**** *creator_estoile *book_estoile_intriguedesfilous *style_verse *genre_comedy *dist1_estoile_verse_comedy_intriguedesfilous *dist2_estoile_verse_comedy *id_lucidor *date_1648 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lucidor O Comble de mal-heurs ! Puis-je chere Clorise assez verser de pleurs, Regrettant le portrait de celle que j'adore ? Mais comment as-tu pû le perdre ? Ha que ton peu de soin est peu digne d'excuse ! Je le suis plus que luy. Ce bien m'estoit promis, & ta belle Maistresse Me l'envoyoit aussi pour tenir sa promesse, Et consoler par là son mal-heureux Amant⁎ De n'ozer plus la voir qu'en secret seulement ; Mais je ne l'auray point, ta negligence extresme M'a frustrè pour jamais de cét autre elle-mesme, De ce charme des yeux, qui ravissant les miens, Eust flatté⁎ ma douleur en l'absence des siens. Ha ! ne ris point du mal dont mon coeur est saisy. Il faut perdre la vie. Luy pourrois-je cacher une si grande perte ? Mentirois-je à qui voit mon ame toute nuë ? Que puissay-je plustost estre privé du jour, Treve de raillerie, Moy pour cacher un crime en commettre un si noir ? Puis donc que tu le veux, si je n'y suis forcé, Je ne luy diray rien de ce qui s'est passé, Je t'en donne parolle, & le Ciel me confonde⁎, Si j'en parle jamais à personne du monde. Mais au Temple aujourd'huy ne la pourray-je voir ? Va, Ragonde, va donc, sa mere a mille doutes Qui la tiennent souvent tout un jour aux escoutes: Mais tes inventions, qu'on ne peut esgaler, Treuvent bien toutesfois moyen de luy parler. On n'en soupçonne rien, ton adresse est extrême, Et tu pourrois tromper la deffiance mesme. Mais adieu, je t'amuse⁎. On voit à tous momens quelque affaire importune Survenir à qui suit l'Amour ou la Fortune. La Fortune vous rit, & vous est favorable, Mais je croy que l'Amour vous rend fort miserable. La Fortune se plaist à nous estre infidelle, Et quiconque la suit est aveugle comme elle. Je l'advouë, il est vray ; mais le possedez-vous Ce cœur qui sembloit estre insensible à vos coups ? A flatter vos desirs, on l'invite, on la force ; Mais d'un arbre si beau vous n'aurez que l'escorce. De quoy? Sa main, par qui l'Amour mit le feu dans mon ame, Vous a peut-estre escrit au mespris de ma flame. Ses cheveux semez de tant d'appas, Ainsi que vostre cœur, ont-ils lié vos bras ? Qu'est-ce donc ? cette belle farouche Vous fait-elle cueillir les roses de sa bouche ? Quelle foy vous croiroit ? Peut-estre qu'en dormant vous la baisez en songe. A mes yeux ! Hé ! comment la baiser si ce n'est en peinture ? C'est là mon sentiment⁎; En ce cas je le quitte, & croy que tout à l'aise En ce petit carton vostre bouche la baise : Mais encor, depuis quand avez-vous ce tableau ? Mais de qui ? Ha ! tout beau. Voyez-vous si matin ce Soleil qu'on adore. Ha ! vous en dites trop, pour acquerir creance, Et ne pas en fureur tourner ma patiance. Certes vos vanitez passent jusqu'à l'excez, Moy je perdrois le mien ? mais Florinde s'avance, Et pourroit contre moy prendre vostre deffense. Dans une heure au plus tard je seray seul icy. Quoy, Florinde, en vos mains a remis sa peinture ? Il ne se dit jamais de pareille imposture. Tirez, tirez l'espée, & sans plus discourir, Songez à vous deffendre, ou plutost à mourir, Si vous ne me rendez une chose si belle. Je seray bien-tost victorieux. Quoy que vous m'ayez mis le Soleil dans les yeux. N'en doutez point, ouy selon mon envie, Vous rendrez le portraict, ou vous mourrez. Hé bien, je vous la laisse, & vostre espée encor, Il suffit que j'emporte un si rare tresor. Qu'est-ce qui te r'amene ? Qu'as-tu donc ? S'est-il jamais commis d'injustice plus grande ? Qu'ay-je dit ? qu'ay-je fait ? ha ! malgré son desir, Je les conserveray jusqu'au dernier souspir, Et quand mesme la mort aura finy mon terme, Sous la tombe avec moy je veux qu'on les enferme, Vouloir m'oster ainsi ce qui m'a tant cousté ! Non, non Ragonde non, retourne-t'en luy dire, Qu'elle n'obtiendra rien de ce qu'elle desire. S'il m'estoit plus cruel, il me seroit plus doux, Qu'il m'arrache la vie, & je luy rendray grace, Que dira-t'elle, helas ? Revien, Rien, rien, poursuy tes pas, Toutesfois, encore une parolle. A quoy me résoudray-je ? O trop injuste sort. Faut-il que ce portrait soit cause de ma mort ? Clorise l'a perdue par trop de negligence, Et cependant moy seul j'en fais la penitence, Sa faute, & mon mal-heur ne peuvent s'esgaler. Ha ! ne te raille point, il n'est pas temps de rire, Tu me donnois tantost⁎ des conseils bien contraires. Puis-je bien me resoudre à cette perfidie ? Amour inspire moy ce qu'il faut que je die, Je viens pour obeyr à vos commandemens, Vous rendre ce qui fait tous mes contentemens : Mais du moins, ô merveille ! à mes yeux adorables ; Apprenez moy, de grace, en quoy je suis coupable. Non, ou que pour jamais Florinde m'abandonne. Tersandre peut-il seul plus que tous les humains ? Ce que je n'avois pas, pouvoit-il me le prendre ? Helas ! Il est ainsi, Madame, & j'ay sceu par les armes Arracher de sa main ce miracle de charmes : Plus que sa propre vie il feignoit le cherir, Mais il a mieux aymé le rendre que mourir. Cependant on vous force à l'avoir pour Espoux : Mais à la violence opposons la finesse, Ne peut-on surmonter la force par l'adresse ? Si vous m'aimez, À la faveur de l'ombre il nous faut absenter, L'Amour garde par tout ceux qui luy sont fidelles, Et pour nous enfuir il nous offre ses aisles ; En ce pressant besoin⁎ doit-on la rejetter ? Sauvez-vous, sauvez-moy, Ha ! si vous pouviez voir, Ces Esprits⁎ qui me font & parler & mouvoir, Vous verriez vostre image au plus beau de mon ame, Et seriés esbloüye, à l'esclat de ma flame⁎. Laissez parler le monde, Et rendez-vous heureuse en me rendant heureux, Vostre seule personne a mon ame ravie, L'esclat de vos grands biens tente peu mon envie ; Et si quelque mal-heur vous les avoit ostez, Je n'en serois pas moins captif de vos beautez : Mais il faut l'un ou l'autre ; ou que je vous enleve, Ou que de mon Rival l'entreprise s'acheve, Et qu'on voye à ma honte, & malgré vos efforts, Cet orgueilleux Démon posseder ce beau corps. Donc la peur de vous voir à son joug asservie Arresteroit le cours d'une si belle vie ! Je rompray par sa perte un si sanglant dessein, Ouy cent coups de poignard luy perceront le sein ; Et si mon action attire vostre blasme, De ce mesme poignard je coupperay ma trâme⁎. Chassez donc loin aussi cette vertu timide⁎ Qui s'effroyant de tout vous retient d'eviter L'orage qui sur vous est tout prest d'esclatter. Quel Demon peut jamais m'en inspirer l'envie ? Vos seules volontez regleront mes desirs, Et le bien de vous voir fera tous mes plaisirs. Ne crains rien. Madame, ils ont tous fait retraitte, Apres s'estre sauvez par la porte secrete ; Mais qui vois-je à ce coin ? Il s'en faut esclaircir. Dis-tu la verité Mais ne t'ay-je pas veu sous moy porter les armes ? Ouy c'est toy qui tremblois aux premieres allarmes, Et dont l'ivrognerie oza tant m'offenser, Que de ma Compagnie il te fallut chasser. Tu vivois en pourceau, tousjours la panse pleine : Mais tu veux t'eschapper, Maraut, Ouy, si tu ne ments point. Entre donc, & sans peur vien finir l'avanture. Qui donc crie au voleur ? D'où provient ce grand bruit ? Madame, laissez-moy, je sçauray le poursuivre. O charmante promesse ! **** *creator_estoile *book_estoile_intriguedesfilous *style_verse *genre_comedy *dist1_estoile_verse_comedy_intriguedesfilous *dist2_estoile_verse_comedy *id_olympe *date_1648 *sexe_feminin *age_veteran *statut_maitre *fonction_mere *role_olympe Vous sortez bien matin, Mais plus matin encor je me suis habillée, Pour sçavoir qui si tost vous avoit esveillée, Où courez-vous ? Et cette femme aussi ? Vous venez de bonne heure, afin de le sçavoir. Non pas pour le present. Hé que faites-vous donc ? Je le croy, mais l'Hymen est un joug que j'abhorre. Je la suis toutesfois, & la seray tousjours, Adieu, n'en parlons plus, brisons là ce discours. La charge d'un Mary me semble trop pesante. Ne seroit-ce point là quelque Femme apostée⁎ ? Peut-estre Lucidor emprunte son secours, Pour vous faire tenir des lettres tous les jours ; Et peut-estre à respondre encore il vous engage, A dessein seulement d'en tirer advantage : L'Amant⁎ dans la poursuitte est un Renard si fin, Que nous n'avons poulets qu'il n'atrappe à la fin. Mais il devient lyon aux caresses premieres, Nous fait trembler de peur, nous retient prisonnieres, Et dans la jouyssance il se change en serpent, Dont le mortel venin contre nous se respand, Il nous siffle, il nous mord, & nous quitte avec joye, Pour chercher autre part quelque nouvelle proye. Vous devez pour jamais, l'oster de vostre esprit : Mais qui croiroit qu'Amour vous eust préocupée D'un homme qui n'a rien que la cappe & l'espèe? Lucidor est gentil⁎, genereux⁎, obligeant⁎, Mais toutes ses vertus ne sont pas de l'argent : Cependant il vous charme, & Tersandre au contraire, Avecque tous ses biens tasche en vain de vous plaire ; Mais en fuyant Tersandre, & suivant son Rival, Vous fuyez vostre biens ; & suivez vostre mal : Tersandre est en effet plus riche qu'en parolles, Ne luy gardons-nous pas deux grands sacs de pistolles, Un coffret tout comblé de chaisnes d'or massif, Et qui pour leur grosseur sont d'un prix excessif, Un diamant encore, en splendeur admirable, En grandeur monstrueux, en tout incomparable ? Plus un homme est jalous, plus son amour est forte, Et nulle ne s'egale à celle qu'il vous porte ; Il sera vostre Espoux, c'est un point arresté, Rentrons. Ainsi donc à toute heure il faut que je descende, Pour voir ce que chés moy cette femme demande : Quoy ? deux fois en un jour, nous venir visiter ? Est-ce le seul sujet qui vous conduit icy ? Et vous n'apportez point parmy ces bagatelles, De ces petits poulets⁎ qui cajollent les belles ? Ne vous y joüez pas, vous seriez mal-menée : Mais combien en un mot, vendrez-vous ces deux rangs ? Je ne vous puis qu'offrir, cette somme est trop grande. Ne les pourrois-je point avoir pour la moitié ? Comment entre les mains vous sont elles tombées ? L'eau ne m'en desplaist pas, Je paye argent contant, Je vous veux bien payer, mais c'est chose certaine, Que ce collier n'est point tout ce qui vous ameine, Vous