**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_ariste *date_1647 *sexe_masculin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fils *role_ariste


Vous me raillez tousjours …

      Non,
Ce sont des peaux d'Espagne,

L'Ambassadeur pourtant m'en donna deux cens paires

      Point du tout,

      Dedans Paris.

      La sepmaine passée.

Pourquoy ?

      Ah ! voyez à quoy je me hazarde,
J'en aurois dit autant,

Mais quoy ! vous me disiez qu'on peut parfois mentir.

Combien un honneste homme en ses galanteries,
Peut-il de fois par jour donner des menteries⁎ ?
 
      L'affaire est devinée.
Je voudrois bien mentir,

      Cette apresdinée.

Chez le rare objet⁎ dont mes sens sont charmez⁎.

      Au moings si vous m'aimez,

Je vous dois les faveurs que je recevray d'elle,
Et de quelque progrez dont je me sois flaté,
J'en dois remercier vostre dextérité.

Qui pourroit reüssir sans ces enseignemens ?

Ah ! c'est trop m'obliger.

      Le galand personnage !
Il croit trouver sa duppe,

Il faut tout endurer, & ne luy dire mot,
Il n'est pas encor temps de luy faire nos plaintes,
Et puis que mon bon-heur consiste dans ces feintes,
Il faut passer plus outre, & faisant l'ingenu,
Me maintenir au poinct où je suis parvenu,
Donc, mon cher Jodelet, respons à mon attente,
Et ne dédaigne point cette adroitte suivante,
Qui servant d'un argus° à ma divinité    
Alors qu'elle te suit nous laisse en liberté
Ses sanglots font pitié…

Mais…

Tu l'entens, Jodelet,

Mais ce n'est qu'un resveur,
 
      Oüy, Jodelet, il l'aime
Pour elle son amour passe jusqu'à l'extréme,
Et j'ay bien reconnu qu'il trouve les moyens
D'expliquer ses desirs en debitant les miens.

Tu sçais bien que d'Oronte elle fut enlevée
Que par tout de ce lasche on la voit observée,
Et qu'en fin ce jaloux l'ayant en son pouvoir
Sans sa permission l'on ne la sçauroit voir.

Tu peux t'en estonner avec juste raison,
Toy qui ne songes pas qu'il loge en leur maison.

Ce secret est encor trop raffiné pour toy.

      Croyant joüer d'un tour d'adresse,
Et m'ayant mené voir cette belle maistresse,
Me traittant d'innocent auprés de ce jaloux,
Luy dit qu'ils en auroient un plaisir assez doux,
Pourveu qu'Olympe sceut railler, & se contraindre,
Escoutant des souspirs qui n'estoient pas à craindre.
Qu'on en pourroit tirer des divertissemens
Qui leur feroient passer d'agreables momens,
Que je leur donnerois concerts & serenades,
Comedie & balets, festins & promenades.
 
Quand l'amant est voisin de la personne aymée
Une forte habitude est aisément formée.

Il croit qu'estant trop fat⁎ je ne luy sçaurois nuire.

      Il croit qu'il ne veut m'introduire
Que pour rire avec eux des cadeaux⁎ que je fais,
Puis il veut divertir Olympe à peu de frais,
Et treuve qu'elle vit avec plus de franchise
Depuis qu'il l'aprivoise avecque ma sotise,
Que sa colere passe, & qu'il peut l'adoucir.

      Croit fort bien reüssir,
Et ne pouvant souvent entretenir la belle
Se croyant le plus fin est d'accord avec elle,
Que ce qu'elle dira pour flatter mon ennuy⁎
Soit en secret ou non, doit s'adresser à luy.

Sans doute…

Ouy, car ma chere Olympe ayant bien reconnu
Que pour son seul sujet, je faisois l'ingenu,
Et m'ayant honoré de quelque bien-veillance
M'a dit qu'il pretendoit me joüer d'importance,
Et se servir de moy pour tromper son jaloux,
Et pour estre plus libre.

      Tout doux.
 
      Elle en seroit soüillée ;
Garde bien le secret, & tais toy,

Je me vangeray bien sans exposer tes jours

Va, va, conserve toy pour ta chere Lisette,

      Est-il vray, Jodelet,
Elle est pourtant passable.

Mais voicy mon Olympe, ah, divine merveille !

Je ne sçaurois payer de si puissantes debtes ;
Mais Climante achevez le bien que vous me faites,
Et m'ayant approché de ce bel œil vainqueur,
Adoucissez un peu son extréme rigueur.
 
De grace donc, Monsieur, excusez la franchise,
Et treuvez bon qu'icy j'ose vous supplier,
En la priant pour moy de ne rien oublier,
Je ne demande pas d'entrer dedans sa couche,
De prendre des baisers sur cette belle bouche,
Et d'obtenir un bien aussi cher que le jour ;
Je voudrois seulement qu'elle sceut mon amour ;
Et forcer ces beaux yeux de remarquer la flame
Qu'avecque vostre adveu j'allumay dans mon ame.

Au moins…

      Il vous en fait accroire⁎.

      Je veux ce qu'il vous plaist,

Si je vous ments d'un mot que le Ciel m'extermine ;
Estant donc amoureux d'une jeune voisine
Dont le mary jaloux me souffroit⁎ par bon-heur,
Et ne voyoit que moy de tous les gens d'honneur,
Je pouvois à mon gré voir cet Ange visible,
Mais de l'entretenir il m'estoit impossible,
Car en fin ce mary ne me quittant jamais
Me suivoit au manege, au tripot, au Palais,
En affaire, en emplette, à la campagne, en ville,
Encore⁎ que par tout je luy fusse inutile ;
Si j'allois promener le bon homme y venoit ;
Si je gardois la chambre, alors il s'y tenoit.

Tais-toy.

Un soir prenant le frais en sa maison des champs
Sur le bord d'un estang nous vismes cette belle
Qui sautta tout d'un coup dedans une nascelle,
Où craignant pour ses jours de tristes⁎ accidens
Presque tout aussi tost je me jettay dedans
Quand le mary pour rire en ayant pris la corde
Se vantoit de nous voir à sa misericorde,
Qu'il nous feroit noyer, mais l'amour le trompa,
Et de ces foibles mains la corde s'eschappa ;
Lors insensiblement les vagues se friserent,
Le vent se redoubla, les ondes nous pousserent,
Et les jeunes zéphirs° des lieux des environs
Y vindrent nous servir de rame & d'avirons :
Mille amoureux oiseaux par leur batement d'aisle
Faisoient un petit vent qui poussoit la nascelle,
Et flatant de leur bec la surface des eaux
Nous pousserent en fin en un fort de roseaux ;
Où du monstre jaloux les ardentes⁎ prunelles
Ne pûrent éclairer ce miracle des belles,
Là pleins d'un beau desir qu'on ne peut exprimer
Tout rioit à nos yeux, & tout parloit d'aimer.

Entrant comme en triomphe en ces palais humides
Nous en fismes lever mille Nimphes° timides,
Qui fuyant par respect autant que par amour
Pour nous quitter leur lit, changerent de sejour.

Que dit cet insolent ?

Sors. Alors le jaloux par des cris lamentables
Faisoit hurler l'Echo° de ces lieux delectables,
Et d'un torrent de pleurs ayant grossy les eaux,
Croyoit voir des esprits à travers des roseaux
Qui voulans nous traisner sur les rivages sombres
Avoient desja compté nos corps au rang des ombres,
Ce pendant⁎ possedez par des transports divins
Ma bouche s'exppliquoit dessus ses belles mains,
Et par de longs regards pris & rendus sans nombre
Nous goustions des plaisirs qui n'avoient rien de l'ombre ;
Et qui faisoient sçavoir à mon cœur enflamé,
Que le souverain bien est de se voir aimé.
O charmante beauté qu'estes vous devenuë,
En vous croyant vanger je vous ay donc perduë ?
Mais malgré la prison où vous tient un jaloux,
Du cœur & de l'esprit je suis auprés de vous !
Charmé de vos beaux yeux je les croy voir encore,
Soit absente, ou presente, en fin je vous adore,
Et jusques à l'instant que je dois expirer,
Soit absent ou present je vous veux adorer.
J'aime sans interest, & ma plus grande envie
N'est que de vous servir, aux despens de ma vie,
Et de treuver moyen de vous tirer des mains
Et des pieges trompeurs du pire des humains.

Je devois ces souspirs à ma flame fidelle :
Et vous me haïriez si j'estois inconstant,
Et croiriez que pour vous j'en pourrois faire autant.

Amy, pourquoy dis-tu'que je ne sçay pas feindre ?
Helas ! combien de fois m'as-tu veu me contreindre ?
Quand voyant cet objet⁎ sousrire à son jaloux,
Je voulois, & n'osois luy dire, arrestez-vous ;
Contraignant les ardeurs de mon amour extreme,
J'ay cent fois esté prest de dire, je vous aime :
Mais tout prest de parler je me suis retenu,
Et si bien deguisé, qu'ils ne m'ont pas connu.

Quoy qu'ils puissent vous dire il ne faut craindre rien
Si je vous aimois moins je cacherois la flame
Que je veux qui s'exhalle en vous ouvrant mon ame,
Et je l'augmenterois en voulant retenir
Quelques mourans souspirs qui sont prest de finir.

      Je suis autre qu'il ne vous semble.

Je l'ay dit, & de vray, je mets toute ma gloire,
D'en adorer l'esprit, d'en cherir la memoire,
Et d'oster à l'amour le nom de passion,
Alors qu'il perd l'espoir de la possession.
 
      En vain je voudrois m'en piquer,
Je perdrois bien-tost terre en voulant m'expliquer ;
Je conçois assez bien les choses qu'il faut dire,
Mais pour les esclaircir ce m'est un grand martyre.

Madame, j'ay donné le pacquet à Leonce,
Qui dans peu par la poste apportera réponce ;
Et quand de vos parens l'ordre sera venu,
Je me feray connoistre à qui m'a mesconnu,
Et vangeray l'affront que vous fait un infame
Qui vous contraint par force à vous dire sa fâme.

Sa mort …

Pour nous vanger tous deux j'immoleray ses jours.

Une si longue feinte est une ardente⁎ preuve
De l'estat miserable où mon ame se treuve :
Et tant de veritez se doivent appuyer
Par les divers affronts qu'il me faut essuyer.

Aussi vous me verrez d'un esprit resigné
Satisfait, & confus, content & desdaigné.
Mais je crois voir venir Oronthe avec Climante.

Evitons leur rencontre elle est trop deplaisante,
Comme en nous promenant marchons negligemment,
Nous reviendrons…

      Un de ces matins.
 
      C'en est fait.

Ne taschez point par là de me perdre d'honneur,
Je m'en dois souvenir si j'en fais mon bon-heur
Si vous voulez demain venir voir Rodogune;
Les vers en sont fort beaux, l'intrigue peu commune,
Et sur tout cette mere a de grands mouvemens.

Il ne m'en souvient plus.

Je sçay bien qu'elle dit mes enfants prenez place.
 
Allez je vous respons de la loge du Roy
Vous verrez mon credit.

Vous m'y verrez moy-mesme ou je seray malade.

      La nuict est sombre ;
Et je puis m'introduire à la faveur de l'ombre ;
Cht ; l'on ne m'entend point, hem, hem.
 
Hé bien !

Pour les contrejoüer d'une façon galante,
J'ay fait au lieu de moy déguiser Jodelet,
Qui loin de vous porter un amoureux poulet⁎,
Tient un escrit tout plein d'excuses ingenües
Pour ne pouvoir venir à ces heures induës,
Où je vous dis qu'estant fort brave cavalier
Je ne veux rien de vous de si particulier :
Et que craignant de voir vostre amitié bornée
Lors que je ne viens pas suivant l'heure donnée,
Pour rendre en ma faveur vostre esprit adoucy,
J'ay fait des bouts rihmés, que j'ay descrits aussy.

      Par cette raillerie,
J'enchery galamment dessus leur fourberie ;
Car en fin ces badaux⁎ en m'en tenant plus sot
Ne me croiront pas homme à vous dire le mot ;
Et me voyant aimer avec tant d'innocence,
Me laisseront enfin agir sans deffiance.

Et ceux qui le prendront encor plus attrapez.

Je tiendray ma parole & les dupperay tous,
Mais quand pour me joüer ils s'esloignent de nous,
Proffitons de ce temps & jusqu'à l'heure expresse
Que vous sçavez qu'il faut, que Jodelet paraisse.
Treuvez bon que mon ame en ses justes desirs
Donne quelque passage à mes brûlans souspirs,
Et que dans les excez du feu qui la devore
Elle vous face voir comme elle vous adore,
Et ne soustient jamais vostre divin aspect,
Sans changer son amour en un profond respect.

Qui sont ?

Le cachet ?…


Pour m'en ressouvenir je feray mon pouvoir.
J'y suis…les Rihmes sont figue, jaloux, & ligue
Veroux et brigue & choux intrigue avec filoux
Et beste avecque feste & maison & monnoye
Et les deux derniers sont oison⁎ avecque joye.
SONNET.

Je te despite amour & je te fais la… figue,
Depuis que j'ay treuvé pour tromper mes… jaloux,
Le secret merveilleux de destruire leur… ligue
En leur ostant le droict des clefs & des… verroux ;

Ils ont beau gouverner la beauté que je… brigue
Leurs gardes servent moins que des feuilles de… choux,
Puisque nos cœurs unis sont bien mieux dans… l'intrigue
Qu'on ne voit le marais avecque les… filoux.

Soubs le pretexte faux de joüer à la… beste
Souvent du Dieu d'amour nous celebrons la… feste ;
Et sommes tout un jour maistres de la… maison,
Et quand mon rival vient & me voit sans… monnoye
Par quelques quolibets il tesmoigne sa… joye,
Et me croit un cheval quand il n'est qu'un… oison⁎.
FIN
Puis je mieux m'expliquer à moins que je le nomme ?

