**** *creator_dancourt *book_dancourt_vendangesdesuresnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendangesdesuresnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MONSIEURTHOMASSEAU *date_1695 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurthomasseau Oh çà, mon pauvre Thibaut, aie un peu à l'œil à tout, mon enfant, et prend garde qu'il ne se fasse aucun dégât dans la maison. Paix, tais-toi, j'ai mes raisons pour faire ces préparatifs, et je suis à la veille de conclure une bonne affaire. Que dirais-tu si j'allais me marier, Thibaut ? Ce n'est point un conte, c'est une vérité. Cela est, te dis-je. Comment, que veux-tu dire ? La plus jolie personne du monde, douce, honnête, spirituelle. Tu changerais de sentiment, si tu avais vu celle que j'aime. Tu la verras, et dès aujourd'hui elle doit venir ici faire vendange. Justement. Je songe aussi à marier ma fille, et le mari que je lui destine devrait être ici, je l'attends de jour en jour. Mariane est une fille bien élevée, qui fera toujours tout ce que je voudrai. Hé, qui t'a fait prendre cette opinion-là ? Et tu crois que c'est pour ma fille ? Comment, amoureux de toi ? Tu ne sais ce que tu dis, tu perds l'esprit. Il a fait connaissance avec ma fille ? Par-dessus les murailles ? Hé bien ? Hé bien ? Est-il possible ? Et ne les as-tu point entendus ? Et que disent-ils ? Tu as raison, je ne puis trop me hâter de la marier, pour rompre le cours de cette intrigue. Je m'en vais lui parler un peu, et savoir d'elle… Fais donc, Thibaut, et me rends un compte bien exact. C'est aujourd'hui qu'on m'a promis d'amener ma maîtresse ; je vais, en me promenant, au devant d'elle jusqu'au bois de Boulogne. Toi, va faire un tour aux vignes, et vois si nos Vendangeurs… C'est bien de l'honneur que vous me faites, Madame, et vous serez toujours la maîtresse de tout ce qui dépendra de moi. Ah ! Madame. N'est-ce pas là un aimable enfant, Madame Dubuisson ? N'est-il pas vrai ? Oh çà, Mesdames, voilà la maison de votre petit serviteur, nous y serons plus commodément qu'ici. Elle sera ravie d'avoir l'honneur de vous faire la révérence. Attends-moi ici, ma voisine, j'ai quelque chose à te dire. Oh çà, ma chère voisine, tu connais les Dames qui sont chez moi ? Je choisis bien mes gens, dis, n'est-il pas vrai ? Et la petite nièce, qu'en dis-tu ? Tu me ravis, Madame Dubuisson, de m'en parler de cette manière. Je te prie de la noce, Madame Dubuisson. Oui, mon enfant, ne suis-je pas bien heureux ? Je t'en réponds. Je me défais de ma fille, et je l'envoie dans le fonds de la Province. Quel bruit confus est-ce là ? Qu'est-ce qu'il y a, Monsieur, à qui en avez-vous ? Que vous a-t-on fait ? Qui êtes-vous, Monsieur ? De Normandie ? Comment donc, Monsieur, prenez garde à ce que vous dites. Monsieur… Vous êtes un fripon, et un insolent, de parler des gens d'honneur comme vous faites, et je vous donnerai mille coups de bâton, afin que vous le sachiez. Et savez-vous bien que je suis Monsieur Thomasseau, moi qui vous parle ? Voilà un maraud qui a perdu l'esprit, ou qui vient ici pour m'insulter. Il y a ici quelque chose que je ne comprends point. C'est une pièce qu'on m'a voulu faire. Il faut en rire malgré moi. Oui, je vous l'accorde, c'est une plaisanterie qu'on vous a faite. Vous êtes un nouveau débarqué en ce pays-ci, quelques égrillards ont voulu rire à vos dépends et aux miens. Je le vois bien. Oh çà, c'est moi qui suis Monsieur Thomasseau, encore une fois. Ma fille est jeune et belle, et n'est ni naine, ni bossue. Je reconnais son seing et son écriture. C'est le fils d'un de mes amis, ma voisine, qui vient ici pour être mon