**** *creator_dorat *book_dorat_celibataire *style_verse *genre_comedy *dist1_dorat_verse_comedy_celibataire *dist2_dorat_verse_comedy *id_TERVILLE *date_1775 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_terville Et très content de l'être. Je chéris cet asile.... Mais non. Au plus. D'un reproche flatteur Je connais tout le prix ; rien n'échappe à mon coeur. Oh ! Pendant mon séjour, je prétends la distraire. J'ai de très grands projets !... Verseuil a-t-il su plaire ? Bals sur bals !... En effet, rire, aller, danser, à dix-huit ans, Rien n'est moins naturel... comme elle est raisonnable ! Sa rêverie est douce, et la rend plus aimable. J'aime à la retrouver. Et vous partez toujours ! Où diable a-t-il été ? Mais j'ai passé trois jours Chez Eglé, deux plus loin ; le reste, chez Mélite, Femme très agréable, et que par-tout on cite ; On est très bien chez elle ; on y vit librement, Comme l'on veut. Aussi vous y voit-on souvent ! Assez. Qui ; mais bien moins que vous. Je ne plaisante point. Malgré moi j'ai cédé. Que voulez-vous ? j'ai tort : peut-être je m'abuse. Je me distrais, au moins.....trop heureux qui s'amuse ! Que j'aime ce maintien, cette grâce touchante ! Je la trouve embellie, et sa candeur m'enchante. À quoi bon insister Sur ce que je ne puis ni ne veux accepter ? Ah ! De grâce, oubliez ce projet. Pour vous en détourner, n'ai-je point assez fait ? Quand j'établis Julie et m'empresse pour elle, Je dois être à l'abri d'une instance nouvelle. Comment faire autrement ? Sans doute, elle m'est chère. Eh ! Lui seul est ma loi. Il me dit d'être heureux, ou de chercher à l'être ; En garde courre moi, de m'en rendre le maître ; D'être libre sur-tout, de craindre et d'éviter Un fardeau que l'on prend pour ne le plus quitter. J'ai calculé les maux, pesé les avantages : Rêver sur le bonheur est l'étude des sages ; Ce fut aussi la mienne .... Qui, Monsieur, vous riez ! Mais je le prouverais si vous y consentiez. N'attaquez pas mon coeur : il est né très sensible ; Il est armé peut-être, et non pas inflexible. Ah ! J'étais confiant : mes premières ardeurs Me laissaient le bandeau des aimables erreurs. Fait pour croire à l'amour, pour sentir son ivresse, Je voulais un lien qui fixât ma jeunesse ; Mais j'éprouvai bien-tôt, et sus à mes dépens, Que le ton de nos moeurs éteint nos sentiments. On se charge en courant d'une chaîne légère ; L'enchantement d'aimer cède à l'orgueil de plaire ; On est sans passions où dominent les goûts, Et l'on se sent blesser dans les noeuds les plus doux : Ce coup d'oeil, j'en conviens, m'a rendu moins crédule ; Je m'épargne un chagrin, j'évite un ridicule ; Je les ai craints tous deux, et, dans mon juste effroi, Je me suis bien promis de dépendre de moi : La prudence a vaincu. Ah Dieu ! que dites-vous ? Que c'est mal me connaître ! Nul autre plus que moi ne les aime peut-être. J'appréciai toujours leur commerce enchanteur, Délices de l'esprit et le besoin du coeur. L'Amant piqué s'en plaint, le sot les calomnie. Pour moi, je leur devrai le charme de ma vie. Mais pourquoi sous le joug languir emprisonné ? Pour être délicat, faut-il être enchaîné ? Un encens libre et pur est bien plus fait pour elles. Quel qu'il soit, l'esclavage a des fuites cruelles ; Il amène les torts, les langueurs, les dégoûts. Pour devenir tyran, il suffit d'être époux. Mille exemples fameux ont trop su nous l'apprendre. L'homme, armé du pouvoir, néglige d'être tendre : Impérieux et froid, même au sein des desirs, En acquérant des droits, il perd tous ses plaisirs. Ah ! C'est un sentiment beaucoup plus qu'un système. Je ris d'un être vain, inquiet, soucieux, Qui se charge, au hasard, d'en rendre un autre heureux. C'est bien assez, hélas ! pour nos forces bornées, D'avoir à soutenir nos propres destinées. Oui, l'on est peu sensé, lorsqu'aux pieds des Autels On va courber son front sous des noeuds éternels, Et, du moment qui naît à peine étant le Maître, On ne peut garantir le moment qui doit naître ; C'est une opinion, c'est la mienne : après tout ; L'attrait seul nous décide, et chacun suit son goût : Sauf l'égard que je dois à ces noeuds qu'on renomme, On peut, sans être époux, être fort honnête homme. Mon cher Oncle, d'ailleurs, pourquoi vous plaindre ainsi? Contre ce chaste hymen, j'ai beau m'être endurci, Je le vois quelquefois sans qu'il me scandalise. Le Comte, par exemple, est un choix que je prise, Fait pour votre Pupille : eh bien ! moi, je consens Qu'ils s'embarquent tous deux sur la foi des serments : Ce bonheur, contre qui mon âme est révoltée, Est, je le vois, le seul qui soit à leur portée. Verseuil est justement l'homme qu'il nous falloir ; Verseuil, aux qualités joint la grâce qui plaît.... Mais, cet hymen conclu, j'en puis empêcher mille, Et c'est au moins, Monsieur, un moyen d'être utile. Mon Oncle, faites plus ; contentez mon envie : N'en assurez pas moins votre bien à Julie ; Ce sera m'enrichir que de lui tout donner. Ce coeur si froid voudrait la couronner. Son Oncle à vos désirs ne pourra que se rendre. Saingérans. Lui-même. On peut en rire ; Il vous amusera. Il ignore donc tout ? Où peut être Verseuil ? Ceci va le charmer, Connaissant mieux Julie... Ah ! Comme il doit-l'aimer ! Comment seul avec elle ! et Julie autorise... Elle est donc de retour ? Et Verseuil la connaît ? Infiniment, Cela m'en a tout l'air... la Marquise l'estime ? Je vois d'ici quel intérêt l'anime. Il ne perd pas son temps. Et se connaissent-ils depuis longtemps ? C'est que j'avais envie... Vous m'enverrez le Comte ? Je vous réponds que non : je le déciderai.... Et je vous garantis que je le marierai : J'ai mes raisons. Bon! à ce qu'il me semble, La Marquise et Verseuil sont assez bien ensemble. Le moyen de souffrir un tort aussi marqué ! Je ne suis point jaloux, mais je suis très piqué. Ah ! Monsieur de Verseuil, vous allez un peu vite ; De vos pouvoirs ici vous passez la limite. Calmez-vous s'il vous plaît, réprimez cette ardeur.... Et laissez-moi du moins de quoi tromper mon coeur ; Même alors qu'il s'immole, et qu'il la sacrifie, Je ne sais quel attrait me ramène à Julie ; Je dois m'en défier, renfermer mon secret, Et me réfugier aux pieds d'un autre objet ; Refroidi par l'Hymen je me verrais moi-même... Comment peut-on risquer d'épouser ce qu'on aime ! Si la Marquise veut, elle va me sauver ; Et d'un attachement un goût peut préserver. Mais, quoi !... Si je déplais, si mon espoir l'offense... Je m'en consolerai par mon indépendance. Ah ! Monsieur, vous voilà. Je voulais vous parler. Julie Est jeune, intéressante. Julie a de ces traits, Qui, dès qu'on les a vus, ne s'effacent jamais : On veut les retrouver dans ceux que l'on adore ; On croit n'y plus songer, et l'on y rêve encore : C'est un ... je ne sais quoi, plus doux que les appas, Et le coeur qui le sent, ne le définit pas. L'amitié peint souvent aussi bien que l'amour. Au but. Julie a tout, beauté, grâce... une ame si pure ! Emparez-vous d'un bien qu'un ami vous assure. Ou, vous ne savez pas ce qu'ici vous perdez... Ou, vous manquez, Monsieur, à tous les procédés... Non, non, ce sont des choses. Que dites-vous ? Qui ? moi ! Il le faut avouer.... La tyrannie est forte. Je n'aime point Julie.....et vous pouvez le voir Mais quand je l'aimerais, je voudrais la pourvoir Je voudrais..... Me parler mariage ! D'honneur, vous êtes fou. Nulle. Votre Oncle vient. Quelle encore ? Eh ! point, on vous adore. Voilà bien les amants !... des ombrages sans fin ! Mais, pour croire à cela, quel motif est le vôtre ? Là... pourquoi vous haïr ? Un autre ! Et qui ? Bel embarras ! T'es-tu persuadé dans le fond de ton ame Qu'on doit avec délire être aimé de sa femme ? Ce serait un peu loin pousser l'illusion. L'hymen est, tu le sais, un Dieu plein de raison, Et l'amour même est sage à l'aspect d'un Notaire. Mais tu ne dis pas tout : allons, trêve au mystère Conviens-en ; la Marquise a paru dans ces lieux, Et seule a tout brouillé : parle vrai, je le veux, J'ai droit de l'exiger.... tu l'aimes, je parie ! Point de raillerie ? Il s'agit d'amitié, je pense ; sans cela Je serais très choqué de ce procédé là. Julie en ce séjour est ton unique affaire ; Je sais pour vous unir tout ce qu'on m'y voit faire Voilà ta million et mon arrangement : Tu n'y peux de ce but t'écarter un moment ; Et, s'il faut m'expliquer avec pleine franchise, Tu dois, presque pour rien, y compter la Marquise. Oui. C'est me contrarier que lui rendre des soins : Puisqu'il faut dire tout, j'ai des projets sur elle ; De l'objet que je cherche elle est le vrai modèle : Elle a de la gaieté, des moeurs, le meilleur ton ; Elle pense, elle est veuve, et moi, je suis garçon : Tout convient. Mon coeur, à tous égards, t'a dû la préférence. Mais.... j'augure assez bien ; J'ai déjà même écrit. Rien. Je saurai la réduire. Par cent nouveaux secrets je prétends la séduire ; J'en inventerai tant, qu'elle n'y tiendra pas ; Je te dirai ma marche et tu m'applaudiras. Il faudra bien : oui, malgré ton peut-être, Apprends qu'on est aimé lorsqu'on s'obstine à l'être. Mais sois discret, afin que mon bonheur soit pur. Il est essentiel, tu vois, de nous entendre ; Aux voeux de l'amitié j'ai le droit de prétendre ; Tu dois me servir même, au lieu de me croiser ; Fais que l'on m'aime, et moi, je te fais épouser. Par des soins mutuels, tenons avec adresse, Toi, ta femme, de moi ; moi, de toi, ma Maîtresse, Vraiment, tu dois m'aider. Tu t'en trouveras bien, mettons-y de l'accord. Dis, me le promets-tu ? Tu ris ? Voilà de nos amis ! Vous faites tout pour eux, ils ne sont rien pour vous. Mais la Marquise approche ; et je vais, sans mystère, Lui déclarer un feu que je ne puis plus taire. Pourquoi non ? Monsieur aujourd'hui trouve tout amusant. Madame, pardonnez, si mon empressement.... Paix donc... J'allais monter