à présent, je vous en félicite ; Vous avez pour conseil vous et votre valet. Car tout autre conseil, que vous eussiez pu prendre, N'eût pas autorisé ce que je viens d'apprendre. Quoi ! Vous faites l'étonné ? Ce que de vous jamais je n'aurais soupçonné. Oui, je vous aurais pu passer toute autre affaire ; Mais oser dégrader le bien de votre mère, Pour quelque mille écus détruire en un moment Un Bois ! De son Château le plus bel ornement ! Votre dérangement est par là trop visible, Et ce trait doit vous faire une honte terrible. Ah ! Fi, Dorante. C'est le Fiscal du lieu qui l'écrit. Quoi ! Tout ce qu'il écrit serait-il imposture ? Non, jamais. Le Fiscal ne mande point cela. Mais enfin, sa faute n'est pas grande ; Ce bois, vous l'avez fait couper ? Il nous le mande. J'aime l'eau. Mais ce bois, il fallait l'étêter seulement. La vue… Dans la cuisine ? Dieu le veuille ! Et ce bois coupé, qu'en a-t-on fait ? Dites. Et l'argent ? Ah ! Mon pauvre neveu ! Quand deviendras-tu sage ? Ils ont tort l'un et l'autre. C'est donc toi ? Oui, je la vois ici s'ancrer de plus en plus. Cette femme, entre nous, me déplaît ; et je pense Qu'elle entretient céans la mésintelligence. Non, qu'on puisse excuser ce que vous avez fait ; Mon neveu, ce trait-là n'est point un joli trait ; Je voudrais le pouvoir rayer de votre histoire. On vous en donne encore un que je ne puis croire, Sur qui Madame Artus tout d'abord a pris feu : Au fond, s'il était vrai, ce ne serait pas jeu. J'ai contre ses soupçons rassuré votre mère ; Mais le Fiscal… Vous avez, écrit-il, fait le passionné D'une fort jeune enfant, que l'on nomme Rosette. Il parle aussi d'une promesse faite, Et remise par elle aux mains de ses parents. Ces gens-là seront en droit de vous poursuivre ; S'ils le font, cette affaire à des suites vous livre. Moi qui suis simplement votre oncle et votre ami, Avec qui votre cœur ne s'ouvre qu'à demi, J'aurais tort de vouloir entrer dans ce mystère. Voilà de vos secrets le grand dépositaire, À qui seul vous avez raison de vous fier. La fille est belle ? À vos feux comment répondit-elle ? Elle fut plus sensible ensuite, apparemment ? Et la famille Vous reçut… Comme avait fait la fille ? Ensuite, billets doux, et rendez-vous donnés ? Plaît-il ? … Puis, tous deux sûrs d'une égale tendresse… Et là-dessus, vous fîtes la promesse ? Écoutez, vous avez une tête à l'évent, Dont la vivacité pourrait enfin vous nuire, Et vous avez besoin de vous laisser conduire. Voici par où d'abord il vous faut commencer : À votre objet charmant songez à renoncer ; Qu'il ne soit point ici fait de mention d'elle, À moins que quelque exploit n'en apporte nouvelle. On va vous marier, c'est un fait résolu, Il faut que dans trois jours votre hymen soit conclu. Oui, vous, c'est une affaire faite, Je ne vous puis pas bien ici dire, entre nous, Quel parti votre mère aura choisi pour vous ; Mais je crois qu'il est bon, puisqu'elle vous le donne, Prenez-le sans murmure, ou je vous abandonne. Chez votre sœur je vais dans le moment, Pour lui faire à peu près un pareil compliment. De ma commission, ma nièce, je suis quitte, Mais c'est ici pour vous ma dernière visite. Oui, mon neveu, doucement. Tu jures de l'hymen où s'engage ta mère ! Rassure-toi ; Voilà ton prétendu beau-père. Pour avoir votre aveu nous nous rendons ici. On ne vous a point fait ici de contes vains, Cela m'a, comme à vous, causé quelque surprise ; Mais d'Éraste, il est vrai, votre mère est éprise, Il faut lui pardonner. Un mérite parfait A pu dans vos deux cœurs produire un même effet : Cela marque entre vous certaine sympathie, Qui d'Éraste avec elle est bien moins assortie ; De l'une de vous deux le mérite moins grand, Fait sur le cœur d'Éraste un effet différent ; Vous lui devez beaucoup pour cette préférence, Et je me suis chargé de la reconnaissance. J'étais tantôt mal prévenu : Mais de Madame Artus ce qui m'est revenu ; Le bizarre dessein qu'a formé votre mère, Tout cela m'a fait prendre un sentiment contraire. Éraste me paraît pour vous un bon parti, Et ma sœur en aura, je crois, le démenti, Contre ses sentiments s'il nous fallait combattre, Soit, vous, Dorante, Éraste, et moi, nous serons quatre. C'est mon opinion. Il comprend tout avant qu'on se soit expliqué. Ici près. C'est lui. Comment donc, mon neveu, vous avez compagnie ? La petite personne est vraiment fort jolie ; Et quoique un peu barbon, elle me plairait fort. Quoi ? C'est là… Tes feux par tant d'attraits sont bien autorisés. Près de moi, compte-les excusés. Cette jeune Rosette a des charmes puissants ; Dorante encor n'a fait que cela de bon sens. Non, demeurons au contraire, Et la félicitons des feux de votre frère. Apparemment. Vous pensiez en ce lieu rencontrer un amant, Madame ? Il est certains amants qu'on regarde en Époux, Tel mon neveu, rempli d'une heureuse espérance, De vos bontés pour lui nous a fait confidence. Il vous aime, et n'a pu cacher un si beau feu. Moi ? J'y donne les mains du meilleur de mon cœur. Nous savons tout, ma nièce. Nous vous laissons, adieu, ma nièce. Comment, Madame, encore avecque le Notaire ! J'ai bien sujet, ma sœur, de me plaindre de vous. Devons-nous donc avoir des secrets entre nous ? Et quand vous mariez Éraste à votre fille, Pourquoi n'en faire pas de part à la famille ? Vous unissez Dorante avec Madame Artus, Et de cette union je ne sais rien non plus ; Par votre ordre tantôt je leur fais des avances, Et l'on me fait à moi des demi-confidences. Hé bien. Quoi ? Vous me promenez de mystère en mystère ? Ce que je vous dis là, je le tiens du Notaire. Du vôtre ? Hé fi, ma sœur ! Sans doute. **** *creator_dancourt *book_dancourt_madameartus *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_madameartus *dist2_dancourt_verse_comedy *id_CELIDE *date_1708 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_celide Je n'en croirai, Monsieur, que mon dépit. Notre oncle… Ah ! Tant de dureté me révoltent enfin. Aux chagrins qu'on nous donne il faut mettre une fin. Je sais envers ma mère à quel devoir m'engage L'honneur, la bienséance, et mon sexe, et mon âge Mais à Madame Artus en aveugle obéir, Mon frère, croyez-moi, ce serait nous trahir. Oui, ma nièce, épousez, ou je vous abandonne. Notre oncle est un bon sot, qui fait l'homme important. De cette femme-là tâchons de nous défaire. Être fausse, Finette ! Et comment nous y prendre ? Songeons d'abord qu'ici l'on pourrait nous entendre. Mais quoi ? Dans tout ceci que veux-tu que je fasse ? Il n'est point question ici de plaisanter, Mon frère le temps presse, il faut exécuter, Ou rompons aujourd'hui tout net avec ma mère, Ou songeons aux moyens d'éluder sa colère. Le meilleur, dit Finette, est de temporiser, Je le crois, il s'agit de la désabuser ; Autant que nous pourrons, essayons de le faire ; Cette Madame Artus est une aventurière, Et dans le monde on peut, sans prendre tant de soins, De sa fausse vertu trouver quelques témoins ; Démêler quelle elle est, son nom, son origine, Sa conduite, ses mœurs, démasquer la coquine. Enfin, car c'en est une à coup sûr. Avec toute l'aigreur dont un cœur est capable, Je prétends l'éclaircir, moi. En un mot, comme en cent, Monsieur, mon pis-aller Sera de résister à l'hymen qu'on m'apprête, Et de ne faire rien qui ne soit à ma tête. Je sais jusques où vont les droits qu'on a sur moi, Et de Madame Artus ne prendrai point de loi. J'aime Éraste ; son père était ami du nôtre ; Vous me l'avez choisi, je n'en aurai point d'autre ; L'hymen est un lien qui doit durer longtemps ; Il faut, pour le former, que deux cœurs soient contents, Si le nôtre se fait de l'aveu de ma mère, Quel bonheur ! Quelque tempos s'il faut qu'il se diffère, Soit. Si pour le troubler quelque amant fait des pas, Je souffrirai qu'il parle et ne répondrai pas. C'est tout ce que je puis, mon frère, vous promettre, Et tout ce que ma flamme à mon cœur