ne le mettez pas à raisonnable prix, La peur en me parlant agite vos esprits, Vostre teint a changé quand je me suis monstrée, Et je vous tiens enfin, une femme attiltrée; Vous subornez ma fille, & contre mon dessein, Luy soufflez par l'oreille un poison dans le sein ; Je devrois la lever, & vous punir soudain, Je ne sçay qui me tient. Au Voleur, au Voleur, accourez à mon ayde, Des Larrons sont entrez par la petite porte, Et nul que Lucidor ne me preste main forte : Ma maison est perduë. C'est un Voleur, prenez-le, il faut qu'il rende l'ame, Entre mille tourmens. Tu fais une promesse où je ne comprens rien : Mon bien & mon honneur sont-ils prés du naufrage ? Parle plus clairement, esclaircy ce langage ; Et si tu m'avertis de quelque trahison, Je t'exempte de tout, mesme de la prison. N'est-il pas honnest-Homme, & riche tout ensemble ? Ses merites partout aujourd'huy sont prisez, Et ses biens trop cognus l'ont fait mettre aux Aysez ! Qui ne s'explique mieux gaigne autant à se taire : Où donc auroit-il pris tout ce que je luy garde ? Ces chaisnes d'or massif ? & ce gros diament ? Quoy ce n'est pas bon or ? ô grand Dieu quelle bourde⁎! Et ce gros diament. O mal-heur ! mais je veux que ces biens soient frivoles⁎, Ne luy gardons-nous pas deux grands sacs de pistoles; Desnouë, ou romps ce nœu, Est-il faux Monnoyeur ? O le plus Scelerat du reste des humains ? Mais pourquoy mettre ainsi ces biens faux en mes mains ? Je n'ay point d'autre envie, Si ton rapport est vray, je te donne la vie ; Mais s'il est faux aussi tu sera maltraitté, Entrons visitons tout. Pour sa punition il le faut laisser vivre, Cependant mon honneur est blessé vivement, Par le honteux dessein de cet enlevement : Mais il a fait tout seul l'heureuse descouverte, De ces Voleurs de nuict qui conspiroient ma perte ; Et sans qui toutesfois mon esprit abusé, M'auroit donné pour gendre un Filou desguisé. Puis donc que vostre espée à ce poinct m'a servie, Qu'elle a sauvé mon bien, mon honneur, & ma vie, Je vous pardonne tout, & vous promets encor, Que Florinde jamais n'aura que Lucidor. Allez vous reposer, benissez la Fortune Qui fait que dés demain pour finir vos langueurs, L'Hymen joindra vos corps, comme Amour joint vos cœurs. Fin du cinquiesme & dernier Acte. **** *creator_estoile *book_estoile_intriguedesfilous *style_verse *genre_comedy *dist1_estoile_verse_comedy_intriguedesfilous *dist2_estoile_verse_comedy *id_florinde *date_1648 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_florinde J'attens vostre retour ; L'avez-vous veu Clorise ? a-t'il ce qu'il demande ? Au Temple ce matin je pourray bien aller, Mais qu'il n'espere pas que j'ose luy parler ; Il n'est pas à sçavoir qu'on m'en a fait deffense, Et que son entretien me tiendroit lieu d'offense. Sans choquer⁎ mon devoir, pourrois-je les choquer⁎ ? Taisons-nous, la voicy. Au Temple. Afin de vous parler, elle venoit icy. Mes yeux sont à sçavoir comment sa main escrit, Ouy, mais il est jalous, jusques-là que parfois, A ma langue, à mes yeux, il veut donner des loix ; Je n'ose entretenir ny regarder personne, Sans aucune raison souvent il me soupçonne, Et si de moy s'approche, ou servante, ou valet, Il jure qu'en mes mains on a mis le poulet⁎. Dieu ! que feray-je en cette extremité ? Fin du premier Acte. J'y viens pour m'esclaircir d'un doute seulement ; On dit que vous avez perdu le jugement ? Et que dans vos discours, dont je suis si touchée, La plus fille de bien passe pour desbauchée. Que vostre mesdisance est seule esgale à soy, Et que vous n'espargnez, ny Clorise, ny moy. Je sçay bien qu'un excez d'aveugle jalousie, De tant de faux soubçons rend vostre ame saisie, Que peut-estre au rapport de vos sens abusez, Les filles que je voy sont garçons desguisez : Mais que vostre folie à ce poinct fust venuë, Que de parler de moy comme d'une perduë; Qui me l'auroit predit, fust-ce un esprit divin, Auroit passé chez moy pour un mauvais Devin; Et n'estoit que je suis plus sage que vous n'estes, Tous mes proches sçauroient l'affront que vous me faites Et pas un ne seroit insensible à ce coup. Puis qu'un indigne Objet⁎ de liberté me prive, Cessez d'estre en m'aymant captif d'une Captive, D'esperer guerison de qui meurt en langueur, Et d'aymer tant un corps dont un autre a le cœur. Poursuivez. Luy faire ce mensonge ! Où donc l'a-t'il treuvé ? de qui l'a-t'il receu ? Il l'a fait quelque part tirer à mon deceu: Mais redonnez-le moy, de crainte qu'à ma honte Quelqu'un vous le voyant n'en fasse un mauvais conte. Quoy vous me refusez ? Gardez-bien le portraict, mais croyez desormais, Que pour l'Original vous ne l'aurez jamais. Doncques de mes faveurs⁎ l'Insolent s'est vanté ! Ha ! je ne puis souffrir⁎ ce trait de vanité ; Je veux estre vangée, & monstrer à ce Traistre Que mon amour est mort pour ne jamais renaistre ; Pour ne jamais renaistre ! ha ! je m'en vante à tort, Un amour si parfait renaist dés qu'il est mort : Dans mon cœur je le sens qui desja resuscite, Et pour l'en empescher ma force est trop petite : Mais si nostre raison n'a rien d'assez puissant, Pour estouffer en nous ce Monstre renaissant ; En mourant dans ses fers au moins treuvons l'usage De porter la franchise & la joye au visage ; Dissimulons enfin nostre honteux regret, Et ne souspirons plus, si ce n'est en secret, Moy souspirer pour luy ! moy l'estimer encore ? Non non je me mesprens, je le hay, je l'abhorre ; J'ay recouvré la veuë, & changé tout soudain, Une si grande estime en un plus grand dedain, Mais Ragonde en ces lieux arrive en diligence⁎. Quoy, le Fourbe qu'il est, ose encore m'escrire ? Reportez-luy sa lettre, & lui faites sçavoir, Que jamais de sa part je n'en veux recevoir ; Il monstre mes faveurs⁎, il en prend adavantage, Et j'en ay de Tersandre un certain tesmoignage, Que dit-il dont je n'aye une preuve visible ? Apres avoir d'abord arraché de sa main, Mon portraict, dont ce traistre osoit faire le vain⁎, Me l'a-t'il pas fait voir ? pouvez-vous le deffendre ? Quoy qu'il en soit, Ragonde, il a fait une offense, Sinon de vanité, du moins de negligence ; Folle donc qui s'y fie, & qui ne cognoit bien, Que de tous les Amants⁎ le meilleur ne vaut rien ; Je sçay leurs vanitez, je sçay leurs médisances, Je prens pour trahison toutes leurs complaisances, Et c'est mon sentiment⁎ qu'il n'est rien de si doux, Que de n'avoir jamais ny d'Amant⁎ ny d'Espoux. Brisons là ; tout ce que je souhaitte N'est que de me vanger pour mourir satisfaitte, Ne l'excusez donc point, & courez le trouver, Ce méchant, qui du Ciel doit la foudre esprouver ; Il a de mes faveurs⁎, allez, faites en sorte, De l'amener ce soir, & qu'il me les rapporte. Je le veux. Mais dites luy qu'il vienne, & qu'il n'y manque pas, Sur tout vous luy ferez promettre, Qu'il me rapportera jusqu'à la moindre lettre, Je veux rompre avec luy pour ne plus renouër. Sa faute l'est bien plus, mais Dieu ! voicy ma Mere, Reserrez cette lettre, évitez sa colere. Quoy vostre vanité, temeraire, indiscret, N'a pas dit que souvent je vous parle en secret, Et n'a jamais monstré mon portraict à personne? Tersandre ne l'a pas arraché de vos mains ? Il a sceu toutesfois vous contraindre à le rendre. Expliquez-vous, sans faire l'estonné. De ma part ce matin vous l'a-t'on pas donné ? Quoy vous ne l'aviez pas ? qu'en dites-vous Clorise ? Vous changez de visage, & paroissez surprise ; D'où vient ce changement ? parlez. Hé bien, Vous en demeurez-là ! vous ne dites plus rien. Je ne la veux plus voir, qu'elle sorte d'icy, Ou que de mon portraict elle me rende conte. Dieu ! que me dites-vous ? Tersandre l'avoit donc rencontré par hazard ? De quelle ancre assez noire est digne d'estre escrite La malice qui regne en cette ame hypocrite ? Il est esgalement, & meschant, & jaloux. Quel si ! pouvez-vous en douter ? Cette offre avec honneur se peut-elle accepter ? Sauvez ma renommée, Voulez-vous pour jamais me rendre diffamée ? Ha ! vous ne m'aimez point. La mienne n'est pas moindre, & mon contentement Seroit d'estre avec vous jusqu'au dernier moment, Mais vous suivre en cent lieux comme une vagabonde ! Que diroit-on de moy ? Mon devoir me deffend de complaire à vos vœux, Ferois-je cet affront à ceux dont je suis née ? Ils sçauroient s'en vanger, romproient mon hymenée, Pesteroient contre moy, retiendroit tout mon bien ; Et jamais nul mal-heur ne fut esgal au mien. Quoy luy me posseder ! puisse plutost la Foudre Me frapper à vos yeux & me reduire en poudre. Il n'a bien ny vertu qui me puissent tenter, Et ses soubmissions⁎ ne font que m'irriter. Moy sous ses volontez me voir assujettie ! Moy souffrir⁎ qu'on m'attache à mon antipathie ! Non, non, ne craignez rien, je vous tiendray la foy, Et la mort avant luy triomphera de moy. Quelle aveugle fureur vous agite aujourd'huy Jusqu'à le vouloir perdre, & vous perdre apres luy ? Chassez loin le desir de ce double homicide, A la fin vos raisons ébranlent ma constance, Et ce n'est plus qu'en vain qu'elle y fait resistance : Donc à ce qu'il vous plaist je veux bien consentir, Et mesme avant le jour me resoudre à partir ; Mais lorsque de vous seul estant accompagnée Je seray pour jamais de ces lieux esloignée, Ne me demandez rien contre ce que je doy, Monstrez que vous m'aimez moins pour vous que pour moy ; Et sans jamais brusler d'une illicite flame⁎, Gardez-bien que le corps ne triomphe de l'ame, Quoy que je vous estime, & vous prefere à tous, J'ayme encor toutesfois mon honneur mieux que vous Et si vous l'offensez, je m'osteray la vie. Doncques sur le mi-nuit sans qu'on vous puisse entendre A la porte secrete ayez soin de vous rendre ; Mais adieu, quelqu'un vient. O faveur non commune ! **** *creator_estoile *book_estoile_intriguedesfilous *style_verse *genre_comedy *dist1_estoile_verse_comedy_intriguedesfilous *dist2_estoile_verse_comedy *id_clorise *date_1648 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_clorise Je l'ignore, De sa part chez Ragonde allant vous le porter, Je ne sçay pas comment on a pû me l'oster. Aussi, loin d'en chercher, moy-mesme je m'accuse : Mais ne voulez-vous point moderer vostre ennuy⁎? C'est un portraict perdu : Il faut se consoler. Je sçay qu'à fondre en pleurs ce malheur vous convie. Mais tenez-le secret, ou bien