dans votre appartement J'ai rencontré Verseuil. Non ; mais, il est des soins... il m'a seul arrêté ; Il est sur un article à tel point entêté !... Va-t-en donc. Oh ! C'est qu'aux environs il doit quelques visites ; Je le pressais d'aller. Allez-vous me gronder ? êtes vous courroucée? Voilà ce qu'on appelle Un sang froid admirable ! Eh quoi ! L'Hymen en vous trouve une apologiste. Vous aimeriez ce joug et ce contrat si triste, Qui condamne à s'aimer ceux qui s'aiment le moins Assujettit deux coeurs que l'attrait n'a pas joints ; Gêne et lasse bientôt la femme la plus sotte, Fait deux dupes toujours, et souvent un despote! Ainsi, vous serez donc ( disons-le... sans détour, ) Épouse sans bonheur, ou veuve sans amour ? Fausse philosophie ! Eh, pourquoi, s'il vous plaît ? Ah ! Peignez-moi, de grâce, avec d'autres couleurs : Ce ne sont là mes voeux, mes penchants, ni mes moeurs. Malheur à qui ne voit dans l'état le plus sage, Que le droit de céder à son humeur volage ! L'amant qui me ressemble, heureux de s'enflammer, Veut aimer librement afin de mieux aimer : De s'engager ailleurs il est toujours le maître, Mais son coeur est confiant pour le plaisir de l'être. Des gens dont vous parlez, si j'avais les défauts ; Si j'étais indiscret, léger, cruel ou faux, Prétendrais-je à vous plaire ? en aurais-je eu l'envie ? Lorsque vous m'accusez, mon choix me justifie. Quant à l'extérieur, convenez cependant, Qu'on peut être à la fois et sensible et galant. Vous ne m'approuvez pas ! eh quoi ! Serait-ce un crime, De venger les attraits d'un noeud qui les opprime ; D'offrir au juste orgueil d'un sexe idolâtré, Ce culte si flatteur des maris ignoré, Entre mille Beautés de n'en exclure aucune, Et, toutes les aimant, de n'en préférer qu'une, De cacher... jusqu'au choix qui peut enorgueillir, Et d'enchaîner l'amour sous les lois du plaisir ? A Ce reproche-là. je n'ai point dû m'attendre. Qui, moi ? Lorsqu'un aveu... Que veut-elle me dire? C'est un prétexte vain que je pourrais détruire. Ah ! Je vois ce que c'est : Verseuil apparemment Vous aura conseillé ce cruel enjouement : Au reste, il faudra bien que votre coeur l'oublie ; Car vous savez, je crois, qu'enfin je le marie. J'y compte, et, dans ce cas, Vous voyez clairement qu'il ne vous convient pas. De lui ? je le veux bien. Ah ! de grâce, un moment... s'il faut être jaloux, J'en suis capable, au moins, très capable. Madame, Ne m'en défiez pas, je connois bien mon ame : Si je n'ai pas de quoi faire un mari charmant, J'aurai, quand je voudrai, les défauts d'un Amant. Ah ! Du moins, je vous prie Ne l'instruisez de rien. Quoi ?... ma foi, je m'y perds, sa gaieté m'étourdit. Tout s'arrange, à ce qu'il me paraît. Julie est, ce me semble, un peu moins inhumaine. Je rends grâce vraiment au hasard qui m'amène : L'instant est bien choisi : quand on doit être époux, Tout veut que l'on se livre à des transports si doux, Vous l'ayez donc enfin décidée ? Ma joie est concentrée, et n'en est pas moins pure. Pourquoi donc ? Pour signer !... Je suis prêt. Comme ami ! Admirer des flâmes si subites ? je les admire aussi..... Julie a l'air très gai. Mademoiselle, un mot. Non, je voudrais ici.... Combien je suis heureux ! j'ai fait votre bonheur, Mais pourquoi cachiez-vous le fond de votre coeur ? Vous ne voyiez Verseuil qu'avec indifférence, Et cela m'affligeait. Votre âme est donc enfin satisfaite ? Il ne peut qu'être heureux,quand l'amour y préside. Le Comte est jeune. Il est riche. J'aurais pu !.. Souvent on l'est bien moins que l'on ne paraît l'être. Souvent... mais votre choix se fait enfin connaître, Et le Comte... j'approuve un pareil sentiment. Cet hymen vous convient... Oui, Verseuil est charmant. Moi, je dois le louer. Vous l'aimez, n'est-ce pas ? Votre coeur, je le vois, est très déterminé. Je vous en félicite. Verseuil... Eh bien, Mademoiselle Je vais presser moi-même une fête si belle. J'allais hâter l'instant où l'on doit vous unir, Et de votre tuteur dissiper les alarmes. Cet hymen.... Enfin, c'en est donc fait ; son coeur s'est engagé !... Son coeur peut être heureux... le mien est soulagé. J'aurais crains sa douleur autant que ma tendresse. Mais elle aime Verseuil... Oui Verseuil l'intéresse. Quant à lui... je puis bien répondre de ses feux. Le moyen de la voir sans en être amoureux! Sa simplicité même est son art de séduire... L'amour sur elle encor n'avait eu nul empire... Et même je doutais que son coeur sut aimer. Je croyais... pour Verseuil, elle a pu s'enflammer ! Sitôt ! Oui, c'en est fait : rien ne m'est plus contraire. Pour me tranquilliser, il fallait qu'il sut plaire ... Il plaît !... J'en suis ravi... Félicitons-nous bien De voir qu'en s'enchaînant elle aime son lien. Son âme au repentir ne sera point ouverte, Et son bonheur certain va m'adoucir sa perte. D'où vient donc cet effroi ? Oh ! Vraiment, je le crois. Je ne vous vis jamais L'air plus délibéré, sur-tout un teint plus frais. En effet, on voit bien qu'il n'est plus dans sa crise. Vous devez être encor formidable en amour ! Oui ! Raisonnable ? Vous ! Ce discours vous sied bien ! De ne tenir à rien ! Si tout échappe, on s'aime ; On rit du genre humain, et l'on tient à soi-même. Y songez-vous ? Eh ! d'où vous viennent donc ces ténébreux caprices Je vous vois très fêté. Ailleurs encor ? Ne vous plaignez donc pas ; soyez gai ; tenez bon. La vieillesse d'un Sage, est sa belle raison. Ces regrets là sont minces. Quelle précaution ! Plaisantez-vous ? Vous marier ? ô Ciel ! Et qui peut vous donner un conseil si cruel ? Qui ! vous du célibat, le soutien et l'Apôtre, Vous allez sous le joug vous ranger comme un autre ; Sur le plus noble état déchaîner le brocard ? On bâille chez sa femme, aussi bien qu'autre part. Serez-vous plus heureux d'avoir une coquette Qui rira d'un vieillard dormant à sa toilette ; Aura des soupers fins d'où vous serez exclus ; Des amis, qui bientôt ne vous salueront plus ; Et, vous tenant pour mort, feront voeu dans leur âme ; Du vivant de Monsieur, de consoler Madame ? Quant au pillage, eh ! mais, où vous embarquez-vous ? Votre nouveau projet, vous dis-je, est des plus fous. Le train d'une maison, les fêtes, l'étiquette, Le jeu, que sais-je enfin ?... Oh ! l'épargne est complète. Le luxe est à tel point, qu'une femme à présent Pourrait vous ruiner.... en économisant. Peut-être. Vous voyez tout en noir. Oh ! Nous sommes perdus. Quel est donc cet objet auquel vous prétendez ? Verseuil est dans ces, lieux. Pour une grande affaire. Hâtez surtout un noeud vraiment fait pour vous plaire. Verseuil n'attendait plus qu'un aveu nécessaire. Oui ? fort bien. Cet hymen arrêté, Ainsi que le repos, me rend la liberté. Je le suis en effet. Savez-vous ce que Verseuil a fait ? Quelle tête légère ! Et vous viendrez encor vanter son caractère ! Montbrisson, moi, vous-même, il nous compromet tous ; On sait que de Julie il doit être l'époux ; Montbrisson le veut bien, son Oncle le désire, Ici, dans cet espoir, mon amitié l'attire, Par votre empressement vous secondez nos voeux, Et Monsieur, m'a-t-on dit, rompt soudain tous ces noeuds ! Vous sentez à merveille à quoi cela m'expose. Julie ainsi traitée ! et quelle en est la cause ? C'est moi, moi seul ! Julie!... ah ! Madame, pardon. Devait-elle éprouver un pareil abandon? Vous riez, je crois ? Il fallait donc le dire... J'ai cru voir des rapports... le zèle qui m'inspire... Par exemple, en mille ans, moi qui connais vos goûts, Je ne vous l'aurais pas destiné pour époux ; Il n'existe, entre vous, rien qui soit compatible. J'ai là-dessus le coup d'oeil infaillible ; Mais, j'ai cru qu'à Julie il pouvait convenir, Et ma tendre amitié brûlait de les unir. Sans doute. Au reste, je réclame L'équité, l'honneur même, et j'espère, Madame, Qu'après l'affront cruel qu'il nous fait aujourd'hui, Sans nuls ménagements vous rompez avec lui. Il le faut. Non, je n'en reviens point. Quoi ?... C'est ce qui m'a paru.... Oh ! vraiment, vous avez bien raison ; Verseuil.... Que vous en dit Julie ? Avec gaieté ? Mon Dieu ! très volontiers : ajoutons seulement Qu'un amour aussi vif est venu brusquement. À merveille ! Le Comte trouve en vous une excellente amie. Quand un autre à sa main eut le droit de prétendre, Oui, j'irais, n'est-ce pas, m'aviser d'être tendre ? Tout ce qu'un zèle vrai peut inspirer de soins, Vous, mon oncle et Verseuil, vous en êtes témoins, Je m'y soumets pour elle, et je le dois peut-être. Sans doute il faut l'aimer, quand on sait la connaître. Vouloir ce qui lui plaît est habitude en moi. Je ne pourrais prévoir son malheur sans effroi. Si j'osais m'enchaîner, j'aurais brigué ses chaînes, Partagé ses plaisirs, et ressenti ses peines. Quant à l'amour... oui, oui, j'ai su m'en préserver, Et je suis maintenant bien sûr de le braver. On ne peut se méprendre au motif qui m'anime, Et vous ne doutez pas qu'il ne soit légitime. Je m'en flatte du moins : j'ai banni pour jamais, Ces feux nés dans le trouble et suivis des regrets. C'est... c'est comme une soeur que je chéris Julie ; Je serai trop content de l'avoir pour amie. Je sens.... Oui, Marquise, en effet, Ce serait pour mon âme un éternel regret. Ce reproche toujours viendrait troubler ma vie, Et je dois... m'applaudir des froideurs de Julie. Je vous dirai bien plus : lorsqu'un moment d'erreur M'a flatté quelquefois d'avoir touché son coeur, J'étais contraint, honteux, je me craignais moi-même, Et j'avais l'air soumis, que l'on a quand on aime ; Par bonheur, sur mon doute, elle m'a rassuré ; Son penchant pour Verseuil m'est assez démontré.... Ce Verseuil est heureux ! avouez-le, Madame. Tout lui réussit... Il règne sur son âme, On l'aime !... Il le mérite !... Il conviendra du moins, S'il obtient ce trésor, qu'il le doit à mes soins... Il m'a bien secondé, j'aurais tort de me plaindre. Sûr d'être