peut permettre. Dans tout ce que l'on fait chacun a sa manière, Nous pouvons bien aimer différemment, mon frère. Par le jeu, les plaisirs, vous êtes dissipé, Et votre esprit, de rien vraiment est occupé ; Pour moi qu'un seul objet saisit, occupe, enflamme, Je suis toute à celui qui règne dans mon âme. Hélas ! Ma mère, Éraste, est une étrange femme, Il faut, si nous suivions ce qu'elle a résolu, Ne nous plus voir. Éraste, je ferai toute la résistance Qu'à mon sexe permet l'honneur et le devoir. Hé bien, mon cher frère, ai-je tort de l'aimer ? Voilà comme je veux que l'on soit en m'aimant. D'où la connaissez-vous ? Dites. Je voudrais que ma mère entendît cette histoire. Mon cœur plus que jamais, sur ce choix révolté… Avec Madame Artus j'ai vu sortir ma mère, Ne peut-on se saisir de cette occasion, Finette, pour avoir quelque explication ? La curiosité qui me presse est si forte… Je n'y puis résister, j'en meurs. L'aimable enfant, Finette ? C'est mon frère, il est vrai : que puis-je ici pour vous ? Ensuite, s'il vous plaît ? Quel dessein a votre oncle, et quelle est votre attente ? Je vous réponds de lui. Nous vous le promettons. En la payant si bien, elle se doutera… Rentrons aussi, Finette ; De mon frère et de moi, quel que soit le destin ; Tâchons tranquillement d'en attendre la fin. Comment, Merlin ? Couper du bois encore ? Quelle tête à l'évent ? Vous m'accusez tantôt de trop de pétulance ; Et la vôtre à son tour se met en évidence. Vous êtes fou. Hé bien, soit, faisons grâce aux actions des autres, Et méritons par là qu'on fasse grâce aux nôtres. Ce mariage-là ne m'intéresse en rien, Ce qui doit nous toucher, c'est le vôtre, le mien. Vous, Éraste ? Mon frère ? En effet, celle-ci vous paraît peu commune. Ah, Monsieur, je vous pie, Sur ces matières-là, trêve de raillerie, Cet entretien me lasse, et devient ennuyeux. Et vous d'une manière aussi trop insultante. Éraste, en vérité vous êtes bien peu sage, De venir m'alarmer avec ce badinage ! N'avons-nous pas assez de nos propres chagrins ? Mon cher oncle ! Il n'est rien que du sien l'on ne puisse comprendre. Mais quels sont ses desseins ? Qu'en pouvez-vous connaîtrez. Comment donc ? Fort bien, j'entends, et c'est pour nous y servir mieux. Que pour vous de ma mère elle flatte les feux. La méthode est tout à fait nouvelle. De cette femme-là l'impudence est extrême. Oh ! Cette feinte-là ne m'accommode point. Voyons donc ? Et l'argent. Laissons-les et passons dans mon appartement. À cette aimable enfant ne faites point ce tort, Si, comme il doit, mon frère acquitte sa promesse, Mon oncle, vous voyez en elle votre nièce. Jugez-en, mon frère est interdit, Il se trouble… Je suis fort bien au fait, demandez à Finette. N'oubliez rien de tout ce qu'il faut faire, Paraissez tendre, ardent, tel que vous le voudrez, Et je prendrai pour moi tout ce que vous ferez. Il se livre un peu trop à l'espoir qu'on lui donne, La Madame Artus est une adroite friponne, Et quoique vieux routier, le Notaire en effet, En comparaison d'elle est fourbe imparfait. Sur ce que tu dis là j'ose me rassurer. Il faut nous retirer. Allons mon oncle. Que vous êtes méchant, mon oncle. Quoi ! Ma belle-sœur, vous, Madame, quel bonheur ! Même à quel prix, ma sœur. Mais serons-nous heureux de l'aveu de ma mère ? Il faut vous laisser faire. C'est le meilleur parti que nous ayons à suivre, Et sans réflexion, Madame, je m'y livre. Adieu, ma sœur. Ah ! Que dans tout ceci vous jouez un beau rôle, Madame ! Oui, mon frère. **** *creator_dancourt *book_dancourt_madameartus *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_madameartus *dist2_dancourt_verse_comedy *id_DORANTE *date_1708 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dorante Hé bien, Merlin ? Que j'ai de chagrins dans la tête ! Bonjour, que fait ma sœur, Finette ? J'irai dans un moment la voir. Je suis dans un chagrin qu'on ne peut exprimer. Ah ! Mon pauvre garçon, le diable est en campagne. Ma mère a reçu des lettres de Bretagne. Oui, elle a chez mon oncle envoyé ce matin ? Le prier que chez elle il voulût bien se rendre ; Et la Fleur m'a cherché partout pour me l'apprendre, Ils sont, je pense, ensemble avec Madame Artus. Merlin, que faire ? Le bois mort ? La ressource Aurait été pour moi fort belle ! Il faut s'attendre à tout. Qu'en sera-t-il ? Ma mère Fera grand bruit d'abord. Dans le monde elle me décriera, Et sa Madame Artus me tympanisera. C'est mon oncle, Merlin, dont je crains la colère : Il est bonhomme, il m'aime, et ses bontés pour moi. M'inspirent un certain respect quand je le vois. Ces manières, cet air, dont il prend chaque chose ; Il faut te l'avouer, sa présence m'impose. De tout ce qu'il me dit, Merlin, je suis touché ; Et tout ce que je crains, c'est qu'il ne soit fâché. C'est un trait d'une jeune cervelle. Comment ? Aucun. Me soupçonnes-tu de pouvoir l'oublier ? Vois tout ce qu'à ma mère il faut sacrifier. Pour n'être pas en tout tout à fait condamnable, Je m'éloigne à regret d'un objet tout aimable, Je sépare deux cœurs l'un et l'autre charmés : Je romps les plus doux nœuds que l'amour ait formés. Autant aimé qu'amant de cette aimable fille, Pour ne pas irriter contre elle ma famille, Notre hymen quelque temps aurait été secret ; Mais j'ai prévu qu'un jour ma mère le saurait ; Et forcé pour un temps de cacher ma tendresse… Qui, moi ? Si ma mère est instruite De l'ardeur qu'en mon âme un tendre amour excite, Toute ma crainte était qu'elle apprit cette ardeur, Je l'eusse encor longtemps renfermé en mon cœur. Mais l'éclat étant fait, n'ayant plus rien à craindre, Quand elle saura tout, à quoi bon me contraindre ? De son ressentiment quoi qu'il puisse arriver, Ce que j'ai commencé, je saurai l'achever. Rosette aura du bien, elle est sage, elle est belle, On ne peut condamner ma tendresse pour elle : Aux yeux de l'univers j'en ferai vanité. Oh ! Sans cela je sais à quoi je dois m'attendre. Ma mère a, tu le sais, des comptes à me rendre ; Elle remet toujours ? Je souffre en attendant, Et n'en aurai, je crois, de raison qu'en plaidant. Autant que je le puis, je combats, je diffère : Que dira-t-on ? Un fils plaider contre sa mère ! Mon cœur frémit, s'étonne, et répugne à cela ; Cependant, malgré moi, il faut en venir là. Voici mon oncle. Mon cher oncle, bonjour. Plus je connais qu'il m'aime, et plus je l'appréhende. Hé ! Quoi, mon oncle ? Je le voulais ainsi. C'est un morceau, mon oncle à vous surprendre. Mais… Mon oncle… Cet homme est contre moi vivement acharné. Oui. Ah ! Mon cœur à vos yeux va s'ouvrir tout entier. Mon cher oncle, souffrez qu'avec pleine assurance, Je mets en vos bontés toute mon espérance. Oui, j'adore l'objet qu'on vous a désigné ; Pour vaincre mon amour, je m'en suis éloigné. J'ai craint que de ma mère Un hymen clandestin n'irritât la colère. Paix, tais-toi. Adorable. Oui mon oncle. Assez bien. Fort souvent. Très sûrs. Qui n'eût fait comme moi ? Nul objet si charmant Ne mérita jamais un tendre attachement ; Le cœur bon, l'esprit doux, belle et plus sage encore. Elle m'aime, mon oncle, autant que je l'adore ; Et depuis mon absence elle est dans un Couvent. Renoncer à Rosette ? Moi ! Mon oncle ? Quel coup ! Que dis-tu de cela, Merlin ? On briserait les nœuds dont je suis attaché ! Entre tes mains, Merlin, je mets ma destinée. J'ai promis de passer chez ma sœur. Ma sœur ? Je ne condamne point, ma sœur, votre pensée. La proposition doit vous avoir blessée, J'entre dans vos raisons. Je sais que vous aimez ; Par mon aveu vos feux ont été confirmés, Éraste est mon ami. Sur l'aveu de sa mère J'ai cru pouvoir aussi compter sur cette affaire ; J'aurais porté mon oncle à la lui proposer. Lui-même à d'autres nœuds il vient vous disposer : Il n'est instruit de rien ; c'est un homme facile, Qui voudrait de bon cœur qu'ici tout fût tranquille ; Qui croit de bonne foi, qu'un établissement, Quel