**** *creator_dufresny *book_dufresny_negligent *style_prose *genre_comedy *dist1_dufresny_prose_comedy_negligent *dist2_dufresny_prose_comedy *id_FANCHON *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_fanchon Ha, ah, ah. Ha, ah, ah. Monsieur, c'est un bel esprit qui demande à vous parler. Ha, ah, ah. Il dit qu'il est l'auteur d'une comédie qu'on vous a donnée à lire. Ha, ah, ah. Monsieur, il parle en chantant ; il a d'abord commencé par me dire : Monsieur Oronte est-il céans ? Vraiment il vous faut des gens extraordinaires. Oh, si vous lui répondez sur le même ton, vous ferez un concert admirable. Monsieur Oronte est-il céans ? Ha, ha, ha. Il faut qu'il ait gagné cette maladie-là à l'Opéra, et il n'est pas le seul. Si l'Opéra se soutient encore dix ans, la contagion de la musique gagnera la masse du sang des Français : on ne parlera plus qu'en chantant, et l'on ne marchera dans les rues que par pirouettes, et par caprioles. Je voudrais bien voir cela avant que de mourir. Si le chant devenait si commun, l'Opéra ne serait plus recherché. Fi, Monsieur, ce ne serait plus qu'une comédie. Le voici. Ha, ah, ah. Ha, ah. Ha, ah, ah. Autre original dont il va se coiffer, comme il a fait de vingt autres : heureusement c'est un poète malaisé ; pour de l'argent il nous rendra service. Monsieur, vous m'avez commandé de vous faire souvenir de sortir pour vos affaires. Il est plus de deux heures. Oui : un petit procès où il ne s'agit que de deux cent mille livres ; si Monsieur le perd il est ruiné, ce n'est qu'une bagatelle comme vous voyez. Il y a plus d'un an que ce procès-là dure, il n'a pas encore vu son Procureur. Hé, Monsieur. Un homme de bon sens peut-il raisonner ainsi ! Hé, partez, mort de ma vie. Quelle négligence ! Ne nous voilà pas mal ! J'enrage ! La belle avance ! Il ne finira point. Eh laissez-là l'union et l'action, de par tous les diables, songez... Pour l'intrigue, c'est une vraie affaire de femme, je la fournirai moi, ne vous en mettez pas en peine. Je m'en charge, vous dis-je, et d'entretenir Monsieur pendant votre absence ; il ne s'ennuiera pas sur ma parole. Je reviendrai le plutôt qu'il me sera possible. Ho çà, puisqu'il s'agit de travailler ensemble, quoique je ne me sois chargé que de l'intrigue, voulez-vous que je vous donne deux bons caractères ? C'est ce Monsieur Oronte-là et Bélise sa soeur. Le vôtre, par exemple, est plus Théâtral ; si vous vouliez accepter trente pistoles pour feindre d'être amoureux de Bélise, afin de s'emparer de son esprit, et de ménager son consentement en faveur d'un jeune homme que j'ai pris en ma protection ; vous joueriez ainsi un des premiers personnages de votre comédie. Bon vos règles ! Est-ce que trente pistoles ne suffisent pas pour dérégler un poète ? On le nomme Dorante. Le connaissez-vous ? Oui, je vous en réponds. Comment ? Quoi c'est lui ? Quoi ce n'était donc que pour rire que vous étiez si drôle ? Je vous félicite de n'être pas fou. C'est celui de Bélise qu'il importe le plus de ménager. Allons venez lui faire la révérence, je me charge de vous présenter ; et je m'assure qu'elle sera folle de vous, quand elle vous aura ouï chanter une conversation ou deux. Monsieur, je vous demande pardon ; mais comptez que je ne vous donnerai pas un moment de repos, votre procès est prêt d'être jugé, et je ne veux pas vous voir ruiné par votre négligence. Le ciel en soit loué. Ne me savez-vous pas bon gré de vous avoir fait faire cette démarche ? Assurément : que vous a-t-il dit ? Quoi vous ne l'avez point vu ? Quel homme ! Quel homme ! Je vous en ferai bien souvenir. Je l'ai présenté à Madame votre soeur ; il est avec elle dans la salle, où il examine parmi un assez bon nombre d'originaux qui composent la compagnie, ceux qu'il croit les plus propres pour votre comédie. Vous vous laisserez surprendre. Allez, Monsieur ! Il me fait bien plaisir de me laisser seule, car Dorante m'a fait signe de venir ici. À quoi Dorante s'amuse-t-il donc ? Je croyais qu'il allait me suivre. Je vous découvrirais bien ses petits sentiments ; mais vous m'avez la mine d'être de nos beaux à la mode, qui sont insupportables dès qu'on leur a fait entrevoir le moindre penchant pour eux. Oh, Phénix tant qu'il vous plaira : je connais les allures des jeunes gens. Si une fille se déclare d'abord, fi c'est une coquette ; les fait-elle un peu languir, ils la plantent là. Il faut qu'il dise vrai, car il me persuade. Vous êtes bienheureux que nous n'ayons pas de temps à perdre. Je ne vous dirai pourtant pas qu'on vous aime ; mais faisons comme si on vous aimait. C'est à quoi je vais songer. Cachez-vous un moment dans ce cabinet ; Et vous, passez dans cette chambre, où j'aurai soin de vous mener Bélise : disposez-vous à faire chacun une belle déclaration d'amour, Vous en vers, Et vous en prose. Pour vous, quand vous verrez Angélique seule, vous n'aurez qu'à l'aborder, au moins elle n'est pas avertie de tout ceci, prenez vos mesures là-dessus... Mais j'entends la voix de Bélise, entrons. Madame... Ce bel esprit qui vient de vous faire la révérence... Il extravague, Madame, il est tout feu dans cette chambre où il se tourmente comme un possédé ; il se promène à grands pas, il se mord les doigts, fronce le sourcil, se donne de grands coups sur le front, parle tout seul, et de temps en temps il reprend un air gai, fait trois ou quatre cabrioles, et puis il griffonne je ne sais pas quoi sur ses tablettes. Enfin s'il n'est pas tout à fait fou, je crois qu'il ne s'en faut guères du moins, et je n'oserais dire ce que je soupçonne. Cela vous fâchera, peut-être. Vous êtes fière et si difficile. Hé bien, Madame, je crois qu'il est amoureux de vous. Il vous nomme quelquefois. Oui, Madame, et j'ai entendu même certains mots d'amour, d'adorable, de mourir ! Oui vraiment, il y a du mourir dans son affaire ; il en était là quand je suis venue. Il me semble qu'il disait qu'il voulait mourir. Quoi, vous vous quereller déjà mes enfants ? On voit bien que vous êtes destinés pour être mari et femme. Allez vous désespérer là-dedans, la tante va revenir. Et moi je vous permets tout, ne vous mettez pas en peine, allez-vous-en seulement qu'on ne vous voie pas ensemble. Hé mort de ma vie, sauvez-vous vite, voici Bélise. La belle folle ! Vous avez fait de grands progrès sur son esprit : songez à continuer de manière que vous en puissiez disposer absolument ; c'est tout le service que nous voulons de vous. Mais voici je crois le rival de