**** *creator_desmares *book_desmares_roxelane *style_verse *genre_tragedy *dist1_desmares_verse_tragedy_roxelane *dist2_desmares_verse_tragedy *id_soliman *date_1643 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_soliman Non non, ceste grandeur dont l'éclat m'environne, Les superbes⁎ Palais, le Sceptre, la Couronne, Tant de peuple soûmis, tant d'Estats surmontés, N'ont que la moindre part en mes felicités. Un bien plus desirable et dont la jouyssance Du sort capricieux ignore l'inconstance, Que je prends en moy-mesme, et qui dépend de moy Seul établit ma gloire, et me fait vivre en Roy. Un feu délicieux, une divine flame Comble de tant de biens, et mon cors et mon ame, Que l'Empire me plaist en cela seulement, Que par luy je possede un tresor si charmant. Loin d'en rougir, Acmat, je veux que les histoires Parlent de mon amour comme de mes victoires, Que la posterité me nomme également Prince victorieux et bien heureux amant. Parlez parlez, Acmat, j'écoute librement Mon amour se soûmet à vostre sentiment. Comme d'un Potentat c'est le bon-heur supréme, De ne point recevoir de loy que de soy mesme, Je sçay que son mal-heur est sans comparaison Quand il ne cede point aux lois de la raison. Vous m'obligez, Acmat, bien loin de me déplaire, Mais vous parlez des Roys, ainsi que du vulgaire, S'il est vray qu'ils sont Dieux, leur supréme pouvoir Par l'esprit d'un mortel ne se peut concevoir. Sçachez que leur puissance est comme la lumière Au Soleil qui la donne elle demeure entiere ; Et bien que Roxelane ait part en ma grandeur Croyez-vous que ma gloire en perde sa splendeur. Au contraire par là forçant les destinées, Je veux que mon renom triomphe des années, Que ces Roys ennemis sçachent, qu'au dessus d'eux Je puis en un moment élever qui je veux, Et que de la grandeur les veritables marques Sont de mettre un esclave au dessus des Monarques. Mais la gloire empruntée a besoin d'un apuy, Et qui fait un puissant est plus puissant que luy. Pour mon peuple je l'aime, et l'amour d'une femme N'effacera jamais l'amitié⁎ de mon ame. J'ayme differemment deux objects tour à tour, Mon peuple d'amitié, Roxelane d'amour. Je suis son protecteur il ne la peut éteindre, Arbitre du destin de mille nations Je puis bien accorder deux foibles passions. Quoy qu'il en soit, Acmat, pardonne moy si j'aime, Acmat, vostre rigueur me presse en un haut point : Mais puisque mes raisons ne vous satisfont point     Apellés Roxelane afin que sa presence Bien mieux que mon discours parle pour la deffence.             Allez, Ormin, allez Et ne lui dites pas pourquoy vous l'appellez. Ce discours me surpend mais ne presumes pas Que jamais Soliman ait le cœur assez bas. Je sçay garder mon rang et mon amour ensemble. L'amour que je luy porte est à condition, Qu'elle sera modeste en son ambition.  Je les ayme il est vray, mais j'ayme plus les lois Qui sont les vrais enfans des legitimes Roys. Je veux par mes respects pour les lois anciennes Obliger l'avenir à respecter les miennes. Enfin je sçay garder inviolablement Les lois que Bajazet laissa par testament. Mais, Acmat, Roxelane adresse icy ses pas. Qu'elle ne sache rien de ceste conference. Enfin vous me rendés ceste aymable presence. Vostre ame conservant cet ennuy⁎ qui l'oppresse, Ne se peut dire à moy mais bien à la tristesse. Par la nature, a tort, vous vous dites contrainte, Toute tristesse vient de desir ou de crainte : Mais quel mal tant à craindre a pu vous alterer Ou quel si rare bien vous deffend d'esperer. Ne sçavez-vous pas bien qu'en l'estat ou vous estes Vous voyez sous vos pieds l'orage et les tempestes, Que vostre esprit ne peut se former des souhais Que bien-tost mon amour ne change en des effais. Decouvrez vostre mal, sçachés si je vous ayme, Demandés, ordonnés, exécutés vous mesme. Vous ne devez rien craindre et pouvez tout ozer, Qui laschement demande enseigne à refuzer.             Vous me rendés confus, Et ce discours accuze ou vous d'outrecuidance, Ou moy de peu d'amour, ou de peu de puissance. Que Roxelane enfin peut-elle demander ? Que Soliman ne veuille ou ne puisse accorder ? Hors que vous demandiez mon honneur⁎ ou ma vie, Mon amour peut et veut contenter vostre envie. Que demandez-vous donc ? un Royaume.             Ha la foiblesse extréme, Femme simple ou plustost la simplicité méme C'est trop peu demander d'un Prince genereux, Et principalement lors qu'il est amoureux. Mais puisque vostre humeur à ce dézir vous porte, Quoy qu'indigne de moy vous l'obtiendrez, n'importe. Pere, tout à propos vous vous trouvez icy C'est un œuvre pieux, prenés-en le soucy, Que ce temple soit tel que l'art et la nature Disputent de l'honneur⁎ de son architecture, Que l'art perfectionne, et presente à nos yeux Tout ce que la nature a de plus precieux, Enfin j'y veux graver pour la gloire Othomane Ce que peut Soliman, ce que vaut Roxelane Mais qu'on depesche⁎ tost. Pourquoy ? Pere vous jugés donc sa demande inciville. Pouvons-nous point lever ceste difficulté ?                 Quel ? Soit fait, en sa faveur, et pour sa liberté Je renonce à mes droits de souveraineté. Non, non vous étes libre, et n'estes plus à moy. Moi je ne veux de vous que ceste obeissance, C'est que vous viviez libre et hors de ma puissance. Quoy que vous puissiez dire, en vain vous contestés. Pere depeschés⁎-tost de bastir cet ouvrage Qui soit de ma grandeur la veritable image. Qu'elle choisisse un lieu, vous, Acmat, suivez moi, Un grand dessein que j'ay demande vostre employ. Non je ne vous croy pas, Roxelane est trop sage Page, pensez à vous ce discours vous engage. Presque d'étonnement je demeure interdit, En quels termes ? Donc à mes volontez Roxelane est rebelle Quoy ? l'amour desormais est un crime pour elle ? Soit puisque ses mespris m'imposent cette loy Que l'amour desormais soit un crime pour moy. Que jamais son object ne rentre en ma pensee Que pour me reprocher ma faiblesse passee, Qu'en bannissant l'amour se loge dans mon cœur La detestation et la hayne et l'horreur, Et de quelques appas⁎ que ce trompeur se pare Qu'il ne rencontre en moy que l'ame d'un barbare, Qu'il n'y revienne plus, c'est un point resolu, Je reprens sur moy mesme un pouvoir absolu. Mais que dis-je ? un esclave, un object de misere, Un ver de terre, un rien me peut mettre en colère, Comme l'amour, la hayne est indigne de moy, Toutes les passions sont indignes d'un Roy. Ormin, pour asseurer le repos de mon ame Et pour mieux étoufer le reste de ma flame Je veux que de ce pas on aille oster le jour A l'ingrate autresfois l'object de mon amour Aportez moy sa teste ou m'envoyez la vostre.             Comment vous contestés.              Toutefois arrestés, Je la puniray mieux. Au procez d'un rebelle il ne faut point de formes. Allez, et qu'aussi-tost je vous revoye icy De sa rebellion je veux estre éclaircy. STANCES. Traistre demon des vanités Qui promets des felicités Et ne donne que des miseres. Trosne, couronne, éclat trompeur Est-il quelqu'un heureux esclave des coleres, Des grandeurs, de l'amour, de l'espoir, de la peur. Que n'apelle t'on l'homme animal miserable Plustost que raisonnable  ? Allés flatteurs des Rois qui les appellez Dieux J'éprouve en mon sort déplorable Qu'il n'est point de Dieu hors les Cieux. En vain je n'ay plus d'ennemis, En vain tout l'univers soûmis Ayme et craint ensemble mes armes Puisque chez moy mes passions Me causent plus de mal, me donnent plus d'alarmes Que la rebellion de mille nations. Sous le fais⁎ des ennuis à peine je respire Et dedans mon martire La hayne arme mon cœur, l'amour retient mon bras Et tour à tour me viennent dire Vange toy, ne te vange pas. Mais suis-je encor ce Soliman Que dedans l'Empire Othoman     La fortune⁎ soumise adore ? Ma vertu signalons ce jour, La fortune⁎ est vaincue, il faut combatre encore, Avec pareil succez, et la hayne et l'amour. Mais passe plus avant et laisse à la mémoire Pour comble de ma gloire Que puisque en l'univers il ne m'est point resté Sur qui remporter de victoire Je me suis moy-mesme domté. Mais elle a mesprisé son Roy Suivons la rigueur de la loy, La Justice et non la clémence, Soyons plus juste et moins doux, Punissons pour l'exemple et non pour la vangeance, Non pour nostre interest mais pour celuy de tous. Mais punir Roxelane ? Helas ce nom me laisse Encore de la tendresse, Pardonnons luy plustost mais c'est trop combattu, La clemence est une faiblesse Et la rigueur une vertu. Mais ne la jugeons pas sans ouyr sa deffence Ormin, Osman, quelqu'un à moy, que l'on s'avance.                 Ormin je parle à vous, Amenez Roxelane. Circasse, depuis quand cette humeur vous tient-elle ! Et pour vous et pour moy jugez plus sainement, Vous me verrez son juge, et non pas son amant. Mais voicy nostre ingrate.             He bien belle Princesse ! Ma faveur vous offence et mon amour vous blesse N'est-il pas vray.             