**** *creator_donneaudevise *book_donneaudevise_vengeancedesmarquis *style_prose *genre_comedy *dist1_donneaudevise_prose_comedy_vengeancedesmarquis *dist2_donneaudevise_prose_comedy *id_CLEANTE *date_1663 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_cleante Ha ha ha ha ha ha ha ! Mais laisse-moi rire. Ha ha ha ha ha ha ha ! Mais je crois que c'est Alcipe ; ma foi, je ne te voyais pas. Il y a deux heures que je ris ; mais après m'être bien diverti aux dépens du pauvre Hôtel de Bourgogne, je prétends encore rire aux dépens d'Ariste, notre bon ami. Hay, hay, hay, ne t'avais-je pas bien dit que tu devais conseiller à ces messieurs de l'Hôtel de ne point jouer leur Contre-Critique ? N'avais-je pas raison, lorsque je te parlais de la sorte ? En tiennent-ils ? Ne sont-ils pas bourrés comme il faut ? Et notre Peintre l'entend-il ? Ha ha ha ! Hé ! Ne dis mot pour ton honneur, et songe à prendre le deuil des Grands comédiens ou à te ranger du bon parti. Eh bien ! As-tu quelque chose à dire ? Alcipe nous jugera ; tu sais qu'il est désintéressé. Il en veut de plus ridicules. Ne t'amuse point à moraliser, l'on aime mieux rire à ses dépens que de ne point rire du tout, et c'est ce qui fait réussir les ouvrages d'aujourd'hui. C'est parler trop sérieusement, et s'ils répondent de la sorte, ils ne gagneront pas la leur. J'en suis d'accord, et je vais commencer. D'abord... Mais... Pourtant... Il fait voir que... Vous ne savez pas ce que vous dites ; il fait bien, puisque tous ceux qu'ils jouent, tous ses amis et tous ceux du reste de la troupe le disent. Vous auriez tort de parler contre lui, c'est le meilleur homme du monde. Je vous attends à l'endroit où il contrefait les Grands comédiens ; c'est là qu'il faut crier miracle ; c'est par là où l'auteur a véritablement mérité le nom de grand peintre, et c'est ce qui fera vivre éternellement sa mémoire. Comme vous n'êtes pas des amis de l'auteur, vous ne voulez point remarquer ce qui lui doit donner beaucoup de gloire, et vous ne dites pas que cette comédie est un impromptu. Où est l'homme qui aurait pu faire quelque chose de si beau en si peu de temps ? Admirez, critiques obstinés, admirez malgré vous ce long et incomparable impromptu. Hé ! Ne savez-vous pas que c'est le titre de la pièce ? Mais n'avez-vous pas remarqué qu'il dit qu'il n'a eu le temps que d'aller voir deux ou trois fois les Comédiens depuis son retour de Versailles afin d'attraper leur jeu ? Il ne me souvient pas bien s'il dit cela. Je... Mais voici ma femme. Que voulez-vous dire par là ? La passion vous fait parler. Mais sachons le sentiment de ma nièce, je gagerais qu'elle s'y est bien divertie. Comme elle ne sait pas encore ce que c'est que le monde, elle ne peut pas connaître encore le fin d'un ouvrage. Mais, dis-moi, as-tu jamais rien vu de mieux imaginé que l'endroit où il dit qu'il abandonne son jeu, ses pièces, ses habits, et qu'il ne répondra plus ? hon ? Je vous assure qu'il n'y a personne qui ose entreprendre de lui répondre. Il est trop redoutable et ses amis sont en trop grand nombre. Le téméraire s'en pourrait repentir. Malheur à qui le jouera. Que l'on ne l'échauffe pas. Qu'on ne le joue pas, encore un coup, ou bien l'on verra... C'en est un en effet. Un jeune homme aurait-il eu cette hardiesse ? c'est montrer un courage intrépide. Que l'on fasse tout ce que l'on voudra contre lui, six précieuses, douze coquettes, vingt marquis et trente cocus ne suffisent pas pour faire réussir une comédie. Cependant vous savez qu'il a lui-même réglé le nombre de ceux qui doivent aller