preparez-vous A me voir de Florinde essuyer le courrous. Ouy, si ma negligence arrive à ses oreilles, J'auray beau reclamer ses bontez nompareilles, Je seray soufflettée, et sans plus de caquet⁎, Il faudra me resoudre à faire mon paquet⁎. Si le mien se cognoist, où sera mon espoir ? Par une menterie asseurez ma fortune, J'en ay fait cent pour vous, pour moy faites en une. Ragonde avec moy s'en vienne le sçavoir. Il s'est treuvé surpris d'une faveur⁎ si grande ; Cent fois il l'a baisée ; & mesme devant nous Il s'est pour l'adorer voulu mettre à genous : Mais quoy que ce portrait luy donne tant de joye, Il dit qu'il faut qu'il meure, ou qu'enfin il vous voye. Icy prés. A quoy tend ce propos ? mais, ô Ciel ! qu'avez-vous ? Dieu je vous voy rougir & paslir à tous coups, Et de tant de couleurs se peint vostre visage, Que jamais l'Arc-en-Ciel n'en monstra d'avantage. Les Ivrognes, les foux, & les enfans font rire, Et l'on a peu d'esgard à ce qu'ils peuvent dire ; Mais on doit encor moins s'offencer d'un Amant⁎, A qui la jalousie oste le jugement : C'est une passion qui jamais ne vous quitte, On rit des mouvements dont elle vous agite. Elle vous fait tenir d'extravagans propos, Vous fait parler tout seul, vous oste le repos, Et fait que tous les jours quelque soubçon vous porte. A veoir combien de fois on ouvre nostre porte ; Ce Monstre est défiant, & croit que la Beauté Ne sçauroit compatir avec la Chasteté, Il est tousjours au guet, il est tousjours en doute, Il a plus d'yeux qu'Argus, & pourtant ne voit goutte. Ma foy, si vostre esprit, que j'ay tant admiré, N'est perdu tout à fait, il est bien esgaré : Qui prendroit garde à vous, vous voyant si peu sage, Pour apprendre à parler, vous feroit mettre en cage. Hé ! qu'avez-vous donc veu ? qu'avez-vous donc ouy ? Quelles fausses clartez vous ont donc esblouy ? Florinde n'a jamais fait d'actions blasmables, Et plus que ses beautez, ses vertus sont aymables ; J'espouserois plutost un tombeau qu'un jalous, Quel Vertigo vous prend ? & vous met hors de vous ? Quels discours ? quels regards ? quels transports⁎ de folie ? Si vous continuez je crains qu'on ne vous lie, Et que vous ne faciez les cordes rencherir ; Non, mais j'iray bien-tost avec devotion, Prier sainct Mathurin à vostre intention. Madame. Dieu comme on me trahit ! Dieu quelle perfidie ! Ce conte peut-il bien se rendre qu'à ma honte? Il est vray, Lucidor ne l'a jamais tenu : Mais je vous ay caché le malheur advenu ; Je l'ay perdu, Madame, & n'ozant vous le dire, Mon silence a causé vostre commun martyre. Je vous parle sans fard. **** *creator_estoile *book_estoile_intriguedesfilous *style_verse *genre_comedy *dist1_estoile_verse_comedy_intriguedesfilous *dist2_estoile_verse_comedy *id_tersandre *date_1648 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_tersandre Que me veux-tu ? Ce portraict a vrayment un charme tout nouveau : O Ciel ! dans ce portraict voy-je pas esclater Tous les traits dont Florinde a sçeu me surmonter⁎? Que dis-tu mal-heureux ? me veux-tu faire accroire Que ce corps si parfaict ait une ame si noire ? O Dieu quelle rencontre ! ô Dieu quelle nouvelle ! Je me la figurois aussi chaste que belle, Mais je veux me vanger, ou terminer mes jours, Ce mot suffit tout seul pour me desesperer ; Mais c'est trop discourir, accomply ta promesse, Ma curiosité se plaint de ta paresse : Marche, sers moy de guide, est-ce par ce destour ? Je te tiens, tu viendras, tu ne t'en peux deffendre. Je pense qu'il est ivre, ou plustost incensé ; Mais donnons luy la piece, afin qu'il nous y meine. Tien, voilà bien dequoy te payer de ta peine. Je ne veux rien pour rien; mais dépesche, autrement Une rupture d'os sera ton chastiment. Est-ce point mon Rival ? Tirons-nous promptement d'un doute si fatal : Entrons, & là dedans le treuvant avec elle, Poignardons-le à l'instant au sein de l'Infidèle. Heurte, redouble encore. Ha ! je meurs de regret. Contentez le desir de qui veut bien payer. Monstrez-le promptement,vostre longueur me tuë, O rencontre bizarre ! ô plaisante équivoque ! Qui malgré ma douleur à rire me provoque, Je ne cherche rien moins qu'un cœur de diamant. Nous vous contenterons, n'usez plus de remise. Quoy ? nous fermer la porte en se raillant de nous ? Faire l'honneste femme, & produire⁎ des filles ? Il s'enfuit, & me laisse avecque des transports⁎, Dont jamais ma raison ne vaincra les efforts, Mais plus que ce portrait, suis-je pas insensible, Si je ne me ressens d'un affront si visible ? J'oublieray toute chose, avant que l'oublier, Et moy-mesme par tout j'iray le publier⁎ ; Mais dois-je declarer une faute si grande ? Mon honneur le deffend, mon despit le commande : Sans honte je ne puis decouvrir mon malheur, Et ne le puis celer, sans mourir de douleur ; Au moins sa Confidente en doit estre advertie, Mais n'est-il pas trop vray qu'elle est de la partie ? Qu'avecque sa Maistresse, elle passe son temps, Et peut-estre la vend à beaux deniers contans. La voicy l'Effrontée⁎; où s'en va donc Clorise ? Toute seule ? & mesme si surprise ? Allez vous resjouyr⁎ & saoulez vos desirs Des molles voluptez des amoureux plaisirs. Allez avec Florinde en des Maisons de joye, Mais au moins gardez-bien que quelqu'un ne vous voye, Car, si l'on vous y prend, quel excez de bon heur Vous pourra faire un jour recouvrer vostre honneur ? Lorsque la renommée est une fois perduë, Quoy que l'on face apres, elle n'est point renduë ; Il vaudroit mieux pécher, & que l'on n'en sçeut rien, Que faire penser mal à l'heure qu'on fait bien, Je ne voy que trop bien, il n'est plus de couleur⁎, Qui puisse déguiser un si honteux mal-heur ; Florinde est descouverte, & je cognoy la flâme, De l'impudique feu qui brusle dans son ame. Ma foy, si vostre honneur que j'ay tant protegé, N'est vendu tout à fait il est bien engagé. Qui prendroit garde à vous, pourroit bien vous déplaire, S'il ne vouloit tout voir, tout oüyr, & se taire. Ha ! ne m'en parlez plus, vous me faites mourir ; N'allez-vous pas ensemble en ces maisons infames Où souvent un seul corps a fait perdre mille ames ? Et moy j'iray prier, descouvrant qui vous estes, Qu'on vous donne logis dans les Magdelonnettes; Voyez quelle response, & de quelle fierté, Elle ose devant moy nier la verité ; De tout ce que je dis, elle fait raillerie, Et je ne vis jamais pareille effronterie : J'accuse sa Maistresse, & loin de l'excuser, J'ay tort si je l'en croy, je me laisse abuser ; Elle me traitte enfin de Jalous, de credule, Et d'esprit qui va mesme au de là du scrupule : M'auroit-on bien deceu⁎? crois-je point de leger? Ay-je juste subjet de me tant affliger ? Cette accusation possible n'est pas vraye, Le bruit m'a renversé, la peur m'a fait la playe ; Et c'est trop la blasmer sur le simple rapport D'un homme que le Vice a choisi pour support. Il ne cognut jamais pas une honneste fille, Et des pechez du peuple il nourrit sa famille : Mais si tout ce qu'il dit n'est qu'un conte inventé, Et qu'elle soit si chaste avec tant de beauté, D'où luy vient ce portrait ? & l'audace de dire Qu'on en peut obtenir tout ce qu'on en desire ? Ha ! que je devois bien, imprudent que je suis, Tirer quelques clartez, pour dissiper mes nuits, Avant que de laisser eschaper cet Infame, Par qui mille soubçons se glissent dans mon ame. Quand je pleure (peut-estre) elle se resjoüit⁎, Et peut estre à souhait Lucidor en joüit. Dans ce logis, dit-il, lestement accoustrée, Avec un Ver-galand tantost⁎ elle est entrée. Est-ce un autre que luy ? Je n'en sçay que juger, Mon esprit là dessus se laisse partager : Mais cherchons ce Rival sans tarder davantage, Monstrons luy ce portrait, pour voir si son visage, Son geste, ou son discours, ne m'esclaircira point D'un doute qui vrayment me trouble au dernier point ; On tente tous moyens pour se tirer de peine, Mais je pense le voir, mon bon-heur me l'ameine. Où donc, triste & resveur allez-vous seul ainsi ? Vous est-il survenu quelque nouveau soucy ? J'ay pourtant peu souffert, depuis l'aymable⁎ jour, Que j'ay suivy par tout la Fortune & l'Amour. Quiconque peut avoir la fortune pour luy, A bien dequoy guerir de l'amoureux ennuy⁎. Est-ce un aveuglement que de suivre en tous lieux Celle dont la richesse esblouit tous les yeux ? Mais posseder le cœur de la belle Florinde, Est plus que posseder tous les tresors de l'Inde. Je sçay bien que n'aguere elle m'estoit cruelle, Et qu'au joug de vos loix vous reteniez la belle : Mais pour s'en desgager, elle a pris mes liens, Et semble avoir esteint tous vos feux dans les miens. Si⁎ m'a-t'elle fait don ; Je suis discret, Un Amant⁎ doit mourir avecque son secret. Point du tout. Encor moins. Vous l'avez deviné, je baise quand je veux Le coral de sa bouche, & l'or de ses cheveux. Ce n'est point un mensonge. Non non, je ne dors point, & d'amour transporté⁎, Je puis mesme à vos yeux baiser cette beauté. A vos yeux, j'en feray la gageure, Ha ! je l'entens ainsi, la baiser autrement, N'appartient pas à nous. Depuis peu. D'elle mesme. Elle m'en a faict don au lever de l'Aurore. Dans sa chambre parfois j'entre avecque le jour, Et voy lever du lit ce bel Astre d'Amour. On permet de crier à qui perd son procez. Et pour vostre mal-heur j'y seray seul aussi. Adorable beauté, pour moy seul inhumaine, Dans les lieux où je suis, quel sujet vous ameine ? J'ay peu dit à Clorise, elle en a dit beaucoup ; Mais vous arrestez-vous à des contes frivoles ? Le vent, avec la poudre emporte ses parolles. Plaise au Ciel seulement qu'on ne vous blasme pas, De porter des liens honteux à vos appas. Doit-il le posseder ? Il est vain⁎ jusqu'à dire Que ce n'est que pour luy que vostre cœur souspire, Et qu'enfin. Que selon son desir, Chez une Revendeuse il vous voit à loisir. Ayant de vostre amour tous les jours quelques gages. Il fait bien d'avantage, Il monstre vos faveurs⁎, mais je n'ay pû souffrir⁎, Que jusques à mes yeux il ozast les offrir. Ma main a de la sienne avecque violence, Arrachant le portraict, puny son insolence : Mes yeux l'admireront, mon cœur l'adorera, Mais fors⁎ moy seulement aucun ne le verra. Dieu quelle est vostre envie ! Demandez-moy plutost jusqu'à ma propre vie. Aucun ne l'aura donc, que devant cette espée Ne se voye en son sang jusqu'aux gardes