Quelle erreur vous transporte En me connoissant mieux jugez d'une autre sorte. Je suis Roy, non tiran, juste, non violent, Je suis prompt à remettre, à punir je suis lent. Je regne par les loix plus que par la couronne, Je hay le crime seul, et non pas la personne. Mais possible adjoutant la haine à vos mespris Vous voulez l'imprimer dans les autres espris. Vous voulez qu'on publie en cet Empire auguste Qu'aujourd'huy Soliman a cessé d'estre juste Puisqu'il a condamné sans avoir entendu Et sans avoir souffert qu'on se soit deffendu. Voyez jusqu'à quel point se monte vostre envie, Pour me perdre d'honneur⁎ vous perdez vostre vie, C'est bien loin du respect que vous dites avoir, Mais si vous en aviez vous me le feriez voir. Et vous me serviriez en vous servant vous mesme Ostant ce que je hay d'avecques ce que j'ayme. C'est votre crime seul qui me déplaist en vous, Si je n'en trouve point je n'ay point de courrous. Je poursuis vostre crime et j'en veux la vengeance Mais je serois ravy de voir vostre innocence. Et c'est le plus grand mal qui ne puisse avenir Si le crime prouvé m'oblige à vous punir Je ne vous entens pas esclaircissez-vous mieux. Quoy donc pour estre libre et dépendre de soy La loy ne permet pas d'aymer encor son Roy ? Qui croiroit que des lois la divine ordonnance Dispersast un sujet de son obeyssance ? Adieu, Circasse, adieu, Soldats retirez-vous. Enfin je me voy libre et je puis sans contrainte Vous dire les douleurs dont mon ame est atteinte. Roxelane, il est vray que ny la Royauté Ny le pompeux éclat qu'on nomme Majesté, Ny les biens de la paix, ny la gloire des armes, N'ont pour moy desormais que d'insensibles charmes⁎. Je soûmets à vos pieds toutes ces vanités Et mon Empire cede à celuy des beautés. Ne considerez plus, ny sceptre, ny couronne, Que celle que l'amour sur Soliman vous donne. Regnez sur un Monarque en effet mal-heureux Si vous luy contestés le titre d'amoureux, Et qui foulant aux pieds l'orgueil du diademe Contre vostre rigueur n'oppose que vous mesme. Donc par ces premiers feux, par ces premiers desirs Qui vous ont enseigné l'usage des plaisirs, Par ces premiers liens dont nos ames unies Ont autrefois gousté des douceurs infinies, Par ce divin esprit l'ornement de ma cour, Par ces yeux ravissants, par le doux nom d'amour, Par nos communs enfans, en un mot par vous mesme Ne desesperez point un Prince qui vous ayme, Et ne vous privez pas pour des formalitez Des plaisirs qu'autresfois vous eussiez achetez. Mais d'où viennent ces pleurs ? Vous ne le devez pas, vous estes insensible. Mais on dit que le prince est pardessus la loy. Mais j'en puis dispenser, Pourquoy m'opposez-vous ceste difficulté ? Mon interest à part considerez le vostre, Pour garder une loy n'en rompés pas une autre Ne tuez pas un Roy qui vous ayme si fort, Et donnez luy plustost vostre amour que la mort.             Helas, belle insensible, Que me conseillez-vous ? de faire l'impossible. Que me conseillez-vous ? de quitter vos appas⁎, C'est pour guerir un mal condamner au trespas. J'ay converty l'amour en ma propre nature, L'amour en me quittant creuse ma sepulture. Et ne m'opposés point le deffaut de beauté, Je trouve encore en vous tout ce qui m'a tenté Et le tems qui hors vous ruine toutes choses Respecte en vostre teint et les lis et les roses. Si bien que son pouvoir n'agit sur vos beautez Que pour les mieux empreindre en mes sens enchantez. Aussi pourquoy les yeux triomphans des années N'asserviroient-ils pas des testes couronnées, S'ils triomphent du tems qui triomphe des Rois, Quel Roy refuseroit d'obeir à leurs lois : Mais si l'on doit payer l'amour de l'amour mesme Dénierez-vous l'amour à mon amour extrême ? Pourquoy me donnez-vous ce conseil sanguinaire ? Pourquoy pour ne commettre un crime imaginaire  Voulez-vous me noircir de deux vrais attentats Et contre vos beautés et contre mes Etats ? En vous faisant mourir sans cause legitime Je commettrois moy-mesme un veritable crime. Voulez-vous qu'à ma honte on publie en ma cour Que je donne la mort en donnant mon amour Et si l'ame vit plus en la personne aymée Qu'en celle qu'en effet elle rend animée, En m'armant contre vous je m'arme contre moy Et je laisse mon peuple et mes Estats sans Roy. Mais ne retenés plus mon esprit en balance, Ou ma vie, ou ma mort, prononcés ma sentence, Voulez-vous point finir les tourmens où je suis ? Comment vous ne pouvés, vous ne pouvés, ingrate ? C'est à ce coup qu'il faut que ma colere éclate, Oüy ! superbe, les lois te font manquer de foy, Oüy, les lois t'ont apris à mespriser ton Roy : Donc que ces mesmes lois qui font ton insolence Te viennent desormais soustraire à ma vengeance Je seray de ton crime, en quittant la douceur, Et tesmoin, et partie, et juge, et punisseur, Je te rends miserable au point que la mort mesme Deniera son secours à ta misere extréme Quelqu'un à moy.                 Qu'on la charge de fers Qu'on la traisne vivante en l'horreur des enfers, Qu'on luy creuse un abisme au centre de la terre Où son remors luy fasse une eternelle guerre, Où detestant son crime, et sa vie, et son sort En vain à son secours elle appelle la mort, Enfin où sa fureur⁎ à sa perte animée Enrage de despit de se voir desarmée. Qu'on emporte ce monstre, Ormin je parle à vous, Qu'on l'oste, sa presence augmente mon courrous. Je te l'accorderois si je voulois te plaire, La mort est une grace et non pas un tourment Pour ceux que je destine à mon ressentiment. Tu la souhaitterois mille fois et ta vie Aux plus cruelles morts portera de l'envie. Qu'on l'oste, dis-je. Helas, en cet adieu je sens de nouveaux charmes⁎ Qui me percent le cœur, qui me donnent des larmes. Ormin, parlez à moy, traittez-là doucement, Je veux que tout son mal soit la peur seulement. Asseurez-vous pourtant toujours de sa presence, Faut-il que cette affaire esbranle ma confiance, Possible elle a raison, j'en veux estre éclaircy, Assemblez le Conseil pour une heure d'icy. Amis dont la valeur jointe à l'experience Affermit ma couronne, asseure ma puissance Et partage avec moy le soin⁎ de tant d'étas Desquels je suis le chef, vous les mains, et les bras, Apres tant de combats, de murailles forcées De trosnes abattus, de grandeurs terrassées. N'ayant plus rien à vaincre il sembloit desormais Que l'univers soumis nous forçast à la paix, Mais l'Enfer enragé de voir que dans la guerre Tout faisoit place aux coûs de nostre cimeterre, Qu'en vain contre ma gloire il faisoit des projects Puis que de ses supposts je faisois mes sujects, L'Enfer dis-je voyant le bon-heur de ma vie Impenetrable aux coûs que lançoit son envie, S'il ne me suscitoit de plus fors ennemis Que l'univers entier qu'il me voyait soûmis, A trouvé dans ce cœur plus grand que tout le monde Ce qu'il n'a peu trouver sur la terre et sur l'onde. En moy mes ennemis, mais ennemis puissants Et d'autant plus que l'ame est au dessus des sens, Guerre plus que civille, et qui porte a l'extresme Un Roy vainqueur de tous excepté de soy mesme. Jugés où peut aller ceste sedition, Une passion choque⁎ une autre passion. L'irresolution force la patience, La tendresse de cœur s'oppose à la vengeance, Et dedans mon esprit triomphent tour à tour La pitié, la colere, et la hayne et l'amour. Cependant je fourny l'entretien à ces guerres, J'aide les ennemis qui ravagent mes terres, Et bien qu'ils tendent tous à ma destruction Je suis pourtant le chef de chaque faction. Et comme si j'estois l'ennemy de mon ame J'en banny le repos et j'y porte la flame. Pere si vos Conseils ne donnent guerison A l'excez des tourmens que souffre⁎ ma raison, Ce cœur que les assaus des villes assiegées, Ce cœur que les combats, les batailles rangées, Que mesme son mal-heur n'a pû faire tomber, Combattu par soy mesme est prest à succomber. Ha que me dites vous, ma playe est si profonde, Que je crains d'en mourir en y portant la sonde ; Toutesfois il le faut : mais vous n'en doutez pas, Roxelane en un mot cause tous ces combats, Vous sçavez à quel point j'aymay ceste rebelle Qu'aujourd'huy ses mespris me rendent criminelle. Et qui pourtant encor' criminelle qu'elle est, Malgré tous ces mespris me captive et me plaist. Pompeux raisonnemens, magnifiques parolles, Belles pour le discours, mais pour l'effait frivolles. Au lieu de me donner les moyens de guerir Père vous me donnez les moyens de mourir. J'ayme mes passions et je vy de leur flame, Je n'ay plus d'autre cœur, d'autre sang, ny d'autre ame, Aussi ne veux-je pas les perdre pour jamais Mais je voudrois bien mettre entr'elles quelques pays. J'ayme vous le sçavez avec impatience Celle dont le refus m'anime à la vengeance, Et qui dit que les lois luy deffendent d'aymer Un Monarque qui l'ayme et qu'elle a pû charmer. Dites-moy ceste excuse est elle legitime ? Et si ceste raison la dispense de crime, Accordez s'il se peut mon amour et la loy, Si vous ne voulez pas voir mourir vostre Roy Au nom de Mahomet, père, je vous conjure. Moy ne jouyr jamais des plaisirs de sa couche ? Pourquoy tardez vous tant à me le proposer. Epouser un esclave ha que dites vous, pere ! Qui des trois sur mon ame aura plus de puissance De l'honneur⁎, de l'amour, ou de la conscience, Epouser un esclave, ha conseil suborneur Qui pour plaire à l'amour me ruine d'honneur⁎. Non non suivons plustost un avis tout contraire Qui ne veut mon amour, qu'il sente ma colere. Elle en mourra l'ingratte, Ormin que de ce pas… Mais que dis-je l'amour s'oppose à son trespas, Ce traistre en sa faveur contre son ordinaire Se joint à la raison pour vaincre ma colere Et devant ma justice et contre tous mes drois Pour elle il fait parler l'authorité des Lois : Mais les Lois sont contre elle ; est-elle pas sujette, Doit elle contester ce que son Roy projette. Un sujet doit toujiours obeyr : mais un Roy Ne luy doit commander que ce que veut la Loy. Contraires sentiments dont mon ame est battue La douceur m'est contraire et la rigueur me tuë, Sans remede mon mal ne se peut supporter Et les medicaments ne font que l'irriter, Soit fourbe⁎, soit raison, soit vérité, soit feinte Je sens de tous costez mon esprit en contrainte. Moy contraindre à m'aimer au mespris de la Loy Une personne libre et qui depend de soy ? Mais pourrois-je étoufer ceste agréable flame Qui fait mouvoir mon cors qui fait agir mon ame ? Mais quoy pour contenter cette amoureuse ardeur Suivray-je ce conseil fatal à ma grandeur ? Epouser un esclave et contre la Loy mesme ? Loy mais qui n'est qu'humaine, esclave mais que j'ayme, Lois humaine et divine, amour et majesté, Me tiendrez-vous tousjours en ceste extremité. Mais pourquoy raisonner, où le Ciel determine, Cedez humaine Loy cedés à la Divine, Cedez raisons d'état aux volontez des Cieux, Cedez fiere grandeur aux coups de deux beaux yeux, Cedez, cedez enfin, faux éclat, vaine gloire, Le combat est finy l'amour à la victoire. Qu'on la fasse venir. Vostre vie est à moy, j'en prens le soin⁎, Circasse, J'en prends le soin⁎, vous dis-je, et cela vous suffise. Mais j'apperçois l'object de mes contentemens. Venez chaste beauté, reine des Musulmans⁎ Venez de Soliman l'épouse legitime.             