gendre. Comment, mon gendre ? Une Dame de Paris ! Que me veut-elle ? Quand elle viendra, nous saurons ce que c'est. Te tairas-tu, maraud ? C'est mon gendre. Oui, lui-même, qu'en veux-tu dire ? Madame Dubuisson, vous avez un cousin qui devient bien insolent, je le mettrai dehors si cela continue. Lui ! Point du tout, c'est mon jardinier. Je suis votre serviteur, Madame. Tu connais cette personne-là, ma voisine ? Que veut dire ceci, mon gendre ? Mon gendre ? Cela ne vaut rien, mon gendre ; voilà de mauvaises manières. Oui, cela n'accommode point un ménage. Un lit de damas ! Cela est violent. Allez, Monsieur, vous devriez mourir de honte de faire des présents à des filles qui jurent comme cela. Approchez, ma fille, approchez. Ne me priez de rien, ma fille, l'affaire est conclue dans ma tête. Votre mariage est déjà rompu avec Monsieur, c'est une affaire faite ; je ne veux point de débauché dans ma famille. Voilà qui est fini, vous dis-je, j'écrirai à votre père. Pour terminer quelque chose avec vous, Monsieur, il faut savoir qui vous êtes. Vous êtes le frère de cette adorable personne ? Sur ce pied-là, c'est une affaire faite, et nous serons bientôt d'accord. Quelle musique est cela ? Comment donc ? Mademoiselle Duhazard est un cabaretier. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendangesdesuresnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendangesdesuresnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MARIANE *date_1695 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_mariane Je te cherchais, mon pauvre Thibaut, pour te faire une confidence, d'où dépend absolument… Quoi ! Clitandre, vous paraissez en plein jour ici ? Si l'on vous voit dans le Village… Ah, Thibaut ! Je ne me plaignais que de votre peu de ménagement ; je ne voyais pas que votre indiscrétion… Oui ; mais n'avions-nous pas résolu que vous iriez passer les jours à Paris ? Que vous reviendriez toutes les nuits, et que vous engageriez à force d'argent le maître du bac à être discret ? N'étions-nous pas demeurés d'accord que je parlerais à Thibaut de la passion que nous avons l'un pour l'autre ? N'étions-nous pas convenus aussi qu'il vous laisserait entrer dans le logis ? Qu'il vous recevrait dans sa chambre ? Et qu'il ne parlerait de rien à mon père ? De rien encore ; mais il faut bien que tu conviennes des mêmes choses que nous. Tiens, voilà une montre d'or que je te donne. Comment donc ? Quand il y a queuque frais à faire en amour, il faut que soit le Monsieu qui paie, à moins que la Madame ne soit vieille. Dans les Villages d'autour de Paris, je savons les règles. Il est homme d'esprit, vous avez raison. Nous pouvons compter sur ton zèle, et sur ta discrétion ? Je vous en avais averti, Clitandre, vous ne m'avez pas voulu croire. C'est le fils de ses anciens amis, le Bailli de Gisors ; il y a près d'un an qu'il me menace de ce mariage, et voilà ses menaces à la veille d'être accomplies. Comment s'y prendre, Thibaut ? Oui, justement. Quoi ? Il extravague, avec sa cousine. N'épargnez rien, Clitandre, pour détourner le malheur qui nous menace, et songez que mon bonheur dépend entièrement du vôtre. Souffrez, mon père, que je me jette à vos genoux, pour vous conjurer instamment de ne me pas forcer… Ah, mon père ! **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendangesdesuresnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendangesdesuresnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_THIBAUT *date_1695 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_thibaut Mais palsangué, Monsieu, comment l'entendez-vous, donc ? Vous n'avez qu'un arpent de veigne à Surêne, pour