**** *creator_grenaille *book_grenaille_innocentmalheureux *style_verse *genre_tragedy *dist1_grenaille_verse_tragedy_innocentmalheureux *dist2_grenaille_verse_tragedy *id_constantin *date_1639 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_constantin Ce repos me plaist bien qui vient de mes travaux, Je n'ay plus d'ennemis, n'ayant plus de Rivaux ; J'ay dèstruit ces Tyrans⁎ qui pensoient tout destruire Et gagné tout d'un coup la Victoire et l'Empire. Mais ce n'est qu'à ce bras que je dois cet honneur, La Fortune n'a point de part à mon bon-heur⁎ ; Ce qu'on nomme Faveur, n'est que ma recompense, Et le Ciel seulement seconde ma vaillance. Aussi l'unique bien⁎que mon ame desire, C'est de voir ma maison⁎ en paix comme l'Empire, Un Prince peut tomber, quand le dernier Appuy Qui le doit soûtenir, s'éleve contre luy. Il arrive souvent qu'un double mariage S'il provient de l'amour, produit bien de la rage ; Et c'est un grand malheur quand on voit des parens, Qui se traitent bien moins en amis qu'en tyrans⁎. Mais Fauste aymant mon fils autant qu'il la revere, Constantin desormais ne peut qu'estre heureux pere ; Il ne peut au dehors craindre aucun Ennemy. Se voyant au dedans puissamment affermy. Emile que dis-tu ? Il me faut travailler mesme quand je respire ; Je m'ennuyois déja de me voir en repos, La peine et la sueur me rendent plud dispos, Ce peuple soulevé ne desire combatre, Que pour avoir l'honneur que je songe à l'abatre, Je me vay disposer à domter son orgueil, Et sa vaine grandeur sera son vray cercueil. Assemblez le Conseil avant que j'en ordonne. SOuviens-toy bien, mon fils, des exploits de ton pere ; Constantin a bien fait, mais Crispe doit mieux faire ; Tu dois estre Empereur me devant succeder, Et si j'acquiers du bien tu le dois posseder ; Mais je veux que suivant les traces de ma vie, Tu merites l'Empire en dépit de l'envie : Car un grade d'honneur qu'on n'a pas merité, Est plustost un affront qu'un poinct de dignité. N'apporte pas ta teste, ou porte une Couronne, Pour l'avoir sans faillir, hazarde ta personne ; Prens cette épée en main, cet acier tout-puissant ; Pour avoir son esclat doit estre rougissant ; Les Barbares ont fait une esmeute nouvelle, Va faire voir ta force où la Gloire t'appelle. Ne vous offensez pas qu'il subisse une Loy Qui luy sera tousjours commune avecque moy ? Vivra-t'il dans la paix ? j'ay vécu dans la peine, Pour m'asseoir sur le thrône on m'a mis à la géne : Ma vie pour le moins estoit d'aussi grand prix, Le prisez⁎-vous, Madame, avecque mon mespris ? Pour aimer les alarmes⁎, Il faut haïr, Madame, un lieu si plein de charmes; La Cour peut ramollir la plus mâle vigueur, Vous l'aimez Courtisan, et je l'aime Vainqueur. Et puis quiconque veut se garder de surprise, Doit mesme dans la paix faire quelque entreprise : Sans avoir d'ennemis, on doit porter le fer, Ou l'on peut se voir vaincre, ayant pû triompher. Mais je viens maintenant d'aprendre des nouvelles, Qu'un Prince assujetty s'est fait chef des rebelles ; Puis donc qu'il se soûleve, il le faut abaisser ; Ma douceur l'aigrissant, mon fils le doit forcer. Mais Crispe doit luy seul faire sa renommée. S'il se fait tant cherir, qu'il se fasse estimer Et cette charge aussi fait voir que je l'honore. Il mourra dans l'honneur. Il aura du bonheur. Tout le mal que je crains, c'est qu'estant à la Cour Il soûmette à la fin sa grandeur à l'Amour. Ne le peut-il pas estre ? Elle n'est pas à naistre. Au moins est-il aimé. Elle est de vostre Cour. Contre ma volonté, je le donne à vos larmes ; Qu'il vive pres de vous éloigné des alarmes⁎. Ayez soin⁎ neantmoins qu'il garde sa vigueur, Et que d'autre que vous ne possede son cœur. Les troubles ont cessé, mais ils peuvent renaistre, Ce peuple m'est sujet, mais n'aime pas son Maistre. Il me sert par caprice, et prend la liberté De ne suivre mes loix que par sa volonté. Nonobstant ses sermens il peut m'estre infidele⁎ ; Et la mort seulement convertit un rebelle. Pour dompter l'Allemagne avec tous ses mutins, Si mon credit⁎est vain, employons les destins. Faisons mourir tous ceux qui choquent⁎ mon Empire, Méprisant ma douceur qu'ils éprouvent mon ire, Et qu'en voyant leurs Chefs condamnez au trépas, Qu'on apprenne que c'est de ne m'obeïr pas. Cette charge est pour Crispe, il doit tenir ma place Tous en doivent attendre, ou la mort, ou la grace Mais contre mon dessein⁎ on l'a fait demeurer. Sans le dire à personne ? Leve moy les soupçons que son depart me donne. Ce depart me plairoit, mais il semble une fuite, Et dans ma seureté j'en dois craindre la suite. Procle, s'il a du zele, il n'a point de respect. C'estoit donc son devoir d'en dire quelque chose. Mais il est à propos De bien-tost le sçavoir pour avoir du repos : A-t'il rien dit à Fauste. Connoissant tant son cœur tu sçais toute l'affaire, Puis qu'il le faut sçavoir n'en fais pas un Mystere. Si je vois arriver du mal de sa retraite, Je puis bien le punir et m'en prendre à sa teste ; Pour m'esclaircir du tout suis-le dés aujourd'huy, Ne viens plus à la Cour où reviens avec luy. Sonde si dans la Ville on a sceu son projet, Et s'il est mécontent, quel en est le sujet. Mon fils s'en iroit-il soûlever nos rebelles ? Bien loin de me defendre il s'en va m'attaquer ! Mais il est trop bien né pour me vouloir chocquer⁎. Fauste vous aviez tort d'arrester son courage ; C'est qu'aimant son époux elle aime son image ; Mais qu'ay-je à craindre enfin ? suis-je pas Empereur ? Un fils me feroit-il redouter sa fureur ? D'où vient que ces beaux yeux qui font mon allegresse, De riants qu'ils estoient, sont couverts de tristesse ? Si vous le découvriez je le pourrois guerir. Mon fils s'est retiré, n'est-ce pas le mystere ? Faut-il vous offencer, qu'il fasse à son plaisir, Et suivant son devoir il suive son desir. J'avois mesme dessein⁎, mais vous l'avez fait rompre, Quoy qu'il ait le cœur, la Cour l'eust pû corrompre. Dans cét illustre feu⁎ que l'on voit dans ses yeux, On reconnoit son Pere avec tous ses ayeux ; Mais estant trop aimé, comme il est trop aimable⁎, L'honneste alloit ceder son cœur à l'agreable ; Ne vous picquez donc pas s'il aime son honneur, Et faites vos plaisirs de son propre bon-heur⁎. Madame, en me parlant vous parlez à vous mesme, Peut-on bien dans ma Cour faire de si grands crimes ? Parlez plus franchement. J'y consens si son crime au moins en est capable. Vous m'offencez, Madame, Luy vouloir pardonner, c'est n'estre pas ma femme ; Je jure par le Dieu que je sers de nouveau, Qu'il mourra ce jourd'huy si je n'entre au tombeau ; Ha ! que c'est estre doux à des humeurs sauvages, On flatte leurs excés en flattant leurs courages ; C'est un monstre inhumain qui conçoit de ces feux⁎, Mais s'ils luy semblent doux, ils luy seront affreux : Et quiconque voudra differer son supplice, Y participera comme estant son complice. Vouloir fouler mon lit ? le lit de l'Empereur ? C'est moins un trait d'amour que d'extréme fureur ; Et ne pretend-on pas m'oster le Diadéme, Puis qu'on me veut ravir⁎ la moitié de moy-mesme ? Je cede volontiers mon thrône et mon pouvoir, Car je prise⁎ bien plus l'honneur de vous avoir. L'affaire est importante à nous comme à l'Empire, Pour oster tout le mal, Madame, il faut