Dorante. Lui homme de Cour ? Il n'a que le mauvais de ce pays-là, les faux airs, le patelinage, et la gueuserie : allez-vous en rejoindre la tante, et moi je vais sonder un peu... Monsieur, je suis votre très humble servante. Je ne l'ai pas vu, Monsieur. Oh vraiment oui, Monsieur, nous avons servi en même maison ; je l'ai vu laquais chez un homme qui l'avait été. Vous avez l'âme belle, Monsieur. Je ne mériterai jamais, Monsieur, que vous preniez le soin de me marier. C'est de l'argent comptant. Vous êtes un bon maître de lui amasser ainsi de quoi l'établir. Quelle charge lui achèterez-vous de cet argent ? La belle fortune d'homme ! J'en suis persuadée ; mais voici votre Intendant apparemment, il a quelque réponse à vous rendre ; je vous laisse. On lui a écrit un billet pour son Procès, il allait sortir pour y donner ordre, un maudit curieux de porcelaine l'a entraîné dans son cabinet, et il n'y a pas moyen d'avoir raison de lui... Mais où avez-vous laissé Dorante ? Ne sais-tu point si ce Conseiller est de nos Juges ? Dorante a-t-il été chez le Procureur ? Mais tout de bon, toi qui le connais, le crois-tu passionné de bonne foi ? Oh ! Pour cela je n'en doute point ; un joli homme comme lui ne saurait manquer de pratique ; le temps est bon. Hé, allez, allez, Monsieur, je suis comme il faut être pour la femme d'un valet de chambre. On a dit à Madame que vous étiez ici, elle va quitter le jeu pour vous venir recevoir. Vous ne la suivez pas, Monsieur ? Me voilà prête à vous écouter. Pourvu que vous n'exigiez de moi, rien autre chose que de recevoir, je suis toute à votre service. Moi, Monsieur ? Monsieur... On meurt subitement quelquefois. Vous êtes fort aimable, mais je ne répons pas que vous soyez aimé. Le scélérat ! Il faut que j'aime bien l'argent pour en recevoir de la main de cet homme-là. Qu'y a-t-il ? Hé bien ? Un Marquis fourbe ! C'est une chose bien difficile à imaginer. Je m'en suis toujours bien doutée. L'affaire est en bonnes mains, et votre Lolive n'est pas un sot. Il est près d'ici dans le cabinet d'un curieux, où il est allé se tranquilliser. Le voici le plus à propos du monde. Monsieur, n'avez-vous rien appris de votre procès ? Il faudrait bien mieux que vous allassiez... Hé, Monsieur... Il va dire là-dedans à tout le monde que vous avez perdu l'esprit. Oui, Monsieur, quand vous devriez me tuer, je ne puis m'empêcher de vous le dire, il faut être absolument fou, pour abandonner comme vous faites, le soin des affaires les plus importantes. Vous n'avez l'esprit rempli que de colifichets, de bagatelles, et vous vous laissez mener par le nez par le Marquis qui vous fourbe. Ah le beau vase ! La belle urne ! La belle pâte de porcelaine ! Un bleu ! Hé mort de ma vie, vous ne voulez écouter personne ? Dorante veut vous instruire... Fi à cet âge là, une fille ne sait pas encore ce qu'on lui demande. Ma foi, Madame, ce n'est pas d'aujourd'hui que j'en suis dégoûtée, fi : la jeunesse c'est une infidèle qui nous abandonne, mais la vieillesse c'est une amie constante qui ne nous quitte qu'avec la vie. Ce n'est qu'en Automne, Qu'il les faut cueillir. Comment entendez-vous cet automne-là, Monsieur Licandre ? C'est un été bien sec, que cet été-là. Les roses de ce printemps-là ne sont pas mal fanées ! Oui : on aime les perdreaux au mois d'août, et les filles avant cinquante ans. La vieille folle ! Vous êtes assez grande pour le dire toute seule. Fort bien. La belle conquête ! Dorante, dites-vous ? Dorante, que Dorante ne vous fasse point d'ombrage je vous le sacrifie. Pour mieux le rassurer, marions Dorante avec votre petite nièce. Hé, plût au ciel, qu'elles fussent déjà gagnées, et qu'il ne fût plus question que de les payer ! Mais suis inquiète, Dorante devrait être ici. Non. Puisque Lolive doit venir, nous n'avons qu'à l'attendre. Mais savez-vous qu'Oronte est sorti avec un Italien, et qu'on ne sait où il est ? Voilà Lolive. Hé, Monsieur, écoutons s'il a la force de parler. Tout à l'heure. Hé, sors-en bourreau, sors-en. Hé, Monsieur ! Ne vous emportez pas, il faut en tirer ce qu'on pourra. Regarde-moi entre deux yeux, et écoute-moi bien. Qu'as-tu fait de Monsieur de la Flèche ? Mais enfin, ne t'a-t-il rien appris ? Dépêche-toi donc. Qu'en faveur de la lettre, je te pardonne de t'être enivré. Fusses-tu bien endormi. Adieu ivrogne. Trouvez-vous dans cette lettre ?... Voilà le Marquis, cachez cette lettre. Où ceci nous mènera-t-il ? Ouais, Dorante est bien pacifique. Quelle poule mouillée ! Hé, Monsieur le Marquis, point de bruit. Hé, Monsieur... Ah l'indigne petit homme que Dorante ! Ho, ho. Chacun à son tour... Oui, serviteur, Monsieur, serviteur. Si Monsieur le Marquis est aussi redoutable aux dames qu'aux cavaliers, on peut dire que c'est un héros à deux mains bien dangereuses ; tenez-vous bien en garde au moins. Ces sacrifices-là ne vous coûtent rien. Un Marquis ne fait-il pas litière de bonnes fortunes ? Combien les louez-vous par jour ? Oh ! Diantre l'affaire presse, il ne faut pas laisser morfondre l'amour d'un homme de votre qualité. La pauvre enfant ! Je croyais que ce mot-là la ferait revenir de l'agonie. Ho, ce français-là est bien corrompu. Oh oui, il y a terriblement de solide dans cet homme-là ! Allons, allons, laissez-vous faire, ne résistez pas à Monsieur le Marquis. Diantre il est dangereux de lui disputer le terrain je vous en avertis. Quand Monsieur tâte quelqu'un, et qu'il lui serre le bouton, il voit bientôt ce qu'il a dans le ventre. Vous ne mordez pas, Mademoiselle, vous ne mordez pas. Hom, si vous saviez de quel bois il se chauffe. Ce sont des vapeurs. Oh ce n'est que cela ? Allons-nous-en. **** *creator_dufresny *book_dufresny_negligent *style_prose *genre_comedy *dist1_dufresny_prose_comedy_negligent *dist2_dufresny_prose_comedy *id_BELISE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_belise J'ai à vous dire que vous êtes une petite sotte, une petite ridicule, pleine d'une vanité insupportable. Moi en colère ! En colère moi ! C'est une passion brutale que la colère, qui n'a jamais déplacé mon âme de son assiette, et vous expliquez mal un simple mouvement de zèle. Je vous dis des injures, moi ! Mais vraiment je vous trouve bien impertinente de me dire à mon nez ces sottises-là ; suis-je capable de dire des injures ? Vous êtes une extravagante à qui je dis poliment ses vérités. Elle n'a pas le sens commun. Écoutez ma petite nièce, je veux bien vous en avertir, quand Dorante vient ici, il n'est