qu'il soit, à tous deux convient également, Que vous et moi serions charmés d'un mariage, Qui pourrait nous aider à sortir d'esclavage, Sans savoir quels partis on nous a destinés, Bon ou mauvais, n'importe ! Allons, dit-il, prenez, Ces partis-là sont bons, car ma sœur vous les donne. Il m'en a dit autant. Elle gâte ma mère. Il faut faire, ma sœur, ce que Finette dit : Dissimulons un temps. Voyons quelle mesure entre nous on peut prendre. Mais que veux-tu que j'entreprenne, moi ? Fais ce que je ferais, Merlin, si j'étais toi. Officieux, ardent, et zélé pour mon maître… Peut-être. Oui, ma sœur, Suivons bien tout cela, mais avec moins d'aigreur. Qu'elle est raisonnable ! Et qu'elle connaît bien l'art de dissimuler. Parbleu, ma chère sœur, tu nous obliges fort, Et ton cœur fait pour nous un violent effort. C'est Éraste. Bonjour, mon cher ami ; la rencontre charmante ! Oui, ma mère à ma sœur propose un autre époux, Mais je vous réponds d'elle, assurez-moi de vous. Non, tout de bon, ma sœur. Non. Et oui, Madame Artus. Nous pourrons quelque jour la détromper, peut-être. Elle pourrait fort bien l'entendre, et n'en rien croire. Hé, ma sœur ! Tu pourrais ! Cette nouvelle a droit de t'étonner très fort ; Tu ne l'attendais pas, j'en suis sûr. Pour moi, je l'avouerai, je n'y puis rien comprendre, Et ton valet de chambre aura pu se méprendre, Madame Artus voulait t'entretenir chez toi ! Avec elle tu n'as point de commerce ? Plût au Ciel ! Il faudrait saisir l'occasion ; De tes feux pour ma sœur lui faire confidence, Et sur mon fait aussi très humble remontrance ; Lui dire qu'en ceci je me trouve vexé, Et que je ne vaux rien quand je suis trop poussé ; Lui mettre aux yeux le sort des gens de son espèce, Mais tout cela pourtant avecque politesse. D'un air doux tu peux t'expliquer, toi, Et faire retomber tout l'impoli sur moi, Je l'y prends volontiers. Je suis si fort outré d'être encore en tutelle… Qu'est-il arrivé ? Je parie Que je devine. Qu'elle se remarie. Parbleu, c'en est trop pour le coup, Madame Artus. La surprise n'est rien, je suis outré, j'enrage, Et ferai quelque coup de ma tête. Je me ferai raison de cette malheureuse. Je souffre tout cela trop impatiemment, Et brûle d'en venir à l'éclaircissement, Je ne sache de pis rien qu'on puisse me faire, Et vais… Quoi ? C'en est fait : Du devoir, dans un cœur bien né, quel est l'effet ! Ah Ciel ! Madame, en ce discours je ne veux pas entendre Ce que vous paraissez avoir peine à m'apprendre : Il faut, vous le savez, pour payer un bienfait, En connaître et le prix, et la main qui le fait. Ma sœur et moi, tous deux ne cherchons qu'à vous plaire, Et lorsque nous saurons quel choix auront pu faire Les gens officieux qui s'en mêlent pour nous, Nous rendrons grâce aussi des soins qu'on prend pour vous. La raison, le devoir, le respect, la tendresse, À n'en pas être ingrats nous invite et nous presse. Je ne les fais que sur un simple bruit. Mais quand pour nous, Madame, on songe au mariage, Il est bon que l'exemple à ce nœud nous engage. Et là-dessus, moi, je me réglerai, Adieu, Madame. Il faut te laisser faire. Fort bien. Ne sais-tu point si ma mère est rentrée ? Tout le monde est content. Et moi seul je ne puis venir à bout de l'être ; Ne me trouves-tu pas fort dédommagé Des soins et des respects ; et des égards que j'ai ? Pour qui ? Pour une mère, à qui cette coquine A fait prendre un dessein qui me perd, me ruine : Dessein depuis longtemps entre elles concerté, Et, que sait-on, déjà peut-être exécuté. Quelque pied-plat sera donc mon beau-père ? J'y suis bien résolu, Merlin, je le ferai. Dans cette intention demain je partirai, Si je n'en reçois point aujourd'hui de nouvelles ; Ou bien, si j'en reçois qui me confirment celles Par où l'on mande ici qu'elle est dans un Couvent, Nous irons l'en tirer. Voici ma sœur. D'accord, je le suis en effet, De ma mère, ma sœur, le mariage est fait. Je verrai sans chagrin qu'un jeune fat, un rustre, Peut-être de mon bien jouisse, et qu'il m'en frustre ! Que le Ciel… C'est vous, Éraste ? Éraste, vous raillez. Je m'y perds, et je ne sais qu'en dire. J'avais compté sur vous comme sur un ami. Oui, c'est pousser les gens. Comment ? Que trop ! Voilà, je vous l'avoue, une grande coquine. Ma mère, de sa part, je gage en donne autant. Je le pense de même. Il faut en avertir ma mère. Où donc ? Le beau talent ! Il loge ! On le nomme. Monsieur Ludet est honnête homme, Je le connais très fort, j'ai lieu de m'en louer, Et ceci me surprend, il le faut avouer. Nous faisons fort souvent des affaires ensemble. Oh ! Parle haut, je n'ai point de secret Hé, qui ? Vous voyez bien. Dormez en assurance, Vos mille louis sont en lieu de connaissance, Il vient pour me parler d'affaires, apparemment. Bonjour, Monsieur Ludet ; quel sujet vous amène ? Demandez à Merlin, j'étais de vous en peine, Depuis un mois entier je ne vous ai point vu, Je pense. Comment faire ? À moins que d'en voler, je ne puis à présent, Que par votre moyen trouver un gros argent ; Et s'il faut qu'une fois votre secours me manque, Mon cher Monsieur Ludet, serviteur à la banque, J'ai de bonne foi, de l'honneur, et du bien. Paix… Là-dessus puis-je me reposer ? Cette somme-là me mettrait à mon aise, Si je l'avais à huit pour cent. Fi donc ! La charitable femme ! Tout à fait. Oui. Comment ? Voyons, Monsieur…à l'aimable Rosette. Merlin, c'est la promesse, Hélas ! Que j'avais faite : D'où vous vient ce papier, mon cher Monsieur Ludet ? En quel trouble… Si je la lui tiendrai, Monsieur, je vous le jure, Rien ne m'est plus cher qu'elle. Hé, je vous en conjure, Dites, est-elle ici ? Quand puis-je la revoir ? Rien ! C'est mon plus cher espoir, Et malgré les égards que je dois à ma mère, Comptez… Hélas ! De mes désirs vous flattez les plus doux, Mais pour y réussir que faut-il que je fasse ; Parlez. Voyons d'abord Rosette. Où diantre tout ceci pourra-t-il nous mener ? Non, j'ai peu de commerce avec les Notaires, Madame. J'entrevois-là pour moi quelque sot entretien : Mais tout coup vaille, allons, je m'en tirerai bien. De moi, Madame ? Hé, de quoi ? Quel sujet auriez-vous de vous plaindre de moi ? À cet heureux projet je n'osais pas m'attendre, Il vient de vous. Que j'ai de grâces à vous rendre ! Ma sœur, ainsi que moi, sensible à vos bontés… Votre cœur est un cœur tout à fait généreux, Et nous ne pouvons trop nous en louer tous deux, Madame. Il est vrai, mais j'en crois les récits qu'on en fait. Sur leur sincérité mon estime se fonde, Et votre vertu fait tant d'éclat dans le monde… La retraite vous plaît ; le monde a pu vous plaire ; Si vous pouviez, Madame, en dégoûter ma mère. Vous, Qui paraissez au monde avoir juré la guerre ! Je regardais cela comme une chose faite. D'y rester si longtemps quand on a la manie, On n'a pas sur la fin trop bonne compagnie. Vous ne l'en croirez pas, Madame ? Vous faites peu pour nous, de faire tant pour elle : Mais enfin, puisqu'au gré de ses intentions, Vous avez pris déjà vos résolutions ; Ce doit être sans doute une même journée, Que pour ce double hymen vous avez destinée. Mais quoi, Madame Artus ? À votre âge ? Ma foi, si vous voulez, vous n'en avez pas trente ; Mais sans vouloir entrer dans le détail des ans, Quoique jeune, souvent on a vécu longtemps. Des filles quelquefois, dès l'enfance connues, Sont en âge nubile à peine parvenues… Oh, oui. Sans être trop habile, en cela je conçois Ce que vous voudriez, Madame, que je fisse. Tout le bien de ma mère est quelque chose. Mais Éraste et ma sœur, qu'en auront-ils, eux ? Tant de bonté m'engage à la reconnaissance, Madame, et quoique j'aie un peu de répugnance À tromper à la fois et ma mère et ma sœur, Et même mon ami ; comme de votre cœur, L'exacte probité m'est tout à fait connue, Je crois que vous n'avez que la justice en vue, Et sitôt que l'hymen nous aura joints tous deux, Nous en userons bien