**** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_naissancedamadis *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_naissancedamadis *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_ELIZENE *date_1694 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_elizene Ma pauvre Dariolette, je tremble comme la feuille. Mais dis-moi, un homme n'est-il pas bien fort, quand il est seul avec une personne dont il est aimé ? Mais est-il bien sûr que tu m'aies véritablement mariée avec le roi Périon ? Car, sans cela, je me garderais bien de me trouver cap-à-cap avec lui. Je ne saurais que te dire, ce mariage-là me paraît un peu précipité. Au moins, Dariolette, tu me promets que la comédie se passera en simples récits et menus propos ? Ma pauvre Dariolette, n'y aurait-il pas moyen de remettre la partie à demain ? Valeureux chevalier, à votre aspect je deviens toute perplexe. Excusez, seigneur, si la pudeur m'empêche de parler. J'aimerais mieux être morte que d'avoir failli et prévariqué. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_naissancedamadis *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_naissancedamadis *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_PERION *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_perion Ouf ! J'aime, hélas ! C'est assez pour être malheureux. Ce n'est pas l'amour que j'ai ramassé dans les cabarets qui me secoue davantage... Hélas ! Parbleu ! Tu en auras menti, petit truand d'amour ; et il ne sera pas dit que je t'hébergerai dans mon coeur, sans que tu paies ton gîte. Tu connais la fille du roi chez qui nous demeurons depuis huit jours ? Ah, malheureux ! Quel nom est sorti de ta bouche ! Oui, voilà le fatal brandon Qui met mon coeur tout en charbon ; L'outrecuidé géant, qui, me faisant injure, Fait de ma liberté pleine déconfiture. Ah, mon cher ! Il faut que je t'embrasse par avance, pour le grand bien que tu me fais espérer. Mais, dis-moi, écuyer mon ami, ta promesse sera-t- elle sans fallace ? Crois-tu qu'Élizène m'accorde la passade amoureuse ? Va donc, cher ami, va opérer de manière que je puisse voir la princesse, et tâche à rechasser sur mes terres ce gibier amoureux. Ce n'est pas une affaire pour moi d'aller à la chasse aux lions ; j'en ai quelquefois une douzaine à mon croc, et on les sert par accolade sur ma table, comme des lapereaux. Oui, pour fuir et pour crier. Croyez-moi, allez vous mettre au lit. Je me suis trouvé là bien à propos pour sauver la vie au père de ma maîtresse. Ah, cruelle fortune ! Pourquoi ne me donnes-tu pas l'occasion de faire pour la fille ce que je viens de faire pour le père ? Oui, je voudrais qu'elle eût cent lions à ses trousses. Je voudrais la voir au milieu des fournaises les plus enflammées ; qu'elle fût précipitée dans le fond des abîmes de la mer : le diable m'emporte si je l'irais requérir. Mais je vois sa suivante. Bonjour, accorte et gente Dariolette ; quel bon vent a poussé la nef de tes appas à la rade de mes espérances ? Qu'à cela ne tienne ; je les y mettrai plutôt toutes deux. Je t'assure que si elle me trouve jouvenceau de très bonne affaire, je la trouve aussi jouvencelle de fort bon déblai. Ah, Dariolette, ma mie ! Ce ne sont pas là les fleurs de son jardin que je convoiterais davantage. Ah, Dariolette ! Que je serais heureux si j'étais le jardinier d'une aussi jolie plante que ta maîtresse ! Je la cultiverais, je la labourerais, et devant qu'il fût un an, j'en aurais de la graine. Oui, l'amour s'est mis en embuscade sur le grand chemin de mon coeur, pour l'assaillir et le détrousser. Il est féru si très profondément, que je ne puis m'excuser de la mort, si dans bref l'emplâtre de ses faveurs n'i donne allègement. Oh, diable ! Mes intentions sont dans l'équilibre de la pudeur. Si je pourchasse ta maîtresse, c'est en toute loyauté et droiture. Je ne voudrais que lui dire deux mots. Tiens, tiens, cela rendra peut-être la chose plus facile. On traite les filles plus humainement en mon pays, et si on brûlait toutes celles qui ont délinqué, le bois y manquerait tous les hivers. Mais tu n'as rien craindre ; dès à présent j'épouse ta maîtresse. Comment ! Tu doutes encore de ma fidélité ? Écoute. Je jure par ce fer, dont nul géant n'échappe, Par qui maint félon fut occis, De ne boire jus de la grappe, Ni de ne manger pain sur nappe, Que d'Élizène enfin je ne sois le mari, Si j'obtiens l'obligeante étape, Autrement dit, le don d'amoureuse merci. Je touche enfin l'heureux moment Qui va finir mon amoureux tourment ; Élizène bientôt deviendra mon partage. Mon coeur tressault, tous mes sens sont ravis, Dans peu l'amour va m'ouvrir l'huis