voir ce qui sera représenté contre lui. Et qui pourtant ne laisse pas d'avoir de la vanité et veut donner son avis sur toutes choses. Comme elle ma soeur, je ne me contrains point avec elle ; je vous prie d'en faire de même. Mais la voici. Vous venez bien tard, ma soeur. Si le temps était plus beau, je vous demanderais si vous avez été au cours. À la comédie ! Vous êtes de mauvais plaisants. Mais, ma soeur, dites-moi, vous n'y avez rien ouï de ce que vous craigniez d'y entendre ? Que je vous aime, ma chère soeur, de prendre le parti du Peintre ! Vous faites voir par là que vous avez beaucoup d'esprit. La bonne femme ne sait ce que c'est que le monde. Oui, ma soeur, pourvu que deux ou trois bonnes femmes comme vous s'en voulussent mêler. Je voudrais bien les voir boire ensemble. Oui, mais il donne de bonnes raisons pour faire voir qu'il n'a pas tort. Voyons un peu, de grâce. Je sais bien qu'il n'est pas bon comédien, et je ne l'estime que pour son esprit. Comment, le Dieu de sa troupe ? Je vous entends. Vous... Mais que veut Ergaste. Dis-lui que je veux absolument qu'il vienne parler à moi. Qui vous a fait si hardi de prendre mes habits ? Si... Que veut dire tout ceci ? Oui. Oui, mais le Peintre a dit que les marquis ne devaient prendre la place des valets qu'à la comédie, et que ce n'était que là où il les voulait mettre à leur place. Philippin, c'est assez faire le fou, et si vous ne quittez pas cette perruque et toutes ces hardes... Et moi aussi. Il est vrai, mais allons. Bonsoir, ma soeur. Comme ma nièce n'a pas accoutumé de manger si tard, vous n'avez qu'à souper sans moi. Et toi, si tu ne quittes au plus tôt tes habits, je te rouerai de coups. Holà ! Qu'on m'apporte un bâton. **** *creator_donneaudevise *book_donneaudevise_vengeancedesmarquis *style_prose *genre_comedy *dist1_donneaudevise_prose_comedy_vengeancedesmarquis *dist2_donneaudevise_prose_comedy *id_ORPHISE *date_1663 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_orphise Enfin, Monsieur, je viens de voir (puisque vous l'avez voulu) cet admirable Impromptu, cet ouvrage de plusieurs années que l'on veut faire passer pour un enfant de huit jours ; ou plutôt, je viens de voir l'amende honorable que le Peintre, votre bon ami, vient de faire aux marquis. Je veux dire qu'il fait réparation à celui que l'on avait soupçonné d'être le marquis de La Critique, et qu'il déclare qu'il n'a entendu jouer personne, et que tous les personnages qu'il fait paraître sur la scène sont des idées prises en l'air et tirées de son imagination. Est-il de meilleure maison que les marquis ? Et défendra-t-on de jouer celui qui joue tout le monde ? C'est un des beaux endroits de sa vie. S'il est ainsi, il a tort de se plaindre du mal que l'on dit de lui, et il devrait plutôt faire des remerciements à l'auteur et aux comédiens que de leur dire des injures. Il dit bien vrai lorsqu'il assure qu'il n'y a que l'Hôtel de Bourgogne où l'on fasse faire le brouhaha ; car il fut à peine placé sur ce théâtre royal que l'on en fit un qui dura fort longtemps. Il y rit tout autant qu'il put. Quoi ? Eh bien ! Qu'elle monte. Ma nièce, c'est votre tante qui vous vient voir. Vraiment, Messieurs, vous n'avez qu'à parler de comédie devant elle, c'est une bonne femme qui a renoncé aux plaisirs du monde. Elle vous aurait été voir demain. Qui vous en a pu empêcher ? À la comédie ! Et comment cette partie s'est-elle faite ? Vous pourriez le dire ici en toute assurance, il n'y a que de nos amis. Que je vous aime, ma chère soeur, de vous déclarer contre le Peintre ! Peut-être