tout potage, et je crois, Dieu me pardonne, que la moitié de Paris viendra cheux vous en vendange. Sur ce pied-là, je n'avons que faire d'aller au pressoir, et j'aurons nos futailles de reste. Oh, je ne dis plus rian. Je m'étonnais aussi que vous fissiais les honneurs de votre maison de si bon courage ; car vous êtes un tantinet ladre, de votre naturel : mais baste, il n'est chère que de vilain, comme on dit ; et quand vous vous y boutez une fois, tout y va par écuelles. Vous remarier, Monsieur ! Bon queu conte. Vous vous gaussez, Monsieur, ça ne peut pas être. Morgué tant pis ; vous êtes donc bian incorrigible ? Vous avez déjà eu deux femmes qui vous avons fait enrager. La première était diablesse, parce qu'alle avait trop de vartu. Vous avez fait le diable avec l'autre, parce qu'alle n'en avait pas assez. Queulle espèce de femme voulez-vous encore prendre ? Hom, je crois bian que vous le voudriais : mais c'est un animal bian rare, qu'une femme comme ça. Je ne dis pas qu'il n'y en ait queuqu'une : mais je ne crois pas qu'on vous la garde. Accoutez, faites-la-moi voir avant que de la prendre, je vous en dirai ce qui en sera, tout à la franquette. Voyez-vous, nous autres Paysans des environs de Paris, je nous connaissons mieux en femmes que parsonne, j'en voyant tant de toutes les façons. C'est morgué une marchandise bian trompeuse. J'entends, bian, c'est pour elle que la fête se fait. Je boute d'abord le nez dessus, n'est-ce pas ? Mais, s'il vous plaît, Monsieu, en vous chargeant de l'embarras d'une femme, ne vous déchargez point de sty de votre fille : Alle est en âge d'être mariée ; et quand une poire est mûre, si on ne la cueille, alle tombe d'alle-même, comme vous savez. Et quelle acabie de mari lui baillez-vous, s'il vous plaît ? S'il n'est pas à sa fantaisie, alle en prendra queuque autre avec stila ; et s'ils se trouvont deux maris pour un, hem, ça fera du grabuge. Alle est une fille bian élevée, mais alle est une fille ; et j'ai queuque opinion qu'alle a queuque jeune drôle dans la fantaisie. Oh, je sis un futé compère, voyez-vous. Il viant rôder ici depuis que vous y êtes, un jeune gars de Paris. Hé, pargué oui, c'est d'alle ou de moi qu'il est amoureux. Drès qu'il me voit, il ne sait sur quel pied danser, il me fait plus de meines, plus de contorsions, plus de révérences qu'à alle-même. Je ne pards pas l'esprit : accoutez, comme je sis dans la maison, il ne cherche peut-être qu'à faire connaissance : car pour avec Mademoiselle Mariane, la connaissance est déjà faite. Oh, palsangué oui, Ils l'avont commencée drès Paris, je gage, et ils continuont ici par-dessus les murailles. Il est toutes les nuits, comme un hibou, dans la petite ruelle, au bout du jardin. Et Mademoiselle Mariane grimpe comme une chatte tout au long du treillis de la palissade. Hé bian, alle s'accote sur le haut de la muraille, et la chatte et le hibou jasont tous deux comme des marles. Il faut bien qu'il soit possible, car je les ai vus. Oh que si fait. Tatigué, de jolies choses ! Allez, allez, ils avont la langue bian pendue. Et si par aventure le jeune drôle vient à grimper aussi de son côté : enfin, que fait-on, la poire est mûre, et les enfants de Paris aimons bian le fruit, prenez-y garde. Bon, est-ce que vous croyez les filles assez sottes pour conter à leurs pères leurs petites fredaines ? Elles ne sont pargué pas si mal apprises : laissez-moi tout doucement l'y tirer les vars du nez, je le ferai bian donner dans le panniau, et je vous dirai tout, ne vous boutez pas en peine. Allez, allez, allez, Monsieur, et laissez-moi faire seul. Je ne sais ce que ça veut dire, mais il m'est avis