      C'est en vain que vous vous allarmez !

      Ne craignez rien ce sont vers imprimez
Et j'avois concerté cette seconde addresse,
Pour les dupper encor' avec plus de finesse,
Et m'establir chez eux pour fat⁎ au dernier poinct.

      Ne complimentons point.
Et pendant qu'on prendra Jodelet pour son maistre
Le menant à l'endroit où les fins doivent estre :
Puis qu'il leur faut du temps pour aller & venir,
Servons nous en du moins pour nous entretenir.
 
Voicy le bel endroit, allons donnez !

Messieurs, ce n'est pas là ce que je vous demande,
Vous joüez la bourrée⁎ au lieu d'une Alemande⁎

Le Flambeau…

Les coquins.

Monsieur, ne songez pas à ce que dis ce fat⁎
Et souffrez⁎…

Le droict qu'on peut avoir lors que l'on aime bien.

      Et moy je n'en croy rien.

      Ah ! la grande beveuë,
Amis, retirez vous, vostre cause est perduë.

J'ay pleuré mille fois.

J'ay souffert⁎ des rigueurs sans espoir de salaire.

Quoy qu'une amante ait fait je n'ay point murmuré.

J'ay couché sur sa porte.

J'ay fait la sentinelle.

J'ay fait mille sonnets.

J'ay payé des festins.

J'ay fait un grand voyage.

J'ay donné des concerts.

J'ay donné mille escus pour porter un poulet⁎.

J'ay tiré pour Doris cinquante fois l'espee.

J'ay tué pour Caliste° un faiseur de oüyda.

J'ay presté de l'argent au mary d'Isabelle.

J'ay donné des galans⁎.

J'ay donné cent Guenons.

J'ay donné pour le moins sept à huict cent Cassandre.

J'ay fait veoir à Daphnis dix fois Heraclius.

J'ay donné du jasmin dans le mois de Decembre.

A la foire en un jour j'ay donné cent bijoux.

En cent lieux de Daphné j'ay la belle peinture.

En frisure par jour dix escus…

      Tresve de raillerie.
Mais puis que par l'amour ou la galanterie,
Nous ne pouvons finir un combat si douteux
Je sçais un bon moyen pour nous regler tous deux
Vous veniez divertir une jeune merveille
Là dedans.

      J'y viens pour affaire pareille.
Oronthe appaisera cette noise⁎ entre nous
Cet homme est fort commode.

Point du tout, la franchise est telle dans son ame
Qu'il se tient honoré quand on aime sa femme

      Sçachons de luy lequel demeurera.

      Je le connois bien.

Amy ?

C'est…

Je la dois reciter, puisque je la propose.

Je diray le premier la chose comme elle est.

      Mais Monsieur.

      Monsieur…

En ces beaux jours d'Esté…

Voulant me divertir à donner serenade,
Monsieur est survenu, qui dans le mesme instant
Sans me considerer en vouloit faire autant :
Nous estans abordez pour finir la querelle,
Nous demeurons d'accord qu'en fin le plus fidelle
Et le plus viel martyr de l'Empire amoureux
Demeureroit…

      C'est une femme.

Il vous fourbe.

Elle est ou le sera femme d'un Gentil homme.

      Plustot que je le nomme,
Jugez en ma faveur, ce Gentil homme est vous ;
Et luy qui ne sçait pas comme on vit entre nous,
Penseroit que d'amour je serois bien malade ;
Olimpe estant l'objet⁎ de cette serenade ;
Je le dis en amy, cela vous feroit tort.

Oronthe…

Que de bontez ! Monsieur.

Vous voyez de quel air j'emporte la victoire.

      Ah ! Climante est ce vous ?

Ma foy j'y serois pris une seconde fois.

Elle pardonnera ce long retardement.
Elle en est cause.

Je te rens grace Amour, je les tiens au filet,
Les fourbes sont duppez, fais joüer Jodelet.
Fin du quatriesme Acte.

Madame, benissons l'amour de Jodelet,
Je devray ma fortune aux soins de ce valet,
Vous partiez…

Il n'en est plus le temps on s'en douteroit bien.
Mais le desguisement du Docteur…

Tout est prest pour punir de si cruels outrages
Sur tout un peu de cœur pour en venir à bout.

Madame, je voudrois que vous peussiez comprendre
Quels seroient les devoirs que je voudrois vous rendre,
Et qu'en fin vostre esprit en peut estre informé,
Au moment que mon cœur se sent tout consommé⁎,
Mais c'est vouloir tenter une chose impossible,
Que de rendre d'amour le bel excez visible,
Puisque celuy qui sçait parfaictement aimer,
Le ressent beaucoup mieux qu'il ne peut l'exprimer,
Oüy, lors que d'un beau feu nostre ame est enflâmée
Le respect seul en parle à la personne aimée,
Et des brûlans soûpirs la forte expression
Est le seul truchement de nostre passion,
Ainsi je ne sçaurois que par un long silence
Exprimer de mes feux la forte violence,
Et mes tristes⁎ regards à travers de mes fers
Ont droict seuls de parler des maux que j'ay soufferts⁎.

On n'en peut trop avoir pour un objet⁎ aimable⁎ :
Et de quelques ardeurs que nous soyons pressez
Quand on peut dire j'ayme, on dit toûjours assez.

Et les beaux sentimens que vous nous inspirez,
Ne peuvent allumer que des feux espurez.

Que la loüange plaist dans une belle bouche !
Et que le plus modeste en le desavoüant
Paye mal les bontez qu'on monstre en le loüant.

Qu'il est aisé d'aymer ce que l'on treuve aimable⁎ !
 
C'est suivre la vertu que marcher sur vos pas.

Puisque par son moyen j'ay le bien de vous voir,
Il m'oblige en un poinct qu'on ne peut concevoir.

      Que je suis satisfait !

Je treuve en vous voyant un trop puissant secours
Pour ne le prier pas de m'envoyer tousjours.

Je sçauray mesnager cet amant miserable.

Peut-estre avant demain je perdray ce brutal.

Au moins tant qu'il ira de prendre loy de vous.

      Au moins songez que je vous aime.
Dessus ces belles mains je puis vous le jurer ;

Le traistre…
 
      Le fourbe.

Il se repentira de m'avoir offensé.
 
      Qu'estre.

      Parle distinctement,
Mais escoute on nous suit.

En quoy sans y penser ay-je pû vous desplaire ?
Sans doute que tantost il m'avoit escouté.

      N'en parlez plus ensemble
Oronthe, il n'en sera que ce que bon vous semble.
Et sans vous amuser de discours superflus,
Lors que vous le voudrez je ne la verray plus.
Mais je ne puis comprendre à quel propos Climante,
Estant le protecteur de ma flâme innocente,
Pour la rendre suspecte a fait tout ce qu'il peut !

Apres tant d'amitié, cher Climante, je croy
Que l'amour seulement vous fait rompre avec moy,
Et qu'Olimpe estant belle & disposant d'Oronthe
Vous vous persuadez d'y treuver vostre compte.

Le lasche.

Puis qu'Oronthe le sçait, ce n'est qu'un tour d'adresse,
Et puis qu'il est d'accord qu'il vous parle d'amour,
C'est pour faire piece, & vous joüer d'un tour.
 
Qu'il a bien pris son temps pour se plaindre de vous !
Mais nostre tour viendra pour nous mettre en courroux.

Dans deux heures d'icy tu sçauras qui je suis.
Adieu.

      Je songe à tout ce que j'abhorre.
 
      A sortir promptement de ces lieux
N'y pouvant plus souffrir⁎ d'y voir des envieux.

C'est à quoy je révois dedans ma solitude.

Il croit adroittement vous avoir offensée.

Je vous avois bien dit, il avoit escouté.

      Ah ! qu'il me dure aussy.
Mais dans une heure au plus mes gens seront icy,
Le rendez-vous est pris, l'heure mesme est donnée ;
Les Archers dispersez, la Requeste signée,
Et Leonce a laissé vos parens en chemin    
Qui pour nous appuyer seront icy demain ;
Et ne faut seulement que se saisir du traistre.
 
Il peut icy beaucoup.

S'il sçait nostre dessein, tout est perdu pour nous.
Mais…

Feignez bien !
 
Monsieur …

Feignez jusqu'à la fin.

Bon…

Voicy quelque nouvelle !

Le temps vient.

Allez je vous responds qu'elle n'en mourra pas.

Comment peux-tu pretendre aucun secours de moy ?
Ayant tant de sujet de me plaindre de toy.
Dis lasche, n'es-tu pas ce ravisseur infame,
Qui contraignit Olimpe à se dire ta fâme,
Elle qui s'abaissa jusques à te flatter,
Dans les extremitez que tu voulois tenter :
Dedans la ville d'Aix ne l'as-tu pas ravie ?
 
Madame, vos parens seront icy demain !
S'il obtient un pardon ce sera de leur main.
Pour luy nostre bonté seroit trop criminelle.

Pour la tirer des bras qui luy faisoient horreur⁎,
Et la mettre en estat de braver ta fureur⁎.

      Hé bien traistre.
Que ferois-tu ?

      Apprens à me connoistre.
 
Tu ne jouras plus au moins impunement,
Si j'ay passé pour sot en fin j'ay l'avantage,
De te voir aujourd'huy joüer mon personnage,
Et le voir d'autant mieux que ton esprit rusé,
Ne peut plus m'empescher d'estre desniaisé,
Si j'ay voulu manquer d'esprit & de courage,
J'en vay faire paroistre à ton des-avantage ;
Va dedans les prisons querir ton chastiment,
Toy va chercher du cœur⁎ dans ton ressentiment
Pour soustraire à mes veux cette rare merveille,
Ne le retenez point.

Ah ! ne leur faictes point l'honneur de leur parler.

Jusqu'à demain matin par un respect extreme,
Je ne la verray point encore⁎ que je l'ayme ;
C'est devant ses parens que j'attens…

Cet esclaircissement se doit à sa vertu,
Non à vous.

A la fin nos mal-heurs…

      Je t'entens.
 
Va nous te le donnons & cent escus de rente.

      Oüy.

En estes vous d'accord ?

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_climante *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_climante


Certes, c'est rencherir dessus les plus galans,
Cette confusion de neuds & de rubans,
Ne tesmoignent que trop ce dont aucun ne doûte
Qu'un amant est prodigue, & que rien ne luy coûte.

      Que vos gands sentent bon !
Est-ce de Martial ou Frangipanne ?

      Elles en sont plus cheres.

Dans Rome ?

      Où donc ?

Ne vous estonnez pas cher amy si je ris,
Estoit-ce depuis peu ?

Vostre langue à ce coup precede la pensee,
Et vous n'y songiez pas en me parlant ainsi.

      D'Ambassadeur il n'en vient point icy,
Et l'Espagne,

      Au moins prenez y garde,
Il fait bon d'en donner, mais c'est un grand malheur
Quelque habille qu'on soit de passer pour hableur⁎,
Si lors qu'on s'introduit dedans les compagnies,
On ne concerte bien toutes ses menteries⁎,
Et si l'on n'a l'esprit de les faire avoüer,
Ce n'est qu'un beau talent pour se faire joüer.
Pour moy qui comme vous en revenant de Rome,
Par tout où je pouvois en donnois en jeune homme,
Et voulois tout risquer pour faire le plaisant,
Je recognois fort bien mes foibles⁎ à present :
Et puis en me voyant dans un autre moy-mesme
Vous tirer aujourd'huy d'un embaras extréme.

Ouy, mais il faut avoir l'adresse d'en sortir.

Il faut selon les gens regler la quantité,
Apprendre leur humeur, sçavoir leur qualité ;
Mais lors que vous voudrez donner quelque cassade⁎,
Consultez-moy devant⁎ pour regler la boutade,
Le feu que vous avez a besoin de leçon
Apres vous hablerez⁎ de la bonne façon :
En voulez-vous donner ?

      Quand ?

      Où ?

Je m'y rendray tantost…

Ah ! que vous estes bien auprés de cette belle.

Il faut quand vous trouvez parfois l'heure oportune,
Luy vanter en passant quelque bonne fortune.

Nous en avons besoin dans les commencemens,
Quoy qu'on sçache beaucoup on doit apprendre encore,
Mais dedans les ardeurs du feu qui vous devore,
Ne m'advoürez-vous pas que vous estes icy,
Estant absent d'Olympe avec un grand soucy,
Je m'en vay la querir : en faut-il davantage ?

Pour un amy qui dort toûjours quelqu'autre veille
Rendez graces au soin que j'ay pris d'amener 
Cette rare beauté qui se vient promener.

Oronthe le fera, j'en ay quelque asseurance,
Et puisque cette belle est dessous sa puissance,
Et qu'il est son espoux, vous reconnoistrez bien
Qu'en la priant pour vous il n'espargnera rien.

      Il faut tout dire, Oronthe,
Ne vous y fiez pas, vous auriez vostre compte,
Il n'est dans ses amours genereux qu'à demy,
Autrefois il aimoit la femme d'un amy.
 
N'en faites point le fin, & comptez leur l'histoire,
Quand Oronthe sçaura que vous aimez ailleurs,
Il en aura pour vous des sentimens meilleurs,
Et vous l'exempterez de cette jalousie,
Qui peut estre pourroit troubler sa fantaisie⁎.

Dites qu'il sçait par cœur l'histoire qu'il vous dit.

En vain vous redoutez qu'il se veuille contraindre
Pour l'Empire du monde, il ne pourroit pas feindre :
Et si par la franchise on se rend criminel,
Il est vain de son crime, & voudra mourir tel.