En mon trône, en mon rang.      Montez-vous dis-je, et prenez la couronne Que par les mains d'amour vostre vertu vous donne, Regnés dessus mon peuple et luy donnés des lois, Je vous donne sur luy la moitié de mes drois, Et combien que les lois semblent y contredire, Je nomme vos enfans successeurs à l'Empire. Vous autres puis qu'icy le sort vous a portez, Prestés-luy le serment de vos fidelitez. Que voulez-vous encor. **** *creator_desmares *book_desmares_roxelane *style_verse *genre_tragedy *dist1_desmares_verse_tragedy_roxelane *dist2_desmares_verse_tragedy *id_roxelane *date_1643 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_roxelane Non, non, ne pensés pas que la présomption Suggere ce dessein à mon ambition. Je me connois, fort bien, pere, et je me confesse Indigne d'obtenir le titre de Princesse: Mais parce que je voy que je ne puis rester En un lieu si glissant sans descendre ou monter, C'est un point resolu qu'il faut que je finisse, Ou par le diademe, ou par le precipice. Je sçay bien que les loix decident contre moy, Mais je voudrais sçavoir qui les fist et pourquoi ? Donques de Bajazet la honteuse prison, Nous a donné des lois et non pas la raison ? Un Prince infortuné dont l'âme est alterée Doit il donner des loix d'eternelle durée ? Non, non, l'estat present se mocque de ces lois, Et je veux desormais en dispenser nos Rois. C'est par là que je veux me monstrer souveraine, Et pour vous dire tout sachez que dans demain, Vous me verrés ou morte ou le sceptre en la main, J'epouze Soliman ou bien la sepulture. S'il en est répandu ce sera de ce flanc. Pere, il faut vous ouvrir les secrets de mon ame; L'amour de mes enfans me dit et je le croy, Que si je puis atteindre à l'hymen⁎ de mon Roy, Mustafa dont un jour j'apprehende le crime, N'estant que naturel et mes fils legitimes, Je les mets en estat de perdre leur aîné Qui les auroit perdus se voyant couronné. Croyez, pere, croyez que dans cette entreprise L'amour de mes enfans me porte et m'autorise, Et ne me blasmés plus de ma presomption. Le chemin que je tiens n'est pas la violence, Je ne veux seulement que vostre confidence, Me la puis-je promettre ? Non, pere, asseurez-vous qu'aux desseins que je fais, La prudence fera succeder les effais, Et que sans hazarder que ma seule personne, Malgré toutes les lois j'obtiendray la couronne, Ma conduite se veut tellement employer, Que mesme l'Empereur m'en vienne suplier. Vous verrez qu'il est juste et que les immortels, Veullent pour m'y servir employer leurs Autels, Et lors que vous sçaurés mes moyens infaillibles, Vous ne jugerés pas mes desseins impossibles, Il est bien vray qu'il faut les vous communiquer, Et m'asseurez de vaincre avant que d'attaquer. C'est à ce coup, mon ame, Qu'il faut faire merveille en l'art de decevoir⁎, Adieu, cher confident, je vay la recevoir. A sa simplicité je vay tendre les charmes⁎, De la langue, des yeux, s'il est besoin des larmes. Mais la voicy. Comment vous souvenir de moy, Me venir rendre icy l'honneur⁎ que je vous doy ? Vostre bonté sans cesse en ma faveur éclate, Pour me trop obliger vous me rendrez ingratte. J'appelle ce bon-heur des fruits de l'inconstance, Dont la possession n'a point de fondement Et comme elle s'acquiert se pert en un moment. Cet amour bien que grand n'efface pas ma crainte. La crainte a ce mal-heur pour celuy qui la donne, Qu'en la donnant, jamais elle ne l'abandonne. Qui se veut faire craindre en est toujours hay.             Ceux qui me peuvent craindre, Où se peuvent former des sujets de se plaindre. Tout ceux que mon bon-heur m'a rendus ennemis. Que puis-je craindre ! tout, ma fortune⁎, moy-méme !             Sçachés qu'en la journée Que toute autre que moy nommeroit fortunée, Quand l'Empereur m'aymant pour si peu de beauté, Fist d'un dessein d'amour un acte de bonté, Bien que foible d'esprit, et d'un age capable De croire que j'avois quelque chose d'aymable. Au mileu des plaisirs qui me furent offers Mon corps trouva la pompe et mon ame les fers. Depuis ce jour fatal les soupçons, et la crainte Tiennent également mon esprit en contrainte ; Aussi-tôt que je vy que le Roy vous quittant, Prenoit en ma faveur le titre d'inconstant, Et qu'il m'agrandissoit à vostre prejudice; Je cru qu'il vous rendoit une extreme injustice. A vous de qui la cause avoit pour son support Vostre fils que l'Empire attend apres sa mort ; A vous dont la beauté, digne d'estre adoree, Meritoit un amour, d'eternelle duree, Voyant qu'on vous traittoit avec tant de mespris Qu'on ne m'agrandissoit que de vostre débris, N'ayant pour mon soutien qu'une humeur inconstante, Je souhaite la fin de ma gloire naissante ; Et dés le premier pas de ce degré si haut, Je souhaite y tomber pour faire un moindre saut. Que le Ciel l'eust permis ! du moins belle Circasse N'ayant que peu de temps occupé vostre place ; J'en serois moins haye, et vostre inimitié Auroit changé son nom en celuy de pitié, Et de tant de soupçons mon ame combatuë, Croyant avec raison meriter vostre hayne, Je la doy recevoir comme une juste peine, Et recevant de vous ce juste chastiment Si je veux quelque mal c'est à moy seulement; Qui justement puny deteste la justice, Au lieu de l'amoindrir augmente son suplice. Ce n'est pas sans raison que vostre affection⁎ Rencontre en moy l'object de son aversion. Ce n'est pas sans raison que vostre esprit s'irrite, Des faveurs que mon sort vole à vostre merite. Et qui vous blasmeroit de hayr un voleur, Qui vous ravit des biens de si grande valeur. Si vous ne croyez pas avoir receu d'offense C'est par vostre bonté non par mon innocence, Et comme il est certain que la prosperité Nous porte d'ordinaire à la temerité : Possible les faveurs animant mon caprice, D'esclave que je suis, j'ai fait l'Imperatrice, Et mon ambition a monstré sa fureur⁎, A celle dont l'Empire attend un Empereur. Je ne le pense pas, mais si mon insolence Vous portoit au dessein d'une juste vengeance; Du moins souvenez-vous que mon esprit mal sein, Vous dépleût par foiblesse et non pas par dessein ; Et reglés desormais la suite de ma vie. La crainte et les soupçons de qui j'estois la proye, Laissent par ce discours mon ame dans la joye. Adieu ma chere soeur. Je vous croiray, Circasse, et vous et vostre fils Un jour vous vengerez le tort que je vous fis. Quand Mustafa montant au trosne de ses peres, Fera son marchepied des cors morts de ses freres. De ses freres, bon Dieu, qu'ay-je dit ! Ha je meurs ! De ses freres ces mots couvrent mes yeux de pleurs ! Le sang⁎ de Soliman par un horrible crime, Au sang⁎ de Soliman servira de victime. Et de mes chers enfans, le trespas ordonné, Asseurera l'Estat d'un frere couronné. Tu le sçais, Roxelane, et ta voix trop humaine, Traite encore de respect les objects de ta haine : Reserve tes bontés pour une autre saison Employe à ton secours le fer⁎ et le poison ; Le feu s'il est besoin, et que ta rage assemble En un mesme cercueil, et mere, et fils ensemble. L'ennemy qu'on previent est demy combatu : Mais d'un assassinat je fais une vertu, Fuyons la cruauté qu'abhorre la nature : Mais c'est une vertu quand elle nous asseure. Tremperois-je mes mains dans le sang Othoman ? Mes fils ne sont-ils pas du sang de Soliman ? C'est épargner son sang⁎ si nous pouvons abatre Mustafa dont la mort est le salut de quatre. Mais quel crime de perdre un homme de ce rang ? Mais quelle impieté de negliger mon sang ? La justice s'oppose au dessein qui m'anime, Et la pieté⁎ veut que je commette un crime. Justice et pieté⁎ quoy vous vous traversés⁎ ? Donc à mon seul sujet vous vous desunissés. Injuste pieté⁎, justice deffenduë, Retiendrez-vous toujours mon ame suspenduë ? L'amour de mes enfans qui me parle pour eux Me dit pers Mustafa, c'est un crime pieux ; Et Mustafa me dit, nous sommes tous d'un pere ; C'est hayr vos enfans que de perdre leur frere ; Determinons pourtant mon esprit s'il se peut : Que vive Mustafa la justice le veut : Et sans l'interesser la pieté m'engage A porter mes enfans à l'abry de l'orage. Cherchons leurs seuretés et montons en des lieux D'où Mustafa ne puisse aprocher que des yeux : Et d'où quand nous voudrons lançant un coup de foudre S'il sort de son devoir nous le mettions en poudre, Faisons ce coup d'esprit qui nous mette en état De pouvoir éviter et faire un attentat. Mon ame destinée à vos contentements, Seigneur, se vient soumettre à vos commandements. La nature, Seigneur, a de puissantes lois Que ne peuvent forcer ny le sort ny les Rois, Elle a voulu regler mes humeurs, mais en sorte Que la mélancolie est toujours la plus forte, Et malgré vos faveurs et malgré la raison Mon cœur ensorcelé conserve ce poison. Seigneur, si la raison n'estoit pas affoiblie Quand le sang⁎ est vaincu par la melancholie, Le rang dont vostre amour a voulu m'honorer Me tiendroit en état de ne rien desirer ;      Mais, Seigneur, c'est en quoy je me plains de moy-mesme, Les pompes de la Cour ny ce degré supréme, N'y l'heur que je reçoy de vostre affection⁎ N'ont jamais mis ma joie à sa perfection. Tousjours à mes plaisirs je ne sçay quoy s'oppose Dont ma foible raison ne peut trouver la cause ; Si ce n'est que la terre avec tous ses tresors, A des contentements seulement pour le cors : Et que l'esprit créé pour des dezirs célestes Hors son centre ne voit que des objects funestes. C'est ce qui me rend triste et ce raisonnement Me semble reprocher mon peu de jugement. D'avoir donné mon cœur à des biens perissables, Qui pouvoit acquerir des tresors plus durables, D'avoir creu rencontrer de vrais biens en ces lieux, Et d'avoir plus aymé la terre que les cieux : C'est pourquoy desormais ma raison mieux instruite Si vous le permettez veut changer sa conduite, Et joindre aux soins⁎ de plaire à vostre Majesté, Les soins⁎ de plaire encore à la divinité, Et si vostre bonté m'en donne la licence, Je feray pour le Ciel quelqu'utile dépence : Mais qui demande trop est digne de refus Je n'oze m'expliquer.                         