tout dire : Le nom, la qualité de ce grand criminel, Pour qui punir c'est peu qu'un supplice eternel ? Je sçay que la justice est aveugle en effet, Mais sans voir la personne, elle voit le forfait⁎. Mon Empire ne peut voir sa gloire ternie. S'il estoit de mon sang, ce que je ne croy pas, Je l'épancherois tout, je couperois mon bras. C'est ! C'est Crispe ! O funeste⁎ nouvelle ? Cieux ? suis-je trop credule, ou m'est-elle infidele⁎ ? De ma femme aujourd'huy mon fils veut estre époux ; Que ne suis-je donc mort ? que ne l'étouffez-vous ? Un si grand criminel est exempt de supplice ? Ce Dieu qu'on croit si juste a si peu de justice ? Oüy, c'est Crispe en effet, car ce n'est pas mon fils, Ou le Ciel a puny la faute que je fis ; Quand pour produire un fils qui meritast l'Empire, J'engendray seulement un sujet à son ire. Ou plustost en voyant ces signes apparens, Je dois croire en effet qu'il est fils des Tyrans⁎ ; S'il est mien, je me vois dans quelque horrible offence, Puis qu'un monstre inhumain en a pris sa naissance. Dieux ! que vous ay-je fait ! l'ay-je doncques produit ! Enfer ouvre ton sein⁎, brûle l'arbre et le fruit. Vous avez trop d'amour pour ceux qu'il faut haïr, Luy puis-je pardonner s'il a pû me trahir ? Sans que ce discours⁎ vient d'un excés d'indulgence, Je vous croirois d'abord de son intelligence ; Apres un tel affront appaiser mon courroux ! D'estre rude en ce poinct c'est encore estre doux ; Tu mourras, tu mourras, traistre, fils parricide, Je te seray cruel⁎, puis que tu m'es perfide. Fin du troisième Acte. Artaban, c'est conclu, mais puis qu'il doit mourir, Quels moyens prendrons-nous pour le faire perir ? Peut-on sans faire un crime excuser ce forfait⁎ ? Puis-je douter jamais de la foy⁎ de ma femme ? S'il n'a pas fait de mal le peut-elle accuser ? Je ne le veux pas voir. L'oüir ! je ne veux plus le voir qu'il ne soit mort. A tort ! ayant voulu soüiller ainsi ma couche ? Pourroit-il avoüer devant moy ce forfait⁎ ? Fauste l'a trop aimé pour le rendre coupable ? Son depart prouve assez qu'il se croit criminel. Tu t'entens avec luy. Il est donc innocent ? Quels seront les meschans, si de fouler mon lit C'est un trait d'innocence et non pas un delit ! Et j'entens, Artaban, que sans autre respect Il soit bien-tost puny, pource qu'il m'est suspect. C'est un mal que sa mort peut seulement guerir ; S'il ne vit pas en fils, pourquoy vivrois-je en pere ? Pour me plaire, Artaban, il me faut contenter ; Or mon plaisir sera de le voir tourmenter. Pourveu qu'il souffre bien tous ses maux me sont doux, Je n'ay jamais produit un fils si detestable ; S'il estoit mon image, il me seroit semblable ; Ainsi le deshonneur ne peut estre qu'à luy. Tu nommes mon apuy qui me veut renverser ? Qui ne voit mes plaisirs que pour les traverser ? Il est meilleur pour moy de voir punir ma race, Que si dedans mon lit un fils prenoit ma place ; Et j'ayme beaucoup mieux détruire mon Estat, Que de le laisser vivre apres cét attentat ; Ce n'est rien de regner si l'on regne sans gloire, Et qu'on dure long temps pour flétrir sa memoire. Mais on dira par tout que je suy la raison. Luy seul courant danger encourra tout le blâme. Il faudra bien le croire ayant veu son trépas. Ce discours⁎ semble trop retarder son supplice ; Si tu ne le poursuis je te croiray complice. Non pas de m'avoir plû, mais de me repartir. Je t'ay dit mon secret, sois moy doncques fidelle, Et montre toy plustost trop zelé que rebelle. Artaban tarde trop à faire un si bon coup⁎, Qui me doit affliger⁎ et réjoüir beaucoup. Les dés sont trop avant pour faire un autre sort⁎. Je me coupe le bras, mais un bras qui m'est traistre, Qui m'est rival au lit, veut estre ailleurs mon Maistre ; Je me crain neantmoins que Crispe s'en doutant, Tournera contre nous les pieges qu'on luy tend ? Un Grand⁎ ne doit rien craindre ; Artaban m'est fidelle, Et Dieu hait comme moy cette ame criminelle. J'approuve tes sanglots, sçachant que ta douleur Prend sa source d'amour, non de quelque malheur, Tu regrettes ton frere, et tu blâmes sa retraite, Quel malheur ? de quel lieu luy pourroit-il venir ? Ma fille, as-tu bien sceu le mal qu'on luy veut faire ? Comment ? Je l'aimois plus que tous ; s'il meurt à cette heure ; Ma fille, ne crains pas que de long temps il meure, Il est vray que j'avois quelque aigreur contre luy, Mais il m'a plainement satisfait ce jourd'huy. J'ay pour luy de l'amour, si j'estois en colere, Et Crispe desormais ne me sçauroit déplaire. Qui peut trahir son cœur ? j'ay pour luy de la haine, Mais j'ay bien de la peine A soûtenir d'ailleurs les assauts de l'amour ; Sans perir je ne puis perdre ainsi mon image, Et si Crispe m'outrage Il me semble pourtant estre digne du jour. Je voudrois qu'Artaban eut une autre ordonnance Pour user de clemence ; Ou je seray Tyran⁎ si j'estois Empereur ! Mon fils m'ayant haï pour cherir mes delices⁎, Peut-on voir des supplices Qui ne semblent trop doux pour punir sa fureur ? Pauvre sœur je te plains, et connois⁎ que ta mere T'avertit du mystere ; Mais pesant bien aussi l'horreur de son forfait⁎, Elle ne juge pas qu'il puisse estre excusable, Ny son époux blâmable, Si comme il l'a produit il le perd en effet. Crispe, je sens pourtant que songeant à ta peine Mon ame est à la géne ; Ah ! qu'il est bon pour moy que tu souffres du mal, Sans que ton Juge soit témoin de ta souffrance, Car mesme en ton absence Je sens que ton destin me doit estre fatal. Pour conserver pourtant les droits de la justice, Il faut que tout perisse. Il n'aura plus de mal. L'affaire a reüssi suivant mon esperance. Un Empereur ne peut craindre d'autre pouvoir. N'est-ce pas ton devoir de rendre obeïssance A celuy qui peut tout. La conscience veut qu'on suive la raison. Mon fils devoit souffrir pour me tirer de peine. L'innocent, prevenu d'un horrible forfait⁎ ? Tu l'excuses encor avec ton eloquence ! Tu pretens m'irriter m'en discourant ainsi. Sa mort devoit toujours ressembler à sa vie. Il est mort dans l'honneur m'ayant fait cét affront ? L'impudence par fois prend le nom d'innocence. On l'a prouvé. L'accusateur est grand⁎. Fauste estoit hors de blâme. Si Dieu l'eust veu sans crime, eust-il permis sa mort ? Qu'a-t'-il dit en mourant ? Il devoit ainsi dire au lieu de s'en aller. Cependant il est mort sans qu'on le reconnaisse. Mais il ne tarde pas à luire dans les Cieux. Qu'il dessille les siens qui n'ont plus de lumiere ? Je cede neantmoins à ma flamme⁎ premiere ; J'aime encore mon fils, et bien qu'il m'ait picqué, J'ay du regret pour luy de ce qu'il m'a choqué⁎ ; Je pleure pour sa mort combien qu'elle soit juste, Et mesme criminel, Crispe me semble auguste ; Resistons neantmoins à ces lasches douleurs, La justice est sans yeux, qu'elle soit donc sans pleurs. Qu'ay-je fait pour mourir qui soit digne de blâme ? Il avoit bien du tort, Puis que son pere mesme a procuré sa mort. De l'appeler ainsi, c'est doubler son offence. Elle est noire à ce poinct, Que son enormité fait qu'on n'en parle point. Ce fils ne tenoit plus Constantin pour son pere. Oüy pour me mépriser. Oüy pour la courtiser. L'innocent souhaittoit d'estre époux de ma femme. Ceux qui le sçavent bien. Et qui por l'excuser n'en disent pourtant rien. Ny qu'un si