l'un et l'autre avec eux, Madame, vous et moi, devrons tout à ma mère. Mais notre hymen est donc par elle autorisé ? J'y consens, et n'ayant pour but que de lui plaire. Sur votre habileté Dorante se repose, Et laisse à vos bontés le soin de toute chose, Adieu, Madame. Je vous l'avoue, une étrange personne : Voyons Monsieur Ludet. Je fais ce qu'il m'ordonne ; Et des feux que Madame Artus a dans le cœur, Avertissons Éraste, et mon oncle et ma sœur. Merlin ne revient point, et ma peine est extrême : Mais, que diantre, pourquoi ne pas aller moi-même, Lorsque de tout mon sort il faut être éclairci ? Ne perdons point de temps… mais Ciel ! Que vois-je ici ? Adorable Rosette ! Je vous retrouve donc ? Ah ! Je n'ai jamais moins mérité cette injure. Ingrat, moi ! Tu connais ma pensée, et le fond de mon cœur, Finette ? Mais comment, par quel sort vous ici chez ma mère ? Oui, ma chère Rosette, Tombe sur moi du Ciel le plus ardent courroux, Si d'un autre jamais vous me voyez l'époux. Je le jure, et l'espère. Votre oncle… On ne m'avait jamais parlé de lui, Et je ne le connais que pour tel d'aujourd'hui ; J'ai reçu sa parole, il ; faut qu'il me la tienne, Et dans le même instant je vous tiendrai la mienne. Ah ! Jamais il ne fut de plus vives amours. À de cruels adieux mon cœur n'eût pu suffire. Vous m'eussiez fait rester, et je devais partir Pour ôter les soupçons que ma mère eût pu prendre. Finette ? De grâce. Mais de Madame Artus qui vous fait donc dépendre ? Moi ? Demeurez, c'est ma sœur. Ma sœur, qui vous en a tant dit ? Oui, mon oncle, il est vrai ; c'est l'aimable Rosette. Flatté d'un tel aveu, j'espère… j'appréhende… Hé bien. Tout ira bien, ma sœur, il faut le laisser faire, Monsieur Ludet saura persuader ma mère ; Et son zèle, sur qui l'on peut se reposer, De la Madame Artus veut la désabuser. De vos mille louis il est dépositaire, Il en va, mon ami, découvrir le mystère. Avec Madame Artus si j'ai dissimulé, C'est lui, ma chère sœur, qui me l'a conseillé. Ah ! Ce Monsieur Ludet est un homme adorable, Qu'à votre oncle, qu'au mien je serai redevable. Assurément, Il est chez lui, j'y cours, et ne suis qu'un moment, Suis-moi. C'est le moindre bonheur qui m'ait flatté, Madame ; Un autre objet m'occupe, et cause dans mon âme Des transports malaisés à vous bien exprimer, Et qu'au fond de mon cœur j'ai peine à renfermer. Sans en rien voir, pour vous telle est ma confiance. De grand cœur. Plût au Ciel, que dans tous mes projets Vous me fissiez toujours avoir le même succès ! Nous finirons demain. Nos projets, mon cher oncle, ont l'aveu de ma ère, Sa main vient dans l'instant de signer mon bonheur, Et d'assurer celui d'Éraste et de ma sœur. Ce nom seul met un frein à votre pétulance ! Ah ! De ces vains respects, Madame, on vous dispense. C'est trop vous tenir en suspens, Allons, Madame Artus décampez de céans : Pardonnez-moi d'oser ici parler en maître ; C'était pour l'en chasser que j'aspirais à l'être. M'oublier, moi ? Vite, sortons d'ici ; Ne vous le faites pas dire deux fois, Madame. Ma femme, elle ? Non, non, voilà l'objet charmant Avec quoi votre aveu, mon amour, tout m'engage, Et de qui vous avez signé le mariage. Ah ! Demeurez toujours la maîtresse, Madame, Vous obéir sera le plus doux de nos vœux. **** *creator_dancourt *book_dancourt_madameartus *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_madameartus *dist2_dancourt_verse_comedy *id_ERASTE *date_1708 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_eraste Je croyais vous trouver dans votre appartement, Madame, et je passais à celui de Dorante. Bonjour, Merlin… Bonjour mon aimable Finette En vous trouvant tous quatre assemblés, je souhaite Que rien de chagrinant n'en soit la cause. Quoi donc, Madame ? Parle. Par où lui puis-je avoir déplu ? Si j'ai, sans son aveu, pris des soins pour vous plaire, J'avais, vous le savez, celui de votre frère. Feu Monsieur votre père était ami du mien, Je suis jeune, établi, j'ai quelque rang, du bien. Et vous m'aviez flatté d'une ardeur réciproque, Peut-elle ?… Ah ! Douter de ma foi, c'est me faire une offense. Vous me rendez l'espoir. Et quel est ce rival qu'à mes vœux on oppose ? Ah ! Pour ravir le bien auquel j'ose aspirer, Je le sais, l'univers entier peut conspirer ; Jamais tant de beauté, jamais tant de mérite, D'une foule d'amants n'attira la poursuite. Madame, vos attraits brillent de trop d'éclat, Croire seul les connaître, était un attentat : Ils ont percé la nuit de votre solitude. Je souffre, mon ami, le tourment le plus rude… Le trouble de mes sens ne se peut exprimer ; Ciel ! Hé bien, Finette, dis, me voilà rassuré. Dorante, N'allez pas me manquer ? Contre mon attente, S'il arrivait… J'ai votre foi, Madame. Que vous serez à moi. Dis, j'écoute. Silence, Eh bien je saurai… Ah ! Pardonne à mes sens, de crainte prévenu ; Finette, parle enfin, les voilà revenus. Cette femme si fausse ? À quel point votre mère est dupe là-dessus ! Plût au Ciel, comme moi, qu'elle pût la connaître, S'il ne faut qu'un témoin pour la tirer d'erreur… De l'avoir vue. Je ne l'ai pas suivie avec attention, Je sais bien qu'autrefois on l'appelait Marton ; Et toute jeune encor ; mais façon d'intrigante, Elle eut l'art de trouver quelque accès chez ma tante. Ma tante par caprice, ou je crois par pitié, Sur la fin de ses jours la prit en amitié, Et dans son testament elle pria mon père De vouloir agréer qu'elle fût légataire Pour environ, je crois, quatre ou cinq mille francs ; Un Suisse l'épousa, qui mourut sans enfants : On dit qu'il lui laissa quelque rente pour vivre, Les parents du défunt voulurent la poursuivre, Un jeune Financier qui l'aimait à l'excès, Fournit abondamment aux dépens du procès. Ce procès dura peu, quelques gens s'en mêlèrent, Pour elle au Rapporteur des coquettes parlèrent ; L'affaire fut jugée : et les Suisses, dit-on, Perdirent leur procès, quoiqu'ils eussent raison. Non, je l'ai depuis vue encore par-ci par-là, Changeant souvent de nom, tantôt prude, ou coquette, En mêlant l'air du monde, et l'air de la retraite ; Parfois en brocard d'or, souvent en linge uni, Logeant presque toujours dans un Hôtel garni, Depuis quatre ou cinq ans, je la perdis de vue. Sa beauté dans le monde a fait peu de fracas, Et sans le testament, moi, je ne saurais pas, Ce que je vous dis là, ni ce qu'elle peut-être. Non, d'accord. Moi ? Nul. Je l'ai vue ici quelquefois, sans paraître Me ressouvenir d'elle pour la connaître ; Pour elle, elle m'aura sans doute reconnu ; Et craint qu'en sa faveur assez mal prévenu, Je ne fasse peut-être à Madame ta mère Son portrait tel qu'ici je l'ai tantôt pu faire : C'est ce qui m'a frappé l'imagination. Tu fais là le projet d'un joli compliment, Mais dis-moi les moyens d'en sortir poliment ? Avec civilité lui donner à comprendre, De ta vivacité ce qu'elle doit attendre ? Es-tu fou ? Hom ! La bonne cervelle ! Fort bien ! Dans le moment nous sommes convenus Qu'il faut dissimuler avec Madame Artus, Des projets qu'elle fait ne point marquer d'alarmes, Et la combattre même avec ses propres armes, Pour en venir à bout c'est le plus sûr moyen ; J'en réponds, et tout autre à coup sûr ne vaut rien. Ainsi, mon cher ami, je te demande en grâce, Supprime pour un temps et révolte et menace, À votre oncle ta sœur écrit dans le moment, Et s'excuse d'avoir reçu bizarrement La proposition qu'il est venu lui faire ; Il n'en aura rien dit encore à votre mère ; Je passerai chez lui, quand j'aurai su pourquoi Cette Madame Artus veut me parler chez moi, Pour ton propre intérêt tâche de te contraindre, Et peut-être bientôt seras-tu moins à plaindre. Point de nouveau transport. Achève. Cela te surprend donc beaucoup ? Sois sage ; Mais d'où sais-tu, Merlin, ce que tu nous dis-là ? Dis. Et Finette sait-elle Sur quel heureux mortel ce beau choix tombe enfin ? Elle me veut parler. Cela me fait penser… Mon