Ha ! bien moins, Je limite Seigneur, et mes vœux et mes soins⁎, Et c'est à mes souhaits un effect assez ample Que la permission d'edifier un temple, De faire un hospital, de dresser des autels, Ou l'on puisse en mon nom servir les immortels. C'est tout ce que je veux. Que dites vous Seigneur ? moy sortir de servage ? Dans ceste liberté je trouve mon dommage⁎. Par là vous me privez de mon plus grand bon-heur, Puis que ma servitude établit mon honneur⁎, Que je tiens mes grandeurs, que je reçois mon lustre De ces fers glorieux de ce servage illustre. Non, non, je n'en sorts point, non je suis à mon Roy, Puis que de mon Seigneur la volonté l'ordonne, Qu'il me donne à moy-mesme : à luy je me redonne, Et je ne veux de luy que cette liberté C'est de finir ma vie en ma captivité. A ce mot je reçoy vos liberalités. Jusqu'icy la fortune⁎ à nos vœux exorable Promet à nos desseins un succez favorable. Père ? que dites-vous de ce commencement Le sort ne m'auroit pas monstré si bon visage Pour ne pas garantir ma barque du naufrage⁎. Je croy qu'il est pour moy, sa premiere assistance D'un succez bien-heureux me permet l'esperance. Je vous l'avois bien dit que tous les immortels Vouloient pour me servir employer leurs autels. Ne m'ont-il pas presté leur temple, et cet azile ? M'a-t-il pas faict trouver ma liberté facile ? Liberté qui me rend égale à Soliman Dans la possession de l'Empire Othoman, Et porte ma fortune⁎ au comble de la gloire, Elle n'est pas bien loin, il ne faut que l'attendre : Mais mon cher confident ne m'abandonnés pas STANCES. Combien je souffre⁎ de traverses, Combien de passions diverses Tiennent mon esprit en suspens. Mon ame agit contre elle mesme, Je veux, je crains, j'espere, j'ayme, Je desire, je me repens. Raison, ambition, amour, crainte, esperance, Qui m'élevez si haut, qui m'abaissez si bas, Qui de vous a le plus, ou le moins de puissance, A qui suis-je de vous, à qui ne suis-je pas ? Je sens ma volonté contrainte, Ma raison oppose ma crainte Au cours de mon ambition ; Et l'esperance qui me flatte Des grandeurs dont un trosne éclate Releve ma presomption : Mais le peril est grand : mais ne suis-je pas mere ? Mourant pour mes enfans je fay ce que je doy, C'est pour moy que je crains, c'est pour eux que j'espère, Mais ceste crainte est lasche, espoir je suis à toy.  Toutefois en ceste tempeste Où mettray-je à couvert ma teste Sinon sous tes mortes amours ? Voy mon Roy parle en ma deffence, Ta lente, ou ta prompte assistance M'oste ou me redonne le jour. Mais j'ay tort, je t'invoque et je te suis contraire, Je te bannis de moy pour avoir ta faveur, Pour espouzer mon Roy, je le mets en colere, Et je veux par sa hayne entrer dedans son cœur. Mais c'est en vain que je hesite, La retraitte m'est interdite, Il n'est plus d'azile pour moy. La faute est faite il faut poursuivre, Et je cesse aujourd'huy de vivre, Ou j'épouse aujourd'huy mon Roy : Qu'importe de mourir de la fievre ou du foudre ? De mourir par effort ou naturellement ? Celuy qu'un beau dessein par malheur met en poudre Quand il meurt genéreux vit eternellement. Mais l'alarme est au cap, Rustan est hors d'haleine Et ma fille est en pleurs.             Rustan qui vous amene ?             Hé bien il faut mourir ! Qui me la vient donner je suis preste à souffrir⁎ Je veux tout ce que veut la puissance absoluë. Mais quel crime Rustan, le peut mettre en courroux⁎ ? Quel discours ? Ouy je l'ay dit Rustan, et ne m'en repens pas. Quiconque sçait bannir la crainte et l'esperance Des plus cruels tirans desarme la puissance, La mort estant à tous une commune loy Ne me déplaira point me venant de mon Roy. Tous les genres de mort frappent également, La cause en établit la honte seulement. La bonne conscience a toujours la victoire, Au milieu des tourmens elle augmente sa gloire, Et contre un innocent le suplice ordonné Noircit le condamnant, et non le condamné. L'injustice est toujours à son auteur contraire, Quoy qu'on die, il vaut mieux la soufrir que la faire. Ouy bien chez les tirans et non pas chez les Roys. Ils doivent comme Dieux tenir droict la balance. Soliman est trop juste. Mais si c'est sans sujet ? Mais cette opinion ne dépend pas de moy. Moy mépriser mon Roy ? Ce n'est point par mépris, luy mesme l'a voulu Il me l'a commandé de pouvoir absolu. Il me l'a commandé j'atteste sa mémoire.         Je ne puis. Si le destin le veut, Rustan, il faut perir. Sans son ordre ma mort ne peut estre ordonnée. Ma fille differez de respandre ces pleurs Possible que le tems calmera vos douleurs. Ma fille asseurez-vous que dedans la mort mesme, Je vous feray paroistre à quel point je vous ayme. Consolez vous ce mal ne s'adresse qu'à moy. He bien faut-il mourir ; que vous a dit le Roy ? Vous a-t-il commandé de luy porter ma teste ? Si c'est sa volonté la voila toute preste,              Non, non servez le Roy. Non, non, servez le Roy. Allons. Il luy faut obeyr, mesme dans son courrous.         Seigneur, je ne contredis pas, Je suis preste à signer l'Arrest de mon trespas. Je n'examine point innocente ou coupable, Je déplais à mon Roy je suis trop punissable, Preparez des tourmens, s'il se peut mille mors, Mon ame avec plaisir verra souffrir mon cors Et bien que ma deffence eust un droit legitime Si je le proposois je croirois faire un crime. Je ne me deffens point contre vostre courrous Je doy plus de respect à ce qui vient de vous, Que tardez vous, Seigneur ? Prince de vos sujects le Seigneur et le pere Qui jugeant sans rigueur punissez sans colere, Ne vous etonnez⁎ pas d'ouyr mon desespoir Parler contre ma vie et trahir mon devoir. Lors que vous connoistrez les maus où m'ont reduite Mon foible jugement, ma mauvaise conduite, Je sçay que vous laissant toucher à ma douleur Vous direz que ma vie est mon dernier mal-heur. Par un seul coup de vent ma barque est renversee, Mon orgueil abbatu, ma gloire terrassée. En perdant vos faveurs, j'ay perdu mon bon-heur, J'ay perdu mes plaisirs, j'ay perdu mon honneur⁎. Bref vous ayant perdu mon mal-heur est extreme Et je croy profiter si je me pers moy-mesme. Ce jour, ce triste jour m'abbat et me detruit : Ce jour couvre les miens d'une éternelle nuit. Seigneur, helas, Seigneur, vous m'avez ruinée Par ceste liberté que vous m'avez donnée. Ce souvenir me met les larmes dans les yeux. Lors que j'estois esclave et sous vostre puissance Mes volontez estoient de vostre dependance. Je ne faisois pour moy ny le mal ny le bien, Bref je ne pechois point puis que je n'estoit rien, Que de tout l'Alcoran je n'avois connoissance Que des loix, du respect, et de l'obeyssance Que j'eusse crû choquer⁎ refusant les plaisirs Que l'amour de mon Prince offroit à mes desirs. Mais depuis le dessein d'edifier ce temple Ma fortune⁎ a souffert un revers sans exemple, Je suis libre, Seigneur, vous l'avez souhaité, Mais c'est ce qui me perd que ceste liberté, Liberté qui m'aprend les lois et la science De la Religion, et de la conscience. Sainte Religion, mais trop severe loy Qui me deffend l'amour d'entre mon Prince et moy. Loy qui ne dépend point du Royal diademe Qui vous deffend l'amour aussi bien qu'à moy-mesme Et dont l'autorité m'a contrainte au refus Qui trouble vostre esprit, qui rend le mien confus, Qui me rend miserable au point de vous déplaire Au point de meriter vostre juste colere. Le respect, le service, et la fidelité Sont les droits attachés à la principauté, Droits desquels on ne peut se dispenser sans crime, Mais l'amour quelquesfois peut estre illegitime. Oyez les Talismans, consultés les Dervis. Leurs avis là dessus doivent estre suivis. Mais puis qu'aux immortels ma liberté m'engage, Seigneur, souffrez⁎ qu'en vous j'en adore l'image. Recevez du plus pur de mes affections⁎ Au lieu de mon amour mes adorations. Oubliez ce plaisir et terrestre et profane Indigne desormais de la gloire Othomane. Qu'à ces conditions j'embrasse vos genoux,                  Je sçay bien que les larmes Pour combatre un grand mal sont de bien foibles armes Mais soufrez-en l'usage à mes yeux languissans Pour les maux que je cause et pour ceux que je sens. Ma volonté pour vous invincible persiste Mais en faveur des lois mon devoir luy resiste. Et l'amour me pressant j'oppose à ses appas⁎ Je le puis, je le veux, mais je ne le doy pas. Ce que deffend la loy me tient lieu d'impossible. Il est bien vray Seigneur, le prince et non pas moy Je suis dessous la loy puis que je suis sujette.             