Qui conduit dans le mariage. À minuit j'en dirai deux mots Avec ma belle jouvencelle, Et je dois en même propos Me solacier avec elle. Ô nuit ! Prends ton noir balandran ; Viens, descends, que rien ne t'arrête ; Puisque c'est à minuit que se fera la fête, Conduis vite l'aiguille au milieu du cadran. Ah ! Je sens l'amour qui me grille ; Je n'en puis plus, morbleu ! Mon coeur pétille : Au feu ! Au feu ! Au feu ! Au feu ! Les seaux de la ville ! Ah ! Vous voilà, infante de mon âme ! Vous arrivez comme de cire ; il y a longtemps que je vous attendais ; je commençais à me morfondre. Oh ! Laissez-moi faire, je lui montrerai tout ce qu'il faudra. C'est à moi d'enseigner C'est à lui d'enseigner Aux filles ignorantes Les manières fringantes ; C'est à moi d'enseigner C'est à lui d'enseigner Le grand art de céder. Les moments sont trop chers pour les perdre en paroles. Allons vite jouer nos rôles. Allons, petite marmotte, Il n'est pas temps de pleurer. Vous faites ici la sotte, Et vous vous laissez tirer. Tant de rigueur m'épouvante : J'ai peur que cette ignorante, Avec toute sa façon, Ne me montre ma leçon. Et toi, petite Mercure, Pour adoucir ton chagrin, Va, pendant ma procédure, Faire un tour dans le jardin. Quand la maîtresse est aux prises, Les soubrettes bien apprises Doivent voir en attendant De quel côté vient le vent. Je suis ici dans une auberge ; Et les guerriers portant flamberge Ont toujours droit, chemin faisant, Quand ils trouvent tendron friand, De se payer des arrérages. Pendant qu'on repaît le bidet, Les chevaliers ont pour usage De se délasser du voyage Avec fille de cabaret. Penard ? Prends-le d'un ton moins haut ; De ton courroux il ne me chaut : Je ne viens point dans ta famille Mettre trouble ni désarroi ; Je n'ai rien tollu de ta fille : Elle est entière comme moi. C'est unir deux amants Que de les rissoler ensemble. Que voulez-vous que j'y fasse ? Les filles ont toujours eu de l'ascendant sur moi ; et, quand je le puis, je prends ma revanche. Qu'appelez-vous l'opération ? Je ne suis pas malade. À cette heure, je vous avertis que je ne vaux rien rôti. Comment ! D'Élizène et de moi il doit naître un fils qu'on nommera Amadis, et vous voulez me faire brûler ! Ah, vieux penard ! Je veux te faire mettre à ma place. Allons, qu'on le saisisse. Allons, je vous pardonne ; et puisque les destins l'ordonnent, j'épouse votre fille. Mais écoutez, la belle, voilà un oracle qui me lanterne les oreilles : il dit que j'aurai bientôt un, fils ; je vous avertis que je n'aime pas les enfants précoces. C'est à peu prés la même chose chez nous ; et souvent les pères et mères sont plus tôt avertis de la multiplication de leur famille, que de la noce de leurs filles. D'Amadis voilà la naissance, Assez suspecte à mon avis ; Sans trop médire, il est en France Encore bien des Amadis. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_naissancedamadis *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_naissancedamadis *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_GALAOR *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_galaor En vérité, seigneur, je vous trouve dans un bien triste et moult piteux état, depuis que vous êtes en ce diable de pays-ci. Pourquoi quitter votre royaume pour venir faire le juif-errant dans les Gaules, et ne vous occuper qu'à occire des géants et venger l'honneur des pucelles ? Vous n'aurez jamais fait à ce métier-là. Ouf ! Cela me met le coeur en grande componction et détresse, de voir que mon bon maître, le roi Périon, s'en aille comme cela le grand galop dans l'autre monde. Par la digne épée que vous portez, révélez-moi l'ennui qui vous malmène. Sans cesse l'on vous voit voler de fille en fille ; À chaque gîte, enfin, vous changez chaque jour. Si vous vous plaignez de l'amour, C'est fort bien fait s'il vous houspille. Et depuis quand donc les princes poussent-ils de si grands soupirs ? Est-il quelque porte, tant verrouillée soit-elle, qui ne s'ouvre de prime-face à leur aspect ? Et ne trouvent-ils pas toujours en leur chemin donzelle prête à leur accorder la courtoisie ? Mais quelle est donc la petite carogne qui vous a si bien ajusté ? Qui ? Élizène ? Oh ! Consolez-vous. Si c'est là le poulet de grain dont votre coeur est en appétit, je vous promets, avant qu'il soit peu, que vous en aurez cuisse ou aile. Si fera-t-elle, foi d'écuyer : je sais qu'elle vous trouve d'un fort bon aloi, et je connais moult très bien l'esprit des femelles, qui accordent plus volontiers leurs faveurs à un étranger qu'à un citadin. Une fille bien apprise, Qui veut toujours aller son train, N'accorde rien à son voisin, De peur qu'il