**** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_baguettevulcain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_baguettevulcain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_ROGER *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_roger Enfin, Roger, voici le jour où tu dois donner des marques de ta valeur, et délivrer Bradamante de l'enchantement qui la possède depuis deux cents ans. Ô Amour ! Petit dieu félon, Toi qui fais flamber ton brandon Dans le tréfonds de ma poitrine, Corrobore mon coeur craintif Par un julep confortatif ; Car l'hideux aspect de la mine De ce géant rébarbatif Fait jà sur moi, pauvre chétif, Les effets d'une médecine. Toi, glouton, ribaud, Sarrasin, Qui, par ton dol et mal engin, Retiens ma gente tourterelle ; Dis-moi si tes bras pourfendants Ont bien pu garder si longtemps L'honneur de cette jouvencelle ? Hélas ! Dans nos jours verglissants, Pour conserver une pucelle Jusqu'à l'âge de quatorze ans, Combien faudrait-il de géants ! Mais il est temps de mettre à fin l'oeuvre commencée. Combattons ce géant pendant qu'il est endormi. Allons, allons, debout : depuis deux cents ans de sommeil n'êtes-vous pas lasse de dormir ? On ne saurait tirer une femme du lit. Je vous demande pardon, la belle, si je vous ai interrompue dans un rêve dont peut-être vous auriez été bien aise de voir la fin. Le coloris de mon visage vous surprend ? Apprenez que depuis deux cents ans les hommes ont changé du blanc au noir, et les femmes du noir au blanc et au rouge. Assurément. Oh ! Pour des amants, vous n'en manquerez pas ; mais pour des épouseux, rara avis in terris. Vous étiez donc fille quand vous vous êtes endormie ? Et l'êtes-vous encore ? La chose est problématique, et je crois que vous n'auriez pas dormi si tranquillement. Mais dites-moi, je vous prie, comment faisait-on l'amour de votre temps ? Oh ! Que ce n'est plus le temps ! Quand on veut se marier aujourd'hui, on va chez le père et la mère marchander une fille comme une aune de drap : et tel qui croit acheter la pièce tout entière, trouve souvent qu'on en a levé bien des échantillons. Mais de votre temps, comment un mari vivait-il avec sa femme ? Oh ! Que ce n'est plus le temps ! Premièrement, dans ce siècle-ci, il n'y a plus de foi à donner, et la communauté ne subsiste que dans les articles du contrat. Un mari n'a rien de commun avec sa femme que le nom et la qualité ; il a sa table seul, son carrosse seul, sa chambre seul ; il n'y a que son lit que bien souvent il n'a pas tout seul. Mais de votre temps, avait-on trouvé l'art de s'égorger avec la plume ? Plaidait-on vigoureusement ? Qui est-ce qui rendait la justice ? Oh ! Que ce n'est plus le temps ! La plus grande partie de nos juges passent présentement la nuit à courir le bal, et le jour à dormir à l'audience. Cela n'empêche pas qu'ils ne sachent la procédure comme des Césars, surtout en amour ; et les arrêts qu'ils rendent auprès des dames, sont, l'été, par défaut contre les officiers, et l'hiver, contradictoires avec les financiers. De votre temps avait-on des comédies ? Oh ! Que ce n'est plus le temps ! Tout cela est retranché, et nos théâtres seraient terriblement lugubres, si messieurs du parterre ne prenaient soin quelquefois de les égayer avec leur symphonie. À moi, qui suis la fleur de la chevalerie, le redresseur des torts et le syndic de toute la magie. Je vais vous faire voir des effets de ma puissance. Alli Astaroth, Abracadabra. Barbara celarent darii, ferio baralipton. Qu'avez-vous donc, la belle larmoyeuse ? Quoi ! La perte d'un mari vous afflige si fort ? Vous avez beau pleurer en musique, vous ne trouverez guère de veuves qui fassent la contrepartie avec vous. Rien ne m'est impossible. Par la vertu de cette baguette, je découvre les eaux et les trésors les plus cachés ; c'est avec cette baguette que je suis les meurtriers à la piste, par mer et par terre ; et c'est enfin avec cette baguette que je retrouve les maris perdus. Mais il est bon de vous avertir que ma baguette n'a de vertu que sur des maris d'une certaine espèce. Parlez-moi franchement : avez-vous toujours été bien fidèle au vôtre ? Tant pis ! Je ne saurais rien faire pour vous. C'est que ma baguette est un présent qui m'a été fait par Vulcain : elle n'a point de vertu sur les maris dont les femmes ont été fidèles ; mais quand elle approche d'un mari tant soit peu vulcanisé... Voyez, examinez bien votre conduite. Pour peu que vous ayez écorné la fidélité matrimoniale, je vous réponds de retrouver votre mari. Allez, allez ; parlez en toute assurance. Oh ! Non, non. Eh ! Non ! Vous dis-je, non. Mais que diable ! Il faut ce qu'il faut, une fois. Hé ! Là, voyez, voyez. Doucement. Cet homme à rabat était-il de la grande ou de la petite espèce ? Il n'y a pas encore là de quoi faire tourner la baguette. Oh ! En voilà plus qu'il n'en faut. Nous retrouverons votre mari, fût-il dans