trempée. Fin du second Acte. Enfin je te retreuve Et de ce bras vangeur tu vas faire l'espreuve ; Ouy je te tiens, perfide, & tu m'esclairciras, Ou de cent coups d'espée à l'instant tu mourras, Parle, qui t'a donné ce portrait adorable ? Le hazard ! qui t'a donc, miserable, Fait feindre qu'elle mesme avoit mis en tes mains, Un ouvrage à charmer tous les yeux des humains ? Comment la faim ? Qu'est-ce que tu veux dire ? Mais chez la Revendeuse elle a porté ses pas, Avec un Vergalant, Hé ! de quelle façon estoit-elle vestuë ? Qu'est-cecy ? Elle n'en met jamais, Ne sçais-tu rien de plus, Tu la prens pour une autre, elle craint les senteurs, Et dés-là je te tiens le plus grand des menteurs ; Mais plus je te regarde, & plus je m'imagine, Qu'en toy, je voy parestre, & le port⁎ & la mine : D'un assez bon Valet, qui par legereté, Depuis desja long-temps mal-gré moy m'a quitté ; Les transports⁎ où j'estois par ton faux tesmoignage, M'ont tantost⁎ empesché d'observer ton visage : Je t'ay veu, sans te voir, mais tu m'ostes d'erreur, Et chasses loin de moy cette aveugle fureur, Enfin je voy Beronte. Certes tu n'es pas moins credule que naif. La barbe comme à moy t'estant aussi venuë, Et ton crotesque⁎ habit ont fasciné⁎ ma veuë : Mais voicy les jours gras, & possible allois-tu Porter quelque Momon, estant ainsi vestu. Je te plains, mais où donc a paru ton courage ? Donc apres qu'il fut mort tu luy fis bien du mal ? Tes discours autrefois marquoient quelque prudence : Mais tu ne parles plus qu'avec extravagance. Je les quitterois⁎-là. Je n'ai jamais de rien faict secret avec toy, Je suis dans un malheur seul comparable à soy. J'ayme. Mais on ne m'ayme point, un Rival m'importune, Et nul effort secret de mes inventions, Ne le peut destourner de ses pretentions. Nous avons eu parolle, & quoy qu'il m'en advienne, Je m'en vay mesurer mon espée à la sienne. Belle, à n'avoir rien veu de si beau sous les Cieux. Son pere estoit un homme chiche, Et qui, dans les partis, comme un Juif, s'est faict riche. Almir. Tay toy. C'est trop. Son nom est Lucidor. Est-il donc si vaillant ? Hé ! la raison ? Hé ! comment fit-il donc ? Ainsi tu vangera ta querelle & la mienne, Je viens l'attendre icy. Le voicy, cache toy, mais retien ta colere, Et ne te monstre point, qu'il ne soit necessaire. Enfin vous le voulez, le sort en est jetté ; Mais n'est-ce pas folie ou plutost lascheté ? Que de se battre ainsi pour une ame inconstante ? Et qui honteusement a trahy vostre attente ? Reprenez vos Esprits, n'aymez plus qui vous hait, Et laissez-moy jouyr du bien qu'elle m'a fait. Pour la derniere fois jette les yeux sur elle, La voilà. Qui vous ! La vie. Toy qui les bras croisez nous as regardé faire, Homme le plus poltron que le Soleil esclaire ; Pourquoy, lasche, pourquoy quand il m'a terrassé, N'as-tu pas dans ses reins un poignard enfoncé ? Responds : mais dans ce coin il dort ou je m'abuse. Holà-ho ? Est-ce ainsi sac à vin que l'on tient sa promesse, Cependant mal-heureux, il m'a tout emporté. Suy-moy, traistre, suy-moy. Mille coups de baston puniront ton offense. Quels cris ay-je entendus ? ne le puis-je sçavoir ? La demande est civile, A qui crois-tu parler ? Ha ! je te recognois, mais à cette heure induë, Que fais-tu toute seule au milieu de la ruë ? Ayant trop bû d'un coup, tu cherches ton chemin. Cognois-tu l'advenir ? Et plus que ton sçavoir, si le mien n'est frivole⁎, Avec quelque Commere ayant le verre en main, Tu mourras en chantant beuvons jusqu'à demain : J'excuse ton ivresse à nulle autre pareille, Et je pardonne au vin, mais garde la bouteille. Qui dit cette Insensée ? Moy feindre ! moy fuïr ! as-tu perdu le sens ? Moy ? Hé ! qui donc t'a conté cette Fable ? Qu'as-tu dis Miserable ? Ha perfide ! Il mourra ; l'Imposteur, Hé ! je puis d'un valet endurer cet outrage ? Je deviendray Bourreau, pour te rompre le cou. Fuyons. **** *creator_estoile *book_estoile_intriguedesfilous *style_verse *genre_comedy *dist1_estoile_verse_comedy_intriguedesfilous *dist2_estoile_verse_comedy *id_ragonde *date_1648 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_ragonde Qui-va-là ? Vrayment il est belle heure ; Mais que voy-je ? la crainte a mon coeur tout transy. Quelque Vaut-rien, retire-toy d'icy, Qui vous recognoistroit vestu de cette sorte ? Le plaisant équipage, hé ! Dieu d'où venez-vous ? En ces occasions on perd tout jugement. D'où vient donc leur colere ? Je vous retirerois, fust-ce en ma chambre mesme, Mais j'ay de ces Escrocs une frayeur extrême ; S'ils sçavent que chez-moy, je vous ay fait cacher A l'heure de minuict ils viendront vous chercher ; Ils me chanteront poüille⁎, ils me feront desordre, Et jamais ces Mastins⁎ n'ont abboyé sans mordre ; Cherchez-donc giste ailleurs. Faut-il pester ainsi contre vostre advanture, Pour un petit carton barboüillé de peinture, Où, peut-estre Florinde est laide en cramoisy? Devez-vous l'advertir que vous l'ayez soufferte⁎ ? Au contraire en parlant avec elle aujourd'huy Mentez comme un beau Diable, & donnez-vous à luy, Si tousjours ce portrait n'occupe vostre veuë. Que fait-on que mensonge en l'Empire d'Amour ? C'est-là qu'impunément à toute heure il s'en forge, Et vous avez menty cent pieds dans vostre gorge; Alors que tant de fois, sans rougir seulement, Vous m'avez asseuré d'estre mort en l'aimant. Vous parlez, vous marchez, qui doncques je vous prie Vous a resuscité ? O quels transports⁎ d'Amour ! Mais Florinde parest. Faut-il que vos parens contraignent vos desirs ? Voyez en liberté l'objet⁎ de vos plaisirs : Est-il pas Gentil-homme ? est-il pas Capitaine ? Si j'estois que de vous, ma foy ribon ribene Bongré malgré leurs dents, je les ferois bouquer. Quoy dependés-vous d'eux ? vous n'avez plus de Pere, Et le bien vient de luy, non pas de vostre Mere, Qui se voyant encore en la fleur de ses ans, Se laisse cajoller⁎ à mille Courtisans. Mais si quelque Galand luy donne dans la veuë, Vous imaginez-vous d'en estre mieux pourveuë ? Les biens que vostre Pere a pour vous amassez, Seront pour un Plumet follement despensez, Et Dieu sçait cependant comme iront ses affaires, Et combien au procez les amours sont contraires. Le miroir qu'elle prend, afin de s'ajuster, Est le seul Advocat qu'elle ira consulter. Desja son plus grand soin est de parestre belle, Elle invente à tous coups quelque mode nouvelle ; Et vostre Pere est mort en sa jeune saison, Du regret de la voir ruyner sa Maison, Et non pas, comme croit sottement le vulgaire, De quelque qui pro quo de son Apotiquaire. Mais à vous convertir perdray-je mon latin ? Madame, si j'en croy la nouvelle publique, Vous donnez un Espous à vostre fille unique ? Madame excusez-moy, je ne viens que pour voir Si vous auriez besoin de quelques Pierreries, De beaux Linge de Lits, ou de Tapisseries J'ay des meubles chez moy, Capables de servir dans la chambre du Roy. Mais pour les achepter je ne treuve personne, Le temps est miserable, on vend moins qu'on ne donne : A peine le Bourgeois me demande combien, Et chacun à la Cour veut avoir tout pour rien. On apprend la Lezine, on a plus d'autre livre, Je suis de tous mestiers, & si⁎ je ne puis vivre, Je perds sans rien gaigner mes peines & mes pas. Mais que ne fais-je pas ? Madame je revends, je fais prester sur gages, Je predis l'advenir, & fais des mariages : Cherchez-vous un mary ? Je sçay bien vostre fait⁎, C'est un homme de mine, & plus encor d'effet. Quoy vous tiendrez-vous Veuve, estant si jeune encore, J'en voy remarierqui passent cinquante ans, Reprenez un Mary, mesnagez vostre temps, Et ressouvenez-vous, qu'il n'est rien si semblable Que l'estat d'une Veuve, & d'une miserable. Souvent elle est reduitte à vaincre ses desirs, Pour garder son honneur, elle perd ses plaisirs : Que si quelqu'un la void, soudain on en caquette⁎, Elle est au ROQVANTIN, on l'appelle Coquette, Et ses propres enfans condamnant ses humeurs, Sont par fois les premiers à censurer ses mœurs : Tout veuvage est fâcheux, & j'en fais bien l'espreuve, Fust-on femme d'un Sot, on est mieux qu'estant Veuve. Vous refusez un bien que le Ciel vous presente. Vous pourriez toutes-fois la porter aysément : Mais je parle Madame un peu trop librement, Et crains de vous avoir trop long-temps arrestée. Que vous plaist-il Monsieur ? voulez-vous dans ma chambre Voir quelques bracelets, ou de coral, ou d'ambre ? De beaux emmeublemens, mille sortes d'habits, De nouveaux Pointct-coupez, des Monstres de rubis ? Il est vray qu'il est beau, mais ces Traisneurs d'espée Sont Seigneurs d'argent-court, & souvent m'ont trompée ; J'ayme bien mieux le vendre à quelque Financier. Ce que vous desirez de cent feux estincelle, Mais Monsieur, sçavez-vous comment cela s'appelle ? Ce joly petit Cœur qui n'a rien de commun, Et cinquante escus d'or, en un mot c'est tout un. Vous ne donnerez rien pour en avoir la veuë ; Le voilà, n'est-il pas plus brillant qu'un Soleil ? Ce Cœur de diamant n'eut jamais de pareil. Hé ! que cherchez-vous donc ? parlez plus clairement, Les Filous de tantost⁎ ne pardonnant à rien, T'auroient-ils emporté l'esprit avec le bien ? Je n'ay pour vous, Messieurs, aucune marchandise ; Fors une couverture, où l'on berne les Foux. Un Malade d'Amour sans espoir d'allegeance, Lucidor, ce Resveur qui dort moins qu'un Lutin, Vous attendant au Temple a passé le matin, Et dans ce mot d'escrit vous dépeint son martyre. O le plaisant tesmoin qu'un Rival si jalous ! Il a des visions, il est au rang des fous. Vous le dites vous-mesme, & son extravagance Ne se peut comparer qu'à sa seule arrogance : Il se vante en Gascon, se marche en Espagnol, Et pense que le Ciel est trop bas pour son vol : Il enrage de voir son amour maltraittée, Son tymbre en est feslé⁎, sa cervelle eventée⁎, Et tantost⁎ un caprice hors de comparaison L'a fait sans me cognoistre heurter à ma maison : Il m'a chante goguette⁎, & sans aucune cause Il luy sembloit à voir que j'estois quelque chose; Mais le reste à loisir se pourra mieux conter ; Madame cependant cessez de l'escoutter, Il est fou, mais meschant, & menteur au possible. Ne le condamnez pas, avant que de l'entendre ; Peut-estre son mal-heur a perdu le portrait, Et l'autre le treuvant vous a joué d'un trait. Mais encor, Madame, J'y vay donc de ce