      Tout de bon c'estoit le méconnoistre :
Voyez-vous, il est fourbe autant qui le faut estre.

Elle passe au delà de toute la creance⁎.

Je ne l'aurois pas cru, ny si sot, ny si vain.

Mais il faut luy joüer des pieces d'importance
Pour luy donner plaisir de son extravagance⁎.

Mais qu'avez vous promis ?

Les vers me coustent trop, & je veux desormais,
Hors pour un bel objet⁎ n'en escrire jamais.

Feignons, elle en a trop. Mais je ne l'aime pas.

Il est bien mal-aisé d'y penser davantage.

      J'y songe à tout moment.

Ou plustot pour moy seul.

Je sçay ce qu'elle vaut.

Vous parlez en amant.

J'ay des yeux qui sont bons, & connois ses appas⁎.

      Vous ne m'entendez pas.
Et ne comprenez point de quel air je l'honore.

M'en deussiez vous haïr, je puis vous asseurer,
De ne dire jamais que je veux l'adorer.
Sçachons plustôt comment je feray mon ouvrage.

Que diray-je pour estre en tous vos sentimens,
Dites moy…

A la fin je conçois ce que vous souhaitez,
Je dois parler ainsi faisant parler Ariste
Qui recitant ces vers sous le nom de Caliste°,
Croyant parler pour soy fera l'amour pour vous,
Et sera par ce traict l'amant & le jaloux.

      J'y vay mettre la main,
Un tour dans cette allée achevera l'ouvrage.
L'agreable travail où mon rival m'engage !
 
Non, j'ay trouvé là bas Pancrace avec Lizette
Qui se parloient si haut que troublant mon objet
Je n'ay pû seulement qu'en tracer le projet.
A peu prés en ces mots, j'exprimeray sa flamme,
Il n'est rien de si beau que les yeux de Madame,
Ces charmans ennemis de nostre liberté
Sont les divins autheurs de ma captivité,
Et tout ce que la Terre a de plus admirable
Ne sçauroit égaler ce chef-d'œuvre adorable :
Aussi mes seuls respects, mes pleurs, & mes soûpirs
Seront les confidens de mes brûlans desirs,
Et par quelques endroits que mon cœur soit sensible,
Je souffriray⁎ mon mal sans le rendre visible,
Et devorant les feux dont je suis consommé⁎
Mourray sans m'expliquer devant l'objet⁎ aymé !
Trop heureux ! si l'amour déroboit à ma veuë
Un jaloux obligeant dont le regard me tuë,
Qui d'un zele importun & d'un soin odieux
M'accompagne sans cesse, & m'observe en tous lieux,
C'est le supplice affreux dont un destin contraire
Punit les beaux excez d'un amour temeraire,
C'est l'obstacle eternel qu'oppose à mes desirs
Le mortel ennemy de mes plus doux plaisirs,
Et dedans les transports de l'ardeur qui m'enflâme,
C'est l'effroy⁎ de mes yeux & l'horreur⁎ de mon ame !

En effet nous verrons travailler sa finesse
Pour dire je vous ayme, avec un peu d'adresse,
Et pour accompagner ces discours amoureux
D'un geste & d'un regard qui vous parlent comme eux.

Je le croy desja voir pour peu qu'il reussisse
Devenir glorieux d'un mauvais artifice
Alors qu'il vous dira, j'adore vos appas⁎.
Je vous parle d'amour, et l'on ne m'entend pas
Dans les divers efforts du feu qui me devore,
Je puis en liberté dire, je vous adore,
Et mon bon-heur en fin va jùsqu'au dernier poinct,
Puis qu'un Rival m'escoute, & ne me comprend point.
Ce sont les mesmes mots que je veux qu'il vous die.

      Je vous le promets.

      Le trait n'est pas mauvais.

Qu'elle m'obligera luy parlant de la sorte !

Que de ces mots adroits je luy suis redevable !

Puis que mon rival veut que je parle, & que j'ose,
Il aura beau plaider, je gaigneray ma cause.

En fin je puis parler, & mon bon-heur …

Faut il que ce brutal traverse mon repos ?

En vain j'ay pratiqué tout ce que la prudence,
A de plus reservé dedans sa confidence ;    
En vain j'ay moderé toutes mes passions
Par la sage froideur des circonspections ;
Et concerté mon cœur avecque mon visage,
Pour ne rien descouvrir de l'ennuy⁎ qui m'outrage :
En vain d'un jeune amy j'esvente le secret,
En vain je l'introduis à titre d'indiscret,
Et le rends parmy nous un objet de risee ;
Puis qu'en fin ma douleur n'en est pas appaisée,
Et que je ne sçaurois trouver un seul moment,
Pour vous entretenir & vous voir librement.

Vous ayant fait resoudre à cette complaisance,
D'oüir un ingenu parler de ma souffrance⁎ ;
C'est assez en effet du bien que je reçoy
Lors que j'oblige un autre à vous parler pour moy.

L'adressse en est subtille

Vous verrez mon amour dans mon obeïssance

Voyez le donc souvent, cet Ariste !

Tout importun qu'il est endurez ses souspirs !

C'est en quoy je vous suis doublement redevable.

Que dois-je repartir à ce discours flateur ?

Que je resens de joye en ces douces contraintes !

Nous vivons sans donner aucun soupçon de nous.
 
Donc pour continuer à soulager ma peine
Flatez un ingenu d'une esperance vaine ;
Et d'un peu de faveurs veuillez le consoler ;
Afin qu'il ait tousjours dessein de vous parler.

Si vous continuez vous me rendrez confus,

Ariste… Quelqu'un vient ? Rencontre deplaisante !

Qu'il revienne tantost ; ne plaignez point ses peines.

Encor' un surveillant ?

      Nous rirons, ou je meure.
Allons Madame !

Oüy de nous voir trompés.

Qu'importe, il envoyoit son valet pour la voir.

Encor que dites-vous de ces belles paroles,
Dont sa lettre est remplie ?

C'est le plus grand des sots que nature a formez.

Sans doute il y fera quelque bonne incartade⁎.

      Le tour sera d'esprit.

      Donnez.

Toy ! si tu l'avois fait avecque ce flambeau,
Je te ferois griller comme on fait un pourceau.
Veux-tu voir ?

      Quoy souffrir⁎ ? la plaisante boutade !
Et quel droict avez vous de donner serenade ?

Moy, j'aime plus que vous.

Tout cela git en preuve.
 
Ne riez pas encore, & preuvez seulement.

      Et moy pareillement.

J'ay souffert⁎ des mespris sans me mettre en colere.

J'ay treuvé tout fort bon de l'objet⁎ adoré.

      Et moy dedans sa ruë.
 
      Et moy le pied de gruë.

      Et moy mille rondeaux.

      J'ay donné des cadeaux⁎.

      Et moy cent promenades.

      Et moy des serenades.
 
J'en ay despensé deux pour gaigner un valet.

La mienne pour Philis fut cent fois occupée.

J'en batis dans le cours qui disoient la voyla.

Je me suis laissé perdre en joüant avec elle.

      J'ay donné des bouquets.
 
      Et moy cent perroquets.

Moy cinq cens Ibrahims, & trois cent Polexandre.

Moy vingt fois Themistocle, & peut estre encor plus.

Dans le mois de Janvier j'en semois une chambre.

Moy pour un soir au bal deux mille citrons doux.
 
Je l'ay de sa hauteur fait peindre en mi-nature.

      Arrestez,
En eschelle de corde il me les a coustés,
Et pour les rendez-vous.

      Oüy.
 
      On dit qu'il est jaloux.

Hé bien…

Mais…

      Tout ce qu'il vous plaira

Appaiser un debat dont Monsieur est l'autheur.

      Laissez-moy conter comme s'est fait la chose.

Je parleray pourtant le premier s'il vous plaist.

De grace.

      Mais vous avez beau dire.

      C'est…

Nous nous sommes trouvez tous deux d'egale force.

Oüy, Monsieur une fille.

      Advocat.

Ah ! c'est trop parler bas.

Peut-on oüir parler d'une telle sottise ?

On est souvent trompé pour estre trop facile.
 
      Adieu vivez en paix.

      Le fat⁎.

N'en ayez point d'orgueil, vous ne luy devez rien,
Et ne présumez pas qu'il vous fasse du bien ;
Puisque ce demeslé n'estant fait que pour rire
Tousjours à vos advis vous m'auriez veu souscrire ;
Et sans que cet arrest intervienne entre nous
Connoissez qui je suis ?

C'est par l'ordre d'Olimpe à qui l'affaire touche,
Par cette fausse barbe, & cette balle en bouche,
J'ay caché mon visage & deguisé ma voix

      Qu'il parle ingenûment.
Il se croit obligé de ce que l'on le jouë.

      Je l'advouë.

Elle parle de moy, je vay mourir de joye.

Tu ne sçais pas le nœud de nostre stratageme.
 
Je te rends grace, amour !

Il se croit obligé du bien qu'elle me fait.

      O bien-heureux Climante !

Plus elle le verra, plus son adresse extreme,
M'apprendra par Ariste à quel poinct elle m'aime.
 
Et j'ay trop de plaisir d'un si plaisant message
Pour ne te faire pas joüer ce personnage.

Le fat⁎ ne connoist pas qu'il fait l'amour pour moy.

La raillerie est fine, il n'y pourra respondre.

Comment ne voit-il pas qu'elle se rit de luy ?

Ce nom d'amant me choque, & n'est point agreable.

Tout cecy me déplaist, & j'ay peur de sa suite.

Quelque important mistere est caché là dessous.
Il parle avec chaleur, elle respond de mesme,
L'aimeroit-elle ?

Helas ! ce seul baiser me doit desesperer !

      L'infidelle
Il n'en faut plus douter, il est adoré d'elle.
Ah Dieux ! en quel mal-heur je suis embarassé ?

Je ne puis plus souffrir⁎ l'excez de leur audace,
Sortons vistes d'icy de peur d'estre surpris,
Et sans leur tesmoigner que j'aye rien appris

      Treuvons quelque adresse nouvelle,
Pour descouvrir leur fourbe ou pour me vanger d'elle.
Mais j'apperçois Oronthe.

      Ils sont là bas.

Mais quelle ? je me treuve au bout de mes leçons !

En fin…

Mais…

Ainsi je puis tout haut me vanger d'un rival.
 
      Et sera bien menée,
Pourveu qu'Olimpe essaye à faire l'estonnée,
Et feigne adroitement de vous croire jaloux
Pendant que vous feindrez de vous mettre en couroux.

      Du ton de voix & de l'air du visage
Vous me verrez si bien joüer mon personnage,
Qu'en fin vous advoûrez que le plus delicat
S'y pourroit laisser prendre aussi bien que ce fat⁎.
Mais il faudroit qu'Olimpe en peust estre advertie.

Allons vers ces jardins, c'est là qu'ils s'entretiennent.

Cajoller ce qu'on aime & ne le point quitter,
C'est n'avoir à mon gré plus rien à souhaiter.

Ny moy passer pour sot à force de me taire,
Puisque de la façon que l'on vous voit agir,
Vous mal-traittez Oronthe, & me faictes rougir.
 
De nous priver du bien de voir cette beauté,
Que vous voulez contraindre à trop de violence.

      Elle entend mal la feinte,
Et dévroit tesmoigner davantage de crainte,
Il seroit deferé⁎ si chacun le quittoit.
 
Les choses vont souvent plus loin que l'on ne veut ;
Et quand je reconnois quelles sont vos pensées,
Je voudrois rappeller mes actions passees.

J'aurois juste sujet de ne vous aymer pas.
Et vous devez rougir du feu qui vous consomme⁎,
Et d'escouter en fin les souspirs d'un jeune homme
Dont l'indiscretion me fait son confident ;
Ayant rendu par tout son amour évident :
Je vous aime, il est vray, mais vostre ingratitude
Combat ma passion d'un traittement si rude,
Que vous me reduisez en l'estat où je suis
De recourir en fin à tout ce que je puis,
D'esventer les secrets qu'une aimable⁎ contrainte
Retenoit dans mon cœur en sa plus vive atteinte
Et qu'un profond respect m'eust forcé de celer
Si vous ne m'eussiez pas obligé d'en parler.

      Vous devez mourir icy de honte,
D'enfler d'orgueil Ariste, en l'aimant plus qu'Oronthe,
Et de voir qu'un amy ne m'est pas assez cher
Pour laisser faire un mal que je puis empescher.
 
      Ce n'est qu'une volage.

      Il est trop avant dans son sein.

      L'ingrate !

      Il faut que ma colere esclatte.
 
      Je luy veux monstrer ce que je puis.

      Je ne puis plus en fin, c'en est trop dire.

      Mais vous pourquoy prendre ces soins pour elle ?

Tu ne parleras pas tousjours si hardiment.

Tu te repentiras de ce que tu hasardes.

Dieux !

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_oronthe *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_oronthe


      Monsieur, il ne faut pas
La forcer pour souffrir⁎ un objet⁎ plein d'appas⁎,    
Et toute sa rigueur ne consistant qu'en mine,
Sans doute elle vous aime, & fait icy la fine.

      J'en suis peu jaloux,
Vous l'aimez…
 
      Tout de bon,

Quelqu'autre se pendroit apres cette parole.

      Un seul point me console
C'est que Monsieur est sage, & n'entreprendra rien
En cette occasion qui ne soit pour mon bien.
Comme il est genereux,

      Serez vous fourbe ?

Hé bien, s'y resoud-il ?

Mais au moins dites nous la chose comme elle est.

Tous les fols font ainsi pour se mettre en credit.

