**** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_suitefoiresaintgermain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_suitefoiresaintgermain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_ARLEQUIN *date_1696 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_arlequin Alessandro magno, quel grand filosofo, aveva ragione di dire, che l'amore d'una dona est un sable mouvant, sur lequel on ne peut bâtir que des châteaux en Espagne. La dona est une girouette d'inconstance ; un moulin à vent de légèreté ; une belle de nuit, qui n'est bonne que du soir au matin. Ecco la belle de nuit inconstante, qui me fait tant pester contre le genre féminin. Mademoiselle, rangez-vous de mon chemin, s'il vous plaît. Une ingrate comme vous ne sera jamais un rémora capable d'arrêter un vaisseau comme le mien, qui cingle à pleines voiles sur l'océan des bonnes fortunes. Quand un homme est tourné d'une certaine manière, il ne manque point d'adoratrices. Il ne tient qu'à moi d'être gouverneur des filles d'honneur d'une honnête dame qui demeure dans la rue Froidmanteau. Je ne fais point mention d'une ancienne procureuse qui me donne toujours quelque exploit galant, et qui m'a accordé la préférence sur quatre grands clercs. Peut-on apprendre comment s'appelle votre procureur moderne ? Si vous n'étiez pas une grande babillarde... Io vi direi que c'est madame Jacquemard. Ah, carissima Colombina ! Embrassez-moi, Nous travaillons tous deux dans le même atelier. Et moi je me suis introduit auprès de la procureuse, sous le nom de baron de Groupignac, e che sono venuto à Parigi per sollecitar un dono. C'est de pouvoir seul avoir des haras de mulets dans les montagnes d'Auvergne. Et moi, ton douaire sur les malversations de la procureuse. L'Épine est dans mes intérêts. Tant mieux. Si les parties sont assemblées, nous plaiderons contradictoirement. Holà quelqu'un ! Basque, Champagne, la Fleur, Poitevin, Coupejarret ! Laquais major, autrement mon secrétaire, j'ai laissé sur mon bureau vingt ou trente billets doux ; allez les ouvrir, et y faites réponse ; mais d'un style tigre et cruel : j'ai d'autres amours en tête. Laquais minor, allez dire à cette veuve que je n'irai point la voir qu'elle n'ait reçu ce remboursement. Laquais minimus, vous irez chez la vieille baronne de Trancot, savoir si son visage est pleinement rentré des crevasses de la petite vérole. Mon suisse, venez ci : vous dont le bras est aguerri à soutenir l'assaut des créanciers, redoublez de force aujourd'hui, et repoussez vigoureusement toutes les femmes qui viendront m'assiéger. Ah, madame ! Vous voilà ? Que de beautés ! Que d'appas ! Quelle fourmilière de charmes ! Que ces yeux, ce nez, ces dents, ce teint, que tout cela est bien travaillé ! Avez-vous acheté cela tout fait ? Que cela est artistement élabouré ! Je me donne au diable, si je n'aimerais pas mieux avoir fait ce visage-là que la machine de Marly. Petits appas, madame ! Ah, ciel ! Quelle hérésie ! Voilà les plus gros que j'aie vus de ma vie. Vous me charmez, vous m'enchantez, vous m'enlevez, vous m'enthousiasmez. Non, je n'y saurais tenir ; il faut que je vous embrasse. L'éclat de vos charmes m'éblouit bien davantage, Beau soleil de mon âme ! Plus je vous vois, plus je vous trouve adorable. M'aimez-vous ? Il faut bien qu'un homme de qualité remplisse ses devoirs. On se lève tard. Avant qu'on ait écarté les créanciers, fait quelques affaires avec les usuriers, qu'on se soit montré dans les lansquenets, on est tout étonné que la nuit est bien avancée, et qu'il faut aller rosser le guet. Pour me rendre plus assidu auprès de vous, je me suis un peu relâché cette semaine ; et voilà déjà cinq hommes qu'on a tués, où je n'ai aucune part. Mais que ne fait-on pas pour vous ? Que vous êtes ensorcelante ! Où est donc ce diamant que vous mettez d'ordinaire à votre petit doigt, et qui me va si bien au pouce ? N'y manquez donc pas. Que vous parlez élégamment, ma princesse ! En vérité, je ne vois personne qui ait une tournure