indifférent, je n'ai plus rien à craindre ; Allons... je jouirai, moi qui sais leurs destins, En voyant que Julie aura des jours sereins. Ce voeu de l'amitié n'est point un voeu stérile.... Vous voyez maintenant que mon coeur est tranquille ; J'ai su l'accoutumer à disposer de soi, Et le bonheur d'autrui n'est point perdu pour moi. Pensez-vous que Verseuil ?... L'aveu fut indiscret. Moi ! Je n'aurais pas eu le désir de vous plaire ? Quelle âme ! Mademoiselle, ainsi la nature et l'amour Semblent d'accord tous deux pour vous faire un beau jour ? Votre hymen, je le vois, va bientôt se conclure, Il semblait incertain, mais Saingérans l'assure. Toutes deux contre lui ! quelle en est donc la cause ? Cette vie est tentante. Mais... votre toux ! Où donc, Monsieur le Comte, est la galanterie ? Quoi ! Sans l'accompagner, laisser sortir Julie ! Comment vous reconnAître à ce procédé-là ? Extrêmement ! ... au reste... Serait-ce aussi pour moi qu'on vous a vu soudain Éloigner un hymen qui semblait si prochain ? L'hymen peut, par hasard, assembler deux heureux. J'ai cru que ce hasard vous regardait tous deux ; J'ai cru voir entre vous certaine sympathie, Qui semblait m'assurer le bonheur de Julie. L'aurais-je donc risqué, moi, Monsieur (j'en conviens) Qui donnerais mes jours pour embellir les siens. On vous offre des soins, on presse, on sollicite, Et d'un zèle si vrai voilà quelle est la suite !... Rien n'est plus sérieux, je vous en avertis. Monsieur le Comte, on tient ce que l'on a promis. Répondez. Je l'exige. Vous êtes clairvoyant : moi, de la jalousie! Sans en être jaloux, on peut chérir Julie. Ce soupçon est plaisant. Peut-être aussi veux-je me marier ? Poursuivez. Et sur quoi, s'il vous plaît ? expliquez-vous donc mieux. Vous ne me vaincrez point, votre éloquence est vaine. S'il en coûte à mon coeur, je suffis à ma peine... Vous ; n'en suivez pas moins, docile à vos penchants, La trace fraîche encor des premiers sentiments. Tant que vous le pourrez, prolongez leur ivresse, Et ce tumulte heureux de l'aveugle jeunesse ; Je l'ai connu, chéri... le calme est arrivé, Et, sur-tout aujourd'hui, je crois l'avoir prouvé. De mes réflexions je n'ai pas été maître. C'est un tort, si l'on veut ; c'est un malheur peut-être, C'est ce qu'il vous plaira ; mais j'y tiens, j'y tiendrai. Je me suis fait des lois, et je les remplirai. Je n'ai rien à répondre, il a lu dans mon âme. Il y voit mes combats et l'amour qui m'enflamme. L'amour, est-il bien vrai ? j'aime, je suis jaloux ! J'aime Julie, ô Ciel ! et lui donne un époux ! Je veux, pour me sauver de ma propre faiblesse, Moi-même, à mon rival marier ma maîtresse ! Oui... mon bonheur dépend de cet effort cruel. L'amour est passager, l'hymen est éternel : Mais Julie est si belle !... Eh bien ! Fuyons ses charmes. Peut-être, en m'en privant, je m'épargne des larmes : La sensibilité, par son impression, Détruirait-elle en moi ce qu'a fait la raison ? L'homme ne peut-il donc former une entreprise ? Et qu'est-ce que l'esprit quand le coeur le maîtrise ? De contraires désirs tour-à-tour agité, Sans celle loin de moi je me sens emporté. Je veux, et ne veux plus ; je crains ce que j'exige, Et fais tout... pour hâter un hymen qui m'afflige. Je souffre, et j'en rougis... qui me l'eut dit, qu'un jour Tout le plan de ma vie échouerait par l'amour ? Oui ; j'aime avec fureur. Quel trouble, quelle guerre, Quand c'est l'âme qui lutte avec le caractère ! Lui seul doit triompher ... rien ne me changera. Eh bien ? Quel soin t'amène, et que faisais-tu là ? Dépêche : allons. De quoi donc s'agit-il ? Aujourd'hui ! Non. Non, Monsieur le coquin ; vous resterez garçon. Expliquez-vous. Le traître ! J'apprends à le connaître. Son hymen avançait, il paraissait conclu, Et Monsieur s'y refuse après l'avoir voulu. Eh ! Mais, vous le savez de reste. Lui ! Quel conte ! À qui donc ? Propos ! Vous ne plaisantez pas ? Quoi ! Comment ?... Et Verseuil m'en a fait un mystère ? Verseuil est marié! qu'ai-je fait? et Julie... Et son amour trompé qui peut troubler sa vie ! Ce qu'elle aime, est hélas ! dans un autre lien ! Quel tourment pour son coeur! quel remords pour le mien! Verseuil est marié ! je n'y puis rien comprendre... Et, sans vous emporter, vous avez pu l'apprendre ? Ah ! contre mon bonheur je vois que tout conspire. Voyons : qu'aurai-je à dire ? Quand Montbrisson... Saingérans, écoutez : prenons un parti sage ; On peut, si vous voulez, casser ce mariage. Vous ! Encor ? Les vapeurs d'hymen à coup sûr vous égarent. Mais Vous extravaguez... laissez-là ce projet. Il vous échappera... vous y serez sensible, Et ce qui n'est qu'un jeu vous deviendra pénible. Au temps plus fort que nous il faut savoir céder, Et renoncer aux droits qu'on ne peut plus garder. Modérez ce courroux. Vous voyez, la colère allume encor la toux. Ce jour ne viendra point. Secret rare et plaisant ! Rendre heureux l'avenir par les maux du présent! Vous avez de l'humeur et l'humeur exagère. En quoi donc, juste ciel ! l'hymen peut-il vous plaire ? Loin de les affaiblir, il accroît nos malheurs, Pour échapper au sort, pour tromper ses rigueurs, Il ne faut point sur nous lui donner trop de prise ; Seul, on pare ses coups, ou bien on les méprise ; Mais aux fers que je crains s'est-on abandonné, C'est doublement alors qu'on est infortuné. Chacun a sa morale, et suit sa fantaisie ; La sienne est pour l'hymen, on peut le présumer D'après les noeuds secrets qu'il lui plut de former. Mais, vous, homme de sens. Adieu. Chez Montbrisson voudrez-vous bien m'attendre ? Je sais tout... Vos sens sont agités ? C'est Verseuil... Quoi? Laissons. Oui. Je veux agir, penser, sentir à ma manière. Enfin .... vivre pour moi.... d'où vient votre colère ? L'honneur ! Citoyen ? je le suis. Pour l'hymen je le brave ; J'ai la prétention de n'être point esclave. Le mariage ainsi vous semble un joug utile ? C'en est trop ! regardez, c'est tout ce que je veux. Sur la société jetez enfin les yeux. Considérez, Moniteur, les malheurs qu'il entraîne : Combien d'infortunés ont pleuré sur sa chaîne! Voyez de tous côtés les scandaleux éclats, ( Je ne dis rien des maux que l'on n'aperçoit pas. ) Quels motifs parmi nous règlent les mariages ? L'orgueil, l'intérêt vil, quelques vains avantages ; Et qu'attendre d'un coeur, s'engageant sans attrait, Dans un âge, où promettre est... au moins indiscret. Dans ces arrangements si froids, si légitimes, Nous sommes, tour-à-tour, oppresseurs et victimes. De là, tant de Beautés que l'on voue aux douleurs, Qui perdent leur jeunesse, et vont perdre leurs moeurs Les enfants égarés par l'exemple des pères, Les regrets, le désordre et l'opprobre des mères, Les maris bafoués, et même par des sots, Des noms d'époux, traînés dans tous les Tribunaux, La femme qu'on accable après l'avoir vendue, Et que la loi renferme après l'avoir perdue : Celle qui, d'un jaloux redoutant l'oeil vengeur, Craint jusqu'à sa pensée, et l'enferme en son coeur, Celle enfin qui, suivant un charme involontaire, Cherche confusément l'objet qui doit lui plaire. Voyez quelle est la fin même des plus prudents, Des séparations au bout de quarante ans, Mille soucis secrets, d'éternelles alarmes, Les affronts, le mépris, le malheur et les larmes... Voilà pourtant, voilà l'effet le plus commun D'un noeud souvent horrible et toujours importun. Oui ; vous fûtes heureux, je le sais, je le crois ; Mais, ce bonheur passé parle aujourd'hui pour moi. Où sont-ils, ces transports, ces touchants sacrifices, D'un lien qui n'est plus passagères délices? Que vous en reste-t-il ? Beau prestige !... Jamais, et puisqu'il faut. Qu'osez-vous supposer ? Ah ! C'est moi, c'est moi-même Qui veux fuir, qui frémis de mon désordre extrême... Apprenez mes tourments, et concevez les tous, J'immole avec regret le penchant le plus doux ; J'excite mon courage, et chaque effort me blesse... Même en la surmontant, je chéris ma faiblesse. Oui, j'adore Julie, et, dans ce triste jour, C'est l'effroi d'un lien qui m'arrache à l'amour. Ciel ! Et c'est sur ma foi que son coeur s'est livré. Je crains tout. Je sais, Monsieur, je sais ce qu'il me reste à faire, Et je vais... Je n'écoute plus rien. Je connais mes devoirs... Je pars, mais mon amour laisse un père à Julie. Est-il vrai !... Justes Cieux ! Un cloître ... je frémis... Terville... Ah ! Malheureux ! Il a su me charmer... votre âme est généreuse... Il faut vivre coupable... ou mourir malheureuse. Laissez-moi... Ô trouble affreux ! C'est elle ! Que vois-je ? Ah! c'est trop de combats. Mon âme déchirée... Écoutez-moi, Julie ! Il vous offre sa vie. Non : c'est Terville confus, Qui fut barbare, hélas ! .... qui ne le sera plus. Détrompé par l'amour et par la vertu même, Terville repentant, qui rougit, qui vous aime Qui vous aima toujours : oui, même en vous cédant Je brûlAis, malgré moi, du feu le plus ardent. Jaloux, désespéré, j'idolâtrais vos charmes. Jugez de mes remords, lorsque j'ai vu vos larmes ! Je renais... vous venez de me créer un coeur, Et vous m'avez rendu tous mes droits au bonheur. Je ne raisonne plus, je suis tout à l'ivresse, A l'orgueil de vous plaire, aux soins de ma tendresse ; Dans des principes faux je m'étais engagé, Le sentiment m'éclaire, et seul m'a corrigé. Ah! croyez à l'amour que je vous ai juré ; Je ne regrette rien que d'avoir différé. Je l'adore ! .... Madame..... Pardonnons l'un à l'autre. Il s'accroît par le vôtre. Je sais ce que tu veux. Épouse : j'étais fou, n'imite pas ton maître. Dépendant, enchaîné, j'ai du plaisir à l'être. Je vais tout réparer, et prouver hautement Qu'on peut être mari, sans cesser d'être amant. **** *creator_dorat *book_dorat_celibataire *style_verse *genre_comedy *dist1_dorat_verse_comedy_celibataire *dist2_dorat_verse_comedy *id_MONTBRISSON *date_1775 