que l'Hôtel de Bourgogne les contrefera à son tour. Il est vrai. Il y a de certaines choses qui demandent absolument que l'on y réponde de la même manière que l'on est attaqué ; et lorsque l'on examinera bien celle-ci, l'on trouvera qu'elle en est une. Je ne dis pas que les comédiens de l'Hôtel contrefassent toute la troupe du Peintre, mais le Peintre seulement, qui, en les contrefaisant, et disant que l'on retourne ses habits, a cru leur ôter le moyen de le contrefaire, se persuadant que l'on dirait encore une fois la même chose. Il est si grand comédien qu'il a été contraint de donner le rôle du Prince jaloux à un autre, parce que l'on ne le pouvait souffrir dans cette comédie qu'il devait mieux jouer que toutes les autres, à cause qu'il en est l'auteur. C'est ainsi qu'il joue lorsqu'il contrefait les autres, mais il est bien moins supportable dans son jeu naturel. Vous le contrefaites à miracle. Je vous en conjure. Si l'Hôtel de Bourgogne avait un comédien comme vous, elle serait bien vengée. Ce serait quelque chose de bien divertissant, on ne peut le voir sans rire, et il n'y eut que lui qui fit faire le brouhaha au Prince jaloux. Qu'il est plaisamment accommodé ! Il m'en souvient, et Philippin n'a pas tort. Je ne crois pas que le puissiez rendre sage. Il faut que vous l'envoyiez au Peintre, il fait ce qu'il veut des marquis. **** *creator_donneaudevise *book_donneaudevise_vengeancedesmarquis *style_prose *genre_comedy *dist1_donneaudevise_prose_comedy_vengeancedesmarquis *dist2_donneaudevise_prose_comedy *id_LUCILE *date_1663 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lucile Je vous assure, en vérité, mon oncle, que je me suis tout autant divertie avant que les chandelles fussent allumées que lorsqu'elles l'ont été. Il me souvient pourtant que l'on y parle bien des fois de marquis. Il y avait auprès de nous une jeune fille qui disait que l'on lui en voulait faire épouser un, mais que depuis qu'elle les avait vus jouer, elle n'en voulait point. Ils sont toutefois bien mignons et bien propres. Il faut qu'elle soit bien dégoûtée, car en vérité c'est une jolie chose qu'un marquis. L'on m'en a montré plusieurs qui étaient auprès de celui qui les contrefaisait, et je ne pouvais m'imaginer comment il osait se moquer d'eux ; mais je me suis souvenue qu'il leur en avait peut-être demandé la permission. Je trouve qu'ils sont bien faits et bien aimables, et ce qui me les fait estimer, c'est qu'ils ont l'humeur bien douce, puisqu'ils souffrent que l'on se moque d'eux. Bonjour, ma tante. Quoique je n'aie pas tant de mémoire ni tant d'esprit que les autres, j'y ai remarqué quelque chose de bien joli. Faire prendre médecine aux canons : que cela est beau ! Je sais bien comment il le faut contrefaire, il n'y a qu'à se boursoufler. Ah ! Ma tante, il est plus drôle que la comédie. **** *creator_donneaudevise *book_donneaudevise_vengeancedesmarquis *style_prose *genre_comedy *dist1_donneaudevise_prose_comedy_vengeancedesmarquis *dist2_donneaudevise_prose_comedy *id_ARISTE *date_1663 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_ariste Mais... Rira bien qui rira le dernier. Je n'ai rien vu qui... Si... Tous ceux qui sont ridicules dans ses copies ne le sont pas dans les originaux : il nous les fait voir dans un faux-jour et se sert de couleurs qui nous trompent et qui nous font souvent voir des défauts où il n'y en a pas. Je suis bien aise que tu m'en avertis, et je dirai aux comédiens de l'Hôtel qu'ils ne s'amusent pas à répondre à tout ce que l'on dit contre eux. Bien que la réponse