**** *creator_dufresny *book_dufresny_dedit *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_dedit *dist2_dufresny_verse_comedy *id_GERONTE *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_geronte Vous devinez assez, en voyant ma tristesse, Que je n'ai qu'un refus : ma bonté, ma tendresse En cette occasion m'ont trop parlé pour vous. Prenez votre parti, ma fille. Oui, ma fille. Vos tantes ont rendu ce départ nécessaire. Oui, Valère. Inutiles discours. Je ne le voudrais pas ; mais par bonheur pour elle, Elle veut là-dessus ce qu'elle doit vouloir, Retourner en province, enfin ne plus vous voir. Il faut bien vous l'ôter, puisque je n'en ai plus. Vous espériez tirer quarante mille écus Des restitutions que nous feraient vos tantes, Je vous le dis encor, ces deux extravagantes S'en tiennent au dédit qu'elles ont fait pour vous, Disant, vous ne pouvez rien exiger de nous, Qu'en cas que de nous deux quelqu'une se marie. Elles ont cinquante ans. C'est une raillerie De croire rien tirer d'un semblable dédit Il me faut de l'argent, à moi, mon bien périt; On me ruine ; enfin je dois, en homme sage, Faire dans ma province un autre mariage Qui me tire d'affaire. Brisons là-dessus. C'est avec bien du chagrin : Mais nous partons demain, il le faut. Abrégeons les adieux : Quand il faut se quitter, le plus tôt, c'est le mieux. Je viens m'en réjouir pour l'amour d'Isabelle. Oui, cela nous suffit. Le marché me paraît bien facile à conclure, Je vous unis tous deux. Le parti le plus sage, C'est de nous demander là-dessus le secret. **** *creator_dufresny *book_dufresny_dedit *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_dedit *dist2_dufresny_verse_comedy *id_ISABELLE *date_1719 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_isabelle Je n'en puis revenir. Quelles extravagantes ! Avoir pour un neveu des procédés criants ! Ô dieux! Quel travers ! mais.... Mon père leur a dit de piquantes paroles, Et va les menacer encor séparément. Car chacune se tient dans son appartement. Leur dureté pour vous les condamne. Ah, Valère ! Elles poussent trop loin leur mauvais caractère : Ne vous pas aimer ! Leur barbarie est telle, Qu'elles parlent de vous avec aversion. Pouvoir haïr Valère ! Leur mauvais coeur me fait trembler, j'en désespère. Oui, donnons-nous au moins ce moment d'espérance, Mais je suis indignée encore, quand je pense À leurs derniers discours. C'est par-là que je vois qu'elles m'ont méprisée. Car c'est en m'embrassant qu'elles m'ont refusée. La prude méprisante avec ses airs hautains Prend un ton doucereux, et mêle à ses dédains Et caresse affectée, et fade raillerie ; Vous mord en vous flattant, talent de pruderie : « Ma tendresse pour vous, m'a-t-elle dit là-haut, Fait que je ne veux pas vous marier sitôt, C'est-à-dire, donner au neveu qui me presse, Du bien pour satisfaire une folle tendresse. Moi! Me rendre complice en vous autorisant ! » Et cent discours pareils d'un ton demi-plaisant. « Faites, faites plutôt contre le mariage, Comme nous, un dédit qui vous maintienne sage. Pour vous faire imiter notre force d'esprit, Nos refus vous tiendront du moins lieu de dédit.» Je suis contre Araminte un peu moins indignée. Même dans des moments j'ai cru l'avoir gagnée, Mais son esprit, sujet aux révolutions, S'agite en même temps de plusieurs passions. Dans sa vivacité brouillonne et turbulente, Voici ce que m'a dit à peu près cette tante : « J'extravague parfois, mais j'ai des sentiments ; J'aimerais l'amour, mais j'abhorre les amants. Abhorrez-les aussi, je le veux, je l'ordonne. Sans cesse je promets, mais jamais je