Oüy quand vous l'avez faite Mais ceste loy dépend de la Divinité, En defferant aux lois que mon devoir m'impose Je soufre plus que vous les maux que je vous cause, Mais vous changez plustost cet amour en bonté, Faites vous tant d'état d'un reste de beauté Que le tems a defia presque toute effacée Et qui n'est desormais que dans vostre pensée. Souffrez⁎ que je vous die en parlant contre moy Que cette passion est indigne d'un Roy. Cest amour vous fait tort. Seigneur, que vos raisons ont de puissants appas⁎, Mais la loy determine et ne raisonne pas, J'oppose à vos raisons une force contraire, La loy me le deffend donc je ne le puis faire : Mais puis que vostre amour et le respect des lois Inquietent vostre ame et la mienne à la fois, Vous pouvez travailler au repos de deux ames, Sacrifiés ma vie à l'excez de vos flames. Ainsi par mon trespas finira vostre amour Et sans rompre les lois je quitteray le jour. Je les voudrois finir, mais enfin je ne puis. O Seigneur accordez la mort à ma priere.         Allons, mais helas en quel lieu Où l'on faict souffrir⁎ l'ame avec le cors, Adieu. Que faites vous, Seigneur, ceste grace impreveuë Remplit d'étonnement⁎ mon oreille et ma veuë, Moy mal-heureux object de vos ressentiments, Moy pour qui vos rigueurs preparoit des tourmens, En un moment monter en ce degré suprême, Cela n'est pas croyable et j'en doute moy-mesme, Où me conduisez vous ? Où ne monta jamais personne de mon sang. Seigneur ?             En ce haut rang d'honneur⁎ Mon foible esprit ne peut comprendre son bon-heur, Tant de biens que le Ciel par vos bontez m'envoye Font que presque je meurs et de honte et de joye, Mais, Seigneur, je proteste et le Ciel et la loy De vous rendre toujiours l'honneur que je vous doy, De vivre comme esclave et non pas comme Reine En tres-humble sujette et non en souveraine. FIN **** *creator_desmares *book_desmares_roxelane *style_verse *genre_tragedy *dist1_desmares_verse_tragedy_roxelane *dist2_desmares_verse_tragedy *id_circasse *date_1643 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_circasse Vous, de qui l'amitié⁎ ne suit point l'esperance, Vous à qui la vertu tient lieu de recompense, Et dont l'affection⁎ foule aux pieds l'interest Puis qu'elle suit Circasse impuissante qu'elle est. Trouvez bon que ma voix décharge ma pensée Du triste souvenir de ma gloire passée, Et si vous ne pouvés combattre mes mal-heurs Aidés moy pour le moins à plaindre mes douleurs. Puis que par l'entretien d'un amy veritable Le bien devient plus grand le mal plus supportable Vous sçavez, cher Acmat, vous sçavez qu'en ce jour Qui me fist posseder mon Prince et son amour, On me creut bien-heureuse, et cet amour naissante Rendit en peu de tems ma fortune⁎ éclatante, Ma Cour fut bien-tost grosse, et je me vy soûmis     Tous ceux que la faveur rend d'ordinaire amis. Je creu devoir attendre en ce degré supréme D'un tel commencement une suite de méme, Et principalement lors que mon fils fut né Que l'Empire regarde en qualité d'aîné, Avec quelque raison je creu que sa naissance Auprés du Roy son pere asseurant ma puissance, Je m'en pouvois promettre un eternel amour, Je ne le creu pas seule, on le creut à la Cour. En effet si devant je me vis honoree, Je le puis dire, alors je me vis adorée, Et de tous les mortels le plus ambitieux Me rendoit des honneurs⁎ qui ne sont deus qu'aux Dieux. Mais comme le pouvoir que nous tenons d'un autre Avec juste raison ne se peut dire nostre, J'appris du changement d'un Monarque amoureux Que quiconque peut choir ne se peut dire heureux. J'appris par le succés de ma fortune⁎ éteinte Qu'on peut aimer les Roys, mais toûjours avec crainte ; Que comme le Soleil de mesme leur amour En quelque lieu qu'il aille y fait suivre le jour. Si tost que Soliman m'éloigna de sa grace Pour mettre dans son cœur Roxelane en ma place Que sans considerer ni moy ni Mustafa Par le second amour le premier s'étoufa, Je me vy delaissee, et de toute ma gloire Il ne me resta rien qu'une triste memoire. Alors tous ces amis de la prosperité Pareils à ces oiseaux qu'on ne voit qu'en Esté Suivirent la fortune⁎ allant chez ma rivalle, Jugez quelle disgrace à la mienne est égalle, Puisque de cet estat si haut si triomfant Nous restons trois, Acmat, une femme, un enfant. Enfant, helas enfant dont le sort est à plaindre, Enfant pour qui je crains parce qu'on le peut craindre, A qui trop de Noblesse est un bien dangereux Et que trop de grandeur peut rendre malheureux. À sa perte je voy que Roxelane entasse Grandeur dessus grandeur et grace dessus grace, Quelle ne se maintient dedans l'esprit du Roy Qu'à dessein de nous perdre et mon enfant et moy. Assistez⁎, cher Acmat une amie combatuë Que l'espérance quitte et que la crainte tuë. Non, non hazardons tout où le mal est extrême, Aux extremes malheurs des remedes de mesme. De luy planter moy-mesme un poignard dans le sein. Certaine de ma mort en craindre une douteuse ? Qui sçait bien qu'il mourra regrette moins sa perte Lors que son ennemy comme lui l'a soufferte. Toute grande qu'elle est je say qu'elle est mortelle, Et si le fer⁎ nous manque employons le poison.             Quelqu'un de sa maison. Treuve t'on dans la cour de la fidelité ? Une fidelité que nostre argent nous donne Pour qui peut plus donner bien-tost nous abandonne. Donnés moy quelque avis dans ces extremités Qui redonne le calme à mes sens agités. Pour ma seule vertu je prends la patience Et desormais la feinte est ma seule science. Helas, mon cher Acmat, je crains vostre disgrace. Que je vous doy de biens pour tant de bons offices. Je rens ce que je dois à cet object d'honneur⁎, Que son mérite éleve au comble du bon-heur, Qui possedant un Roy possede sa puissance. Jugés mieux de l'amour dont son ame est atteinte. Vous craindre ? qui pouvez possedant Soliman D'un mot faire trembler tout l'Empire Othoman. Qui se peut faire craindre en est mieux obey, Qui vous pourroit hayr ? Se plaindre qui le peut, tout vous estant soûmis ? Mais que pouvez-vous craindre en ce degré supréme ? Ce discours est obscur, et ce raisonnement Dans mon esprit confus porte l'étonnement, De grace expliqués-vous. Brisons-là: ce discours d'inimitié me tuë, Et vos raisonnemens m'éclaircissent assez Pour me persuader que vous me haysser. Vous ne pouvez m'aymer et croire me déplaire, Que par une vertu qui passe l'ordinaire : Aymer ces ennemis c'est la vertu des Dieux Que jamais les mortels n'ont pu tirer des Cieux. De si hautes faveurs surpassent mon envie : J'attends beaucoup de vous mais je dois recevoir Tout de vostre bonté, rien de vostre devoir. Au nom de l'amitié⁎ qui deteste la feinte, Et pour vous, et pour moy, ne parlons plus de crainte, Aimez moy seulement et recevez de moy, Les protestations d'une immortelle foy. Que dans cet entretien j'ay trouvé de douceur Ma soeur jusqu'au revoir. De quelque faux appas⁎ que ton discours se farde Je suis bien resoluë à me donner de garde. C'est qu'elle desespere De voir monter ses fils au trosne de leur pere, Connoissant que le mien par sa rare valeur Asseure sa fortune⁎ et ruinera la leur, Si bien que hors d'espoir du Royal diadéme, Possible elle a passé de l'un à l'autre extreme. Et la crainte qu'elle a l'oblige de ceder, Et de quitter un rang qu'elle ne peut garder. Je croy que c'est pas là qu'elle s'est ruinée, Pour vivre en femme libre et qui dépend de soy Il faut quitter le Louvre et s'éloigner du Roy Et cet éloignement peut causer sa disgrace Et mettre ma fortune⁎ en sa premiere place. Qui s'éloigne des grands entend mal la faveur S'éloignant de l'oreille on s'éloigne du cœur. He bien mon cher Osman, que nous apportés-vous ? Comment ? Agreable nouvelle, o dieux ! assistez⁎-moy : Augmentant ces rigueurs vous augmentez ma joye. Mais, Osman est-il vray, faut-il que je le croye. Qui te l'a dit ?                 Et comment l'as-tu sceu ?                 Agreable avanture ! Que ferons-nous Acmat ? Je crains que ce dessein ne nous fasse perir, Allons mon cher Acmat, que ce bien-heureux jour, Me fasse posseder mon Prince et son amour. Seigneur que vous plaist-il.             O Dieux que ferons nous ! La paix est bien prochaine alors qu'on parlemente. Sa presence, Seigneur, est si plaine d'appas⁎ Qu'il faut luy pardonner ou bien ne la voir pas. Quelle rigueur pourroit se deffendre des charmes⁎ De la langue, des yeux, des soupirs, et des larmes Dont elle sçait l'usage avec un tel effaict Qu'un coup d'œil peut guerir tout le mal qu'elle a fait. Et ne la tenez plus coupable d'insolence, Dites qu'elle use encore trop bien de sa puissance, Qu'elle peut d'un clin d'œil renverser l'univers Puis qu'elle en tient ainsi le vainqueur en ses fers. Ainsi, Seigneur, ainsi ceux qui vous sont fidelles Ne sont pas mieux traitez que ceux qui sont rebelles. Ainsi mon fils pourtant l'ayné de Soliman Que le Ciel destinoit pour l'Empire Othoman Est banny de la Cour durant que Roxelane Asseure pour les siens la puissance Othomane. Mais Seigneur, faites mieux, faites un coup d'amy, N'aymer que justement c'est n'aymer qu'à demy. Vous signalerez mieux sa grace par deux crimes, De Mustafa, de moy, faites luy deux victimes. Et que nos deux cors mors l'un sur l'autre égorgés, Portent à leur effais ces desseins enragés. Montrez, Seigneur, montrez en dépoüillant la feinte Pour elle plus d'amour pour nous moins de contrainte. Condamnez à la mort deux objects odieux. Delivrez-en la Cour, delivrez-en ses yeux. Depuis que vous portez le party⁎ d'un rebelle. En ce jour où le Ciel doit monstrer à ma peine Ou sa derniere grace ou sa derniere hayne, Doy-je l'espoir s'offrant le prendre ou le quitter Me doy-je réjouyr ou me doy-je attrister ?      