pas. C'est assez dit. Vostre colere est grande, il le faut advouër. Je sçauray dans le nid remettre ce poulet⁎ ; Et craignant son courroux filer doux comme laict. J'avois tantost⁎, Madame, oublié d'apporter Des perles que voicy, blanches, rondes, polies, Et que par l'artifice on n'a point embellies. J'ay bien quelques bijoux à vous monstrer aussi. Qu'entendès-vous par-là ? pour qui me prenés-vous ? Moy donner des poulets⁎ en monstrant des byjoux ! Qu'une femme de bien est souvent soubçonnée ! Pas une maille moins de seize mille francs. Je les ay refusez, ou jamais je n'en vende. Bien moins pour ce prix là, que pour vostre amitié, Il faudroit sur ma foy qu'on les eust desrobées, Pourquoy dire comment ? cela m'est deffendu, Il suffit que je livre, apres que j'ay vendu. Nulle autre n'en approche ; Voyez il ne faut point achepter chat en poche: Regardez-les partout, c'est un marché donné ; Mais quoy, je ne vends rien, je n'ay pas estrené; Et ne laisse à si peu, si belle marchandise, Que pour avoir l'honneur de vostre chalandise: Madame, ce collier, foy de femme de bien, Vaut entre deux amis, vingt mille francs ; ou rien ; Je ne surfais jamais, hé bien ! vous duisent⁎ elles ? Si vous en acheptez prenez-en d'aussi belles; Qui choisit prend le pire, & qui barguigne⁎ tant, En a tousjours plus cher, On ne fait plus credit de quoy que l'on achèpte, Sinon depuis la main jusques à la pochette, Qui preste maintenant n'est pas fin à demy, Et souvent d'un Intime, il fait un ennemy ; Maudy soit le premier qui presta sur la mine, Vive l'argent contant, il porte medecine, Chez-moy Credit est mort, & l'on n'ignore pas, Que de mauvais payeurs ont causé son trespas. O Dieu ! qui vid jamais femme plus soubçonneuse ? Quoy ? je passe chez-vous pour une suborneuse, Je suis femme d'honneur, j'en leverois la main, Je l'ay belle eschappee, Mais je veux bien mourir si j'y suis ratrappee ; Je n'ay membre sur moy qui de peur n'ayt tremblé, Et mon esprit encore en est comme troublé ; D'une telle frayeur taschons à nous remettre, Courons chez Lucidor, redonnons-luy sa lettre. Mais, qui vois-je arriver ? Ny viens pas, si d'abord tu n'en veux à mon gré Conter à reculons jusqu'au dernier degré : Oses-tu bien encor, Monstre de medisance, Apres un tel affront parestre en ma presence ? Devant ce Fanfaron, devant ce Fierabras, Qu'à peine je cognois, qui ne me cognoit pas : Me traitter de gaillarde⁎! & conter des sornettes ; A te faire au derriere attacher des sonnettes, J'en creve en mes panneaux, ouy cet indigne tour, Me fait enfler le sein aussi gros qu'un tambour: Mais je sçauray te rendre injure pour injure, Adieu, garde ton dos de mauvaise avanture. Dieu, qu'est-ce que je voy ? n'allons pas plus avant, De peur de ce Filou, tapy sous cet auvent ; Mais un autre plus loin s'offre encore à ma veuë, Ils sont deux, ils sont trois, c'est fait, je suis perduë, Où fuiray-je ? le cœur me bat comme un claquet⁎, Et s'ils m'appercevoient, je serois bien du guet. Heurtons viste, r'entrons. Je tremble. Trois grands Tireurs-de-laine Sont au guet à cette heure, & jette dans ces lieux, La main sur les passans aussi-tost que les yeux ; Je les viens d'entrevoir, et prenant l'espouvante, Aussi-tost j'ay heurté plus morte que vivante ; Mais ils sont disparus, & je cours à l'instant, Treuver à petit bruit Florinde qui m'attend, Pour r'avoir ses faveurs⁎, qu'elle vous redemande, C'est là qu'elles seront en lieu de seureté, Je crains que ce refus n'irrite son courroux, Est-il transport⁎ d'Amour qui le vostre surpasse ? Mais c'est trop m'amuser⁎. Que voulez-vous ? Adieu donc. O demande frivole ! Il luy faut obeir. Vostre bouche a promis de jamais n'en parler, Mais vous estes Norman, vous pouvez vous dédire. Que vous estes Niais de vous taire aujourd'huy, Quand on punit en vous la sottise d'autruy, Que dira le pays où vous pristes naissance ? Luy qui se fait nommer pays de sapience? Jamais à son dommage on n'y garde sa foy, Et c'est estre peu fin que d'agir contre soy. Il faut nouveaux conseils à nouvelles affaires, Je ne devinois pas ce qui vient d'arriver, Mais Florinde parest, allons tost la treuver. Qui ne prendroit cecy pour une Comedie ? La mesche est descouverte, implorez sa mercy. Enfin que dira-t'il ? enfin que dira-t'elle ? Vous empesche d'aller où l'Amour vous appelle Ou quelque bon Frater, estant peu scrupuleux, Puisse en Catiminy, vous espouser tous deux, Je croy bien que d'abord quelque Diable en soutane, Lancera sur vous deux mille traits de Chicane; Mais contre la justice ayant bien regimbé⁎, Il faudra qu' à la fin ils viennent à jubé⁎; Jusqu'au dernier teston⁎ ils rendront la richesse, Qu'autresfois vostre pere acquit par son adresse, A-t'on veu Partizan faire mieux son mago⁎? Il pondoit sur ses œufs & vivoit à gogo, Vous estes belle au coffre aussi bien qu'au visage, Et vingt mille escus d'or sont vostre mariage. Mais quoy ? si vostre mere un jour y met la main ? Ces vingt mille Soleils s'esclipseront soudain, Et n'ayant plus l'esclat dont ils vous font parestre, Chacun fera semblant de ne vous plus cognoistre ; Quoy que vous soyez belle on vous mesprisera, Et nul pour vos beaux yeux ne vous espousera ; Toutesfois je me trompe, & quand vostre richesse, Consisteroit sans plus en l'or de vostre tresse, Lucidor est fidelle, & si coiffé⁎ de vous, Qu'il feroit vanité de se voir vostre Espoux. Dieu ! ce sont ces Filous, Hé ! tout beau, rengainez, sauvons-nous. Est-ce donc de chez vous que ce grand bruit procede ? Madame, avec frayeur je me viens d'éveiller, Et pour vous secourir, je sors sans habiller, Il se bat comme il faut, Et seul à ces Coquins fera gaigner le haut, Mais le voicy. Dieu quel Maistre Gonin! Que d'un tour si subtil j'ay l'esprit estonné ! Fust-ce Nostra damusl'auroit-il deviné ? Quoy, ce n'est qu'un Trompeur, qu'un Donneur de bricoles? Qu'un Attrapeminon, qu'un Rogneur de pistolles, Qu'un Gueux pour tout potage, encor que tous les jours Monté comme un sainct Georgeil face mille tours ! Il n'est rien si trompeur qu'une belle apparence, Comment donc là dessus fonder quelque asseurance ? Aucun sur ce qu'il voit ne peut prendre party, Et doit dire à ses yeux, vous en avez menty : Mais voicy ce Mangeur de charette ferrée, Qui m'est venu tantost⁎ faire une eschauffourrée⁎, Les rayons de la Lune à mes yeux le font voir. Ce sont Voleurs, Monsieur, qu'on cherche par la Ville, Vous sont-ils point cognus ? A qui je ne dois rien. A qui me cognoist mal, & que je cognois bien. A qui doit s'en aller vendre ailleurs ses coquilles, A qui croit que je sois Revendeuse de filles. Et pour me faire affront m'a tenu des propos, A se faire casser cent bastons sur le dos. Je predy presque tout, quand j'ay bû de bon vin, Et sans aucun aspect d'Estoile, ny de Lune, Je vous dirois bien-tost vostre bonne-Fortune. Ouy, mieux que le passé, D'un bizarre trespas vous estes menacè, Et vous mourrez en l'air faisant la capriole. Gardez-vous bien vous mesme, autrement doutez-vous Que l'on ne vous enferme en la boëtte aux cailloux? Ne vous desguisez plus, il faut lever le masque, Songer à la retraitte, & courir comme un Basque; On vous cherche par tout, & je vous donne advis De chausser des souliers qui soient sans ponlevis. On sçait de vos affaires, Les feintes maintenant vous sont peu necessaires. N'apprehendez-vous point d'estre veu des Passans ? Que de tous vos bons tours on ne sçache le nombre, Et que de peur du hasle on ne vous mette à l'ombre ? Bandez viste la Quaisse, ostez tout de ce lieu, N'oubliez rien enfin sinon à dire adieu. Vous mesme. Celuy mesme qui vient. Tout beau, soyez moins Furibon, Estant seul contre deux vous n'auriez pas du bon. Adieu Monsieur l'Escroc. Ha Dieu quel coup de poing ! je voy mille chandelles. Au voleur. Des coups que m'a donnez ce Fourbe qui s'enfuit. **** *creator_estoile *book_estoile_intriguedesfilous *style_verse *genre_comedy *dist1_estoile_verse_comedy_intriguedesfilous *dist2_estoile_verse_comedy *id_le-balafre *date_1648 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lebalafre Où donc ce Malotru peut-il s'estre fourré ? Dans sa Chambre à l'envy nous l'avons bien bourré, Et nous le poursuivions, pour l'achever de peindre. Non non, il a tousjours la cervelle en escharpe, Et sa main a desja trop joüé de la harpe; Il nous gasconne tout, & dans le Cabaret Il fait à nos despens tirer blanc & clairet ; Mais quoy qu'il nous ayt pris, il faut qu'il le rapporte, Sinon il se verra traitter d'estrange sorte. Courons donc le chercher suivons le jusqu'au bout, Et frotons⁎-le à l'envy sur le ventre et par tout. Courons apres ces Gens, il est nuict, autant vaut. Les manteaux en Hyver craignent fort le serain, Et leurs Maistres le soir les laissant dans la chambre, Comme au chaud de Juillet vont au froid de Decembre, Mais l'un de ces deux-là, si mon oeil n'est trompé, Est nostre Receleur de nos mains eschappé, Attendons-le au retour, pour luy donner atteinte ; Quel bruit chers compagnons a frappé nos oreilles ? Tandis qu'ainsi tous trois nous beyons aux Corneilles, Ce maudit Receleur pourroit bien battre aux champs, Je ne treuve rien tel que nager en grand'eau Volons une maison, & non pas un manteau, Changeons la bierre en vin, & la menestreen bisque ; Suivons-le. Je le tiens, peu s'en faut, rends la vie, ou la bourse. Quelle est platte ! elle est vide, es-tu fou ? Tu portes une bourse, & ny mets pas un sou, Ça le manteau. Il ne vaut pas le prendre, Porter du camelot! il gele à pierre fendre ; Voila bien se mocquer de l'Hyver & de nous, N'avons-nous pas des yeux ? Hé ! de qui tiens-tu donc, cet advis important ? Je sçay pour l'assoupir une admirable⁎ drogue ; Et dont en un moment il sentira l'effet. Je me resous aussi de tenter la fortune, Deussay-je en rapporter cent balaffres pour une : Mais il s'agist de faire, & non de discourir. Et depenser plustost à vivre qu'à mourir : Que Beronte avec moy vienne donc tout à l'heure⁎, Pour prendre ce qu'il faut jusques à sa demeure : Nous y courons ensemble, & dans peu de momens, Nous reviendrons chargez de divers instruments, Nous en apporterons pour limer les ferrures, Et nous servir de clefs à toutes les serrures, Tout est prest. On ne doit point consulter là-dessus, Il faut que nostre