ami, contrains-toi, de grâce. Vous avez toujours eu mille bontés pour lui, Et vous ne devez pas en manquer aujourd'hui. Ce bruit de votre hymen le surprend et l'assomme. Vous pourriez là-dessus, Madame, avoir des vues, Qui par certains conseils peut-être soutenues, Pourraient mettre chez vous de la division, Sans vous donner beaucoup de satisfaction. L'esprit, la raison vous éclaire : Je crois qu'assurément vous aurez bien choisi, Et ne veux point entrer là-dedans. Moi ? M'en mêler ? Mais comment ? Que faut-il que je fasse ? S'il ne tient qu'à cela, Madame, de bon cœur, Du choix que vous ferez, je serai le prôneur ; Et sans savoir qui c'est, ni comment on le nomme, Je vais dire partout que c'est un galant homme. Adieu, Madame. Non, mon zèle pour vous se ferait moins paraître, Et j'en dirai du bien sans le vouloir connaître. Mon ami, point tant d'emportement. On me vient de promettre sa foi. Non, félicitez-moi. Vous opposerez-vous à ma bonne fortune ? Vous ne me connaissez, Dorante, qu'à demi, Pour vous, Madame, il faut… Vous la prenez aussi d'un ton trop sérieux. Êtes-vous fou, Dorante ? Y songez-vous, Madame, et devez-vous penser Qu'en cela mon cœur puisse un moment balancer ? Qu'à l'amour, au devoir, à l'amitié perfide, Je me manque à moi-même en manquant à Célide, L'objet de mes désirs, et dont jusqu'au trépas, J'ai fait vœu de chérir, d'adorer ses appas. C'est sur Madame Artus qu'il faut compter. Le mauvais cœur ! L'indigne créature ! Elle tient cependant le nœud de l'aventure ; D'elle, si je l'en crois, nous serons bien contents ; Mais peut-on se fier à ces sortes de gens ? Vous savez ce que fait pour elle votre mère. Elle m'en a parlé d'une manière, Avec un mépris… Non, ces cœurs lâches, ingrats, Ces caractères-là ne se comprennent pas. En vous quittant j'allais tantôt chez moi l'attendre, Votre mère, en passant, m'a lâché quelques mots, Sur son projet d'hymen tenu quelques propos, Qui m'ont fait entrevoir que pour ce mariage, Madame Artus sur elle avait pris le message, Avec ce soupçon-là je suis sorti d'ici, Et j'ai demeuré peu sans en être éclairci ; Madame Artus arrive, et sans aucun mystère, Me parle du dessein qu'a pour moi votre mère ; Mais avec des discours, et des traits mordicants, Une noirceur, des coups de langues si piquants… Plus grande mille fois qu'on ne se l'imagine ; J'ai contre elle dans l'âme une indignation, Qu'il faut pourtant cacher dans cette occasion. De fourber votre mère, et nous-mêmes, peut-être, La malheureuse n moi lui promet un époux, Et me promet à moi de me servir pour vous. Nul de nous ne lui fait confidence, Elle a de notre amour entière connaissance. Justement. Nous pouvons de ses soins tout espérer, dit-elle ? Mais il faut les payer mille louis comptant. Doucement, Nous serons peu de temps sans voir le dénouement, Je dois, pour assurer le succès de l'affaire, Amuser quelque temps Madame votre mère ; Feindre beaucoup d'amour pour elle, c'est le point. J'en souffrirai cent fois plus que vous, je vous jure. Mais enfin il faut voir la fin de l'aventure. Monsieur me l'a donné, Et dans le même instant nous l'avons consigné. Entre les mains d'un des adroits Notaires, Qui paraît fort stylé pour ces sortes d'affaires, Et que Madame Artus nous avait indiqué. Monsieur Ludet. Je t'en ai quelquefois ouï parler, ce me semble. J'aurais dû voir Madame votre mère. J'attends… **** *creator_dancourt *book_dancourt_madameartus *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_madameartus *dist2_dancourt_verse_comedy *id_MONSIEURLUDET *date_1708 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurludet Ce n'est point à moi qu'il a tenu, Monsieur ; mais comme enfin les sommes pas vous dues À plusieurs créanciers, seront bientôt échues, Et que de leurs billets ils m'ont fait le porteur, J'ai cru devoir, étant votre humble serviteur, Vous dire que bientôt il serait nécessaire… On veut être payé sans délai. Oui, je sais qu'avec vous on ne hasarde rien, Et vous n'avez manqué jamais à vos paroles ; On vient de m'apporter un millier de pistoles, Dont en votre faveur je pourrai disposer. Oui. On en veut seize. C'est un argent, je le puis attester, De la main dont il vient, qui vous doit profiter, Quoi que vous en payiez, prenez-le toujours. Celle Qui le prête, n'en prend que cinq pour cent pour elle, C'est pour des charités qu'elle prend le surplus. Ne la trouvez-vous pas une honnête personne ? Dès longtemps je connais ce valet, Et crois que vous n'avez pour lui rien de secret. Là, là… De tous vos billets voulez-vous être quitte ? Voilà celui qu'il faut acquitter le premier. Apprenez que Rosette est ma nièce, Que sa mère m'a mis en main cette promesse, Il vous faut nettement expliquer entre nous : Parlez, lui tiendrez-vous parole ? L'aimez-vous ? La revoir n'est rien. Laissez-moi donc ménager cette affaire, De ma nièce aujourd'hui je vous rendrai l'époux. Tout aujourd'hui, contraignez-vous de grâce, Je ne demande pas un quart d'heure de plus ; Affectez d'approuver en tout Madame Artus, Elle a pour un dessein qu'elle n'a pas pu me taire, Des propositions bizarres à vous faire, Elle tremblait d'abord à vous en faire part : Et c'est par mes conseils qu'elle en court le hasard, Ne vous défendez point de ce qu'elle projette ; C'est l'unique moyen… Non, Madame Artus veut vous parler, la voilà, Pour devenir heureux, il faut passer par là. On vous servirait mal de vous en détourner. Dans l'instant j'allais monter chez vous, Et disais en passant à Monsieur… Dans votre appartement je m'en vais vous attendre. Les voici l'un et l'autre ; Mais le plus avancé, Madame, c'est le vôtre. Chez moi Dorante, amant passionné, A passé dans l'instant, le contrat est signé. Je n'ai vu de mes jours à mon âge Avec tant de transports signer un mariage : Oh ! Ce jeune homme-là vous aime horriblement. Vous l'aimez. En sentiments de cœur si je me sais connaître… De tout point. J'ai réglé celui-là sur son intention, Pour l'autre, il est dressé selon la vôtre. Oui, mais Madame Artus, Ne vous faites point quelque petit scrupule De la tromper ? Qu'elle va vous haïr. Mais, moi, de tout ceci, comment me démêler ? Souvenez-vous en bien. Et pour prix de mon zèle, Qu'aurai-je, moi ? Chacun doit être satisfait. L'offre est avantageuse. La générosité ne peut plus loin s'étendre. C'en est fait, tout va bien, notre affaire est conclue, Votre mère a signé, nous avons pièce en main. De la façon que les choses sont faites, L'erreur de tout ceci n'est que celle où vous êtes. C'est celle de Célide et ce n'est pas de vous, Qu'Éraste par contrat se trouve être l'époux. Je n'ai fait dans toute cette affaire, Rien que Madame Artus ne m'ait chargé de faire ; Et mille louis d'or qu'en mes mains on a mis, Du tout qu'elle vous fait, doivent être le prix. Je vais vous expliquer comment cela s'est fait. Ils étaient l'un et l'autre engagés par promesse, Et j'ai suivi leurs feux parce qu'elle ma nièce. **** *creator_dancourt *book_dancourt_madameartus *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_madameartus *dist2_dancourt_verse_comedy *id_FINETTE *date_1708 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_finette Bonjour, Merlin. Est-il jour ici ? Il n'a pas été nuit ! Tu plaisantes, peut-être. Ton maître… Tout de bon ? Le petit débauché ! Hé, que dira Madame, en apprenant la chose ? Elle ? Bon ! Quoi ? Madame, avec sa régularité, Est cause que son fils… Je le crois ; pour sa fille elle l'est presque autant. Mais revenons au fait. Tu me dis que c'est elle… Hé ! Contre lui, dis-moi, que veux-tu qu'on prépare ? Fort aisément. Ah ! Tout cela, Merlin, n'est qu'une bagatelle : Pour lui, bien autre chose occupe ma cervelle. Cette Madame Artus, à qui si bonnement Madame en sa maison donne un appartement ; Qui depuis quelques mois, de son esprit maîtresse ; La loue à tout propos, l'applaudit, la caresse ; Et qui, pour gouverner