Le perilleux état où je voy ma rivale Me dit et l'un et l'autre avec raison égale, Lors que je pense Acmat, que le Ciel a permis Que je visse aujourd'huy sa teste en compromis, Et que le Roy piqué d'un courroux⁎ legitime Assemblast le Conseil pour juger de son crime, J'ay quelque droit d'attendre un succez bien-heureux, Qui rende à mes desirs un Monarque amoureux ; Mais lors que je remets en mon ame incertaine, Qu'en sa faveur l'amour combat encor' la hayne, Que cet esprit est plein de ruses et d'appas⁎, Je crains je ne sçay quoi que je ne prevoy pas. Pourquoy mon cher Acmat ?                     Fusse ma mort, Je voy sans m'estonner et l'un et l'autre sort.             Quel ? Qui ?             O Dieu vous m'annoncés ma perte Il n'en faut plus douter la fourbe⁎ est découverte, Je voy certainement, mais trop tard, mais en vain Que tout ce qu'elle a fait tendoit à ce dessein. Mal-heureux Mustafa, Circasse, infortunée Verrez vous sans mourir la fourbe⁎ couronnée ? Non, non, il faut mourir, plustost que de la voir, Cedés craintes et soupçons, cedés au desespoir, Par vos Conseils, Acmat, mon ame se redresse, Combattons jusqu'au bout le mal qui nous oppresse. J'assiste⁎ à ce Conseil afin de m'opposer A quiconque ouvrira le discours d'épouser Et combien qu'à mon sexe on en ferme la porte Si l'on m'en fait sortir ce ne sera que morte. Ha Mustafa mon fils : mais voicy l'Empereur, Que cette fuite Acmat redouble ma terreur. Comme le traistre feint, Acmat voyez-vous pas Comme il trompe le Roy, comme il luy tend des lacs. Que va-t'il dire, Acmat ?             O merveille des Rois J'embrasse vos genoux pour la derniere fois. La derniere faveur dont je vous importune, C'est la mort c'est la fin de ma triste fortune⁎, Mort qui me sera douce apres ce que je voy Si je puis l'obtenir par l'ordre de mon Roy. Que je rende à vos pieds les restes de l'envie, L'object des trahisons, la butte de l'envie, Et si vostre faveur veut m'accorder la mort Que celle de mon fils accompagne mon sort. A Mustafa Seigneur faites misericorde Qu'il meure par l'epée et non pas par la corde, Qu'il meure par le fer et non par le poison, Qu'il meure par vostre ordre et non par trahison. Et ne voyez vous pas la fourbe⁎ découverte, Que cet Hymen⁎conclud, conclud aussi sa perte, Hymen⁎ que Roxelane a trouvé pour moyen D'élever ses enfans à la perte du mien. Que pour y parvenir les gens de sa menee Vous viennent proposer cet infame Hymenée⁎. Et que pour satisfaire à son ambition On explique les Lois à son intention. Mais, Seigneur, remontez jusqu'à vostre origine Songez que vous sortez d'une race divine, Du sang de Mahomet et de tant de grans Rois, Et possedant leur trosne au moins gardez leurs Lois. Mais si mal-gré l'honneur⁎ et la gloire Othomane Vous estes resolu d'épouser Roxelane, Afin de ne pas voir la honte de mon Roy Je demande la mort pour mon fils et pour moi. Tout ce que ma raison tente inutilement, Vostre fourbe⁎ la fait mais plus heureusement, Vostre artifice a fait le crime qu'il m'impute, Ainsi mes ennemis triomphent de ma cheute, Et sur l'esprit du Roy leur pouvoir est si fort Que mesme à ma priere on refuse ma mort, Seigneur, accordez-moy ceste derniere grace. Et Seigneur pourriez-vous la deffendre des cous De celle dont la fourbe⁎ a triomphé de vous ! Que peut un Empereur qui n'a plus de franchise. Helas de cet Hymen⁎ je seray la victime Le sang de Mustafa signera cet accord, Que tardes-tu, Circasse, à la mort, à la mort. Vous qui vostre amitié dans nos mal-heurs assemble, Acmat ne pouvant vivre allons mourir ensemble. **** *creator_desmares *book_desmares_roxelane *style_verse *genre_tragedy *dist1_desmares_verse_tragedy_roxelane *dist2_desmares_verse_tragedy *id_le-mufti *date_1643 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_lemufti Le precipice est vostre et vous le merités Comme le chastiment de vos temerités. Qui croiroit qu'un esprit de la trempe du vostre, La gloire de son sexe et la honte du nostre, Aprés avoir bravé les tempestes du sort Voulust par vanité faire naufrage⁎ au port. Le pouvoir absolu que l'Empereur vous donne Est indigne de vous sans avoir sa couronne ? Vous voulés partager avecques Soliman, La puissance, le Sceptre, et le Trosne Othoman, Et divisant l'Estat il faut qu'on affoiblisse, Pour vous communiquer le rang d'Imperatrice ? Croyez-vous que ce peuple ardant et genereux, Pour un seul Empereur en reconnoisse deux ? N avez-vous jamais sçeu que les loix Othomanes, Deffendent à nos Roys d'épouzer les Sultanes ? Lors que de Tamerlan les redoutables armes, Noyerent cet état dans son sang⁎, et ses larmes, Et que de Bajazet le mal-heur eut permis, Que sa maison tombast dans les fers ennemis, Ce Prince mal-heureux que la scitique rage, Força de terminer ses jours en une cage, Aprenant qu'on avoit indignement traité Du sang paléologue une illustre beauté, Compagne de son lit comme de son empire, Ressentit de ses maux le dernier et le pire: Et pour ressouvenir de son ressentiment,      Aux Roys ses successeurs laissa par testament, D'oster de leur Estat la qualité de Reyne Pour ne jamais soufrir une pareille peine. Vous ne le pouvez pas à moins que d'estre Reine. De ce dessein je crains quelque étrange avanture, Et qu'à ce grand empire il ne couste du sang⁎. A quelle ambition vostre ame est asservie ? Pour le seul nom de Reyne exposer vostre vie, Vous en avez l'effect, la grandeur, le pouvoir, Le nom vous manque, il faut, ou mourir, ou l'avoir, Cela ne peut entrer qu'en l'esprit d'une femme. Mais je voy du peril en l'execution.             Attendés tout de moy, Et bien que vos desseins me donnent de l'effroy⁎, Et que de grands hazards precedent la victoire, J'iray mesme à la mort si c'est pour vostre gloire. Immortels je vous fais une injuste priere, Soyez les protecteurs d'un dessein temeraire.             Aprenez pour maxime Que quiconque censure un Roy commet un crime, Et que vous ne pouvés sans une impiété Ni des Roys ni des Dieux choquer⁎ la volonté. Je m'estonne, Seigneur, de vostre patience, Et c'est ce qui m'oblige à rompre le silence. Je ne puis plus soufrir qu'un suject devant moy Censure sans raison les plaisirs de son Roy. Les deffaux dont Acmat accuze vostre vie Sentent quelque interest ou bien un peu d'envie. Eloigné du commerce et du bruit de la Cour Je suis bien ignorant en matiere d'amour : Mais la condition d'un Empereur est pire Que du moindre suject qui soit en son Empire, S'il est vray qu'aux grands Roys il ne soit pas permis Ainsi qu'à leurs sujets d'acquerir des amis. Donc, Acmat, l'amitié⁎ ceste vertu loüable Est pour eux seulement, un crime condamnable. Sortez, sortez, Acmat, de cette absurdité Qui vous convainc d'erreur ou d'infidelité. L'Empereur a donc tort de vous avoir porté De la fange aux grandeurs où vous estes monté.                 Seigneur, c'est un dessein Qui ne peut étre entré dans un esprit bien sain En faveur d'un esclave edifier un temple ? C'est chose sans raison ainsi que sans exemple.          C'est qu'un esclave est dépendant d'autruy Et quoy qu'il puisse faire il ne fait rien pour luy, Le service divin en rien ne lui profite, Son Maistre seul en a la grace et le merite. Et bien que Roxelane ait la faveur d'un Roy Elle est toujiours esclave, et ne peut rien de soy. Inciville non pas, mais elle est inutile. Je n'en sçay qu'un moyen.                     C'est sa liberté. Vous pouvez s'il vous plaist finir son esclavage Et la faire jouyr des fruits de son ouvrage. Quoy que beau je redoute encor' l'evenement⁎. Craignez son inconstance et jusques dans le port S'il n'estoit inconstant, il ne seroit pas fort. Mais devant qu'il soit temps vous chantés la victoire, Esperés, mais craignés, entrant dans un combat Dont la fin vous élève, ou du tout vous abat Qui vous portant au trosne, ou dans le precipice Vous donne sans milieu la gloire, ou le suplice. Qui par force ou par art veut un trosne acquerir Doit estre resolu de vaincre ou de mourir. Qu'il attende, en quittant l'espoir de la retraite Ou le succez entier ou l'entiere deffaite. Pourtant quelque grand mal qui vous puisse avenir Ayant bien commencé taschés à mieux finir. L'occasion s'offrant ne manqués à la prendre. Je ne vous quitte point mesme dans le trespas. Je viole les lois que le respect m'impose Mais vous parlez d'effaits sans en dire la cause Quel moyen de connoistre un mal caché dedans Et qui ne nous paroist que par les accidens ? Ceste guerre, Seigneur, vous est un champ de gloire, Vous y pouvez gaigner une belle victoire. Combattez seulement et par ceste action Vostre vertu s'éleve à sa perfection. De l'univers soûmis la victoire est commune Entre-vous, vos soldats, et mesme la fortune⁎ Mais icy vous pouvez tout seul autant que tous Et pour sortir vainqueur c'est assez que de vous. Perdez ces passions dont la force maistrise Seulement qui leur cede et craint qui les méprise, Pour vaincre en ceste guerre un homme genereux A besoin seulement de dire, je le veux. Je me trouve empesché dedans ceste avanture Ceste affaire impliquée offre de tous costés A mon esprit confus mille difficultés. Roxelane estant libre et de sa dependance L'alcoran vous deffend d'avoir sa jouyssance. Sans déplaire aux Prophetes et violer les Lois Vous ne pouvez l'aymer de mesme qu'autrefois. Icy vostre interest sensiblement me touche. Je voy que cet amour vous embarrasse au point Qu'il faut la posseder ou bien ne vivre point Mais aussi ma raison se confesse debile A trouver un moyen qui vous peust estre utile. Par un certain moyen qui me vient en pensée On peut donner remède à vostre ame blessée Et sans interesser, ny le Ciel, ny ses drois     Consilier ensemble et l'amour et les Lois. Mais comme le remede au goust desagreable Souvent au patient est le plus profitable : Ainsi par ce moyen un peu fascheux d'abord Votre amour et les lois peuvent tomber d'accord. Vous pouvez sans choquer⁎ les lois de conscience De vostre Roxelane avoir la jouyssance.             