pas difficile de juger qu'il n'y vient que pour moi, et je viens pourtant de m'apercevoir que vous vous attribuez ses regards et ses visites... Cela est si sot à vous, ma nièce ? Hé bien, ne voilà-t-il pas ma petite ridicule avec sa jeunesse ; apprenez sotte que vous êtes, qu'il n'y a point d'homme raisonnable qui puisse s'attacher à une petite créature comme vous, dont le coeur et l'esprit ne sont pas encore au monde. Oui, à mille étourdis qui ne s'attachent qu'à l'apparence, eau dehors, à la superficie d'une femme ; mais appelez-vous cela des hommes ? Lui, vous ne savez ce que vous dites ; je suis persuadée moi, qu'il n'a point des yeux pour la jeunesse, et s'il vous arrive jamais d'attirer ses regards, je vous déshériterai. Mais vraiment vous ne lui plaisez point ; et sans aigreur, je veux bien vous désabuser ; il faut vous apprendre à vous connaître en vraie passion. Ne remarquez-vous pas que quand les regards de Dorante rencontre les miens, il baisse aussitôt la vue, et prend un sérieux qui marque la naissance d'une passion violente, mais respectueuse ; au contraire s'il lui arrive de jeter les yeux sur vous par hasard, ou par politesse, il reprend dans le moment même cet air enjoué et badin : marque infaillible de la tranquillité du coeur. C'est que vous n'avez pas d'esprit, ma pauvre enfant, et voilà justement ce qui fait que Dorante ne vous aime point ; car enfin c'est l'esprit qui attache un homme ; c'est de mon esprit qu'il est amoureux. Et pourquoi donc ? Pour sa jeunesse, pour sa beauté ? Et fi, fi, fi ; la plaisante chose qu'une passion qui dépend de l'arrangement d'un visage et du quantième de l'âge ! La jeunesse, la beauté ! Fi, vous dis-je. Hé bien cependant ? Oui, par propreté, par bienséance ; mais mes agréments tirent peu de secours de ces bagatelles. Hé fi, fi, fi, si Dorante était capable d'aimer ces sottises-là, je le haïrais à la mort. L'amour ! Vous, parler d'amour ? Vous voulez vous mêler de raisonner ! À l'école, à l'école, petite sotte, à l'école, à l'école. À l'école, à l'école, vous dis-je, il faut étudier trente ans l'amour avant que d'en parler. À l'école, à l'école, à l'école... Qu'est-ce qu'il y a ? Hé bien. Hé, que soupçonnes-tu ? Non, non, parle ? Explique-toi, te dis-je ? Amoureux de moi ! Cela se pourrait-il bien ? Il me nomme ! De mourir. Il faut empêcher cela, Fanchon ; je veux bien qu'on m'aime, mais mourir chez moi, cela ne me plairait pas. Voyez, petite sotte, ce que fait mon esprit, mon vrai mérite. Vos beaux yeux, votre belle bouche, et votre teint vermeil ne produiront jamais de ces effets surnaturels. Taisez-vous, taisez-vous petite ridicule, personne ne veut de vous. Taisez-vous, vous dis-je, encore une fois, et m'attendez-là ; je vais revenir : au moins, ne vous avisez pas d'entrer là-dedans sans moi... Et vous suivez-moi. Laissez-moi vous fuir, Monsieur, vous commencez à m'embarrasser. Où suis-je ? Je ne sais ce que je dis ; je ne sais ce que je fais ; je ne comprends plus rien à tout ce que vous me dites. Qu'il a d'esprit ! Qu'il a d'esprit ! Il n'y a pas moyen de tenir là contre, il faut abandonner la place. Oui, je vous quitte, et je vous défends de me suivre ; ou tout au moins, je vous commande de me donner le temps de me remettre. Allons, suivez-moi, vous. Vous, ne me suivez pas. Suivez-moi donc. Ne me suivez pas, ne me suivez pas, ne me suivez pas. Pendant que le gros jeu qui se joue occupe l'attention de tout le monde, dérobons-nous à la cohue, et profitons mutuellement des charmes de notre esprit. Je vous prie à quoi rêvez-vous ? Oui, oui, c'est mon charme que les impromptus. Fanchon, Fanchon, ma chère Fanchon, viens écouter ce petit impromptu, je te prie. Sagesse ! Prudence ! Raison ! On ne trouve rien de tout cela dans la jeunesse. C'est un abus épouvantable d'aimer de jeunes enfants de vingt ou vingt-cinq ans. On n'y peut pas tenir. La charmante maxime, la charmante maxime ! Hé bien, Fanchon, après cela peut-on se soucier d'être jeune ? Oh ! Bon cela ; car pour l'âge je ne suis encore qu'au commencement de mon été. Le Printemps de l'âge Est à cinquante ans. Il n'y a rien de plus vrai dans le fond, et personne n'en veut convenir. Il faut avouer qu'en France on a le goût bien dépravé. C'est l'impatience naturelle des Français, il n'y a que les fruits précoces qui leur font plaisir. Vous, vous êtes le premier français en qui j'ai trouvé du bon goût, de la délicatesse, et je vous assure que vous êtes aussi le seul... Ah ! Ah ! Licandre, je ne sais que vous répondre. Je ne puis vous exprimer ce que je sens, aide-moi, Fanchon, je te prie. Ah ! Petit ingrat, que vous m'avez peu ménagée ; pourquoi me montrer à la fois tant d'esprit et tant de tendresse ? Voilà qui est fini. Depuis que je vous ai vu, tout le reste du monde m'est insupportable. Je vous en assure. Vous n'exigez point cela, mais je vous l'accorde ; qu'on y fasse consentir mon frère, je ferai là-dessus ce qu'il faudra. Tenez-vous donc, quelqu'un vient : vous me faites rougir, petit badin. Rentrons dans la salle, Monsieur Licandre, rentrons dans la salle ; ma raison a besoin d'une grosse compagnie pour ne pas se fourvoyer davantage. **** *creator_dufresny *book_dufresny_negligent *style_prose *genre_comedy *dist1_dufresny_prose_comedy_negligent *dist2_dufresny_prose_comedy *id_ANGELIQUE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_angelique Pourquoi donc me faire venir ici, ma tante ? Et qu'avez-vous à me dire, que vous ne vouliez pas que mon oncle entende ? Hé bon dieu ? Ma tante, qu'ai-je fait, vous voilà furieusement en colère. Je vous demande pardon ; mais je ne suis pas assez savante pour distinguer d'avec la colère, un zèle qui fait dire des injures. Quoique vous vous piquiez de politesse, vous ne les dites pas civilement. Et pourquoi, ma tante, ne voulez-vous pas que je les prenne pour moi ? Croyez-vous avoir droit de l'emporter, parce que votre visage a été fait avant le mien ? Oui, ma tante ! Oh, je vous assure que je sais bien qu'il faut être jeune pour plaire aux hommes. Hé bien. Dorante est peut-être de ces étourdis-là. Vous avez beau me défendre de lui plaire, cela ne dépend pas de moi. Hé bien ma tante, vous avez beau dire, j'explique cela tout autrement Et moi, ma tante, je ne comprends pas qu'un homme puisse aimer une femme, rien que pour son esprit. Oui, vous dites que vous méprisez la beauté ; mais cependant ?... Vous mettez du rouge et des mouches. Je le vois bien : mais moi je