Madame, appaisez-vous, & cachez vostre haine,
L'Apostrophe est plaisant, estant de longue haleine,
Et vous nous priverez d'un entretien fort doux,
Si Monsieur le retranche, & se contraint pour vous.

      Ma foy vous ferez bien.

En tout cas vous pourrez en aimer deux ensemble,
Un inconstant …

Mais vous disiez tantost que jusques au tombeau
Vous vouliez adorer un chef d'œuvre si beau.

Pour faire encore plus il n'est que trop habile ;
Mais qu'il explique

      Nostre disner cessé
Vous nous acheverez le recit commencé,
Et nous ferez sçavoir d'où vint vostre disgrace.

      Olimpe en rit à tout moment,
Mais qui croiroit jamais une telle innocence ?

En fin vous connoissez l'esprit du pelerin :

Mais fust-il encor pis, Olimpe le desire,
Et treuve en le joüant tant de sujets de rire,
Qu'elle est de belle humeur à le voir seulement !
Ce qui pour l'adoucir me sert infiniment.

Il m'est venu treuver dedans le cabinet,
Où nous entretenant des graces du Sonnet,
Par des galimathias⁎ d'une assez longue haleine
Il m'a voulu produire un effort de sa veine ;
De qui les meilleurs vers sont pleins de mauvais mots
Et de raisonnemens ridicules & sots.
Pour, je me resouviens, il met je me recorde,
Et rime halebarde⁎ avec misericorde,
Les voyelles chez luy sont en confusion,
Il dit que l'on s'en sert dedans l'illusion
Comme dans la ceruse & dedans le mystique,
Sans que ce soit alors licence poëtique.
Mais en fin le meilleur est qu'il m'a conjuré
De luy faire des vers pour un desesperé ;
Qui peut voir tous les jours le sujet de sa flame
Sans luy pouvoir parler des troubles de son ame.
Par ce que d'un jaloux les regards odieux,
Comme ceux d'un Argus° l'esclairent en tous lieux.
Puis croyant reparer ce discours ridicule,
Et m'oster tout sujet d'avoir aucun scrupule,
Il m'a deux ou trois fois juré dessus sa foy
Que ce mot de jaloux n'estoit pas dit pour moy,
Qu'Olimpe n'estoit pas le sujet de sa rime,
Et qu'il n'avoit pour elle autre amour que l'estime.

      Pour nous joüer de luy,
J'ay promis de luy faire une Stance aujourd'huy,
Ce pendant je ne sçay si je tiendray parole ;
Mais vous en sçavez faire, & cela me console.
 
Si les seules beautez eschauffent vostre muse,
Vous ne pourrez treuver de legitime excuse,
Olimpe pour qui c'est ne manque point d'appas⁎.

Puis qu'il faut vous resoudre à prendre cette peine,
Et qu'amour seul a droict d'animer vostre veine,
Croyez pour m'obliger en cette occasion
Qu'Olimpe est le subjet de vostre affection ;
Pensez à ces beaux yeux, conservez en l'image.

Songez à son beau teint, à son esprit charmant,
A sa taille, à son port.

Ayant devant les yeux un si parfaict modelle,
Vous nous ferez au moins une Stance assez belle,
Et quand devant Olimpe Ariste les dira,
C'est pour moy seulement que le fat⁎ parlera.

      S'il n'estoit necessaire
Que d'escrire à Bordeaux, que par l'autre ordinaire,
Je vous espargnerois la peine de rîmer,
Et de feindre qu'Olimpe auroit pû vous charmer⁎.

      C'est un astre visible.

      Et vous en insensible.
 
Vous les connoissez mal !

C'est peu que l'honorer, il faut que l'on l'adore.

Mais la voicy qui vient avec le personnage.

Vous trouver sans Lisette, & de plus avec luy ?

      C'est trop ; mais dans la promenade,
De quoy vous parloit-il ?

Quand ?

      Sans faute ?

S'il n'a dit que cela, je reste satisfait ;
Mais il a l'autre jour promis la Comedie,
Et ne s'en souvient plus, il faut que je le die.

      De grace.

Au moins je la veux voir & Pancrace avec moy

      Sur tout la serenade,

Ces vers pour un jaloux ...

      Pour vous loüer on treuve des amis.
Climante prend sur luy cette charge agreable,
D'autant plus aysement que l'objet⁎ est aimable⁎.

      Nommez vous le Phenix° dés amans ?
Et pour joüer Ariste avec un peu d'adresse,
Traittez moy de jaloux auprés de ma maistresse,
Dites que ma presence est cause quelquefois
Que vous avez perdu l'usage de la voix :
Et que mourant d'amour auprés de cette belle,
Vous n'osez tesmoigner la moindre ardeur pour elle ;
Mais sur tout que ce soit sous des noms empruntez.

D'une mauvaise adresse avec celle que j'aime,
En me croyant joüer, il se joüra luy-mesme,

Au moins nous en rirons.

He bien commencez vous de respirer icy,
Et pour moy vostre esprit n'est-il pas adoucy ?
 
Aprés l'enlevement que l'amour me fit faire,
Mon respect est si grand, qu'il n'est pas ordinaire,
Et loin de vous presser,

      Il faut luy faire une piece aujourd'huy.
Dites luy que ce soir je dois souper en ville,
Que de vous voir la nuict il sera tres-facile ;
S'il veut entrer chez vous sous l'habit d'un Archer
Pendant⁎ Climante & moy nous irons nous cacher,
En ces logis voisins de la Conciergerie,
Où des gens apostez pour cette raillerie
De ce deguisement luy demandant raison
Feindront de le vouloir mener dans la prison ;
Et nous qui parestrons dedans cet intervalle
L'ayant tiré des mains de ceux de la cabale,
Le bernerons d'avoir hazardé son trespas,
Pour vous aller treuver lors que je n'y suis pas.

      Dites luy que c'est le mieux du monde
Puis que dans ce quartier le Guet faisant sa ronde,
Il peut roder icy sans estre reconnu.

      Sçauront ce qu'est cet ingenu.

      Hé bien la Stance est-elle faite ?
 
Nous en aurons tantost un plaisir assez doux ;
Mais redonnez encor quelque touche au jaloux.

L'arrest est prononcé d'une trop belle bouche,
Tenez donc pour certain que vous m'obligerez
D'en dire plus de mal que vous n'en jugerez,
Plus vous luy donnerez moyen de nous en dire,
Plus vous nous donnerez subjet de nous en rire.

C'est en quoy le plaisir en doit estre assez doux.

Passant pour le plus fin dedans sa fantaisie⁎,
Quel plaisir de luy voir blasmer la jalousie,
Et de nostre équivoque ignorant tous les nœuds
Se jouër de luy-mesme en riant de nous deux ?

Mais souvenez vous en, & …

La Dupe s'en rira.

Que d'une forte ardeur vous payerez son zele,
Et recompenserez ses amoureux desirs
De tout ce que l'honneur vous permet de plaisirs.

Dieux ! que j'auray de joye en l'entendant parler !

Mais allez commencer cet intrigue agreable,
Cependant que flatté d'un assez bon succez
J'escriray pour sçavoir l'estat de mon procez.

Je te l'ay desja dit, fais donc ta diligence ;
Je viens de recevoir nouvelles de Provence
Que l'on se peut douter du chemin que j'ay pris.
Tiens tout prest.

Cesse, pour engager Olimpe en ce voyage
Demain seul avec elle allant me promener
Auprés de sainct Denys tu nous feras mener
Quatre chevaux tous prests pour rejoindre aux deux nostres,
Puis…

      Tu viendras apres avec les autres
Feras monter mes gens, prendras soin de mon train⁎,
Mettras ordre par tout, & suivras mon chemin :
De plus ayant besoin de deguiser l'affaire
Dans châque hostellerie il te faut dire pere
De la jeune beauté que j'emmeine avec moy ;
C'est dans ces tours d'esprit que j'ay besoin de toy.

      Je t'entens cher Pancrace.
Si dés lieux où je vay quelqu'un suivoit la trace
Apprenant en l'estat qu'on m'aura veu passer
Par ce déguisement il peut s'embarasser :
Le nom de Perre en fin.
 
Moy pour ne tesmoigner mes desseins à personne,
Je vais avec Climante encore raisonner
Pour berner nostre fat⁎, qui s'appreste à donner
Dans deux heures d'icy sa belle serenade.

N'importe, mais sur tout choisis un bel habit,
Pour joüer comme il faut le role que j'ay dit.
Entre, Climante vient.

      Hé bien ! s'en raille-t-elle ?
 
      O l'amant plain de zele !
Qui n'ose venir voir sa maistresse le soir ?

Vrayement c'est un galant qui se sent des escoles.

      Et des vers imprimez ?

Il le faut achever avec la serenade.

Il s'y faut preparer.

Dis nous que fait Olimpe à present ?

Il faut voir ce que c'est.

Tu m'obliges.

Allons.

      Que vous plaist-il de vostre serviteur ?

Ce plaisant differend me fait crever de rire.
Qu'est ce donc ?

      Escoutez-vous enfin,
Ce debat dureroit jusqu'à demain matin.

      Et bien lequel l'est de vous deux !

Attendez pour finir cet aymable divorce ;
Il faut avoir recours à de bonnes raisons,
Veniez vous divertir quelqu'un dans ces maisons ?
J'entens un bel objet⁎ qui vous chatouille l'ame.
 
      Et vous ?

Cette fille a son pere, & qu'est-il ?

      La vostre est de plus grand estat ?

Il n'en est point icy ?

      Vous serez tous d'accord.

Monsieur me fait l'honneur d'agir avec franchise ;
Et songeant à ma femme & la nuit & le jour…

      Il l'aime en fin sans luy parler d'amour.

Je ne crains point l'amour dans un esprit tranquille,
Et je distingue bien le bon & le mauvais :
Mais allez je vous laisse.

      Qui peut le croire ?

Mais c'est perdre le temps il faut que l'on commence,
Olimpe nous escoute & meurt d'impatience.

      Allons

Il n'en est pas au monde un plus sot.

      Feignons avec adresse.
Hé bien !

      Joüons leur quelque piece.
 
D'effet l'on l'a joüé de toutes les façons.

      Si vous feigniez de voir d'un œil d'envie
Qu'il passe avecque nous trop doucement sa vie,
Et qu'Olimpe l'aimant, & mesmes plus que vous,
Quel amy qu'il vous soit vous en estes jaloux.

      Cela produiroit trois effects agreables,
L'un de le voir penser qu'il est des plus aimables⁎,
Et qu'Olimpe pour luy souspire tous les jours,
L'autre de me croire homme à souffrir⁎ ces amours,
Et le troisiesme en fin de penser que vostre ame
Brûle indiscrettement d'une pareille flâme.

Si prest de mon depart je ne l'entens pas mal.
La piece est assez bonne.

Et vous ?

Un clin-d'œil la pourra mettre de la partie :
Et la correspondance est telle entre nous deux
Qu'un regard la dispose à tout ce que je veux.

Ne sortons point d'icy, je les revoy qui viennent.

Aussi je ne veux plus souffrir⁎ tout ce mistere.

Il m'oblige, Madame, en vous parlant ainsi.

Il croit ce qu'elle dit.
 
Ce coup d'œil la va rendre autre qu'elle n'estoit.

Elle n'a pas compris quel estoit vostre jeu,
Et croit le bien joüer par cette complaisance.

Tout au moins il agist plus franchement que vous !

      Je veux bien qu'il vous aime
Estant sage & discret.

Qu'il feint bien !

      Vous joüez trop bien ce personnage,
Gardez de la fascher.

Elle ne comprend pas quel est notre dessein.
Espargnez-les.

Je vous suis obligé, mais demeurez.

C'en est assez.

Je ne puis l'arrester, il est trop en colere.

Arrestés…

Je feray vostre paix, ce n'estoit que pour rire.

N'a t il pas tout de bon fort bien fait le fâché ?

Que faictes vous ?

A quoy donc ?

Estoit-ce le sujet de vostre inquietude ?

Qui croiroit que je songe à m'esloigner d'icy ?
Reposez-vous sur moy, n'ayez aucun soucy :
C'estoit pour divertir une melancolique,
Que cet amy feignoit de faire le critique ;
De grace, appaisez le ce pendant que j'iray
Courir aprés Climante, & le rameneray.

Non, je n'en doute plus, leur flâme est toute claire,
Cachez vous, & voyez l'effet de ma colere

J'ay regret à l'honneur que je vous ay rendu.

Si vous vous offencez de l'excez de ma foy⁎,
Vous n'aurez pas long-temps à vous plaindre de moy.

Pour un fâcheux objet⁎ qu'il faut abandonner
La grace qui l'éloigne est facile à donner.

Je me suis repenty d'aimer une volage,
Dont l'ame trop sensible aux feux d'un insensé.

      Retirez-vous, vostre temps est passé.

Et si vous ne vivez avecque plus d'honneur,
Je vous verray mourir sans gloire & sans bon heur.

Oüy, c'est trop abuser de ma facilité.
 
Cherir un innocent !

Pour railler avec moy prenez mieux vostre temps !

Je ne ris point, Madame, & n'en ay point d'envie.

Croit-elle que je fais semblant d'estre en courroux ?
Et que pour l'attrapper je feins d'estre jaloux.
Mais…

Le despit où je suis passe la raillerie,
Et mon ressentiment va jusqu'au dernier poinct.

      Vous le prenez mal, & vostre esprit s'abuse.

Ah ! c'est trop.

J'y suis avec raison !

Tréve de raillerie à la fin je m'en lasse.

Sur de pareils discours Climante asseurément
A pû prendre d'Olimpe un mauvais sentiment.
Cet esprit trop leger se duppe par l'oreille.

Climante n'a pas veu que c'est un tour d'adresse,
Et croyant me venger en troublant mon repos,
Il s'est joüé luy-mesme assez mal à propos.