fût juste, elle ennuierait, et je vois bien qu'encore qu'ils eussent quantité de bonnes choses à répliquer, qu'il faut qu'ils fassent rire et ne s'arrêtent pas à répondre au prétendu Impromptu de Versailles. Il faut laisser présentement ce qui est bon pour se servir de ce qui est risible, et abandonner les raisons, puisqu'il suffit de faire rire pour gagner sa cause. Ils savent ce qu'ils ont à faire. Mais contons à Alcipe ce que nous avons vu, afin qu'il nous juge. Ne t'amuse point à nous faire un long récit de cette pièce ; on n'y trouverait pas le mot pour rire. C'est pourquoi, je te prie, laissons tout ce qui se voit d'abord, passons par-dessus les marquis, et ne parlons que des endroits où il contrefait les Grands comédiens, puisque c'est le sujet de notre dispute. Mais l'on sait ce que c'est que son sujet ; qu'il n'est pas nouveau ; les Italiens en ont fait cent fois de même, et l'on sait qu'il a fait une comédie en disant qu'il n'avait pas le temps de la faire. Il a encore imité le rondeau d'Isabeau qui est dans Voiture. Ma foi, c'est fait. Il fait voir qu'il est plus épuisé qu'il ne le veut faire croire, et ne distribue pas un rôle à ses camarades qu'ils n'aient joué plus de dix fois ; et il a déjà donné plusieurs coups de pinceau à tous les gens de cour qu'il nomme, et dont il dit qu'il n'a pas commencé le portrait. Il croit avoir fait une pièce nouvelle, lorsqu'il a fait changer de garniture, de plumes et de voix à un marquis. Il n'a point de vanité, il ne se fait point louer à l'ouverture de sa pièce par toute sa troupe, et il ne fait point dire qu'il devait avoir soin de sa réputation et de ne pas entreprendre un ouvrage en si peu de temps. Il est vrai qu'il souffle et qu'il écume bien, qu'il fait enfler toute sa personne, et qu'il a trouvé le secret de rendre son visage bouffi. Dans le premier qu'il contrefait, il blâme plus la nature que le comédien. Je trouve qu'il a fait honneur aux comédiens et qu'il les a rendus compagnons des marquis en les jouant ensemble. Ils auraient tort de s'en fâcher, puisqu'ils ne sont pas de meilleure famille qu'eux, et ils ne doivent pas même être surpris de voir que des singes et des guenons tâchent à les contrefaire, puisque c'est le propre de ces sortes d'animaux. Je crois que vous vous moquez de moi avec votre impromptu. Il est vrai ; mais cela n'empêche pas que le Peintre ne l'ait faite à loisir. Il est vrai, et depuis huit jours il a été voir réciter les stances du Cid à un acteur qui ne les a point dites il y a plus de six ans. Il a aussi été voir jouer les Horaces depuis Le Portrait du Peintre, encore que l'on ne les ait point jouées il y a plus d'un an. Sa passion l'aveuglait lorsqu'il parlait de la sorte, et il ne songeait pas qu'il venait de dire qu'il y avait dix-huit mois qu'il avait travaillé à cette comédie. Il aura meilleure mémoire que vous et se souviendra bien que depuis deux ans, il a, chez beaucoup de gens de qualité, payé son écot de cette pièce. Il aime bien à se contredire, puisque, dans un autre endroit, il dit qu'il peint d'après nature et que les portraits qu'il fait voir ressemblent tellement aux originaux que chacun s'y reconnaît d'abord. Comment diable voulez-vous qu'il réponde, puisqu'il lui faut dix-huit mois pour faire des impromptus ? Il ne travaille pas si vite, et, comme ses enfants ont plus d'un père, quand il abandonne son jeu, son esprit, ses habits et ses ouvrages, il sait bien ce qu'il fait, et n'abandonne rien du sien. Personne n'ignore qu'il sut bien retourner des vers en prose en faisant La Critique, et