prompt depart ne le rende blâmable. Il n'en rencontroit pas peut estre de meilleurs. Possible on l'a chargé des attentats d'autruy, Quel autre eut osé faire un tel crime que luy ? Il ne faut pas blamer ma femme en ma presence. Devant⁎ qu'en voir l'effet il faut sçavoir pourquoy. Il n'est mort d'aujourd'huy qu'un Monstre d'impudence ! Il faut s'en prendre à moy. Rappellez vos esprits ; une forte pensée De la mort de mon fils l'a renduë insensée. Vos discours⁎ en deux temps n'ont pas de ressemblance. O Manie ! Comme elle aimoit mon fils elle le pretend suivre, Et pour le suivre ailleurs, elle ne veut plus vivre : C'est pourquoy n'ayant point d'autre cause de mort, Pour se faire coupable elle fait un effort. Je vous estime trop pour vous croire sincere, Sous ce mal apparent vous couvrez un mystere : Ce discours⁎ n'est qu'opprobre et que temerité. Artaban dois-je croire à ce rapport infame ? Oüy, mais c'estoit ma femme. Elle avoit le cœur bon. Mais quoy, pour le cherir l'avoir mis au tombeau ? Ce seroit mon desir, s'il n'estoit impossible, Et nous le reverrions sans qu'il est invisible ; Ah mon fils ! voy ton pere en peine de ta mort, Et que s'il en est cause, un autre en a le tort. Ma haine a moins agy qu'un zele de justice, J'aimois mieux te voir mort que soupçonné d'un vice. J'ay failly neantmoins ne considerant pas, ue ton défaut estoit d'avoir eu trop d'appas⁎. Que ne m'est-il permis de t'embrasser encore ! Mes vœux sont indiscrets, il faut que l'on t'adore. Je t'immole aujourd'huy, celle qui t'accusa, Et trompe son espoir comme elle m'abusa : Megere⁎ tu pensois en t'accusant toy-mesme, Excuser finement une malice extréme. Tu mourras neantmoins, et loin de t'estre doux, Je seray ton bourreau si je fus ton époux : Meschante pour cela tu rompis le voyage D'un fils que tu voulois reserver à ta rage ? Prens, prens tous tes enfans pour perir avec toy, Crispe témoigne assez qu'ils ne sont pas à moy. Tu fis mourir celuy qui n'estoit pas coupable, Lave donc cette erreur dans un sang execrable. Je la veux voir perir puis que c'est la raison. Sa peine tarde trop. C'est en vain, c'est en vain qu'on la pretend sauver, Ce forfait⁎ est trop noir, ce bain le doit laver. Pardonner ! si mon fils avec tant d'innocence Plus que les scelerats éprouva ma vengeance ! Vous ne l'aimez donc plus, ou ce n'est qu'à demy, Si vous pleurez sa mort plaignant son ennemy. Mon sentiment pourtant n'est pas conforme au vôtre. C'est un sang corrompu que j'épanche à cette heure, J'ay bien perdu devant⁎ le bon sans que j'en meure ? Qui peut sans m'offencer defendre une Megere⁎ ? Qui de pere m'a fait un Tyran⁎ sanguinaire ? Quel excés de malheur ? Où je me fais du mal pour calmer ma douleur ; Je peris par moitié sans pourtant rendre l'ame, Je vis ayant veu morts et mon fils et ma femme, Je suis au moins content qu'apres un tel effet, Si je suis affligé⁎ mon fils soit satisfait ? Et que si l'innocent est mort par ma puissance, Le forfait⁎ bien puny vange ainsi l'innocence. Le devoir Aussi bien que l'amour nous oblige à le voir, Estant mort méprisé qu'il vive dans la gloire, Et que dans sa défaite il trouve sa victoire. FIN. **** *creator_grenaille *book_grenaille_innocentmalheureux *style_verse *genre_tragedy *dist1_grenaille_verse_tragedy_innocentmalheureux *dist2_grenaille_verse_tragedy *id_fauste *date_1639 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_autres *role_fauste Procle, ne te feins⁎ point ; c'est de la jeune Helene Que ton ame reçoit et sa joye, et sa peine : N'en fais pas un secret, tout le monde le dit ; Ton cœur a de l'amour, mais j'ay bien du credit⁎ ; Et secondant tes vœux, j'entreprendray l'affaire, Si comme tu cheris je te connois sincere. Descouvre⁎ moy si Crispe aime quelque Princesse, Et si faisant le froid, il n'a point de Maistresse ? Il n'est pas sans amour, ayant tant de beauté, Ny toy sans le sçavoir dedans la privauté. Ce discours⁎ me plaist bien, et ce Prince m'oblige⁎, Mais croy qu'en m'obligeant⁎, neantmoins il m'afflige⁎; Son Amour me seroit plus cher que son respect, L'un me soulageroit, où l'autre m'est suspect, Ces grands abaissemens qu'on voit en des personnes, Couvrent plus seurement les desirs des Couronnes ; Le veritable hommage est rendu par le cœur, S'il a moins d'apparence, il a plus de douceur. Je voudrois qu'il m'aimât à l'esgal de son pere. Je prise⁎ son amour qui m'est si desirable, Mais quand il est plus franc, il est plus agreable ; Qu'il soit moins serieux conversant avec moy, Et si j'ay du pouvoir, je luy fais cette loy⁎. Qu'il ne regarde pas l'esclat d'un Diadéme, Voyant le feu⁎ d'un cœur qui l'adore, et qui l'aime ; Quel danger trouve-t'il dans la proximité, D'avoir moins de reserve, et plus de liberté ? Cette vertu visible a beaucoup de pouvoir, Mais n'a jamais de droit qui s'oppose au devoir. Au reste va t'en dire à ce Prince adorable⁎, Qu'il est autant aimé comme il peut estre aimable⁎; Ajouste de ma part qu'une Dame aujourd'huy Dans un bon entretien m'a fort parlé de luy ; Qu'elle est de noble sang autant que je puis l'estre, Qu'on voit la Beauté mesme, en la voyant parestre, Que la Vaillance en fin doit ceder à l'Amour, La peine est pour le Camp, le plaisir pour la Cour. Non ; mais je vois par là qu'elle m'est infidele⁎ ; Ayme-t'elle si haut⁎ ? Puis qu'elle me le cache, il doit estre indiscret ; Celle dont je parlois est de meilleure race, Elle a bien moins d'orgueil, mais elle a plus de grace ; S'il la pouvoit aymer, il me feroit plaisir, Car mes vœux sont de voir accomplir son desir. Flavie, tu sçais bien où visoit ce discours⁎, Spurine adorant Crispe implore mon secours, Va la donc avertir, sans parler d'autre chose ; Que j'agis puissamment, et qu'elle se repose. Qui pourroit croire que c'est moy Que la perfection de Crispe desespere ? J'aime plus ce Fils que son Pere ? Le Droict me le defend, l'Amour m'en fait la loy⁎, Injuste Droict, suis-je blasmable D'aimer plus en effet l'objet le plus aimable⁎ ? La Nature ne le veut pas ; C'est elle neantmoins qui m'en donne l'envie ; Elle m'oste, et me rend la vie, Me faisant trop aymer et craindre ses appas⁎; Doux sang que tu sembles barbare⁎, Nous unissant tous deux d'un nœud qui nous separe ! Crispe, que n'es-tu plustost né ? Ou pourquoy naissois-tu pour m'empescher de vivre ? Je te dois fuir, je te dois suivre ; Si l'un m'est defendu, l'autre m'est ordonné ; Donc si mon feu⁎ te semble infame, Accuse tes beautez aussi bien que ma flame ; Taschons pourtant de le cherir Non pas comme un époux, mais comme son image ; S'il est beau, je dois estre sage, Et pour vouloir aimer, faut-il vouloir perir ? D'ailleurs, l'Image estant plus belle, Dois-je avoir, ô mes yeux, un moindre amour pour elle ? Fauste est marastre⁎ seulement, Elle peut donc l'aimer autrement qu'une mere, S'il est la moitié de son Pere, En l'aimant, je cheris mon époux doublement ; Quoy donc ? luy seray-je infidele⁎, Si pour le mieux aimer, je redouble mon zele ? Mais c'est trahir un Empereur, Pour servir un Tyran⁎ qui n'est qu'abominable ; Au pere pourray-je estre aymable⁎, Et le fils me peut-il cherir que dans l'horreur ? Mon cœur tien ta flamme⁎ couverte⁎, Voulant en gagner deux, je ferois double perte. C'est le Conseil de la