d'esprit aussi arrondie. Le diable m'emporte, vous l'avez comme le corps. Le joli petit balustre ! Ah, madame ! Votre beauté durera longtemps ; elle est bâtie sur pilotis. Oh ! Plus que vous ne voudrez. Vos jambes sont les colonnes d'Hercule : c'est pour moi le non plus ultra. Adieu, charmante colonne qui soutient l'architrave de mon amour. Il me semble que la procureuse ne donne pas mal dans le panneau. Allons nous déguiser, pour l'attraper elle et son mari, et la faire venir à nos fins. Ah ! Que j'ai bien dormi ! Bonjour, Cléopâtrine. Quelle heure est-il ? J'ai soif et faim. Va vite me tirer chopine ; Mais ne la bois pas en chemin. Moi, héros ! Dame ! J'ai quelquefois La mémoire un peu laxative. Étions-nous morts tous deux ? Par ma foi, je croyais Qu'en bons et francs époux bourgeois, Tous deux, nu même lit, le ragoût d'hyménée Nous avait fait dormir la grasse matinée. Déchausse le cothurne, et songe au déjeuner. Ton oil me met en goût, et me sert d'échalote. Cette anguille est dodue, et vaut bien un poulet. Au lieu d'en faire un bracelet, Va m'en faire une matelote. On a fait courir ce bruit-là ; Mais tu connais la médisance : L'un le crut, l'autre s'en moqua ; Dis-moi la chose en conscience. Fut-ce un aspic qui te piqua, Ou bien si tu mourus de rage De n'avoir pu chanter un bis de mariage ? Je le tiens apocryphe. Euh ! Petit charlatan, À quelque autre que moi va vendre ta vipère Pour faire de l'orviétan, Ou pour pendre au plancher de quelque apothicaire. Si de cette vipère on faisait, à Paris, De la poudre à guérir les coquettes fieffées, On en vendrait moins, prix pour prix, Pour les estomacs affaiblis, Que pour les vertus débiffées. Ouiche, tarare, pompon ! Malheureuse ! Quel nom est sorti de ta bouche ! À ce nom, de courroux je me sens embrasé, Et je suis à présent dé-Marc-Antonisé. Tu veux m'en imposer par ton récit tragique. Telle qu'une coquette, en superbe ordonnance, Vient étaler au Cours le plus fin de son art, Pour ranger sous son étendard Quelque colonel de finance ; Telle, et plus belle encore, on vous vit dans un char, Aller pompeusement au-devant de César. Là, vous mîtes en batterie Soupirs, roulement d'yeux, mines, minauderies, Pour faire encore échec et mat Les débris du Triumvirat. Mais avec tout l'effort de votre artillerie, Croyant prendre un héros, vous ne prîtes qu'un rat. Fi ! Vous n'êtes qu'une bretteuse. On n'avait point encor découvert l'Amérique. Ce fut pour toi le plus grand des bonheurs ; Car, ma foi, pour te rendre sage, On t'eût fait commander, dans ce chétif voyage, L'arrière-ban des Noseurs. Nenni, ventre-saint-gris ! Madame. Je sens que je m'en vais retomber amoureux. Marc-Antoine, point de faiblesse. Venez çà, petit boutefeu. Qu'on m'aille chercher un notaire ; La femme est un mal nécessaire. Nouons à double noud le lien conjugal. Donne-moi la main, scélérate. Et nous, nous vous donnons le bonsoir. Présentement que nous tenons de quoi faire la noce, il est bon de vous dire que la prétendue Léonore s'appelle Colombine ; qu'elle est une friponne de sa profession, et que le baron de Groupignac, autrement dit Marc-Antoine, est Arlequin, autre fourbe de son métier. Puisque tout le monde est content, divertissons-nous, et faisons la noce de Marc-Antoine. Comment, ventrebleu ! Mon petit praticien français, vous êtes bien hardi de vous mettre à table devant Marc-Antoine romain ! Monsieur Jacquemard est bénin, Docile et débonnaire : Il nous fait boire de bon vin ; Mais il n'en boira guère. Il plaide comme un Cicéron ; En procès c'est un diable ; Mais quand il voit un mousqueton, Il plaide sous la table. Aux frais du plaideur indiscret, Il boit à la buvette ; Mais il défraye au cabaret Et plumet et grisette. Mets tout cela sur le buffet, mon ami. Cela est juste. Monsieur Jacquemard paiera. Va : il répond de tout. Vous ne paierez pas ! Mousquetaires, remettez-vous ; tirez. Volontiers, laissez-le aller ; après qu'il aura payé, s'entend. À la santé du Parterre : Le ciel veuille allonger ses jours ! Et que, dans notre gibecière, Son argent foisonne toujours. Répondez-moi, trompettes et tambours. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_suitefoiresaintgermain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_suitefoiresaintgermain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_COLOMBINE *date_1696 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_colombine Lucrezia Romana, di castissima memoria, aveva costume di dire, ch'il cuore d'un uomo était bien trigaud, et qu'il ne s'y fallait non plus fier qu'à un almanach. L'amor d'un uomo est un petit brouillard d'été, qui se dissipe avec le soleil ; un coq sur un clocher, qui tourne au moindre petit zéphyr. Ecco le petit brouillard d'été, qui me fait haïr les hommes comme des mahométans. Avec votre permission, monsieur, n'embarrassez pas le passage. Un perfide comme vous ne sera jamais une ornière capable de m'empêcher de rouler dans le grand chemin des prospérités. Quand une fille a quelque savoir-faire, elle ne manque pas d'adorateurs. J'ai refusé d'être premier commis chez un commis de la douane, qui m'aurait fait bien des gracieusetés, et où j'aurais tenu la caisse. Je passe sous silence les avances que me fait un procureur moderne, qui me signifie tous les jours quelque avenir amoureux, et qui veut m'associer à sa pratique. Peut-on savoir le nom de votre ancienne procureuse ? Si vous n'étiez pas un petit indiscret... Io vi direi que c'est monsieur Jacquemard. Madame Jacquemard ! E possibile ? Ah, caro Arlicchino ! Nous négocions l'un et l'autre dans la même boutique. J'ai fait croire à Monsieur Jacquemard que je suis une fille de qualité de province, nommée Léonore, et que je suis à Paris pour solliciter un procès. Quel est-il ce don ? Il faut de cette affaire, faire notre fortune. Tu sais que notre mariage n'est retardé que par notre indigence : il faut que nous plumions ces oisons. J'assigne dès à présent ma dot sur les malversations du procureur. Il est aussi dans les miens, et son secours ne nous sera pas inutile. Mais le voici. On vous a dit vrai : il y a plus de six mille ans que nous devinons dans notre famille, de père en fils. Je suis la première femme du monde pour crocheter les cadenas de l'avenir. En voyant votre taille et votre moustache, je devine que vous êtes menacée d'une longue stérilité. J'ai deviné qu'au printemps prochain plusieurs femmes paieraient aux officiers leur quote-part des frais de la campagne, pour éviter les exécutions militaires. J'ai deviné qu'au renouveau le sang des procureuses serait terriblement pétillant, et que, si elles jouaient au lansquenet, leurs maris seraient les premiers pris. En voyant une sultane d'opéra troquer ses diamants bâtards contre des légitimes, j'ai deviné qu'elle avait fait de furieuses exactions sur quelque gros bacha sous-fermier. En voyant deux Gascons entrer au cabaret, j'ai deviné que ce serait le cabaretier qui paierait l'écot. J'ai deviné qu'à la Saint-Martin, tout homme de robe et tout abbé feraient suspension d'armes ; mais qu'au départ des officiers on verrait écrit, en lettres d'or, sur la porte des coquettes : Cedant arma togoe. J'ai deviné que les bals de cette année seraient dangereux, et que les hommes seraient si bien masqués, que mainte femme y prendrait quelque aventurier pour son mari. J'ai deviné que beaucoup de mères coquettes, voyant chaque jour leur visage menacer ruine, tâcheraient de faire recevoir leurs filles en survivance. J'ai deviné qu'il y aurait cet été, aux Tuileries, plus de nymphes bocagères que de faunes et de chèvre-pieds, et que les Apollons de ce pays-là ne trouveraient point de Daphné assez cruelle pour se laisser métamorphoser en laurier. En voyant tant de galanteries mercenaires, j'ai deviné que l'amour était devenu courtier de change, et que les coeurs se négociaient à présent de place en place. J'ai deviné, en voyant un milord de la rue des Bourdonnais, qui avait perdu son argent contre une jolie femme, qu'il ne serait pas longtemps à se