que plusieurs de ses amis ont fait des scènes aux Fâcheux ; c'est pourquoi, si Monsieur Boursault lui répond, il lui pourra dire plus justement que le Parnasse s'assemble, lorsqu'il veut faire quelque chose. Mais... On n'a garde, on sait qu'il est trop prudent et que sa réponse ne marque point d'animosité. Il est vrai qu'il pourra peut-être, avec un peu d'adresse, empêcher secrètement ce qu'il craint, et que quelque marquis, dont il se sera fait un ami en le jouant, détournera ce coup ; mais quelque grande appréhension qu'il montre, il ne doit rien craindre, puisqu'on ne lui peut rien reprocher. Comme il est accoutumé à se louer lui-même, il dit qu'il n'y a été que pour goûter la gloire que l'on reçoit lorsque l'on voit approuver ses ouvrages. Il a été plus de cocus qu'il ne dit, voir Le Portrait du Peintre ; j'y en comptai un jour jusqu'à trente-et-un. Cette représentation ne manqua pas d'approbateurs, trente de ces cocus applaudirent fort, et le dernier fit tout ce qu'il put pour rire, mais il n'en avait pas beaucoup d'envie. Ah ! Madame, croyez qu'il n'y a rien dans ses ouvrages qui ne se puisse dire en public, et qu'entre les personnes qui lui prêtent leur esprit, il y en a qui sont obligées d'être aussi scrupuleuses que vous. Qu'en dis-tu ? Le Peintre avoue lui-même qu'il a parlé d'eux le premier dans ses Précieuses et dans sa Critique. Il est vrai, et pour se justifier d'avoir parlé d'eux dans ce temps-là, il se sert du Portrait du Peintre qu'ils ont joué longtemps après, et leur reproche comme une chose infâme d'avoir dit qu'ils ne se mettaient pas en peine de ce qu'on pourrait dire de cette comédie, pourvu qu'ils y gagnassent de l'argent, sans examiner qu'à la fin de sa Critique il en a dit autant en parlant de lui-même. J'y trouve un obstacle invincible : c'est que les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne ne sauraient jouer si mal qu'eux. Vous avez raison, et il serait bien payé, car il se croit le plus grand comédien du monde. Je ne sais s'il y a quelque comédien de l'Hôtel qui le contrefasse bien. Si j'étais comédien, je le contreferais à merveille. Je le veux bien. Voici comment il fait lorsqu'il joue dans Pompée. Ariste sort du théâtre et rentre en marchant comme le Peintre, et dit : Voyez-vous cette démarche ? Examinez bien s'il ne fait pas de même. Voici comme il récite de profil : Connaissez-vous César de lui parler ainsi, etc. Après ces vers, il dit : Examinez bien cette hanche, c'est quelque chose de beau à voir. Il récite encore quelquefois ainsi, en croisant les bras et en faisant un hoquet à la fin de chaque vers. Là tous les acteurs rient. Il faut que je vous donne encore un divertissement, et que j'annonce comme lui. Regardez bien comme il tient son chapeau. Ah ! Madame, vous me faites trop d'honneur. L'on pourrait encore contrefaire ce gros porteur de chaise des Précieuses, lorsqu'il joue un rôle sérieux. À propos du Prince jaloux, que dites-vous de celle qui en joue la première amante ? Le Peintre dit qu'il faut de gros hommes pour faire les rois dans les autres troupes ; mais dans la sienne il ne faut que de vieilles femmes pour jouer les premiers rôles, puisqu'une jeune personne bien faite n'aurait pas bonne grâce. Je gage que la comédie a fait devenir ton valet fou. Il y va trois ou quatre fois la semaine avec toi ; juge après cela s'il en faut davantage pour faire tourner la cervelle à un homme qui n'a jamais été trop sage. Mais le voici qui vient. Ce que j'ai dit n'est-il pas véritable ? Il n'est rien de plus véritable, et ceci est un effet de