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_montbrisson Ah ! je vous attendois avec empressement : Pour la tendre amitié, l'absence est un tourment. J'avais besoin de vous, j'ai du chagrin. Julie, De jour en jour, se livre à sa mélancolie ; Cette enfant m'inquiète, et sa moindre douleur Ne peut être, Madame, étrangère à mon coeur. Non : Ce silence m'alarme, et c'est avec raison. Quel ami j'ai perdu ! Son malheur est de ceux qu'on ne doit pas cacher. Dorival, ( c'est le nom du Pere de Julie ), Dans un poste éminent honoroit sa patrie ; Mais il montroit des moeurs et de la probité : Il arracha l'estime.....il fut persécuté. Des délateurs puissans bientôt se réunirent : D'injurieux soupçons par degrés le noircirent, Mon ami succomba : coup sur coup accablé, De ses biens, de sa charge, il se vit dépouillé. La Cour fut prévenue, et la Cour fut séduite ; Contre un infortuné le crédit sollicite. Un long-temps se consume à détruire un méchant : Pour perdre un honnête homme, il ne faut qu'un instant. Dorival malheureux restait sans espérance : Je courus le trouver. « Tu m'aimas dès l'enfance : Je te dois tout, lui dis-je, et je viens te l'offrir : T'aider dans la disgrâce est mon plus grand plaisir... Non, me dit-il, je vais, loin de la perfidie, Armer contre le sort une noble industrie ; Plus libre et moins connu, je serai plus heureux. Mais, tu peux satisfaire au plus doux de mes voeux ; Il me reste une fille, elle sera la tienne : Je croyais l'élever, que ce droit t'appartienne. Je vais, pour elle seule, au moment du repos, Recommencer ma course, et chérir mes travaux. » Ce récit est fidèle. Jugez combien Julie a de droits sur mon zèle ! Elle tient, dans mon coeur, de ses vertus épris La place de ma femme et celle de mon fils. Suis-je assez malheureux ?... Non, Madame, sans elle, Je ne survivrais pas à leur perte cruelle ; Depuis près de deux ans, je les pleure tous deux, Et toujours leur image est présente à mes yeux. Tout fuit autour de moi ; je n'ai plus que Julie : Ma sensibilité sur elle est réunie ; Et, dans cet abandon trop fait pour alarmer, Je tiens par elle encor à la douceur d'aimer. Ah ! n'allez point penser Que je nuise à ses goûts, ou veuille les forcer. Je n'irai point ici, captivant sa jeunesse, Enchaîner les beaux ans au fort de la vieillesse, Il faut que de son âge exerçant tous les droits, Elle soit très heureuse, et le soit par son choix. Je désire en secret pour ma tendre Julie Qu'un amour vertueux puisse embellir sa vie : Je protège et chéris tous les penchants du coeur, J'en ai senti long-temps l'innocente douceur : Elle doit en jouir : c'est la mon espérance, Et sa félicité sera ma récompense. Sur personne, je crois ; mais depuis une année, Dans mon coeur, en secret, je l'avais destinée. Pour mon neveu : je croyais vaincre en lui Ce coupable travers qui l'égare aujourd'hui. Je crains bien le contraire : Comme au meilleur principe, il tient à sa chimère. Il a dans Ion erreur, dans son illusion, L'inflexibilité que n'a point la raison. Il s'est déjà, Madame, offert dix mariages Qui lui garantissaient les plus grands avantages, La faveur de la Cour ; les grâces, les moyens De servir et son Prince et ses Concitoyens ; Il a refusé tout ; et puis, l'âge s'avance ; Il a passé trente ans, je n'ai plus d'espérance. S'il avait moins d'esprit, et s'il combinait moins, Je pourrais augurer le succès de mes soins ; Mais, un fou qui raisonne, un fou, qui se croit sage, Vient-on à le prêcher, le devient davantage. Il est né délicat, honnête, généreux ; Il fait taire son coeur ; il sera malheureux. Tranquille possesseur d'une fortune immense, Terville la dissipe avec indifférence ; Insensible à l'espoir d'être utile après lui, Il croit que par le faste on échappe à l'ennui. Il veut la marier. Comment ! Il s'en occupe.... il y met de l'ardeur ! Il est jeune, placé, d'une ancienne origine, Ayant l'éclat d'un nom, sans en avoir l'orgueil, Charmant ; c'est en un mot, le Comte de Verseuil. D'où naît cette surprise ? C'est le nom sous lequel il nous fut présenté, Et c'est celui dit-on, qu'il a toujours porté. Le connaîtriez-vous ? Il est aimable. Et je crois qu'il est sage. Il suffit : votre suffrage est tout. Je désirais quelqu'un qui fut de votre goût : Verseuil réussira puisqu'il a su vous plaire, Madame, et vous pouvez avancer cette affaire. Quoi que vous en disiez, vous voudrez bien, je gage, De concert avec moi, presser ce mariage. Non, assurément, non. Votre sagesse aimable aidera ma raison. Le voilà de retour. Il est calme et champêtre. L'air naturel y règne, et cet air là m'est bon. Cette fois votre absence a plus duré. Ah ! J'en crois mieux Julie ; Elle compte les jours : ma Pupille s'ennuie ! Bon! Prêt à recommencer demain... Ciel ! Quelle vie ! Oh ! C'est une manie : Car enfin, dites-moi, puisque je vous tiens là, Qu'est-ce que vous trouvez de plaisant à cela ? Heureux qui sent le prix de la simplicité, De la paix domestique et de la vérité ! Voilà les seuls plaisirs, tour le reste est folie. Mais je veux vous parler. Laisse-nous, ma Julie. Surtout, ne sois plus triste, et crois que ton bonheur Est le voeu le plus doux, le plus cher à mon coeur. Eh bien ! pour te fixer, que te faut-il de plus ? Tu vantes ses appas, tu crois à ses vertus, Et souhaites qu'un autre en soit dépositaire ! Obéis à ton coeur, cède au mien qui t'éclaire. Ma fortune est sa dot. C'est ce dont je me plains, et c'est ce qui m'arrête, Car mon premier dessein roule encor dans ma tête ; Ton hymen... Mais tu l'aimes, dis-tu? Esprit inconséquent ! Je n'entends rien encore au motif qui te guide, Tout dans elle te charme .... un travers te décide ! Consulte le bon sens. Il te dit, n'est-ce pas, qu'il faut vivre pour soi, Ce qu'on nomme penchant, l'appeler tyrannie, Éluder le tribut qu'on doit à sa Patrie ; Et qu'un sage, un grand homme, un philosophe enfin, Devient un être à part qui n'a plus rien d'humain ? Quelle bizarrerie ? De ta fausse raison, que ton coeur se défie. Lorsque de la nature on combat l'ascendant, Terville, on est barbare, et l'on n'est pas prudent. Les femmes... entre nous, quelle idée as-tu d'elles ? Sans doute tu n'y vois, dans tes voeux infidèles, Que de faibles jouets que l'on feint d'adorer, Et que, sans nuls remords, on peut déshonorer ? Illusion d'un coeur qui s'abuse lui-même! Puisque ton coeur s'oppose à mon plus cher espoir, Et qu'enfin tu le veux, il faut bien le vouloir. Comment ? De l'héroïsme, allons... mais Verseuil doit dépendre... Quel est-il ? Quoi ! Ce fou suranné ; Vieux garçon bien oisif qu'on croit bien fortuné, Dameret sémillant dans un corps tout débile, Qui promène à grands frais son asthme par la ville, Et chez qui, malgré l'âge appesanti sur lui, Rien n'est encor profond que le vice et l'ennui. Il nous arrive ; il vient de me l'écrire : On a besoin de lui ; qu'il vienne. Non pas, assurément : Mais je me munirai de son consentement. Oui ; du moins je le pense. Sa Lettre dit qu'il veut renouer connaissance. Je l'ai laissé tantôt seul avec la Marquise. Eh ! Mais apparemment. Beaucoup. Oui, oui. L'éloge qu'elle en fait M'a même pour Verseuil prévenu tout-à-fait. J'honore cette femme on ne peut davantage : La sagesse indulgente est son heureux partage. Ma foi, Je n'en sais rien du tout : tu te moques de moi Avec tes questions. Je vais chercher Verseuil, et parler à Julie. Oui, vraiment ; il le faut. Il est essentiel qu'il s'explique au plutôt. Votre exemple déjà l'aura gagné peut être ; On fait bien des progrès avec un si bon Maître. Adieu. Aidez-moi de vos soins ; je viens de voir Julie, Madame, et, sur Verseuil quand je l'ai pressentie, Elle a marqué soudain la plus vive douleur. Quelque chose l'agite et tourmente son coeur. J'ai voulu la presser, connaître ses alarmes, Ses yeux, en se baissant, se sont mouillés de larmes ; Elle évitéit les miens, et n'osait me parler. Ce silence pénible est fait pour me troubler. Madame, elle vous aime, et surtout vous écoute, Vous saurez arracher l'aveu que je redoute. Je veux qu'elle s'explique, efforcez-vous. Combien je vous devrai ! je ne peux voir souffrir Cette ame intéressante et qui craint de s'ouvrir. La raison est toujours imposante à mon âge. L'amitié sous vos traits obtiendra davantage. Eh bien, nous l'emportons ; et, grâce à votre zèle, Verseuil est, je le vois, allez bien avec elle : Vite, il faut les unir. J'entrevois à présent d'où venait son silence ; C'était timidité, plutôt qu'indifférence. Je vais couronner son amour, Le donner pour modèle à ces hommes volages, Corrupteurs déguisés fous le titre de sages. Qui, détachés de tout, n'ont que des voeux distraits, Pensent, pensent toujours, et ne sentent jamais. Égarent la beauté, savent, avec adresse, Vers la réduction attirer sa faiblesse ; Se font de la tromper un honneur inhumain, Et s'emparent du coeur, quand un autre à la main. Pardon, mon âme souffre et j'aime à la répandre ; Mais je puis vous parler : la vôtre fait m'entendre. Revenons à Verseuil ; qu'il soit moins agité : Son hymen se fera : c'est un point arrêté. Notre vieux fou consent, et vraiment il me semble, Que tout ce qu'il nous faut, son neveu le rassemble ; Les moeurs, l'âge, l'état. On ramène un coeur comme le lien ; Doux, honnête, empressé, Verseuil saura lui plaire, Calmez cette frayeur. Tenez, je crois enfin lire au fond de son coeur, Je m'en flatte du moins ; elle pense sans doute Qu'elle va me quitter, voilà ce qui lui coûte ; Mais avec un seul mot, je puis la rassurer ; Je vais l'unir au Comte, et non m'en séparer ; Ses soins depuis longtemps ont consolé ma vie, Et je veux que mes yeux soient fermés par Julie. Ils logeront chez moi. Achevez..... Tranquillisez-vous donc. Qui voulez-vous qu'elle aime ? Est-ce Terville ?... Hé bien ?... Quoi ? victime elle-même... Le coeur de ma pupille est de vous mal