racquitter. J'ai deviné que les carrosses de deux bourgeoises de qualité se rencontreraient tête à tête dans une petite rue, et qu'après avoir fait repaître leurs personnes et leurs chevaux, on en ferait une scène lucrative à l'hôtel de Bourgogne. J'ai deviné qu'il y aurait cette année bien des filous qui voudraient changer d'état ; Bien des maris qui voudraient porter le deuil de leurs femmes, et encore plus de femmes qui postuleraient des emplois de veuve. Comment ! Est-ce que vous voudriez que votre mari fût mort ? Donnez-moi votre main. Diantre ! Voilà une main bien nuptiale. Vous avez bien des soupirants ; entre autres, un certain baron de Grou... Groupignac, oui ; un échappé des montagnes de l'Auvergne. Il vous a terriblement égratigné le cour. Et les madames Jacquemard si laides ! Avez-vous des bijoux, des diamants, de l'argent comptant ? Hé bien, écoutez la Sibylle : elle va vous dire ce qu'il faudra faire. Quel éclat vient frapper ma débile paupière ? Quel dieu cruel me force à revoir la lumière, Moi qui, me dérobant aux rigueurs de mon sort, Trouvai tant de douceur à me donner la mort ? J'ai triomphé du coup dont vous vouliez m'abattre, Grands dieux ! Que voulez-vous encor de Cléopâtre ? Mais que vois-je en ces lieux ? L'ombre de mon époux ! Marc-Antoine, est-ce vous ? Cet indigne discours rend ma douleur plus vive. Ne te souvient-il plus que tu fus roi des rois, Un héros ? De son esprit troublé que puis-je soupçonner ? J'ai toujours conservé, sur mon bras étendu, Ce sûr témoin de ma vertu. Quand ta mort eut brisé nos conjugales chaînes, Cet aspic fit glisser son venin dans mes veines. Tout l'univers a su mon trépas éclatant. Pour sauver ma vertu, j'employai le poison. Auguste est mon garant ; je méprisai sa couche. Mon bichon, mon Antonichon, Je prendrai, si tu veux, le ton tragi-comique. Les femmes de certain renom Savent chanter sur chaque ton ; Même sur celui de flonflon. Quand je voudrai mettre un amant en cage, J'y réussirai, sur ma foi : Princesse aussi riche que moi Perd rarement son étalage. Ingrat ! Pour tes beaux yeux, j'ai, contre le Romain, Mis cent fois l'épée à la main. Coeur de caillou, sang de macreuse ! Par une marotte amoureuse, Pour toi j'ai trotté sur les mers ; J'ai rôdé par tout l'univers ; J'ai galopé l'Europe, et l'Asie, et l'Afrique. Venons au fait : veux-tu me reprendre pour femme ? Cléopâtre, plus de tendresse. Rentrons dans nos tombeaux. Adieu, perfide, adieu. Et l'homme est un faible animal. Mon cher Toinon, mets là ta patte. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_suitefoiresaintgermain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_suitefoiresaintgermain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_MONSIEURJACQUEMARD *date_1696 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurjacquemard Que faites-vous donc ici, madame ? Est-ce que vous venez à la Foire pour y donner la comédie ? Quel habit de folle avez-vous donc là ? Est-ce l'habit d'une procureuse ? Il n'y a pas un de ces diamants-là qui ne m'ait coûté un procès, et peut-être une fausseté. Ils ne vous coûtent pas grand'chose non plus. Tant pis, madame : il y a de certains métiers où il vaut mieux recevoir que donner. Je n'ai rien à réformer à ma conduite, et je souhaiterais que la vôtre fût aussi régulière dans le fond et dans la forme. Je crois que voilà Léonore ma maîtresse ! Comment donc, mademoiselle ! Ne m'avez-vous pas promis de m'épouser, quand ma femme serait crevée ? À la bonne heure ; mais vous n'épouserez pas non plus votre baron. Je n'épouserai pas Léonore, mais je lui donnerai tout ce que j'ai. Tenez, mademoiselle, voilà une bourse de cent louis. Voilà un petit contrat de cinq cents livres de rente. Et moi, ma terre de la Pissotte, la maison de Paris, l'étude, les trois grands clercs... Ah ! J'étouffe. Et moi aussi, pourvu que vous n'épousiez pas votre Baron. Ce n'est point aux procureurs À donner des cadeaux aux filles., Prenez votre sac et vos quilles : Faites Gille, faites Gille ; Allez chercher fortune ailleurs. Moi ? Je ne réponds de rien : je n'en paierai pas un sou. Ne tirez pas ; j'aime mieux payer : mais qu'on me laisse donc sortir. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_suitefoiresaintgermain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_suitefoiresaintgermain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_MADAMEJACQUEMARD *date_1696 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_madamejacquemard Vous voyez, monsieur de l'Épine ; c'est un petit déshabillé à bonnes fortunes, que je me suis donné exprès pour venir à la Foire. On a beau être jeune, mignonne, pouponne, ces fripons d'hommes sont si intéressés, qu'à moins qu'ils ne voient briller l'or dessus et dessous, ils s'imaginent qu'une femme est un garde-magasin, et ils veulent l'avoir pour moitié de ce qu'elle vaut. On attrape assez l'air de qualité, comme vous voyez. Mon mari ne sait pas que j'ai ce petit déshabillé-ci. C'est le surtout des menus plaisirs : il est déjà tout fripé.3 Oh ! Je ne crains rien. Je n'ai rien de caché pour monsieur de l'Épine ; je connais sa discrétion, et je lui avouerai que je me sens si frappée de ce monsieur de Groupignac, que si mon bâtier de mari était mort, je n'en ferais pas, à deux fois ; et je l'épouserais d'abord en lui donnant tout mon bien. Je vous réponds que j'irai dans un moment chez vous. Ah, monsieur ! Je n'achète point de charmes ; la nature y a assez pourvu : je suis toute naturelle, moi. On serait bien heureuse, monsieur le baron, si l'on pouvait, auprès de vous, mettre à profit ses petits appas. Ah, petit séducteur ! Vous ne cherchez qu'à me jeter de la poudre aux yeux ! Ah, ah ! Ah ! Fi donc, aimer ! Je m'évanouis quand j'entends seulement prononcer le mot d'amour ; mais on aurait quelques bontés pour vous, si vous n'étiez pas si dissipé. Vous êtes, à ce qu'il me paraît, fort régulier à vos exercices. Fi donc, fi donc, monsieur le baron ! Je vous l'apporterai tantôt. Tout de bon ? Me trouvez-vous de votre goût ? Mon tailleur dit qu'il y a de l'honneur à m'habiller. Je ne suis pas des plus menues ; mais, si vous y prenez garde, je suis assez bien prise dans ma taille. Vous êtes à charmer. Fi ! Je n'aime pas ces grandes tailles de fuseau, qui sont toujours prêtes à rompre. Je veux, morbleu ! Des tailles épaisses et renforcées, comme la vôtre. J'ai eu autrefois un roussin breton, qui était le meilleur animal qui fut jamais : il avait la côte tournée comme vous. Je crois que vous avez la jambe d'un beau volume ! Souffrez que j'en voie un échantillon. Fi donc ! Arrêtez-vous, petit entreprenant. Sans vanité, je ne l'ai pas mal tournée. Tout beau, tout beau, monsieur ! Un peu de modestie. Je vous laisse, et vais de ce pas aux momies, consulter une Égyptienne sur la mort de mon mari, et notre futur mariage. Adieu, petit Hercule. Monsieur, n'est-ce point vous qui montrez les momies ? Puisque vous êtes le dieu de l'Égypte, ne pourriez-vous point me faire parler à quelqu'une de vos Égyptiennes, pour lui demander son avis sur une petite affaire ? On m'a dit, madame, que vous étiez une Bohémienne fort habile dans votre métier, et que vous deviniez à merveille. Monsieur Jacquemard, mon mari, ne se plaint point de moi. Je l'ai fait père de dix-huit Jacquemardeaux, tous portant barbe. Je le crois bien ; mais... Madame, je suis procureuse, et... D'accord ; mais vous saurez... Il n'est pas question de cela. Je n'ai que deux mots. Mais laissez-moi donc parler. Vous avez deviné juste ; mais... Ah ! Voilà la question, madame. Non, pas tout à fait ; mais je voudrais savoir si je serai mariée en secondes noces. Groupignac, n'est-ce pas ? Cela est vrai. Comme elle devine cela ! Il m'a promis de m'épouser aussitôt que la place serait vacante. Mais, vous le savez, les barons d'aujourd'hui sont si inconstants ! Dites-moi un peu ce qu'il faudrait faire pour le fixer dans le goût de me tenir un jour sa parole. Oh ! Oui : je suis très bien nippée et très riche. Qu'y faites-vous, vous ? Que