**** *creator_dancourt *book_dancourt_vendanges *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendanges *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LUCAS *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lucas Oh çà, Margot, tu étais avec notre nièce. Morgué, dis donc ? Depuis queuques jours à qui en a-t-elle ? Elle enrageait d'être fille, elle n'avait pas tort ; elle avait la rage d'être mariée, on la marie, et elle enrage encore : il faut qu'elle soit bien enragée, cette créature-là. Pargué tu me feras plaisir, car je n'y entends goutte. Bon, palsanguenne, est-ce que rien me fâche, dis. Hé pourquoi, malheureuse ? N'est-ce que ça ? La vela bien malade ! Oh, pour ça, Margot, vous êtes une ingrate ; car je remercie tous les jours notre Curé de m'avoir marié, moi. Je ne me moque point, vous êtes une fort jolie femme, Margot, mais vous n'êtes pas bonne. Tu me fais toujours queuque pièce, et stanpendant ça ni fait rien, je t'aime assez comme ça ; je t'aimerais trop si tu étais milleure, et les maris qui aimont trop leurs femmes, ne s'en trouvont pas mieux le plus souvent. Tiens, Margot, ta mauvaise himeur me fait queuque fois plaisir, le diable m'emporte. Pargué, c'est mon métier de le faire venir, Margot, il faut bien que j'y songe, il est bien raisonnable que j'en boive. Oh, pour ça, Margot, ce n'est pas ma faute, c'est la tienne. Oui, tu n'aimes pas le monde, je connais trop de gens, et tu es fâchée que j'aie des amis, toi, Margot. C'est pour qu'ils m'aimiont davantage. Ils venont me chercher pour entretenir connaissance, moi, je paie pour entretenir l'amitié ; ça n'est-il pas juste ? Acoute, Margot, je fons demain vendange, vela le vin nouveau, il faut vider le vieux, j'ons besoin de futailles. Chut, Margot, ne parle de lui qu'avec respect, c'est le docteur du pays, que le cousin Dubois. Tu me fais songer qu'il m'attend pour une petite affaire, je vais lui payer une pinte. Paix, Margot, ça me baillera de l'esprit, laisse faire. Il n'y a rien qui baille de l'esprit comme d'abreuver des gens qui en avont, il y a tout plein de parsonnes riches qui s'en trouvont bien ; et quoiqu'ils ne disions de bons mots que par bricole, stanpendant, Margot, nan les admire. Mais que demandons ces gens-ci ; vela des garçons de bonne façon. À votre service de bian bon cœur. Ma réputation, Margot ? Vous ne me sauriez faire plus de plaisir. Margot, que l'on tire du milleur, et qu'on en apporte à ces Messieurs. Palsangué vous ne pouviez mieux venir, je commencerons demain. Mais qui êtes-vous, s'il vous plaît ? Vous avez bonne mine, franchement, et je n'ons point de garçons dans le Village qui en approchions. Oh bian pargué, je vous en aime mieux. Touchez donc là sans façons, frères ; je vous ai pris d'abord pour des apprentifs Conseillers, qui venont pendant les vacances faire les libartins dans les Villages. Margué, je sis comme vous, je me baille de la peine pour le faire venir, mais j'en veux boire à proportion. Oh bian donc, sans sarimonie, vela le lait dont je nous nourrissons : à votre santé. Hé bian, qu'en dites-vous ? Il est de notre cru. Oh, palsangué je vous bouterons à même. Mais combien voulez-vous gagner par jour, s'il vous plaît ? Queuque bonne mine que vous ayez, je ne veux pas bailler un sou davantage, je vous en avertis : la mine ne sert de rien en vendange ; et les parsonnes qui ont la meilleure façon, ne sont pas toujours ceux qui faisons le plus de besogne. Palsangué vous êtes de braves gens : touchez-là, c'est une chose