connu : Pour nourrir de tels feux, elle a trop de vertu, Je vous dirai bien plus, et la preuve est facile : Elle est depuis six mois plus froide avec Terville, Le cherche beaucoup moins, s'occupe moins de lui : Ce soupçon est injuste, et sur-tout aujourd'hui. Concevez donc ma peine en cette circonstance : Si ce que vous craignez avait quelque apparence, Je suis loin d'y songer. On m'attend... j'oubliais que Saingérans me presse ; Malgré moi je diffère et tiens mal ma promesse. Julie en ce moment emporte tous mes voeux. Ce n'est que son bonheur qui peut me rendre heureux, Périsse l'âme froide, insensible et stérile Que n'enflamma jamais le plaisir d'être utile ! Verseuil que j'estime, et qui m'avait su plaire, A peine je conçois la démarche légère : Que dis-je ? Il n'est pour rien dans un pareil projet ; Lui-même en a souffert, et Terville a tout fait : Mon neveu devient fou. Julie ; Qu'est-ce que vous lisiez ? Mais, mon amie, Vos larmes ont coulé. Vous ne m'aimez donc plus ? Vous ne me dites rien !... Quel chagrin avez-vous ? Non : demeurez .... Quelle est donc cette lettre ; A qui s'adresse-t-elle ? À moi ! Donnez. Je le veux. Tout ce que tu voudras ; oui, je te le promets. Julie ! « Un cloître va cacher mon infortune affreuse ; Je ne puis plus, Monsieur, jouir de vos bienfaits ; Mais au fond de mon coeur ils ne mourront jamais : Puisse finir bientôt une vie odieuse ! Terville .... ( je rougis d'avoir pu le nommer ), Votre neveu ! Terville ... Il a su me charmer ; Je vous avouerai tout, votre âme est généreuse ; Je l'aime ; et vous savez que lorsqu'on peut l'aimer, Il faut vivre coupable, ou mourir malheureuse ». ........................................... Qu'ai-je lu ! Dieu ! Mes pleurs inondent ce papier. Quelqu'un ?... Cherchez Terville, il faut me l'envoyer. Quel malheureux travers ! En voilà donc la fuite ! Julie ! Ah ! Dans quel piège un ingrat ta conduite! Touchante vérité, répands sur mes discours, Ce charme impérieux qui désarme toujours. Éclaire mon neveu, laisse-le sans défense ; Il entendra ta voix, c'est ma seule éloquence. Terville ! Ils le sont, il est vrai. Écoutez. Je dois sur vous encor, tout m'y force et m'en presse Essayer aujourd'hui les droits de ma tendresse. Tenez-vous toujours au funeste parti Où vous étiez fixé ? Répondez. Où donc as-tu puisé ces principes affreux, Garants d'un esprit faux et d'un coeur malheureux ? Moi ; toujours moi ! Quel mot ! Quelle philosophie ! Quels hommes as-tu vus ? Telle est donc la manie De ces sophistes vains, ces adroits imposteurs, De la société hardis législateurs, Qui, d'orgueil enivrés, feignent dans leurs systèmes, D'aimer le genre humain, pour n'aimer rien qu'eux-même Dont l'aride sagesse en impose aujourd'hui, Et qui n'ont su jamais exister dans autrui ? Voilà de leur morale ! apprends que l'Egoïste Est, et sera toujours le mortel le plus triste ; Surtout le plus cruel... Dis, dis, quel est son frein? C'est un grand mot dont il s'étaie en vain. Nomme-moi ses rapports ; en a-t-il ? Il végète Dans un monde étranger où le hasard le jette. Que fait il à l'armée, au barreau, dans ses champs ? Il glace ses amis, révolte ses parents ; Sa vie est un scandale, et sa mort salutaire N'enlève, en le frappant, qu'une charge à la terre. D'un repentir tardif épargne-toi l'affront : Regarde Saingérans, les regrets t'instruiront. Souffrant, abandonné, martyr de son système, Son inutilité l'épouvante lui-même ... Crains un tel sort, rougis de languir sans lien, Reprends l'esprit, les voeux, le coeur d'un citoyen. Tu l'es de ton système et de ton préjugé. Va, c'est le même effet, le nom seul est changé. Il produit peu de mal, des biens, il en fait mille. Eh bien ! À qui s'en prendre ? À ces mortels sans âme, Qui bravent, comme toi, l'état qui les réclame, Rompent l'ordre établi, divisent les époux, Leur enlèvent la paix, leur trésor le plus doux, Éveillent les soupçons, égarent sa tendresse De l'amour paternel trompé dans son ivresse, Et, bientôt refroidis, ailleurs portant leurs voeux Ne laissent que les pleurs et la honte après eux ? Plus d'un coeur en a fait les funestes épreuves : Mais des exceptions ne sont jamais des preuves : Vois, pour quelques abus à l'hymen reprochés. Sous son voile combien d'avantages cachés ! La naïve Beauté que pare la décence, Dans le sein du bonheur gardant son innocence ; L'échange pur des coeurs, les mutuels désirs, Douce communauté des soins et des plaisirs, Épanchement heureux des larmes solitaires, Sacrifices touchants, et ; toujours volontaires ; Les caresses d'un fils, ses jeux et ses progrès, Et l'espoir de renaître en de vivants portraits ; Voilà quel fut un temps mon fortuné partage ; Voilà de mon hymen l'attendrissante image. Il est vrai, je perdis Tout ce qui me fut cher, mon épouse et mon fils : Mais j'aime mieux ces pleurs, ce souvenir si tendre, Ces tributs douloureux que je dois à leur cendre, Tous ces déchirements d'un coeur bien pénétré, Revolant vers le bien qu'il avoir adoré ; Oui, je les aime mieux que le bonheur frivole, D'un coeur que rien n'émeut, et que l'orgueil isole. La nature a des maux qu'il faut savoir chérir. La peine qu'elle cause est encor un plaisir. Ah ! Barbare ! Entre sous la chaumière Où vit l'infortuné qui laboure la terre, Expiant notre luxe ; existant pour souffrir, Environné d'enfants qu'à peine il peut nourrir ; Sous le prétexte faux d'une pitié cruelle, Arrache de son sein sa compagne fidèle, Qui l'aide chaque jour par des efforts nouveaux, Et dont l'amour au moins l'encourage aux travaux.. ; Ses cris te répondront ; tu verras ses alarmes. L'oeil ardent de fureur et noyé dans les larmes, Il te disputera ce malheureux trésor, Que tu voudrais hélas ! qu'on lui ravit encor, Et, succombant toi-même à sa juste colère, Tu connaîtras le coeur d'un époux et d'un père... Tu restes interdit ! Mon cher Terville, eh ! Quoi ? Des tableaux aussi vrais ne peuvent rien sur toi ? Je saurai t'accabler, je saurai te confondre. Attends pour me répondre. Voyons : que dirais-tu, si ta funeste erreur Condamnait à la honte, et livrait au malheur Un être intéressant, doux, sensible, estimable, Un objet vertueux, que tu rendrais coupable, Qui rougirait toujours, loin de toi retenu, De prononcer ton nom, et de t'avoir connu ; Qui verrait dans les pleurs s'éclipser sa jeunesse, Détesterait son sort, maudirait sa tendresse, Voudrait fuir tes regards, loin de toi s'exiler, Et que tu n'aurais plus l'espoir de consoler ? Qu'entends-je ! Et tu pouvais !... Et ton horrible zèle... Tu crois peut-être encor qu'un autre est aimé d'elle. C'en est trop ! Tu crains d'être éclairé. Conviens-en ; sors enfin d'une erreur volontaire. Demeurez... Détruis donc à la fois ton bonheur et le mien. Non ; ton coeur les oublie. Hé bien ! Pars, pars, mais lis. Terville !... Terville ! Je triomphe ... des pleurs échappent de ses yeux. Approche... Ne crains rien. Sois plus tranquille. Ton ouvrage. Ciel ! Viens, mon cher neveu, viens. Redevenu sensible, il ne te manque rien. **** *creator_dorat *book_dorat_celibataire *style_verse *genre_comedy *dist1_dorat_verse_comedy_celibataire *dist2_dorat_verse_comedy *id_MADAMEDEVERSEUIL *date_1775 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_madamedeverseuil Son père n'écrit point ; elle y songe sans cesse ; Voilà peut-être aussi l'objet de sa tristesse. A-t-elle enfin reçu de ses nouvelles ? Puis-je sans imprudence, Demander le motif d'une si longue absence ? Ce qui vous intéresse a droit de me toucher. Quel père !... et quel ami ! Elle en est digne au moins : attentive à vous plaire, Son âme se partage entre vous et son père : Vous êtes tout pour elle. Quel langage touchant ! que vous m'intéressez ! Et savez-vous sur qui ses voeux se sont fixés ? Pour qui ? Vous le ramènerez. Eh bien, Monsieur, il faut, en plaignant sa folie. Chercher un autre époux à l'aimable Julie. Qui ? Terville, Monsieur ! Eh ! Quel est, s'il vous plaît, celui qu'il lui destine ? Le Comte de Verseuil ! Dites-vous bien le nom ? N'est-ce point par méprise ? On ne peut davantage. Fort. On l'assure. Monsieur, je vous déclare, et c'est avec regret, Qu'ici mon entremise aura très peu d'effet. Vous m'en dispenserez. En vain à deviner mon esprit se fatigue : Je ne peux démêler le noeud de cette intrigue. Le Comte de Verseuil aurait pu !.... Me trompai-je ? Comment ! Vous ici ! Je reviens à propos pour votre hymen. Oh ! Cent, pour m'informer.... Rien n'est plus sérieux. Ah ! je respire enfin. Puisque je vous revois, tout vous est pardonné. Ainsi donc dans votre ame et dans votre pensée, Julie et ses attraits ne m'ont point éclipsée. En la louant, Verseuil, on dit ce que j'en pense ; C'est la grâce naïve unie à la décence. Elle va me haïr, me détester. Je viens ici lui ravir son époux. Si vous cédiez, au reste, au plaisir de changer, Je serais, je vous jure, en fond pour me venger. Tandis qu'on vous offrait de nouvelles conquêtes, Moi, pour mon compte aussi, j'ai fait tourner deux têtes. Ceci devient prenant, Devinez. Il cache, et ce soupçon doit entraîner le vôtre, Dans ses aveux pour moi, ses amours pour une autre. Oh ! je crois qu'il se trompe à plaisir, Et par lui-même ici je veux m'en éclaircir. Mais l'autre ? Un peu longtemps vous rêverez, j'espère ; Vous aurez de la peine à vous tirer d'affaire. Entrevoyez-vous ? Cherchez bien. Déjà ? Monsieur de Saingérans. L'anecdote est certaine. Je ne plaisante point : il m'a toujours parlé Il n'a point trop dormi. Sans doute : Il veut venir me voir. Il connaît, m'a-t-il dit, Monsieur de Montbrisson ; D'exercice et d'étude il fut son compagnon ; Il arrive ce soir et l'a dû même écrire. Et cet Oncle entêté. Vous savez à quel point il est inconséquent. Quoique l'hymen toujours ait paru lui déplaire, Quoiqu'il soit, comme on fait, garçon sexagénaire Et libre