Il faudroit estre fol pour la croire volage !

      Climante n'est qu'un sot.

      Il eust mieux fait de ne m'en dire mot.

Certes il entend mal la belle raillerie.
Vous avés veu Climante, & l'avés bien joüé.

Il m'est venu treuver tout réveur & tout triste⁎,
Pour me donner advis que vous aimiés Ariste,
Et qu'en le caressant il vous avoit surpris.

Si je le voy tanstot, je luy donneray bonne⁎.

      Ah ! Dieux mes chevaux arrestez.

      Mes pistolets, quel trouble !

Ariste sauvez la, je vay descendre en bas.

C'est trop…

      Qui ?

      Moy ?

      Ah ! je la veux defendre.
Ariste sans bransler⁎ me la laissez vous prendre ?

Ah Dieux !

Ah ! lasche si j'estois en estat.

      Climante…

      Ah ! douleur sans pareille.

Faut-il donc que d'Olimpe il soit le maistre ainsi.

Ah ! trop cruelle Olimpe.
 
      Ah !

      Je pars sans espoir de la revoir jamais.

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_jodelet *date_1647 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_jodelet


      Ah ! le plaisant falot⁎.
 
      Monsieur, c'est qu'elle tousse.

      Quand vous le voudrez je la rendray plus douce
Et plus souple cent fois qu'un gand de chevrotin⁎,

      Je suis un faux matin,
Sans moy dans vos amours vous auriez votre compte,
Car Lisette m'a dit que l'Intendant d'Oronte
Sans elle nous alloit envoyer à vaux l'eau,
Mais que de quelque espoir flattant le jouvenceau
Elle avoit empesché qu'on nous envoya paistre.

      Il est creu de son maistre
Qui le tient fort sçavant, & le croit fort discret,
Mais de Climante aussi dites moy le secret,
Aimeroit-il Olympe ?

Qu'a cela de commun au feu qui vous consomme⁎
De vous faire introduire à titre de jeune homme,
Et pourquoy ne peut-il haranguer ses amours
Sans vous faire parler & chercher ces destours ?

Mais d'où vient que Climante est de l'intelligence,
Et comme a-t'il si tost fait cette cognoissance ?
 
Mais comment a-t'il fait pendant ce grand voyage,
Qu'il n'a pû la contraindre au moins au mariage ?
Que luy peut dire Olympe, & comment, & pourquoy ?

Climante donc…

Mais en si peu de temps vous vouloir tant de bien,
Elle estant Provençalle, & vous Parisien.

Mais Oronthe l'aymant, & mesme estant jaloux,
Comment s'acroche-t'il de Climante & de vous ?

Mais de Climante…

Climante ce pendant⁎…

Il se tient donc heureux alors qu'elle vous aime.

      Si bien donc qu'il est le fat⁎ luy-mesme.

      Ah, par la mort !

Ah ;  Monsieur, permettez que ma lame enroüillée
Soit teinte de son sang.

      Mais au moins
Souffrez⁎ qu'avecque luy je fasse à coups de poings,
Et que de ces cinq doigts plus pesans qu'une meule
Je luy casse le nez ou luy paume la gueule

Qu'il aille vous railler au Royaume des sourds,

Ah ! je ne puis aimer cette jeune Choüette,
Je suis inexorable,

      Ah ! je suis son valet.

Monsieur que n'alliez vous pour voir aux antipodes,

      Les bons vieillards ne sont jamais meschans.

Ah ! Monsieur, de regret encor je m'en chagrine,
Les Nimphes° en fuyant craignoient nostre cuisine,
Et se doutoient fort bien qu'en ne s'enfuyant pas
Elles rencontreroient leurs tombeaux dans nos plats.

      Que ces Nimphes° volages
N'estoient foy de pieton⁎ que des canards sauvages
Que vous sceutes du lit si bien effaroucher
Que jamais du depuis ils n'y vindrent coucher.

Tandis qu'ils vont disner, un petit mot, Pancrace,
Dirois-tu qu'une fille eust de l'amour pour moy ?
 
Qu'est-ce que des appas⁎, est-ce une belle chose ?

Je m'en estois douté, mais

      A quel besoin nommer tous ces demons ?

Ah ! ne m'en nomme plus, je suis prest à te croire.

Les autres …

Ainsi donc …

Mais …

Quoy …

Il est vray …

C'est sans doute …

D'effet …

Bon …

Donc …

Un mot …

Je voudrois te casser la gueule,

En fin

Ah !

J'enrage,

Parlera-t'il tousjours ? mais,

Peste.

Hola :

      Ah ! c'est trop arbitré
Au diable le moment que je t'ay rencontré.

Au diable les sçavans, & qui les peut comprendre.

      Encor me parler, bon soir & bonne nuit.
Fin du premier Acte.

Amour jeune falot⁎, petit monstre fantasque,
Qui pour nous attraper court toûjours mieux qu'un Basque;
Et faisant de nos cœurs un amoureux tison,
Mets en fin tost ou tard le feu dans ta maison ;
N'es-tu pas satisfait de me voir de la sorte ?
Ne ris-tu point de voir les armes que je porte ?
Et n'es-tu pas en fin un plaisant maroquin
De m'avoir engagé dessous ce casaquin⁎ ?
Par toy je suis Archer, mais un Archer sans gage,
Par toy je suis soldat, mais soldat sans courage ;
Par toy je suis amant mais amant sans amour ;
Et par toy je produis sans mettre rien au jour ;
D'un jeune ennamouré⁎ qui va voir sa donzelle
Sans estre en faction je suis la sentinelle ;
Et des pieces d'amour, dont il est l'inventeur,
Je seray la machine alors qu'il est l'acteur :
Je suis par le secret de cette halebarde⁎
Caporal, & Sergent, soldat & corps de garde ;
Et seul faisant le tout dans un si bel employ
Toute la compagnie est au dessous de moy ;
Mais sçay-je bien joüer de cette arme ferrée
Qui chez nos bons bourgeois est si considerée ?
Et que mon vieil voisin appelle un bon baston ?
Au diable, je me suis escorché le menton :
Et pour peu que je veuille en faire daventage
Je reconnoistray bien que je ne suis pas sage.
Si faut-il toutefois faire le molinet,
Hé bien ! le tour est viste & l'escart est bien net ;
J'y suis un peu gruier, & j'en ferois la nique
Au plus mauvais garçon des courtaux de boutique.
Mais à quoy m'amusay-je, amour peste aux escus
Petit cousin germain du bon pere Baccus° ;
Qui force les cliens qui voguent sous ton aisle
A prendre un vomitif qui vuide l'escarcelle;
Fais couler jusqu'a moy quelques meschans ducats !
Donne moy le moyen d'aller vuider les plats
Et d'aller m'esbaudir avec le Dieu des peintes
Et te sacrifier des chans au lieu de plaintes
Exauce mes souhaits, amour escoute moy
Puisque je suis archer aussi bien comme toy ;
Nous sommes compagnons & devons ce me semble
Travaillant l'un pour l'autre, aider qui nous ressemble !
Nous de la ressemblance, Ah fat⁎ au dernier poinct !
J'ay des yeux qui sont bons, & toy tu n'en as point !
D'un cocüage encor nul mary ne me blasme,
Et ma mere apres tout est fort honneste femme.
Non, non je suis archer, tu n'es qu'un archerot;
Je suis fort honneste homme & toy tu n'es qu'un sot.
Au diable soit l'amour, avec la halebarde⁎ !

      Motus.

Commande à tes valets.

Ce vieillard à l'entendre est bien seditieux !

      Qu'il aime la querelle !

      Je fais la sentinelle.
Peste !
 
      C'est Jodelet,

      Rien.

      C'est pour servir mon maistre.

      Je ne suis pas si traistre.
Ne vous l'ay-je pas dit, je suis en faction.

      Quelque sot s'en iroit vous le dire.
 
      J'y serois jusqu'à demain matin.
A d'autre, viel amy, vous m'espreuvez en vain :
Je n'en branslerois⁎ pas pour gagner un Empire.
Dieu vous doint tout le bien que vostre cœur desire,
Encor, Dieu vous assiste, & bon soir.

      Le Belaud, qu'il est drosle !

Pour mon plaisir

      Ventre ne dites mot !
Vous pourrez par ce bruit faire tort à mon maistre.

      Par la mort.

Ne parlez pas si haut, amis vous estes vous.
Mon maistre…

      Quelle gresle de coups !
Au meurtre, l'on m'assomme, on me vole, on me tuë !
Au diable soit l'amour, la maison & la ruë !
Lettres, message, amy, maistresse, casaquin⁎,
Sentinelle, poignard, halebarde⁎ & Rouquin.
Fin du troisiesme Acte.

Ouy, Jodelet sans eux tu n'estois plus au monde.
Quelle commission mon maistre me donna ?
Et m'envoyer encor nonosbstant tout cela
Attendre icy des gens pour donner serenade.

Je viens attendre icy des suppots de l'archet.

Que l'on me cherche ou non, ma foy pour te le dire,
Laisse moy, l'on n'est pas tousjours d'humeur à rire.

Je voudrois t'obliger, mais je ne le sçaurois.

Pour me guerir d'amour tes yeux sont un remede.

      De grace esteins-le un peu,
Avec le vermillon dont ton œil gauche esclatte
Tu pourrois d'un regard me teindre en escarlate.
Trefve de compliment,

Ah ! ne me touche point avecque tes mains sales.

      Peste, je crains les galles.

      Parle donc !

      Hola.
Adieu ton mot est dit.

En as-tu ?

      Adieu, je vais coucher en ville,

Tu m'as tout deschiré.

Donne moy donc de quoy racoustrer mon pourpoint.

Pourquoy differois-tu cette belle harangue ?
Je veux aimer ton corps à cause de ta langue ;
Et de quelques desfauts qu'on te puisse blasmer
Si tu parles tousjours, je veux tousjours t'aimer.

Pancrace,

Attendre le concert.

Tu le peux sans sortir :

De vray l'impatience est une estrange chose !

Sans doute, mais encor que veut dire ce mot ?

      Je ne suis pas tant sot.
Mais si tu veux parler modere toy, de grace,
Du latin j'en sçay peu, mais pour du grés j'en casse.

Et combien vendroit-on l'once d'Apotheose ?

S'il en est sous le Ciel nostre Espicier en a,
Il vend bien du mercure & du diapalma⁎.
 
De vray, l'on dit qu'amour aveugle les esprits,
Je crois qu'il fait du mal !

Si tu n'en sçais pas plus, ma foy tu n'en sçais gueres.
Et sans avoir appris de Grec & de Latin,
Je sçais bien que l'amour n'est qu'un fils de putain,
Qu'un rustre estoit aimé de Madame sa mere,
Et qu'il ne fut jamais à feu Monsieur son pere.

Hé bien ?

C'est assez, concluons que l'amour est bon drole.
Tu te mets en colere ?

Du Cahos° ! par ma foy tu m'en fais bien accroire⁎.

N'est ce pas cet autheur qui fait ces beaux rebus ?
Hé bien, j'ay dit rebus au lieu de coq-à-l'asne.
Voyla bien de quoy rire !
 
Mais n'est-ce pas tout un, puis qu'il parloit Phebus ?
Dis-en la verité.

Pourquoy le respecter s'il est de ton estoffe ?

Ma foy tu n'es qu'un sot !

Va t'en le demander à cette jeune folle
Qui me dit tous les jours que je suis son idole,
Et qui te tient un fol quoy que tu sois docteur ;
Lisette…
 
      Je ne suis point menteur.

      Elle m'aime.

      Voylà bien de quoy.

      Point du tout.
 
      J'en ay bien veu d'autres.
Ils ont beau me prier, mon honneur m'est trop cher,
S'ils veulent de l'amour qu'ils en aillent chercher,
Je ne suis pas payé pour souffrir⁎ leurs fredaines,
Et j'aimerois bien mieux que les fievres quartaines
Les prissent au collet, & les vinssent serrer
Que de les escouter se plaindre & souspirer.
L'une en vous œilladant d'un regard ridicule
Vous vient dire, je meurs, ah ! je pasme, je brûle,
J'enrage mon Amour, je suis dans les transports.
L'autre plus engrognée invoque mille morts,
Et pour vaincre une humeur trop rebrousse & trop aigre
Fait la mine d'un chat qui boiroit du vinaigre,
Et se met à pioller sur un ton si touchant,
Qu'il feroit enrager la beste & le marchant.
Je ne suis pas si sot que de croire Lisette,
Elle a perdu son temps & sa fortune est faite ;
Elle a beau me vouloir deschirer le manteau,
M'arracher les cheveux, ou m'escorcher la peau ;
On ne dira jamais dedans nostre village
Que j'aye dementy l'honneur de mon lignage,
Et que je ne sois plus un garçon vergogneux ;
Je sçay ce qu'on disoit de Pierrot le honteux
Quand il s'amouracha de sa jeune commere⁎.

      M'aime-t'elle bien qu'elle en parle à ma mere,
Et ne pretende pas m'attraper comme un veau,
Ariste me fera geolier de son chasteau,
Où mon pere possede un employ fort honneste ;
Un jour j'auray du bien, & ne suis pas si beste
Que…

Si je t'en dis la preuve en seras tu contant ?

Elle dit que tousjours tu luy parles de flame ;
Que pour elle tes feux sont des plus élegans,
Et que tous tes discours sont bien extravagans⁎ ?    
 
Je parle tout de bon, ce n'est point raillerie ;
Elle m'a dit de plus que tu veux l'espouser,
Et que sur l'escalier en la voulant baiser,
Tu te fis en tombant cette bugne à la temple.