que j'ai plus d'esprit que Monsieu Thomasseau : oh pour ça oui, j'ai meilleur jugement. Je ne sis pourtant qu'un paysan, mais il y a vingt ans que je le sers, et que je me moque de ly, et il ne m'en ferait morgué pas accroire seulement un quart d'heure. Voilà notre amoureux. Il a la meine d'avoir bonne bourse, et notre connaissance pourrait avoir de bonnes suites. Il parle de moi. Il m'aperçoit. Oh, s'il s'en tient aux révérences, il n'y a rien à faire, je n'entends point les meines. Je vous baise les mains, Monsieur de la petite ruelle. Comment vous en va ? N'êtes-vous point enrhumé ? Le vent de bise a soufflé cette nuit, et ça ne vaut rian, ni pour la veigne, ni pour les amoureux. J'entends votre affaire, je n'aurais qu'à vous ouvrir la porte, et vous faire un bon feu dans mon taudis, vous y causeriais plus chaudement que dans la petite ruelle. N'est-il pas vrai ? Oui da : d'être comme ça les nuits dans cette petite ruelle, ça pourrait bian vous faire malade. Ah, vous vela ! Je parlions de vos affaires. Allez, allez, on n'y connaîtra pas à la meine ceux qui auront passé la nuit au clair de la Leune. Je savons de vos fredaines, comme vous voyez. Oh parguenne, il ne m'a rien dit, mais j'ai vu, et quand il serait un tantinet jaseux, vela une belle affaire ! Et plus à son aise. Il n'est morgué pas sot, il aime ses commodités, voyez-vous, et il n'a pas tort : Il vaut bien mieux faire l'amour de plein pied dans la maison, que de haut en bas par-dessus la palissade. Oh, il ne sonnera mot, il est bon homme ; mais pour ce qui est de moi, je sis diablement babillard, je vous avartis. Oui, mais morgué, de quoi est-ce que je sis convenu, moi ? Non, palsangué, je n'en ferai rian. J'entends bian : mais je sis plus mal aisé à gouvarner que le maître du bac, je vous en avertis. Oh non, tatigué, je ne veux rian de vous. Oh, Monsieu. Il n'y a point de nécessité de l'ouvrir, je la veux toute. Nous vela donc d'accord à présent, je serons trois têtes dans le même bonnet. Accoutez, vous n'avez pas mal fait d'y fourrer la mienne. Oh, pour cela oui, la peste m'étouffe, je ne dis jamais rian : vela votre père qui va se remarier, par exemple, il vian de me le dire, est-ce que je vous en ai parlé ? Que cela ne vous chagraine point, il vous mariera itou. Il attend ici aujourd'hui son gendre et sa maîtresse. Pargué, ce qu'il m'a dit. Il faudrait pour bian faire, que vous épousiez sti-ci, et que vous n'épousissiez point sti-là. Accoutez, ça est difficile, mais pourtant ça n'est pas impossible. Oh, pour ça non, je n'y entends goutte : mais attendez… Hé, oui… justement vela votre affaire ? Oh, palsangué, vous êtes plus heureux que sages ; j'ai une couseine dans le village, qui sera bian notre fait. C'est une grosse Madame, au moins, et ce sont les mariages qui avons fait sa forteune. Alle en a tant fait, tant fait, et ça sans curé, ni tabellion : alle n'y cherche point tant de façons, aussi alle a la presse. Non morgué, je n'extravase point : rentrez dans la maison seulement, j'allons ensemble charcher la couseine, et mettre les fers au feu, ne vous boutez pas en peine. Tatigué, vela un friand morceau. Allons venez. Hé, pargué la vela, c'est queuque bon vent qui nous la souffle envars ici, j'aurons bonne issue. Oui, justement, c'est son nom de Paris que stilà, et la grosse Cato, c'est son nom de Village. Cette couseine-là connaît tout le monde. Votre valet, couseine. J'allions vous chercher pour ça, je vous l'amenais, et je ne savais pas que vous fussiais si bons amis. De cette belle Madame qui a été tout ce Printemps cheux vous ? Bon, palsangué du lait, vous vous gaussez de nous : alle y