ne donne. Je hais bien mon neveu, mais je vous aime tant.» De ses galimatias je conclurais pourtant Qu'elle ferait pour vous plus que sa soeur aînée; Mon père vient. Je tremble. Ah ! Je le vois accablé de chagrin. Partons-nous ? Ah ! Quel coup pour Valère ! Non, Valère. Il le faut bien, Valère. Je vous donnais mon coeur par l'ordre de mon père, J'obéissais alors : il veut présentement Que je vous l'ôte, il faut l'avouer franchement, Je n'ai pas sur ce point pareille obéissance ; Mais je pars. Ah, Valère ! Si je suis par raison les ordres de mon père, Soyez sûr qu'en partant... Je viens de tout mon coeur vous en féliciter, Et je vois que tantôt c'était pour plaisanter Que vous déclamiez tant contre le mariage ; Car vous-même... Non. Rien ne presse en effet. Ménagez-les, Valère, Puisque cent mille francs suffisent à mon père. Je respire. Pardonnez au neveu la ruse du valet. **** *creator_dufresny *book_dufresny_dedit *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_dedit *dist2_dufresny_verse_comedy *id_BELISE *date_1719 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_belise Ah, sénéchal ! Quoi ! Vous êtes ici ? Je rêvais. Je rêvais au bonheur d'une femme insensible. Qui voit avec froideur l'homme le plus charmant. Ensuite avec frayeur considérant que j'aime, Je m'étonnais de voir ce changement extrême, Qu'en moins de quinze jours vous avez fait en moi, Tous deux en même temps pensions donc même chose ? Quelle démarche, ô ciel, vous prendre pour époux! Cela me fait trembler. Moi qui par mon exemple ai maintenu ma soeur Dans le voeu qu'elle a fait de bien garder son coeur ! Elle me respectait comme la plus parfaite : Me faudra-t-il rougir devant une cadette ? Moi qui du mariage abhorrais jusqu'au nom, Et qui me suis acquis par-là tant de renom ! J'appelle un mariage un dédale, un écueil. Un abîme. Et voilà qu'un penchant insensible... Oui, douce... Me mène au bord. M'y voilà. Mais du moins le monde conviendra Que je vous ai choisi par goût pour la sagesse. Mais tout mon embarras, monsieur lé sénéchal, C'est qu'eN me mariant, il faut (voilà le mal), Il me faudra payer ce dédit. Comment faire ? Ce billet de dédit, que j'ai fait à Valère. Cette folle de soeur inventa ce dédit. Nous fîmes deux billets à ce neveu maudit. Tout retombe sur moi, seule je me marie. Il faudra payer seule, et de sa raillerie Je vais en rougissant essuyer tous les traits. C'est mon intention. Je vais de mon notaire Prendre pour ce neveu quelque somme d'argent. Sans doute il me rendra mon billet à l'instant. Mais si ma soeur découvre... ah ! Le coeur me palpite ! Par raison et par honte avec soin je l'évite, Depuis que je vous vois, je n'ose plus la voir. Oui, ma soeur a vu monter Le notaire. Elle va deviner le mystère. Ah ! Je vois qu'elle sait la chose ; il vaut autant Lui dire un fait duquel au moins elle se doute. Tôt ou tard à ma soeur il faut me confier. Parlons-lui. Ma soeur, je pense. Que... la peur me saisit. Pour placer un argent quand on s'est fait des lois... On devrait avertir qu'on le prend, mais on n'ose. Oui, d'abord... On craint... Je l'avouerai... On doit demander grâce... Oui, quand on s'est promis... Pardon, ma soeur... Pardon... Mais vraiment Vous me le demandez, quelle est donc votre offense ? Mais vous-même, ma soeur ? Ouvrez-moi votre coeur. Vous en aviez affaire. Vous avez eu raison de prendre votre bien, Car chacun à son gré peut disposer du sien. Vous n'avez là-dessus aucun compte à me rendre. J'ai pris le mien aussi. Vous avez bon esprit, vous n'êtes point gênante. Hélas ! Je ne vous ai jamais gênée en rien, Hors