faite. Je l'entends bien comme ça : la grange est grande, j'ons de la paille fraîche. Les nuits sont un tantinet froides : mais quand j'aurons bien bu, j'aurons la poitrine chaude, c'est le plus principal, n'est-ce pas ? Oh ça, j'ai une petite affaire avec le cousin Dubois, je vais la terminer, et je reviens vous joindre. En attendant vela notre minagère qui a les clefs de la cave ; si le vin vous duit, ne l'épargnez pas, et tâchez de mettre Margot en train, ça me ferait bien rire. La, la, la, la, la. Ah, ah, Monsieur le Vendangeux, vous vela tout seul, où est votre camarade ? Pargué je vous aime bian de cette himeur-là. Aussi c'est une méchante engeance que les femmes. Tenez, morgué, pour avoir seulement rêver de la mienne ; je me réveillis tout moulu de coups. Croiriez-vous cela ? Oh, c'est une méchante carogne, que Margot, alle me fait enrager à la maison. Aussi en revanche quand je n'y suis pas, et franchement je n'y sis guères, je m'en baille à cœur joie. Queuque sot se fâcherait contre elle ; mais moi, point du tout, rien ne me fâche, je me gobarge de tout ; sans souci, c'est là ma devise, et vela ma chanson : accoutez. Quand Margot fait la diablesse, J'ai pour m'en garer un bon secret ; Je m'en cours droit au cabaret, Où je n'engendre point de tristesse, Et je n'entends point le bruit qu'alle fait. Ah morgué l'heureuse magnière ! N'est-ce pas avoir bon esprit, Que de savoir mettre à profit Les défauts de sa minagère ? Hé bien, morgué, qu'en dites-vous ? N'est-ce pas l'entendre ? C'est le cousin Dubois qui a fait la chanson, n'est-elle pas drôle ? Comment donc, deux faces ? Margot a un cousin qui a fait une chanson ? Parguenne, je ne connais point ce cousin-là ; mais, sa chanson en a menti. Il ne viant point de galant voir Margot ; alle est diablesse, mais alle ne m'en baille point à garder, je bouterais ma main au feu pour elle. C'est votre camarade le Vendangeux qui lui a fait pièce, car alle pleure. Comment donc, morguenne, qu'est-ce ça signifie ? Il faut voir, baillons-nous patience. La carogne ! Où diable a-t-elle pêché ce jargon, et queu temps prend-t-elle pour l'apprendre ? Tatigué comme alle le bourre, vela une maîtresse femme, n'est-il pas vrai ? Alle le relance tout comme moi ; je ne sis pas le seul, Dieu marci. Queu Diablesse ! Le vela morgué bian embarrassé. Barbe, barbare ! Où prend-t-elle tout ce qu'alle dit, cette masque-là ? Il a morgué raison, ce n'est pas sa faute. Tigre ! Je m'en vais morgué me montrer, elle le débaucherait peut-être à la fin, si on la laissait faire. Margot ! Holà donc, Margot. Je me donne au diable si tu m'entarres, je me porte à marveilles. Me voilà, Margot, regarde-moi donc ? Et j'en suis morgué bien fâché, moi. À qui en as-tu donc ? Je crois, Dieu me pardonne, que tu rêves comme je rêvis l'autre jour, Margot ? Non, morgué, je ne le souffrirai pas, je veux qu'il te le rende. Mais, je me donne au diable, Margot, tu n'y songes pas. Me vela, te dis-je, je suis ton mari, tu me reconnais, et tu vas toujours le même train. Mais, tais-toi donc, Margot, il ne faut pas que je sache rian de ça, moi. N'as-tu point de honte ? Mais palsangué, Margot, vela le Collecteur. Es-tu folle ? Ce n'est rian, ce n'est rian, ne prenez pas garde à ça. Quand Margot se met des folies dans la tête, il faut que ça ly passe. Morgué, que voulez-vous que je fasse ? Je sis trop bon ; il faudrait la battre, je sais bien ça. Morgué queux Vendangeux ! La peste ! Oui palsangué, je te le ferai, en dusses-tu crever, Margot. Oh morgué, je vous la dépromets j'aime mieux qu'il épouse ma nièce que ma femme. Ah, ah ! Que voulons ces gens-ci ? Je sommes bian en train de rire, ma foi. Acoutez, pour moi je ne me saurais réjouir si Margot ne me rend son cœur, franchement. Oh, pour stila, je t'en réponds, puisqu'il te faut garder, je ne te quitterai plus, laisse-moi faire. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendanges *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendanges *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MARGOT *date_1694 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_margot Qu'est-ce donc que tu as, Claudine ?Tu es bien de mauvaise humeur, mon enfant. Tu n'es pas contente ? Tu es donc folle ! Et tu es la première à qui ça fasse peur. Hé bien ? Mais voirement, fille, tu perds l'esprit. On te baille un Collecteur, le coq du Village : il nous a rabattu vingt écus de taille pour t'avoir, et tu veux que je l'y manquions de parole. Hé ! De quoi t'avises-tu de dire ça si tard ? Tu le voulais bien il n'y a que deux jours, j'allîmes ensemble à Paris acheter les étoffes ; on s'est mis en dépenses. Le beau raisonnement ! Elle ne veut plus du Collecteur, parce qu'on l'a menée à Paris : quelle cervelle ! Comment donc ? Devenir Madame, miséricorde ! Ah ! Le vilain Paris, on dit bien vrai, que l'air de ce pays-là ne vaut rien pour les jolies filles de Village. Hé, comment feras-tu, malheureuse, pour te faire Madame ? Je ne jaserai point, dis. Hé bien ? Celui qui nous regardit tant ? Mais, il ne nous disait mot, Claudine. Oh, mon enfant, je sommes perdues. Il se moque de toi. Tiens, Lucas, veux-tu franchement que je te dise la chose ? Mais ça te fâchera peut-être ? Elle a peur d'être malheureuse en ménage. Que fait-on ? Ce Collecteur est peut-être un ivrogne comme toi ; comprends-tu, Lucas ? Assurément, est-ce que tu crois que je ne veux pas bien du mal à mon père et à me mère, de m'avoir mariée avec un homme qui ne fait que boire ? Tu crois te moquer, mais… Je ne sis pas bonne, que veux-tu dire ? Ç'amon, voirement, tu te soucies bien de quelle humeur je sis, tu ne songes qu'au vin. Hé bien, mais que n'en bois-tu chez toi ? Tu es depuis le matin jusques au soir au cabaret. C'est la mienne ? Vela de beaux contes, tu as des amis, mais tu paies toujours. Fort bien, ne vas-tu pas t'enivrer encore aujourd'hui ? Oui, fort bien, et le cousin Dubois s'enivrera à tes dépens pour entretenir connaissance. Quoi ? Que veux-tu dire. N'as-tu pas envie de les mener boire ? Je crois, Dieu me pardonne, que c'est ce Monsieur de Paris qui veut faire Claudine Madame. La nièce Claudine n'est pas menteuse. Il ne faut rien dire. Pas tant que vous croyez, je n'avons pas le vin tendre. Oh voirement, vous le trouveriez bien plus heureux, s'il était le mari de notre nièce Claudine. L'autre jour dans cette grande boutique, vous ne me regardiez presque pas, et Claudine me l'a fort bien su dire. Point, point, vous trouvîtes Claudine la plus gentille ; et franchement, vous avez raison. Oh je sis bien changée en ménage : si vous m'aviez vue quand j'étais fille, vous m'auriez pour le moins autant regardée que Claudine, oui. Oh vraiment, je vous ai bien reconnus tous deux, mais avec tout ça, il n'est pas si gentil avec sthabit-là, qu'avec sti qu'il avait l'autre jour, et je ne m'étonne pas si nos filles aimont mieux les Monsieux de Paris, que les garçons de Village ; stanpendant comme vous voyez, au pourpoint près, c'est bien la même chose. Écoutez, vous avez bien fait de ne point