raison, Mais mon aveuglement n'en peut pas voir la force ; Le devoir m'est moins que l'amorce⁎; Et cherissant mon mal je hais ma guerison : J'ay de l'amour, j'ay de la honte, L'une me fait rougir, mais l'autre me surmonte. Tous les Dieux pour m'encourager Sans offenser les Loix, font de ces alliances; Loin de toutes ces differences Frere et sœur, mere et fils s'espousent sans danger. Pour moy je n'ayme pas de frere, Et ne poursuis qu'un fils dont je ne suis pas mere. Quel remede aura cet Amour Si je n'en puis parler, et ne puis pas m'en taire ? Il m'empesche d'estre sincere, Et me doit étouffer s'il n'est produit au jour ; Que Crispe l'apprenne luy mesme, Et se voyant aimé qu'il me tuë, ou qu'il m'aime. Est-il disgracié ? Je crains beaucoup pour luy ; le sort⁎ est dangereux, Mais souvent aux plus grands⁎ il est plus malheureux ; Et Crispe le veut-il ? On croit vaincre souvent que l'on se voit vaincu, Et par fois les plus forts n'ont pas le plus vescu ; Si Crispe est genereux, la mort porte des armes, Qui n'espargnent non plus, la valeur que les charmes; Donc pour l'en preserver il le faut retenir ; On recherche un malheur qu'on tarde à prevenir. Je m'y veux employer, l'affaire est importante, Et mon ressentiment⁎ la fait juger pressante. Vous perdez donc un fils pour gagner de l'honneur ? Un malheur recherché vous ravit⁎ ce bon-heur⁎ ? Mes enfans sont petits, les travaux de la guerre Vous élevant au ciel, vous courbent vers la terre ; Et si Crispe nous vient à manquer aujourd'huy, L'Empire est en danger de faillir avec luy ; N'ayant point d'ennemis vous allumez des guerres ? Et dans la paix de l'air excitez des tonnerres ? Monseigneur n'a non plus de Rival que de Maistre, Et Crispe prés de vous ne me semble rien estre ; Toutefois si le Ciel vous eust fait Empereur, Vous causant beaucoup plus de plaisir que d'horreur, J'eusse mieux aimé voir couronner vôtre teste Dans la tranquillité que parmy la tempeste, Ainsi donc les Tyrans⁎ estans tous abbatus, Tout le monde adorant ou craignant vos Vertus, Laissez Crispe à la Cour. Vous avez d'autres chefs pour conduire l'armée. Je frissonne d'horreur à vous l'oüir nommer. Il est assez prisé⁎, tout le monde l'adore. Mais s'il meurt à la guerre ? Vous serez malheureux. Dans toute sa Faveur je crains quelque disgrace, Si quelqu'autre ne va commander en sa place. Il n'en est pas touché. Il n'a point de Maistresse. Il n'en aime pas une. Et quel seroit le cœur qui n'en seroit charmé ! Mais encor, Monseigneur, le nom de son Amante⁎ ? Oüy, c'est ma Confidente ; Elle a de grands desseins⁎, mais ce discours⁎ à part, Crispe me fait beaucoup souffrir par son depart ; Qu'on prenne mes enfans, que le vôtre demeure, Ma vie finira s'il arrive qu'il meure. Voyez comme mes yeux prevenant ses malheurs, Quoy qu'il ne souffre rien, jettent desja des pleurs ; Et ne serois-je pas du tout inconsolable, Si parmy nos bonheurs il estoit miserable ? Si je l'estime tant, c'est qu'estant pres de nous En voyant vôtre fils, je croy voir mon espoux. En cela comme en tout je vous seray fidele, Vôtre précaution s'accordant à mon zele, Ma Confidente mesme, et remarquez ce poinct, Sans voir choquer⁎ son feu⁎, ne le cherira point. Mon cœur estoit pressé, mais je sens qu'il respire, Dans ma joye pourtant je rencontre un martyre, La guerre pour ce Prince a perdu son ardeur, Mais je crains d'autre part qu'il ait trop de froideur. O Mars ! si ta Venus a pû t'estre agreable, Et si pour la cherir tu t'és rendu traitrable ; Change en flammes d'amour le feu de sa fureur, Et qu'il aime l'amorce⁎ et haïsse l'horreur. Son cœur n'aime donc rien que l'horreur des alarmes⁎ ! Et met toute sa joye à rejetter les charmes ? L'estrange naturel qui fait ses déplaisirs⁎ De toutes ces douceurs qui font tous les desirs. Ces doux ressentimens⁎, au moins comme je pense, Viennent bien moins de luy que de ta complaisance, Tu penses m'abuser par ce bel entretien, Et pour gagner mon cœur tu me donnes le sien, Mais Procle, à mon humeur, croy que la flatterie Tient moins lieu de plaisir que de supercherie. Il n'aura doncques pas de peine à me complaire⁎ ; Que si j'ay du pouvoir autant que tu m'as dit, Et que sa volonté s'accorde à mon credit⁎, Je luy veux faire aimer la merveille du monde, Qui ne cede à pas une, et n'a point de seconde, Dans la Cour où je suis on voit briller son œil, Les astres sont autour, c'est l'unique soleil, Je luy diray bien plus. Pour te parler d'Helene, Ce qui lie ton cœur, tient le sien à la chaine, Elle t'aime si fort depuis mon entretien Qu'elle n'a point de vœu, Procle, qui ne soit tien. Le feu⁎ s'éleve fort en quel lieu qu'on le voye,    505 Parle pour voir changer toutes tes pleurs en joye : Va-t'en sçavoir, Flavie, où Crispe est si long-temps. Tes vœux seront contens Dy moy ses qualitez. Son nom ? C'est doncques l'Empereur. C'est Crispe à mon advis. Tu devois donc plustost me declarer ta peine. Mes effets ont déja prevenu ta demande. J'acheveray bien-tost ce que j'ay commencé, Et ton feu⁎ par ta foy⁎ sera recompencé ; Souviens-toy seulement que dans la confidence Tu dois cacher ta flamme⁎ et monstrer ta prudence, Presque toute la Cour a connu ton secret, L'Amour pour s'asseurer doit paroître discret. Maintenant pour pouvoir mieux avancer l'affaire ; Je fais mes interests de ce qui t'a pû plaire, Et je vais travailler à gagner cét Amant⁎ Comme si ton supplice estoit mon vray tourment. L'effet t'étonnera bien plus que la promesse. VA dire à ton Amant⁎ que je luy veux parler, C'est pour te l'acquerir, et pour me consoler. Si mon Espoux sçavoit les desseins⁎ de mon ame, Le tiendroit-il pour fils, me tiendroit-il pour femme ? N'importe ; je ne puis resister à ces feux⁎, Et laissant mon devoir il faut suivre mes vœux. Mais déja la rougeur me monte sur la face, Pour gracieux qu'il soit j'en crains quelque disgrace : Il me doit rebutter, ne le ferois-je pas S'il avoit mon Amour, si j'avois ses appas⁎ ? Il faut tout hazarder, mon mal est trop sensible Pour ne me porter pas à tenter l'impossible ; Crispe voyant l'excés de ma calamité Ne s'étonnera pas de cette extremité. Beau Crispe dont l'honneur et la grace est extréme, Cher Prince qui n'as point d'ennemy qui ne t'aime ; Je t'ay fait appeller voulant t'ouvrir un cœur Lequel vainquant par tout, te tient pour son vainqueur, Crispe fait maintenant tous les vœux d'une Dame, Qui fait avecque moy méme corps et méme ame, Elle m'égale en tout, si tu veux l'honorer, Ou plustost la cherir, je te veux adorer. Je ne me picque pas qu'elle usurpe mes droits, Afin de meriter de vivre sous tes loix. Quelque autre, à ce qu'on dit, t'oste ta liberté ? Fay-le moy doncques voir dans son extremité. Quitte ce vain respect pour contenter ma flamme⁎. Crispe n'est pas mon fils si l'autre est mon époux ; Fay donc ce que je dy pour faire comme nous ? Fay voir à mon cœur que ta flamme⁎ est extréme Aimant ce bel objet qui semble estre moy-méme. Je n'entens-pas parler de cette autre beauté, Mais plustost de…Mon cœur n'a plus de liberté. Te faisant ce discours⁎ tu fairas quelque plainte. Adelaïde au prix, quoy que ma Confidente, Méme à ton jugement ne sera que suivante ; Enfin c'est le party le plus grand⁎ de ma Cour ; Qui voyant tes respects