ici tous les esprits, Flatte jusqu'au Portier, jusqu'au chien du logis ; Sous cet air de vertu qu'on voit bien qu'elle affecte… Ma maîtresse de même ; Elle est, comme son frère, en une peine extrême. Jeune, bien faite, aimable, et pleine d'agréments. Dans l'âge le plus propre à faire des amants, Et d'ailleurs riche assez pour être bien pourvue ; On prétend qu'elle n'ait que la retraite en vue ; On fait, pour l'y porter, jouer mille ressorts. Il faudrait, comme vous, aller souper en ville. Oh, non ! Et c'est cela qui m'en fâche le plus, Cette Madame Artus a pris ici racine. On n'y croit, on n'y fait que ce qu'elle imagine : Son faux esprit céans s'est impatronisé, Au point de n'en pouvoir être dépaysé. Il n'y faut pas penser, à moins que de sa grâce, Le diable, qui l'y mit, quelque jour ne l'en chasse. Voici ton maître. Elle voudrait bien vous parler, Monsieur, Je venais de sa part ici vous en instruire. Je vais lui dire. Fort bien. Quand une mère agit par elle-même, Sa volonté doit être une règle suprême : Mais quand son faible esprit se laisse gouverner, On peut, je ne veux pas dire, se mutiner : Mais en de certains cas, un peu de résistance Ne passe pas toujours pour désobéissance ; On distingue la chose ; et le cas échéant, Pour la mère, respect, pour son conseil, néant. Le bon chemin n'est pas celui que vous prenez ; Il faut suivre, je crois, des sentiers détournés, Avec Madame Artus si l'on fait guerre ouverte, Quelques projets qu'on fasse, elle les déconcerte, C'est enfin le grand art qui la soutient ici ; Elle est fausse, avec elle il le faut être aussi. Pour vous, Monsieur Merlin, Le Ciel ne vous fit pas le fourbe le plus fin  Mais aussi pour le gros de la friponnerie, Vous excellez. : Je le veux, il suffit. Non, n'appréhendez point que nous soyons surpris ; Madame Artus, là-haut après son bouillon pris, Sur un grand canapé se tranquillise à l'aise ; Et Madame à l'instant vient de sortir en chaise ; Nous pouvons consulter en toute liberté. J'enrage. Comment, Mademoiselle ? En un tel embarras, Le désespoir au cœur, vous ne remuez pas ! Quelqu'un vient. L'heureux amant ! C'est cela peut-être qui la choque. Voire même un peu plus. Ce n'est point un rival seul. Que vous avez raison tous deux ! Mais dans votre âme Rétablissez le calme, et puis je vous dirai… Le pauvre garçon ! Ça vous saurez donc… Hé, non, Monsieur. Écoutez donc. Il faut que vous sachiez… Rien ; car je perds patience. Quelle vivacité ! Quel enragé d'amant ! Éraste est bienheureux, si vous aimez de même. Nous sommes donc, Monsieur, en une peine extrême, Ne vous informez point du nom du prétendant, Nous ne le connaissons point du tout : cependant On veut (il faut qu'il soit de mauvaise défaite) Qu'avant de l'avoir vu nous en fassions l'emplette, Ce marché-là n'est pas bien prêt d'être conclu ! Mais pour le rendre net, nous avons résolu D'écarter de céans certaine aventurière, Qui conseille la chose à Madame leur mère. Non, ce n'est pas assez ; Madame en sa faveur Depuis un certain temps est par trop prévenue. Ce que vous savez d'elle, enfin se borne là ! Le portrait en est beau : mais il n'est point flatté. S'il vous plaît, beaucoup de patience, Et pour mes bons conseils, un peu de confiance : Avant qu'il soit deux jours, et j'en suis caution, Madame Artus ici redeviendra Marton. Le portrait que Monsieur vient de faire, Devrait seul détromper Madame votre mère, Mais outre que de nous il paraîtrait suspect, Devant elle, il ne faut parler qu'avec respect De la Madame Artus, exalter son mérite : Discours… Sauf à changer de style dans la suite. On vient c'est votre mère. Adieu, dans un moment Je vous rejoindrai tous dans votre appartement. Ah ! Vous la danserez, Madame Artus, je meure. Non, Madame, Merlin parlait à des Marchands, Qui pour être payés, font un peu les méchants. Mais sitôt qu'ils vous ont entendue, Par le petit degré la troupe est descendue. Passe pour votre fils : mais pour Mademoiselle, Je ne vois pas sur quoi vous vous plaindriez d'elle. C'est de quoi je la trouve uniquement touchée, Pour moi. Madame Artus ? De votre part, Madame, il est venu lui dire ; Et si je puis juger par ce que j'en ai vu, Nul compliment jamais n'a été mieux reçu. Elle ! Fi donc, Madame, en conscience, non. Cent fois pour une, bon ? Si j'avais à cela vu la moindre apparence, Je vous en aurais, moi, d'abord fait confidence ; Et près d'elle je crois n'être que pour cela. Madame, croyez-en ce que je vous dis là, À servir deux amants quelque fruit qu'on recueille, J'ai de la probité, le cœur droit. Éraste ? Des entretiens secrets ? C'est une médisance ; Ils ne se sont jamais parlé qu'en ma présence, Et sans même penser qu'on les remarquerait ; Mais tout ce qu'ils disaient n'avaient rien de secret. Je ne réponds de rien : mais elle, je vous jure, Ne fait pas à ses feux la moindre attention. Votre fille à vos lois sera bientôt rangée : Son jeune cœur réglé par mes conseils en tout, À ce que vous voulez sans peine se résout. Contente de mes soins, et sûr de mon zèle, De vous à moi, je suis Madame Artus pour elle. L'une en tout par la main vous mène et vous conduit, L'autre de même en tout me consulte et me suit. Ah ! Que vous êtes bien toutes deux gouvernées ! Bon Dieu ! Sous quelle heureuse étoile êtes-vous nées ? Le Ciel exprès pour vous a fait Madame Artus. Elle est si bonne amie, et si sage personne ! Sans doute. Quoi ! Vous marier ? Vous, Madame ? Ah ! Que Madame Artus est une brave femme ! Quoi donc, Madame ? Quels ? Je sais me taire. Fiez-vous sur cela. Jamais secret n'a tant pesé que celui-là. À saisir les conseils le bonne Dame est prompte. En hâte à ses enfants courons en rendre compte. Madame, qu'avez-vous ? Vous voilà bien émue ! Au moins, ce n'est pas moi, Madame, en conscience. Hélas ! D'avec vous, c'est Éraste qui sort. Mais ce n'est pas lui qui vous a chagrinée ? Rien. Oui, de tout le Printemps, c'est un des plus beaux jours ; N'irez-vous point tantôt vous promener au cours ? L'on met vos chevaux. J'ai cru que pour emplette, Vous pourrez ressortir ce matin. Bon dieu ! L'aimable enfant qu'on lui vient d'amener ! Un air modeste et noble, une taille charmante, Des yeux vifs, bien fendus, une bouche riante, Un teint, des couleurs… tout en charme, tout en plaît. Jamais nulle beauté n'a… Je voudrais que ce fût ce que je m'imagine. Quoi ? La bru qu'on vous destine, Dorante assurément serait bien dégoûté, Si son cœur n'était pas sensible à sa beauté ; Et quelque peu de bien qu'ait une telle fille, Elle conviendrait bien pour un fils de famille. À Dorante, pour moi, j'ai d'abord soupçonné… De mieux ? Oh ! Je vous en défie ; Mais en tout cas, de peur d'être mal obéie, Cachez bien celle-ci, je vous en avertis. S'il la voit, votre mieux lui paraîtra le pis. Mais la voilà, qu'ici Madame Artus amène. Et l'exemple… C'est là ce qui frappe le plus. La peste ! Qu'elle est drue ? Et que les filles là sont de belle venue. Quelle ingénue ! Oui, mais ici, soit dit sans vous déplaire, Il est un Clerc plus Clerc que tous ceux du Notaire : Dorante. Elle ne paraît pas avoir… Cette orpheline-là bientôt sur ma parole, Dans le monde galant jouerait un joli rôle. Je sais de vos conseils quel fruit il faut attendre, Et si vous lui donnez ceux qu'on vous a vu prendre, On peut bien espérer qu'un jour assurément, La sublime vertu… Volontiers. Rien, Madame, c'est la Fleur, Il dit qu'on vous attend chez votre Procureur, Pour régler certain Bail qu'aujourd'hui l'on doit faire. Oh ça, Madame Artus, si j'en juge à la mine, Vous êtes la maman de la jeune orpheline, En la prenant ici vous avez vos desseins, Et plus bêtes que vous sont étrangement fins… Ne puis-je point, avant que l'entreprise éclose, De vos nobles projets démêler quelque chose ? Célide à qui je viens de raconter le fait, Brûle aussi de savoir ce que c'est en effet ; Et la moindre démarche ici