son ambition que vous ne remarquez pas. L'équipage de Mascarille commençait à lui déplaire, il avait honte jouer avec un habit plein de pièces, et afin de ne le mettre plus, il veut amener la mode de faire servir les marquis de valets à la comédie. Il me souvient de cette nymphe. On croyait tromper nos yeux en nous la faisant voir, et nous faire trouver beaucoup de jeunesse dans un vieux poisson. Il contrefaisait d'abord les marquis avec le masque de Mascarille ; il n'osait les jouer autrement ; mais à la fin, il nous a fait voir qu'il avait le visage assez plaisant pour représenter sans masque un personnage ridicule. J'y vais avec toi. **** *creator_donneaudevise *book_donneaudevise_vengeancedesmarquis *style_prose *genre_comedy *dist1_donneaudevise_prose_comedy_vengeancedesmarquis *dist2_donneaudevise_prose_comedy *id_ALCIPE *date_1663 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_alcipe Je crois qu'il est impossible de le rencontrer au logis. Il faut que je l'attende, je crois qu'il sera bientôt de retour ; car lorsque j'ai passé devant le Palais-Royal, l'on commençait à sortir de la comédie. Ariste ? Je ne crois pas qu'ils sortent bons amis ; car l'un soutient à outrance les intérêts de l'Hôtel de Bourgogne, et l'autre ceux du Peintre, avec autant de chaleur. Mais j'oubliais à vous demander si Madame est ici. C'est un maigre divertissement pour une campagnarde. Elle pourra divertir tous ceux qui la verront avant que la comédie commence. Je suis ravi de te trouver en si bonne humeur. C'est, je crois, le meilleur parti que l'on puisse prendre, et c'est le seul moyen de bien passer son temps à la comédie. Le mauvais succès des pièces ne m'empêche point de dormir. Quand le Peintre fait quelque chose de bon, je m'y divertis, et quand on représente quelque chose de meilleur à l'Hôtel de Bourgogne, je m'y divertis de même. Je ne suis point de ceux que le torrent entraîne, ma raison me fait tenir ferme, et je ne puis faire approuver à mon goût ce qui ne lui plaît pas. Je cherche ma satisfaction, et non l'avantage d'un auteur. Je ne ris point par complaisance, lorsque je n'en ai point de sujet, et ne m'empêche point de rire lorsque je trouve quelque chose qui me plaît, puisque l'un et l'autre ferait tort à ma réputation et à ma santé. Voilà mon portrait ; si le peintre me veut jouer, vous n'avez qu'à le lui donner. Il y a longtemps que nous n'avons rien vu de nouveau de lui. Il nous a fait voir les mêmes pièces de dix manières différentes, et on ne doit pas prendre le soin de les retourner, puisqu'il se donne lui-même cette peine. Après cela, je n'ai plus rien à dire. En effet, il doit bien conserver une réputation acquise avec tant de péril ; mais ce qui me choque, c'est qu'étant l'auteur de la pièce, il a lui-même fourni à ses camarades l'encens qu'il se fait donner. Je ne crois pas que cette vengeance sente l'honnête homme, et elle marque plus d'aigreur que d'esprit. Il doit faire espérer qu'il deviendra un jour grand acteur, puisqu'il veut imiter ceux dont la réputation est si bien établie. Enfin, Mademoiselle, les marquis vous ont plu davantage que la comédie. Pourvu que l'on soit assez hardi que lui, l'on pourra... On pourrait le faire voir sur le théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, lorsqu'il y vint voir son portrait. Je doute fort que cet ouvrage lui ait donné tant de plaisir qu'il nous le veut persuader. On aurait eu bien de la peine à le peindre dans les convulsions que la gloire lui causait. Les transports de la joie qu'il ressentait faisaient trop souvent