prenait bian de bon vin de Champagne, que de bian gros Monsieur apportiont de Varsailles. À la vérité drès que son mari le venait voir, alle était toujours malade ; quand il n'y était plus, tatigué qu'alle se portait bian ! Oh, je ne m'étonne plus que vous soyais si fort amoureux, vous êtes de bonne race. C'est bian dit, je ne sommes pas ici pour ça, j'y sommes pour notre compte. Ça n'est pas malaisé à deviner, puisque je sommes ensemble. Ça se pourrait bian, il faut que ce soit ly-même. Je savons tout ça. Morgué, que ça est bian pensé. Bon, morgué faut-il tant de façons ? Vous dites que c'est un nigaud, n'est-ce pas ? Il y a aux trois Rois une vingtaine d'égrillards qui ne demandont qu'à se divartir ; ils avont des Musiciens, des menêtriers : ce sont de bons enfants qui avont la meine d'aimer à rire : lâchons-les après ce benêt-là, ils le feront désarter, sur ma parole. Je m'en vais toujours leux en parler, tout coup vaille ; si cela vous duit, je le mettrons en besogne. Et venez-vous-y-en, Monsieu, vous en connaîtrez queuqu'un peut-être. On viant de me dire qu'il est arrivé, et il m'est avis qu'il devrait être cheux nous. Alle est un peu mièvre, parce qu'alle est jeune : mais en grandissant, ça changera. Votre valet notre gendre. Hé bian, qu'est-ce, à qui en avez-vous donc ? Comment se porte le bon homme de père ? Est-il toujours aussi libartin, aussi ivrogne que de couteume ? Vous ly ressemblez comme deux gouttes d'iau, et n'an dit que vous ne valez pas mieux que ly. Mais ma fille est une diablesse qui vous rangera, ne vous boutez pas en peine. Le gendre n'est morgué pas content d'avoir fait le voyage. Oui da, il faut bian commencer par queuque chose. Non, palsangué, rian ne presse. Ah ! Vous vela, Monsieur, n'avez-vous point vu par hasard une Madame de Paris qui vous charche ? Alle m'a dit de vous dire qu'alle veut vous dire queuque chose, qu'alle dit qui est de conséquence. Ah, ah, ah, ah. Tatigué, que vela un drôle de corps ! Ah, ah, ah, ah. Ah, ah, ah, ah, comme il se gausse, couseine. Quoi, c'est là ce mari qu'ous avez fait venir exprès pour Mademoiselle Mariane ? Morgué, votre fille choisit mieux que vous, je me donne au diable, le gars de la petite ruelle vaut trente maris comme stila ; je vous l'avais bian dit qu'ils se trouverions deux. Je m'en vais vous l'amener, vous varrez vous-même. Pargué, je revians sur mes pas, et je m'en retorne de même ; vela cette Madame de Paris qui vous demande. Tenez, Monsieur, vela le mari que votre fille a fait venir de Paris, et vela sti que vous avez fait venir de campagne. Alle veut sti-ci, et ne veut point sti-là, est-ce qu'alle a tort ? Regardez-les bian, qu'eux comparaison ! **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendangesdesuresnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendangesdesuresnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CLITANDRE *date_1695 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clitandre Vivrai-je encore longtemps dans la contrainte où je suis depuis quelques jours ? Est-il possible que la liberté de la Campagne, et l'occasion des Vendanges ne me fourniront point les moyens de m'introduire dans la maison de Mariane. Si le jardinier, encore, était d'humeur un peu traitable, mais c'est un maroufle. Le voilà, lui-même. L'aborderai-je ? Je suis votre serviteur, Monsieur le jardinier. Je suis découvert, tout est perdu. Si vous étiez de mes amis, la bise m'incommoderait n peu moins, Monsieur le jardinier. Vous seriez un homme adorable, d'être un peu dans mes intérêts. Je vous devrais la vie. Ne craignez rien, la saison des Vendanges y attire aujourd'hui tant de