recherche ton amour ; Mais ton cœur estant pris je ne te l'ose dire. Tu le peux deviner à me voir seulement. Je crains de t'offenser te faisant une grace, Il faut que mon époux te cede un peu sa place. Ne pense pas aussi que mon intention Soit de voir l'Empereur dans la sujettion ; S'il faut perdre l'honneur il faut que l'on me prive, Et c'est moy seulement qui veux estre captive. Enfin m'aimes-tu bien ? Donne m'en une marque aussi douce que belle. Ce n'est pas mon desir de contraindre tes flammes⁎, Si tu sers librement la plus grande⁎ des Dames ; Et sans prendre autrement le nom de son époux, Je voudrois qu'en effet tu luy fusses plus doux. Qu'il en garde le nom, et fais m'en voir l'effet. Tu ne me promettois que pour tromper ma flamme⁎. Crispe n'est pas mon fils. Et je pretens par là provigner ce beau fruit. C'est pour te plaire en tout, que je veux luy déplaire. Les sentimens d'honneur ne sont pas de saison. J'ay caché si long-temps que je ne puis plus taire Ce que tu croy forfait⁎, et qui n'est que Mystere. C'est qu'ils n'ont jamais veu ces beaux lineamens. Voy ce cœur que tu brûles ! Il n'est que trop sincere, approche, tu recules ! Ils peuvent bien souffrir ce Tyran⁎ dans mon sein⁎. Les Dieux sont mes exemples, Les suivant je ne peux meriter que des Temples. Jupiter n'a-t'il pas pour épouse Junon ? En elle femme et sœur ne font qu'un méme nom. Apres cela tu crois que je serois infame, Si Crispe me nommoit sa Marastre⁎ et sa femme, Au contraire, je croy que si c'est mon bonheur, Comme on n'en peut douter, c'est mon plus grand honneur. Enfin les animaux ont-ils quelque avantage Qu'on puisse nous ôter sans nous faire un outrage ? Croy que si mon époux me sembloit aussi beau Je ne t'aimerois pas. Mais il est moins parfait. Prince par ces genoux que tu vois que j'adore, Modere un peu l'excés du feu⁎ qui me devore ; Ou bien si ta froideur étouffe ton amour, Sans prendre de mon feu⁎ fais moy perdre le jour. Tu méprises mes vœux ? Tu peux donc me haïr ? Tu t'en repentiras. Si tu ne m'aimes pas garde toy de perir. Cruel⁎ ! tu ne veux pas appointer ma requeste. Je me rends au devoir confessant que j'ay tort, Et vois que mon amour a merité ma mort. Prince pardonne moy, j'aurois eu moins de flamme⁎ Si ton corps eust semblé moins parfait à mon ame ; Je prise⁎ ta vertu si je plain mon malheur, Mon plaisir pretendu fait ma vraye douleur ; Ce crime apparemment passe pour execrable, Mais trop d'affection le peut rendre excusable ; Le forfait⁎ est fort beau quand on semble pecher Pour tenir un sujet trop aimable⁎ trop cher. Donc l'aimant je n'ay pû meriter que sa haine ? Et je me vois en peine Pour avoir eu dessein⁎ de luy faire plaisir ? Si devant alleger il afflige⁎ mon ame, Je dois changer de flamme, Et brûler de cholere et non plus de desir. Cét ingrat me prisoit moins que ma Confidente, Est-elle plus puissante ? Ou bien peut-estre elle a de plus charmans appas⁎ ? Qu'il la nomme Venus aussi bien que sa Reine, Je suis leur souveraine, Et qui ne m'aime point ne me merite pas. Un rebut ! faut-il pas pour cette grande offence Une grande vangeance ? Oüy, si Crispe jadis m'a fait mourir d'amour, Je veux que maintenant que je suis inhumaine Il meure par ma haine, Et que perdant ma grace il perde aussi le jour. Mais ; s'il est vertueux le punir d'un supplice Qui n'est que pour le vice ? Il me faut regarder⁎ que ce fascheux refus Vient de trop de respect non de manque de zele, Et que s'il m'est rebelle, C'est que m'obeïssant il se verroit confus. Cesse de l'excuser raison trop importune, Car il perd sa fortune Perdant l'occasion d'un si rare bienfait, Comme devant⁎ pour luy ma flamme⁎ estoit extréme Ma haine est tout de méme, Et je pretends perir ou le perdre⁎ en effet. Je te plain neantmoins, Prince jadis aimable⁎ Toujours incomparable, Si tu te recognois je te veux pardonner ; Mais en cas que toujours ta rigueur persevere Je me rendray severe, La fureur et l'amour me semblant l'ordonner. Tu ne m'as donc déplû que pour plaire à ton Pere, Et tu le devois faire ; Et moy pour me vanger d'un si mortel affront, Je pretends que celuy qui t'a donné la vie Te l'oste par envie, Et tout mon deshonneur s'en ira sur ton front. C'est pour vous, Monseigneur, que découlent ses pleurs, Si j'avois moins d'amour, j'aurois moins de malheurs ; Toujours dans vôtre honneur mon bonheur s'interesse, Et de le voir chocqué⁎, c'est le mal qui me blesse⁎. Mais vous ne pourriez pas l'entendre sans mourir, Vôtre fils, ha ! ce mot m'arreste et me fait taire. Son sejour me touchoit bien plus que sa retraite, Je deplore à present qu'il ne l'ait plustost faite ; Mais, vôtre fils à part, Grand⁎ Prince, mon regret Ne se peut découvrir, ny demeurer secret. Et je me tais, Seigneur, pource que je vous aime, Je ne puis à present vous nommer mon époux, Depuis qu'un scelerat offence un nom si doux ; Et je veux à present vous estre si fidele, Que mesme ma vertu vous semble criminelle, C'est d'un grand⁎ de la Cour que je pleure l'erreur, Non y participant, mais en ayant horreur. Les Grands⁎ croyent par fois les rendre legitimes. Grand⁎ Prince, je le veux Si vôtre sentiment est conforme à mes vœux ; Faites grace à celuy que vous sçaurez coupable. Pour vous confesser tout, c'est bien un grand delit Que de vous offencer jusques sur vôtre lit ; On m'a sollicitée à vous estre infidele⁎, Je serois sans honneur si j'eusse esté sans zele ; Mais j'ay dit constamment nonobstant cét effort, Que je souffrirois moins cét affront que la mort, Je vous en donne avis. Oserez-vous l'oüir si je vous l'ose dire, Ou punir un méchant sans souffrir un martyre ? Si l'Empire est taché de son ignominie ? C'est Crispe. Grand⁎ Prince, je ne puis supporter cét orage, Qui rend des yeux si doux approchans de la rage ; S'il est vray que ce Prince ait commis ce forfait⁎, Mon refus a puny tout le mal qu'il a fait, Comme en vôtre faveur j'aymois son avantage, Je luy parlois d'amour pour quelque mariage ; Il m'a dit là-dessus que seule il m'honoroit, Et s'il aimoit ailleurs que son cœur m'adoroit : J'ay pris pour compliment ce trait de fantaisie, Croyant dans m'a froideur qu'il fut sans frenesie, Mais il m'a répondu qu'il seroit comme vous, Et n'estant pas mon fils qu'il vouloit m'estre époux ; Mon rebut échauffoit sa premiere poursuite, Et je n'ay pû sauver mon honneur qu'à la fuite. J'ay debattu long temps si je vous le dirois, Pendant que du plaisir que je vous causerois, De me voir en effet épouse legitime, Il naistroit du regret de voir d'ailleurs son crime ; Apres tout redoutant un semblable attentat, Et prisant mon honneur plus que tout vôtre Estat, J'ay creu que je devois pour n'estre pas surprise, Vous découvrir icy toute son entreprise. Je croy qu'il se repent d'un forfait⁎ plein d'horreur, Sa raison ayant moins agy que sa fureur ; S'éloignant de la Cour il s'est puny luy-mesme, Quoy qu'il vous ait fait tort, si faut-il que je l'aime ; Ne le poursuivez pas jusqu'à l'extremité, Il n'a pas fait de mal, bien qu'il l'ait souhaitté, C'est le crime d'un fils, donc punissez-le en pere, Et laissez l'impuny si vous me voulez plaire. Il est vray qu'il a tort de s'éloigner ainsi, S'il en a du plaisir j'en ay bien du soucy. En cas qu'on me l'eust dit, j'eusse