De plus elle m'a dit, mais au moins soit discret,
Que de ton maistre en fin luy fiant le secret,
Tu luy dis que demain il devoit faire gilles,
Qu'il emmenoit Olympe, & qu'il troussoit ses quilles :
En veux-tu davantage ?

Et moy pour te payer des souhaits si loüables,
Que ne te puis-je voir aller à tous les Diables !
 
      Au moins.

      Il fait le fou, le grand sot !

      Voicy toute la bande.

      Sus, Messieurs, monstrez-nous les talons.

      Denichez allons, quitte la place,
Ou je te casseray la teste avec ta basse.
 
      Ah ! Monsieur, escoutez moy, de grace,
Je disois qu'en courrant, il casseroit sa basse,
Et parlois à mon maistre afin qu'il s'appaisast.

      Ah !

      Promptement,
Viste, l'exempt, Monsieur.

      Qu'en dis-tu ?

      Sans le prendre si haut
Donnez nous nostre faict, ayant ce qu'il vous faut.
Lisette…

Et les frais de la nopce.

      Ce mot n'est pas fat⁎.

      Vivat.
FIN.

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_pancrace *date_1647 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_valet *role_pancrace


Ce zele est paradoxe & ces soins incommodes.

Cet homme a leu les Grecs, & possede les fables.

C'est qu'elle a reconnu quelques appas⁎ en toy.

C'est le visible effet d'une agreable cause,
C'est un enthousiasme, un puissant attractif,
Qui rend individus le passif & l'actif,
Et qui de nos esprits, domptant la tyrannie⁎,
Forme le plus farouche au goust de son genie.

      Les doutes sont grans
Pour definir s'il est des appas⁎ differens.
Pythagore, Zenon, Aristote, Socrates,
Philostrate, Bias, Eschille, Zenocrates,
Aristippe, Plutarque, Isocrates, Platon,
Demosthene, Luculle, Hesiode, Caton,
Esope, Eusebe, Erasme, Ennius, Aulegelle,
Epictete, Cardan, Boëce, Columelle,
Menandre, Scaliger, Aristarque, Solon,
Homere, Buchanan, Polybe, Ciceron,
Ausone, Lucian, Xenophon, Teucidide,
Diogenes, Tibulle, Appian, Aristide,
Anacreon, Pindare, Horace, Martial,
Plaute, Ovide, Lucain, Catulle, Juvenal.
Carneade, Sapho, Theopraste, Lactance,
Sophocles & Seneque, Euripide & Terence,
Crisippe,

C'est des Dieux des sçavans dont je t'ay dit les noms,
Et j'en ay mille encor que manque de memoire,

Donc tous ces vieux sçavans n'ont pû nous exprimer,
D'où vient cet ascendant qui nous force d'aimer !
Les uns disent que c'est un vif esclair de flame,
Qu'un estre independant alluma dans nostre ame,
Et qui fait son effet mal-gré nostre pouvoir
Quand il treuve un objet⁎ propre à le recevoir.
 
      Esclairez d'une moindre lumiere
Enveloppent sa force au sein de la matiere,
Et nomment un instinct ce premier mouvement
Qui nous frappe d'abord avec aveuglement,
Et qui prenant du temps des forces suffisantes
En forme dans le sens des images pressantes,
Qui n'en font le rapport à notre entendement
Qu'aprés s'estre engagé sans son consentement.

      Nous perdrions le droict du libre arbitre⁎

      Il n'est point de mais, c'est nostre plus beau titre.

      C'est parler en vain, l'ame a sa volonté.
 
      Nous naissons en pleine liberté.

      Autrement nostre essence est mortelle.

      Et nous n'aurions qu'une ame naturelle.

      C'est le sentiment que nous devons avoir.

      C'est la verité que nous devons sçavoir.
 
      Quoy, voudrois-tu des ames radicales
Où l'operation pareille aux animales.

      On a grand tort
De vouloir que l'esprit s'esteigne par la mort,
Il faut pour en avoir l'entière connoissance,
Sçavoir que l'ame vient d'une immortelle essence,
Et qu'en nous animant il est tout évident
Qu'elle est une substance & non un accident,
Ayant des attributs du maistre du tonnerre,
Elle n'est pas de feu, d'air, d'eau, ny moins de terre,
Ny le temperament des quatre qualitez
Qui renferme dans soy tant de diversitez.

      Les mineraux produits d'air & de flame
Ont un temperament, mais ce n'est pas une ame.
L'ame est encore plus que n'est le mouvement,
Plusieurs choses en ont sans avoir sentiment,
Et qui sur les objets agissent avecque force
D'un arbre mort, le fruict, ou la feuille, ou l'escorce,
Donnent à nos humeurs un secret mouvement,
L'ambre attire des corps, ainsi que fait l'aimant.

      L'ame n'est donc pas cette aveugle puissance
Qui se meut ou qui fait mouvoir sans connoissance.

      Elle n'est pas le sang, comme on a dit.

      Ce mais m'estourdit.

      Nous pouvons voir des choses animées,
Qui sans avoir de sang avoient esté formées.
Il est des animaux qui n'en respandent pas
Apres le coup fatal qui cause leur trespas.
L'ame n'est pas aussi l'acte ny l'energie,
C'est au corps qu'appartient le mot d'entelechie.

      Preste l'oreille à mes solutions,
L'ame n'ayant donc point ces definitions
Pour te faire sçavoir comme elle est immortelle.
Escoute les vertus qui subsistent en elle,
Par un divin génie, & des ressorts divers
Trois ames font mouvoir tout ce grand univers :
Aux plantes seulement est la vegetative,
La sensitive au corps, l'ame a l'intellective,
Et donne l'existence aux deux qu'elle comprend
Ainsi qu'un petit nombre est compris au plus grand.
Des trois, la corruptible est jointe à la matiere,
La seconde approchant de sa clarté premiere
Agit dans les demons sans commerce des corps ;
Et la troisiesme en fin par de divins efforts
Pour faire un composé sceut renfermer en elle
La nature divine avecque la mortelle,
Aussi l'ame à l'arbitre⁎.

Au diable le pendart⁎ qui ne veut rien apprendre.

Va, si tu m'y retiens on y verra beau bruit,
Mais …

Ah ! cruelle, ah ! bachante°, ah ! scitique merveille !
De l'élement nitreux⁎ le monstre le plus fier⁎
Se rendroit plus sensible en m'escoutant prier,
Le Discourtois Sarmathe, & le froid Sicophage
Auprès de ton humeur n'ont rien qui soit sauvage ;
Le Sipille°, ou Niobé°, à l'ame de rocher,
Du vent de mes soupirs se laisseroit toucher.
O Caribde° amoureux ! où je prevoy l'orage.
O Scille° dangereux où je feray naufrage !
O bel œil sanguinaire ! aymable Lestrigon°,
Qui surpasses en force & Briare°, & Thiphon°,
Aspre aymant de mon cœur, adorable Ciclope° !
Qui n'eust pas espargné l'amant de Penelope°,
Et veux ensanglanter les Mirthes glorieux
Que cueille dans Paphos un cœur victorieux,
A la fin tu me voy loing des ports & des rades.
A travers des écueils au dessous des Pleiades°
Sans que j'y puisse avoir de plus doux reconfort,
Que d'estre auxilié par les traits de la mort,
Cruelle, arreste un peu ! ces regards homicides.
Sont bons dans le Cocyte° aux yeux des Eumenides°,
Mais toy ?

Je puis me rajeunir mieux que ne fit Eson°,
Et domtant la rigueur des fieres⁎ destinées
Dérober à Cloton° le fil de mes années
Par la rare vertu⁎ d'un sçavoir dominant,
Je confondray mon estre avec l'Altitonant:
Et joignant le principe à sa cause premiere,
J'emprunteray d'un Dieu l'éclat & la lumière
Et devenu divin par sa reflexion,
N'iray jamais de l'estre à la privation.

Je suis sot en effet souffrant⁎ que tu me bernes,
Mais Ovide m'apprend dedans son art d'aimer
Qu'au veritable Amant rien ne doit estre amer :
Aristote m'a dit que nostre ame enflâmée
Doit bien moins vivre en nous que dans la chose aimée.
Epicure a voulu que l'esprit de l'Amant
Fist vœu d'estre sensible aux plaisirs seulement.
Platon a souhaité que nostre ame obsedée
Se donnast toute entiere à cette belle idée,
Et moy qui les connois, & qui vaux mieux qu'eux tous
Je veux tout endurer & tout souffrir⁎ pour vous.

Celle qui descendit de la voûte estoilée
Pour se faire admirer aux nopces de Pelée°,
Et fut apres porter dessus le mont Ida°,
Le fameux different que ce Grec decida⁎,
N'avoit pas plus que vous d'appas⁎ hieroglifiques⁎
Pour donner à mon cœur des coups simptomatiques,
Et celle qui fuyant les bras de Menelas°
Reduisit Ilion à dix ans de combats,
Et chassant de Priam° les Lares° domestiques
Attacha son genie à des destins tragiques,
Eust moins fait que vos yeux d'efforts Herculiens,
Et n'auroit jamais pû me donner des liens,
Car ce cœur que j'ay mis au rang de vos conquestes
En bonnes qualitez est un Hidre° à cent testes,
Et quand de ses vertus⁎ un gros est abbatu,
Il en renaist un autre avec plus de vertu⁎.
Jugez s'il est aisé de luy donner la gesne⁎,
Et ce que peut l'objet⁎ qui le met à la chaisne ?

Aymable & cher objet⁎, traitez moy d'autre sorte,
L'Ironie est choquante à l'esprit d'un Amant
Qui n'a pas recognu qu'on l'ayme infiniment,
Apres l'enormité de cette Catachrese,
Qu'un propos moins acide en ma douleur m'appaise
Et qu'un trait de vos yeux me redonne le jour.
Cette vicissitude est plaisante en amour,
Que si vous affectez de parler par figure,
Ou que vous en usiez par instinct de nature,
Cherissez l'Antithese, & pour parler d'amour,
Prenez la Tapinose, & l'Enigme à son tour,
Le Sarcasme est plaisant, fuyant le Kacozelle,
L'Apophtegme est sçavant, & l'Hiperbole est belle,
Alors …

      Escoute ma raison.
Un mot.

Helas ! je voudroy bien que ton ame abstersive
Chassast loin de mon cœur une douleur trop vive,
Et qu'en y balayant des tristesses d'amour,
Tu le fisses passer de la poussiere au jour !

Helas, fais bien plustost repaistre un miserable !
Et de mille douceurs luy faisant un festin,
Fais le vivre d'amour, & change son destin !

      Quoy, poignarder Pancrace ?

      Ah, de grace !
Ma chere Dulcinee, attens encor un peu,
Et loing de t'en aller faire allumer du feu,
Appaise dans mon cœur la devorante flâme
Qui met mon corps en cendre, & consomme⁎ mon ame !
 
      Tu veux t'en fuir en vain,
Et tu dois bien plustost par ta grace divine
Arracher de mon cœur les soucis & l'espine,
Et ne pas endurer qu'un chardon rigoureux
Se treuve avec le Mirthe, & le Treffle amoureux.

      Helas ! belle inhumaine,
Tu peux te satisfaire apres tant de douleurs,
Et ne prendre de l'eauë qu'au torrent de mes pleurs,
Mes yeux sont d'un canal l'inepuisable source :
Et toy seul as pouvoir d'en arrester la course ;
Mais je ne parle plus qu'à la fille de l'air !
Elle a fermé l'oreille, & vient de s'en aller :
Allons chercher l'Echo° de quelque Antre sauvage,
Et plaignons nous à luy d'un si sensible outrage.
Fin du second Acte.

      Quatre mots, s'il vous plaist.
Mon maistre vous expecte⁎, & dit que tout est prest :
Qu'il a veu les Archers, & qu'il est tantost l'heure
D'attendre le Badaut⁎.

      Quoy sans amour tousjours ?

Mais ce grand Dieu pourtant anime toutes choses,
L'estre, ayme son principe, & les effets leurs causes
La nature l'instinct, l'astre son ascendant,
La matiere la forme, & le corps l'accident.
Luy seul fit ce grand tout, de contraires parties,
Calma les Elemens dans leurs antipathies :
Et formant l'union de leurs diversitez,
Sceut faire un composé des quatre qualitez.

      Le soleil amoureux de la terre,
En tire les vapeurs dont il fait le tonnerre ;
Et la descharge ainsi des esprits empestez
Qui pourroient l'infecter ou ternir ses beautez
L'hyver que nous croyons l'ennemy de nature,
Est de sa passion la vivante peinture.
Et dessous les glaçons, la neige & les frimats,
Tient en bride le feu qui s'exhale d'en bas ;
Et l'ayant condensé fait germer la semence,
Qui nous donne les fruits, & produit l'abondance.
C'est l'esprit animant de l'estre sensitif,
Et du rationel & du vegetatif.

      Les vents qui font trembler les Nereïdes°,
Les obligent d'aller dans leurs grottes humides,
Pour y ressusciter les Tritons° langoureux,
Et piquer les poissons d'un instinct amoureux.
Les arbres aiment l'air, & leurs testes superbes,
Faisans hommage au Ciel, parlent d'amour aux herbes.
Bref tout ce qui subsiste, ou ce qui void le jour,
Reconnoit la nature, & conçoit de l'amour.
 
Que s'il faut m'abaisser aux exemples vulgaires,
Et me servir icy des termes triviaux,
Tu connoistras qu'en tout je n'eus jamais d'egaux.
Les poissons aiment l'eau, l'œil aime la peinture,
La terre les metaux, les plantes la verdure ;
L'ombre cherit la nuict, le silence les bois,
Les rochers les deserts, & les Echos° la voix,
Le Dauphin la Baleine, & la conque la perle,
Le Singe la Guenon, & la Grive le Merle,
La Chienne le Matin, la Felice les Chats,
La Fourmy son semblable, & les souris les rats,
L'esperon la mollette, & le foureau l'espée,
L'Escuier son cheval, & l'enfant sa poupée ;
Et moy qui suis Docteur in utroque juré,
Je n'aime que toy seule, ou le bonnet quarré.