monde… Je n'ai point parlé, belle Mariane… Aurais-je tort de vouloir le disposer à nous rendre service, et de chercher les moyens de vous voir plus souvent ? Thibaut parle en homme de bon sens. C'est l'amour qui me retient ici. Je n'ai rien épargné pour cela, je vous assure. Je craignais votre timidité, je vous l'avoue, je songeais à vous prévenir. Oui. Vous avez raison. Il est vrai, nous sommes convenus de tout cela. Ce sont des mesures que nous avons prises. Je vous dis que Thibaut est un homme d'esprit. Tiens, voilà une bourse, tu n'as qu'à l'ouvrir, et y prendre tout ce que tu voudras. Comment ? Tu n'as qu'à la garder, je te la donne. Mon père va se remarier ! Que nous dis-tu là ? Quelle apparence que votre père vous fît épouser un homme que vous n'avez jamais vu, qu'il ne connaît pas lui-même ? Il faut en empêcher l'effet. Ne pourrais-tu point nous aider à trouver quelque moyen ? Comment ? Ne perdons point de temps, allons prendre avis de ta cousine. Comment ! Et c'est Madame Dubuisson, je pense ? Ma chère Dubuisson, que je t'embrasse. Que je suis heureux de te rencontrer en ce pays-ci, ma chère enfant ! Ma tante a passé le Printemps chez toi ? Ce sont les affaires de mon oncle, Madame Dubuisson, ce ne sont pas les miennes. Oui, ma chère Madame Dubuisson, vous voyez le plus amoureux de tous les hommes. C'est elle-même que j'adore. Un de mes rivaux ? C'est l'homme en question, ce gendre qu'il attend. Ah, ma chère Dubuisson, je suis perdu, si nous ne trouvons moyen de rompre ce mariage. Ne pourrions-nous pas berner ce faquin-là ? Le rebuter de son mariage, dégoûter de lui Monsieur Thomasseau, et le renvoyer à Gisors avec les étrivières ? Non, je suis seul, et je n'ai personne. Je vais te suivre, tu n'as qu'à attendre. Oh çà, ma chère Dubuisson, je n'ai rien de caché pour toi. Je ne roule dans le monde depuis quelque temps que par un excès de savoir faire ; les affaires de ma famille sont terriblement dérangées, ce mariage-ci peut les rétablir. J'aime Mariane, elle est riche, l'affaire est sérieuse, il ne faut pas la manquer, tu seras contente. Commençons par écarter le provincial, et gagnons du temps. Hé, comment ! C'est Monsieur de Lorange, le plus habile empoisonneur qu'il y ait à Paris ! C'est un de mes intimes. Hé, que diantre viens-tu faire ici ? Emplette de bon vin de champagne à Surêne ? Tu es un effronté maroufle ! Tu en es bien fait passer l'année dernière à ce petit homme-là… Hé ! Comment gouvernes-tu ce grand inutile, qui a l'air si déterminé ; qui attend que la paix soit faite pour se mettre dans les Mousquetaires. Cela est heureux, des parties arrêtées ! Moi ? Je ne t'en paierai que la moitié, tu m'as fait boire du vin de Surêne. De me faire épouser une fille riche et jolie, et d'être payé de ce que je te dois. Comment, têtebleu, voilà un garçon bien fait, et de bonne mine ; par la corbleu, il a bon dos pour porter le mousquet dans notre Compagnie ; jarnibleu, que vous avez bien choisi, mon oncle ! Serviteur, cousin. Parbleu, mon oncle, il faut que j'enivre le cousin pour faire connaissance. Allons, ventrebleu, cousin, allons boire ensemble. Oh, par la sambleu, vous viendrez, car j'y ai regardé. Mais, vous fumez quelquefois, du moins ? Maugrebleu, voilà un sot animal de cousin, il ne sait rien faire. Ah, ah ! Palsambleu, je vous en réponds. Vous ne prétendez pas faire sitôt la noce, mon oncle ? Allons : hé, marchez à moi, cousin. Comment ? Palsambleu, vous faites rébellion ! Ma tante et ma sœur sont avec lui. Qu'est-ce que cela signifie ? Mais si ce gendre malotru… Oserai-je me flatter, Monsieur… Il ne sera pas malaisé de vous en instruire, voilà ma