**** *creator_dancourt *book_dancourt_vertgalant *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vertgalant *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMEJEROME *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_madamejerome Comment, vous voilà encore, Monsieur, je vous croyais déjà à moitié chemin pour le moins. Que cela ne vous inquiète point, nous avons fait une partie qui vous divertira vous-même à votre retour. Une partie de plaisir. Elle ne vaudrait rien si vous y étiez. Vous nous dérangerez. Allez-vous-en à Anthony, et emmenez votre neveu, je vous prie. Oui, en de certaines occasions. Écoutez-moi, votre pétulance se dissipera. Votre bon ami Monsieur Tarif est un maroufle. Il a eu l'insolence de me dire qu'il était amoureux de moi. J'en ai averti sa femme. Nous avions pourtant résolu de ne vous en dire mot. Il m'a demandé un rendez-vous, et je le lui ai donné pour ce soir. Cela vous fâche-t-il ! Le souper est là-bas, voulez-vous qu'on le renvoie, ou que nous bernions Monsieur Tarif ? Il n'y aura pas grand mal, il le mérite bien ; vous êtes le maître. Il y sera trompé, je vous en réponds. Voilà des choses qu'il est inutile de me dire. Voulez-vous qu'on lui ouvre, Monsieur ? Allez donc, Javotte, et l'amenez ici... J'entends du bruit, c'est lui, retirez-vous vite. Est-ce Monsieur Tarif, Javotte ? Quel ajustement ! Quelle propreté ! Vous plaisez de quelque manière que vous soyez, mais je ne laisse pas de vous savoir gré des soins que vous prenez pour paraître encore plus aimable. N'en disons point de mal, de grâce, et contentez-vous de ce que je fais aujourd'hui. Qu'on apporte le souper ici, c'est l'endroit le plus éloigné de la rue, et où nous serons le mieux à couvert des regards curieux du voisinage. On ne peut trop prendre de précaution pour se garantir de la médisance du petit peuple. Oh ! Je me mets au-dessus de cela, moi, et je prends si bien mes mesures, que je ne crains point la médisance. Ah ! Que vous faites bien, Monsieur ; vous étiez guindé avec votre grande perruque ; vous avez un bonnet, mettez-le. Vous n'avez guères de précaution. Apportez un des bonnets de votre oncle, Mademoiselle Javotte, le plus beau, le plus propre ; c'est pour Monsieur. Oui. Il aime ses commodités. Un Officier de Dragons, un neveu de Monsieur Jérôme, qui n'est ici que d'aujourd'hui. Il a la bonté de ne me pas laisser seule, de peur que je m'ennuie. Ce sera Monsieur Jérôme. Quelles affaires le font revenir si promptement ? Ne vous mettez pas en peine, c'est un bon homme, et qui croira tout ce que nous voudrons. Secondez-moi, Mademoiselle Javotte. J'ai cru que vous ne m'en désavoueriez pas, Monsieur Jérôme. Je vous jure, Monsieur… C'est ma faute ! À moi, ne vous emportez pas contre lui, de grâce. Bonsoir, Monsieur, je vous laisse en bonnes mains, et vous souhaite toutes sortes de bonnes fortunes. Toute autre chose que ce que nous avions projeté : nous comptions de nous divertir entre nous autres ; Monsieur Jérôme a su l'affaire, il nous a volé ce plaisir-là, et l'a pris pour lui. Là-bas dans la salle, où deux Officiers de Dragons, et Monsieur Jérôme, travaillent de concert à enivrer Monsieur Tarif. Le neveu de Monsieur Jérôme. Nous le saurons bien tôt, écoutons. Tout ceci finira par un bon mariage. Elle finira bien. Entrons dans mon appartement. Voyez ce qui se passe là-bas, Éraste et venez nous en rendre compte. Qu'est-ce que j'apprends, Monsieur Jérôme ? La raillerie devient outrée, et vous poussez la chose trop loin. Je vous le demande avec instance. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vertgalant *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vertgalant *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMETARIF *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_madametarif Bonsoir, Monsieur Jérôme, votre servante. Vous a-t-il dit de quelle nature sont ces affaires ? Il appelle cela un mariage, le bon traître ! Si l'on était d'humeur à se marier de même. C'est un grand fripon que mon mari, Monsieur Jérôme. Un grand débauché, un scélérat. Des choses qui vous regardent pour le moins autant que moi, Monsieur Jérôme. Les cornes vous viendront à la tête, quand je vous les dirai. Il est amoureux de votre femme. Il n'y a rien de plus vrai. Vous allez ce soir à la campagne ? Il soupe chez vous avec elle, et voilà le mariage pourquoi il a affaire. Cela ne vous paraît pas possible, mais cela est. Madame Jérôme elle-même, qui m'en a avertie. Oh, c'est une brave femme ! Non, vraiment. Il y a je ne sais combien de temps qu'il la persécute : il n'est de vos amis que pour cela. Elle n'a pas voulu vous en parler, de peur de noise ; elle me l'a dit à moi, et nous sommes convenu de le berner, et de nous moquer de lui. C'est aujourd'hui que la partie se fait. Mais il faut qu'il croie que vous y êtes. Qui le sait mieux que moi ? Je vous l'ai dit d'abord. Oh ! Je ne l'épargne pas, je lui revaudrai. Vous ne seriez pas capable de cela, vous, Monsieur Jérôme. Ce n'est pas le premier tour qu'il m'a fait, il en conte à tout le voisinage : mais je veux me venger. Il faut que nous nous vengions, Monsieur Jérôme. Sans lui faire aucun mal, pourtant. Je n'ai pour objet que de le corriger de ces libertinages ; je voudrais si bien qu'il fût un peu changé. Quand vous l'aurez pris comme un sot : vous m'enverrez chercher pour lui faire la honte. Je viendrai avec une de mes amies, qui a été dans le cas comme Madame Jérôme. Vous avez bon esprit et bonne conduite, je me rapporte à vous de toutes choses, et vais attendre le dénouement de l'aventure. J'étais fort en peine de Monsieur mon mari : j'attendais chez moi des nouvelles de Monsieur Jérôme, ou des vôtre ; je viens moi-même, avec ma voisine et mon amie, voir ce qui se passe. Voilà comme font tous ces vilains maris, ils dérangent tout autant qu'ils peuvent toutes les parties de plaisir que font leurs femmes. Ce sont des animaux bien ridicules et bien rétifs que des maris ; baste, cela ne l'a pourtant pas corrigé, comme vous voyez. Mais que font-ils ? Où sont-ils à présent, les deux nôtres ? Qu'avait-on besoin d'eux pour cela ? Comme si nous ne l'aurions pas bien enivré nous-mêmes. Mais que vois-je ? Et notre nièce avec lui ; qu'est-ce que cela veut dire ? Vous me paraissez de bonne intelligence avec ce Monsieur-là ? Que faites-vous ici avec lui ? Qui vous a mandée ? Qui vous a dit d'y venir, Mademoiselle ? Affaire de vous ! Et à quel sujet ? Mais on ne s'expose point à venir seule avec un homme… J'y donnerai les mains de tout mon cœur, pour faire enrager mon mari, qui ne veut point marier sa nièce ; cela le corrigera peut-être, lui de vouloir avant que d'être veuf, se remarier en secondes noces ; et ce sera fort bien fait de le punir comme cela On m'a mise au fait, je sais à peu près vos vues, je les trouve bonnes : où en sommes-nous ? Oh, pour cela non, je ne suis point femme de Bal, et je ne connais personne sous le masque. Miséricorde ! Hé ! C'est Monsieur Tarif, je pense ! Comme le voilà fait ! Qui l'aurait reconnu ? Vous méritez bien cela, Monsieur ; voilà ce que c'est que de faire le libertin comme vous faites ; et de vous adresser à d'honnêtes femmes. Mon bon Monsieur Jérôme ! C'est une couleur bien triste, Monsieur Jérôme. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vertgalant *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vertgalant *dist2_dancourt_prose_comedy *id_JAVOTTE *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_javotte Est-ce que vous n'allez pas ce soir à Anthony, mon oncle ? Mettra-t-on les chevaux à votre chaise. Hé, vraiment oui, c'est lui-même, je ne le reconnaissais pas d'abord. Ah ! Que je suis ravie de te revoir, mon pauvre Colin. Bonjour, Monsieur de Lépine, bonjour. Mais si vous voulez, mon oncle, je présenterai pour vous mon frère à ma tante, vous n'avez qu'à dire. Hé, mon oncle, laissez-nous prendre ce plaisir-là, je vous en prie. Oui, mon oncle. Non, mon oncle. On frappe à la porte de derrière, et l'on a toussé deux fois ; c'est le signal que nous avons donné. Il y a un quart d'heure qu'on a tout apporté, ragoûts, rôti, dessert, le couvert est mis, le vin rafraîchi, on se mettra à table quand vous voudrez, et sur la fin du repas on vous donnera les violons : c'est une petite musique, dont vous ne serez pas mécontent. Belle cérémonie ! Craignez-vous de l'user ? Vous lui en rendrez un autre. N'a-t-il pas raison ? C'est le fauteuil de mon oncle, au moins. Il n'est point ici, vous y tenez sa place ; il faut que vous y figuriez comme lui, afin qu'on ne s'aperçoive point de son absence. Hâtons-nous de souper, les ragoûts se gâtent. Oui : mais ils n'ont pas de si bonnes fortunes. Vous voyez bien que non : mais comme c'est un homme de règle, et qui ne manque jamais à de certaines bienséances, il a envoyé Monsieur son ami pour tenir sa place. Monsieur Tarif est ami de toute la maison ; il est le mien, il sera le vôtre si vous voulez ; il est tout rempli d'amitié pour toute la famille, et l'on vit avec lui sans façon. Qui fait pour lui toutes ses affaires. On frappe à la porte, et rudement même ; à l'heure qu'il est, qui pourrait-ce être ? Oui, ma tante. Il n'y en a point de notre part, mon oncle. Il nous a dit qu'il allait en bonne fortune ; qu'il craignait de déranger l'économie de sa perruque ; on s'est prêté à cela : le grand malheur ! Mais Lépine sera-t-il assez habile pour cela. Il y a sérieusement à décrasser à Monsieur Daniel Tarif. Jusqu'au revoir, Monsieur, que vous allez être propre ! C'est une petite musique que l'on va répéter, pour vous en donner le régal quand vous aurez repris votre belle humeur, avec votre couleur naturelle que Lépine va vous rendre. Si tous les maris dont on courtise les femmes, recevaient ainsi leurs galants, que l'on verrait de Perroquets dans le monde ! Venez, venez, accourez tous, Apprendre ici comment se venge Un mari sagement jaloux. Si ceux qu'un fol amour dérange, Ne se corrigent pas chez nous, Voyez du moins comme on les change. Pour faire que le correctif, Qu'on a fait à Monsieur Tarif, Devienne un jour à tous notoire, Qu'un musical récitatif, Sur un ton plus gai que plaintif, Au quartier annonce l'histoire ; Que Pégase, s'il n'est poussif, Pour en conserver la mémoire, Aille en tous lieux bannir la gloire, Du Vert-Galant Monsieur Tarif. La nature le rend galant : Mais ce n'est rien que la nature ; Si l'art n'eût aidé le talent Par le secours de la teinture, Au dénouement de l'aventure, Il ne serait pas Vert-Galant. La couleur se donne aisément : Mais ce n'est rien que la teinture : Ce serait un secret charmant, Si l'art corrigeait la nature ; Mais quand on n'est vert qu'en peinture, On est un triste Vert-Galant. Quand il croit son voisin absent, Il vient souper chez sa voisine ; Et le voisin qui le surprend, Loin d'en faire mauvaise mine, Fait, de concert avec Lépine, Du vieux Tarif un Vert-Galant. Messieurs, pour vous rendre contents, Il n'est soins qu'ici l'on ne prenne : Puissiez-vous encor dans cent ans Goûter les plaisirs de la Scène ; Et jusques-là, qu'Amour vous tienne Toujours joyeux et Vert-Galant. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vertgalant *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vertgalant *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_angelique Je le livre à ce flatteur espoir, et je souhaite la chose autant que vous, Éraste, je vous assure. C'est lui-même, Madame : il m'a dit que vous étiez avec mon oncle, et qu'on y avait affaire de moi. Je ne sais, Madame. Vos conseils m'y ont déterminée. Mon oncle… **** *creator_dancourt *book_dancourt_vertgalant *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vertgalant *dist2_dancourt_prose_comedy *id_ERASTE *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_eraste Moi, Officier de Dragons, aller loger chez un teinturier, que l'on sait qui est mon oncle ! C'est à quoi je ne puis me résoudre, mon pauvre Lépine. Le hasard nous fournira quelque aventure favorable, dont il faudra tâcher de profiter. Ne m'en parle point. Tu sais les vues qui m'amènent ici, cela rétablira mes affaires. L'affaire est plus avancée que tu ne penses ; nous nous sommes envoyé mutuellement une promesse de mariage. Comment donc ? Pourquoi non ? Je ne rougis point de ma famille, mais je n'ai que faire d'afficher qui je suis en allant demeurer chez Monsieur Jérôme. J'ai des mesures à garder avec cent officiers de mes camarades. Quoi, tu veux me quitter, Lépine. Mais attends encore quelques jours du moins. Fais en sorte qu'il me prie de demeurer chez lui ; je n'y entrerai que les soirs du moins. Je suis confus, mon oncle, de paraître devant vous si négligé ; mais l'impatience d'arriver à Paris m'a fait prendre la poste ; je n'ai eu que le temps de me débotter, pour vous venir rendre mes premiers devoirs. Tu sais mes sentiments pour lui, Lépine. Quoi, mon oncle !... Mon oncle est fait pour la société, Lépine. Je suis ravi de mon côté, mon oncle, que vous ayez fait un si bon choix. Vous allez quitter, mon oncle ? Quel ravissement pour moi ! Quelle joie ! Moi, mon oncle ? Vous savez, mon oncle, que ma destination n'a jamais été… Je ferai ce que vous voudrez, mon oncle, vous êtes le maître. Oui, mon oncle. Angélique. Justement, mon oncle. Vous connaissez fort Monsieur Tarif, apparemment ? Il vaut mieux que vous le préveniez d'abord. Et moi charmé de t'embrasser, ma sœur : mais ne m'appelle plus comme cela, je te prie. Votre charmante épouse nous a reçu le plus gracieusement du monde, et vous êtes logé et meublé comme un Financier, mon oncle. Comment donc ? Ne puis-je pas savoir… Comment donc, on se met à table sans nous avertir ? Mon oncle, qui me force à venir loger chez lui presque malgré moi… Où est donc Monsieur mon oncle ? Est-ce qu'il ne soupe pas ici. Ce galant homme-là est des amis de mon oncle, ou de ma tante, sans doute ? Ah, parbleu, je l'aime de cette humeur ; je suis aussi sans cérémonie : une chaise, un couvert. Que l'on appelle mon Maréchal des logis, qu'il me vienne tenir compagnie ; l'ami de mon oncle me paraît un ennuyeux. Le repas languirait, il faut l'égayer. Hé ! Parbleu oui : ne veux-tu pas souper ? Ici comme ailleurs, nous mangerons à table d'hôte, mais la chère est meilleure qu'à l'auberge de la garnison, comme tu vois. Voilà le meilleur de ses amis, un autre lui-même. Tope, à la mode, et rasade même. Pourquoi non ? Il y a là-bas vingt cuves à choisir. Je ne me sers jamais que de lui pour cela, mon oncle. Et du vin, mon oncle, je bois toujours dans le bain, moi qui vous parle. Je ne perdrai pas un instant. Monsieur Tarif n'en aura que la peur ; le ressentiment de mon oncle ne sera pas si bien servi qu'il se l'est promis, et l'aventure sera plus ridicule que sérieuse. Oui charmante angélique, nos affaires sont dans la meilleure situation du monde : Monsieur Jérôme, mon oncle, approuve l'ardeur que j'ai pour vous, et j'ose quasi vous répondre que Monsieur votre oncle qui est ici ne me refusera pas son aveu. C'est un mystère qu'on vous expliquera, Madame. Vous le savez mieux que personne. Oui, Madame. Ce qui s'y passe les surprendra, et je suis surpris moi-même que mon oncle qui veut faire consentir Monsieur Tarif à mon mariage, pousse si loin la vengeance qu'il en prend lui-même. J'ai pourtant donné ordre à Lépine de la modérer. Comment donc ? Qu'avez-vous, mon oncle ? Il semble que vous soyez fâché de la plaisanterie. Elle l'est un peu, je vous l'avoue ; mais après tout, vous avez fait votre devoir. Il n'y a jamais d'inconvénient à prendre des mesures. Nous trouverons moyen de remédier à toutes choses. Il vous dit vrai, Monsieur nous nous sommes promis de nous épouser. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vertgalant *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vertgalant *dist2_dancourt_prose_comedy *id_LEPINE *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lepine Ma foi, Monsieur, c'est le meilleur parti que nous puissions prendre. Il ne fait point chercher d'auberges : voilà deux quartiers d'Hiver que nous avons passés à crédit dans cinq ou six hôtels garnis différents. On nous connaît, allons-nous-en planter le piquet chez l'oncle. Mais nous arrivons sans argent, et presque sans ressource : que devenir ? Quelque aventure favorable ! Depuis que j'ai l'honneur de vous servir, ou à Paris, ou à la Garnison, Monsieur, je ne vois pas que vous ayez eu de bonnes fortunes fort utiles. Vous êtes jeune, assez bien fait, hardi, entreprenant, et insolent même quelquefois ; mais cela ne vous a encore menés qu'à la connaissance de quelques coquettes de frontière, et à deux ou trois mois de crédit, que nous avons attrapés par-ci par-là de vos hôtesses. Votre bourse, assez dégarnie, a achevé de se vider pendant la campagne ; votre linge s'est usé, vos galons d'or sont devenus de soie, et vos plumets sont fort sales. L'oncle les remettrait en couleur ; ce devrait être une raison déterminante que celle-là. Quoi, votre mariage avec cette jeune personne qui est la nièce de Monsieur Tarif l'usurier ! Ce sont là des vues bien éloignées, Monsieur. Ah ! Monsieur, vous n'y songez pas. Vous avez honte d'être le neveu d'un teinturier, et vous voulez devenir celui d'un agioteur. Oui ! Oh bien, Monsieur, moi qui n'ai point de mesures à garder avec mes confrères les valets de chambre, et qui était garçon de Monsieur Jérôme, d'où vous m'avez débauche fort mal à propos, je vous dirai naturellement que je veux retourner à mon premier métier, et que j'aime mieux teindre et dégraisser les vieux habits du public, que de continuer à nettoyer les vôtres. C'est que vous ne pouvez me garder, Monsieur. Voilà la paix faite, vous serez réformé, vous quitterez e service malgré vous. Je le quitte moi-même, je me réforme ; cela me paraît plus noble. Hé bien soit, je vous donne la semaine. Je fais bien les choses, comme vous voyez. Mais voici votre oncle, voulez-vous que j'aborde le bonhomme ? Il parle de Madame Jérôme ! Le bonhomme se serait-il ennuyé du veuvage pendant notre absence ? Oui, Monsieur, vous revoyez deux favoris de Mars de votre connaissance, échappés des dangers de la campagne. Voilà un garçon bien revenu des premiers égarements de sa jeunesse, il vous aime à présent… Ah, le bon oncle que vous avez là, Monsieur. Et combien vous vous faites honneur d'être son neveu. Je l'ai deviné d'abord. La succession est en danger. Je serai charmé du mien, d'avoir une aussi bonne maîtresse ; car vous voulez bien, Monsieur, que je rentre chez vous, dans mon devoir, et dans mes anciennes fonctions de maître garçon ? Tant pis. Fort bien, l'Officier de Dragons deviendra Teinturier, et le Teinturier, Gentilhomme ; ce sera là une jolie métamorphose. Ne refusez rien, prenez toujours, nous nous en accommoderons. Nous en avons aussi une, ne vous mettez pas en peine d'en chercher d'autre. C'est que nous prenons nos mesures de loin. C'est une de nos amies, Madame Clopinet, votre voisine, qui a fait cette affaire-là. Elle nous a envoyé le portrait de la fille, nous lui avons renvoyé celui de mon maître. Les parties ont été contentes des copies, et les originaux sont devenus amoureux l'un de l'autre par la poste. C'est une affaire presque faite, il ne faut plus que le consentement des familles. Une petite personne fort aisée à vivre et sans façon, comme vous voyez. Votre propre voisine. Nièce d'un Intéressé. Non, dans celles du Public, un Agioteur. C'est une difficulté, nous le savons. La sympathie est une belle chose. Quelle