Elle fuit ! & je suis feru,
Ma poitrine est mortiferée,
Et d'Amour la fléche acerée
Me va rendre l'esprit bouru⁎;
Mon estude est bouleversée.
Ma capacité fracassée ;
Et dedans mon individu
Avec le sel & le mercure
Tant de souffre s'est confondu :
Que sous un zeny morfondu,
J'y pourrois brusler la nature.

Ce brasier est si violent
Que par sa vertu⁎ specifique,
En m'eschauffant d'un feu centrique
Je suis un vesuve brûlant ;
De sa consommante⁎ hypostase
Se forme un antiperistase
Avecque ma froide raison ;
D'où vient la foudroyante flâme
Qui sans espoir de guerison
Produit cet amoureux poison
Qui destruit mon corps & mon ame.

Clair rayon plus pur que le jour
Esprit de mes sçavans ancestres
Qui pour tant de differens estres
N'avez jamais conceu d'amour !
Souverain des Metamorphoses,
Arbitre des Metempsicoses,
Dieu des sçavants & du sçavoir,
Si dans moy ton ame est passée
Que peux tu dire de la voir,
Si honteusement concevoir
L'accident dont elle est forcée ?

Vous qui n'avoüiez pour vrays biens,
Que ceux qui semblent impossibles,
Nobles & divins insensibles,
Miraculeux Stoïciens,
Qui des passions mordicantes,
Reprimiez les flâmes piquantes,
Esclairez mon entendement
D'un rayon de vostre lumiere !
Pour luy rendre son element,
Et le desgager noblement
Des foiblesses de la matiere !

Mais ô deplorable rigueur !
Il faudrait une main divine
Pour chasser l'amoureuse herine°
Qui met tout l'enfer dans mon cœur :
Cette furie° est si fatale,
Qu'avec toute vostre cabale⁎
Vous n'y pouriez pas un festu ;
Mes polmons perdent leurs haleines.
Mon cœur en est tout abatu
Et mon sang restant sans vertu⁎
Coule tout nitreux⁎ dans mes veines.
Mais quelqu'un vient icy, füions ;

      Sans regret je quitteray Paris.
Ce climat temperé n'est bon qu'au cocüage.

      Et moy ;

Comme un Cameleon.

      La fourbe est assez bonne.

A faute de dormir vous vous ferez malade.

      Elle n'est pas sortie,
Mes yeux se sont trompez, j'ay mal fait ma partie.
 
      Qui va-là ? Que viens-tu faire icy ?

      Je viens l'attendre aussi.
Pour aller resveiller mon maistre & ma maistresse.

      Il faut joüer d'adresse,
Et ne pas tesmoigner que l'amour me menoit ;
Ouy ; mais l'impatience au logis me prenoit.

Elle perdra l'esclat de mon Apotheose !
 
J'ayme les curieux.

L'Apotheose donc est un grand changement,
Qui d'un homme mortel fait un Dieu promptement.

Si l'homme la vendoit ce seroit peu de chose.

En voulant t'enseigner mon erreur est extréme,
Mais je n'y prens pas garde, à cause que je t'aime.

      Tu ne t'es point mespris.
C'est un ver pétillant ennemy de la joye,
Qui porte un grand desordre aux regions du foye,
Et qui par le venin d'un esprit sulfuré,
Corrompt le meilleur sang, & le plus espuré.
C'est le funeste⁎ autheur de ces tristes⁎ ravages,
Qu'excitent les desirs dans le cœur des plus sages ;
Et le noir seducteur des belles passions,
Par où l'honneur nous pousse aux bonnes actions.
Par un amas confus de flegmes & de bile,
En offusquant l'organe il rend l'ame inhabile,
L'attache à la matiere, & fait qu'elle ne peut
S'en rendre la maistresse alors qu'elle le veut.
Ce sont les sentimens, qui sont les moins vulgaires.
 
Ce divin forgeron, ce boiteux renommé
Qui regne auprés du Styx sur un Trosne enfumé,
Et qui preste la force au bras nerveux de Bronthe°,
Veid un jour forligner la Reyne d'Amadonthe,
Et dedans la prison des reseaux qu'il avoit
Fit voir à tous les Dieux l'affront qu'il recevoit :
Mais je soustiens en fin à tous gymnosophistes⁎,
Cosmographes du Ciel & tous Mithologistes,
Que l'enfant Cupidon° voyoit desja le jour
Quand Mars° connut sa mere, & qu'il luy fit l'amour.

      C'est un discours digne de ma colere
D'alleguer que l'amour est né dans l'adultere ;
C'est une mesdisance horrible aux gens d'esprit
Qui sçavent mieux que toy ce qu'Ovide en escrit.
Ce subtil scrutateur des affaires du monde
Qui suivit Pithagore en sa route profonde,
N'osa pas inserer cet estrange discours
Dans le plaisant tissu de ses folles amours ;
Ce Dieu des chantres Grecs, & ce Tebain lyrique
Par qui nous sçavons l'art de l'ode Pindarique,
Soustient bien le contraire à la barbe de tous,
Aussi je veux dans peu confondre ces vieux fous ;
Et prenant comme Athlas° le fardeau sur l'espaule.

      Est ce mal à propos ?
Et l'amour n'est-il pas fils aisné de Cahos° ?

Hesiode t'en peut rafraischir la memoire,
Et te faire sçavoir si ce sont des abus.

      Ah ! stupide, ah ! profane,
Nommer un Philosophe un faiseur de rebus ?

      Respecte un Philosophe.

Oüy, mais tel que je sois, je lis dedans les Cieux,
Et suis quand il me plaist dans le secret des Dieux.
Je sçay par quel pouvoir & par quelle aventure
Ils commirent le monde au soin de la Nature,
Comme ils ont inspiré le pouvoir aux agens,
Esclairé les esprits de feux intelligens.
Sousmis l'estre innérant à sa cause premiere,
Joint la chaleur au feu, l'esclat à la lumiere.
De contrarietez formé les Elemens,
Et de diversitez fait nos temperamens.
Ce qu'une estoille peut, quelle est son influence,
Comme sans nous forcer elle esmeut la puissance,
Et donne quelque pante à l'inclination
Sans la violenter dans l'operation.
Je sçay comme se font les careaux du tonnerre,
Les eclipses de jour, les tremblemens de terre :
Ce que l'on peut trouver de souffre aux mineraux,
Et ce qui peut entrer de sel dans les metaux
Je connois les secrets des vertus harmoniques,
Que l'ame renferma dans les corps organiques.
Comme les Embrions creez de sang & d'air,
Apres quarante jours se laissent informer :
Comme elle donne au corps les ordres necessaires,
Comme se font les nerfs, les veines, les arteres,
Les fibres, les tendons, le sang, les ligamens,
Muscles, os, cartilage, & chair, & filamens :
Comme sont confondus par un lien utile
L'esprit, la pituite, & le sang & la bile.
Je sçay que le polmon, le cœur & le cerveau…

      Et toy tu n'es qu'un veau.

      Que dis-tu ?

Mais sçachons tout de luy, Jodelet si ton ame
Est flexible aux élans de l'amoureuse flame
Dis moy ce que tu sçais de Lisette & de toy !
T'aime-t'elle ?

      Ah !

Ingrate ! preferer ses services aux nostres.
Tu l'aimes ?

      Mais…
 
Mais…

      Je ne puis penser qu'elle t'estime tant.

Tu ressusciteras & mon cœur & mon ame.

Ne raille point amy, dis moy tout, je te prie.

En puis je demander une preuve plus ample ?

      Ah Dieux ! je suis perdu,
Je voudrois de bon cœur que tu fusses pendu !

Mal-heureux qu'ay-je-fait !

      Esloigne-toy
Ah ! mort.

      Laisse moy.
Mais j'entens quelque bruit.

Allons donc advertir mon maistre qu'il descende.

Exibez vous, Monsieur, & par quelques adages
De ces periclitans, dissipez les ambages⁎.
 
      L'exorde n'est pas fade.

      Ha Monsieur, escoutés !    

Dans ces anxietez il faut que la prudence…

Quelle vicissitude !

      Il touchoit son an climaterique.

      Ah ! destin Tyrannique⁎.

Adieu, suivons mon maistre, & dans son sort funeste⁎
Imitons le destin de Pilade° & d'Oreste°.

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_olimpe *date_1647 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_olimpe


Oronthe le voulant je vous suis tout acquise.

O qu'il est ingenu !

Vous pensez-vous railler, mais…

      Il est vray.

      Plus que vous.

Que ne le faites vous ?

N'a-t'il pas des moments qui sont assez passables ?

En fin vous m'oubliez en vous souvenant d'elle.

Il est fin,

Je ne m'y fieray pas,

Cet accommodement est assez difficile.

Attendez donc ce temps, & faites comme moy,
Pour destourner le cours des maux que je prevoy,
Si je n'eusse donné quelque vaine esperance
A celuy qui m'enleve avecque violence,
Il auroit hazardé par de derniers efforts                34
De me ravir aussi le plus beau des tresors,
L'honneur qui m'est cent fois bien plus cher que la vie,
Mais en luy prometant de plaire à son envie,
Par ces destours adroits j'ay treuvé les moyens
De retourner bien-tost entre les bras des miens,
Et de sauver l'honneur où je devois tout craindre.

      Ah ! sur ce poinct taschez de vous contraindre
En m'ostant de ses mains, c'est le punir assez,
Et vous devez songer si vous me cherissez,
Que les soins qu'il a pris pour m'avoir conservée
Meritent le pardon de m'avoir enlevée.

Me pouvez-vous aimer & tenir ce discours.

Il faut donner au temps ces lasches deferences⁎
Qu'il exige de nous pour finir nos souffrances.

Je voudrois y pouvoir estre tout aujourd'huy
En est-ce assez ?

      De donner serenade.

Encor dites nous en quelques beaux sentiments.

      Mais encore ?

      Il me les a promis.
Hé bien !
 
Quel plaisir de luy voir contrefaire le fin ?

Dans la melancholie où vous m'aviez plongée,
Je confesse qu'en fin je vous suis obligée ;
Et pour me divertir tant de bons traittemens,
Ont bien droict d'effacer mes mescontentemens.

      Je le reconnois bien.
Aussi ne pensez pas qu'il ne serve rien,
Et tenez asseuré qu'une ame genereuse
En payant un bien-fait se tient tousjours heureuse.
Vous prenez trop de soin pour chasser mon ennuy⁎
Ariste …

Mais Archer ?

Mais ces Archers,

Climante vient.

D'effet, redonnez luy quelque nouvelle touche.

Il croira vous joüer souz ce nom de jaloux.

L'equivoque en plairoit dans une Comedie.
 
Ce pendant⁎ que diray-je à cet amant fidele ?

En tenant ces discours que sa prudence est forte !

Que j'auray du plaisir à bien dissimuler !

Et de tout ce que j'ayme ayant eu l'entretien
Vous pourrez tout gaigner sans que j'y perde rien.

      De grace,
Ne continuez point, je vois venir Pancrace,
Que pour me delivrer il vient bien à propos !
 
Feignons … Quelle raison vous oblige à vous plaindre ?
Ne me voyez vous pas si souvent me contraindre
Quand je preste l'oreille à ce jeune innocent
Qui m'explique vos maux par les peines qu'il sent !
C'est par vostre moyen que j'apprens de sa bouche
Le mal que nous souffrons⁎ lors que l'amour nous touche !
Et quand mourant du traict dont il nous sceut piquer,
On parle par enigme au lieu de s'expliquer !
Je benis toutefois un si beau stratageme
Qui me donne moyen de voir celuy que j'aime !
Et le voir d'autant mieux que j'en prens pour tesmoins
Ceux qui font les plus fins & qui le sont le moins.
Ainsi donc puis qu'Ariste à toute heure me presse,
Qu'il me suit en tous lieux & me parle sans cesse ;
Pourquoy vous plaignez vous de me parler si peu
Moy qui brûle au moment que vous estes en feu ?

Ainsy vous agirez d'un air prudent & sage
Et me donnerez lieu de vous voir davantage ;
Car enfin il suffit qu'Ariste en ses discours
Me parlant de ses feux m'explique vos amours.
Le sot a mes faveurs pour les rendre à Climante !

      Et n'est pas desplaisante.
Donc sans faire un jaloux obligez desormais,
Ariste de tout dire & ne parlez jamais !

Rien ne me plaist de vous à l'égal du silence.
Et le profond respect que vous me tesmoignez
Descouvre vostre amour plus vous le contraignez.

      Ah Climante !
Qu'il ne me quitte point & j'en seray contente !
 
Je puis bien l'endurer s'il sert à mes plaisirs.

C'est seulement à moy que je suis favorable.

Au moins s'il ne vous flate, il est party du cœur.

Que de douceurs amour accompagnent tes feintes !

Nous nous aimons tous deux sans faire des jaloux.

Pour avoir ce plaisir par une adresse extréme,
Vous me verrez cent fois luy dire ? que je l'aime.

Vous me verrez tousjours la mesme que je fus.

Pour me dire le reste, envoyez-le, Climante !

Qu'il attende !

Qu'il s'en aille ! j'iray le voir en sa maison.

      Lisette !
J'y vay ? c'est mépier d'une façon adroitte.
 
      Allons.

      Je suis à vous.

      Ils sont allez faire les loups garous⁎,
Et croyent vous joüer une piece excellente.