sur le mariage, et c'est pour votre bien. Si d'être fille enfin l'ennui vous allait prendre, J'aurais compassion, comme une soeur bien tendre, D'un faible... Ahi ! Soyez sûre aussi de ma condescendance: Hélas ! Je serais fille à vous autoriser, En me mariant, moi, sans en avoir envie. Quoi ! Comment ? Auriez-vous pu laisser surprendre votre coeur ? Mais vous ? Eh ! Moi de même. Ma soeur, que je vous aime ! Oui, nous sommes en tout vraiment soeurs en ce jour. J'admire, comme vous, avec quelle imprudence Nous fîmes à trente ans ce voeu prématuré. Vous, dont le goût est fin, exquis, apparemment Vous avez fait un choix avec discernement. Celui que j'aime est jeune, et pourtant respectable, Sage, grave, posé. Une solidité... Qui parle rarement, mais par poids, par mesure. Comme vous. Et je vois Qu'à notre caractère avec goût, vous et moi, Sous avons assorti nos époux. C'est sagesse. Le mien a les biens, la naissance, Homme en place, estimé ; c'est le sénéchal Groux. On en dit du bien, et... vos suffrages, ma soeur, Plus que la voix publique encor lui font honneur. Oui, ce dédit, d'accord. Nos billets ! Je viens de refuser sa demande importune. Et je crois qu'il ignore encore nos projets, Pour peu d'argent il va nous rendre nos billets. Ah ! Ma soeur, quel langage ! Ce bruit est faux. Comment ! Nous prenez-vous pour des extravagantes ? Nous marier ! Nous ! Non, vous n'y pensez pas, j'ai plus de quarante ans. Nous les avons. Ils ne valent rien : mais Isabelle et Valère, Ma soeur, ont l'un pour l'autre une tendre, amitié ; Leurs légitimes feux enfin me font pitié : Peuvent-ils, comme nous, haïr le mariage ? Non, il faudrait leur faire un petit avantage : Ils m'attendrissent. Ne raillons donc plus, ça nous donnons à Valère, Dix mille écus en tout. Comment ? C'est trop, mais je l'égale En générosité. Oh ! Je ne vous retiens plus, Mon neveu, mon neveu ! Allons donc, il faut s'exécuter. Il m'a donné de quoi terminer cette affaire. C'est mon billet. Quarante mille francs sur mon banquier, et dix. Ah ! C'est le sénéchal ; quel est donc ce mystère ? Pourquoi n'avez-vous pas votre habit ordinaire. Mais, sénéchal... Est-il devenu fou ? Ma soeur, nous nous entendons mal ; C'est le sénéchal Groux. Quoi ! Où sommes-nous ? Un valet ! Ah, ma soeur ! **** *creator_dufresny *book_dufresny_dedit *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_dedit *dist2_dufresny_verse_comedy *id_ARAMINTE *date_1719 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_araminte Je cours en étourdie. On vient de m'intriguer... Je tremble... J'ai pourtant cent choses à vous dire, Et plaisantes. Je rais d'abord vous faire rire. Mais non : le sérieux est ici plus pressé. Ma soeur me voyant là, fièrement a passé. J'en ai frémi... C'est dont nous parlerons ensuite. Commençons par vous faire admirer ma conduite. Douceur et complaisance ont caché mes chagrins ; Cependant en secret j'espérais, mais je crains... Au reste, je ressens une joie infinie, Vous m'allez délivrer de cette tyrannie, De ma soeur... et de plus je hais ce neveu-là. Je vais vous arranger par ordre tout cela. Mais parlez le premier, quel parti dois-je prendre ? Parlez tout à loisir, car j'aime à vous entendre. En reprenant haleine, on vous écoutera : Parlez de votre amour, et l'on y répondra. Parlez... Vous êtes tout esprit, quoique vous vous taisiez ; Car votre air, vos façons, vos regards, tout s'explique : Tout en vous parle au coeur, mon cher chevalier Clique. Il est vrai : mais je crains ce dédit qui m'engage, Et je crains encor plus cette sévère soeur, Qui croit que c'est un crime, hélas ! D'avoir un coeur, Et qui fit faire au mien ce voeu d'indifférence Que je voudrais avoir rompu dès mon enfance, C'est-à-dire dès l'âge où mon discernement Eût pu vous distinguer, vous choisir pour amant. Oui, mon cher chevalier, oui, je vous le répète, Je vous aime trop tard, sans cesse je regrette Trente ans que j'ai passés sans vous avoir connu. J'ai vu, revu, réglé, déterminé, conclu : Dussé-je être en horreur à cette soeur sauvage, Qui pour elle et pour moi hait tant le mariage, Vous serez mon époux dès demain, dès ce soir. Oui, j'ai tout retiré ; car c'est mon intérêt Qu'avant que ma soeur sache, hélas ! Mon mariage, Ce dédit soit rompu : je suis prudente et sage. Envoyons au plus vite un laquais à Valère. Mais que vois-je ! Ma soeur rentre avec le notaire. Sur l'argent que j'ai pris, elle va s'irriter : Il vient l'avertir. Je la vois agitée : ah ! Je crains sa colère. Où dirai-je que j'ai voulu placer l'argent ? Il faudra tôt ou tard, au fond, quoi qu'il m'en coûte, Dire que cet argent est pour me marier. Je tremble. Lui ferai-je entière confidence ? Hasardons. Ma soeur. La honte éteint ma voix. Quand d'un argent commun toute seule on dispose... On devrait confier à sa soeur... On doit... C'est moi... J'ai tort. Une faute si grande... Ma soeur, je vous demande Pardon... Pardon... Comment ? Nous demandons pardon toutes deux ? C'était vous qui d'abord le demandiez, je pense ; Que m'avez-vous donc fait ? Dites-moi vos secrets. Eh mais... vous aurez su sans doute du notaire, Que j'ai pris cet argent. Pour le placer ailleurs j'ai cru pouvoir le prendre. Tant mieux, ma soeur, tant mieux Je calme là-dessus mes désirs curieux. On est libre avec vous, que vous êtes charmante ! Ah ! Vous n'aurez jamais ce faible-là S'il vous venait pourtant, car la plus sage l'a, Loin de vous condamner, j'aurais la complaisance... Parfois l'une pour l'autre il faut s'humaniser. Eh ! Mariez-vous vite, oui, j'en serais ravie, Car enfin je pourrais... Mais, ma soeur... Et vous ? Mais vous ? Mais oui. Embrassez-moi, ma soeur. On sait que les bons coeurs sont tous faits pour l'amour. Vous vouliez rester fille, ah ! Quelle extravagance ! Celui que vous aimez vous en a libéré. Sans doute, chère soeur, sage comme vous êtes, Vous avez médité sur le choix que vous faites. Vif, enjoué, badin ; c'est un jeune homme aimable. Le mien toujours en l'air. Brillant comme un éclair. Le mien parle sans cesse, et parle à l'aventure ; Mais toujours bien pourtant. C'est prudence. C'est un homme connu... j'ai trouvé comme vous, Un époux noble, mais d'une noblesse antique, Un homme distingué; c'est le chevalier Clique. Le public à nos choix doit donner des louanges. Mais nous avons d'ailleurs eu des travers étranges. Ce dédit, par exemple. Nos billets ! Nous avons eu grand tort, Promettre à ce neveu cent mille francs chacune. Mais pour les retirer quel tour pourrons-nous prendre ? Nous-même ! Pour ne guère donner, ma soeur, il faut nier. Très faux. Nous ? Non, non, il n'est plus temps. J'en ai plus de cinquante. La dispute est plaisante. Je crois que nous savons notre âge mieux que vous. Il raille, et les billets, ma soeur, qu'il a de nous, Ne valent rien, mais rien, c'est en vain qu'il espère. Oui, nous nous attendrissons. Oui, c'est ce qu'on peut faire. Profitez, du moment. Pendant que je suis libérale, Cinquante mille francs. Pour ne plus disputer, Donnons-les. J'ai sur moi ce que j'ai retiré du notaire. Voilà ma signature. Trente en lettres de change, et quatorze, et puis six. Qu'avec un grand plaisir, dédit, je te déchire ! Ah ! C'est vous, chevalier ? Pourquoi vous travestir ? Il est folâtre. De plaisir enivrée, Ma soeur croit voir en vous son amant sénéchal, Cher chevalier. Mais vous rêvez, je pense, C'est mon chevalier Clique. Comment ! Un valet ! Ah ma soeur ! Cachons-leur notre honte. **** *creator_dufresny *book_dufresny_dedit *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_dedit *dist2_dufresny_verse_comedy *id_VALERE *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_valere Quoi ! Ne pouvoir tirer raison de mes deux tantes ! Oui, plus j'y pense, et moins je vois d'expédients... Nous n'en tirerons rien. Tantes cruelles, Depuis dix ans toujours injustices nouvelles,: Juste ciel ! Quelle cruauté ! Se désoler ainsi chacun de son côté, Sans trouver nul moyen de réduire ces folles ! Oui, depuis peu je vois que toutes deux s'évitent, Se disent quelques mots en passant, et se quittent. Pour moi, quand je leur parle, elles tournent le dos ; Leur dureté pour moi paraît à tout propos. Moi, j'espérais que par vous Mes deux tantes feraient quelque chose pour nous, Et que vous ayant vue, adorable Isabelle, Elles s'attendriraient. Vous voir, n'approuver pas ma tendre passion, Ah ! Quel travers d'esprit ! Votre père pourtant va les presser ; ainsi Nous espérons encore ; il va nous joindre ici. Sur elles vous comptiez ; Car elles vous ont fait hier cent amitiés. Voilà ses sots discours, toujours même rubrique. Mais rien de si borné que son esprit gothique. Sans monde, sans bon sens, ne hantant que sa soeur, Moins dure qu'elle, mais plus folle par malheur. Je vais savoir ma destinée. Son abord me saisit, mon malheur est certain. Qu'entends-je ! Quoi ! Charmante Isabelle, il ne faut plus vous voir ? Quoi ! Monsieur, vous voulez me mettre au désespoir ? Vous allez m'arracher Isabelle ? Ah ! Vous allez du moins conjurer votre père De rester à Paris encore quelques jours. Eh ! Monsieur... Ah! Si vous le vouliez, adorable Isabelle.... Eh ! Vous y consentez ? Quoi ! Monsieur, m'ôter toute espérance ? Il est vrai. Mais enfin.... Je suis au désespoir. Ah ! Ce départ me tue. Qu'est-ce donc ? Que vois-je ? Que veut dire cela ? Pourquoi cet équipage ? Quel habit as-tu donc ? C'est un des miens, je crois. Et ma perruque ? Je t'ai vu quelquefois faire l'extravagant, Mais jamais tu ne fus à tel point d'insolence. Tu prends fort mal ton temps, maraud, pour plaisanter. A mes yeux ainsi fait avoir osé paraître ! Qu'as-tu donc fait pour moi ! Frontin, mon cher Frontin , tu travailles pour moi. Par quel moyen ? Comment ? Et vite explique-toi. Eh bien ? Je te donnerai tout. C'est elle-même. Eh bien ! Tu me dis donc qu'au jeu Tu gagnes de l'argent à cette tante ? Elle t'aime ? Bon ! Quoi ! Sérieusement ? Sans doute. Mais enfin pour épouser d'abord, Il faut connaître un homme. Comment te nomme-t-on ? Je ne puis revenir de mon étonnement. Comment ? Eh bien ? Quoi donc ! Mon autre tante ? Le fait est singulier. Mais de leur bienveillance Que prétends-tu tirer ? Voici le fait. Tu sais leurs chicanes cruelles. Pour restitution, je n'ai pu tirer d'elles Qu'un peu de sûreté sur leur succession, Serments de bien tenir leur résolution Contre le mariage entre elles si constante : Ce fut ce voeu fameux de l'une et l'autre tante, Qui se renouvela pour lors à mon profit : J'eus d'elles deux billets en forme de dédit. Chacune me promet qu'en cas de mariage, De la succession elle me dédommage. Chacun de leurs billets est de cent mille francs. J'y vais. Profitons du moment. Il ne faut pas attendre Qu'elles poussent plus loin leur éclaircissement. Isabelle n'est point partie, heureusement, Mes tantes, et j'apprends une bonne nouvelle. . Vous allez toutes deux enfin vous marier. Je le crois vrai, mes tantes. Vous ne les avez point Non. Vous vous attendrissez, vos billets seront bons. Non, non, nous attendrons pour avoir tout. Nous vous laissons. Cinquante mille écus, Ou nous attendrons. Voyons si par hasard je n'aurai point aussi Vos billets ; oui vraiment, je crois que les voici. Voyez. Quel bonheur ! C'est Frontin lui-même. Un maraud de valet faire un tel personnage ? La peur qu'elles auront qu'on n'en fasse un bon conte, Peut-être les rendra moins injustes pour moi. **** *creator_dufresny *book_dufresny_dedit *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_dedit *dist2_dufresny_verse_comedy *id_FRONTIN *date_1719 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_frontin Monsieur ? C'est Frontin qui vous salue. Vous voyez votre valet Frontin. Qui portait la livrée encore ce matin. Vous ne pourrez jamais le deviner, je gage. Cela se pourrait bien, car il n'est point a moi. Bon ! Est-ce que j'en achète ? J'ai trouvé celle-là sous ma main toute faite, Et votre plus beau linge, et votre gros brillant Cela vient tout à coup, monsieur, par l'opulence. Je prends mon temps fort bien, et j'ose me vanter De savoir ménager les bons moments d'un maître. Je m'en suis bien gardé, monsieur, jusqu'à présent ; Et vous m'eussiez traité de maraud, d'insolent, Ne travaillant d'abord qu'à mes propres affaires. J'ai pris pour me cacher tous les soins nécessaires, Vous m'auriez empêché d'agir comme j'ai fait. Tromper finement, c'est vertu dans un valet ; Vous auriez cru que c'est un vice dans un maître. C'est à l'extrémité que je vous fais connaître... Vous êtes scrupuleux ; enfin, il a fallu Ce que j'ai fait pour vous, le faire à votre insu. C'est une bagatelle, Je travaille à vous faire épouser Isabelle. Je m'explique d'abord, moi, sur ma récompense: C'est par-là que toujours mon zèle ardent commence. Si je vous fais avoir votre Isabelle... Linge, habits, diamant, j e ne vous rendrai rien. Si l'habit m'est trop long, trop court, vaille que vaille : Mais pour le diamant, il est fait pour ma taille. Écoutez mon récit. Avec quelque pistole et ce brillant habit, Trouvant au lansquenet quelques cartes heureuses, Et me faisant lorgner par de vieilles joueuses, Avec une, surtout, j'ai fait un petit fond. Elle a l'esprit stérile, et le babil fécond, Le ton railleur : elle est plus folle que plaisante. La reconnaissez-vous, monsieur ? C'est votre tante. Un peu. Mais j'ai de plus gagné son coeur ; elle m'adore. Oui, monsieur, et fait bien pis encore, Elle m'épouse. Votre valet Frontin Pourrait être votre oncle ou bel-oncle demain. La chose est sérieuse, Je suis de taille à rendre une vieille amoureuse. Elle me connaît fort. Un mois de lansquenet fait bien connaître un homme. Me disant d'un pays d'entre Paris et Rome, J'ai pris d'abord un nom... nom à demi connu, Là... comme en prennent ceux qui n'en ont jamais eu. C'est le chevalier Clique, Nom noble. Elle me croit d'une famille antique. Bon, ce n'est encor rien : j'ai fait bien plus. Voyant que le hasard me donnait une tante, Mais qu'il m'en fallait une encore... Je tente Un projet difficile, étonnant, hasardeux. Dans la même maison je les vois toutes deux. Je savais, il est vrai, qu'Araminte honteuse Fuyait sa soeur, depuis qu'elle était amoureuse. Pour plus de sûreté près de l'autre je prends Autre nom, autre esprit, airs, habits différents. D'un grave sénéchal faisant le personnage, Je prends l'air composé, ton grave, froid visage, Disant comme elle un rien d'un ton sentencieux, Comme elle, de l'hymen censeur fastidieux. Mon nom de sénéchal, c'est Groux. Je me présente. Conformité d'esprit charme la prude tante. Auprès d'elle, en un mot, monsieur, j'ai réussi. Elle m'épouse aussi. De leur extravagance Nous tirerons, je crois, quelque argent du dédit : Mais dites-moi comment fut fait leur double écrit ? Je tirerai parti des billets. Mais j'entends.... Ah, bon ! C'est un laquais de moi, chevalier Clique. C'est qu'il faut que je sois d'abord sénéchal Groux. Attendez-moi là-haut chez la tante Araminte, Elle vient de sortir : là je pourrai sans crainte Vous instruire de tout. Je vous rejoins. Je croyais bien avoir deux jours de temps au moins ; Mais toutes deux prenant l'argent chez le notaire, Vont découvrir la mèche. Il faut brusquer l'affaire. Ah, bon la prude sort. Pour avoir imité Trait pour trait sa fadeur, sa froide gravité, Je lui plus. Il ne faut, pour plaire à cette sotte, Qu'être l'écho flatteur de sa fade marotte. Madame... Vous rêviez ? Moi, je rêvais aussi. Je revois au bonheur d'un homme incombustible. Qui voit avec dédain l'objet le plus aimant J'envisageais avec une espèce d'effroi Qu'en moi vous avez fait une métamorphose. Même chose, et toujours sympathie entre nous. Je frissonne, madame, Du pas que je vais faire, en vous prenant pour femme. Moi qui de mon aîné réprimant les ardeurs, Forçant au célibat même jusqu'à mes soeurs, Dans l'histoire voulais, pour distinguer ma place, Y mériter le nom d'extincteur de ma race ! Moi, le sénéchal Groux, caustique philosophe, Qui raille l'épouseur, l'insulte, l'apostrophe ! La prison des désirs, des vivants le cercueil. Vers l'abîme une pente... Imperceptible... Le pied me glisse, et m'y voilà. Notre mariage est de la plus sage espèce. Pendant que nos amours sont encore secrets, Composez, retirez vos billets de Valère. Nous toucherons l'argent qu'elle va recevoir. Il faut que je l'évite. Mais non ; ôtons cela : je vais l'attendre ici. Le temps presse ; tiens, prends cette perruque-ci : En nouant celle-là, j'aurai l'air plus comique ; Folâtre, négligé, c'est le chevalier Clique. Pour charmer une folle, il faut extravaguer. Si je me tais, c'est parce que la foule Des mêmes passions dont le tourbillon roule En vous, ainsi qu'en moi, m'empêche de parler ; Car en vivacité j'ose vous égaler. Tristesse, joie, amour, haine, crainte, espérance... Mais mon amour surtout m'a réduit au silence ; Je n'ai pu dire un mot, parce que vous parliez. Tout en vous étant beau, tout en moi vous aimant, Tout en moi, tout en vous par un rapport charmant, Tout en vous, tout en moi demande mariage. Je n'en ai que vingt-cinq ; mais je serais venu En ce monde vingt ans plus tôt pour vous connaître. Çà, le temps étant cher pour nous, comme il doit l'être, Voyons, vite, réglons, qu'avez-vous résolu ? Mais à l'essentiel il faut d'abord pourvoir. Avant qu'à votre soeur nous déclarions l'affaire, Il faudrait retirer les billets de Valère. Composez avec lui, votre argent est-il prêt ? Hâtez-vous. Je vais voir mes illustres parents, Pour leur communiquer le parti que je prends. Nos amants sont contents. Il faut nous divertir. Le voici, je ne suis que chevalier servant Bien souvent, Quoique sénéchal, moi je porte la livrée. Oui, j'ai par complaisance, Pour plaire à la cadette, et folâtre et vif, Et pour plaire à l'aînée été rébarbatif. Mais ne pouvant en moi doubler que l'apparence, Ne pouvant être qu'un, je dois en conscience, Avouer que Frontin n'est ni Clique, ni Groux. En morale comique, il est permis, je crois, Aux Frontins de punir l'avarice des tantes, Et de berner un peu les caduques amantes.