qu'on vous voit faire… Et moi donc ; je n'en eus de mes jours de la sorte. Je n'en puis plus. À tout hasard, montons chez la Madame Artus. C'est elle, la voilà. Ah ! Par ma foi, voici quelque nouvelle affaire. C'est cette jeune enfant que votre frère adore. Oui, je vous en réponds : mais commencez d'abord À nous dire en deux mots d'où, comment, par quel sort Madame Artus, si fort contre vous déchaînée, Vous a dans ce logis elle-même amenée ? Mon esprit là-dedans se perd de plus en plus. Sachons… Il faut en savoir long. Ah ! Que cette nouvelle a bien fâché Dorante ! Vous revoir ; quelle joie, et quel ravissement ! Oh ! Vous n'en mourrez point, j'en juge à votre mine. Peste, quelle orpheline ? Mais j'ai certain scrupule, En descendant ici, qu'avez-vous fait d'Ursule ? Je crains tout ; et de peur d'accident, je vous prie, Retourner travailler à la tapisserie, Si de ceci l'on a du soupçon seulement… Oui, mais ce n'est pas là ce que l'oncle projette. Nos affaires, Merlin, vont être dans leur crise, Puisque Madame Artus de ton maître est éprise, Éraste avec la mère à demi marié… De tous ces incidents qui se fût défié ! C'est de quoi nous n'avons encor nulles nouvelles, Et nos Dames, je crois, n'ont choisi que pour elles ; Les amants ont aussi choisi de leur côté ; Et par ce choix le leur sera déconcerté. Va donc vite. Il est bon à ce que j'imagine, De prendre langue avec la petite orpheline : Dorante ne sait point encor qu'elle est ici, Et j'étais engagé au secret… La voici. Hé bien ? Laissez-la s'en flatter, son erreur est extrême. Et c'est ce dont il faut vous bien donner de garde. Il faut, ma belle enfant, en avoir pour vous-même : Je vous assure, moi, que Dorante vous aime, Votre oncle à cet hymen feint de donner les mains : Mais, et Dorante et lui, sans doute ont leurs desseins, Ne vous alarmez point mal à propos. Il est cruel : d'accord, j'entre dans votre peine, Oui, mais ce n'est encor qu'un soupçon qui vous gêne ; Et je voudrais attendre à savoir en effet… Vous êtes trop vive, et trop peu raisonnable. Et c'est là ce qui doit vous rassurer. Je gage Qu'avec deux mots Dorante apaisera l'orage, Il vient, et vous rapporte un cœur passionné. De mon mieux, Monsieur, je la rassure. Assurément. C'est le fond le meilleur… On vous en instruira, ce n'est pas là l'affaire : La voilà, c'est assez. Il s'agit seulement De lui renouveler, et par un bon serment, La promesse par vous déjà ci-devant faite, Et de tenir parole. Qu'il vous le dise donc, de grâce, en abrégé, Et prenez pour un temps l'un de l'autre congé. Si de descendre ici Madame Artus s'avise, Et qu'avec votre amant vous y soyez surprise ; On vous a fait tantôt de certaines leçons, Et les suivre si mal donnerait des soupçons, Qui dans l'état présent où je vois les affaires, Aux projets que l'on fait pourraient être contraires, Remontez s'il vous plaît, à son appartement. Adieu. Eh non. On n'a pas maintenant le temps de vous l'apprendre. L'on vient, sauvez-vous. Voici Merlin. Vous devez moins que tous en avoir du souci, Mais retournez là-haut, et nous laissez ici. Le Notaire en ceci vivement s'intéresse, Il s'en tirera bien, et Rosette est sa nièce. Chut ! Madame Artus vient. Madame Artus donne dans le solide, Et l'amour à ses yeux n'offre plus rien de doux. Après le Contrat fait, que Madame Dorante Se souvienne toujours que je suis sa servante. Quoi ! Dès le premier jour traiter ainsi sa femme ! **** *creator_dancourt *book_dancourt_madameartus *style_verse *genre_comedy *dist1_dancourt_verse_comedy_madameartus *dist2_dancourt_verse_comedy *id_MERLIN *date_1708 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_merlin Ah! Quel peste de train ! Quelle condition ! Puisse tomber du Ciel la malédiction, Sur qui m'a fait quitter ce fermier du domaine, Où j'ai vécu trois ans, si bien payé, sans peine, Pour être le valet d'un jeune libertin ! Passe encor, s'il était tout à fait orphelin. À quinze ans, il perdit beaucoup de perdre un père : Mais que diantre, à vingt-cinq a-t-il besoin de mère ? Et quelle mère encore ? Il n'y faut pas songer. Enrageons avec lui, puisqu'il faut enrager ! Il est bon diable au fonds ; et si ce qu'il projette Peut réussir... Bonjour, Finette. À notre appartement, quel bon vent te conduit ? Jour ! Il n'a pas été nuit. Je ne plaisante point, je te dis vrai. Oui, mon maître, Dorante ici n'a point couché. Tout de bon. Oh ! Qu'elle la fait bien ! Elle en est cause. Je dis la vérité. Est-il rien de mal fait que le fils ait pu faire, Qu'on ne doive de droit imputer à la mère ? C'est pour nous l'animal le plus persécutant… Hé oui, pour être en droit de nous chercher querelle, Sachant que nous soupions hier au soir chez Chéret, Soit haine pour son fils, ou pour le cabaret, Par quel bon motif qu'elle ait été conduite, De ce que nous faisons, elle est toujours instruite. Mon maître, instruit aussi de ses intentions, Contre ses bons desseins prend ses précautions… Bon enfant, dont pourtant j'ai sujet de me plaindre, Au milieu du souper, il s'avise de craindre Qu'on ne ferme la porte ; et de peur d'accident, M'envoie presque à jeun lui faire, en l'attendant, Dans sa chambre du feu, préparer sa toilette, Dire qu'au moindre bruit que fera la sonnette, Le Portier attentif vienne dans le moment, Pour n'éveiller personne, ouvrir tout doucement. Je pars, je cours, je viens, j'arrive, et donne l'ordre : La mère comme un dogue, attentive à nous mordre, Me voyant rentrer seul, et sans Monsieur son fils, Fait bonnement fermer la porte du logis. Les clefs par le Portier sous son chevet portées, Longtemps entre elle et moi sont en vains disputées ; On me force à céder : nous nous trouvons alors Enfermés, moi dedans, et mon maître dehors, Faute d'avoir soupé, j'en enrage. Mon maître Vient et sonne, au Portier parle par sa fenêtre ; Le Portier bien fâché, lui rend compte de tout, Mon maître à découcher sans chagrin se résout ; Et sûr de retrouver, ou ses amis à table, Ou de quelque baigneur le secours charitable, Sans prévoir contre lui ce qu'on prépare ici, Il va boire d'autant, ou dormir sans souci. Ce qu'on pourra de pis. Sa mère est une avare, Qui, pour ne lui pas rendre aucun compte des biens Que son père a laissés, cherche mille moyens ; Qui, pour le décrier, d'un rien se formalise, Blâme tout ce qu'il fait, quoiqu'elle l'autorise, Et ne lui donnant pas un sol pour subsister, Fait un vacarme affreux quand il ose emprunter. Elle-même à faillir lui présente l'amorce : Il s'en saisit parfois, il est vrai ; mais à force De nous donner sujet de manquer au devoir, D'avoir tort avec nous, on nous le fait avoir. D'accord. Puis, on voit dans le monde Un fils dans le désordre, une mère qui gronde, Qui dit qu'il ne vient point coucher à la maison ; Enfin, le fils a tort, et la mère a raison. Oui, cette masque-là comme à toi m'est suspecte, Et depuis qu'elle s'est introduite en ces lieux, Nos affaires, crois-moi, n'en ont pas été mieux. Je m'en aperçois bien. Mais on ne l'a point fait encor coucher dehors ? Mais ne pourrions-nous point faire une ligue utile, Pour écarter d'abord cette Madame Artus ? Je vous attends Pour vous coucher, Monsieur, depuis assez longtemps, Votre robe de chambre, elle est là toute prête : Allons, venez. Ce n'est pas sans sujet. Comment ! Parlerait-on de vous faire enfermer ? Quoi ? Tant pis. Nous sommes mal. N êtes-vous certain ? Autant vaut être bien battus que mal battus. Attendre avec patience, Et remettre au hasard toute sa confiance. Quel bruit ! Quel tintamarre ! Au fonds nous avons tort. Il ne fallait, Monsieur, couper que le bois mort ; Je vous l'avais bien dit. Notre bourse, Fut d'abord mieux garnie, en mettant tout à bas ; Maintenant elle est vide, et vous dans l'embarras. Il faut la laisser faire, C'est bien dit. Elles ne feront rien que de fort ordinaire. Il le sera, Monsieur, la crainte est légitime : Mais le