empesché sa fuite, Mais il s'en est allé sans témoins et sans suite, Qui le gagne le perd, je l'obligeois⁎ assez, Son cœur reconnoit mal tant de bienfaits passez ; Au reste à ton amour il est impenetrable, Et l'aimant tu ne peux qu'estre fort miserable. Comme je luy parlois d'agréer ton ardeur, Il ne m'a témoigné que beaucoup de froideur ; Et pour t'oster enfin tout sujet d'esperance, Ayant sceu ton dessein⁎ il sort de ta presence. Croyrois-tu qu'il rejette un amour legitime, Pour en aimer ailleurs une autre dans le crime ? Il poursuit une Dame inégale à son rang, Et qu'il ne peut cherir qu'il ne choque⁎ le sang ; Cette nouvelle donc qui n'est que trop certaine, Te doit laisser pour luy moins d'amour que de haïne. Soit-il bonheur ou non, c'est ce qui l'a perdu. Ah ! ce mot m'importune, Comme il ne peut l'aimer que par un grand forfait⁎, Je ne puis t'en parler que dans un mesme effet ; Tu l'apprendras pourtant plustost que tu ne penses, Et perdras tous tes vœux perdant tes esperances. Sa presence m'estant un agreable objet, Son absence m'afflige⁎ à tres-juste sujet ; Ne croyez pas pourtant que son depart m'offence, Son plaisir m'est encor plus cher que sa presence ; C'est plustost l'Empereur qui s'en est irrité, Et nomme trahison une legereté. Comme j'ayme ce Prince en quel lieu qu'il puisse estre, Jusqu'au poinct que luy seul a pû le reconnaistre. J'ay tâché par douceur d'appaiser son courroux, Mais je l'aigrissois plus le voulant rendre doux ; S'il ne revient bien-tost, je crain pour sa personne ; Prenez en bonne part, lavis que je vous donne. Je ne vois pas au moins qu'on l'ait desobligé. J'estime apres avoir bien pesé cette affaire, Que pour sauver le fils, il faut gagner le pere. Quoy qu'en se retirant il m'ait bien affligée⁎, Au poinct que j'attendois d'en estre soulagée ; Je veux l'aider, Madame, et tiens à grand bienfait De pouvoir l'obligeant⁎ vous servir en effet. Si vôtre fils, grand⁎ Prince, a failly contre vous, Soyez pere envers luy si vous m'estes époux ; J'aime mieux son salut que voir vôtre vengeance, Et s'il est affligé⁎ je suis sans allegeance ; Et quoy qu'il ait peché, vous estes tousjours pere, Que l'amour envers luy vainque vôtre colere ; En fin pour m'obliger⁎ d'un bienfait eternel, Donnez à mes desirs ce noble Criminel. O clemence infinie, Qui doit punir l'offence, et la laisse impunie ! Oui, Madame, sa mort me semble déplorable, Mais sa faute autrement sembloit irreparable. Mon cœur parle bien moins que l'interest du pere. Quoy qu'il en soit, Madame, au moins son fils est mort. L'Empereur se craignoit de quelque intelligence ; Il l'étouffe avec luy, c'est un trait de prudence. Si ne s'émeut-il pas de voir Crispe sans vie. Je voudrois de ma part aider à la vengeance, Et mes douleurs pourroient trouver de l'allegeance ; Mais je n'ay pas le cœur. Celuy qui veut couvrir un forfait⁎, y consent. Trop d'amour envers luy m'a failly mettre en peine. Puis qu'il pretendoit estre autant que l'Empereur, Quel cœur pourroit aimer cét excés de fureur ? Madame, avec raison je regrette sa perte, Mais ne l'excusez point sa faute est découverte ; Et puis il ne faut pas en matiere d'Estat, Employer son credit⁎ pour un tel attentat. Donc le sang de ce mort m'apprendra mon devoir ? Invisible qu'il est, il me semble le voir, Qui me dit par reproche ; ha ! marastre⁎ infidelle, Tu ne seras plus mere estant si criminelle ; Je vois encor briller ses yeux, Combien que le trespas les ait rendus fort sombres, Et qui semblent blâmer les Cieux, De me pouvoir souffrir ailleurs qu'entre les ombres. Pardonne-moy, cher Crispe, au moins apres ta mort Mon amour immortel me fait voir que j'ay tort ; Je devois moins t'aimer ou t'estre moins severe, Et ne te perdre⁎ pas, si tu m'avois peu plaire ; Ta vertu causa tes tourmens, Et dans tout son bonheur, Fauste fut malheureuse, T'ostant tous les contentemens Afin de contenter sa fureur amoureuse. Si j'ay causé sa mort ne dois-je pas mourir ? Et le puis-je survivre ayant pû le cherir ? L'Innocent a souffert le supplice du crime, Mais je dois l'endurant le rendre legitime ; Et je ne sçaurois plus rien voir, Ayant eu tant d'amour ensemble et tant de haine, Et tout le monde doit sçavoir Que si j'ay fait le mal, j'en porte bien la peine. Mourons donc maintenant puis que c'est la raison, Vangeons par le poignard ce qu'a fait le poison, Allons jusqu'aux Enfers satisfaire à son ombre, Les Furies y sont, et je seray du nombre ; Que peuvent-elles avoir fait Qui ne semble estre doux l'opposant à ma rage ? Et peut-on commettre un forfait⁎, Qui prés du mien ne soit plustost vertu qu'outrage. Mais ne devant plus vivre, il ne faut pas mourir, Le mal subsiste encor, et je le dois guerir ; Comme j'ay cy-devant⁎ chargé son innocence, Je la dois décharger⁎ suivant ma conscience ; Crispe, je m'en vay t'excuser, Et par mesme moyen me rendre inexcusable ! Mon époux, j'ay pû t'abuser, Tu ne peux doncques pas m'estre qu'impitoyable ? Je ne m'en émeu pas ayant sceu la nouvelle, Me doutant que ce fust quelque bruit infidele⁎ ; Maintenant que je voy la verité du fait Je ne puis plus me feindre⁎. Il faut suivre mon Crispe, et mourir comme luy. Mon decés fera voir qu'encore mort je l'aime. Je m'en vay découvrir l'unique autheur du fait. Je demande justice, et pour vous et pour moy. Il faut icy vanger la mort de l'innocence. Apres que Crispe est mort il faut faire perir Cét esprit qui l'aimoit pour le faire mourir. Vous estes excusable, S'il est mort innocent, c'est moy qui suis coupable. C'est moy qui l'accusay du crime que je fis, Voulant un autre époux, je vous ostay ce fils. Non, je n'ay pas perdu l'usage de raison, Mais j'ay perdant ce fils perdu vôtre maison⁎. Je dis la verité n'ayant plus d'impudence. Je le sollicitay, mais il me resista, Et l'amour me quittant la fureur m'emporta. Lors je vins l'accuser pour colorer mon crime, Croyant qu'estant couvert⁎ il seroit legitime ; J'ay fait ce que j'ay pû pour cacher mes excés, Mais je meurs mille fois ayant sceu son decés. Il m'oste le repos aussi bien que la vie, De jour comme de nuit je m'en vois poursuivie. Ne l'apperçoit-on pas qui d'un regard affreux, Vient m'arracher le cœur et me pocher les yeux ? S'il n'estoit que douceur, il n'est plus que vengeance, Aussi ne suis-je plus un objet de clemence : Acheve donc, cher Prince ; hé ! tu ne le veux pas, Mais pour mieux me punir retardes mon trépas ! Si Crispe est debonnaire, Il me faut irriter la fureur de son Pere, j'ay mis ton fils à mort, fais moy doncques mourir, L'innocent n'estant plus, ne dois-je pas perir ? Qu'il soit tel, je le veux, mais c'est la verité ; Je cherissois ton fils, non pas comme une mere, Mais comme une marastre⁎, ou comme une Megere⁎; Je le veux suivre ailleurs, mais c'est moins par amour, Qu'en effet me voyant estre indigne du jour. Dedans vôtre equité vous vous rendez coupable, D'aviser seulement si je suis excusable : Vous redoublez encor le crime que j'ay fait, Quand vous me laissez vivre ayant veu mon forfait⁎. Pour punir un tel crime on fait trop de mysteres. Il est vray qu'il est lent, Tout supplice m'est doux, bien qu'il soit violent. **** *creator_grenaille *book_grenaille_innocentmalheureux *style_verse *genre_tragedy *dist1_grenaille_verse_tragedy_innocentmalheureux *dist2_grenaille_verse_tragedy *id_helene-mere *date_1639 *sexe_feminin *age_veteran *statut_maitre *fonction_mere *role_helenemere C'est un objet bien rare à mes yeux de te voir. Je t'excuse en effet, et ne me plains pas d'elle, C'est la Foy⁎ seulement qui la trouve rebelle ; Son esprit, et son corps sont parfaits à ce point, Que s'ils pouvoient changer, ils ne le seroient point. Mais ces excellens dons ne sont que dommageables, Si la Religion ne les rend venerables; Tasche doncques, mon fils, de luy gagner le cœur, Afin que par tes soins⁎ Dieu mesme en soit vainqueur. Tu luy dois témoigner de la reconnoissance, Et ne luy peux donner que cette recompense. T'aimant comme elle fait, elle aura mesmes vœux, Et voudra recevoir la Foy⁎, si tu le veux. Croy que ton accortise aura beaucoup de force ; Qui resiste à l'effort, par fois cede à l'amorce⁎. Suis avecque grand soin⁎ ses moindres sentimens, Et qu'en tout ses humeurs reglent tes mouvemens ; Il te la faut gagner par de si bons offices, Qu'en fin tous tes advis soient toutes ses delices⁎. L'Empereur agira puissamment envers elle, Son pouvoir neantmoins a besoin de ton zele ; Puis donc que nous avons mesme dessein⁎ que luy, Pour l'achever bien tost, commençons aujourd'huy. Puis qu'en fin mon Amour doit ceder à ta gloire, Puisses-tu me quittant rencontrer la Victoire ! à te voir seulement on voudra t'obéïr, Il faut ne s'aimer pas pour te pouvoir haïr, Tant de belles Vertus et des attraits si rares Changeront en douceur l'humeur de ces Barbares. Adieu. Croy que l'Imperatrice agit pour t'obliger⁎, Et la desobligeant tu nous vas affliger⁎, Reconnois en ce poinct l'amour qu'elle te porte. Un pere ne doit pas trouver un fils rebelle. Mon fils, tu dois priser⁎ l'amour d'une marastre⁎. Crispe s'est mal conduit en partant de ce lieu, Sans nous en avertir, et sans vous dire adieu ; La prudence n'est pas vertu de la jeunesse, Sa promptitude agit plustost que son adresse, Madame, s'il vous semble estre peu circonspect, Que son depart pourtant ne vous soit plus suspect ; Je sçay qu'il vous cherit autant qu'il vous honore, Et pour vous seulement la Cour luy plaist encore. Ce Prince est trop bien né pour couver dans le sein⁎, Parmy tant de bonté quelque mauvais dessein⁎; Je n'ay pas pû sçavoir ce qui peut luy deplaire, Mais il estoit en peine aussi bien qu'en colere. C'est de trop de plaisir qu'il est donc affligé⁎. Aydez-nous donc, Madame, à sauver un sujet Dont les respects vous ont toujours eu pour objet. Ainsi vôtre clemence à nulle autre seconde, Gagnant un seul sujet gagnera tout le monde. Un Prince qui ravit les cœurs comme les yeux, Ne vit pas dans la Cour long temps sans envieux ; Il n'est point de vertu que l'on ne calomnie, Ce qu'on peut asseurer contre luy, je le nie ; Et crois asseurément que son plus grand forfait⁎, C'est d'estre trop aimable⁎ et d'avoir trop bien fait. Madame, en l'offençant vous m'offencez aussi, L'excusiez-vous devant⁎ pour l'accuser ainsi ? Croyez qu'il n'en a point, Madame, en cette affaire. Cela n'est que trop vray, mais c'est toujours à tort. L'Empereur n'ayant point minuté ce forfait⁎, L'on ne peut sans peché le charger de l'effet. Si verrez-vous pourtant sa mort bien poursuivie : Et le Ciel est menteur s'il ne met pas à mort Ceux qui firent mourir sa joye et mon support. De vanger l'Innocent ? Vôtre cœur n'a donc plus pour luy que de la haïne ? Il n'est plus d'innocent si mon fils est coupable, Fauste, Helene, en un mot, chacun est execrable. Cher Prince tu peux voir si tu devois cherir Ces yeux qui sans pleurer t'ont regardé perir ! Mais son sang neantmoins vous fera voir, Madame, Que du forfait⁎ qu'on dit, quelque autre en a le blâme. Et vous vivez encor, le Prince estant sans ame ? Qu'avoit fait vôtre fils ? Quel tort pouvoit avoir un fils plein d'innocence ? Et quelle est cette offence ? Vôtre cœur peut-il rien celer⁎ à vôtre mere ? Il vous honoroit tant. Il estoit tout à Fauste. Pouvez-vous accuser une si pure flamme⁎ ? Quels en sont les témoins ? Fauste ne dira pas que Crispe soit coupable. Les objets le cherchoient, il en trouvoit ailleurs. Pour voir de grands malheurs ne cherchons pas les Fables, On peut trouver icy des Phedres veritables. Fauste dans son amour pour se tirer de peine, A fait voir à ce coup⁎ sa prudence et sa haine ; Je voy bien que son zele estoit pernicieux, Elle le cherissoit pour le rendre odieux. Fauste aussi n'y doit pas accuser l'innocence. Vivez apres avoir veu perir vôtre image, Ce sont là de beaux fruits d'un second mariage ; Il vous ravit⁎ un fils digne d'estre Empereur, Pour ne vous engendrer que des sujets d'horreur. Donc pour avoir suivy les humeurs d'une femme Tout couvert de Laurier, on vous couvre de blâme ? Rappellez maintenant un Prince si parfait, Et le resuscitez, s'il est mort en effet. C'est contre mon desir que je demande un don, Mais la Foy⁎ nous aprend qu'il faut faire pardon ; Fauste pour elle mesme est vrayment punissable, Trois innocens pourtant la rendent excusable ; Ils sont foibles encor, ne la leur ostez pas, Ou vous les tuez tous pour venger un trépas. Le sang m'enseigne l'un, et le Ciel m'aprend l'autre. Mais la mettant à mort vous estes pour mourir, Et perdant tout son sang Constantin va perir. Dedans la probité son mal ne me plaist pas, Mais j'ay bien de la peine à pleurer son trépas. **** *creator_grenaille *book_grenaille_innocentmalheureux *style_verse *genre_tragedy *dist1_grenaille_verse_tragedy_innocentmalheureux *dist2_grenaille_verse_tragedy *id_crispe *date_1639 *sexe_masculin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fils *role_crispe Je choque⁎ mon desir autant que mon devoir, Je m'accuse, Madame, entendant vôtre plainte ; Mais je ne peche point agissant par contrainte : Car Fauste me retient si long temps pres de soy, Qu'il ne m'en reste plus ny pour vous ny pour moy. Il le faut avoüer, elle m'oblige⁎ tant, Qu'à peine l'Empereur en sçauroit faire autant ; Elle n'est pas marastre⁎, elle m'est plus que Mere, Tout son plaisir consiste à me pouvoir complaire⁎; Mais je puis bien aussi l'obliger⁎ à mon tour, En luy donnant la Foy⁎ pour prix de son amour. Je vois un naturel si haut⁎ et si sensible, Que de tous les grands biens il paroist susceptible ; Et l'on peut bien juger par ses affections, Que la mesme vertu forme ses passions. Pour faire vaillamment il me faut commencer A suivre un Conquerant qu'on ne peut devancer; Mais je n'ay point de peine à prodiguer ma vie, Si c'est mon vray bon-heur⁎, comme c'est mon envie. La Cour ne m'est plus rien quand je songe aux combats : Et je crains seulement qu'on ne me choque⁎ pas; Il m'ennuie à present de tenir cette épée, Car je la vois briller, l'aimant mieux voir trempée. Ce n'est pas mon dessein⁎ non plus que mon desir, Recherchant du travail, de trouver du plaisir ; Qu'ils se defendent bien, je n'aime de conqueste Que celle que j'obtiens au peril de ma teste. Adieu Madame, C'est doncques sans effet que j'ay de la puissance ? On me donne une charge afin de me l'oster, On me dit que je marche expres pour m'arrester ; Qui commande l'armée ? est-il homme de marque ? Je suis fils d'Empereur quand il seroit Monarque ; Un