dans ses moeurs : pouvez-vous oublier Qu'il voulût à sa guise un jour vous marier ; Et que, sur vos refus, sa bizarre colère Nommait à ses grands biens un autre Légataire S'il n'eut de vous, dit-on, arraché le serment Que vous rejetteriez tout autre engagement? Oubliez-vous aussi que la Cour elle-même Qu'il avoir su gagner par quelque stratagème, Désirait un hymen si contraire à nos voeux ? Vous déplairiez peut-être en déclarant vos noeuds ; Et pour moi quel reproche... Ah çà, point de méprise : Je conserve en ces lieux le titre de Marquise, La Comtesse se cache ; il le faut, songez-y : N'allez pas vous tromper et parler en mari. Chut ! On entre ! Ah ! Nérine, bonjour. Ta Maîtresse, dis-moi, sait-elle mon retour ? Pourquoi ? Je vais la prévenir. Les propos sont gais. Point de cérémonie. Ô Ciel ! Des compliments auriez-vous la manie ? Hem ? Comment ? Qu'est-ce que vous lui dites ? Pourquoi ? Pour une Lettre, il est vrai peu sensée, Mais qui m'a réjouie : en vérité, Monsieur, Tout cela n'est point fait pour donner de l'humeur. Votre démarche est folle, et pourtant naturelle. J'en ai ri ; voilà tout. Il en faut quelquefois. Vous avez vos écarts, et nous avons nos loix. Vous avez cru, sans doute, et je vous le pardonne, Qu'à distraire un moment je pouvais être bonne ; Que je préférerais des liens plus aisés À ces noeuds solennels qui nous sont imposés. Vous vous êtes conduit en vrai Célibataire, Fort bien ! il faut en tout garder son caractère. Mais j'ai le coeur, l'esprit, la tête mal rangés ; Et je vous ennuierais avec mes préjugés. Je tiens aux vieilles moeurs, aux décences antiques. C'est ma façon de voir ; elle est des plus gothiques : Je me déclare au moins, et ne me masque pas. Le mariage même eut pour moi des appas, J'en aimai les devoirs, les égards volontaires, Je suis un composé de petites misères Qui ne vous iraient pas, dont vous seriez honteux, Et l'amour nous rendrait infortunés tous deux. Justement, sans amour ; moi, c'est ma fantaisie, Et je m'en trouve bien... Quoi que vous en disiez, j'en ai de temps en temps... Pour mes opinions, non pour mes sentiments. J'aime assez votre esprit, et même plus qu'un autre : Mais ne me parlez point d'un coeur tel que le vôtre. Je m'en défierais trop. Quoiqu'il soit très solide, il a l'air trop distrait. À force de raison vous n'êtes pas trop sage : Guidé par le caprice, emporté par l'usage, L'amant qui vous ressemble est toujours très léger, Où, s'il devient profond, c'est dans l'art de changer ; Il trompe par état, cède à la plus nouvelle, Est séduisant, parjure, et gaiement infidèle. Ce langage est joli ; le croyez-vous bien tendre ? Vous êtes, dites-vous, épris de mes appas ; Et moi, je vous préviens que vous ne m'aimez pas. Je n'en suis pas la dupe. J'ai cru même entrevoir qu'une autre vous occupe. Si vous vous déguisiez vos véritables feux !... Souvent on est fripon, de peur d'être amoureux : Là, consultez-vous bien. Oh ! C'est à faire à vous. Si vous continuez, comme lui, je vais rire. Adieu. Je me retire. Qui ? vous ! Vous le dites d'un ton persuasif. On entre ; c'est votre Oncle. Allons ! quelle folie! Moi, j'ai presque oublié ce que vous m'avez dit. J'y cours, Le coeur le plus caché ne se tait pas toujours. Dans chaque occasion fiez-vous à mon zele ; Il est égal, Monsieur, et pour vous, et pour elle. Eh ! Quoi ! Toujours rêveuse ! À la fleur de vos ans, Au sein de vos amis ! Ce rire là, Julie, est étranger à l'âme. La vôtre souffre. Je n'en crois rien. Je prétends et je dois respecter vos secrets : Mais les déguisements pour vous ne sont pas faits ; Et vous vous trahiriez, en voulant vous contraindre ; Soulagez votre coeur ; vous n'avez rien à craindre ; Vertueux, délicat, et du mien appuyé, N'oserait-il paraître aux yeux de l'amitié ? Ce seul mot là dit tout, et suffit pour m'instruire. Rassurez-vous. C'est moi maintenant Qui vais vous confier votre secret tourment. Vous aimez ; voilà tout le mystère. Un aveu reste à faire. Je le ferai pour vous. Pourquoi donc ? il faut bien vous tirer d'embarras. Vraiment si ; c'est Terville.... Avouez qu'à présent vous voilà plus tranquille ? Ordonnez... je vous plains ; mais, croyez-moi, Julie, Ne désespérez pas des soins de votre amie. Terville est inquiet, et flotte dans ses voeux. Au premier jour offert il ouvrira les yeux. S'il osait persister, il serait trop barbare. N'en dites point de mal. Écoutez : cet hymen ne peut jamais se faire. J'en réponds. Non ; quand tout s'unirAit pour vous le proposer, Jamais, jamais Verseuil ne peut vous épouser. Je suis dans le secret. Votre haine l'offense. C'est un mystère entre Verseuil et moi. Non, non : Monsieur de Montbrisson Cédera... comme un autre, il entendra raison. On saura le réduire. C'est ce qu'il faudra voir. Ayez plus de courage et sur-tout plus d'espoir ! Terville..... Je vous jure encor qu'il n'est pas mon amant. Comment ? Vous le devez ; il y va de ma gloire. A son retour vers vous, moi, j'irais m'opposer ! Verseuil, je vous l'ai dit, ne peut vous épouser, Et rien, ( c'est une énigme encor plus difficile ) Ne peut, j'en fais serment, me faire aimer Terville. Ceci vaut qu'on y pense. Entre nous.... Un Amant raisonneur est une étrange chose : L'effet est ridicule, et ressemble à la cause. Vous sentez-vous dans l'âme un peu de fermeté ? Quoi ! déjà de la timidité ? Il faut feindre, Julie, D'aimer .... même Verseuil ; il le faut. Je me charge du crime : en un mot, je l'exige, Je n'ai point de pitié d'un coeur qui vous afflige. Puis-je compter sur vous ? Vous le saurez après. Il faut bien obéir à son guide. Je sers votre amour. Ferme ! Verseuil approche, essayez-vous toujours. Composez devant lui votre air et vos discours. Enfin, à quand l'hymen ? Va-t-il encor traîner ? Julie est à la fin toute prête à signer. Vous devez lui trouver un maintien moins sevère, Plus enjoué, plus libre.... on aspire à vous plaire. Quoi ! Monsieur, vous voilà déconcerté pour rien ? Vous n'êtes point aimé, soyez, soyez tranquille. Il ne s'agit ici que de tromper Terville, Et j'ai besoin de vous.... il faut sonder ses voeux. Allons, de la gaieté ? Terville vous marie ; Soyez donc plein d'ardeur en parlant à Julie. Voilà l'essentiel .... oui, des transports, des soins. Prenez-y garde au moins ? C'est encore un mystère. Je trompe... il doit m'aider, et vous, nous laisser faire. On vient, l'air empressé .... c'est Terville. Demande inutile. Tant de plaisir revient à l'auteur d'un bienfait ! Comme l'on doit sourire à l'heureux qu'on a fait ! Il faudra, s'il vous plaît, ne pas vous éloigner. On vous appellera. Pour signer. Vous signerez, Monsieur, comme ami de Julie. Convenez, vous, homme à sentiment, Que leur hymen vous offre un spectacle charmant. Vous qui savez aimer, vous du moins qui le dites ; Vous devez..... Monsieur, trêve aux discours frivoles ; Le temps fuit, il échappe et se perd en paroles. Venez chez Montbrisson, et prenons un moment, Qu'aussi bien que Terville, on désire ardemment. Allons, autre embarras ! À moins de me trahir je n'en sortirai pas. Je ne sais... mais, Verseuil... il aurait à son tour À vous prier. Les moeurs, l'âge .... oui, fort bien. Mais Julie..... Elle voudrait peut-être un aveu de son père, C'est ce qui la retient. Monsieur... si cependant... Si Julie a quelque autre penchant ? Laissons lui son erreur ; Je crains, en l'éclairant, de déchirer son coeur. Ma situation est étrange vraiment ! Parler est un péril, me taire, est un tourment. Je compromets Verseuil en rompant le silence, Et c'est, en le gardant, Montbrisson que j'offense ; Ce maudit Saingérans ! Il a de la raison Pour la première fois !... Elle est hors de saison. Et, jusque à ce jour, ardent célibataire, Il fait cas de l'hymen, dès qu'il nous est contraire. Terville maintenant est mon unique espoir. Des feux qu'il dissimule, essayons le pouvoir. Irritons son amour, piquons sa jalousie : Il aime... qu'il épouse et qu'il cède à Julie. Vous paraissez troublé ! Eh ! pourquoi ? Voyons : vous m'effrayez. Je vois avec chagrin que cela vous désole. Et... Moi ! Non. Je vous console, Que voulez-vous, Terville ? on adopte vos moeurs, Et l'exemple d'un sage est puissant sur les coeurs. Verseuil craint une chaîne. Vraiment ? Votre amitié ? Oh ! Divorce total. Je le pense, Et vais, je vous assure, agir en conséquence. Le pire de tout, C'est que Julie, enfin, pour Verseuil a du goût, Mais un goût décidé : son coeur est très sensible. C'est une chose horrible Sans exemple ? Moi, je ne puis croire à sa trahison. Elle en parle sans cesse. Comment ! Dites avec tendresse. Tenez, sur l'heure encor je louais la tournure De son esprit, son ton, sa douceur, sa figure, Et même, franchement, j'exagérais un peu. Eh bien, à mes discours elle a joint son aveu. Et d'un mot ne m'a pas démentie. Oui, je lui veux du bien ... mais, c'est vous le premier Qui formâtes le noeud dont il va le lier : Car... il n'est point changé, non, son âme est trop belle, Et croyez qu'à Julie on n'est pas infidèle ... Mais, écoutez-moi donc avec moins d'embarras, Puisqu'enfin il est clair que vous ne l'aimez pas. Eh ! mais, pour ses appas n'étant point enflammé, Vous êtes trop heureux de n'être point aimé. Si vous l'étiez, vous seriez trop coupable Votre obstination serait inexcusable. Concevez à quel point il deviendrait cruel ; Figurez-vous alors le désespoir mortel, Les tourments inouïs d'une amante égarée De tout ce qu'elle adore à jamais séparée. Combien je vous plaindrais! Mais ... Que j'aime ce transport ! il peine une ame honnête. Le coeur est bon : mais reste à réformer la tête. Oh ! brisons là dessus .... De votre amour pour moi vous ne me parlez plus. L'amour imaginaire. Rassurez-vous, j'y crois ; on vient. Demeurez. N'êtes-vous pas charmé ? Quel enjouement !..... Embrassez-moi. Vous m'avez