venir ici avec un habit de Monsieu, on en eût murmuré ; et quoique Lucas ne soit pas défiant, il ne vous eût jamais pris pour travailler à nos vaignes. Je vous en réponds. Hé comment vous rendre service ? Quand on aime les parsonnes, c'est pour le mariage, ou pour autrement. Si c'est pour autrement que vous aimez Claudine, je fis votre servante, ça ne se peut pas : si c'est pour le mariage, il y a encore rien à faire. Est-ce que Claudine ne vous l'a pas dit ? Hé bien tenez, la vela, qu'elle vous le dise. Qu'est-ce que ça signifie, je suis traîtresse ? N'es-tu pas promise au Collecteur, que veux-tu dire ? Lucas ne vaudra jamais lui manquer de parole. Lucas est diablement entêté. Il y a plus de dix ans que je fais ce que je puis pour l'empêcher d'aller au cabaret, je n'en saurais venir à bout. Quand il s'est mis quelque chose en tête, rien ne l'en fait démordre. Si vous faites ça, vous ferez une belle cure. Si je le voudrais faire ! J'avalerais de la poison pour corriger Lucas, tant je l'aime. Jaloux ? Non, je ne lui baille pas sujet de l'être. Qu'il le devienne ? À Dieu ne plaise, c'est bien assez qu'il soit ivrogne. Hé bien, que faut-il que je fasse ? Écoutez un peu ce n'est guère ; et comme les parsonnes de Village sont malaisées à émouvoir, m'est avis qu'il faudrait que la médecine soit forte. Paix, tais-toi, voici le Collecteur. Garde-toi bien de lui faire la mine, il est soupçonneux, il se douterait de quelque chose. Et vous, promenez-vous, à l'entour d'ici, sans faire semblant de nous connaître. Réponds-lui donc ? Patience. Parguenne, si par malheur vous êtes fils de votre père, vela une belle espérance pour notre Nièce ! Écoutez, plus on lui dit qu'alle l'est, plus alle la devient ; laissez-la en repos. À propos de quoi, de la résolution ? N'est-ce que ça ! Vela bien de quoi ? Je nous sommes déjà frottés plus de cent fois depuis que je sommes en ménage, que faut-il faire ? Vous moquez-vous ? C'est moi qui rosse Lucas, vous dis-je. La dernière fois qu'il s'enivrit, il s'endormit sur une bancelle : une de mes camarades et moi je lui attachîmes les bras et les jambes, et je le frotîmes comme tous les diables. Je le détachîmes, quand il dormit ; et le lendemain, je lui fîmes accroire qu'il avait rêvé. J'entends Lucas. Allez, vous êtes pire qu'un loup-çarvier, de me vouloir faire un tour comme sti-là. Baillez-moi queuque raison du moins. Pourquoi vous marier ? Pourquoi ne m'aimer pas, moi qui vous aime tant ? Vous ne me répondez non plus qu'une souche, cœur dur, cœur ingrat, cœur parfide. Dis-moi donc queuque chose, ou je t'étranglerai, serpent. Tu es bienheureux que je t'aime autant que je le fais, je t'aurais dévisagé pour ta parfidie. Inhumain que tu es ! Madame Margot ! Tu m'appelles Madame, et tu en tutaies d'autres à ma barbe, barbare ? Tu es honnête homme, et tu ne m'aimes point : cela se peut-il imaginer, tigre ? Ne te marie point, sitôt, petit monstre, ne te marie point ; Lucas mourra, c'est un ivrogne, je nous marierons ensemble. C'est un sac à vin qu'il faut qu'il crève. Si je puis une fois l'entarrer, drès le lendemain je serai ra femme. Ah ! C'est vous, notre homme, j'en sis bian aise. Non vraiment, je ne rêve point. Tiens, Lucas, voilà un vaurien à qui j'ai baillé mon cœur, il me l'emporte. Est-ce que tu souffriras ça, mon pauvre Lucas ? Oh, non, non, puisque je lui ai baillé, je ne veux point le reprendre. Il ne m'aime point, Lucas, et je l'aime plus que ma vie. Non, je n'en ai point, je veux que tout le Village le sache, moi. Il me fait pièce ; mais j'aurai la consolation de m'en plaindre. Promets-moi donc que tu m'aimeras, petit parfide. Ce ne sont point des folies, je n'aime que lui, il a mon cœur ; et tant que j'aurai queuque espérance de devenir veuve je ne veux point qu'il se marie. Est-ce que tu y consentiras, Lucas. Me feras-tu ce chagrin-là, mon enfant ? Je ne te le rendrai point qu'ils ne soient tout à fait mariés, et à condition encore que tu n'iras plus au cabaret. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendanges *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendanges *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CLAUDINE *date_1694 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_claudine Tenez, ma tante, voulez-vous que je vous dise ma pensée ? Je ne suis pas contente de me marier. Je sis la première, si vous voulez : si mon oncle me voulait faire plaisir… Il romprait tout net ce mariage-là, ma tante. Oui, fort bien, ma tante, vous me donnez donc pour vingt écus ! Je vous suis bien obligée ! Oh, je vaux davantage, s'il vous plaît et quand mon oncle me devrait tuer, je ne serai jamais la femme du Collecteur. Hé bien, ma tante, vela justement ce que c'est, puisqu'il faut vous le dire, je n'avais jamais été à Paris ; vous m'y avez menée, je ne veux plus du Collecteur. Oh, je l'ai fort bonne, et je ne prétends pas toute ma vie n'être q'une paysanne, moi. Je veux devenir Madame, afin que vous le sachiez. Ma chère tante, laissez-moi devenir Madame, je vous prie. N'êtes-vous point traîtresse ! Je vous le dirai, ma tante ; mais, si vous jasez… Vous vous souvenez bien de cette grande boutique, dans cette grande rue où vous achetâtes du brocard pour me faire une jupe ? Hé bien, ma tante, il y avait un beau jeune Monsieur tout doré. C'était moi qu'il regardait, ma tante, ce n'était pas vous ; et tenez, je suis sûre qu'il était plus aise de me voir, que toutes les Madames qu'il a jamais vues. C'est qu'il n'osait pas à cause de vous ; mais, il nous a fait suivre, et depuis ce matin, il est dans le Village. Point, ma tante, il me veut faire Madame, je lui ai déjà parlé, c'est lui qui me l'a dit. Point, vous dis-je. Voici mon oncle, ne lui parlez de rien : quand il n'y sera plus, je vous dirai encore autre chose : mais, si vous êtes une causeuse, vous ne saurez plus rien. Qu'est-ce qu'il y a donc ? Est-ce qu'elle vous gronde ? A-t-elle dit quelque chose à mon oncle ? Hé pourquoi mentez-vous, ma tante ? Vous êtes traîtresse, je m'en étais bien doutée, vraiment. Qu'est-ce que cela fait ? Je ne suis pas livrée : vous n'avez qu'à me prendre avant lui, cela finira la dispute. Oui, laissez-les faire seulement, ma tante, les Messieurs de Paris ne sont pas des bêtes. Oh vraiment, mon oncle n'aime pas tant le Collecteur que le cabaret, ma tante : il y a bien à dire. Mais de quoi servira cette jalousie-là, pour m'empêcher d'épouser le Collecteur ? Comment semblant ? S'ils allaient s'aimer tout de bon ? Je ne veux pas de ce semblant-là, moi, cherchez quelque autre chose. J'ai bien affaire de lui, qu'il se promène. Que voulez-vous que je lui réponde ? Rien ne presse. Nous n'y sommes pas encore. Quel animal ! Oh pour cela, je crois que c'est un enfer que le mariage, quand on marie des filles malgré elles. Je n'y puis plus tenir, ma tante. Vous avez raison, c'est le bel âge. Il a bien fait de s'en aller ; car, je m'en serais allée, moi. J'en ai pensé mourir de chagrin, cet homme-là m'est insupportable ; et depuis que vous m'avez dit que vous m'aimiez, je le hais encore bien davantage. Que ses discours m'ont ennuyée ! Mais, quoi ! Seule… Si fait, vraiment, je l'aime bien mieux que vous ; vous voulez vivre trop longtemps, et j'ai peur de m'ennuyer en ménage. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendanges *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendanges *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ERASTE *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_eraste C'est le bruit de votre réputation, Monsieur Lucas, qui nous attire en ce pays-ci. Ce n'est pas la seule envie de goûter votre vin, qui nous fait vous rendre visite : nous venons voir comment vous faites, Monsieur Lucas, vous êtes dans le temps des vendanges ? Quand nos habillements ne suffiraient pas à nous faire connaître, il serait difficile de cacher notre condition. Pour vous parler franchement, nous sommes nés comme vous l'un et l'autre en bonne et franche paysannerie. Nous ? Nous sommes de bons enfants qui ne cherchons qu'à nous réjouir. Nous aimons le bon vin préférablement à toutes choses : mais comme nous nous ferions un scrupule d'en boire, si nous n'aidions pas à le faire, c'est pour cela que nous venons vous offrir nos services. Voilà d'excellent vin, Monsieur Lucas, et il n'y a qu'honneur et plaisir à travailler à vos vignes, à ce que je vois. Nous ne sommes point intéressés, vous avez de bon vin, nous en boirons avec vous tant que dureront les vendanges, nous ne vous demandons point autre chose. Assurément. Monsieur Lucas est bienheureux d'être le mari d'une si aimable personne. L'Olive. Oh pour cela, mon cœur et mes regards étaient également partagés entre l'une et l'autre, je vous assure. Oh ça, ma chère Margot, puisque vous avez deviné la passion que j'ai pour votre nièce, je veux bien vous en faire confidence, sûr que vous ne refuserez pas de m'y rendre service. Il n'y a rien à faire pour le mariage ? Que voulez-vous dire ? Expliquez-vous donc, Margot, je vous prie. Non vraiment. Vous voyez, aimable Claudine, un homme que votre tante met au désespoir. Elle me veut persuader, Claudine, que vous ne pouvez être à moi. Vous êtes promise à quelqu'un, Claudine ? Oh, pourvu que vous y consentiez, Claudine, je me moque de ses prétentions. Je ne comprends point ton dessein. St, st, le Collecteur n'y est plus, rapprochez. Que j'ai souffert pendant cet entretien, belle Claudine, et qu'il est cruel de céder un seul moment de votre conversation à un rustre comme celui-là. Que voulez-vous que je vous dise ? Ma chère Madame Margot, vous avez beau m'aimer, cela n'a rien de solide : il faut que je songe à un établissement, permettez de grâce… Que voulez-vous que je fasse ? Monsieur Lucas me reçoit chez lui, il me fait boire de son vin, il me donne sa grange, il me retient pour travailler à ses vignes, Madame Margot, je suis honnête homme. Doucement, Monsieur le collecteur. Si vous faites le moindre bruit, je tuerai quelqu'un. Mon pauvre Monsieur Lucas, je suis fâché de cette aventure ! Je suis homme de condition, j'aime votre nièce : mais dans la vue de l'épouser. Je me suis introduit chez vous sous ce déguisement : votre femme a pris de l'amour pour moi ; vous êtes malheureusement témoin d'une scène un peu fâcheuse, je vous l'avoue : consentez que j'épouse Claudine, et je vous rends le cœur de Margot. Sans emportement, Monsieur le Collecteur, prenez vous-même part à la fête, il ne vous en coûtera rien, je vous assure. Ce sont des gens à moi, Monsieur Lucas, que j'ai amenés de Paris, pour contribuer aux plaisirs de Claudine pendant les vendanges. Ils se sont joints à quelques personnes du Village : voyons ce que produira ce mélange, et que tout le monde prenne part à ma joie. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendanges *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendanges *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LOLIVE *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lolive À votre physionomie brillante et enluminée, il n'est pas mal aisé de deviner que vous êtes Monsieur Lucas. Il est vrai pour cela, que la réputation de Monsieur Lucas est extrêmement en réputation, et Monsieur Lucas a la réputation d'avoir toujours le meilleur vin de France, aussi je meurs d'envie d'en boire, ou le diable m'emporte. Nous avons la conscience fort délicate, et nous voulons gagner le vin que nous buvons, nous autres. Il n'y a rien de plus juste. Grand merci. Mais nous gîterons aussi chez vous, Monsieur Lucas ? Si Madame Margot était d'humeur à se mettre en train, il y aurait presse à boire avec elle. On vous reconnaît, Monsieur. Par ma foi, fille ou femme, je vous trouve de fort belle regardure, moi, et si vous voulez, pendant que mon maître regardera Claudine… Car c'est là mon maître, afin que vous le sachiez, et je ne suis que le valet de chambre de ce paysan-là, au moins. Assurément. Oh diable ! S'il savait quelle espèce de Vendangeurs nous sommes, nous ne coucherions pas dans la grange, sur ma parole. Il faudra l'aimer pour autrement, ce sera votre pis aller, je vois bien cela. Oh, qu'à cela ne tienne, j'ai dans la tête une petite idée pour faire faire à Monsieur Lucas tout ce que nous voudrons. Nous viendrons à bout de lui, vous dis-je, et je prétends aussi par le même moyen lui faire passer le goût du cabaret, ne vous mettez pas en peine. Je le ferai vous dis-je, pourvu que de votre côté vous vouliez faire tout ce que je vous dirai. Dites-moi un peu avant toutes choses, est-il jaloux, Monsieur Lucas ? Tant pis, vraiment, il faut qu'il le devienne. L'un le corrigera de l'autre, laissez-moi faire. Que vous lui donniez ce la jalousie. Un peu de jalousie guérit bien l'homme de la débauche. Cela dépendra de vous, vous êtes la maîtresse. Comment, de quoi elle servira ? Je veux qu'elle vous fasse épouser mon maître. Je vous le ferai comprendre. Que Margot fasse semblant seulement d'être éperdument amoureuse de vous, je réponds du reste. Pour vous dédommager de cet ennui, allez faire ensemble un tour de jardin, cette conversation ne vous ennuiera pas tant que l'autre. Mon Maître est sage, et votre Tante ira vous rejoindre. Oh ça, Madame Margot, il faut ici de la résolution. Il faut risquer que Lucas vous frotte pour rendre service à votre Nièce. Paraître bien amoureuse de mon Maître ; mais, il est question d'outrer la chose, au hasard d'être rossée comme je vous dis. Je vous en félicite. Et quand il fut lâché ? La peste, quelle déssalée ! Laissez-moi préparer la chose, et allez trouver mon Maître : nous venons de convenir ensemble du personnage qu'il faut que vous fassiez, il vous fera répéter votre rôle. Monsieur Lucas se porte un peu mieux que quand il nous a quittés. Je ne sais, il est avec votre ménagère Margot, et avec cette Nièce que vous allez marier, je pense. Pour moi qui n'aime que le vin, je laisse-là les femmes. Assurément. Cela est admirable. Vous faites fort bien. Oui vraiment, et cela est admirable. Comme toutes choses ont deux faces ! C'est que Margot a un cousin, qui de son côté a