suis bien aise d'être jeune et jolie, d'avoir de beaux yeux, une belle bouche, un teint vermeil. Et moi je vous le céderais de bon coeur, s'il était comme vous le dites ; car l'amour... Mais, ma tante... Mais... Fanchon a donc raison, il faut qu'il soit fou. Vraiment oui, je crois qu'il en a bien envie. Hé bien ma tante, vous aimez tant le surnaturel, prenez ce bel esprit, et me laissez Dorante. Oh, je gagerais bien que si, moi. Fanchon me fait signe, je ne comprends rien à tout ceci ; mais il faut qu'elle ait ses raisons... Ah ciel ! Quel esprit quel esprit, que celui de ma tante ! Je vieillirai comme elle, mais je voudrais bien savoir si je deviendrai ridicule comme elle. Je ne puis plus souffrir son humeur, j'aime mieux aller dans un Couvent ; mais dans ce Couvent je ne verrai plus Dorante. Hélas ! Si Dorante m'aimait autant que je l'aime, et que mon oncle voulût... Ah ciel ! Ma tante est là au moins... mais quand elle n'y serait pas, je n'aime pas qu'on me vienne ainsi surprendre. Ne m'apprenez rien, je ne veux rien apprendre de vous. Que devinerais-je ? Paix. Ma tante est là vous dis-je. Moi, je vous ai donné mon coeur. Ah ce n'était pas cela que je disais : mais vous vous repentirez de votre curiosité, et cela sera cause que je ne vous regarderai de ma vie. Je vous défends de me voir. Je suis contre vous dans une colère épouvantable. Fanchon, je prends ce moment-ci, pour m'entretenir avec toi. Ma tante est avec le Poète. Ah ! Monsieur le Marquis ! Va, va, Fanchon, je suis en sûreté ; Monsieur le Marquis m'épargnera. Je ne suis pas une conquête digne de lui. Ho, l'un vous sera aussi facile que l'autre. Je pense que vous parlez de mariage ? Ce mot dans votre bouche me fait frémir, Fanchon, je crois que je vais me trouver mal. Vous parlez d'une manière qui me fait peine à entendre. Ce n'est point tout cela qui fait venir l'amour. Hé... Laissez-moi. Je serais bien fâchée d'avoir quelque chose à démêler avec lui. Et moi je n'aime pas à trouver tant de familiarité dans les hommes, cela ne m'est pas ordinaire. **** *creator_dufresny *book_dufresny_negligent *style_prose *genre_comedy *dist1_dufresny_prose_comedy_negligent *dist2_dufresny_prose_comedy *id_DORANTE *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dorante Ma chère Fanchon, je suis le plus amoureux de tous les hommes. Quand pourrai-je savoir certainement, ce que les regards d'Angélique ne me font entendre qu'à demi ? Non, Fanchon, les bontés des Dames augmentent ma tendresse, et ne flattent point ma vanité. Ne jugez pas de mes manières par celles des autres, et ne crains point de m'apprendre... Non, ma chère Fanchon, j'ai pour ta charmante Maîtresse, la passion la plus tendre, la plus pure, la plus violente... Que tardes-tu donc à me dire ?... Ma chère Fanchon, quand pourras-tu me ménager un moment d'entretien ? Pardonnez charmante Angélique... Qu'avez-vous ? Êtes-vous fâchée de vous trouver seule avec moi ? Hé pourriez-vous me pardonner, si je négligeais un moment si difficile à ménager ? Peut-être n'aurai-je de ma vie une occasion si favorable pour vous apprendre... Ah que je serais heureux si vous deviniez tout ce que j'ai à vous dire ! Que je vous adore. Belle Angélique. Pouvez-vous me refuser votre main, après m'avoir donné votre coeur ? Je ne puis dissimuler davantage, j'ai entendu... Quoi vous pourriez ?... En vérité, je ne vous comprends point. Je suis au désespoir, Fanchon. Elle me défend... Quelle violence ! Ah, ma chère Fanchon, j'ai bien des nouvelles à t'apprendre ! Et qui te surprendront. Aurais-tu pu t'imaginer que votre Marquis est le plus grand fourbe du monde ? C'est sur lui que Monsieur Oronte se repose du soin de son procès. Il le trahit et il est d'intelligence avec sa partie. Plus par hasard que par mes soins, j'ai découvert quelques-unes de ses menées, et j'ai mis Lolive aux trousses de son Intendant, qui apparemment est en mouvement dans cette affaire, afin de tâcher à m'éclaircir mieux de certaines choses que ne fais que soupçonner. Où est Monsieur Oronte ? Je vais le chercher, il faut absolument qu'il vienne avec moi chez mon oncle. Monsieur je vous cherche avec empressement pour vous dire... Il s'agit de bien autre chose. Monsieur. C'est une belle chose que de la broderie, mais... Vous avez pourtant des affaires bien plus pressantes. Je viens d'apprendre qu'un de mes oncles est votre Rapporteur ; et selon ce que j'ai ouï dire, assurément le Marquis vous fourbe. Je vous en avais averti. Pénétrez-vous... Hé Monsieur... Quel entêtement ! Quelle négligence ! Il faut en avertir Bélise si je n'y puis pas mettre ordre moi-même. N'as-tu point vu Lolive ? Le maraud ! Où se sera-t-il amusé ? Il devrait être ici il y a une heure, je l'ai mis sur les voies de l'Intendant du Marquis, pour tâcher de découvrir quelque chose. Ah ciel ! Si nous avons besoin de lui, comment faire ? Hé bien, Lolive, as-tu quelques nouvelles à m'apprendre ? Je pense qu'il est ivre, Fanchon ? Comment coquin ? Où s'est-il accommodé de la sorte ? Ôte-toi de mes yeux, maraud. Hé bien ? Hé qu'ai-je affaire, morbleu ?... Écoute... Si la patience m'échappe une fois... Voilà un coquin qui se moque de moi. Ah ! Je te casserai la tête assurément, si tu ne... Hé, ne t'avais-je pas donné ordre... Mais encore. Il faut que j'aie une bonté à l'épreuve ! Fort bien. Hé finis, traître, finis. Tu as une lettre ? Fanchon, tout va le mieux du monde. Cette lettre m'apprend les projets du Marquis, et m'instruit de se qu'il faut faire pour les rendre inutiles. Adieu, Compte que dans peu de moments nous serons au-dessus de nos affaires. Si j'avais quelque chose à lui dire, Monsieur, je ne craindrais pas que vous en fussiez le témoin, mais je n'ai rien à négocier. Qu'entendez-vous par là, Monsieur ? Mon mérite est médiocre, Monsieur ; croyez-moi, je sais me connaître. Monsieur... Je sais tout ce qu'on peut savoir là-dessus. Je le veux croire. Il n'y a rien de plus clair que ce que vous dites. Monsieur. Je vous promets, Monsieur que vous n'aurez pas lieu de vous plaindre de moi. Vous serez content je vous en assure ; mais je vous prie que j'aie l'honneur de vous dire un mot en particulier. Il faut cacher à cette fille, ces sortes de petits démêlés, elle s'effrayerait, ferait du bruit, et l'on divulguerait cette aventure. Il y a des temps et des lieux pour tout, et j'aurai l'occasion de vous faire voir peut-être que l'épée d'un simple Gentilhomme comme moi, vaut quelquefois bien celle d'un