changer son visage. Vite, promptement, tôt, le déconcerta, et le "ouf" lui fut un coup de massue dont il est encore étourdi. La pensée est fort nouvelle, et il y a plus de trente ans que tous les saltimbanques disent cette plaisanterie ; et le Peintre fait honneur aux marquis de la mettre dans leurs bouches. Si l'on voulait contrefaire le Peintre, il faudrait puiser jusque dans la source et s'attaquer aux Italiens, dont il n'est qu'une méchante copie. Pour moi, je ne trouve pas que ceux de l'Hôtel le doivent contrefaire ; il dirait encore que l'on retourne ses habits et que l'on se sert de la même invention pour le jouer. Dites-vous vrai ? Cléante en est tout mortifié. Je crois que l'on rirait bien si quelqu'un contrefaisait le Dieu de sa troupe. Hé quoi ! Le dieu Vulcain n'est-il pas de sa troupe ? Je crois à peine ce que j'entends, et quoique je ne doute point de la hardiesse du Peintre, je ne me puis persuader qu'elle ait été si grande. Il n'y a pas longtemps qu'il le porte si haut. Plus je songe à la témérité du Peintre, et moins je puis sortir de mon étonnement. Voici l'heure d'aller faire notre cour. Je m'en vais au Louvre, et j'espère que je ferai rire bien des gens de la folie de ton valet. Tu n'as garde d'y manquer aujourd'hui, tu es un des illustres espions de ton Peintre, et tu veux savoir tout ce que l'on dira ce soir de sa pièce. **** *creator_donneaudevise *book_donneaudevise_vengeancedesmarquis *style_prose *genre_comedy *dist1_donneaudevise_prose_comedy_vengeancedesmarquis *dist2_donneaudevise_prose_comedy *id_CLARICE *date_1663 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_clarice Je ne croyais pas trouver si bonne compagnie. Bonjour, ma nièce. Vous voyez, mon frère, c'est que j'avais de l'impatience de voir ma nièce. Et moi, je serais venue plus tôt, si... Vous ne le sauriez deviner, et j'ai pris aujourd'hui un divertissement auquel j'avais renoncé dès l'âge de vingt ans. Non, mais j'ai été à la comédie au Palais-Royal. Oui, à la comédie. J'étais avec deux ou trois femmes dont la vie est un exemplaire de vertu. Nous y avons été pour nous mortifier et non pour nous divertir, et par un dessein caché qu'il n'est pas besoin que tout le monde sache. Nous voulions savoir si le Peintre, après avoir fait un sermon dans un de ses comédies, et mis les Dix Commandements, n'aurait point, dans cette dernière, parlé des sept péchés mortels et de quelque autre office journalier, afin de lui en faire faire après quelques réprimandes, mais pourtant avec toute la douceur imaginable. Non, et je vous avoue que j'y ai plus ri que je ne pensais. Oui, mais, mon frère, savez-vous bien de quoi j'ai ri ? C'est de voir rire tant de gens de si peu de choses. Mais dites-moi, s'il vous plaît, Messieurs, il semble qu'il soit mal avec les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne. D'où vient cette querelle ? Ne pourrait-on pas trouver le moyen de les accommoder ? Elles réussiraient peut-être mieux que vous ne pensez. Mais qui sont ceux qui ont commencé ? Je vois bien que cette querelle ne s'apaisera pas facilement ; mais enfin, l'on doit toujours donner le tort à ceux qui commencent. Il faut que j'avoue que je n'ai jamais tant ri. Il faudrait le faire enfermer. Songez à ce que vous dites et ressouvenez-vous que vous n'êtes qu'un valet. **** *creator_donneaudevise *book_donneaudevise_vengeancedesmarquis *style_prose *genre_comedy *dist1_donneaudevise_prose_comedy_vengeancedesmarquis *dist2_donneaudevise_prose_comedy *id_ERGASTE *date_1663 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_ergaste