main au carnage occupée, Passe indifferemment tout au fil de l'espée. Quoy, desja de frayeur vous devenez tout blanc ? Funeste, ou bien heureux, j'y couche de mon reste, Et quiconque viendra me saisir au colet, Se verra saluer d'un coup de pistolet. Mais puis que vous tremblez d'une frayeur si forte, Au moins faites le guet au prés de cette porte, Cependant sans tarder nous entrerons tous trois, Par celle où sur le soir vous entrez quelquesfois, Nous l'ouvrirons sans bruit, mais non pas sans lumiere Donnez-nous la Lanterne avec la Gibeciere, De clartez & d'outils nostre adresse a besoin. Nous n'en serons pas loin, Prestez l'oreille au bruit, faites la sentinelle, Et si l'on vous descouvre enfilez la venelle; Vous n'avez qu'à siffler, & nous viendrons à vous : Que de vaines frayeurs vostre ame est combatuë ; Nous serons plus heureux, ce mal n'adviendra point, Adieu, conservez bien le moule du pourpoint. **** *creator_estoile *book_estoile_intriguedesfilous *style_verse *genre_comedy *dist1_estoile_verse_comedy_intriguedesfilous *dist2_estoile_verse_comedy *id_le-borgne *date_1648 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_leborgne Il va comme la foudre, on a peine à l'atteindre. La Foy⁎ n'habite point parmy les Receleurs ; Ils sont fourbes, meschants, & volent les Voleurs : Mais comme-quoy sans eux ferions-nous nos affaires ? Ces Marauts aux Larrons sont des maux necessaires. Depuis que le jettant contre un pillier de couche, Vous fistes de sa teste un abbreuvoir à mouche, Il a le cerveau creux, & sent une douleur, Qui le rend comme fou quand la Vigne est en fleur : Il grimasse parfois comme un Enfant qu'on sévre ; Tantost rit, tantost pleure, & pour rien prend la chevre, Enfin il est bizarre, & parest insensé, Mais ce mal n'est pas long, il est bien-tost passé. Ils rodent en pourpoinct sans lumiere & sans train, Mais s'il nous apperçoit, il fremira de crainte, Et fust-il Cû-de-jatte, en ce mesme moment, Il treuvera des pieds, & fuyra promptement. Ce Coquin a bon nez, il prendra mieux son temps ; Et peut-estre desja sentant nostre partie⁎, Il a fait en secret un bransle de sortie. Mais garde le Prevost, Silence, Compagnons, quelqu'un marche là bas. Ne bougez, il dresse icy ses pas. Aurois-tu quelque part un peu d'argent caché ? Pour t'eschapper de nous dis-tu point une fable ? Et ce riche logis est de facile accez ? Puisse mon luminaire estre estein tout à fait, Si pour y voler tout je ne fais l'impossible, Y d'eussay-je estre pris, & perce comme un crible. Nous trousserons la pinte & non pas davantage, Et puis à pas de Loup nous reviendrons daguet, Pour voir qui va qui vient tous deux faire le guet. Fin du quatriesme Acte. Nullement. Ils s'amusent⁎ peut-estre à trinquer teste à teste, Ces Engoule-bouteille, au gozier tout de feu, Ne sont pas des Mignons qui boivent pour un peu, Et n'ozent de rubis enluminer leurs trognes. Souvent le Receleur est rond comme une boule, Mais pour le Balafré rarement il se saoule : Il boit, mais sans jamais se barboüiller l'armet, Et son ventre est petit pour tout ce qu'il y met ; Ses debauches de vin sont en tout monstrueuses, Et je n'asseure pas qu'il n'ait les cuisses creuses. Au moins il boit & mange au delà du commun, N'ayme rien que la table, & n'en sort qu'avec peine, S'il est pris je le plains il faudra qu'il en meure, Quand nous en venons là nous sommes bien surpris, Le Bourreau fait trembler les plus fermes esprits ; Et la corde à la main dans les lieux où nous sommes, Quand cet homme gagé pour massacrer les hommes ; Entre, & de par le Roy, s'en vient nous saluer, Ce funeste salut suffit pour nous tuër ; Il nous rompt au milieu d'une publique place, Et le coup de la mort nous est un coup de grace, Ce coup est-il receu ? nos membres tous brisez, Sur quelque grand chemin demeurent exposez, Sont l'horreur des passans, la butte des tempestes, Servent d'exemple au peuple, & de pasture au bestes, C'est vostre opinion, On siffle, les voicy ; Ne parlez pas si haut. Hé ! s'ils sont éveillez ? **** *creator_estoile *book_estoile_intriguedesfilous *style_verse *genre_comedy *dist1_estoile_verse_comedy_intriguedesfilous *dist2_estoile_verse_comedy *id_le-bras-de-fer *date_1648 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lebrasdefer Je l'atteindray pourtant, & le rouëray de coups, Ainsi qu' à des Valets ce Faquin parle à nous, Et nous a destourné cette Casaque⁎ bleuë, Qui nous mit l'autre jour cent Archers à la queuë. Quoy ? souffrir⁎ qu'un Pendard qui devroit estre sec, Nous fasse ainsi passer la plume par le bec? Si de ce bras de fer une fois je l'attrappe, Il sera bien subtil, & bien fort s'il eschappe : Mais prenons-en quel-qu'autre ; aussi-bien on sçait trop Qu'aux petites Maisons il va le grand galop. Que profiterons-nous à les prendre d'assaut ? Au Diable soit donné le lange⁎ qui les couvre, Puis ils heurtent là bas, & voilà qu'on leur ouvre. Cachons-nous donc tous trois, & s'il sort sans escorte, Battons-le jusqu'à tant que le Diable l'emporte. Fin du troisiesme Acte. Soit icy, soit ailleurs, je l'attraperay bien, Et cent coups de baston ne luy cousterons rien : Mais ferons-nous encor long-temps le pied de gruë, Attendant chappe-cheute, au coin de cette ruë ? Filer icy la laine est un pauvre mestier, Il ne passe personne en ce maudit quartier ; Mais si quelqu'un y vient, il faut qu'on le destrousse, Et s'il a bien dequoy nous en ferons carrousse. Nous courons peu de risque, Cet homme environné de Chevaliers errans, Prend les petits voleurs, & laisse aller les grands, Mais quand il me prendroit ? si ma faute est punie, Je mourray pour le moins en bonne compagnie. Il nous voit, il s'enfuit, attrapons-le à la course. Vrayment la prise est belle,on la doit bien garder, Mais encore au minois⁎ il faut le regarder, Sa parolle me trompe ou me le fait cognoistre, Ça la Lanterne, hé bien, le voila pas le traistre, Qui comme un honnest homme a fait courre apres luy, Ha ! que nous te ferons bonne chereaujourd'huy, Tu nous as fait cent vols, tu nous as fait cent niches, Avecque nos engins nous entrerons par tout. Et pour ce Bras-de-fer, puissay-je en avoir deux, Si je ne suis encor plus que vous hazardeux⁎. Allez, & cependant nous boirons prés d'icy. Viennent-ils ? Qu'est-ce qui les arreste ? Mais ne craignez vous point que ces maistres ivrognes Laissent le jugement au fonds du gobelet, Et qu'icy jusqu'au jour nous gardions le mulet? A ce conte il auroit trois ventres au lieu d'un, De leur retardement c'est la cause certaine, Mais on a cent decrets contre ce Balafré, Et les Archers du Guet l'ont peut-estre coffré. C'est à faire à passer quelque mauvais quart-d'heure. Vous qui n'estant pas moins sçavant qu'irresolu, Estes devenu borgne, à force d'avoir leu, N'avez-vous point appris que ces vaines images, Ne donnent de l'effroy qu'à de faibles courages ? Apres que la Justice a nos ans limitez, Que nous importe-t'il où nos corps soient jettez ? Qu'ils soient sous des caillous, ou sous des pierreries, Au milieu des parfums, ou parmy des voiries ; Posez sur des gibets, ou mis en des tombeaux, Et soient mangez des vers, ou mangez des Corbeaux ; Tout est indifferent, ny loüange ny blasme, Ne touchent un mortel quand il a rendu l'ame, Et quiconque a du cœur, au lieu de s'estonner, Regarde d'un oeil sec son destin terminer, Que vostre ame est craintive ! La mort est tousjours mort, quelque part qu'elle arrive ; Et qui finit ses jours couché bien mollement, Entre les draps d'un lict paré superbement ; Ne revit pas plutost que qui meurt sur la rouë, Et mort on est pas mieux dans l'or que dans la bouë ; Doublez doublez le pas, Falloit-il si long-temps estre à fripper les plats ? Dix heures ont frappé, La rencontre est fascheuse & de mauvais presage. Mais il est desja tard, Nos engins⁎ sont-ils prests ? Le morceau, pour jetter en la gueule du chien, L'avez-vous apporté ? ne nous manque-t'il rien ? C'est assez, allons, la nuict s'avance ; Quel esprit eust jamais plus de credulité ? C'est un conte de vieille à plaisir inventé, Défions-nous tousjours de la force des charmes, Et ne nous asseurons qu'en celle de nos armes ; La pitié du Barbier est cruelle au blessé, Et celle du Voleur est cruelle à luy-mesme, Et le plonge souvent dans un mal-heur extrême, De nos crimes jamais ne laissons de témoins, On nous recherche apres avecque trop de soins, Un Prevost nous attrappe, & puis une potence Est de nostre pitié la juste recompense ; Mais devois-tu toy-mesme à ce vol nous porter ? Pour t'éforcer apres de nous en degouster ? As-tu cuvé ton vin ? n'es-tu point ivre encore ? **** *creator_estoile *book_estoile_intriguedesfilous *style_verse *genre_comedy *dist1_estoile_verse_comedy_intriguedesfilous *dist2_estoile_verse_comedy *id_beronte *date_1648 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_beronte Bon-courage, mes pieds, courons viste, volons, Ils sont au Roy de Bronze, ils sont à nos talons, Au Voleur, au Filou, mais Dieu je perds l'haleine ! Cachons-nous, autrement nostre perte est certaine. Aller frotter⁎ un Asne, & non un honneste Homme, Mais silence, je crains que leur main ne m'assomme, Si dans ce petit coin ils m'eussent rencontré, Dieu sçait de quelle sorte ils m'auroient accoustré⁎ ; Je tremblois d'une peur qui n'estoit pas petite, Et j'en aurois voulu pour un bras estre quitte. Mais ils s'en sont allez ces Cruels sans mercy⁎, Ma frayeur est passée, ils sont bien loing d'icy : Retirons-nous pourtant où Ragonde demeure. Vostre Amy. Je suis Recognoissez ma voix, & r'ouvrez-moy la porte. Je viens de me sauver de la main des Filous. Ouy, grace à ma lanterne, avec assez d'adresse, Je me suis finement éschappé de la presse⁎ ; Mais voyez si j'éstois estourdy du bateau⁎ ? J'ai pris un garderobe⁎ au lieu de mon manteau ; Et n'ayant eu loisir de chausser qu'une botte, J'ay fait la culebutte au milieu de la crotte. Il y paroist assez à mon habillement ; La méprise est plaisante, & certes me fait rire, Quand je crains de tomber d'un grand mal dans un pire. S'ils reviennent à moy, je seray mal-traité, Et cû par dessus teste en l'eau precipité. Si bien qu'il dira vray ce Liseur de Grimoire, Qui m'a prédit qu'un jour je mourrois de trop boire. Ils sont venus tantost⁎ Revoir