le centre de la terre. Voyez In vertu de ma baguette. Cela est vrai ; sans la flèche rompue, vous étiez un homme perdu. Puisque vous voulez être éclairci, voilà le Druide, qui est l'oracle de ce pays-ci, qui va vous éclaircir. Ne crains point que le voisin cause, Son mal est trop égal au tien : Quand on le sait, c'est peu de chose ; Quand on l'ignore, ce n'est rien. En quatre mots, dites-moi votre affaire. Je vous entends, du moins je vous devine ; Ou je me trompe, ou vous avez la mine D'être le fils d'un fermier bien renté, Dont le riche mérite a si fort éclaté Aux yeux d'une avare maîtresse, Qu'elle a refusé la tendresse De vos rivaux. J'en doute fort ; mais baste, on vous le laisse, Puisque par un contrat vous l'avez acheté : Il est à vous, j'entends pour la propriété, Car l'usufruit, c'est autre chose ; Il faut que la femme en dispose. Un sot, d'accord. Oh ! Tout beau ; respect au Druide : Je ne fais qu'opiner, mais c'est lui qui décide. Ô le bon temps Où l'hymen servait d'asile ! Mais pour à présent, Toureloure, loure, loure, Ce n'est qu'un manteau pour couvrir l'amant. À qui donc, s'il vous plaît, En veut ce grand benêt ? Quel âge avez-vous, bonnes gens ? Les pauvres petits sont tout jeunes. À trente ans porter fruit ! Oh ! Cela ne se peut. Cependant, si votre époux veut Je pourrai vous donner une dispense d'âge. Mais depuis quand, la belle, êtes-vous en ménage ? C'est qu'elle était en âge. Mais qui peut donc causer votre stérilité ? N'avez-vous pas tous deus, depuis le mariage, Sous le même toit habité ? C'est la pudeur de l'extrême jeunesse. Et depuis ce temps-là ? Et, malgré tout cela, Vous ne sauriez avoir lignée ? Je vois bien du malheur à votre destinée ; Car je connais bien des époux Qui prennent à se fuir autant de soin que vous, Et qui, malgré leur mésintelligence, Ont des enfants en abondance. Leurs femmes sont bien plus heureuses. Le Druide à l'instant vous en dira deux mots. Au bon vieux temps La femme était sans science ; Mais pour à présent, Toureloure, loure, loure, La fille sait tout avant quatorze ans. Il n'est rien qu'on n'tente Pour avoir la foi D'une Bradamante Faite comme toi : Quel plaisir, fillette, D'être ton mari, Si de la baguette On est garanti ! **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_baguettevulcain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_baguettevulcain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_BRADAMANTE *date_1693 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_bradamante Où suis-je ? Ciel ! Que vois-je ? Quoi ! Il y a deux cents ans que je n'ai vu le jour ? Hélas ! Je ne trouverai donc plus l'amant qui m'était destiné pour époux ? Vraiment oui. Assurément. Le coeur se payait par le coeur. Une fille croyait tout ce que lui disait son amant, et l'amant ne disait que ce qu'il pensait. La tendresse durait autant que la vie ; plus on était amoureux, plus on était aimé ; plus on était aimé, plus on était fidèle ; et on ne consultait que l'amour pour faire les mariages. Dans une union charmante ; la volonté, les biens, les plaisirs, tout devenait commun, sitôt qu'on s'était donné la foi. C'étaient d'anciens et vénérables magistrats, qui passaient la nuit à examiner les procès, et le jour à les juger. Comment peuvent-ils donc apprendre leur métier ? Les plus divertissantes du monde : elles étaient agréablement mêlées de danses et de symphonies. Mais, après avoir satisfait toutes vos questions, ne puis-je savoir, brave champion, à qui je suis redevable de ma délivrance ? Toi qui peux tout faire Par enchantement, Reprends ta lumière, Ou rends mon amant : Le soleil qui brille Fait quelque plaisir ; Mais pour rester fille, J'aime autant dormir. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_baguettevulcain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_baguettevulcain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_MELISSE *date_1693 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_melisse Que je suis malheureuse ! Je vois tout le monde en joie ; mais pour moi, je ne saurais rire. J'avais un mari... hi ! Quand je fus enchantée... Hé ! Et je ne le trouve plus... hu, hu ! Monsieur le sorcier, vous qui êtes si habile homme, ne pourriez-vous pas me faire retrouver mon cher époux ? Est-il possible ? Je crois que sans moi vous n'auriez guère de pratiques ; car un mari est un meuble qui ne se perd pas aisément, et je n'ai point encore vu d'affiches pour des maris perdus. Si j'ai été fidèle ? J'aurais dévisagé un homme qui aurait eu la hardiesse de me regarder seulement entre deux yeux. Et pourquoi ? Et mais... mais... Il venait chez nous autrefois un certain petit plumet, qui était terriblement sémillant. Monsieur, est-ce assez pour la baguette ? J'ai reçu aussi des présents d'un banquier qui faisait tout ce qu'il pouvait pour faire profiter son argent auprès de moi. Monsieur, est-ce assez pour la baguette ? Oh dame ! S'il faut tant de choses ! Attendez, attendez. Il fréquentait aussi au logis un petit blondin à rabat, qui... Mais son rabat était de quatre doigts plus court que celui d'un conseiller, et nous allions souvent nous promener ensemble. Il me mena une fois promener hors de la ville ; mais malheureusement la flèche de son carrosse rompit, et nous fûmes obligés de coucher à sa maison de campagne. Va, va, mon mari, ne te chagrine point : tu m'as plus d'obligation que tu ne penses ; car sans moi tu n'aurais jamais été retrouvé. Malgré l'apparence Qui frappe tes yeux, Dors en assurance, Tu seras heureux ; Rallume ta flamme, Je jure ma foi, Qu'il n'est point de femme Plus sage que moi. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_baguettevulcain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_baguettevulcain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_FLORIDAN *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_floridan En me rendant le jour, Rendez le calme à mon amour. Avant d'être enchanté, cette jeune bergère, Entre plusieurs amants, me choisit pour époux. Ce nom, qui vous paraît si doux, Ne peut encor me satisfaire ; Et je sais que, pour l'ordinaire, L'amant que l'on distingue avec de si beaux noeuds, N'est pas toujours le plus heureux. Mon père était rentier ; Mais je n'ai point traité l'amour en financier, Et j'ai gagné son coeur à force de tendresse. Cet usufruit est encor de mon lot ; Pour le céder, il faudrait être un sot. Oh ! Point de raillerie : Une femme n'est pas comme une métairie ; J'en veux être le maître, et non pas le fermier ; Et par la sambleu ! Le premier... Qui pour l'hyménée Prend jeune catin, A la destinée D'un marchand de vin ; Vainement il tente De garder son muid ; Vin nouveau s'évente, Vin gardé s'aigrit. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_baguettevulcain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_baguettevulcain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_ZERBIN *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_zerbin Je venons... pour... tenez, j'enrage : Enfin, je nous plaignons de n'avoir point d'enfants. Je crois que je n'avons pas l'âge ; Et c'est la faute à nos parents, Qui nous ont mis trop tôt en mariage. Je n'ai guère que quarante ans. Oh ! Qu'si, car un jour Mathurine Nous enfermit dans la cuisine ; Et quand je fûmes là tous deux, Je demeurîmes si honteux... Moi, je n'en fis pas à deux fois ; Je grimpis tout au haut de notre cheminée, Et j'y fus sans grouiller toute l'après-dînée. Je nous fuyons, faut voir. Que ces pères-là sont heureux ! Hélas ! Que ne suis-je comme eux ! **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_baguettevulcain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_baguettevulcain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_GABRINE *date_1693 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_gabrine J'aurai trente ans viennent les prunes. Je ne sais pas compter le temps par l'almanach ; Mais j'ai bien remarqué que, depuis ce temps-là, Ma vache a fait deux viaux. Moi, pour ne point le voir, j'usis d'une finesse ; Je me fermis les yeux avecque mes cinq doigts. Qu'elles doivent être joyeuses D'avoir tant de petits marmots Qui ne coûtent rien à leur père ! Apprenez-moi comme il faut faire. Dans notre village, Grâce à nos parents, Toute fille est sage Jusqu'à cinquante ans ; Car c'est être sage D'avoir des amants : Suivons donc l'usage De ce bon vieux temps. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_baguettevulcain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_baguettevulcain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_BRANDIMART *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_brandimart Que cent ans d'absence Échauffe un mari ! Mais cette apparence M'a bien refroidi. Pour garder mon âme D'un soin inutile, J'ai trouvé ma femme ; Quelqu'un la veut-il ? **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_baguettevulcain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_baguettevulcain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_LEDRUIDE *date_1693 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ledruide Une femme est encor trop sage, Lorsque après avoir fait naufrage, Elle veut bien cacher l'écueil à son époux : Mais un mari qui connaît son dommage Doit filer doux, De peur d'apprendre au voisinage Qu'il a raison d'être jaloux. Ne craignez rien, l'hymen est votre asile ; Le nom d'époux écarte les rivaux : De votre Iris la garde est inutile ; Ne songez plus qu'à garder vos troupeaux. Je ne veux point troubler votre ignorance, Ni vous montrer un chemin trop battu ; Pour être sage, une heureuse indolence Vaut souvent mieux qu'une faible vertu. La verte jeunesse, Qui tourne à tout vent, Peut jouir sans cesse Du plaisir présent ; Mais la jouissance Du vieillard cassé, C'est la souvenance Du bon temps passé.