bois abattu n'est pas un si grand crime, La Terre un jour doit être à vous ; et l'action D'en jouir n'est qu'un droit d'anticipation, Dans le fonds. Oui, mièvreté d'un fils lassé d'être en tutelle. Allez, le mal n'est pas bien grand, à mon avis. Et l'on a pu mander quelque chose de pis. N'avez-vous point de reproche à vous faire ? Le mauvais cœur ? La petite fermière, Hem ? Mais la fille de vous a certaine promesse ; Et l'on dit qu'à Paris sa mère a des parents, Qui, s'il fallait plaider, sont de terribles gens. Si par hasard, Madame en quelque nouvelle, Auprès, le bois coupé n'est qu'une bagatelle ; Et peut-être est-il bon que de vos beaux exploits, Les nouvelles ici viennent tout à la fois. Qu'en pensez-vous ? Ah ! Fort bien ; vous voilà, Monsieur, déshérité. Vous pouvez la plaider sans scrupule et sans honte, Mais de son bois coupé, Monsieur, tenons-lui compte. Ah, ah ! Nous allons voir beau jeu. ! Oh ! J'étais bien surpris, si je n'avais mon fait. Hé bien, je l'avais deviné. Que quelqu'un du pays, mal intentionné, Aigrirait contre vous Madame votre mère, Et donnerait un tour mauvais à cette affaire. Ces paysans bretons sont les plus mal appris ! Voyez, vouloir brouiller la mère avec le fils ! Tout coup vaille, le fils et la mère, il n'importe, C'est être bien méchant d'en user de la sorte. Le Fiscal ! Ce Fiscal-là, Monsieur, est un franc animal. Parce qu'on l'a rossé pour certaine aventure… Non. Vous n'avez jamais été à Kerkameau, Monsieur ? Non ? C'est l'endroit le plus beau, Depuis ce bois coupé ; car auparavant, zeste ! C'était un vilain trou. Maintenant, malepeste ! Le beau lieu ! Apprend-t-on rien de bon jamais par ces gens-là ? Ce sont des… Couper ? Oui, mais… savoir à quelle intention ! Voyez-vous, cela part de mon invention ; Et si l'on a mal fait, j'en conviens, c'est ma faute. Kerkameau le Château, Monsieur, est à mi-côte, Pas tout à fait pourtant, mais il est en bon lieu ; Le bois en question le resserrait un peu. Les arbres fort touffus s'élevaient jusqu'aux nues, Et partant le Château n'avait aucunes vues. Il en faut, le fait est de savoir d'un Château Ce qui plaît mieux à voir, ou des bois, ou de l'eau. Nous aussi, c'est la grande manière. On découvre à présent des prés, une rivière, Qui lentement coulante, arrose un vert gazon ; Puis des coteaux lointains perdus dans l'horizon ; Et la vue autrefois de toutes parts grimpante, Du côté de ce bois est maintenant plongeante. On n'en eût eu que dans l'appartement. Oui ; mais moi qui raffine, J'ai cru qu'il en fallait jusques dans la cuisine. Bon ! Dans la cave à présent. En haut le coup d'œil plonge ; en bas, il est rasant ; Je vous suis caution qu'il a de quoi s'étendre : Allez. On l'a fait enlever à forfait, Il n'en reste, Monsieur, aucun morceau sur terre, Et l'endroit est tout prêt pour y faire un parterre. Par vos mains cet argent a passé : Rendez-en compte, allons. Il est placé. Oh ! Nous en avons fait, Monsieur, un bon usage. Il l'est ; mais quand l'argent lui manque … cela fait Qu'il ne le paraît pas tant qu'il l'est en effet. Nous dépendons, Monsieur d'une mère bien dure. Oh ! Non, je vous assure. Non, Monsieur, c'est la Madame Artus. Voici la petite Fermière. Haie, haie. Ma foi, ces Écrivains sont de vilaines gens. Par mes conseils, au moins. Oui, oui, c'était assez d'avoir coupé son bois : Il se faut bien garder d'en trop faire à la fois. Volontiers, Monsieur. Ils parurent d'abord la toucher faiblement. Motus, Monsieur. On vous veut tirer les vers du nez. Le terme est un peu court. Qui, moi, j'admire L'heureux jour qui pour vous se prépare de luire, Votre mère vous offre un parti de sa main ; Son amitié pour vous se réveille en son sein. Bénissez comme moi, votre heureuse planète, Tout vous est pardonné, le bois coupé, Rosette.. Je vous en trouve quitte encore à bon marché ; Voyons d'abord quel est ce parti qu'on propose, On peut gagner du temps, et différer la chose, Il arrive souvent par hasard, que fait-on ? Sur tout ce qu'on voudra garder de dire non. Sans que j'en prenne soin, vous l'aurez fortunée. Allons-y. Mais du moins attendons que l'oncle soit sorti. Il n'est pas traître : il nous l'avait bien dit, Que certain compliment qu'il avait à vous faire, Était un peu bizarre, et ne vous plairait guère. Justement, c'est la phrase. Il hait Madame Artus. En moins de rien, Madame, elle peut vous l'apprendre. C'est une illustre, au moins. Fi donc ! Point de cajolerie. L'auguste conseil ! Ça, vive la liberté, D'abord Madame Artus céans nous tyrannise. Primo, réglé qu'il faut lui faire lâcher prise… Des rats contre le chat est ici le complot ? La grande affaire fut d'attacher le grelot. Allons, Mademoiselle, et vous, Monsieur, courage. Finette, qu'est ceci ? Tout se tait. Et vous ? Ah ! Si j'étais, Monsieur, à votre place, Morbleu… Ah ! Le mauvais valet que j'aurais-là ! Depuis assez longtemps on n'a point eu l'honneur De vous dire combien l'on vous est serviteur. Oh, non. On vous veut seulement défendre la maison ; Mais ce ne sera rien, Monsieur. C'est bien autre chose. Non, par ma foi, Madame. Voilà ce qui s'appelle aimer, Monsieur. La peste, En amour avec lui, nous aurions notre reste. Et nous, Monsieur, jamais nous ne l'avons connue. Ah ! Sur votre récit nous devions la connaître. Voici de quoi tous deux nous réjouir très fort. Madame votre mère… Quoi ? Vous l'avez dit. Finette par elle instruite de cela, Nous en vient d'apporter la première nouvelle, Et j'accours vous la dire. Mais c'est apparemment quelque jeune blondin, Comme Madame Artus est une connaisseuse… Que de noces ! Parbleu, nous allons bien danser, Pour nous mieux réjouir il serait bon, je pense, Que la Madame Artus fut la première en danse. Sauve qui peut. Voici notre mère. Ne vous inquiétez en aucune manière, J'aurai l'œil bien à tout. Avec Monsieur votre oncle Éraste est à présent, Et lui fait, je le crois, quelque conte plaisant ; Moi, qui suis curieux, n'en pouvant rien comprendre, Lassé de les voir rire, et de n'y rien entendre, Je vous suis venu dire ici tout doucement, Qu'ils y seraient aussi tous deux dans un moment. Apparemment, Monsieur, car je l'ai rencontrée Avec Madame Artus, dans un air de gaieté, Et le carrosse allait bon train de ce côté. Ou tâche à le paraître. Oui, da. Hé, donnez-lui pour bru la petite Fermière. Vous partirez devant, En voyageant tout seul l'embarras sera moindre ; Quand le coup sera fait, moi, J'irai vous rejoindre. Allons, faisons-lui nos adieux. L'amour nous fait quitter ces lieux Et dès demain matin nous allons en Bretagne. Non, battre la campagne, Errer en chevaliers, et forcer un Couvent, Le tout par désespoir. Voilà ce qui tantôt, Monsieur, les faisait rire, Et je crois qu'entre nous, il en faut rire aussi. Et Finette, et Merlin, sont-ils comptés pour rien ? Fort bien ! Monsieur ! Il voudrait vous parler. Monsieur Ludet. Monsieur… Hé ! C'est Madame Artus : Parbleu, Monsieur Ludet, vous nous la baillez bonne ! Non, je suis de Monsieur confident ordinaire, Moins bien payé, mais plus discret qu'aucun notaire ; Nous avons fait, depuis que de nous il se sert, Tous trois, mainte sottise ensemble de concert. Monsieur Ludet est homme de mérite. Si cela se pouvait, Monsieur, sans rien payer… On aura peu d'argent, Monsieur, sur ce billet. Je vous quitte la place, et ne suis pas si bête, Monsieur, que de troubler un si beau tête à tête. Ces Dames ont bon goût ; et c'est la même Lune Qui gouverne, je crois, le cerveau de chacune. Mais ne saurions-nous point quel amant suranné, À ta jeune maîtresse elles ont destiné ? Il n'est pas malaisé, dans cette concurrence, De deviner quels choix auront la préférence. Mon maître est pour le sien entêté diablement ; Et chez Monsieur Ludet m'envoie en ce moment. Monsieur Ludet vous mande ; Que jusques à la fin vous vous tranquillisiez, Et de tout sur ses soins que vous vous reposiez.