quelques habits qu'ils m'ont mis en depost, Et sans nulle raison me voulant faire accroire, Que j'avois engagé de leurs hardes pour boire, Ils m'ont poché d'abord un oeil au beurre noir, Et cassé sur le nez & bouteille & miroir, Ces Batteurs de pavé, ces Marauts sans resource, Vouloient m'oster la vie aussi bien que la bourse ; Qu'ils m'ont bien testonné⁎ ! suis-je pas beau garçon? Je ne me suis point veu traitter de la façon, Ma teste en mille endroits est eslevée en bosse, Et jamais Receleur ne fut à telle nopce: Me prenant pour cheval ils m'ont bien estrillé⁎, Et chez-moy chacun d'eux jouë au Roi despoüillé; Par terre l'un assis sur son cû comme un singe, Amasse en un paquet le meilleur de mon linge, L'autre destend mon lict, & serre sous ses bras Les pantes⁎, les rideaux ; la couverte & les draps, Enfin ils pillent tout ces Plieurs de toilette, Et m'ont fait malgré moy déloger sans trompette: Quelques-uns m'ont suivy, mais ils ne m'ont pas veu Dans ce coin où j'éstois, pied chaussé, l'autre nu. Qui s'en seroit douté ? Quelle reception ? quelle civilité ? Me voila bien camus⁎ : mais quel sujet la porte A refuser ainsi les hommes de ma sorte ? Elle est inexcusable, & fourbe de tout poinct, Ces Filous qu'elle craint ne la cognoissent point, Cependant, que feray-je ? où sera mon azile ? Au Diable le denier⁎, je n'ay ny croix ny pile. Je suis leger d'un grain, & la Necessitê S'en va me rendre sec, comme un Pendu d'Estè. Mais d'où vient qu'au logis de cette fine Mouche⁎ Qui Chapelet en main fait la Saincte Nitouche⁎, Le nez dans son manteau, sans suitte & sans clarté, Heurte ce Gentilhomme ou ce Vilain⁎ botté ? Iroit-il si matin faire emplette chez-Elle ? Il y va bien plustost attendre cette Belle, Habillée en j'en-veux qui de loin suit ses pas Et qui de son mouchoir me cache ses appas ; Elle entre chez Ragonde, & non comme je pense, Pour luy communiquer un cas de conscience, Seule apres un Plumet: par un petit destour Chez une Revendeuse entrer au poinct du jour, Et d'un mouchoir encor, prenant de tout ombrage, De peur d'estre cognuë affubler⁎ son visage, Mon doute est esclaircy, je cognois la raison, Qui trop indignement m'a fermê sa maison: La Matoïse⁎ qu'elle est, a peur que je ne voye, Qu'elle y loge tousjours quelque fille de joye. Elle en est soubçonnée, & c'est le commun bruit, Que sans avoir procez souvent elle produit⁎. Il semble cependant à voir sa contenance, Qu'elle a de tout son cœur fait vœu de continance⁎ ; Et que de luy parler de toucher un teton Ce soit luy parler Grec, Arabe ou bas Breton ; Mais Elle fait l'Amour, ou du moins le fait faire ; Et fust-ce aux Quinze-vingts, la preuve en seroit claire. L'Hypocrite à la fin se cognoist tost ou tard ; On cajolle⁎ chez elle, aussi bien qu'autre part, Et corrompant l'honneur des meilleures Familles, Peut-estre qu'elle vend moins d'habits que de Filles. Ma foy c'est un mestier qui vaut mieux que le mien ; On y fait des amys, on y gaigne du bien, On void mille Beautez, & s'il en prend envie, On se donne un plaisir le plus doux de la vie. Changeons donc d'exercice⁎, & pour nous rendre heureux, Soyons Ambassadeur du Roi des Amoureux. Mais que voy-je ? est-ce pas le portraict de la Belle ? Que n'aguere Ragonde a fait entrer chez-elle, Et que sans y penser elle aura laissé cheoir Lors que pour se cacher elle a pris son moucheoir. Elle a passé soudain, je ne l'ay qu'entre-veuë, Mais si⁎ la recognois-je, ou j'ay bien la berleuë; Ouy voila son visage, & j'y voy des appas, Qui me pourroient tenter, apres un bon repas. Mais le flambeau d'Amour s'allume à la Cuisine, Et sur cette peinture on n'auroit pas chopine. Allons donc veoir chez-moy, si rien ne m'est resté Sur quoy je puisse un peu trinquer à ma santé ; Aussi bien quelqu'un sort, & je crains non sans cause, Qu'on ne vienne m'oster une si belle chose : Fuyons à tout hazard. Ha ! je m'en doutois bien que je serois Prophete ; Sans user de balais, ils ont fait maison nette; Ces Filous qui juroient en Chartier embourbez, Ont en moins d'une nuict tous mes biens desrobez ; Et ne me laissant pas, pour me pendre, une corde, A cette seule botte ont fait misericorde ; La voyant vielle, seiche, & moisie à moitié, Tous barbares qu'ils sont, ils en ont eu pitié ; Mais il faut au besoin⁎ de tout bois faire fleche, Il n'importe dequoy l'on repare la brêche, Ny mesme à quel mestier on gaigne de l'argent, Quand de biens & d'amys on se treuve indigent ; Faisons profit de tout, cet objet plein de charmes, De la Chasteté mesme arracheroit les armes ; Et pour se resjouyr⁎ une heure seulement Avec l'Original d'un portrait si charmant ; Il n'est point de boiteux qui ne prenne la course, Ny d'homme si vilain, qui ne m'ouvre sa bourse ; Donc nous promenant seul par ces lieux destournez, Voyons qui des passans aura le plus beau nez ; Et soudain pour tirer profit de sa rencontre, D'une telle peinture allons luy faire monstre. Je pourrois bien sans elle, apres cet accident, Comme les Espagnols, disner d'un Cure-dent. Mais qui voy-je parestre ? Amour me favorise, Ce frizé semble avoir l'oeil à la friandise; La pochette garnie, & le cœur genereux, Pour bien payer le droit d'un advis amoureux, Monsieur, Que vaut-bien cét ouvrage ? Se peindra-t'il jamais un plus gentil⁎ visage ? Vous, & l'Original, en feriez un plus beau. Il est icy tout proche, & si je vous y meine, Vous me confesserez qu'elle en vaut bien la peine. C'est un jeune Tendron⁎, de l'âge de quinze ans : Mais qu'on ne peut gaigner qu'à force de presens. Il faut plustost cueillir le fruit de vos amours ; De la faute d'autruy porterez-vous la peine ? Et mourrez-vous de soif, aupres d'une fontaine ? Où tant d'honnestes Gens se vont desalterer ? Fait-on marcher pour rien un Messager d'Amour ? Vous avez la main dure,ou bien j'ay la peau tendre. O la chaude pratique⁎! Où me suis-je adressé ? Dans ce petit logis lestement⁎ accoustrée, Avec un Vergaland⁎, tantost⁎ elle est rentrée ; Ils y seront encore. Dans tous les lieux d'honneur il faut estre discret. Il ne vient pas icy pour y faire rencontre D'habits, de bracelets, de dentelle, ou de monstre : Mais bien d'un petit Cœur, dont l'esclat est si grand, Et que vous desirez de vendre au plus Offrant. Ce n'est pas avec moy qu'il faut faire la fine, Que ne luy monstrez-vous cette jeune Poupine⁎; Dont le teint est si frais, & l'oeil est si riant, Qu'on n'a jamais tasté d'un morceau plus friand ; On sçait bien cependant que chacun en dispose, Et qu'on ne treuve point d'espine à cette Rose. Troussons, de peur des coups, nostre sac & nos quilles, Je suis un vray longis⁎, D'estre encore à courir jusqu'à vostre logis ; Mais j'allois pour m'y rendre, afin d'obtenir grace, Et puis avecque vous trinquer⁎ à pleine tasse. Le feu de son courroux, tant soit il vehément, Dans un peu de piot s'esteint facilement : Aussi pour l'en coiffer je m'en irois la suivre, N'estoit que je ne sçay si je ne suis point ivre : J'ay trinqué trop de fois d'un certain vin nouveau, Qui fait tinter l'oreille, & tourner le cerveau, Ce portrait merveilleux, & treuvé par merveille, Tout jusques au goulet a remply ma bouteille. J'en ay tiré la piece & peut-estre sans luy, J'aurois couru danger de jeusner aujourd'huy. Mais sont-ce pas vraiment des esprits d'imposture, Qui disent que le vin conforte la Nature : Et que pour soustenir le corps un jour entier, Il suffit le matin d'un bon demi-setier: J'en ay beu plus de quarte; & si⁎, quoy que je fasse, A peine sans broncher⁎, je puis changer de place, Je chancelle, & je croy que celuy n'est pas fin, Qui pour marcher plus ferme a fait jambes de vin. Cependant, ô mal-heur ! si je ne prens courage, Ce grand Coupe-jaret⁎ viendra me faire outrage. Fuyons, mais je ne puis faire un pas maintenant, Ce vin n'est gueres fort, il n'est pas soustenant Je tombe, je suis pris. Le hazard. La faim, N'ayant plus de quoy frire, J'ay tasché d'en r'avoir. J'ay treuvé son portrait, je ne la cognois pas. C'est chose que j'ay veuë, Ravy de ses appas, Monsieur, j'ay seulement, Comtemplé le visage, & non l'habillement, Toutesfois cette jeune merveille, Avoit, comme je croy, le bouquet sur l'oreille, Sans doute, elle est a vendre : Non, je vous le promets : Si ce n'est que mon nez, m'a dit entre autre chose, Qu'elle porte des gans qui sentent comme rose. Hé Dieu ! voy-je Tersandre ? Quoy mon Maistre, est-ce vous ? on m'avoit fait entendre, Que vous aviez en Greve esté roüé⁎ tout vif. On a donc pris pour vous quelqu'un qui vous ressemble ; Cependant est-il vray que le sort nous r'assemble. La voix vous a grossy, le poil vous est venu, Si bien qu'en vous voyant, je vous ay mescogneu. Je suis un peu plus leste à mon accoustumée, Et j'avois vaillamment faict fortune à l'Armée ; Ouy, j'en estois venu vestu comme un oignon : Mais de certains Filous, qui me portent guignon, Ont crocheté ma chambre, & pris tout mon bagage. L'Allemagne est tesmoin si je crains le danger ; Quand la Trompette sonne, & qu'il en faut manger, J'y cours tout des premiers, & porte tout par terre ; Aussi Frappe-d'abord estoit mon nom de Guerre. Dans la meslée un jour treuvant le Papenain, Je parus un Geant, qui combattoit un Nain, Et mon front fut deslors à l'honneur de la France, Plus couvert de Lauriers qu'un jambon de Mayence. Que vous diray-je plus ? j'estois dans le festin, Où se fit le complot de tuër le Walstin; Et dés que ce grand Traistre eut perdu la lumiere, On me luy vid donner mille coups par derriere. Aux Trigaux comme luy mon courage est fatal. Ces Filous en sont cause, ils m'ont écervelé, Et tout mon pauvre esprit s'en est tantost allé, Par trois ou quatre trous qu'ils m'ont faicts à la teste. C'est à quoy je m'appreste, Je n'ay que trop servy ces trois Diables d'Enfer, Le Balafré, le Borgne, avec le Bras-de-fer : Mais qui vous rend chagrin ? si mon oeil ne void trouble, Je suis plus gay que vous, moy qui n'ay pas le double. Hé bien ! vous aymez, c'est chose assez commune. Pourveu que grand de cœur, & souple de jaret, Vous fassiez à l'espée aussi bien qu'au fleuret, Quel qu'adroit qu'il puisse estre il en aura dans l'aisle: Mais de vos differens au moins la cause est belle ? La beauté vaut beaucoup, mais l'argent vaut bien mieux, En a t'elle ? Comment