Marquis comme vous. Vous êtes ravi de me trouver brave ? Et moi je serais bien fâché que vous ne le fussiez pas. Et je ne le suis pas, moi. Si... En vérité vous êtes trop fanfaron pour un homme de qualité. Monsieur le Marquis, vous tomberez sous ma coupe. Avant qu'il soit peu, vous saurez que je vous connais à fond. Cessez, Monsieur le Marquis, de vous embarrasser pour trouver cet argent. Je sais pourquoi vous en avez besoin et je viens vous dire que l'affaire est faite. Vous aviez commencé un marché, votre Intendant vient de le conclure, et moi j'ai compté l'argent chez le Notaire. Je me pique de l'être sur tout, et c'est par cette raison-là que j'ai fait faire la transaction au nom de Monsieur Oronte. Voyez par ce billet de son Intendant, l'usage qu'il en voulait faire. Ne parlons point de cela, Monsieur, vos affaires sont finies, donnez-vous tout entier aux occupations qui vous font plaisir. Monsieur, sans déguisement vous pouvez faire tout mon bonheur, je suis amoureux de votre nièce, elle m'aime. Ah ! Monsieur. Vous n'aurez que la peine de signer. **** *creator_dufresny *book_dufresny_negligent *style_prose *genre_comedy *dist1_dufresny_prose_comedy_negligent *dist2_dufresny_prose_comedy *id_LEMARQUIS *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lemarquis Hé bonjour la petite personne, bonjour la petite personne. Mon Intendant n'est-il pas venu me chercher ici ? Tu le connais ? Ce gueux-là est à présent plus riche que moi. Le coquin a fait ses affaires aux dépens des miennes ; mais je suis né pour cela, moi ; je fais la fortune de tout le monde. Oh palsambleu, Fanchon, je veux faire la tienne, et je te marierai à Florentin, l'élite de mes valets de chambre. Ce fera quelque jour un bon parti que ce Florentin. Je lui dois déjà vingt années de ses gages. Je le ferai mon Concierge. Et ma protection, ma protection ; ce n'est pas peu de chose, Fanchon, que ma protection. Hé bien, Monsieur, je suis fait pour vous attendre comme vous voyez ; m'apportez-vous de l'argent encore ? Fort bien, Monsieur, fort bien ! Vous m'accommodez bien vraiment, vous me ruinez, vous m'obérez, vous êtes un joli jeune homme ! Je ne vous dis pas cela, Monsieur, je ne vous dis pas cela, j'ai besoin d'argent ; cependant vous m'assassinez, vous me coupez la gorge. Je ne vous en dis rien, Monsieur, voilà qui est fini, je le veux bien comme cela : je me ruine pour vous faire plaisir, ne suis-je pas le maître ? Oui, je suis un chien, un bourreau, vous avez raison ; mais si vous vouliez cependant... Cela est vrai, cela est vrai, Monsieur, il me faut de l'argent, je vous avoue mon faible. Oh ! Pour cela je n'ai pas le moindre tort ; je prends des étoffes pour me doubler un Carrosse, je change de dessein, les étoffes me restent, je les joue, je le troque, je les donne. Que diable vouliez-vous que j'en fisse ? Oui, il faut les payer, à loisir. Hé bien, qu'ils fassent, qu'ils fassent. Mais voilà des marauds bien insolents ; de quoi ces gueux-là s'avisent-ils, de négocier avec des gens de qualité, quand ils n'ont pas de fonds pour faire des avances ? Hé bien, Monsieur, ne payez point ; il ne faut pas payer, ne payez point. Mon mariage avec la petite nièce de ce logis, me va mettre en argent comptant. C'est une affaire faite, mon cher. Point du tout. Mais ce n'est point l'amour qui fait les mariages des gens de qualité. On ne lui a point encore parlé. Le bonhomme Oronte ? Il n'en sait rien. Mais j'ai un secret infaillible pour le faire consentir ; il se repose sur mes soins de la conduite de son procès, je gouverne son Rapporteur, tous les Juges sont mes Intimes, j'achète les droits de sa Partie, et je fais juger l'affaire à mon avantage : jugez si la nièce me peut manquer ? Fortune, fortune, il y a longtemps que tu te moques de moi. Tu fais la rétive, fortune, mais parbleu je te briderai, petite sotte ma mie, et cette aubaine-ci ne m'échappera pas. Ah palsambleu, je vous trouve admirable ! Vous avez de la conscience, Monsieur l'Intendant. Eh morbleu ! Un petit faquin de Bourgeois n'est-il pas trop heureux d'avoir la vie et le vêtement ? Faut-il que la canaille fasse figure, pendant qu'un homme comme moi a ses morceaux taillés ? Mais enfin, il me semble que je fais bien les choses, et en homme d'honneur j'épouserai la nièce. Entre nous je m'accommoderais bien de l'argent, sans me charger de la fille ; mais il y aurait quelque petite chose à dire à cela, et il faut empêcher de parler le petit monde, et puis, je crois que je suis amoureux. J'y ai pourvu, je connais son faible ; un rien suffit pour le détourner des affaires les plus sérieuses, et je lui détache des curieux de plusieurs espèces, qui jusqu'à la fin du procès (quelque avis qu'on lui donne) l'empêcheront d'y faire attention. Qu'est-ce ? Comment morbleu, on n'est pas en sûreté chez ses amis ? Oh ! Palsambleu je le vais traiter d'un air... Il n'y a pas de mal à cela, mon homme, j'écoute tout le monde en quelque lieu que ce soit ; qe quoi s'agit-il ? C'est de l'argent que vous demandez apparemment ? Hé ventrebleu, Monsieur, que ne contentez-vous cet homme-là ? Faut-il que j'aie la tête rompue d'une bagatelle ? Je ne vous recommande autre chose tous les jours, Monsieur, que de contenter les petits ouvriers. Cela est épouvantable que vous fassiez ainsi crier tout le monde. Palsambleu, je sais, je sais, qu'il faut contenter ce pauvre diable. Mais je ne vous dis pas de payer, je vous dis de contenter ; contentez, vous dis-je, est-ce que je ne me fais pas comprendre ? Oui ! Parbleu, tant pis pour vous d'être si difficile, mon bon homme. Oh ! Il faut de la raison partout. Un mémoire de huit années n'est pas encore mûr. Il faut commencer par payer le vieux. Non vraiment, cela est du plus moderne. Écoutez, bon homme, il faut s'accommoder au temps, les dépenses sont grandes. Ah ! Voilà parler cela. Vous devenez raisonnable. Hé bien, puisque vous prenez les choses du bon côté ; d'honneur vous aurez de l'argent, quand je devrais vous payer moi-même sur mes menus plaisirs. Ce sera, ce sera... Oh ! Palsambleu, vous êtes un maraud bien curieux. Ce sera... Ce sera en me livrant mon habit brodé, et mon surtout de chasse. Adieu mon ami, cela est fini, je ferai votre affaire, adieu. C'est un pauvre diable de tailleur que les crédits ont ruiné. Il me demande de l'emploi, je lui en ferai donner par un partisan de mes intimes, qui est le filleul de ma nourrice. Je suis l'appui des opprimés, et la ressource des