fait aussi pour elle une chanson à peu près sur les mêmes rimes que la vôtre. Oui, parbleu ; je vais vous la dire. Sitôt que Margot querelle, Lucas en mari discret, Pour éviter noise avec elle, S'en court tout droit au cabaret, Et le galant vient voir la belle. Lucas n'a-t-il pas un beau secret ! Il changera sa manière, S'il m'en croit. Une femme peut tout faire Pendant que son mari boit. Hé bien, Monsieur Lucas, que vous en semble ? Vous auriez chaud, monsieur Lucas : ne jurez de rien, elle ne vous croit pas si prêt à revenir : cachons-nous un peu, nous en apprendrons plus que vous n'en voudrez savoir. Monsieur Lucas, hem ? La chanson n'a pas trop menti, Monsieur Lucas. Le temps que vous passez au cabaret, Monsieur Lucas. Oui, vraiment. Oui vraiment, et vous ne l'êtes guères, vous. Voilà l'affaire en assez bon train ; allons faire venir Claudine pour le dénouement. Le premier qui branle, je fais main basse. Paix, taisez-vous, Monsieur le rustre ? **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendanges *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendanges *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LECOLLECTEUR *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lecollecteur Sarviteur, notre tante, ou peu s'en faut ; car il ne s'en faut plus que de petites sarimonies que je voudrais bien qui fussians faites : notre oncle Lucas veut remettre ça après vendanges, ce n'est morgué pas de mon avis au moins, Claudine. Mais palsangué qu'est-ce donc que vous avez. Est-ce que vous êtes fâchée d'attendre ? Vous n'avez qu'à parler, l'oncle aura beau dire, je serons mariés quand il vous plaira. Si fait pargué, je suis hâté, moi. J'aurons bien de la joie quand je serons tous deux dans notre ménage. Au moins, Claudine, il faut songer drès à présent à bien élever les enfants que je ferons, s'il vous plaît. Il faudra bien prendre garde quand elles seront grandes à ne pas les marier contre leur inclination. Vraiment, j'ai vu mon père et ma mère se battre comme des enragés, parce qu'ils ne s'aimiont pas quand ils s'épousirent. Tout petit que j'étais, j'ai reçu plus de deux cents coups de poing en ma vie, en voulant les empêcher de s'en bailler. Oh, je ne nous battrons pas, nous ; car je nous aimerons. Queu plaisir j'aurons quand je serons grand père ! Je ne mourrai jamais content, que je n'ayons marié les enfants de nos petits enfants. Je veux morgué vivre longtemps, moi, Claudine. Mais, qu'avez-vous donc, encore un coup, vous êtes chagraine ? Mais palsangué, vela qu'est étrange : ce qui est différé n'est pas perdu ; elle m'aura, pourquoi se chême-t-elle. Oh bian morgué je veux la réjouir. Il y a sous l'Orme des hautbois et des musettes qui faisons danser nos Vendangeux, je vas les quérir ; je veux pour la divartir qu'ils veniant danser avec elle. Sans adieu, ma tante. Ah palsanguenne vela la bande joyeuse, les Vendangeux et les Vendangeuses venont sur mes talons, j'allons nous divartir comme des Princes. Oh, oh, qu'est-ce que c'est donc ça, Monsieur Lucas ? Tatigué queux folies ! L'espérance d'être veuve, monsieur Lucas ? Comment, morguenne, y a-t-il tant de façons ? C'est ce drôle-là, qu'il faut assommer, baillez-moi une fourche. C'est Claudine à qui ils en voulont ? Qu'est-ce à dire ? Claudine est à moi, vous me l'avez promise ? Mais Claudine n'est pas de cet avis-là, elle. Ils ne voulont rien, je les avais amenés pour nous divartir : mais je les remmène, et je ne sis pas d'himeur à payer les violons pour faire danser les autres.