l'appellez-vous ? Quoy, ce Maraut, Qui seul a faict monter le vin à prix si haut ? Quoy ce Monopoleur, dont l'art diabolique A retranché le quart de la liqueur Bachique ? Un jour, si des talons il n'eust esté dispos, L'appellant Maltotier, Voleur, Rogneur de pots, Cent beuveurs l'alloient pendre avec une bouteille, Pour avoir mis impost sur le jus de la Treille. C'est un secret que je ne puis celer, Une juste douleur me force de parler. Je ne boy presque plus que vinaigre & qu'absinthe, De simple ripopé vaut cinq & six sous pinte. Enfin il est si cher, que qui n'a bien de quoy, Souvent avec sa soif se couche comme moy. Vostre Rival, est-il plus honneste homme ? Apprenons ce qu'il est, & comment il se nomme. Quoy luy vostre Rival ? Je crains, non sans raison, qu'il ne vous traitte mal : Je connois sa valeur, c'estoit mon Capitaine, Quand sur les bords du Rhin, j'ai souffert tant de peine : Mais enfin avec luy, je m'y suis signalé, Nous avons veu Galas, & l'avons bien galé. Mes yeux l'ont veu combattre, Et contre l'Ennemy faire le diable à quatre: J'estime ce Guerrier, mais je ne l'ayme pas ; Et je voudrois desja qu'il eust passé le pas, Il m'a traitté cent fois avec ignominie, Et mis honteusement hors de sa compagnie. Un jour il creut prendre sans vert Ce brusleur de Maisons, ce fameux Jean de Vert: Mais nous perdismes temps, & peine à le poursuivre, Il s'eschappa de nous, encore qu'il fust ivre. Disons tout aujourd'huy, C'est que mes compagnons estoient plus saouls que luy, Et qu'estant estourdis d'avoir trop fait desbauche, Ils le suivoient à droit, lors qu'il fuyoit à gauche. Lucidor, que sa fuite avoit mis hors de soy, Me treuvant, deschargea sa colere sur moy ; Me traitta d'éventé, de poltron, & d'ivrogne, Et me chassa d'abord, me donnant sur la trogne⁎, Je veux donc contre luy vous servir au besoin⁎, Battez-vous hardiment, je seray dans un coin ; Et si tost que de-là je verray son courage, Estre prest d'emporter sur le vostre advantage ; Je viendray finement d'un coup d'estramaçon⁎: Pour fendre jusqu'aux dents un si mauvais garçon. J'enrage qu'il n'y vienne, Son trespas est certain ; nous avons bien tous deux, Fait ensemble autresfois des coups plus hazardeux, Combien ayant pour vous ma valeur occupée, Ay-je usé de mouchoirs essuyant mon espée ? Il apprendra dans peu ce Fendeur de nazeaux, Si je sçay dégaisner & joüer des cousteaux, Qui-va-là ? J'y suis ; mon harquebuse ? Où sont les Ennemis ? courons faut-il donner⁎? Vous verrez si jamais on peut mieux assener⁎, Ha ! pardon, je resvois, j'ai tort, je le confesse ; Mais vos dons en sont cause, ouy vostre quart-d'escu A fait que j'ay tantost⁎ mis bouteille sur cû; Ce n'estoit que ginguet⁎, & pourtant ses fumées, Ont insensiblement mes paupieres fermées. Vous auriez eu besoin de ce bras indompté, Je vous l'avois bien dit qu'il alloit à la charge, Et vous en donneroit⁎ & du long, & du large; Que ne m'esveilliez-vous ? je veux estre berné, Si ce ne seroit fait de ce Diable incarné. Dieu ! prenez ma deffense. Là voilà. Prenez-le, Mon Maistre contre moy s'estant mis en courrous, J'ai happé le taillis, & courant en chat maigre J'ay pris sans y penser ce manteau de vinaigre. Faites-moy quelque grace, & je vous feray riches. Ay-je gousset ny poche où vous n'ayez cherché ? Non, je n'ay pas un sou, mais sçachant vostre addresse, Je veux vous enseigner un monde de richesse, Voyez-vous ce logis. Il ne s'y treuve rien qui ne soit precieux, Personne de deffense à present n'y demeure, Et faire un si beau vol est l'ouvrage d'une heure, Une femme s'y tient veuve d'un Partizan, Qui voloit en un jour plus que vous en un an, Et qui par un impost qu'il mit sur la vendange, A fait de son logis un second Pont au Change : Y peut-on plus de biens l'un sur l'autre entasser, Tout s'y treuve d'argent, jusqu'aux pots à pisser. Ce ne sont que trésors, ou je me donne au Diable, Nous y pourrons entrer & remplir nos goussets ; Il regorge de biens cette veuve fertille, Pour se remarier, de marier sa fille, Ce mariage est prest, & c'est argent contant, Je le tiens d'une femme avec qui j'ay commerce⁎, Le mestier de revendre est celuy qu'elle exerce, Au deceu dela Veuve, elle y va tous les jours, Et cognoit de ce lieu les biens & les destours : Quelquesfois sur la brune⁎ avec elle en cachette, Elle m'y fait entrer par la porte secrette, Y reçoit d'une fille habits, nappes & draps, Et j'en reviens chargé comme un cheval de bats ; Or si j'en croy mes yeux, cette porte est mal seure, Ses verroux sont mauvais, mauvaise est sa serrure, Et de l'ouvrir enfin vous viendrez bien à bout, Mais elle a pour deffense un effroyable Dogue, Avant nostre retour, nous trinquerons aussi, Le vin me rend hardy, quand j'ay beu je fais rage. Je croy qu'il en est onze, Mais à peine estions-nous prés du Cheval de bronze, Que le Guet a passé tenant deux grands Filous, Que nos yeux effroyez ont d'abord pris pour vous ; Tant ils vous ressembloient d'habit & de visage, Voicy tout ce qu'il faut, Crochets, passe-par tout, lime sourde, tenaille, Et tant d'autres outils dont nostre main travaille. J'ay dans la Gibeciere un outil d'importance, C'est la main d'un Pendu dont je vous feray voir, En cette occasion l'admirable⁎ pouvoir ; Mettant à chaque doigt une chandelle noire, Et prononçant dessus quelques mots du Grimoire ; J'ose bien asseurer que ceux qui dormiront, Ne s'éveilleront pas tant qu'elles brusleront ; Ils nous verrons tout prendre, Sans pourvoir ny parler, ny mesme se deffendre. Mais si par un mal-heur nous sommes apperceus, Que faire ? Je ne tueray jamais, si je n'y suis forcé, Le meurtre me déplaist, c'est chose que j'abhorre, Desrobons plus de bien, & versons moins de sang, Plaise au Ciel que ce vol ne nous soit pas funeste : Seray-je icy tout seul ! S'il tombe sur mon dos une gresle de coups, Tandis que vous viendrez, s'il advient qu'on me tuë, Conservez bien le vostre, & si l'on vous attrappe, Et que de ce danger par miracle j'eschappe ; A quelque question⁎ que vous soyez soubmis, Ayez tousjours bon bec, beuvez à vos amys, Allez, & que le Ciel rende vaine la crainte, Qui m'attaque & me porte une si vive atteinte : Il me semble desja que tout ce que je voy Se transforme en Sergent, se vient saisir de moy, Et m'enferme à cent clefs, où desja d'avanture, J'ay sans devotion trop couché sur la dure : Mais où va ce fendant que j'entrevoy de loin, Le manteau sur le nez, marcher l'espée au poing ? Siffleray-je, ou plutost quitteray-je la place ? Il passe outre, & mon sang est encor tout de glace, La crainte qui souvent fait voir ce qui n'est pas, Vient de me figurer l'image du trepas, J'ay presque pris la fuite, & j'ay veu ce me semble En cet homme tout seul cinquante Archers ensemble ; Je n'avois pas quinze ans, que le vol d'un manteau, Fit que l'on m'attacha le dos contre un posteau, Où le cou dans le fer, & les pieds dans la bouë, Aux passans malgré moy je fis long-temps la moüe : Je fus marqué depuis à la marque du Roy, Et si l'on me reprend n'est-ce pas fait de moy ? Il n'est point de present, d'amy, ny d'artifice, Qui puissent m'exempter d'un infame supplice ; Il faudra qu'en charette, & suivy du Bourgeois, J'aille sans violons dancer au bout d'un Bois. Mais qui cause les bruits qui maintenant s'entendent ? Et fait que tant de gens & montent & descendent ; Sifflons, sifflons encor ; Ha ! Dieu pas un ne vient, S'ils ne sont desja pris, qu'est-ce qui les retient ? Quel battement de pied ! quel cliquetis d'espées ! Quel murrmure confus de voix entrecouppées ? Fuyons, mais où fuyray-je ! helas de tous costez, Ce ne sont que Voisins, ce ne sont que clartez : Ils ont pris ces Filous, ils me cherchent peut-estre, Et j'en tiens pour long-temps, s'il m'advient de parestre : Laissons-les donc r'entrer, avant que de partir, Cependant cachons-nous, j'entens quelqu'un sortir, Dieu ! je tremble d'effroy, Fends-toy par la moitié, muraille cache-moy, Grace, grace, Madame Et je vous sauveray l'honneur avec le bien. Donc sur vostre parolle escouter une histoire, Que d'abord vostre esprit refusera de croire. Tersandre, qui chez vous se voit combler d'honneur, Qui fait du magnifique, & tranche du Seigneur, N'est rien asseurement de tout ce qui vous semble. Qu'en Espions le Roy despend mal d'ordinaire, Que diriez-vous de luy, si par subtilité, Ce Matois⁎ abusant vostre credulité, Estoit le plus grand Gueux que le Soleil regarde ? Ce sont chaisnes qu'il fait de cuivre seulement ; C'est une happelourde⁎, Je l'ay veu travailler, je l'ay servy vingt mois, Et je sçay les bons tours qu'il a faits mille fois. Je croy qu'au Roy d'Espagne elles ont cousté peu, A faire fabriquer. Il n'a point de semblable, Pour fondre les metaux, ny pour jetter en sable. Pour éblouir vos yeux, & ceux de sa Maistresse, Par les trompeurs appas d'une feinte richesse. Il fait bien d'autres coups, Mais je croirois plutost qu'il les cacha chez-vous, De crainte que le temps descouvrant toutes choses, Ne vint à descouvrir chez-luy le pot aux roses; Et que quelque Grippeur de mauvais Garnements, Ne le fist malgré luy changer de logement. Mon Capitaine, Me tiendra-t'on promesse ? Que puissent vos Goujats⁎ m'oster gregue⁎ & pourpoint, Et m'en donner⁎ par tout, si c'est une imposture. Mais vous qu'avez vous fait, m'ayant si mal traitté ? Pour avoir fait faillite à vostre lascheté ? Ferois-je le Lyon, quand vous faites la Cane? Vous avez pris de quoy me sangler comme un Asne ; Et si ma fuite alors n'eut trompé vostre main, J'aurois demeuré tard à me lever demain : Mais n'aguere estant prest, pour un vol d'importance, D'aller danser sur rien au bout d'une potence ; J'ay, pour m'en exempter, & me venger aussi, Fait de vos actions un portrait racourcy : Ouy, Florinde & sa Mere ont veu de quelle adresse Vous sçavez des plus fins abuser la finesse : Ce qu'elles vous gardoient elles l'ont visité, Je leur en ay fait voir toute la fausseté ; Et par ce seul moyen j'ay rachepté ma vie, Qu'un colier trop estroit eust sans doute ravie. Rengainez je vous prie, Ou je me jetteray sur vostre fripperie, Vous feray sous ma main passer & repasser, Et jamais Violon ne vous fit mieux danser. Adieu, devenez sage. Ha Dieu quel coup de pied m'a lancé ce Filou ! Au secours. Il a des aisles.