Ils les y surprendront.

Voyant vostre valet ils seront bien trompez.

Ils pensent qu'ils feront manquer la serenade,
Et qu'ils vous berneront apres cette cassade⁎.
 
A des conditions je veux vous le permettre.

      De me montrer les vers de vostre lettre.

      Mais par cœur vous le devez sçavoir !

Je les treuve trop beaux pour sentir le jeune homme.
Ostez les…
 
Pourquoy ?

Sans mentir vostre esprit.

      Sans pouvoir vous apprendre peut estre
Non plus qu'à mes parens où me tiendroit ce traistre.

      Ce n'est rien.
Il est fait à joüer de pareils personnages.

Je connois vostre zele & me resous à tout.
 
Un si profond respect est certes admirable.

Ces concertations en un cœur tout de flâme,
Ne peuvent compatir qu'avec une belle ame.

Un cœur si genereux sensiblement me touche.

Qu'il est doux de loüer, ce qu'on juge loüable !

C'est offenser l'honneur que ne vous aimer pas !

Que Climante m'oblige alors qu'il vous envoye !

Dites-luy que cent fois j'ay dit que je vous ayme !

Dites luy que j'ay dit que je m'impatiente.
Quand je ne vous voy pas.

Qu'il me fera plaisir, s'il treuve le moyen
De me faire souvent avoir vostre entretien.

Que je sens de plaisirs alors que je vous voy !

En luy parlant, sur tout gardez de vous confondre.

Et ne hazardez pas sa perte & mon appuy.
 
Vous n'avez plus long-temps à souffrir⁎ ce rival.

Vous ne pouvez manquer d'esprit & de conduite.

      L'insolent.

Ne vous exposez point quoy que le traistre face !

Escoutoit-il ?

De quoy l'accusez-vous ? d'où vient vostre colere ?

Vous en faictes bien plus en rompant le silence,
Mais sans vous informer s'il m'importe ou non,
Apprenez seulement que je le treuve bon ;
Et n'embarassez pas vostre esprit de chimeres,
Qui n'ont pas le secret d'avancer vos affaires.

Vous me ferez plaisir en vous taisant aussi.
Car quoy que vous disiez afin de le destruire
Je tiens pour ennemy quiconque luy veut nuire,
Et tel que vous soyez ne croyez pas jamais,
Me contraindre à changer, l'aimant comme je fais.

Vous me faictes en vain signe de la prunelle ;
Vous n'avez pas affaire à quelque ame infidelle.
Qui change à tout moment, & brûle de tout feu.    

Des souspçons qu'il avoit il veut prendre vengeance,
Et sous ces mots couverts il veut m'embarasser,
Mais en termes adroits il faut les repousser.
Feignez, il n'est pas temps…

Oronthe, il parle ainsi par ce qu'il est jaloux,
En se servant de vous dedans ce stratageme,
Il croit m'espouventer.

      Il y perdra ses pas.

A la fin je me treuve au bout de ma finesse.

Laissez le aller chercher les moyens de me plaire !
Il sçait que son absence en est le seul moyen,
Et qu'autant qu'un jaloux je hay son entretien ;
Quoy ! Climante est bouru⁎ quand je cheris Ariste ?
Le reste de ses jours il peut donc estre triste⁎,
Et pendant que je veuille en dire les raisons
S'asseurer d'une place aux petites maisons.
Allez beau bilieux, amant trop colerique
Moderer ce chagrin qui vous rendroit ethique,
Soyez de belle humeur, reprenez l'embon poinct,
Dormez, riez, chantez, & sur tout n'aimez point :
L'amour eschauffe trop nostre sang dans les veines,
Et puis à dire vray vous y perdrez vos peines,
Vous avez des deffauts, Ariste a des appas⁎,
Je ne vous aime point, & je ne le hay pas :
Du feu que j'ay pour luy loing de rougir de honte,
Si je fais bien ou mal laissez agir Oronthe.

Ce jeu quoy qu'il ait dit ne m'estoit point caché.

Fort bien, & vous voyez qu'Ariste en réve encore.
 
Mon apprehension n'est pas encore passée.
Je crains tout d'un secret qui peut estre esventé.

Sans doute que le traistre y treuveroit son compte,
Si de sa jalousie il informoit Oronthe,
Ah ! que le temps est long.

Climante a du credit, & ce lasche peut-estre
Presentant le malheur qui luy doit arriver
Destournera le coup qui me doit conserver.
Il ne faut qu'un moment pour destruire l'affaire.

      Helas ! j'en desespere.

      Oronthe revient, & paroist en courroux.
 
      Qu'avez-vous ? vous semblez esperdu !

Et moy qui tiens de vous les respects pour injure,
Je ne puis concevoir comment je vous endure.

Et pourveu que l'effet suive cette menace,
Ce coup de desespoir me doit estre une grace.

Vous vous repentirez d'avoir esté trop sage.

Si c'est le seul subjet de l'ennuy⁎ qui vous touche,
Vous pourrez bien mourir le reproche à la bouche.

J'en auray tousjours trop pourveu qu'Ariste m'aime.

      Ah ! ma crainte est extréme.

Il ne faut donc jamais dire la verité ?

      En suis-je condamnable ?
Et ne m'est-il permis que d'aimer un coupable ?    

Et vous ne taschez point de rire à mes despens.

Vous me voulez joüer, mais je vous en deffie.

      Vous n'entendez rien à vous mettre en furie.
 
Ne vous contraignez plus vous ne m'y prendrez point.

Que vous seriez ravy si j'en restois confuse,
Et que me faisant craindre un desordre nouveau ;
Vous me fissiez en fin donner dans le paneau.
Il suffit, reprenez vostre humeur ordinaire.

      Tout de bon, estes vous en colere ?

      Ce souspir est adroit !
Et tout autre que moy sans doute s'y prendroit.
 
Vous me bernez pourtant avec assez de grace.

En fin n'y pensez plus, vous avez fait merveille.
Si je vous ay monstré que je ne craignois rien,
Ce n'est pas qu'en effet vous ne feignez fort bien,
Et que vostre courroux n'ait beaucoup de finesse.

Confessez moy la debte, & m'aimez davantage !

Vous faschez vous encor ?
 
Jaloux ?

Estre cruel alors que l'on vous prie.

Feignons avec esprit… vous l'a-t-il avoüé.

Hé bien ! sçay-je en donner, mesme aux plus fins esprits ?

Au moins conseillés-luy de ne joüer personne.

Il s'espouvente !

      Qu'avez vous ?

Mais vous m'avez promis de luy sauver la vie.

      A ne vous rien celer.

Je respons de nos jours.

      Je vous le promets.

      Pauvre Amante !

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_lisette *date_1647 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_lisette


Monsieur on a servy.

Quoy, pour moy ta follie est toûjours sans pareille

      Le bel Amant avec son poil grison !

Tu n'es qu'un cajoleur avec tes balivernes !

Le bel ameublement qu'un Amant à Calote
Voyez ce qu'il veut dire avec son Aristote,
Sa Piqueure à Ploton, & ses brides à veaux,
Que croit-il attraper avec ces mots nouveaux ?
Vrayment vieux Rocantin vous me la baillez⁎ bonne,
Ou ne haranguez point, ou ne raillez personne,
Car si je ne suis pas la perle de Paris,
Vous ne devez pas croire estre le beau Paris°.

Moy ! je pourrois aymer ce nez de Harlequin,
Ce poil de Goupillon, & cet œil de Bouquin
Pour attraper la Miche⁎ allez à l'autre porte.

      Adieu, Docteur.

      Il faut aller balayer la maison.
 
Bon, mais il faut aller faire mettre sur table.

Il faut que j'aille en fin …

Faire allumer du feu dans la salle ;

Bon Dieu ! je n'ay pas fait nettoyer le jardin,
Monsieur criera tantost.

Il faut faire apporter de l'eauë de la fontaine,
La riviere est mauvaise.

Un marchand du Palais demande à vous parler.

      Il paroist pressé de s'en aller.

Un linger vient d'entrer avec des points de génes.

Le renvoyer cent fois c'est estre sans raison !
On n'a point de pitié des pauvres gens !

Adieu je ne veux point ny d'amant ny d'amours.

Mais au moins …

Adieu.

Tout ce que tu me dis ne servira de gueres.

      Elle escrit.

      Ne faisant que d'escrire,
Je vous cherchois par tout afin de vous le dire.

      Je suis entierement à vous.
 
      Ay-je dessein de mourir de la tous ?
Et la fraischeur qui vient de l'air & de la terre
Pourroit-elle estre bonne à guerir mon catherre ?
Moy chercher un valet ! & me mettre en danger,
En perdre pour le voir, le boire & le manger,
Avoir martel en teste, & la puce en l'oreille ;
Dont le bourdonnement à toute heure m'esveille,
Et m'emmaigrit si fort qu'avant ce renouveau
Je pense que les os me perceront la peau.
Ah ! de despit j'enrage, & de regret j'en pleure ;
A t'il le chien qu'il est resolu que j'en meure ?
Ah folle que je suis d'aimer trop ce lourdaut !
Encor s'il estoit beau : mais ce n'est qu'un badaut⁎.
Et quelque long chagrin qui m'ait defigurée,
Je ne suis pas si sotte & pas tant deschiree,
Que je ne vaille bien un amour mutuel.
Vrayement c'est bien à luy de faire le cruel,
Mais c'est luy que j'entens qui nasonne & qui gronde.

Roder icy la nuit, tu te feras malade.

Que ne viens-tu pour voir celle qui t'y cherchoit ?
 
Te priant d'arrester tu me refuserois ?

A d'autres yeux qu'aux tiens je ne suis pas tant laide.

Si mes yeux sont ardens⁎ & sont rouges de feu,
C'est de celuy d'amour.

      O mon cher Jodelet,
Mon bedon, mon fanfan, mon poupon, mon valet.
 
Es-tu si delicat ?

Escoute encor'un mot.

      Mais…

      Pour t'arrester donc-là,
Je t'en conjure enfin par ces franches lippees,
Par ces bribes de pain dedans le pot trempées,
Par ces soûpers gardez, quand tu venois si tard,
Et que dessous mon nom je faisois mettre à part ;
Par ces deux boüillons faicts quand tu pris medecine
Un jour que je te vis malade en la cuisine :
Bref, par tout ce qui peut d'un gosier alteré,
Plus que l'or & l'argent estre consideré.
Helas ! pour adoucir ton humeur rogue & fiére
Que le ciel ne m'a-t-il fait naistre sommeliere,
Peut estre que l'arbois, le grave & le muscat
Ne te permettroient pas d'estre si delicat.

      Non,

La gabatine est franche, & la ruse est subtile,

      Tu ne t'en iras point.

Ah ! que d'or & d'argent n'ay-je une vive source,
Tu pourrois disposer du cœur & de la bourse,
Et je te monstrerois en te saoulant de bien
Que ce qui m'appartient est absolument tien.
Cruel ! loin de m'aigrir apres de tels outrages
Veux tu manger encor quatorze ans de mes gages ?     
Il n'est presents, espargne, estreines ny profit
Que mon amour n'immole à ton grand appetit.

Pancrace vient, escoute.
 
Monsieur la foule croit, & le bruit se redouble !

      Ah ! Monsieur.

      Ainsi soit-il.

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_l-exempt *date_1647 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_lexempt


      Faire le brave & se mettre en defence.
Obeit-on ainsi dans les ordres du Roy ?
Je vous fais prisonnier.

      Vous Oronthe.

Ouy, rendez vostre espée.
 
Madame, je leur vay faire donner des gardes.
Messieurs, il me faut suivre, allons, sortons d'icy.

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_le-caporal *date_1647 *sexe_masculin *age_veteran *statut_exterieur *fonction_autres *role_lecaporal


La Verdure,

      Venez au corps de garde ?
 
      Si je vay jusqu'à vous
Dans ma mauvaise humeur je vous roûray de coups.
Ces feneans s'en vont, & font les galans hommes.
Chacun veut estre maistre en ce siecle où nous sommes,
Il semble que le mal ne soit que pour les vieux.

Vous le diray-je encor,

Voyons, qu'attens-tu là ?

      Ce n'est pas luy, je le reconnois bien !
Ton nom ?

      Et que fais-tu là ?

A quoy bon cet habit ?

C'est un volleur, suis moy.

Mais nous voulons savoir quelle est ta fonction ?
Et pourquoy ?

Ce matois fait le fol ! il n'est pas tant de rire.
Sors de là !

      Grand mercy.
Qu'il prenoit bien son temps, pour s'evader d'icy !
Il me faut suivre amy.

Pourquoy m'as tu donné ce coup dessus l'espaule ?

      Cest trop endurer de ce sot.
Hola, quelqu'un à moy.

Hola hé !

      Qu'on saisisse ce traistre !

      Il faut marcher.

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_violon1 *date_1647 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_violon1


Je ne puis m'accorder tandis que vous sonnez,
Un peu de patience… en fin c'est assez dire,
Messieurs, escoutons nous, il n'est pas tant de rire.

Estes-vous prests, Messieurs ? faut-il que je commence ?
Allons, c'est à ce coup.

      L'Alemande⁎, allons, c'est tout de bon.

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_violon2 *date_1647 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_violon2


Vostre do-la-ré-sol.

Vostre gé-ré-sol-ut.

      Un peu de patience,
Ma quarte se relasche au moins d'un demy ton,
Je suis bien.

Nous n'estions pas icy tous seuls de violons.

**** *creator_gillet *book_gillet_deniaise *style_verse *genre_comedy *dist1_gillet_verse_comedy_deniaise *dist2_gillet_verse_comedy *id_violon3 *date_1647 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_violon3


      Un peu vostre Emi-la.

      Encore… m'y voylà.