misérables. Hé à propos, cela me fait souvenir d'une chose, Monsieur l'Intendant ; montez dans mon Carrosse, et allez chez la grosse Comtesse, savoir des nouvelles de l'affaire que je lui ai recommandée. Il ne faut que retenir ce qu'elle vous dira, et venir me rendre réponse. Hé bien, mon cher, avez-vous fait affaire avec ces Troqueurs que je vous ai envoyés ? Allez, allez, mon cher, c'est fort bien fait de songer à ses affaires. Je t'empêcherai bien de la vaincre. Hé, Monsieur Oronte, je songe que mon Intendant pourrait prendre ce soin. Je vais lui ordonner d'y aller. Ah ! Je vous loue de vous évertuer. Monsieur, Monsieur Oronte ; au moins je fais solliciter votre procès par des femmes de conséquence : les premiers mobiles de la robe s'en mêlent, mon cher, et... Est-ce là servir ses amis ? S'il arrivait par hasard... Êtes-vous content de moi ? Ho ! On peut dormir en repos sur ma parole ? Oh, Palsambleu vous risquez beaucoup, n'est-il pas vrai ? Ne vous y fiez pas trop, je suis un peu faux... Je suis courtisan au moins, et nous ne valons pas grand chose nous autres. Hai, hai ! Hé ! À propos, je ne songeais pas que Dhotel est là-dedans qui apporte cette urne de porcelaine pour troquer. Non vraiment, gardez-vous bien de laisser échapper ce hasard. Je vais y envoyer de ce pas. Laissez-moi faire, laissez-moi faire. Oh ! Palsambleu je ne puis pas grimeliner davantage. Je perds là sottement mon argent, sans avoir le moindre plaisir. Ah ! Te voilà, Fanchon, est-ce que nous n'aurons pas bientôt ici nos gros joueurs, le Comte, le Chevalier, le Baron et notre Sénéchal ?... Mais je trouble un tête à tête ; je pense, eh ! Morbleu c'est Monsieur Licandre, Monsieur Licandre ! Fauchon tu es trop égrillarde, tu n'auras pas mon Florentin. Vous en voulez furieusement à cette Fanchon-là, Monsieur Licandre ? Les beaux esprits courent après les corps quelquefois. Hé, allons, allons ne vous en défendez point. La substance qui pense, n'ôte rien à la substance étendue. Ha, Ha... Je parle sublime, oui, quand je veux. Hé, à propos de sublime, Monsieur Licandre, quand verrons-nous quelque chose de votre façon ? Mais parbleu, le petit Apollon devrait bien faire défricher les avenues de ce Parnasse ; car avant qu'un Poète ait traversé toutes ses ronces et ses épines, son manteau doit être bien déchiré, hé, hé. Sans rancune, Monsieur Licandre ; car enfin je révère les doctes, et ma folie est les belles lettres ; je dévore les conversations savantes. Je me donne au diable, vous me ferez bien plaisir. Monsieur Licandre, vous autres... entre vous autres, lequel estimez-vous le plus de Virgile ou d'Homère ? Terou lerou. Homère : oui, le bon Homère Aliquando bonus dormitas Homerus. Hom, hom tout tou toute. Ah Virgile ! Vous parlez de Virgile ? C'est ma folie à moi, que Virgile. Arma virumque cane. Hé, hé, nous savons les Poètes Monsieur Licandre. Hom, hom. Vous partez Renaud, vous partez. Hom tara la. Oui, c'est fort bien dit, trait pour trait. Sic ille manus, sic ora ferebat. Adieu, Monsieur Licandre, vous pouvez courir la Fanchon, on vous l'abandonne. Nous en dirons une autre fois davantage. Hé, que vois-je ! Monsieur le Sénéchal. En vérité Monsieur, je suis vivement pénétré de votre douleur. Monsieur votre père était le meilleur ami que j'eusse au monde. Perdre un Père connu de la Cour ! Cela est assommant ! Quel âge avait-il le bon homme ? Quelle perte, Monsieur le Sénéchal ! Si cet homme eut vécu, il serait parvenu aux grandes charges. J'en suis inconsolable, je vous assure. Mais j'entends la voix de la Comtesse. Madame, voilà un pauvre orphelin que je vous présente, qui n'a que vingt-cinq mille écus de revenu. Cela est triste, ma bonne Comtesse. Monsieur le Sénéchal, je veux entamer la succession. Hé bien, la bonne Comtesse, en quel état sont nos affaires ? Il faut les gagner au Sénéchal. Oh, joue donc pour moi, car je suis le plus malheureux coquin... Elle est toute adorable, cette Comtesse ! Qu'elle prend de soins, cette grosse personne ! Dieu me damne, Comtesse, je t'adore, et je t'épouserais, si je t'aimais moins. Quelle vivacité d'esprit ! Quel feu d'imagination ! Demeure, coquine, demeure, j'ai une confidence à te faire. Je suis dans le goût de te faire un petit présent, ma chère bonne, en seras-tu fâchée ? La sotte ! Elle a l'esprit tourné, tourné comme une coquette de Cour. Ça je suis amoureux de la petite nièce, il faut que tu m'en fasses aimer. Je ne serai pas ingrat d'un si bon office. J'en mourrai quitte sur ma parole. De peur d'accident, voilà dix pistoles que je te prie de dépenser en bagatelles. Il faut bien que tu m'en répondes, c'est ton affaire. Je vais voir le jeu de la Comtesse, si nous ruinons le Sénéchal, ta fortune est faite. Je suis discret : achevez, achevez votre petite négociation. Ah je le crois, jeune et bien fait comme vous êtes, on va droit au coeur de la belle, et l'on ne prend point les chemins détournés de la négociation. Ce que j'entends ? Ha, ha. Mais j'entends que vous avez un de ces gros mérites qui emportent tout de haute lutte. Vous devriez donc songer, mon cher, que quand on trouve en son chemin un homme de ma qualité... Il faut se détourner un peu, et qu'il y a de certaines personnes dans le monde qu'il est important de ménager. Il est dangereux de me disputer le terrain, je vous en avertis. Vous ne mordez point, Monsieur, vous ne mordez point ? Vous ne m'entendez pas peut-être ? Je suis pourtant bien aise de vous l'expliquer mieux, et de vous dire net, que si je vous vois davantage mettre le pied dans ce logis... Si jamais il vous arrive de regarder seulement la porte... Par la morbleu ! Je vous apprendrai, mon petit Monsieur, de quel bois je me chauffe. Prenez-y garde, et soyez sage. En particulier ? Volontiers. Retire-toi, Fanchon ? Eh bien, quel est ce beau secret ? Voyons ? Ah ! Fort bien, fort bien. Vous êtes prudent, mon petit Monsieur, j'en suis ravi, le diable m'emporte... Oh ! Parbleu ce compliment me donne un extrême plaisir ; cela me faisait peine de vous voir mollir, et je suis ravi de vous trouver un brave homme ! Car enfin vous avez du mérite d'ailleurs. Oui, la peste m'étouffe. Écoutez : je me connais un peu en vraie valeur, et pour peu que je tâte un homme, et que je lui serre le bouton, je vois bientôt ce qu'il a dans le ventre. Allez, Monsieur, je suis content de vous. Croyez-moi, je suis votre serviteur, et si jamais j'ai quelque affaire, je ne veux point d'autre second. Quand deux braves