Il est allé voir la première représentation de L'Impromptu de Versailles. Comme il est des amis du Peintre, il n'avait garde d'y manquer. Monsieur, Ariste est avec lui. Ils ne sont jamais ensemble qu'ils ne se querellent sur ce sujet. Bien qu'elle ne prenne point de part dans les intérêts du Peintre, et qu'elle raille souvent Monsieur de ce qu'il le soutient avec trop d'emportement, il l'a persécutée de l'aller voir aujourd'hui, et il a même voulu qu'elle menât avec elle une de ses nièces, qui n'a jamais vu ni Paris ni la comédie, et qui n'arriva qu'hier d'une maison de campagne où elle a toujours fait son séjour. Elle est faite d'une manière à en donner beaucoup aux autres, et comme on n'a pas eu le temps de la faire habiller, si le Peintre n'était des amis de la maison, je crois qu'il en pourrait faire un portrait des dames de campagne. Monsieur a promis de les placer dans un lieu où elles ne seraient point vues. Mais je l'entends. Monsieur, Philippin se fait tenir à quatre dans votre garde-robe. Il veut mettre un de vos habits et une de vos perruques, et dit qu'il sait bien que vous en demeurerez d'accord. **** *creator_donneaudevise *book_donneaudevise_vengeancedesmarquis *style_prose *genre_comedy *dist1_donneaudevise_prose_comedy_vengeancedesmarquis *dist2_donneaudevise_prose_comedy *id_ISABELLE *date_1663 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_isabelle Madame... Madame Clarice est là-bas, elle va monter. **** *creator_donneaudevise *book_donneaudevise_vengeancedesmarquis *style_prose *genre_comedy *dist1_donneaudevise_prose_comedy_vengeancedesmarquis *dist2_donneaudevise_prose_comedy *id_PHILIPPIN *date_1663 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_philippin Qui vous a fait si hardi de me parler de la sorte ? Point de si. Donnez-moi votre chapeau et servez-vous du mien. Donnez, vous dis-je, et prenez la peine de vous déshabiller pour mettre mon habit. Je ne fais rien que je ne doive faire, encore que vous me regardiez tous comme si j'étais un fou. Voyons si je n'ai pas raison. N'est-il pas vrai que le Peintre a dit aujourd'hui qu'il fallait que les marquis prissent la place des valets ? Il faut donc que les valets prennent la place des marquis. Par cette raison, vous me devez donner tous vos habits en échange du mien. Je vous assure que je vous serai aussi bon maître que vous m'avez été et que je vous mènerai souvent à la comédie. C'est ce qui leur est de plus honteux, d'être traités comme des valets sur le théâtre, à la vue de tout le monde. Je commence à perdre patience. N'avez-vous pas enfin résolu de vous dépouiller ? Mais, à propos, je n'ai pas encore chanté depuis que je suis marquis. Cela est de mon caractère, et si je ne le soutiens bien, mes confrères les marquis ne me voudront pas recevoir dans leur corps. Voyons un peu si je chante bien. Coquille, dit-il, si belle et si grande, N'accommode pas mon limaçon. Coquille, dit-il, si belle et si grande Demande un plus gros poisson. Il me semble que je suis aux Fâcheux et que je vois sortir d'une coquille une belle et jeune nymphe. On dit que les marquis sont inquiets ; entretenons un peu quelqu'une de ces dames pour calmer notre inquiétude. Je veux avoir douze marquis pour me servir de valets, avec une calèche toute couverte de nompareille. Ah ! Le galant homme, il se méconnaît bientôt. Philippin est votre nom. Pour moi, je suis marquis. Vous avez bien peu de mémoire depuis que vous êtes devenu valet. Et moi aussi. Évitons sa fureur, et ne soyons point marquis aux dépens de nos épaules.