Vous pouvez l'épouser. Le remede est fâcheux mais il est salutaire. He Seigneur qui des deux est indigne de vous D'estre nay d'un esclave ou d'en estre l'épous. Je ne m'offence pas des discours dont l'envie Par la bouche d'Acmat scandalise⁎ ma vie. Et principalement parlant devant un Roy Qui sçait qui le sert mieux ou d'Acmat ou de moy ? Les Lois en cet état n'admettent point de Reynes Il est vray, mais Acmat ces lois ne sont qu'humaines, Pour l'interest public on les peut abroger Et comme un Roy les fist, un Roy les peut changer, Mais les divines Lois sont Lois inviolables Dont les decisions doivent estre immuables. L'humaine Loy deffend aux Princes Othomans D'estre jamais époux, mais seulement amans, Mais aux mesmes le Ciel deffend la jouyssance De toute femme libre et hors de leur puissance. En fin jugez , Seigneur , qui doit ceder des deux De la Loy de la terre ou de celle des Cieux. Seigneur, je vous promets pour toute l'assistance De vivre et de mourir sous son obeyssance. **** *creator_desmares *book_desmares_roxelane *style_verse *genre_tragedy *dist1_desmares_verse_tragedy_roxelane *dist2_desmares_verse_tragedy *id_acmat *date_1643 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_acmat Vostre crainte il est vray n'est pas sans fondement Comme vous je redoute un triste evenement⁎ : Mais dans l'estat present je crois de la prudence De ne rien tesmoigner de cette deffiance, Autrement nous donnons sujet d'executer Ce qu'en dissimulant nous pouvons éviter. Qui tesmoigne qu'il craint oblige d'entreprendre Et s'oste les moyens de se pouvoir deffendre. Laissons agir le temps, attendons la saison, C'est le meilleur advis que m'offre ma raison. Mais en hazardant tout quel est vostre dessein ? D'un combat inégal l'issuë est perilleuse. Perdre ses ennemis pour perir avec eux Tient du desesperé plus que du genereux. Avant que de tenter les extrémes hazards Le sage doit tourner les yeux de toutes pars. Avant que de tenter une si grande affaire Considerés un peu quel est vostre adversaire. Sachés que Roxelane est montée en un point Qui donne de la crainte et qui n'en reçoit point. Son sort l'ayant portée au dessus des tempestes A mis dessous ses piés dequoy briser nos testes. Si bien que c'est mourir qu'irriter son courroux, Et décocher des traits pour retomber sur vous. Il est vray qu'autresfois n'estant pas si puissante, On pouvoit étoufer sa fortune⁎ naissante ; Mais depuis que l'amour eut rangé sous ses loix Celui qui peut ranger sous les siennes des Roys, Incontinent⁎ on vit en ceste adroite femme Joindre aux beautés du cors les puissances de l'âme, Cet esprit agissant remplit toute la cour, En ostant et donnant, de terreur, et d'amour, Et rendit tellement sa puissance affermie Qu'elle ne doit plus craindre une attainte ennemie : Sa grandeur qui ne veut qu'elle pour son support Est si loin au dessus des puissances du sort Que qui la fist monter s'il vouloit l'entreprendre Auroit bien de la peine à la faire descendre. Dans ce degre d'honneur⁎ dont l'eclat glorieux Comme un autre Soleil peut eblouir nos yeux, Que ne peut-elle pas et que peut-on sur elle. Mais qui le donnera ? Saches qu'en sa maison personne ne se trouve Dont la fidelité ne soit mise à l'épreuve. Ce qu'on ne trouve point ses dons⁎ l'ont acheté. Suppozé que l'argent ait assés de pouvoir Pour en faire sortir quelqu'un de son devoir, Croyés vous rencontrer de la foy dans un traistre Et qu'il en ait pour vous en manquant pour son Maistre ? Comme pour de l'argent il la vous donnera Ainsi pour de l'argent il vous en manquera, Et si vostre entreprise est enfin découverte Vos desseins éventés⁎ hasteront vostre perte. Dissimulés comme elle et par cet artifice     Dont elle vous veut perdre évités sa malice, Possible que le tems travaillera pour vous Vous mettant en estat de parer à ses cous. Soliman peut mourir et possible elle mesme Et vostre fils monter en ce degré supréme. Esperés, bien souvent l'inconstance du sort Nous met dans le naufrage⁎ et du naufrage au port Pour moy que la fortune⁎ a toujours destiné, A perdre les cadets pour asseurer l'aîné, Je suis bien resolu de hazarder ma vie, Et la perdre plustost qu'elle vous fust ravie. Mesme des aujourd'huy quoy qu'il puisse avenir Je vay trouver le Roy pour l'en entretenir. Je vay parler bien haut de tout ce qui se passe. Pour vous allés la voir, et par des compliments Tachés à penetrer dedans ses sentimens. Sur tout preparés-vous contre ses artifices. Seigneur je sçay qu'en vain on offre le remède A celuy qui se plaist au mal qui le possede, Qu'on blesse d'un amant l'imagination, Lors que la verité combat la passion. Toutefois mon devoir, Je sçay bien que le trosne est un lieu venerable D'où ne peut rien sortir qui ne soit adorable, Et que comme il est vray que les Roys sont des Dieux ; Leur voix est un oracle arresté dans les Cieux. Mais comme la pitié de l'humaine misère Desarme bien souvent la celeste colere, Ainsi quand un Estat fait voir ses interests Un Prince peut et doit revoquer ses Arrests. On ne contredit pas, on suplie on remonstre, Apres un sage Roy decide, ou pour, ou contre. Prince victorieux en qui le Ciel assemble La bonté, la puissance, et la sagesse ensemble, Veillant dans le repos, constant dans les dangers, Aymés dans vos Etats, craint chés les étrangers, Qui pour vivre pour nous mourustes pour vous mesme Dés lors que vostre front receut le Diademe. Jusqu'icy par vos soins⁎ vostre Etat a gousté Les parfaictes douceurs de la felicité, Et pour luy procurer un bien si desirable Vous vous seriez rendu vous mesme miserable, Sinon que vous mettés vostre souverain bien A manquer de repos pour asseurer le sien, Si bien que vostre peuple à bon droit delibere S'il vous doit appeller, son Seigneur, ou son pere: Et des felicitez dont nous jouyssons tous, La plus considerable est d'estre aymez de vous. Quoy qu'indigne d'un bien si grand si desirable, Nous l'estimions pourtant autrefois plus durable : Lors que lassé des soins⁎ et sorty des dangers Vous vous divertissiez aux plaisirs passagers, Et que plusieurs beautez possedant vos pensées Delassoient vostre esprit de ses peines passees : Mais voyant à present qu'une seule beauté Retient en son amour vostre esprit arresté, Qu'en luy communiquant l'autorité Royale Vous vous affoiblissez pour la vous rendre égale. C'est n'est pas sans raison que vostre peuple croit Que pour luy vostre amour est devenu plus froid, Et que portant ailleurs les forces de vostre ame Vous quittez son amour pour celuy d'une femme. Je sçay bien qu'à nos Roys le Ciel nous a donnez, Qu'à leurs contentemens nous sommes destinez, Et que leur volonté favorable ou contraire Doit estre en leurs Etats une loy nécessaire : Aussi quoy qu'il vous pleust determiner de nous Nous plaindrions nos malheurs, sans nous plaindre de vous, Et si nostre interest seul animoit nos craintes Nos respects sont trop grands, pour vous faire des plaintes : Mais ce trompeur amour, ce Demon suborneur Qui s'emparant d'une ame en exile l'honneur⁎, Duquel la tiranie insolemment vous brave Vous faisant d'Empereur l'esclave d'un' esclave, Ouy Seigneur cet amour qui vous tient enchanté Donne ces sentimens à ma fidelité. A tel point de mépris ce tiran vous engage Que vos ennemis mesme en tirent avantage, Et ceux qui ne pensoient qu'à parer à vos cous Se trouvent en état de triomfer de vous. Seroit-il vray, Seigneur, que vous dont la sagesse A fait à la fortune⁎ avoüer sa faiblesse ? Vous dis-je le vainqueur de tant de nations Vous laissassiez enfin vaincre à vos passions ? Remettés vostre esprit, et que la renommée, Qui vante les exploicts de votre main armée, Vante aussi le pouvoir qu'aura vostre raison A delivrer son ame, et rompre sa prison. Je sçay qu'en ce discours je hazarde ma teste, Mais, Seigneur, s'il vous plaist, la voila toute preste, Je mourray glorieux, et marqueray ma foy Ne pouvant pas survivre à l'honneur⁎ de mon Roy. L'amour est l'ennemy que l'amitié⁎ doit craindre. Il est vray que l'amour est foible en sa naissance, Mais aussi tost qu'un cœur deffere à sa puissance, Il y regne en tyran, et jamais il n'en sort Que par un grand bon-heur ou par un grand effort. Vous vous offencés seul pardonnés vous vous mesme. Je me soûmets, Seigneur.             Ma raison condamnée Abandonne à ce mot le titre d'obstinée. Je me soûmets, Seigneur, et suis prest devant vous D'adorer, s'il vous plaist, Roxelane à genoux : Si pour mieux luy donner le rang de souveraine Il vous plaist l'épouser en qualité de Reyne. Vostre rang et l'amour n'ont rien qui se ressemble. Combien que vostre rang ne luy deust rien permettre : L'amour de vos enfans semble tout luy promettre. Pere ne croyés pas que jamais je consteste Que l'amitié⁎ ne soit une vertu celeste : Mais les grands Rois seroient égaux à leurs subjets Si leur amour n'avoit de plus nobles objets. Aymer en general ses peuples, ses Provinces Et ses confederés, c'est l'amitié⁎ des Princes. Pour vivre heureusement chaque particulier, Se peut bien faire un font d'un amy singulier : Mais les Rois sont publics, et les ames royales Se doivent procurer des amitiés⁎ égales. Un Roy recompensant ceux qui luy font service N'ayme pas pour cela, mais il rend la justice. Seigneur je me soûmets, et mets les armes bas. Je ne puis rien comprendre en ceste procedure ; Mais toujours je prevoy quelque grande avanture. Cet esprit qui devant brusloit d'ambition, Changer en un moment de resolution. Par une humilité veritable où masquée Arrester sa fortune⁎ à faire une mosquée Et d'un visage peint d'une grave froideur Mépriser pour le Ciel la mortelle grandeur, Je n'entens point cela. Je connois cet esprit incapable de crainte ; Je la croirois plustost très-capable de feinte : Et ce qui le fait croire est ceste liberté, Où j'ay veu que tendoit sa feinte pieté⁎, Liberté dont je crains quelque sourde menée. La faveur et l'amour ont ceste difference, Que l'un croist par la veuë, et l'autre par l'absence ; Moins l'Empereur la voit, plus il en est charmé, Moins elle a de chaleur, plus il est enflammé, Bref nous devons tirer de ceste procedure, De quelque grand dessein, un infaillible augure, Mais nostre confident à grands pas vient à nous.             