ne le dise ; Elle vend mieux sa marchandise À quelque marchand forain. Les plaisirs vous suivront désormais, Vous allez voir vos désirs satisfaits ; Un tendron novice Tombe en vos filets. N'allez pas faire ici le jocrisse ; Tambour battant menez-moi votre Agnès : Il est temps que la jeune bergère De ses appas avec vous fasse un troc. Cela vous est hoc ; On s'épouse aujourd'hui sans notaire : L'usage approuvé Est sous seing privé ; L'Amour carillonne, Et j'entends qu'il sonne, Du haut du clocher, L'heure du berger. Hé bien, la belle, que dites-vous de notre musique ? Suivez l'Hymen, ce dieu vous apprête Un ambigu de plaisirs nouveaux : Pendant que vous serez tête à tête, Je vous promets de garder les manteaux. Seigneur, puisque vous êtes en train de marier, voilà Dariolette : tandis que vous jouez gros jeu avec la princesse, ne pourrais-je pas carabiner avec la soubrette ? Ah, Dariolette Si blanchette, si douillette, Je connais sur l'étiquette Que tu ne t'en feras prier ; Car lorsque le chevalier De la dame a fait emplette, C'est la raison que la soubrette S'ébaudisse avec l'écuyer. Quand veux-tu, petite brunette, Remonter un pauvre écuyer ? N'est-il pas temps que ma mazette Tire enfin à ton râtelier ? **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_naissancedamadis *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_naissancedamadis *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_DARIOLETTE *date_1694 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_dariolette La princesse Élizène, ma tant bonne maîtresse, m'envoie vers vous, son seigneur ; elle est navrée à votre sujet, d'une blessure tant profonde qu'elle n'en guérira jamais, si vous n'y mettez la main. La pauvrette se plaint jour et nuit ; elle soupire, elle larmoie, et oncques elle ne vit jouvenceau de tant bonne affaire que vous. Voilà des fleurs qu'elle vous envoie pour marque de sa bienveillance envers vous ; elle les a elle-même cueillies de sa main. Je vous assure qu'elle n'a rien réservé ; elle vous a tout envoyé. Ah, seigneur ! Ma maîtresse n'est point une fille à monter en graine ; on ne la laissera pas si longtemps sans lui donner un mari. Mais... là... parlez-moi franchement, est-il bien vrai que vous l'aimiez si fort ? Il y a tout plein de ces agonisants-là qui tombent en pâmoison à l'aspect des jolies demoiselles. On sait bien ce qu'il faudrait pour les faire revenir ; mais la plupart sont des traîtres qui ne cherchent qu'à emprunter certaines choses qu'ils ne rendent jamais. Parler à ma maîtresse ! Ah, seigneur ! Cela est impossible. Il faudrait donc que ce fût la nuit, afin de n'être vu de personne. Car il y a une loi dans ce pays furieusement sévère contre une fille qu'on rencontre avec un garçon ; et le bûcher est toujours tout prêt pour les brûler tous deux sans autre forme de procès. Dame ! Dans les Gaules, on est terriblement roide sur l'honneur. Bon ! On voit tant de ces épouseux-là qui amusent les filles avec des promesses banales de mariage ! Ils n'ont pas plus tôt obtenu quelques gracieusetés, que tout le mariage s'en va à vau-l'eau. Pendant ce temps-là, une pauvre fille en a pour son compte. Or, maintenant réjouissez-vous ; je vais tâcher de mettre fin à tant glorieuse entreprise ; et envers la minuit, je vous ferai ébattre en propos joyeux avec votre maîtresse. Allons, ma bonne maîtresse, la nuit est bien noire, et favorise notre marche clandestine. Mais, c'est selon. Quelquefois c'est l'homme qui est le plus fort, quelquefois aussi c'est la femme. Je ne sais pas bien les règles du tête-à-tête, et je n'en ai encore reçu que deux ou trois leçons. Hé ! Ne craignez rien, je connais mille femmes qui n'ont jamais été le quart autant mariées que vous. Il ne s'en fait plus autrement ; et dans ce temps-ci, il faut brusquer la noce, et ne pas donner le temps à un homme de se reconnaître, ni de faire trop d'informations de vie et moeurs de sa future. Hé ! Fiez-vous à ma parole. Bon, bon ! Demain, ne serait-ce pas la même chose ? Les nouvelles mariées demandent toujours des lettres de répit, et elles seraient au désespoir qu'on les leur accordât. Allons. Ma maîtresse n'est encore qu'une petite novice. Quant à moi, je l'ai fait à bonne intention : j'ai cru que quand on s'était donné la foi on pouvait se parler nuit et jour, sans rien craindre. Seigneur, il ne faut pas que l'oracle vous étonne ; les filles dans les Gaules sont fort expéditives. Est-ce que tu perds l'esprit ? Crois-tu que je voulusse d'un carabin comme toi ? Quand on est et jeune et gentille, Il est bien fâcheux de mourir ; Mais de rester encore fille, C'était mon plus grand déplaisir.