attendrie. Pour le coup, à Verseuil, il faut porter envie ! Je voudrais, comme vous, le voir déjà très loin. Si je crains ! Vous ne savez donc pas qu'il vient pour m'épouser? Allons donc ; finissez : Ne voyez-vous pas bien que vous l'embarrassez ? Qu'est-ce donc ? Et vraiment séduisante. Je n'y tiens plus : Julie, Voici pour nous parler l'heure qu'on a choisie. De grâce. À vos pieds. Il déteste ses torts. Eh ! oui, j'entends. **** *creator_dorat *book_dorat_celibataire *style_verse *genre_comedy *dist1_dorat_verse_comedy_celibataire *dist2_dorat_verse_comedy *id_JULIE *date_1775 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_julie T'interroger ! Sur quoi ? On l'attendait.... eh bien ? Nérine, l'as-tu vu ? Nouvelle fort utile ! La santé de Terville ?... Tant-mieux. Il court tant ! Nérine, êtes-vous folle ? Jamais, quoi qu'il arrive, il ne faut s'oublier : Je n'ai rien à vous dire, et rien à confier. Finissons, je vous prie. Trois semaines. Avec vous .... moi ! jamais. Pourquoi tous ces plaisirs bruyants ? Cette Mélite est jeune ? Elle est jolie ? Point de plaisanterie ! On vous a donc gardé Pendant tout ce temps-là ? Monsieur a bien raison. Je pense comme toi. Quel conte ! Tu vois toujours fort mal. Nérine ... Eh ! De quoi ? Laissez-nous. Je ris de temps en temps. Non. Madame ! Ah ! si vous me louez, je n'oserai rien dire. Comment ? Ciel ! De grâce... Ouvrez-moi votre sein. Ah ! Ne poursuivez pas. N'allez, point le nommer. Madame, puisqu'enfin vous avez deviné, Voyez combien mon coeur doit être infortuné ! Victime d'une erreur qui le perdra lui-même, Je ne peux sans rougir nommer celui que j'aime ; Je ne peux espérer d'être jamais à lui, Tour ce qui m'enchantait, me désole aujourd'hui. Je le vis en ces lieux dès ma plus tendre enfance, Et trouvai par instinct du charme à sa présence. Quelquefois il venait se mêler à mes jeux ; Il semblait pressentir jusqu'à mes moindres voeux. Même avant de l'aimer, je cherchais à lui plaire. Pouvais-je alors prévoir cet affreux caractère, Qui de mes plus beaux jours corrompra la douceur, Et m'offre l'avenir sans l'espoir du bonheur ? Hélas ! J'ignorais tout, et l'amour et moi-même, Cette douce ignorance était mon bien suprême. La raison vint trop tôt me dessiller les yeux ; Mon coeur fut qu'il aimait et cessa d'être heureux. Il me fallut combattre un penchant trop aimable ; Le premier voeu du coeur pour moi devint coupable, Et Terville, adoré de moments en moments, Mêlait de l'amertume aux plus doux sentiments. Combien de fois, ô Ciel ! dans les bals, dans les fêtes, M'osa-t-il raconter ses nouvelles conquêtes ! En croyant me distraire, il venait m'accabler ; Il riait.... et mes pleurs étaient prêts à couler. D'après, ce libre aveu, vous connaissez ma flamme ; Cachez-en le secret dans le fond de votre âme, Sur-tout à Montbrisson ; qu'il n'en soupçonne rien. C'est trop de mon tourment sans y joindre le sien. Puisqu'il ne m'aime pas, se peut-il qu'il répare ?... C'est lui-même, c'est lui qui me cherche un époux ! Ce chagrin est pour moi le plus cruel de tous. Il va me marier, il le veut ! quel supplice! Et d'un si noir complot Verseuil est le complice ! Terville, ah ! Dieu! Prétend qu'il m'épouse aujourd'hui ; Il croit que je vivrai pour un autre que lui. Ma situation est-elle assez affreuse ? Aimez-moi, guidez-moi ; je suis bien malheureuse. Que je hais ce Verseuil ! Quoi ! De lui qui consent à cet hymen fatal? Est-il vrai ? Et sur quelle lumière ?... Depuis cette assurance, Je ne le hais plus tant. Il ne peut m'épouser !... Mais, Madame, pourquoi ? Comment ? Monsieur de Montbrisson sera-t-il en colère ? Je me sacrifierais plutôt que lui déplaire ; Je l'aime tant ! Par vous seule mon coeur veut se laisser conduire. Mais, si Verseuil s'obstine..... Et Terville ? Ah ! Jamais .... Mais, Madame, il me vient une idée Qui trouble tout-à-coup mon âme intimidée. Terville vous regarde et vous parle souvent : Si.... Mais vous jurez toujours ; faut-il toujours vous croire ? Je ne vous conçois pas ... ! Mais à quoi songez-vous ? Ah ! Madame ! Contre lui ? Madame, expliquez-vous ? De ma vie Je n'y consentirai. Songez donc quel tourment !... Je ne connais point l'art de feindre un sentiment. Je ne pourrai jamais. D'ailleurs que servira ?... Je crains trop. Mais..... L'amitié me décide. Secondez-moi du moins : un mot peut me confondre ; Et de moi-même encor je n'ose vous répondre. Je fais ce que je peux. Mais que dites-vous donc ? En effet. Lui-même. Monsieur doit refleurir le bonheur qu'il procure. Oh ! je ne montre pas tout le plaisir que j'ai. Qu'avez-vous à me dire ? La raison, la décence, M'empêchaient de parler : discrète, à mes dépens, Je savais renfermer mes secrets sentiments ; Je me suis quelquefois imposé ce supplice ; Ce n'est point là, Monsieur, mon premier sacrifice ; Mais enfin, à risquer l'aveu que j'avais fui, L'aveu de Montbrisson m'autorise aujourd'hui. Oh ! Ravie C'est vous qui répandez ce charme sur ma vie : Mais.... quoi qu'enfin je doive à vos soins obligeants, Quelle rage avez-vous de marier les gens ? Vous croyez-vous le seul que l'hymen intimide ? Après ? Ah ! fort bien. Et si pour moi, Monsieur, tout cela n'était rien ; Si, redoutant un coeur trop sensible et trop tendre, Je m'étais condamnée à ne jamais dépendre, Ne conviendrez-vous pas que vos soins indiscrets Me livreraient alors à d'éternels regrets ? Qu'ai-je dit ? vous n'avez rien à craindre. Mon bonheur est visible, et c'est trop le contraindre. Je fuis reconnaissante... eh ! ne le dois-je pas ? J'aime mes bienfaiteurs, et je hais les ingrats. Je n'ai garde, Monsieur, d'oser vous en dédire. Moi, je dois y souscrire. Puisqu'il m'est destiné... Qu'il m'en coûte ! Oui, Monsieur. Ciel ! cachons lui le trouble qui m'agite, Je le dois à vos soins, vous me l'avez donné, Mon destin pourrait-il n'être pas fortuné ? Le cruel ! il le croit... Je tremble... où suis-je ? Eh bien, qui peut vous retenir ? Vous voyez qu'il a pour moi des charmes, Heureuse, mille fois, celle qui peut, Monsieur, S'abandonner sans crainte à l'attrait de son coeur, S'enorgueillir des voeux, du nom de ce qu'elle aime, S'applaudir et s'aimer dans un autre soi-même, Lui devoir son état, ses sentiments, ses moeurs Partager ses plaisirs, consoler ses malheurs ; Dans ses yeux attendris lire sa destinée ; Exister dans lui seul, à lui seul enchaînée ; Chérir ces doux liens qu'on se plaît à serrer, Et ne regretter qu'eux, au moment d'expirer! Terville... infortuné ! Qui croyez être un sage, D'un noeud, formé par vous, telle est pour moi l'image. Vous ; insultez aux soins de deux coeurs bien unis ; Par ces soins mutuels, croyez qu'ils sont punis ; Embrassez une erreur que je ne puis comprendre ; Dans un monde brillant cherchez à la répandre : Peu jaloux du repos, amoureux des succès, Effleurez le bonheur sans l'obtenir jamais. Que vous importe une âme ou la vôtre jouisse, Qui soupire avec vous, avec vous s'attendrisse ?... Soyez libre, cédez à de vagues désirs ; Mais... Puisse aucun remords ne troubler vos plaisirs ! Moi, je vous devrai tout, je vous en remercie... Que vous avez bien lu dans le coeur de Julie ! Ah ! vous voici. J'espérais vous trouver seule ici. Madame, C'est plus que de la joie : oui, lisez dans mon âme. Mon père !... Quel bonheur m'attendait aujourd'hui ! Je viens de recevoir une lettre de lui. J'en ai baisé cent fois les sacrés caractères ; De mon attachement les marques lui sont chères ; Mon souvenir, dit-il, adoucit tous ses maux, Puissé-je de mes jours racheter ses travaux ! Pourquoi faut-il, hélas ! contraignant ma tendresse, Consumer loin de lui mon oisive jeunesse ; Sur des bords étrangers le laisser sans soutien, Et, quand je lui dois tout, ne m'acquitter de rien ? Mon coeur le cherche au moins ; dans son impatience, Des climats qu'il habite il franchit la distance : Je le vois, je l'entends, je lui peins mes regrets.... Eh! qu'est-ce que des pleurs pour payer ses bienfaits? De ce vieux Monsieur là nous avions bien besoin ! De son séjour ici craignez-vous quelque chose ? Contre vous que peut-il proposer ? Monsieur !.... Ne perdons point de temps. Eh ! Quoi ? C'est vous, Monsieur ? Je ne vous voyAis pas, et vous m'avez fait peur. Que dit-il ? Que veut-il ? Rien pour moi n'est changé. On m'évite, on se tait, et ce coeur affligé .... Pour tromper ma douleur, la Marquise a beau faire ; Au reproche, aux tourments, rien ne peur me soustraire. Et j'ai pu feindre ! Ô ciel... Je sens mes pleurs couler. Quand Monbrisson saura... Je n'ose lui parler, Et ce billet funeste arrosé de mes larmes, Va d'un si triste aveu m'épargner les alarmes. Bienfaiteur adoré, souffre ces voeux cruels !... . Le quitter ! Moi ! Pour prix de ses soins paternels ! Toujours, comme sa fille, il aima sa pupille. Voudrais-je en l'affligeant ressembler à Terville ? Malheureuse ! quel nom m'échappe malgré moi ? Le charme qu'il m'inspire augmente mon effroi. Terville ! Ah ! Dieu ! L'ingrat !... Combien je l'aime encore ? Ah ! mourons loin de lui d'un chagrin qu'il ignore. S'il le savoit.. .peut-être... Où suis-je ! Qu'ai-je dit ?... Avant de l'envoyer relisons cet écrit. Ciel ! Montbrisson ! Monsieur..... Souffrez .... Quel entretien. Si vous daigniez permettre .... Hélas ! À vous. Je ne puis. Ah ! Monsieur, pardonnez. La grâce que du moins j'implore avec instance, C'est que vous voudrez bien la lire en mon absence. Je vais... Adieu.... vous saurez mes secrets. Monsieur. .. Mon billet dans les mains de Terville ! Vous me trahissez ! Vous ! Je n'y survivrai pas. Terville ! N'est-ce qu'un songe ! Je ne sais où je suis. .. qu'ai-je entendu ! Madame... Ah! cruel !... Dieu ! quel poids est de moins sur mon âme ! Je sens mieux en ce jour le prix de vos bontés ; Mon père manque seul à mes Félicités. Mais quoi ? Quel trouble encor se mêle à