tante et ma sœur… **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendangesdesuresnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendangesdesuresnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMEDESMARTINS *date_1695 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamedesmartins Hé ! Te voilà, Madame Dubuisson : j'ai fait mettre mon carrosse chez toi. Je me partage, Madame Dubuisson ; j'ai passé tout le printemps chez toi, je viens passer les Vendanges avec ma nièce, et en équipage de Vendangeuses, comme tu vois. Il faut avouer que Monsieur Thomasseau est la politesse et la galanterie même. Oui, ma chère. Allons ma nièce, saluez Madame Dubuisson, c'est une bonne personne que vous ne serez point fâchée de connaître dans la suite. Nous nous verrons, Madame Dubuisson. Si vous êtes toujours dans le dessein d'épouser ma nièce, il faut consentir au bonheur de mon neveu, pour le faire consentir au vôtre. Amants, qui venez en vendange, L'Amour ne trouve point étrange Qu'au Dieu du vin vous fassiez votre cour. Dans une heureuse intelligence Ces Dieux se servent tour à tour, L'Amour aide à Bacchus, et par reconnaissance, Bien, souvent Bacchus avance Les affaires de l'amour. Cachez bien les faveurs secrètes, Amants, dont vous comblés. Sitôt que vous les révélez, Adieu paniers, Vendanges sont faites. Défiez-vous de ces coquettes, Qui n'en veulent qu'à vos écus ; Sitôt que vous n'en aurez plus, Adieu paniers, vendanges sont faites. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendangesdesuresnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendangesdesuresnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1695 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Il suffit qu'elle soit de vos amies, pour me donner bonne opinion de son mérite. Je meurs d'impatience d'embrasser Mademoiselle votre fille. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendangesdesuresnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendangesdesuresnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_BASTIEN *date_1695 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_bastien Aga, votre laquais, Monsieur Vivien, je sis votre cousin, ne vous en déplaise, et quoique je sois rouge vêtu… Oui, mon cousin. Hé bien, oui, Monsieur, je le dirai, mon cousin Vivien. Non, non, je m'en vais tant seulement panser nos cavales, et je les mènerai boire, mon cousin Vivien. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vendangesdesuresnes *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vendangesdesuresnes *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LORANGE *date_1695 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lorange Hé, serviteur, Monsieur Clitandre : hé, comment vous en va ? Voulez-vous que je vous parle franchement ? Je ne le dirais pas à d'autres, mais à ma commère et à vous… Non, par ma foi, je viens faire emplette de bon vin de Champagne. Oui, parbleu, nous sommes plus de trente à Paris, qui tirons nos vins de Champagne de ce pays-ci, et nous allons chercher les vins de Bourgogne par delà Étampes. Oh ! Ne vous fâchez point ; vous ne buvez point de ces bons vins-là, vous autres ; on n'en donne qu'à ceux qui les patent le mieux, et qui s'y connaissent le moins. À de petits-maîtres de Paris, par exemple, à des filles de qualité de leur connaissance, à des enfants de famille qui prennent crédit, à des abbés qui font porter des soupers en ville ; il faut bien que tout passe. Qui ? Je ne sais qui vous voulez dire. Il me doit de l'argent, mais il se déniaise. La peste ! Il soupe quelquefois chez la veuve d'un partisan qui a arrêté ses