hommes sont sûrs l'un de l'autre, ils en battraient bien quatre, ha, ha. Vous prenez mal les choses. Je suis votre ami. Monsieur, Monsieur Dorante. Serviteur, Monsieur, serviteur, ha, ha, ha ; voilà comme il faut traiter ces petits Messieurs-là. Avec deux mots on rabat leur caquet. Approchez, approchez, la charmante, la toute aimable Fanchon... les grands airs l'éblouissent. La la, remettez-vous, on s'humanisera. L'amour prend quelquefois plaisir à mettre de plein pied, le héros et la houlette. Je veux être déshonoré si je ne m'applaudis davantage de l'avoir emporté d'assaut ce petit coeur mutin, que d'avoir enfoncé seul quatre escadrons de cavalerie. Sais-tu bien Fanchon, que cet enfant-là avec sa simplicité pastorale et bourgeoise va traîner après son char vingt Marquises et autant de Duchesses que je lui sacrifie. Oui, Princesse, vous voyez à vos pieds le Gentilhomme de France le plus tendre, le plus brûlant, le plus chaud, le plus... Quand irons-nous dans mon équipage faire un tour des Champs-Élysées ? J'ai des chevaux, morbleu, qui éclaboussent le fantassin de cent pas. Écoutez la belle, pendant que je suis en humeur de faire une folie avec vous, hâtons la noce : je suis sujet aux réflexions et... Fanchon a raison, il me faut prendre au pied levé en cas de mariage. Elle se trouve mal ! Du tabac, courage, courage la belle ; une fille revient de bien loin avec un homme comme moi. Nous autres gens de qualité, nous avons pourtant le talent de parler aux Dames bon Français. Je vois bien qu'il faut que je me fasse entendre à elle à force de magnificence. J'ai déjà fait votre maison ; J'ai arrêté un grand Maure, deux Coureurs, un petit Nain, trois brodeuses et quatre Valets de chambre ; je supprime les Damoiselles, fi cela est bourgeois en diable, hé bien bichonne, me suis-je rendu intelligible ? Elle a ma foi le goût bon ! Elle s'attache à la personne, la rusée va droit au solide, morbleu, au solide. Allons, fanfan, commencez à entrer en possession ; donnez-moi votre main, donnez, vous dis-je. La pudeur, la pudeur, vous voulez donc que je la prenne moi-même ? Ouais ! Elle donne dans le farouche, parbleu elle donne dans le farouche, Fanchon. Je suis un dangereux compère, oui. Hé. J'aime à trouver auprès des Dames un peu de résistance, c'est fruit nouveau pour moi. Qu'avez-vous donc ? Juste ciel ! Ma chère Comtesse. Ouf... Allez, je m'en vais vous suivre, ouf. Et moi d'un grand malheur. Monsieur le Sénéchal, j'étais de moitié avec la Comtesse. Je suis ruiné, je suis perdu, je suis abîmé. Et si vous ne me prêtez présentement mille pistoles, il faut que je m'aille pendre. Hé mon pauvre Monsieur le Sénéchal, ne m'abandonnez pas. Encore une réjouissance gagnée, nos mille pistoles étaient complètes. Mais tout cela s'en est allé au diable ; fortune, fortune ! Ho ! Je te briderai pourtant. Il ne faut que de l'argent, c'est de la besogne taillée pour mon Intendant. Ah ! Que vous venez à propos. Je viens de perdre mille pistoles ; je perds deux cent mille livres si vous ne me prêtez tout à l'heure mille pistoles. Mille pistoles, je ne vous en demande pas davantage, mon cher, mon tout adorable Monsieur Oronte, mille pistoles me rachèteront la vie. Le meilleur ami que j'ai au monde, me laissera-t-il mourir pour mille pistoles. Comment, Monsieur ? Que voulez-vous dire ? Vous êtes bien informé de mes affaires, Monsieur Dorante ; mais enfin vous êtes galant homme. Oh ! Parbleu mon cher, vous m'avez prévenu, je vous l'avoue. Pour terminer votre procès, j'achetais les droits de votre partie. Comment donc, un billet de mon Intendant ! Ah ! Palsambleu cela est fort plaisant, on me joue donc, je pense ? On me fourbe, Monsieur Oronte. Vous avez l'esprit mal tourné, Monsieur Oronte. Oh pour le coup vous avez raison, cela est indigne, et des gens comme moi n'ont jamais d'honneur à se mêler des affaires bourgeoises ; serviteur, Messieurs, serviteur. **** *creator_dufresny *book_dufresny_negligent *style_prose *genre_comedy *dist1_dufresny_prose_comedy_negligent *dist2_dufresny_prose_comedy *id_LINTENDANT *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lintendant Je n'ai pu trouver que cent pistoles, et pour les avoir il a fallu faire mon billet de deux mille livres. Si vous trouvez que l'intérêt soit trop fort, je vais reporter les cents pistoles. Mais, Monsieur... En vérité, Monsieur, si vos affaires sont dans un si grand désordre, vous n'en devez accuser que vous-même. Il n'y a point de moyens dont vous ne vous avisiez pour vous endetter. Vous avez pris depuis huit jours chez quatre marchands différents, vingt pièces de velours pour un carrosse que vous avez fait doubler de maroquin. Mais il faut payer ces étoffes, Monsieur. Je suis accablé de mille créanciers, qui jettent feu et flamme contre vous ; qui disent que vous leur ferez faire banqueroute. Votre Tailleur m'a pensé désespérer ce matin. C'est une persécution qui n'a point d'exemple. Mais il faudra payer quelque jour ? Votre mariage, Monsieur ? Vous ne m'avez point encore parlé de ce dessein. Elle vous aime ? C'est-à-dire, que la tante vous ménage la chose ? C'est donc l'oncle qui ?... Voilà des noces bien avancées ! Mais, Monsieur... Mais Monsieur Oronte n'est pas en état de donner ces deux cent mille livres à sa nièce ; il ne lui resterait plus de quoi vivre, et il faut considérer... Mais enfin... Cela est fort honnête. Ce sont vos affaires ; mais si Monsieur Oronte a quelque vue... Ah ! Monsieur ? Ce maudit Tailleur, il faut qu'il m'ait vu entrer ici, ou qu'il ait reconnu là-bas votre Carrosse. Vous savez bien, Monsieur... Eh ! Comment voulez-vous que je fasse ? Je n'ai pas d'argent. Des créanciers, Monsieur ! Avec ces animaux-là, il faudrait toujours avoir l'argent à la main. La race des créanciers ne finira-t-elle jamais ? Voilà Monsieur Oronte. N'y a-t-il rien de particulier à lui dire ? **** *creator_dufresny *book_dufresny_negligent *style_prose *genre_comedy *dist1_dufresny_prose_comedy_negligent *dist2_dufresny_prose_comedy *id_LETAILLEUR *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_letailleur Monsieur, comme votre Intendant me renvoie toujours à vous, et que vous me renvoyez toujours à lui, pardonnez si vous sachant ensemble, je viens vous importuner jusques dans cette maison. Monsieur... C'est une peine d'avoir affaire à des Intendants, il n'est rien tel que de s'adresser aux Maîtres. Je le savais bien, moi, que c'était votre faute. Voilà un honnête Gentilhomme ! Me contenter sans me payer ? Ma foi, Monsieur, je l'en défie. Mais, Monsieur, qu'on me paye du moins ce que je vous ai fourni depuis la dernière campagne, car les parties n'en sont point arrêtées. N'appelez-vous pas le vieux, un mémoire de huit années ? Vous passez pourtant tous les Étés à Paris ; mais tout au moins qu'on me donne quelque chose, je prendrai tout ce qu'on voudra. Mais quand sera-ce, Monsieur ? Que je sache le temps s'il vous plaît ? Fort bien. Il faudra que j'avance encore cela. Quelle misère ! **** *creator_dufresny *book_dufresny_negligent *style_prose *genre_comedy *dist1_dufresny_prose_comedy_negligent *dist2_dufresny_prose_comedy *id_LOLIVE *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lolive Où est donc Monsieur Oronte ? Il est chez le Secrétaire d'un vieux Conseiller, qui est son oncle. C'est le Rapporteur du Procès de Monsieur Oronte. Il a été partout. Il faut qu'il soit diablement amoureux de la petite fille, puisqu'il se donne tant de mouvements pour les intérêts du bon homme. Oui, la peste m'étouffe. Je ne lui jamais vu le coeur touché que cette fois-ci ; et pourtant ce n'est pas faute qu'il ne soit aimé. Adieu. Songe à ce qu'il te recommande : pour moi je vais le retrouver en enrageant ; car je doute qu'il a encore quelque autre commission à me donner. J'ai fait fort exactement... enfin vous voyez comme je me suis sacrifié pour votre service. Vous pensez fort juste. Doucement, s'il vous plaît, vous serez content, ne faites point de bruit. Je m'en vais vous le dire. En vous quittant j'ai rencontré Monsieur de la Flèche, un de mes intimes amis, Gentilhomme suivant du Marquis, qui lui portait une lettre de la part de l'Intendant. Patience. Il m'a d'abord mené chez Madame la Flèche. Ne me brouillez pas : J'ai tout cela par ordre dans ma tête, nous voilà déjà chez Madame la Flèche. C'est une fort honnête et fort vertueuse personne que Madame la Flèche. Mais, Monsieur de la Flèche est un petit brutal qui n'en use pas bien avec elle. Il lui a donné vingt coups de pieds dans le ventre à ma barbe ; et tout cela, Monsieur, pour une bagatelle, une petite erreur de calcul. Madame la Flèche dit qu'elle est grosse de quatre mois ; il n'y en a que trois que Monsieur de la Flèche est marié, il y a de l'erreur de calcul, comme vous voyez ; mais pour cela, faut-il battre une femme ! Quand on est marié une fois, on est marié. Je l'ai laissé sous la table, il n'avait plus aucun signe de vie. Il a une apoplexie qui lui durera plus de vingt-quatre heures, et j'en suis un peu menacé, moi. Je lui ai donné la question ordinaire et extraordinaire ; il a tout avoué. Ne me brouillez pas, Monsieur, si vous me brouillez, je vous planterai là. Ne me brouillez pas, laissez-moi me mettre à table, et je vous conterai tout par l'ordre des bouteilles. À la première bouteille,... il n'a rien dit. À la seconde bouteille... elle était de jauge celle-là. À la troisième... ne me brouillez pas. Vous verrez que vous me brouillez, car je ne possède pas trop bien l'histoire, mais tant va qu'enfin je lui ai attrapé une lettre que Monsieur l'Intendant écrivait à Monsieur le Marquis. Êtes-vous content ? Oui parbleu j'en ai une : voyez ce qu'elle chante. Hé bien, que dis-tu de moi, mon adorable. Ça, je m'en vais me coucher, quand j'aurai bu un coup, s'entend. Adieu, mon adorable. À propos, si nous devenons jamais mari et femme, point d'erreur de calcul, je te prie. **** *creator_dufresny *book_dufresny_negligent *style_prose *genre_comedy *dist1_dufresny_prose_comedy_negligent *dist2_dufresny_prose_comedy *id_LESENECHAL *date_1692 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lesenechal Depuis la perte que j'ai faite... Quoi qu'il fût toujours en Province, il avait l'honneur d'être connu de la Cour. Quatre-vingt treize ans ou environ. Une mort imprévue comme la sienne recule terriblement sa famille. Il m'aimait tendrement, Monsieur. Je me souviendrai toute ma vie de ses dernières paroles : mon fils, me dit-il, en me serrant la main, ayez toujours... Où est-il donc ? Cet homme-là est bien touché de la mort de mon père ! Madame, dans l'affliction horrible... Ce m'est une consolation bien grande, Madame, qu'une personne... Madame... Nous commencerons quand il vous plaira, j'ai sur moi la valeur de douze cent pistoles. Ha, ha, j'en ai trouvé d'assez bonnes, Madame. Madame... Victoire, victoire, Monsieur le Marquis, prenez part à ma joie, je viens de ruiner la Comtesse : il faut avouer que j'ai joué d'un grand bonheur. Comment donc ? Vous de moitié ! En vérité je suis vivement pénétré de votre douleur. J'en suis inconsolable. Je vous jure que j'en serais au désespoir. **** *creator_dufresny *book_dufresny_negligent *style_prose *genre_comedy *dist1_dufresny_prose_comedy_negligent *dist2_dufresny_prose_comedy *id_LACOMTESSE *date_1692 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lacomtesse Ah ! Monsieur le Sénéchal, vous avez perdu votre père ? Mon pauvre Marquis, je suis ruinée, je perdis hier tout ce que j'ai joué. Je prends part à votre affliction, Monsieur le Sénéchal. Il est gros joueur, n'est-ce pas ? Vieilles nippes du défunt apparemment ? En vérité je suis tout à fait sensible à la douleur qu'il a de la mort de son père. Entrez là-dedans, Monsieur le Sénéchal, nous allons vous suivre. Voici huit cent louis d'or que je t'apporte, il en faut encore deux cents pour faire la somme nécessaire pour acheter les droits du procès. C'est de l'argent comptant, pourvu que je tienne la carte, car j'ai de l'ascendant sur lui. Quand nous aurons fait notre somme, nous irons ensemble chez le Notaire, où nous trouverons la partie du bon homme Oronte, qui nous y attend. J'ai tout disposé... Quand une fois cette affaire sera terminée, nous gagnerons le Procès en vingt quatre heures. Le Rapporteur a dit à une de mes femmes de chambre, que pourvu que... Tu peux compter là-dessus. Épouse la petite nièce, mon pauvre Marquis, épouse la petite nièce ; si elle ne t'accommode pas dans la suite nous la mettrons dans un couvent. C'est trop de politesse, il faut la prévenir. Ah ! Ah ! Ah ! Fanchon... Mon pauvre Monsieur le Marquis. Je suis ruinée ! Je suis morte ! J'ai tout perdu mon argent. Mon cher Marquis. Ce Sénéchal, ce maudit héritier que nous devions déshériter, il m'a gagné jusqu'au dernier sol... Il faut qu'il m'ait filouté ; je m'en vais l'attendre au bout de la rue, je m'en vais l'étrangler, je m'en vais me jeter dans la rivière.