leurs délices ? Je veux des retours vrais et non des sacrifices. Si le regret succède à ces voeux du moment, De mes premiers destins j'aime mieux le tourment. Pour que je sois à vous, soyons tout l'un pour l'autre. Sentirais-je un bonheur qui pourrait nuire au vôtre? Et moi, je les oublie. **** *creator_dorat *book_dorat_celibataire *style_verse *genre_comedy *dist1_dorat_verse_comedy_celibataire *dist2_dorat_verse_comedy *id_NERINE *date_1775 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_nerine Je n'ai rien entendu. J'entrais mais auriez-vous quelque chose à m'apprendre Tout ce que vous voudrez, je consens à l'entendre. Je suis prête, parlez.... que dis-je ? En ce moment, Ce qui doit se passer se devine aisément. Il est très clair que vous aimez Julie. Toujours avant la noce on aime à la folie ; Mais, tout prêt d'épouser, et de se voir lié, Le plus heureux Amant n'est heureux qu'à moitié : Sur les coeurs qu'il soumet l'Hymen agit d'avance, Et, même avant sa chaîne, on sent son influence ; On s'inquiète, on rêve, on songe à son destin, Et l'on est, comme vous, éveillé plus matin. A propos, pour la Fête un témoin nous arrive, Une femme agréable, une veuve assez vive, Madame de Rosanne. Que vous importe à vous ? Mais elle est moitié gaie et moitié raisonnable. Moi, je n'y connais rien, et vous en jugerez. Pensez-en bien du mal : vous me le confierez. On dit qu'elle est jolie. Chez nous depuis cinq mois elle s'est établie. À peine elle connut Confier de Montbrisson, Qu'elle vint à Paris loger dans sa maison ; Lui, jamais il n'avait entendu parler d'elle. La Dame a du babil, de certains airs de zèle, Et vite pour Julie on demande ses soins ; J'avais peu de crédit, il m'en reste encor moins. Voilà ce que je sais.... et ce que je présage, C'est qu'elle accourt exprès pour votre mariage ; Il va la réjouir. La Marquise aime assez tout ces incidents là. Pourquoi donc parler bas ? autant vaut-il se taire ? C'est elle... Je vous en sais bon gré. Montbrisson l'accompagne, il en est enivré. Elle arrive, et la voilà qui cause Avec un inconnu !... c'est une étrange chose Que ce babil sans fin !... Oui, Madame, et je viens demander audience. Elle descend. C'est par impatience. Écoutez donc, Monsieur... Où courez-vous si vite avec cet air d'humeur ? Bonsoir. Ce Comte là ressemble à la Marquise ; Ils s'entendent déjà ; je n'y serai plus prise. Ah ! le maudit séjour ! Ce Verseuil n'est qu'un fa Et Terville... est un sot avec son célibat. Oh ! c'est Lafleur, je pense ; Oui, je le reconnais à la soif : sa présence Va m'égayer au moins ; j'étais d'un morne affreux. Ce ton est cavalier. Je l'aime, ce Lafleur... Ainsi ton Maître arrive ? Avec ce bel amour, tu courras donc sans celle ? Bon ! Mais encor ? Que sais-tu ? Oui-dà ? mais je veux, moi, qu'on soit plus sédentaire ; Sur ce principe là règle-toi désormais : Tu m'as placée ici, pour ne t'y voir jamais ; Point d'intrigue à mener, point d'amant, quel supplice! J'ai du zèle de reste, il est sans exercice ; Ma Maîtresse est charmante, et je la sers de coeur. Eh bien ! Elle m'évite et se tait. Il est désespérant.... je suis d'une colère ! . . . Songe à m'épouser vite, afin de me distraire ! Ni moi non plus, j'espère. Il me déplaît à moi. Je ris de voir Lafleur adopter des systèmes : Rien n'est aussi bouffon. L'une observe en ces lieux un silence tenace ; L'autre y défend l'hymen.... Que veulent-ils qu'on fasse ? L'amour conjugal a pour moi des appas, Ou le Notaire, ou rien. Chercher un amant plus traitable Qui n'ait pas comme toi le goût de voyager, Et qui, jusqu'à l'hymen veuille bien déroger. D'accord. Non, pas un mot. Ne me voyez-vous point ? Ne suis-je rien au monde ? Interrogez-moi donc pour que je vous, réponde. Parfaitement trouvé ! Comment ! Sur quoi ? Sur tout.... Terville est arrivé. Eh bien, Mademoiselle... C'est qu'on est à l'affût de la moindre nouvelle, Il amené Lafleur .... riez donc une fois. Mais vraiment, je le crois J'ai vu Lafleur aussi Plus que vous ne pensez. Est très bonne. Un peu las. Eh ! oui : que voulez-vous ? Il s'amuse d'autant. Chacun a son plaisir et son goût dans la vie : Terville est enchanté quand son cercle varie ; De nos jeunes oisifs il et le plus errant : Mais cela, comme à moi, vous est indifférent ; Nous n'y prenons pas garde. Il court, grand bien lui fasse! Je serais comme lui fi j'étais à sa place ; On est libre et... l'on va... bon, je vous parle en vain, Vous ne m'écoutez pas ; maudit soit le destin ! Vous voyez à quel point va pour vous ma tendresse ; Et je ne sais jamais ce qui vous intéresse. Oui : je sèche sur pied... des soupirs !... et puis, rien. Quelques mots échappés vous soulageraient bien, Un seul... pour essayer. Oh ! Je le deviendrai... ce ton froid me désole. Justement. Quel travers ! triste, jeune et jolie.... Pourtant cela promet. Allons, me voilà bien. Vous parlerez, sinon Je n'y tiens plus, je pars et sors de la maison. Celle que vous aimez à l'instant vous cherchait. Vous étiez, m'a-t-on dit, dans le petit bosquet ; Seule à vous affliger : ma foi, Mademoiselle, Quand on a tout pour soi, que l'on est fraîche et belle, S'attrister est bien fou. Mais vous avez pleuré ? Je le vois. Fort bien ; j'en suis très sûre. Ce n'est plus le dépit, c'est le coeur qui murmure. Je voudrais avoir part du moins à vos chagrins. Tous vos jours devraient être sereins, Marquez par cent plaisirs, embellis par vos charmes. Qui peut dans ce séjour vous arracher des larmes? Ah ! que je hais l'ingrat qui cause son souci ! Si vous ne m'instruisez ; je vais pleurer aussi. Mais... de rien. La douleur est permise ; Le motif vient toujours... j'abhorre la Marquise, Elle me souffle tout ; le plaisir de parler, D'entendre, de répondre et de vous consoler. Ne la voilà-t-il pas ? Sans reproche, On me chasse toujours dès que Madame approche. Ou tous les gens sont-ils ? Picard ! Germon ! Lafleur ! Vous le saurez, Monsieur ; On tremblerait à moins ; l'alarme est assez vive. Un vieil écervelé dans ce moment arrive ; Saingérans est son nom : à peine descendu, Vers l'endroit où j'étais il a vite accouru. Je me tranquillisais ; oisive et solitaire, Je goûtais le plaisir de n'avoir rien à faire. Le voilà qui m'observe. Sa lorgnette à la main, il rode autour de moi : Je veux fuir ... il me suit ; son air me déconcerte ; La peste ! quel vieillard, et comme il est alerte ! Dieu ! c'est lui ! je me sauve ... Tu peux en revenir, et malgré moi j'espère ; Car l'hymen de Verseuil n'a pas l'air de se faire. Julie est renfermée, elle est seule, elle écrit, Montbrisson est rêveur, Saingérans perd l'esprit. Il se démène, il jure, on se regarde, on cause, On va... ce mouvement cache encor quelque chose. Ainsi donc, pour la vie Tu renonces à moi ? Mais... Ton plan est de m'aimer, laisse-là ta folie. D'abord le Célibat est mon antipathie, Je n'en vois pas le fin. N'avons-nous pas un coeur? A quoi pensai-je aussi d'aimer Monsieur Lafleur ? Un esprit fort ? Je ris de ta grimace : Çà, point de temps perdu : voyons ce qui se passe Et défais-toi, sur-tout, de tes airs importants. Si tu n'oses parler, observe, écoute, entends. L'état d'incertitude est un état funeste ; Et, par ce que je sais, on peut savoir le reste. Vivat ! Rien n'est plus consolant. **** *creator_dorat *book_dorat_celibataire *style_verse *genre_comedy *dist1_dorat_verse_comedy_celibataire *dist2_dorat_verse_comedy *id_LAFLEUR *date_1775 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lafleur Vite, à boire au Courier ? Toujours sur les chemins ! c'est un métier fâcheux. Monsieur Terville ainsi me lasse à ne rien faire ; Toujours du mouvement, et jamais une affaire ! Ah ! friponne, bon jour ! Ce sont de ces minois qu'on ne peut oublier. Oui ; moi, j'ai devancé Jasmin, Germon, Lolive, Et me voilà, pestant, enrageant de mon mieux, Bien roué, bien brisé, mais toujours amoureux. Il faut bien, mon enfant. Terville est dans l'ivresse ; Il va, vient, s'étourdit. C'est ici, puis c'est là, Jamais de poste fixe ; et, malgré tout cela, Je ne jurerais pas qu'il n'eût au fond de l'âme Quelques chagrins secrets, quelque invisible flamme. Souvent je l'ai surpris poussant de longs soupirs... Ses distractions ne sont pas des plaisirs. Qui ? moi, je conjecture. Suffit... de ce train là quoiqu'ici je murmure, Mes courses cependant valent bien le repos. J'ai, pendant ma quinzaine, été dans dix châteaux. Des spectacles partout, des fêtes, grande chère. Quel malheur ! T'épouser ! bouche close ; au moins baisse le ton : Mon Maître est inflexible et n'entend pas raison Sur cet article là. Il faut, pour le servir, être Célibataire, C'est l'ordre ; et moi, sur-tout, comme premier Valet, Je dois m'assujettir à l'état qui lui plaît. Vraiment, c'est que tu m'aimes. Aussi prudent : enfin, Aujourd'hui marié, je suis chaste demain. Je te le dirais bien. Et je n'entendrais pas. Quoi ? Ou rien. Voilà le diable. Où vas-tu donc ? J'ai le ton de mon siècle .... entre nous, sauf le blâme Je pense en esprit fort, toi tu parles en femme. Écoute-moi. Je vais Déjeuner avant tout, et... nous verrons après. Monsieur peut deviner l'objet de ma visite. Souffrez... l'occasion invite !.. Mais de l'hymen prochain, De Julie aujourd'hui Verseuil reçoit la main. Dans ces lieux il n'est bruit d'autre chose ; Et c'est vous, Monsieur, qui.. .permettez donc que j'ose Franchir le même pas à son exemple. Oui, la noce est au diable... il n'est plus d'espérance, Il me met de moitié dans son indépendance, Et, comme il parle haut, il m'a déterminé, C'est fait ; au célibat me voilà condamné. Quoi qu'il en soit, mon maître au milieu du fracas Est fixé en ses vouloirs ; il n'en démordra pas. Et voilà ce que c'est que la philosophie ! J'en suis pour mon amour. Ne va pas m'attendrir. Respecte mon plan, et songe à m'acquérir! Mais oui.