parties. Quand il vous plaira, vous qui avez tant d'aventures, vous vous acquitterez de la même manière, de huit cent francs que vous me redevez. Je me donne au diable, ce serait conscience. Parbleu, de tout mon cœur. De quoi s'agit-il ? Il n'y a rien que je ne fasse, vous n'avez qu'à dire. Bonjour, Madame Du buisson. On m'a dit que mon petit mari de Gisors était chez vous, Madame Dubuisson. Pourquoi ne me vient-il pas voir cet animal-là ? Voilà un plaisant sot ! Oh ! Que je m'en vais lui apprendre à vivre ! Qui est cet original-là, Madame Dubuisson ? Ah, le plaisant visage ! Il faut donc que j'épouse ce gobin-là ? Quel animal ? Quel brutal ! A-t-il une langue ? Sait-il parler, ce pauvre benêt ? Hé bien, me fera-t-il honnêteté ? Me fera-t-il compliment ? C'est une bûche, je pense : Je ne veux point d'un mari comme celui-là ; il ne remue non plus qu'une souche. Non, Monsieur de Gisors, non, vous ne partirez pas comme cela, il faut que vous voyez mon papa Thomasseau auparavant : votre mine le réjouira, car elle est fort drôle. Vous êtes un peu tortu-bossu : mais on vous redressera, ce n'est pas une affaire. Que je me redresse, moi ? Moi ? Que je le redresse ! Que veut-il dire cet impertinent-là, Madame Dubuisson ? Je lui pourrais bien donner de mon bâton sur les oreilles ? Patience, patience, qu'il m'épouse, je le frotterai bien quand je serai sa femme. Ah ! Vous voilà, papa Thomasseau, venez-vous-en un peu moriginer votre gendre, il perd le respect, je vous en avertis. C'est un petit impoli qui ne sait pas vivre ; ses grossièretés me font quitter la place. Votre servante, Madame Dubuisson ; jusqu'au revoir, Monsieur de la Chaponnardière. Voilà mon cousin l'Officier que j'amène voir mon prétendu. C'est un nigaud, qui est frais émoulu de la Province ; mais vous me le dégourdirai, cousin. Donnez-moi la main, mon petit mari, ne vous faites point tirer l'oreille. Monsieur, je suis votre très humble servante. Oui, ma chère Madame Dubuisson, c'est moi-même. Trois Officiers de Dragons de mes bons amis m'ont engagée d'y venir en Vendanges ; et comme j'ai su par occasion que Monsieur Vivien de la Chaponnardière y était pour épouser la fille de Monsieur, j'ai cru ne pouvoir me dispenser de mettre empêchement à ce mariage. Comment de quel droit, petit perfide ? Tu ne me connais point, traître ? Je te dévisagerai, si on me laisse faire. Tu ne me connais pas ? N'est-ce pas toi qui m'as mise dans mes meubles ? Avant que je connaisse ce libertin-là, ma réputation flairait comme baume dans tout le quartier du Palais-Royal. Si vous saviez, Monsieur, comme il m'a attrapée. Tenez, Monsieur, il venait quelquefois chez une honnête Marquise qui donne à jouer ; il me vit, je lui plus ; je le vis, il me plut. Vraiment, nous soupâmes ensemble dès le soir même ; il me fit boire tant de ratafia, et tant manger de truffes. Oh, pour cela l'argent ne lui coûte rien, il fait bien les choses. Oui, Madame, et deux jours après il m'envoya une tapisserie de brocatelle, un petit lit de damas feuille morte, avec la petite oie. Oh, tu as beau nier, il faut que tu m'épouses, ou que tu sois pendu. Oui, par la ventrebleu, tu m'épouseras ? Ah, je veux que cinq cents diables me tordent le cou, Madame, si… Consolez-vous, Monsieur ; jeune et nigaud comme vous êtes, vous ne manquerez pas de bonne fortune. Et comme maître de l'Épée de bois, si vous voulez, je ferai le festin des deux mariages. Fort à votre service. Sans rancune, Monsieur Vivien, nous vous avons empêché de vous marier, ce n'est pas vous rendre un mauvais service. Allons, gai, Messieurs de la symphonie : honneur à Monsieur Vivien, et à nos vendanges.