Allons voir l'Empereur Allons l'entretenir de hayne et de fureur⁎ Et quelque trahison que Roxelane brasse Empeschons s'il se peut qu'elle ne rentre en grace. Il vaut mieux hazarder qu'asseurément mourir. De ce seul coup depend ou sa perte ou la vostre, La ruine de l'une est le salut de l'autre. Vous puis-je, ou plustost vous doy-je faire entendre Un certain bruit qui court que l'on me vient d'apprendre.                 Je crains. On dit parmy le peuple et dedans la cour mesme Que Soliman pressé de son amour extreme, Et voyant que la loy luy deffend d'en user Trouve un autre moyen !                 C'est de l'épouser, Roxelane. Mais quoy devant le tems vous rendre misérable, Peut estre c'est un bruit qui n'est pas veritable, Le Conseil assemblé qu'on doit tenir icy, Rendra dans peu de tems ce soupçon éclaircy. Lors que plus puissamment le mal-heur nous outrage, C'est lors qu'il faut combatre avec plus de courage Et qu'il faut faire voir au destin rigoureux Que quiconque a du cœur n'est jamais mal-heureux. Quand à moy quelque coup de foudre ou de tempeste Que le Ciel mutiné fasse choir sur ma teste. Je mourray genereux et toûjours combattant Et si vous me croyez vous en ferés autant. Se peut-il faire ô Ciel que Soliman endure Que l'on fasse à sa gloire une si grande injure ? Qu'en faveur d'une esclave on viole les lois Pour la faire monter au trosne de nos Rois ? Cette fourbe⁎, Seigneur, de long-tems projettée Paroist-elle à vos yeux sans estre rebutée, Et ne voyez vous pas que ceste sainteté, Ce Temple, ces Autels, et ceste liberté, Tous ces refus d'aymer que faisoit Roxelane Avoient pour leur object la couronne Othomane ? Et ne voyez vous pas que pour vous enflammer On vous cite la Loy qui vous deffend d'aymer ? Mais par la passion de la voir couronnée On se taist de la Loy qui deffend l'Hyménée. Ainsi cet imposteur que Roxelane instruit Dit tout ce qui luy sert, taist tout ce qui luy nuit. Allons et faisons voir par un coup genereux Que qui sçait bien mourir n'est jamais mal-heureux. **** *creator_desmares *book_desmares_roxelane *style_verse *genre_tragedy *dist1_desmares_verse_tragedy_roxelane *dist2_desmares_verse_tragedy *id_rustan *date_1643 *sexe_masculin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fils *role_rustan             Seigneur, qu'il vous souvienne Que vous m'avez donné vostre fille et la sienne, Que par vostre bonté je possede le bien De me pouvoir nommer vostre gendre et le sien. Au nom de vostre fille et de la sienne ensemble, De vos communs enfans, où vostre sang s'assemble, Ne precipitez pas l'effect d'un jugement Qui vous pourroit causer du mécontentement, Et ne destruisés pas sur le rapport d'un page De nature et du Ciel un si parfait ouvrage. O Seigneur entendez sa deffence ou du moins Avant que de juger ayés d'autres tesmoins ! On garde quelque forme aux crimes plus énormes. Non, lors que trop puissant il fait trembler l'Etat Il ne faut point attendre un second attentat : Mais la fragilité de son sexe l'excuse, De la rebellion de laquelle on l'accuse. Du moins auparavant que de vous émouvoir Seigneur, permettez-moy que je la puisse voir. Je reviens aussi-tost et je la vous ameine Pour recevoir la grace ou recevoir la peine. Madame vostre mort. Madame, elle n'est pas encore resoluë, Mais appaisez le Prince ou bien c'est faict de vous. Auriez-vous bien tenu le discours qui l'anime ?         Que pour vous son amour fust un crime ? Vous courez donc, Madame, à vostre mort certaine, Donc à l'amour du Roy vous preferez sa haine ? Quelle fausse apparence a charmé vos esprits ? Ou quel deffaut du Roy vous porte à ce mépris ? Quoy ? ce Prince ou plustost ce heros adorable Aymé de tout le monde, autant qu'il est aymable Pour vous avoir portée aux suprémes grandeurs, Et pour vous trop aymer n'aura que vos froideurs ! Voulez-vous noircir de ceste ingratitude ! Aprehendez enfin un traitement plus rude. Et croyez que l'amour qui vous a fait monter S'il se change en fureur⁎ vous va precipiter. Ne vous y trompez pas, les Roys n'ont jamais tort, Quiconque leur deplaist a merité la mort. Leur colere, jamais n'est cruë illegitime, Et leur opinion fait et deffait le crime. Les Roys quant il leur plaist se dispensent des loys. Ils sont Dieux en pouvoir, hommes en connaissance, Qui par leurs interests et par leurs passions, Ordonnent à leur gré dessus nos actions.             Il est trop en colere.             Mais s'il croit le contraire ? Croyez-vous qu'un mespris n'offence pas un Roy ?             Vous persistés encore En refusant d'aymer un Roy qui vous adore. Il vous l'a commandé ? que dites vous, Madame ? Quelle confusion me jettés vous en l'ame ? Il vous l'a commandé ? qui croiray-je des deux ? Mais ce discours combat mon oreille et mes yeux, Apres ce que j'ay vû je ne vous sçaurois croire. Voyez-le.                 Vous voulez donc mourir. Vous le voulez vous mesme et non la destinée.             Que d'effroy⁎, que d'alarme. Quoy, Seigneur, endurer une telle insolence ? Quoy vous scandaliser⁎ de manquer de prudence ? Ne parlez plus, Seigneur, de souveraineté Puis qu'on peut s'opposer à vôtre volonté, Quoy, donc en cet état cesse ceste maxime Qu'on ne peut contester le souverain sans crime. **** *creator_desmares *book_desmares_roxelane *style_verse *genre_tragedy *dist1_desmares_verse_tragedy_roxelane *dist2_desmares_verse_tragedy *id_chamerie *date_1643 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_chamerie O Dieu tout est perdu ! vous courez au trespas. Mais, Madame, qu'a fait vostre cors à vostre ame Pour vouloir la quitter par une mort infame. Par vos discours on voit que vous vous haïssez Mais si vos interests ne vous touchent assez, Pour vos fils et pour moy conservez vostre vie La pieté, le sang, l'honneur⁎ vous y convie. O Ciel ! en quel estat je me treuve réduite, D'un tel commencement qui ne craindroit la suite, En moy tout est en trouble, et jusques dans mon flanc, Je sens en deux partis se diviser mon sang⁎ ; Ces contraires partis se combattent l'un l'autre, Le sang que j'ay du Roy semble choquer⁎ le vostre. Jugés quel est le sort de vos fils et le mien Si chacun de vous deux veut reprendre le sien. N'est-il pas bien étrange et croyez-vous qu'un pere Puisse aymer les enfans dont il hait la mère, Si vous nous aymez tous allez voir l'Empereur, Vous pouvez d'un regard desarmer sa fureur. Mais que voy-je, Madame, helas c'est fait de vous Nous sommes tous perdus, bons Dieux assistez⁎ nous. Ormin ne va jamais avec cet equipage. Que pour executer les decrets de la rage. Que ce départ me va couster de larmes. **** *creator_desmares *book_desmares_roxelane *style_verse *genre_tragedy *dist1_desmares_verse_tragedy_roxelane *dist2_desmares_verse_tragedy *id_ormin *date_1643 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ormin Incontinent⁎ Seigneur. Qu'il vous plaize Seigneur vous servir de quelque autre, Où differés un peu. Non, Seigneur, j'obey. L'ordre d'executer un si cruel decret Laisseroit en mon ame un éternel regret. Mais, Madame, il est vray que son impatience Ne peut plus sans sa mort supporter votre absence Il nous a commandé de vous saisir, pour moy  Je me soûmets à vous. L'affection⁎ des Roys imprime un caractere⁎, Qui ne s'efface point sur un coup de colere ; Et ce n'est pas servir, que servir promptement Un Prince qui s'emporte au premier mouvement : Combien que vos mal-heurs vous trament des disgrâces, De l'amour de mon prince en vous je voy des traces Qui veulent mes respects en sorte que je croy Que lors que je vous sers, je sers aussi le Roy La colere du Roy me fait craindre pour vous. Dans un moment Seigneur, je la vous rends presente.             Seigneur. **** *creator_desmares *book_desmares_roxelane *style_verse *genre_tragedy *dist1_desmares_verse_tragedy_roxelane *dist2_desmares_verse_tragedy *id_osman *date_1643 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_osman Tout succede à vos veux, la fortune⁎ se change Et de vostre parti favorable se range.         Vostre rivalle est mal avec le Roy.         Personne. Je l'ay sceu de mes yeux moy-mesme je l'ay veu ; Et pour vous dire plus, j'ay presque veu sa teste Succomber sous les coups d'une horrible tempeste : L'Empereur luy faisoit un fort mauvais party, Si son gendre Rustan ne l'en eust diverty, Diverty pour un temps, car la colere dure Où plustost elle augmente ! **** *creator_desmares *book_desmares_roxelane *style_verse *genre_tragedy *dist1_desmares_verse_tragedy_roxelane *dist2_desmares_verse_tragedy *id_page *date_1643 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_page La Sultane Circasse est ici prés, Madame, Qui demande à vous voir. Je ne m'en dedis point, Seigneur, elle l'a dit.         Seigneur, j'ai dit à ceste belle Que vous veniez passez ceste nuit avec elle, Qu'elle se preparast à vous bien recevoir, Et selon sa coutume, et selon son devoir. Elle m'a répondu, mon enfant je m'étonne De la commission que l'Empereur vous donne. Dites-luy que luy mesme il m'a donné la loy, Que l'amour desormais est un crime pour moy.