je suis malheureuse ! Est-ce que je rencontrerai toujours ce petit brutal-là en mon chemin ? Procureuse, moi ? Apprenez, mon ami, que je suis la femme d'un procureur, mais que je ne suis point procureuse, et que je puis porter l'or et l'argent à meilleur titre que de vieilles comtesses qui doivent encore leur habit de noce. Je serais bien malheureuse d'être lardée de faussetés depuis les pieds jusqu'à la tête ! Mais, monsieur, consolez-vous, ces diamants-là ne vous coûtent rien. Comment ! Que voulez-vous dire ? Ils ne me coûtent pas grand'chose ! Je veux bien que vous sachiez que je n'ai jamais rien fait pour de l'argent. Plutôt que de censurer ma conduite, vous feriez mieux de réformer la vôtre, et de ne pas faire tous les jours le petit libertin. Cela est étrange ! Ces gens de pratique ont toujours quelque petit ménage par apostille, et ils ne regardent leur femme que comme un inventaire de production. Je crois que voilà mon baron de Groupignac ! Tout beau, s'il vous plaît ; je mets empêchement à ce mariage-là, et j'ai hypothèque sur Marc-Antoine. Comment, merci de ma vie ! Quand je serai crevée ? Je veux vivre cent ans pour te faire enrager, et pour t'empêcher d'épouser ta demoisillon. Je ne l'épouserai pas ; mais je lui donnerai tout mon bien. Tenez, monsieur le Baron, voilà déjà un diamant que je vous donne. Tenez, voilà un collier de mille écus. Et moi je vous donne ma maison de la rue de la Huchette. Quoi !... N'importe, je suis contente, pourvu que mon benêt de mari n'épouse pas sa grisette. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_suitefoiresaintgermain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_suitefoiresaintgermain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_LEPINE *date_1696 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lepine Je vous trouve à propos : vos affaires sont en bon train. Votre procureur ne manquera pas de se trouver tantôt dans ma boutique, pour voir mes momies, où il vous prépare une collation magnifique. Et pour la procureuse, je l'attends ici, et je vais faire en sorte de la faire trouver aussi chez moi. Dès qu'ils seront tous dans ma boutique, je vous dirai ce qu'il faudra que vous fassiez. En attendant, Colombine, il faut que tu te déguises en Égyptienne : je te cacherai dans ma boutique, et... Mais allez-vous-en ; voici madame Jacquemard qui vient. Serviteur à madame Jacquemard. Que vous êtes brillamment et élégamment mise ! Quel bel habit ! Ah, madame ! Vous êtes si belle que vous n'avez pas besoin de toutes ces parures-là pour plaire. Il est vrai qu'on aime assez l'étalage ; et dans les boutiques bien parées, on y vend une fois plus cher qu'ailleurs. Mais si votre mari vous trouve avec cet ajustement, il pourra bien jeter l'habit par les fenêtres, sans songer que vous seriez dedans. Il faudra, madame, que vous veniez voir mes momies d'Égypte. Elles sont très rares ; et monsieur le baron de Groupignac m'a promis qu'il s'y trouverait : je sais qu'il ne vous est pas indifférent. Vous ne sauriez mieux faire ; c'est un homme d'un vrai mérite. J'ai une Égyptienne dans ma boutique, qui pourrait bien deviner le temps que vous l'épouserez. Mais je crois que je l'entends. Madame, je vous laisse pour me rendre chez moi. Si l'Égyptienne vous tente, venez-y, et je vous promets que je vous ferai parler à elle en toute sûreté. Serviteur. **** *creator_dufresnyregnard *book_dufresnyregnard_suitefoiresaintgermain *style_verse *genre_comedy *dist1_dufresnyregnard_verse_comedy_suitefoiresaintgermain *dist2_dufresnyregnard_verse_comedy *id_OSIRIS *date_1696 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_osiris Je suis Osiris, le dieu de l'Égypte. Volontiers. Je veux, en votre faveur, rappeler à la lumière une des plus illustres. Doucement. Il n'est pas question de se disputer ici. Vous êtes venus pour voir les momies, et non pour quereller. Faites donc silence, et regardez ; vous allez voir Marc-Antoine et Cléopâtre. Petit mouton d'amour, doux objet de mes voeux !