pere a tout pouvoir sur ce qui m'appartient, Mais non pas pour m'oster l'honneur qu'un autre obtient. Cette opposition doit estre une surprise. Un illustre danger m'est tousjours souhaitable, Comme un plaisir honteux ne m'est qu'abominable, Elle ne devroit pas acheter son bonheur Au prix de mon tourment et de mon deshonneur. Et pour la rompre en fin, je veux partir plus viste. Un Prince ne doit pas se soûmettre à sa femme, Ny pour la trop priser⁎ mettre un fils dans le blâme, On dira que c'est moy qui charmé de la Cour Ne sçaurois sans mourir, vivre ailleurs un seul jour ; Mon renom souffrira cette honteuse tache, Si j'estois genereux je passeray pour lasche ; Bien loin d'estre un grand Chef je seray Courtisan, Et l'Amour sans l'honneur sera mon partisan ; Je vay tout de ce pas obtenir ma dépesche, Car il n'est pas seant qu'une femme l'empesche. Qui me voudroit haïr m'aimeroit de la sorte, Sa grandeur va tousjours sur ses contentemens, Pourquoy n'auray-je pas les mesmes sentimens. Je ne dois pas aussi n'obeïr que pour elle. On nous éprouve encor quand il est differé. Cet amour est trompeur puis qu'il est idolâtre. Procle, tu m'aymes bien, mais tu cheris ma sœur, C'est aussi mon dessein⁎ de t'en voir possesseur ; Adelaïde aussi me semble si parfaite, Qu'il me faut dans ma force avoüer ma défaite ; Je ne semblois haïr que les contentemens, Mais enfin je me vois au nombre des Amans. Son discours⁎ me plaira s'il s'accorde à ma flamme⁎ ; Mais hors d'un seul objet je n'en sçaurois plus voir, Et ce n'est mon humeur non plus que moin devoir. Souvent plus il est grand plus il est infidele⁎: Mais pour voir les effets de tant de beaux desirs, Et changer à la fin tous nos feux⁎ en plaisirs ; Va-t'en voir ma Princesse, et sans te mettre en peine, Croy que me la gagnant tu gagneras Helene. Fin du second acte. Vous ne pretendez-pas à ce conte que j'aime, Madame, s'il n'est rien de si grand que vous-méme. Si vous luy permettez de vous estre semblable, Vous seule neantmoins me semblez adorable⁎. Mon cœur est bien attaint, mais non pas arresté ; Je mesure mon feu⁎ pour des sujets que j'aime, Mais mon zele envers vous paroist toujours extréme. Mon respect n'en peut voir qu'un effet limité. Il me souvient toujours de qui vous estes femme. Quoy ? C'est contraindre mon cœur que de luy faire aimer Un objet hors de vous qu'il ne peut estimer, Si je suis tout à vous pourrois-je estre à quelque autre, Ou bien pretendez-vous que je ne sois plus vôtre ? Je sçay qu'Adelaïde a quantité d'attraits, Et je resiste mieux aux armes qu'à ses traits ; Mais si je la cheris c'est comme une Maistresse, Et vous comme ma Mere, et comme ma Princesse. Vous avez tout pouvoir bannissez toute crainte. Je ne puis m'irriter de vos contentemens, C'est vôtre déplaisir⁎ qui fait tous mes tourmens. Vous me pouvez toujours parler avec empire. Madame, j'ay besoin d'un autre truchement. Au lieu de luy ravir⁎ le premier de ses droits, S'il estoit mon sujet je le luy cederois ; Madame, je ne puis entendre ce langage, Ne m'avantagez-pas à son desavantage. Tout autant que je peux, Si c'est moins que je dois, n'en blâmez pas mes vœux. Dites quelle vous peut estre la plus fidele. Si vous me commandez d'affronter le trépas, La vie m'est à charge avec tous ses appas⁎; J'immole à vos plaisirs toute ma renommée, J'aime mieux vous servir que commander l'armée : Voulez-vous que jamais Crispe ne soit qu'à vous, Et que pour vous servir j'abhorre d'estre époux ? L'Empereur seul a droit sur ce bonheur supréme, Et le nom et l'effet doit estre pour un méme. Ce plaisir pretendu me rend mal satisfait. Je promettois en fils, vous demandez en femme. Constantin m'a produit. Quoy ? priser⁎ tant le fils pour mépriser le Pere ? Madame, avec l'honneur vous perdez la raison. Mais les plus inhumains ont d'autres sentimens ! Vous voulez m'éprouver. Les Cieux peuvent-ils voir et souffrir ce dessein⁎ ! Dieu vangeur vous entend. Certes vôtre sagesse est sans comparaison Puisque les animaux fondent vôtre raison ; Si vos Dieux estoient vrais, on verroit la tempeste Pour vous guerir le cœur vous écraser la teste ; Mais vous n'avez de Dieux sinon ceux qui sont faux, Et qui loin de punir approuvent vos defaux. C'est Crispe qu'à bon droit Dieu juge abominable, Ayant permis ainsi qu'il vous parût aimable⁎. Ciel ! tu m'as fait du bien pour me faire du mal, Tu me favorisois pour m'estre plus fatal ; Je vois dans cét amour que tu m'avois en haine, Puis-je rien esperer si ma grace est ma peine ? Foudroye maintenant ces deux chefs malheureux, Que ton feu maintenant vienne esteindre ces feux⁎; Oüy je suis criminel d'avoir causé sa flamme⁎, Et ce corps doit perir qui brûle ainsi son ame. Si suis-je son tableau. Vostre poursuite est vaine, Cét amour ne peut rien meriter que ma haine ; Je vous dois resister si je suis si parfait, Et ma vertu ne peut approuver ce forfait⁎. Demander un tel crime avec de telles larmes ! Et pour perdre l'honneur employer tant de charmes ! Les peut-on estimer ? Mais vous peut-on aimer ? Jamais la repentance Ne peut suivre que ceux qui commettent l'offence. Et si vous m'aimez plus gardez vous de mourir. Sans doute l'Empereur la doit trouver honneste. Je voudrois avoir fait icy moins de discours⁎, Je ne maudirois pas aujourd'huy mes amours. Pour l'avoir trop esté, Procle, il me desespere ; Mais, adieu, cher Amy. Je te cache le mal pour te dire le bien. Tu dois lire en mon ame ; Mais de te dire tout je ne le puis sans blâme. Bien loin de m'agréer sa Cour m'est en horreur. Elle ne m'arrestoit que pour ses interests, Et pour eux, Procle, aussi, croy que je disparais. Avertis l'Empereur que son fils se retire Pour l'heur de sa maison⁎, comme de son Empire. Tu sçais que sans amy mon cœur ne sçauroit vivre. Pour rendre neantmoins ce voyage asseuré, Tu dois suivre la Cour quand je la quitteray. Et nous separera lors que vous le sçaurez, Car je pretens mourir. **** *creator_grenaille *book_grenaille_innocentmalheureux *style_verse *genre_tragedy *dist1_grenaille_verse_tragedy_innocentmalheureux *dist2_grenaille_verse_tragedy *id_helene-fille *date_1639 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_helenefille Madame, l'Empereur éloigne de nos yeux, Ce Prince qui faisoit et sa gloire, et nos voeux. Sa grande renommée L'a fait choisir d'abord⁎ pour conduire l'armée. Comme il aime la gloire, Il fuit tous les plaisirs pour suivre la victoire. L'Empereur là dessus n'escoute point sa mere ; Madame, c'est en vain qu'elle a fait sa priere ; Mais vous estant son cœur, et reglant ses desirs, De grace conformez son ordre à nos plaisirs. Il ne s'en ira pas, appaisons nos douleurs, La joye seulement doit avoir de nos pleurs. Elle l'a retenu. Elle le voit tousjours, et le veut tousjours voir, Et n'a que pour luy seul de cœur ny de pouvoir ; En outre elle parloit de quelque mariage à dessein d'arrester par l'amour son courage. L'Imperatrice seule a pouvoir de luy plaire. Elle doit luy choisir celle qu'il doit aimer ; Sondez bien ses secrets pour nous en informer. Seigneur, à qui je dois et l'honneur et le jour, Et qui joignez si bien la grandeur à l'amour ; Ne vous estonnez pas si parmy vôtre joye, Vous voyez maintenant qu'en mes pleurs je me noye. