**** *creator_dufresny *book_dufresny_fauxsincere *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_fauxsincere *dist2_dufresny_verse_comedy *id_MONSIEURFRANCHARD *date_1731 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurfranchard Ah ! Monsieur le Chevalier, Pour un certain Rapin, m'a dit là mon caissier, Vous vous intéressez. Oui da, pour du conseil j'en donne tant qu'on veut, Je le dis comme il vient, il vient tout comme il peut. À demain donc Rapin. Pour elle je n'ai point eu de vue autrement, Si ce n'est que je veux l'épouser seulement. Oui je l'aime, Et d'abord je voulais l'épouser tout de même. Pas tant pourtant : je vais vous expliquer tout cela. Je connais de tout temps cette famille-là, Tous compères, voisins, de la même fabrique. Presque au coin de mon feu j'ai vu naître Angélique ; Pour l'autre je ne l'ai pas tant vu naître ; car Quand feu son père l'eût, j'étais vers Gibraltar ; Au détroit : mais je l'ai pourtant, toute petite, Tenue entre mes bras, et puis plus grande ensuite, En un mot comme en cent, de ces deux filles-ci, L'une est ce qu'il me faut, mais l'autre l'est aussi ; Car au fond ce sont bien les deux meilleures âmes ! Je cherche, voyez-vous, la bonté dans les femmes. J'ai vu ces deux-ci croître, et j'en suis caution, Je les aime d'enfance et d'éducation. Bon ! C'est bien la beauté qui fait mon embarras, Ma foi le plus souvent je n'y regarde pas. Les yeux plus ou moins grands, la bouche plaie ou ronde, Le teint ou blanc ou brun, la tête ou noire ou blonde, Comment peut-on aimer les femmes pour cela ? C'est la raison qui rend la femme raisonnable. De l'autre la gaîté pour mon âge fait mieux ; Riant toujours, de rire elle me fait envie, La Mariane. Enfin m'y voilà résolu, Je veux la Mariane, à cela j'ai conclu ; Mais j'ai là d'autres gens, des femmes qui m'attendent ; Et tour à tour je vais à ceux qui me demandent. Oh ! Va conter tes charmes à ta mère. J'y cours. Ils vont tous trop vite en affaire, Et vous aussi, monsieur ; car tous ces amoureux, Quand ils ont dit d'amour une parole ou deux, Ils croyent que c'est fait. Ma commère de même, Bien aise tout d'abord de voir que sa fille aime, Parce qu'elle aimait elle, étant jeune, aisément : Hé vite, a-t-elle dit, marions-nous promptement. Voilà comme elle est faite ; elle est femme, on pardonne. Mais vous êtes un homme, ainsi donc je m'étonne Que vous ayez déjà si vite fait éclat : Sans qu'on ait fait encor articles ni contrat, Vous amenez déjà vos parents à la noce. Oui, j'entends un carrosse, Je regarde, et j'en vois descendre un plumet noir, Ou d'une autre couleur, je n'ai pas bien pu voir. Il s'est nommé bien haut, car bien haut il prononce, Le Chevalier Valère, hé laquais qu'on m'annonce. Je n'ai point confondu. Le Chevalier Valère, oui, j'ai bien entendu ; De même on est venu l'annoncer. Or vous étant ici, cet autre étant là-bas, Si je calcule bien, ce sont deux, n'est-ce pas ? À votre noce donc ce parent vient peut-être. Nous le saurons bientôt, car je le vois paraître. Je n'ai pas trop besoin de compliments de gloire ; Venez-vous à la noce ici, sans tant d'histoire ? Monsieur est Chevalier Valère comme vous, Et vous tout comme lui ; voyons, expliquons-nous. Êtes-vous Chevaliers de la même famille ? Gascon, Picard, je vois là-dedans quelque chose. Sans aller et venir je veux qu'on se repose. Monsieur vous fait aller des Gascons aux Picards. Et comme dit monsieur, je vois là des brouillards. Ouais ! Mais cela m'étonne, Je ne vois point ici de Rapin en personne ; Monsieur parle pour un, vous pour un autre aussi. Je n'y connais plus rien ; qu'est-ce tout ceci ? Parlez. Je ne m'attendais pas à tant de brouillerie, Il faut chez nous un gendre en tout franc, clairement. Je ne sais où j'en suis de voir que justement Pour les deux héritiers il me vient deux Valères, Chacun a son Rapin. Il veut papier sur table, Et c'est par-là qu'on voit le discours véritable. Vous ne dites plus mot, vous ? Simple, uni ! Mais de vous je ne dis pas de même. D'un côté vous aimez Angélique. De l'autre une Marquise ; en amour ce sont deux. Deux !... Dans ce chiffre là vous êtes malheureux ; Car après deux amours, deux Chevaliers Valères, Encore deux Rapins, je crois là des mystères. Ma commère a beau dire, il est fidèle amant, Car en tout il agit toujours tout simplement : C'est son dicton ; mais moi je vois là bien du double, Tout votre deux à deux me déplaît et me trouble. Comment tant pis pour moi ? Mais... Ouais ! Mais il faut pourtant Qu'il soit franc, il me dit mes défauts sans rien craindre. Oui, ces deux mots me sont échappés de la bouche. Mais, c'est ce que je suis, monsieur le Chevalier. Mais vraiment, il a ma brusquerie. J'aime cela. Oh sur ces amours-là je me brouille toujours. Je n'en ai jamais eu d'amour. Oh ! Comme vous je me fâche, Sur le mot de moins bon, ma colère se lâche. Vous avez mal parlé, je suis la bonté même, Plus que personne bon, je m'en vante, morbleu. Moi je reviens sur l'heure. Nul fiel sur mon coeur ne demeure. Mais c'est tout comme moi ; j'en avais bien cherché Des gens qui fussent faits tout juste à ma manière : Vous voilà tout trouvé, car ressemblance entière. Dire tout ce qui vient, brusquer, parler bien fort, Se fâcher tout d'un coup, puis pardonner d'abord. N'est-il pas vrai, monsieur, mon portrait c'est le vôtre. Plus de Dorante donc, finissons au plus tôt. Deux contrats pour nous deux c'est autant qu'il en faut. Ton amour ! Ton amour ! Ma patience est lasse D'entendre pour raison, sur tout ce qui se passe, Dire l'amour, l'amour... Oh tous ces amours-là Font que je suis fâché des disputes qu'on a. Que je hais les amours ! Ils troublent les familles. En revenant d'Amiens je crois trouver deux filles, Je m'attends que quelqu'une au moins m'épousera, Comme autrefois je crois que c'est à qui m'aura ; À présent c'est à qui ne m'aura pas... Courage, Soupirez ; mais pourtant il faut mon mariage... Bon, j'en suis revenu. Là-dessus le conseil de famille est tenu, Et la mère et l'aînée ayant leur voix chacune, J'ai calculé cela, ce sont deux voix contre une. Mais autre calcul, que je fais par mes doigts. Vous, moi, ce Chevalier, pour épouser font trois : Une, et deux soeurs ; comment voulez-vous que l'on fasse ? À nos filles, pour vous, je ne vois plus de place. Je lui demanderai s'il s'appelle Valère. Ah s'il ne faut qu'un mot, tant mieux, on le dira. Oui, je lui dirai bien ce mot, il est fort bon. Car pour peu que l'on mente en cas de mariage, On est un affronteur. Distinguer m'ennuierait, Me ferait oublier mon mot, m'embrouillerais. Un mot vaut mieux ici que tant de verbiage. On demande toujours pour faire un mariage, Êtes-vous riche, ou non ? Voyons l'état. Ah, ah ! C'est toujours quelque chose. Eh qu'importe, est-ce là ce qui nous intéresse ? Il est bien question avec nous de richesse. Ni ma mère, ni moi... Tu raffines comme elle en esprit ; mais le mien Vois que tu perds ta cause ; il a dit je n'ai rien. Oui ; mais après cela je ne veux plus attendre. Qu'il vienne vite au moins. Ils ont cet homme en tête, il faut que je le voie. Oui. J'ai dans mon cabinet ces trois cent mille francs, J'y vais. Je vous cherche fâché. Non, non. Il s'agit ma commère, Qu'il a pris un faux nom. Quoi prendre un nom faux. Mais... C'est fausseté. Je vous dis moi que c'est... Écoutez. Paix donc, tout à la fois vous me parlez toujours, Du moins je parle, moi, tout seul l'un après l'autre. Radoucissez le vôtre, Vous vous fâchez. De compère à commère on parle doucement. Oui, tout en disputant aimons-nous, ma commère. Je croyais qu'il était franc, là sans y tâcher ; Mais on dit qu'il le fait exprès. Oui, vous toute la première. Mais vraiment non, car vous, vous avez, ma commère, Dans l'esprit des romans sans rime ni raison : Êtes-vous pour cela moins bonne femme. C'est bien dit. Suis-je moins votre ami contre tous, Qui disent que l'on voit un vieux air tendre en vous. C'est votre contenance. Oh, tout est expliqué : Ces paraphrases-là m'ont trop alambiqué. C'est toujours avec vous mystère sur mystère ; Vous avez faussement pris le nom de Valère, Et l'autre par complot s'est nommé comme vous ; Bref nous ne voulons point de comploteurs chez nous. Eh nous le savons tous, et de vous il se moque. Il contrefaisait donc mon ton brusque et colère ? Venez, monsieur Dorante, il n'y manquait que vous. Il fuit. Un gendre chasse l'autre. Je te vois encore triste. Je te pardonne, va, tu n'étais qu'amoureuse, Cela passe bien vite, et tu t'en guériras ; Tu n'auras plus d'amour sitôt que tu m'auras. **** *creator_dufresny *book_dufresny_fauxsincere *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_fauxsincere *dist2_dufresny_verse_comedy *id_ANGELIQUE *date_1731 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique En moi quel changement ! Sensible à l'amour, moi ! Toujours indifférente. Ce Chevalier me charme, on y pense pour moi. Monsieur Franchard, à qui par raison je me dois, Ne m'embarrasse plus, ma soeur s'en est chargée. Rien n'est plus naturel que cet arrangement. Ma soeur, monsieur Franchard : moi ; cet homme charmant. Nulle difficulté. Je vais... Ici je te cherchais. J'allais... De bon coeur... Et toujours quelque trait badin, qui porte coup. Ce grand bien c'est acquis, monsieur Franchard t'épouse. Je n'en ai, je te jure, aucune jalousie. Je t'en dispense. Non. Bon bon, monsieur Franchard me convient-il à moi ? À toi, donc l'humeur est toujours gaie, enjouée... Monsieur Franchard vivra cent ans par ta gaîté. À ta gaîté tu joins Un coeur, comme le sien, fait pour l'indifférence. Ah chère soeur ! Le coeur change en un jour. Cette fille indolente... Tu l'as dit : j'aime. Comment. Pour te railler de moi, Qui suis changée ainsi, tu feins je crois, de l'être. Et moi, j'aime un homme charmant Sans qu'il le sache encor. Le Chevalier Valère... Valère, oui, qu'en venant chez ma mère, Sans qu'il m'ait vue, hier je vis dans le jardin, Et qui s'y promenait encore ce matin, Lorsque je me suis mise une heure à la fenêtre ; En passant je le viens encore de voir paraître. Ma soeur, qu'il est charmant ! C'est un malheur pour toi... En franchise l'excès ne fut jamais blâmable. Votre gendre ! Est-ce moi... J'espère... Moi, ma mère ! Mais... Pourquoi me plaît-il tant, s'il doit être pour elle ? Que dit-il ? Mais ! Froideur ! Que cet aveu me plaît ! Qu'il me paraît sincère ! Quoi ! Vous croyez ? Soupçons très mal fondés, ton amour les fait naître. Monsieur exclut Dorante à qui tu voudrais être. Je ne veux plus le voir, il m'est trop odieux. Peut-on trop mépriser, trop haïr un coeur double. Moi, qui reçois une offense ? C'est envers moi plutôt, monsieur le Chevalier, Qu'il vous faudrait quelqu'un pour vous justifier. Qui sera-ce donc ? Vains discours ! Puis-je écouter cela ? Que ce discours me pique ! Après m'avoir juré l'amour le plus ardent, Le plus vif, le plus tendre, et le plus violent, Tantôt devant ma mère, et tout à l'heure encore... Mais vraiment Vous l'avez accusé, ma soeur, injustement. En quoi trompe-t-il donc ? S'il est tendre en effet comme il me l'a paru, S'il n'a point partagé son coeur comme on a cru, S'il n'aimait pas madame, il n'est pas si coupable. Monsieur le Chevalier vous n'aimez donc que moi ? Ne nous nuirons en rien. Et le mien. Ah ! Monsieur, apprenez un succès qui m'enchante. En dépit des soupçons dont ma soeur nous tourmente, Sa franchise a paru plus brillante en ce jour. Je suis charmée aussi de son fidèle amour, Charmée... J'y cours. Ton amour t'aveugle. Ton amour juge mal. Vous savez bien, monsieur, que je suis toute à vous. Vous impatientez monsieur Franchard, ma soeur. Ce détail est grossier. Oui cela me blesse. Achevons l'entretien. Je veux sur la Marquise une réponse claire. Qui des deux a voulu se réconcilier ? Est-ce elle ? Ou si c'est vous, monsieur le Chevalier ? Mais répondez-moi donc, d'où vient votre embarras ? Qu'avez-vous dit enfin ? Et qu'a dit la Marquise ? Eh de grâce... Eh laissez-le finir. Continuez ; eh bien ? Je crois que vous avez refusé poliment. Quel charme pour moi ! Non, tous les autres amants Pour les femmes n'ont plus de tels ménagements. Non, c'est trop me flatter. Me donner pour les biens un mépris héroïque ! Je ne m'en pique point, adorable Angélique, Je suis moins généreux qu'il ne dit, j'en conviens, Et naturellement j'estime assez les biens. Je vous fais cet aveu, quoiqu'il me mortifie ; Mais plus les biens sont chers ; et plus l'on sacrifie Quand l'amour... Mais voilà trop de discussions, Je vous sacrifierais, hélas ! Cent millions. Votre cousin, monsieur, sera riche aujourd'hui ; Oui, son sincère amour... La soeur ici s'avance, N'offrons point à ses yeux un bonheur qui l'offense. Votre amour ! Ah, monsieur, il est sur son retour, Avez-vous dit ici tantôt à la Marquise. Le premier coup d'oeil frappe. J'aime moins, disiez-vous ; car effectivement Son esprit, qui d'abord m'avait paru charmant, Est médiocre au fond, un son de voix impose. Ah : Je n'ai qu'un chagrin, C'est d'avoir un instant refusé votre main, Et par aveuglément différé d'être heureuse. **** *creator_dufresny *book_dufresny_fauxsincere *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_fauxsincere *dist2_dufresny_verse_comedy *id_MARIANE *date_1731 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_mariane De la campagne enfin me voici de retour, Toujours même gaîté, mais un peu plus d'amour. Dorante, à vous aimer votre ardeur m'a contrainte ; Que je me sais bon gré d'avoir vaincu ma crainte ! Je craignais que l'amour ne me changeât l'humeur, Ne me rendit l'esprit lourd, sérieux, rêveur ; Au contraire, plus j'aime, et moins j'ai de tristesse : Mais qui vous rend chagrin, inquiet ? Que craignez-vous de lui ? Il est si bon. Non, il vous cédera les droits qu'il a sur moi. Monsieur Franchard a le coeur insensible. Laissons mes charmes un moment, Nous y reviendrons bien, parlons solidement. Je vous ai dit vingt fois que nous servant de père, Quand le nôtre mourut, il promit à ma mère De se déterminer entre ma soeur et moi. Bon ! Sans savoir pourquoi. Et sitôt qu'il saura votre amour... Rassurez-vous, ici son retour nous rassemble. Au bon monsieur Franchard vous direz librement, (Comme nous parlons tous à lui gauloisement,) Vous direz : Mariane est aimable, je l'aime. Lui d'un ton brusque et franc vous répondra de même. Vous aimez Mariane ! Eh bien, épousez-la, Je prendrai son aînée, ajustons tout cela, Consultons ma commère, et l'une et l'autre fille. On tiendra là-dessus le conseil de famille. Sans cérémonial, sans fard nous opinons, Monsieur Franchard et nous ensemble nous vivons Comme de bons amis, que le bon coeur dispense De cent égards gênants dont l'amitié s'offense. Vaine crainte d'amant ; Ma soeur aimer ! Ma soeur ! Elle est d'une indulgence... Elle s'entête ainsi cinq ou six fois l'année, Et c'est sans conséquence. Non, croyez-moi, Dorante ; elle n'a pour objet Que de trouver quelqu'un qui la flatte sans cesse Sur sa bonté de coeur, sur sa délicatesse, Sue ses raffinements, non pas de bel esprit, Car elle n'en a guère, entre nous deux soit dit ; Et le peu qu'elle en a, si fort elle l'affine, Qu'il se réduit à rien. Ha, ha ! C'est de la nouveauté pour moi que ce mot-là : Il exprime pourtant, il marque un caractère. Ma soeur vient m'embrasser après un mois d'absence. Laissez-nous. Je me plais à la voir marcher nonchalamment. Marque d'un coeur tranquille. D'avoir monsieur Franchard, qu'elle sera contente ! Oui, de monsieur Franchard je serai dégagée. Ma soeur, monsieur Franchard, moi, Dorante que j'aime. Tout cela va d'abord s'arranger de soi-même. Nul obstacle. Tu viens bien lentement. Et moi je cours, ma soeur, et je t'embrasse. Et pourtant embrassade à la glace. Mais quand on aime autant que l'on peut, c'est beaucoup. Çà de te réjouir je suis impatiente. Quel plaisir d'animer une soeur indolente ! Celles, è qui le coeur sur l'amour ne dit rien, D'ordinaire ne sont sensibles qu'au grand bien. À son départ, ma soeur, tu fus un peu jalouse, Un peu fâchée, ayant droit d'aînesse sur moi, Qu'un tuteur opulent me préférât à toi. Tu ne l'avoueras pas. Mais si sa fantaisie Par mes soins se tournait enfin de ton côté ? Il peut changer de volonté : Il ne veut après tout qu'une femme, un ménage. Je te le cède. Oh ! C'est ton vrai partage. À qui peut-il jamais mieux convenir qu'à toi ? Dont l'humeur est toujours tranquille, reposée... Un homme âgé se plaît dans la tranquillité. Toi, qui seras pour lui complaisante, attentive, Tu le ménageras mieux que moi, qui suis vive. Il quitte le commerce, il ne veut plus de foins, Tu le gouverneras. Chacun sait que le tien est pétri d'indolence, Et tu te vantes d'être insensible à l'amour. Comment ? Achève. Aime-t-elle ? Oh Ciel ! Conjoncture cruelle ! J'aime aussi. Mais, non, tu n'aimes pas toi. Cela ne se peut pas. Le chagrin qui me prend, te doit faire connaître Que je te parle, hélas, très sérieusement. J'aime Dorante. Valère ? Un ami véritable en huit jours ! Sublime en franchise ! Il faut plutôt se défier Des vertus dont l'excès a trop de singulier. Et c'est ce qu'il a de trop que ce plus là ; Et le vrai m'est suspect quand on va par-delà. Qu'entends-je ! Votre gendre ! Quel malheur ! Avec moi, ma mère ! Mais vous aviez parlé de Dorante pour moi. L'on me destine à lui : conjoncture cruelle ? Où tend donc ce discours ? Cette froideur m'étonne, Mon visage n'avait encor glacé personne ; Mais jamais de déplaire on n'eût tant de plaisir. Votre offensant aveu comble ici mon désir, Et de vous je me vois par là débarrassée. Je ne prévoyais pas la fin de tout ceci. J'interromps vos plaisirs : j'entrevois ses raisons ; Ma vanité du moins me donne des soupçons : Votre froideur pour moi n'est qu'une feinte habile ; Ou vous croyez ma soeur à gagner plus facile, Ou Dorante voulant devenir mon époux, Vous craignez que ce soit un obstacle pour vous. Ainsi mon intérêt à moi M'oblige donc, monsieur, à vous être contraire. Je n'épargnerai rien pour détromper ma mère. Je cache peu le mien ; et j'ai déjà cherché De quoi du moins, de quoi... mais là-dessus silence, Avec vous qui savez parer les coups d'avance. Je ne la prendrai pas, et dans l'instant je pense... Ne vous connaissant point j'ignore quel intérêt Vous peut... Qu'entends-je ? Que dit-elle ? Hélas ! Puis-je espérer ?... Pour quelque temps du moins faisons tout différer. Elle viendra : n'ayez point de souci. Elle veut à ma soeur dévoiler ce mystère ; Et confondre et punir le Chevalier Valère. Sa Laurette qui sort vient de m'en assurer ; Le coup est assommant, il ne peut le parer. Ah ! S'il faut qu'une fois la Marquise s'explique Devant le Chevalier et devant Angélique, De détromper ma mère ensuite il est aisé. Il vient, n'éclatons point, sans doute il préviendrait... Nous sommes trop discrets c'est là votre embarras. Vous le savez fort bien ; mais votre intention, C'est d'échauffer d'abord la conversation, Afin que parlant trop à l'envi l'un de l'autre, Nous cachant vos secrets vous démêliez le nôtre. Franche, mais comme vous, Je vous fais un aveu lorsque j'y suis contrainte. Quand je vois que je puis me déclarer sans crainte, Jamais de souterrains, tout à jeu découvert, Projets développés, franchise, coeur ouvert. Je vous déclare donc qu'on détrompe Angélique. La Marquise qui vient avec elle s'explique, Un éclaircissement les doit instruire à fond Que votre coeur est vaste, en amour très fécond. Comment ? N'être point accablé Les voyant toutes deux prêtes à vous confondre ! Avec ce Chevalier on a l'esprit en l'air. Pour se justifier le tour est délicat. Mais votre amour subit fait du moins un ingrat, Qui manque de parole... En tout comme en tendresse. De te laisser duper auras-tu la faiblesse ? Je suis au désespoir de tout ce que je vois. De grâce, suspendez dans cette conjoncture ; Je commence à voir clair, et pareille aventure... Oh ! Le tien t'ouvre les yeux. Le tien juge-t-il mieux ? J'y suis aussi, monsieur, vous pouvez tout sur nous. J'en vois une, en chassant un Chevalier trompeur. C'est ce qu'il a prévu. Tu méprises le bien, c'est ce qu'il a connu. Près de Monsieur jugeant le bien peu nécessaire, Ne pouvant rien risquer non plus près de ma mère... Le Chevalier l'emporte, et tout lui réussit ; Sa naissance, son nom, tout pour lui s'éclaircit. Cet autre Chevalier, loin de le méconnaître, Dissipe le soupçon que lui-même a fait naître ; Il le dit Valère, et de plus son cousin. Examens superflus, monsieur Franchard termine, Et las de ces détails ne veut plus de délais. Ce cousin en effet a cité tant de faits, Que moi-même à présent je crois qu'il est Valère, Enfin pour le contrat on attend le notaire. Dorante je vous perds. Il les aveugle tous, madame, il nous désole. Quoi ? Tu connais un Rapin ? Il est ici ? Ah ! Dorante, j'espère... Où le trouverait-on ? J'espère que ma soeur connaîtra sa faiblesse. D'où vient l'étonnement que je vois à Laurette ? Le cousin est dans quelque embarras. Vous vous connaissez donc ? Aveux de faux sincère. Ou monsieur avouera ce qu'on sait déjà bien, Disant qu'il n'est pas noble, ou disant je n'ai rien ; Ou voyant que pour moi, monsieur s'explique, Il se glace pour moi, brûle pour Angélique : Il ajuste les tons de ses aveux au temps, Aux affaires, aux moeurs, aux faiblesses de gens. Pour tirer mieux parti de sa souple franchise, Il gagnait par raison la prudente Marquise : Il raffine avec vous, ma mère, en bonne foi : Il prend un ton léger, naturel avec moi : Sa franchise devient morale avec Dorante, Avec monsieur Franchard elle est brusque et tranchante. J'ai parcouru les traits qu'on a vus jusqu'ici, Vous le reconnaissez, mon travail est fini. **** *creator_dufresny *book_dufresny_fauxsincere *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_fauxsincere *dist2_dufresny_verse_comedy *id_LAMARQUISE *date_1731 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lamarquise Il me l'a trop promis. Ne crains point de surprise. Hé quoi ! Veux-tu douter aussi de sa franchise ? Quoi donc ? Pour être franc faut-il être greffier ? Sa franchise est charmante. Laurette, tu vois bien Qu'à suivre tes conseils je ne néglige rien. Mais je sais qu'en m'aimant il me croit peu de bien. Peut-il me voir sans cesse ? Suivre partout mes pas ? J'exige moins de lui. T'a-t-il jamais paru plus tendre qu'aujourd'hui ? Oui, je serai discrète encor sur cet argent. Tu me fais là très mal le portrait de Valère. Des transports, me dis-tu ? Crois-moi, son caractère... Comme je ne suis plus dans la grande jeunesse, Peut-il avoir pour moi cette vive tendresse ?... Qu'il est aimable ! Soins superflus, Nous l'avons engagé de garder le silence. Sans cesse contre vous ma Laurette déclame. Je ne m'en cache point, je prends des conseils d'elle ; Je suis pourtant en garde un peu contre son zèle. Ai-je tort ? Laurette, entends-tu bien ce sincère langage ? Je mérite l'estime, hélas, rien d'avantage. N'est-ce pas là me dire avec sincérité, Sans me flatter crûment, que ma beauté se passe. Ni l'âge. N'est-ce pas, sans crainte d'offenser, Dire qu'à la jeunesse il me faut renoncer ? Est-ce-là flatter ? Je n'ai qu'un mot à dire, et vous pouvez m'attendre. Non, pour le contrat passez chez le notaire, Et sitôt que j'aurai terminé mon affaire Nous irons toutes deux vous rejoindre chez moi. Je veux signer ce soir. C'en est fait. Apprenons lui du moins que nous ouvrons les yeux. Cette explication par avance vous trouble ; Vous avez beau vouloir reprendre vos esprits, Vous n'êtes pas, je crois, moins confus que surpris. Par quel tour d'éloquence ici pouvoir répondre ? Tour singulier ! Qui donc me fera voir à moi votre innocence ? Moi parler pour vous ? Moi ? Tours subtils ! Vous vous moquez d'oser tenir un tel langage. Lorsque par un solide et sensé mariage, Ce sont vos propres mots, on songe à s'arranger, Et que de l'inconstance on prévient le danger, En fondant sur l'estime et sur la convenance Un établissement. Il me parlait ainsi, j'en conviens. Il ne vous en paraît à vous que plus aimable ; Mais cet aveu doit faire un autre effet sur moi. Sur son amour pour vous est-il de bonne foi ? Il peut l'être, il est vrai, je vous cède en jeunesse : Il peut ne l'être pas, je vous cède en richesse. Suivez monsieur, suivez votre nouvel amour. Je vous laisse. Peut-être aurai-je aussi mon tour, Et mes cent mille écus qui sont secrets encore, Donneront du dessous à celle qu'il adore. Laisse-moi. Laisse-moi, te dis-je. Je vous vois agité, la démarche incertaine, Vous, qui devez jouir d'un tranquille bonheur. En quel état est donc à présent votre coeur ? Un homme toujours vrai doit-il exagérer ? Je puis donc me flatter qu'en amour vos paroles Près d'Angélique étaient de fortes hyperboles, Dans votre bouche un vif et violent amour ; Est-ce à dire qu'il perd sa force en moins d'un jour ? C'est là flatter mon espérance : Car on sait qu'en effet ces espèces d'amour, Comme le vôtre, nés, formés en peu de jours, Souvent cessent de même. Quelqu'un m'a dit, Et j'ai cru même voir qu'elle a fort peu d'esprit. Mais sur elle, après tout, je m'aveugle peut-être, Comme sur vous. Selon c e que j'entends Ne la voyant point vous guéririez, je pense. Mais... de ne la plus voir. D'autres liens... d'accord. Oui, par devoir, je crois, Vous oublierez bientôt Angélique pour moi. Ainsi par un contrat j'aurais pleine assurance De votre oubli pour elle, et de votre inconstance. Si ce retour subit est naturel, ou non, Je ne puis en juger que par les circonstances ; Car vous avez fort bien observé les nuances, Pour passer finement d'un amour ralenti À la raison qui prend le plus riche parti. Dans mon aveuglement je m'y serais trompée ; Mais dans cet entretien m'étant tout occupée À démêler en vous l'amour et l'intérêt, Je vois... Je ne vois plus qu'en vous que feinte et politique, L'intérêt vous a fait adorer Angélique, L'intérêt à présent vous fait changer de ton. Si vous faites céder l'amour à la raison, De mon côté je dois devenir raisonnable ; Car votre amour pour elle est faux ou véritable : Véritable, il me fait trembler pour votre coeur : Et s'il est faux, je dois rompre avec un trompeur. Il manque à mon bonheur de pouvoir être utile, À ces tendres amants, contre un trompeur habile. Je voudrais que chez vous on eût d'assez bons yeux, Pour pouvoir démêler son manège odieux. J'ai vu qu'il sait masquer jusques à sa parole : Dans ses tours et détours il ajuste à propos Par des rapports forcés le vraisemblable au faux ; Avec tant d'art enfin il sait se contrefaire, Qu'à force d'être fourbe il leur paraît sincère. Moi, je vais pas pur zèle apprendre à votre soeur Ce qui la doit enfin tirer de son erreur. Je persuaderai ; car je ne sens en moi Qu'un défit d'obliger les filles et la mère : Contre le Chevalier ni dépit ni colère. Un dépit vif ne fait que suspendre l'amour, Mais un juste mépris le guérit sans retour. **** *creator_dufresny *book_dufresny_fauxsincere *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_fauxsincere *dist2_dufresny_verse_comedy *id_DORANTE *date_1731 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dorante Ma tendresse, La crainte d'un tuteur. Hélas ! Ce tuteur aujourd'hui Revenant à Paris après quatre ans d'absence, Voudra vous épouser : j'en frémis quand j'y pense. Je cesse d'espérer dès que je vous revois ; Par vos charmes toujours ma peur se renouvelle ; Pourra-t-il vous céder en vous voyant si belle ? Vous ne sauriez jamais me le persuader : Quelqu'un vous céderait pouvant vous posséder ! Non, non. Il a des yeux du moins. Non il n'est pas possible Que vos charmes... Mais il penchait pour vous. Ah ! Je tremble. Ah l'aimable famille et charmante union ! Mais vous vous flattez trop en cette occasion : Comptez-vous qu'Angélique accepte à votre place Votre monsieur Franchard, et vous en débarrasse ? Comptez-vous qu'elle n'ait aucun engagement ? Je crains bien que son coeur... Pour l'une de vous deux votre mère, je pense, Sur certain Chevalier a formé des desseins. Peut-être je le crois, parce que je le crains : Mais enfin votre mère en paraît entêtée. Elle forme un projet. Cet homme me chagrine. Je connais votre mère, il prendra son esprit, Il est très dangereux. Hier il me surprit, Voulant lier, dit-il, avec moi connaissance, Il exige d'abord entière confidence : Il me dit ses défauts, et ceux qu'il trouve en moi ; Mais il les adoucit ; et dans l'instant je vois Que par le même tour il me blâme et me loue ; Qu'en blâmant avec art, habilement il joue Sous le jeu d'un censeur celui d'un complaisant. Il n'est point flatteur, non, c'est un ton différent. Il paraît s'échapper par des traits véridiques, Mais chaque mot le mène à ses fins politiques : Quand il vous croit en garde, il se découvre un peu Pour vous faire avancer et se donner beau jeu : Profitant de l'amour qu'on a pour la franchise, Fait parade du vrai, qu'il farde et qu'il déguise : Faux, même en disant vrai, faux sincère... Caractère de cour. J'entends par faux sincère, Celui qui sait piper sur la sincérité, Comme un fin courtisan fait sur la probité : Qui dit vrai trente fois pour pouvoir mentir une Dans une occasion qui fasse sa fortune : Hypocrite en franchise est à peu près le mot ; Pourquoi pas faux sincère ? On dit bien faut dévot. Vous m'avez redonné l'espérance. Cette Marquise encor ne paraît point ici. Je tremble... Pas tant que vous pensez, cet homme est bien rusé : Jamais sur ses discours il ne donne de prise, Nul mensonge grossier, mais le vrai qu'il déguise Sert à ses fins sans risque, et mieux que s'il mentait. Vous êtes trop prudent, et vous n'en ferez rien. Si par ces aveux francs, dangereux aujourd'hui, Tel savait ce que tel au vrai pense de lui, Que de gens changeraient en haine leur estime ! La froideur saisirait l'ami le plus intime ; Glace entre les amants, haine entre les époux ; Chez les hommes enfin si tous s'ouvraient à tous, Bientôt cette franchise au fond si désirable, Par son excès à tous serait insupportable. Qui la cache ? Non pas, dites qui la déguise. Tout dire c'est souvent une indiscrétion. Être franc, ce n'est pas dire tout ce qu'on pense, C'est ne dire jamais ce qu'on ne pense pas. Pour nous très inutiles. En cela vous avez un de ces grands talents Des négociateurs et des fins courtisans, Qui feignant avec art de ne pouvoir se taire, Font briller leur esprit en l'air sur une affaire, Pour engager leur homme enfin à trop parler. Laissons les hyperboles, Et naturellement, monsieur, déployons-nous. Je vois qu'il en est temps. Voici les deux objets de vos feintes tendresses, Je vous laisse, monsieur, entre vos deux maîtresses. Mais... Faites au moins l'épreuve, elle est simple et facile, Et quelquefois un rien confond un homme habile. Sur ce qui s'est passé l'on a quelque soupçon Qu'il n'est point Chevalier, qu'il a pris un faux nom. Fort bien : mais nous avons une autre épreuve à faire, Beaucoup plus simple encor, un seul mot suffira. Il se vante, on le sait par des gens très croyables, D'avoir en son pays des biens considérables. Vous lui demanderez, êtes-vous riche, ou non ? Je vous attends, monsieur, contre un second Valère, Qui vous doublant ici, cache quelque mystère, Comme vous aux Rapins prenant grand intérêt. Enfin monsieur Franchard voudra bien, s'il lui plaît, Jusqu'à ce qu'il l'ait vu, différer et suspendre. Voyons s'il est ici, Que cet événement soit sur l'heure éclairci. Cette décision m'accable, mais enfin Je m'obstine à douter, je rêve, j'examine. Je vois pour mon malheur qu'on ne peut plus surseoir. Je suis au désespoir. En effet, par quel art, par quel enchantement Leur rend-il vraisemblable un tel événement ? Car il est naturel que deux cousins Valères Viennent ce deux Rapins suivre ici les affaires ? Qu'une succession... Comment ? Ils en ont fait mystère. Ceci cache un complot. Ce Rapin doit connaître un de ces deux parents. Suivons ceci de près, il pourrait disparaître. Vous reconnaissez donc monsieur pour ce qu'il est ? Quel bonheur est le mien ! Sentiments naïfs, vrais, franchise respectable ! Voilà ce qui s'appelle un caractère aimable. **** *creator_dufresny *book_dufresny_fauxsincere *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_fauxsincere *dist2_dufresny_verse_comedy *id_LAURETTE *date_1731 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_laurette Madame, pardonnez si l'on vous incommode. Monsieur Franchard dont le crédit, dit-on, S'étend jusqu'au Mexique, aux Indes, au Japon, À plusieurs commerçants donne longue audience. Il nous envoie ici l'attendre en patience : Madame la Marquise ose vous demander Si dans ce salon-ci, sans vous incommoder, Il lui serait permis... Nous rendrons grâce à votre bonté. Madame, entrez ici. Le Chevalier Valère Viendra vous avertir, lorsque sur votre affaire Monsieur Franchard pourra vous parler en secret. Mais ce bon commerçant sera-t-il fort discret ? Pour celui-là, d'accord. Il est franc du collier. Plût à Dieu qu'il en fût ainsi du Chevalier ! Vous ne me verriez pas vous fatiguer sans cesse. Et blâmer fortement votre aveugle tendresse. Vous n'auriez pas besoin de la justifier. Eh cela n'y nuit pas. Ah quelle différence ! Monsieur Franchard dit tout, même plus qu'il ne pense, Propos interrompus, peu de sens, mais fort net, Hors qu'il n'a point d'esprit, c'est un homme parfait. Mais votre Chevalier... Tout ce que j'ai pu voir encore, c'est qu'il s'en vante. Raison pour l'éprouver. Il faut de son amour une preuve certaine. Des Indes il vous vient cent mille écus d'aubaine. Cette succession arrivant en secret, Vous m'aidez, j'en conviens, à suivre le projet, Que j'ai conçu d'avoir aujourd'hui quelque preuve S'il aime en vous, madame, ou l'argent ou la veuve. Peu ! C'est un pis-aller pour celui qui n'a rien. D'ailleurs depuis un temps il a moins de tendresse. Il vous voit moins souvent. Plus tendre ? Ah je le crois, et le serait peut-être Si dans ce logis hier, où je le vis paraître, De vos cent mille écus il avait eu vent. Courage, ma raison fait revenir la vôtre : Nous avons grand besoin et de l'une et de l'autre. Deux raisons, est-ce trop contre un amour maudit, Car enfin, croyez-moi, je vous l'ai déjà dit, Tous ces jeunes amants ont acquis l'art de feindre D'un certain air aisé, naïf, sans se contraindre, Ils joignent de si près les transports au sang froid Qu'en voyant un amant on ne sait ce qu'on voit. Est moins vif, j'en conviens. Il prend un autre ton, Un amour mitigé, mélangé de raison. Et d'autant plus suspect. Vous voyant raisonnable Il affecte un amour au vôtre tout semblable, Comme il affecterait l'amour extravagant Pour plaire à la plupart des femmes d'à présent. Il vient. Est-ce l'air, dites, d'un homme franc ? Bon. Voilà de but en blanc, Passant sur ce qu'on craint, aller à ce qui charme. Mais sa présence ici, m'inquiète et m'alarme, Il vous a dit tantôt que pour un sien ami Au bon monsieur Franchard ayant affaire aussi Il voulait lui parler. Ah c'est de notre affaire Dont il prétend par lui pénétrer le mystère ; Il saura le secret de vos cent mille écus : Monsieur Franchard pourra dire... Le Chevalier Valère avec lenteur s'avance. Observez-le un moment, car il ne nous voit pas ; Son air sombre rêveur marque quelque embarras. Je l'observais hier chez nous dans un passage, Une noirceur couvrait et fermait son visage. Je parus, tout à coup son visage s'ouvrit ; C'est comme un rideau noir qu'il tire... L'ai-je dit ? De franchise, monsieur, me ferait appétit, Il en parle avec goût. Qu'il a d'esprit, madame ! Redoublons donc nos coups. Moi contre votre amour, et le tour singulier De celui qu'a pour vous monsieur le Chevalier. Je me défie un peu d'un amant assez sage Pour savoir de sang froid prendre son avantage. On se trompe bien moins aux amants transportés. Chacun leur croit le faux des jeunes emportés Dont la tendresse n'est qu'une brusque folie ; Mais monsieur est nouveau, par sa façon polie, Il a prit finement votre coeur par raison. En cas d'amour, morbleu, raison c'est trahison. Le tour est fin ! Il connaît le terrain. Oui. D'une façon nouvelle : C'est une flatterie, oui, je la soutiens telle : C'est parler selon vous, c'est prendre votre ton. Sur l'âge et la beauté vous outrez la raison ; Sue le bon esprit seul vous voulez qu'on vous loue. Le rôle, qui vous plaît, finement il le joue Pardon, monsieur, pardon, si de vous je médis. Mettons en cas d'amant toujours la chose au pis : Nous en rabattons bien. Répétons-le, madame, Monsieur vous connaissant sur l'âge très peu femme, Et sachant à quel point vous aimes les gens francs, Vous flatte et vous paraît sincère en même temps. Il est expéditif le bon monsieur Franchard, La parole lui vient sans réserve, sans art. Madame la Marquise enfin voudrait savoir, Si vous lui livrerez l'argent avant ce soir. C'est Rapin ! Oui, c'est Rapin lui-même. Enfin par un bonheur extrême, Je retrouve à Paris l'agréable Rapin, Cet ami de Rouen, ce gracieux voisin. Mais me reconnais-tu ? Quel accueil ! Quel visage ! Depuis cinq ou six ans mes droits de voisinage, De conversation, et de société, Sont-ils oubliés ? Quoi ! Plus d'affabilité ! Un bureau de tabac et cinq ans d'opulence, Vous ôtant belle humeur, bon coeur et complaisance, D'un homme sociable auraient-ils fait un fat ! Tout beau... D'une Marquise, moi, je suis compagne presque. Héritier ! Toi ? Toi, des successions ? As-tu des parents, toi ? Puisse-t-il remourir au gré de ton envie, Mon pauvre Rapin. Fort bien ! Soit en surtout, en justaucorps ou veste, Ce n'est pas à présent ce qui fait mon souci. Je vais guetter un homme... Et ma langue et mes yeux : et quand je te verrai, Pour te faire plaisir je te méconnaîtrai. Ce Valère est tenace, il ne sort point d'ici. Puis-je sans être vue observer avec soin... Il vient, éloignons-nous. Ah ! Je triomphe enfin, J'ai vu, tout entendu. Trop rusé Chevalier, tu seras confondu ! Je sais qu'il vous traverse ici, mademoiselle, Aussi pour vous servir j'emploierai tout mon zèle. Vous le saurez ; permettez, s'il vous plaît, Que j'aille à ma maîtresse apprendre ce mystère. Suffit : nous le tenons, cet homme si sincère. Sans doute ; mais, monsieur, conclurez-vous l'affaire, Quand vous-même, surpris de ce second Valère, Avez pris du soupçon ? Ma maîtresse vous cherche, elle est dans une joie... Ses trois cent mille francs me ravisent aussi. Sont-ils prêts, monsieur ? Quoi ! Vous êtes ici, Monsieur le Chevalier ? Bon, mon plaisir redouble De voir que cet argent vous échappe et vous trouble. Vous avez, pour changer, bien mal pris votre dame. Nous vous suivons. La chance est bien changée. Je puis dire à présent que me voilà vengée. Sans rancune, monsieur. C'est dans ce cabinet, qu'on va compter l'argent. Mais où tournez-vous donc ? C'est là qu'on vous attend, Là, que monsieur Franchard vous doit livrer la somme... C'est là qu'il faut aller : et non pas vers un homme... Déserteur en amour, perfide, renégat. Voyant votre dépit tantôt après l'éclat, De votre passion je vous croyais guérie ; J'ai cru que votre amour était à l'agonie ; Mais en amour la femme, hélas, revient de loin. Mais de moi n'auriez-vous pas besoin ? Ouais ! Craindre ainsi ma présence ? Mollirait-elle ? Avec monsieur Franchard votre affaire est conclue, Votre raison de plus pour toujours revenue, Voilà bien des bonheurs, madame, en moins d'un jour ; Toucher cent mille écus, et n'avoir plus d'amour. Successions, cousins, Deux Valères ici, dites-vous, deux rapins ? J'entrevois... Un éclair qu'il faut suivre ; Je connais un Rapin déjà, je vous le livre. Oui tantôt je l'ai vu ; Pour hériter d'un oncle il est ici venu. Lui-même. Ne perdez point de temps, Ici chez le caissier il est encor peut-être. Avec ce zèle pur vous lui serez suspecte ; Il ressemble un peu trop à celui qu'on affecte, Pour décrier l'amant qu'on veut garder pour soi. Moi, je n'espère rien d'une aveugle tendresse ; C'est, si vous m'en croyez, au seul monsieur Franchard Que vous devez... Je cours chercher Rapin... Ah ah ! Que vois-je là ? Ah ! Ma foi c'est lui. En effet. Ma surprise est grande. Ah ! Je suis bien aise d'être instruite. Oui, tout vous sera dit. Bon. Grand secret qu'encor j'ai peine à croire ; Monsieur est ce cousin... Ah ah ! Je me remets cette grande alliance. Cousins tous deux ? Tous deux Valères, n'est-ce pas ? Je respectai toujours ceux de cette maison. Monsieur le Chevalier premier, premier du nom, Vous Chevalier second aussi je vous révère ; Vous allez terminer une important affaire, Je vous en félicite, et de bon coeur, vivat. Monsieur va donc signer en second le contrat, Il sera de la noce, et nous allons bien rire. Venez, vous tendre amante, on pourra vous instruire D'un fait rare et plaisant qui peut vous consoler. Mais à monsieur Franchard d'abord il faut parler. Oh je serai prudente ; Messieurs les Chevaliers je suis votre servante. Il a vu qu'en secret j'allais le dire à tous, Il vous en a donné la préférence à vous. Ah bon ! Voici la crise. Tromper en tout, ce n'est que tromper ; mais, madame, C'est un crime réel que tromper une femme. De l'avoir démasqué je prends pour moi la gloire, Et je vous laisse à vous le prix de la victoire. Vous avez-là, monsieur, un mauvais juge. Caractère très rare et bien plus singulier, Que ne nous l'a paru celui du Chevalier. Fausse sincérité, c'est sur toi que se fonde L'art de dissimuler ancien comme le monde. Dès l'âge d'or détours, feintes, déguisement, Mais les trompeurs d'alors trompant grossièrement, Étaient d'abord connus, haïs des autres hommes : Au lieu que les plus francs dans le siècle où nous sommes, Ont poussé si loin l'art de fasciner les yeux. Que ce sont quelquefois ceux qu'on aime le mieux. Ne vois-je point ici de ces trompeurs aimables ? Car les plus gens de bien pour être impénétrables, Se couvrant d'un air franc comme d'un bouclier, Tiennent du moins un peu de notre Chevalier. **** *creator_dufresny *book_dufresny_fauxsincere *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_fauxsincere *dist2_dufresny_verse_comedy *id_RAPIN *date_1731 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_rapin Moi, monsieur ! Dans l'instant je descends de cheval, Et loin d'avoir encor parlé ni bien ni mal, Je vous suivais de loin dans un profond silence, Et laissais écouler la foule en patience. Monsieur Franchard apporte ici plusieurs dépôts : Un entre autres, monsieur, qu'un Rapin à Ligourne... Qu'est-ce à dire, encor ? Comment un Chevalier ?... Arrêt sur ce dépôt, monsieur, ne payez rien. Tant mieux ; car vous pourrez m'entendre. Rapin vivant m'étonne ! Pour mieux approfondir il faut cacher mon nom. Qui me vient nommer hors de saison. On ne peut un moment... Quel parti prendre ? Pas encore. Mais étant prêt à changer d'état, Prêt d'être tout, ou rien, de monter ou descendre, Entre deux fers, je rêve au ton que je dois prendre ; De quel air avec vous je me comporterai ; Si de vous avoir vue ailleurs je conviendrai ; Si l'oubli méprisant que donne l'opulence, Me fera riposter à votre révérence Par un demi coup d'oeil sur vous de haut en bas ; Vous disant froidement : je ne vous remets pas, Mademoiselle : ou si reconnaissant Laurette, Et laissant échapper une joie indiscrète, T'embrassant, comme étant avec toi de niveau, Comme une ancienne amie et voisine... Et moi, presque Seigneur, mais c'est peinture à fresque, Seigneurie en détrempe, et qui ne tiendra pas ; J'en ai bien peur, du moins c'est là mon embarras. Des Indes il me vient un million peut-être, Par un Monsieur Franchard, qu'ici tu peux connaître. Peut-être rien aussi ; car la succession Vient de si loin, qu'elle est sujette à caution. Quelque soit ce dépôt enfin, chère Laurette, Chez ce monsieur Franchard j'en viens faire recette. Le parent dont j'hérite... Moi, moi. Hélas ! J'en ai trop d'un, Laurette, dont j'enrage : Apprends à ce sujet mon fécond parentage. J'ai des aïeux nombreux autant que ceux des rois, Mais moins nobles un peu, quoique du même bois. Deux mille ans changent bien l'état d'une lignée. Je suis Claude Rapin, né de la branche aînée Du brillant clinqualier Boniface Rapin. Certain Jean cru défunt jadis, et mon cousin De Caen en sept cent un sortir dès son enfance ; Il se fit, disait-on, brodant sur sa naissance Recevoir Chevalier : moi, moins ambitieux, Je me fis recevoir commis en sept cent deux : Or, ce Rapin cru mort, j'apprends qu'il est en vie. Chut. Laissons en blanc mon nom ; Pour le remplir, sachons si l'héritage est bon. Rapin est un nom pauvre, et selon l'opulence Je réglerai le nom, l'habit et la dépense. Archinoble, si j'ai richement hérité : Sinon, toujours Rapin, dans mon obscurité Et dans mon surtout brun enveloppé, je reste. Et j'en quitte un aussi, Qui vient par la moitié trancher mon héritage ; Qu'ici j'obtienne au moins que ta langue sois sage. Un Chevalier Valère à Rapin s'intéresse ! Pour connaître cet homme usons ici d'adresse : Je puis changeant d'habit être mieux éclairci... Oui, courons nous parer. Dans le temps où nous sommes, La parure du moins aide à parler aux hommes. Tous deux ensemble ! Bon ! Profitons de l'instant Pour découvrir le fait qui m'intéresse tant, Et connaître quel est ce Chevalier postiche, Qui vient à mes dépens, je crois, se faire riche. Vive monsieur Franchard, vive sa probité, Salut, honneur et gloire à son intégrité. Qu'un pareil commerçant ait le pas dans l'histoire Sur l'illustre guerrier, dont bien souvent la gloire Appauvrit les humains ; au lieu qu'un commerçant Au contraire s'illustre en les enrichissant, Comme vous qui venez contre vent et marée D'apporter par dépôt mainte somme ignorée, Affrontant les écueils, la tempête et les flots, Et les tentations que donnent les dépôts. Cela se pourrait bien, car la mienne en fourmille. Oui, très ancienne maison. Dans les brouillards on voit la tige des Valères, De Valère Maxime on fait venir nos pères : C'est là notre roman ; mais plus modestement Nous nous contenterons de venir seulement Monsieur Valère et moi, des Comtes de Provence. Race féconde ! Ainsi dans l'univers épars Nos pères remplissant Picardie et Provence, Peut-être nous avons entre nous alliance. Quoi qu'il en soit, étant tous deux de même nom, Vous Valère Picard, comptez sur moi Gascon. Nous les dissiperons. Le seul point qui m'amène, C'est de prendre votre heure en vous donnant la mienne, Pour la succession d'un feu Rapin... Serait-ce mon cousin ? Il pâlit, il se trouble. Eh oui, c'est tout comme le mien. Mon pauvre diable à moi d'hériter fait fort bien, Car il n'avait vaillant rien que son industrie. Mes preuves seront claires ; Tantôt titres en main on verra sûrement Que mon ami Rapin est un homme existant. Seulement j'ai voulu par ce préliminaire Voir, comme je le vois, à qui j'aurais affaire. Monsieur protégera son homme avec chaleur, Moi je protégerai le mien avec ardeur, Non comme protecteur de cour fait en paroles, Vaines ostentations, et promesses frivoles, Mais par bonté de coeur, et beau jeu, bon argent. Pour nos Rapins enfin notre zèle est ardent, Comme si j'étais, moi, mon bon Rapin que j'aime, Et que vous fussiez, vous, votre Rapin vous-même. Tantôt papier en main nous débrouillerons tout. C'est mon cohéritier ; tantôt je l'ai fait craindre : Voyons si par la peur je pourrai le contraindre À me dédommager de ce qu'il est vivant. Il veut m'aborder, tenons bon. Il vient à l'abordage. Essentiel ? Tant mieux. Qui peut servir ou nuire, Peut se faire valoir autant qu'il le désire. Certain rival ici libéral, séduisant, Demande du secours en un besoin pressant. Tout ainsi que l'argent pour rendre un nom illustre, L'argent peut par hasard aux noms ôter du lustre. Ce rival donnerait la moitié de son bien, Pour pouvoir dégrader votre nom par le mien. Quoique notre nom brille, il a plus d'une face. Venez, monsieur, venez discuter notre race. Des Valère au vrai, tant gascons que picards, Je connais de tout temps même jusqu'aux bâtards. Venez... hésitez-vous ? Qu'avez-vous donc, monsieur ? Vous paraissez ému. Moi je suis plus discret, et mon sang-froid redouble Pour gagner du terrain sur celui qui se trouble. Voici la crise, tenons bon. Entrailles ! C'est faiblesses à gens d'un certain nom. J'attends les mots touchants qu'amènera la peur. Froide reconnaissance, Qui m'endurcit le coeur au lieu de m'attendrir. Vous vivez, vous vivez, c'est à moi de mourir. N'agit point, je vous jure ; Le seul langage encor que me tient la nature, En vous reconnaissant, ma seule émotion, Mon seul trouble est causé par la succession. Quand je crois toucher tout, je vois revivre un homme, Homme cru mort, qui vient couper en deux ma somme. Parole sympathique ! Jusqu'à mon coeur parvient ton discours pathétique. Tu me cèdes ta part de la succession ? Vingt mille francs en moi causent l'émotion Par les rapports du sang et de la sympathie. Je comprends par l'ardeur qu'à l'instant j'ai sentie, Que l'instinct pour l'argent est le plus naturel, Plus fort que fraternel, paternel, maternel : Il fait sur moi l'effet du tendre cousinage : J'entends de la nature à présent le langage ; Puisque par toi j'hérite ainsi de toi vivant. À cet illustre effort je reconnais mon sang ; Je t'embrasse à mon tour, et par tendresse pure, Pour te servir ici j'irai jusqu'au parjure. Mon coeur sur l'intérêt n'est jamais en erreur. Admirables effets du tendre parentage ! Par la force du sang tu cèdes l'héritage, Par la force du sang je te fais riche époux, Par la force du sang je les trahirai tous. Pour commencer, apprends qu'Angélique surprise De t'avoir vu parler tantôt à la Marquise, De tous côtés te cherche avec empressement. Qu'elle veut un éclaircissement. Mais crois-moi, si ru n'as rien de bon à répondre, Évite un entretien qui pourrait te confondre ; Et pour paraître, attends qu'on signe le contrat. Je vais agir pour toi, mettre tout en état... Mais on vient. Traitons-nous de cousin sans mystère, Appelons-nous tout haut, mon cher cousin Valère, Valère tout haut, et plus bas, cousin Rapin. Le cousin m'a prouvé qu'il est vraiment Valère. Oui ; mais son sang-froid me pique. Quand on le calomnie, être ainsi flegmatique ! Quel flegme ! Enfin je fais serment... Non, non, ne craignez rien, devant vous je dirai Librement tout le mal que de vous je saurai. Ah ! C'est en équité mon vrai cousin Valère. J'ai bien joué mon rôle : à tous je puis répondre ; Je les mettrais au pis, morbleu pour me confondre. Que vois-je ! Il est ici dans quelque mauvais pas. Témoin de l'entretien, témoin de sa franchise, Madame, malgré lui je puis vous révéler Ce que son coeur discret voulait dissimuler. Je veux dire... Sachez que dans cette entrevue La Marquise plus tendre et plus vive... Elle m'a fait pitié. Je souffre, quand je vois Femmes, à qui l'amour fait faire quelque avance, Et qu'un homme reçoit avec indifférence ; L'amour qui porte à faux, pour la femme est mortel. La Marquise au cousin présentait le cartel, Contrat prêt à signer. Allez chez moi m'attendre, Disait-elle, d'un ton... d'un ton à pierre fendre. Lui d'un air rebutant... Sec, méprisant... Il vous la congédie. Elle désespérée... Les yeux baignés de pleurs. Quoi nul tendre retour ? Non, j'adore Angélique. Madame, il est trop vrai, pour vous il la méprise. Voilà donc d'où venait votre discrétion ? Le respect empêchait votre explication. J'aime en lui ce respect, lorsqu'il la sacrifie. Il se fâche. Le voilà si piqué, que malgré sa franchise, Il soutiendrait que c'est elle qui le méprise. Ni ce noble mépris pour l'or ; car cette amante Offrait à mon cousin dix mille écus de rente Il l'a. Sacrifice héroïque, et plus grand qu'on ne pense ! Car, madame, sachez qu'avec tant de naissance, L'un et l'autre venant d'un rejeton cadet, Nous n'avons pas le sou, je l'avoue à regret, Quand tout est possédé par le chef de famille. Parbleu depuis le temps que mon aîné me pille, Tous ses biens à présent devraient bien être à moi. Je voudrais là-dessus qu'on réformât la loi, Que chacun fût l'aîné par quartier, par semestre. Pourquoi mettre les biens d'un cadet en séquestre Dans les mains d'un aîné dont on attend la mort ? La loi fait qu'un cadet la souhaite. A-t-il tort ? Fiefs, terres et châteaux, sur l'aîné tout abonde. Parce qu'un an plutôt il arrive en ce monde. Ce monde, où les cadets ne mangent qu'à demi, Est-ce une hôtellerie en pays ennemi ; Où le premier venu par droit de diligence, Pille tout, rafle tout, mange tout, fait bombance, Pour affamer tous ceux qui viennent après lui ? Je veux mes sûretés avant la signature ; Je veux en ce moment un écrit qui m'assure Que tu ne prétends rien à la succession. Quelle exclamation. Quoi ! Refuserais-tu de tenir ta promesse ? Après avoir... Mon nom n'est plus Rapin, souviens-toi de cela. Paix, silence, sois discrète. C'est un petit secret qui roule sur un fait... Appelle-moi Valère, et pour cause. Oui, je vous dirai la chose. Je tire ici parti de ma métamorphose ; Ce Chevalier Valère est comme moi Rapin ; Le cousin m'enrichit, j'anoblis le cousin, Troc pour troc. Du secret... C'est ici de secrets une fuite. Vous saurez tout un jour. Tous deux Valères. Payons ici d'esprit. Tu m'entends ? Mais tu perds la mémoire. Je t'ai parlé vingt fois, à propos de cela, D'un cousin Chevalier, eh bien c'est celui-là, Que je revois enfin après quinze ans d'absence. T'y voilà. Elle a servi ma tante ? C'est un bon coeur de fille, elle est sage et prudente. Songes que tu me perds. Du ton qu'elle prend-là que je suis alarmé ! Ouf, j'en suis presque assommé. Hélas ! Mon cher cousin, nous tombons en roture ; De notre parenté Laurette va conclure Que nous sommes tous deux Rapins. Elle me connaît moi, te voilà reconnu. Je devine à son ton ironique, Qu'à présent contre nous la perfide s'explique. Mais au fond, Au roturier Franchard ta naissance répond, Et d'Angélique enfin l'amoureuse faiblesse Pour te servir ici de lettres de noblesse. **** *creator_dufresny *book_dufresny_fauxsincere *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_fauxsincere *dist2_dufresny_verse_comedy *id_UNCOMMIS *date_1731 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_uncommis Je n'écoute plus rien, monsieur le babillard, Je ne suis que commis, voyez monsieur Franchard. Ils n'ont qu'une chanson qu'ils répètent sans cesse. Vous... venez dans huit jours : vous... allez à la caisse : Monsieur Franchard ira. Morbleu, je suis si las... Répéter, répéter... Ils ne finissent pas. Qu'est-ce ? Allez-vous encor, vous, sur la même affaire : M'en reparlant cent fois, me remettre en colère ? Ah, ce n'est donc pas vous ? Parlez en peu de mots. Je ne m'étonne pas si la tête me tourne, Me reparler encor pour l'héritier Rapin ? Oh ! Je m'emporte à la fin ; Car depuis quinze jours pour cette même affaire. Je me vois sur le corps un Chevalier Valère, Qui chargé d'un pouvoir d'un Rapin héritier, Voulant être payé... Croit que ses beaux discours, en remplissant ma caisse, Hâtent le paiement auquel il s'intéresse. De payer de huit jours je me garderai bien. Je punis l'importun en le faisant attendre, C'est mon plaisir. Encor. Oh ! Parsembleu plus d'argent pour personne, Voyez monsieur Franchard. **** *creator_dufresny *book_dufresny_fauxsincere *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresny_verse_comedy_fauxsincere *dist2_dufresny_verse_comedy *id_UNLAQUAIS *date_1731 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_unlaquais Monsieur Franchard, madame, est prêt à vous entendre.