heureuse rencontre ! Je suis votre serviteur, Mademoiselle Javotte. Nous attendrons vos ordres avec impatience. On dit que vous me demandez, mon Officier ? Malepeste, quelle différence ! Voilà un bon ordinaire bourgeois. Mais je ne vois point Monsieur Jérôme, j'aurais bien voulu lui parler. J'entends, c'est Monsieur qui représente quand il n'y est pas. Il faut par reconnaissance le divertir aussi, mon Officier, et ne le pas laisser ennuyer. Allons, à boire à lui. Oui vraiment, et chez le Baigneur même en sortant d'ici. C'est mon premier métier, Monsieur, vous le savez bien. Parbleu, je le ferai débouillir en cas de besoin, que l'on me laisse faire. Il n'y a rien de plus sain : il faut bien laver le dedans et le dehors, il en sera plus net. Cela ne sera pas long, tout est préparé. Vous m'avouerez que cela est en perfection, je n'ai point oublié le métier, Monsieur Jérôme, et je n'ai jamais fait de si bonne besogne. Et votre métier, c'est là le bon. Le drôle en est quitte à bon marché, je vous en assure. Deux de vos garçons le font sécher auprès du feu ; ils le rhabilleront quand il sera sec, et on lui donnera la clef des champs. Parbleu la couleur est toute donnée, Monsieur, et il n'est plus question de raisonner là-dessus. Nous ne craignons rien, Monsieur, nous avons fait les choses en conscience ; vous avez eu trois teintes, et les jurés de la Communauté n'ont pas le moindre reproche à nous faire. Vous êtes à merveille, vous verrez demain au jour ce qu'on vous en dira. Il a manqué la sienne pour aujourd'hui : mais il ira au Bal pour faire des conquêtes ; le voilà masqué pour toute sa vie. Vous confiner à la campagne. Allez planter des choux et des poireaux, vous êtes déjà de la couleur d'un potager. De l'humeur et de la couleur dont il est on le prendra pour le Dieu des Jardins. Il est changé du blanc au vert, comme vous voyez ; je n'ai pas pu mieux faire. Oh, par ma foi, je l'en défie, et nous y avons mis trop bon ordre. Et si je le réparais, de manière à vous remettre dans le même état où vous étiez en venant ce soir ici, que feriez-vous ? Ce n'est pas pour moi que je le demande, donnez-le à votre nièce, et donnez la fille à mon maître. Ils sont amoureux l'un de l'autre, consentez au mariage. Sur ce pied-là vous êtes un vert brun, je vous rendrai céladon dans une heure. Ah ! Que vous êtes vif, Monsieur Tarif, nous vous avons teint en trois fois, et vous voulez qu'on vous déteigne en une. Pourvu que… Vous serez content, pourvu que vous engagiez Monsieur Jérôme à me donner Mademoiselle Javotte, et à me céder la boutique qu'il voulait donner à mon maître, je vous rendrai blanc comme la neige : pour le cuir s'entend, car pour la conscience, ce serait un peu trop entreprendre. Cela le sera bientôt : allons, venez. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vertgalant *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vertgalant *dist2_dancourt_prose_comedy *id_MADAMECLOPINET *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_madameclopinet Monsieur mon mari m'en fit autant il y a trois mois : Monsieur Tarif fut étrillé par deux grands Clercs. C'est ce qui est cause qu'on ne leur fait pas toujours confidence. Tout coup vaille, je ne me suis pas repentie de celle-là, et Monsieur Tarif fut fort bien régalé. Oui, c'est Éraste, je le reconnais ; je ne le croyais pas ici. Je le sais déjà, moi, je sui leur confidente. C'est un mystère qui ne l'est point pour moi : Éraste est amoureux d'Angélique, Mesdames. Angélique ne hait pas Éraste. Ce sera le hasard et moi qui aurons conduit cette affaire. **** *creator_dancourt *book_dancourt_vertgalant *style_prose *genre_comedy *dist1_dancourt_prose_comedy_vertgalant *dist2_dancourt_prose_comedy *id_CARMIN *date_1699 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_carmin Plaît-il, Monsieur ? Oui, Monsieur. Nous tiendrons tout prêt, Monsieur. Oui, Monsieur.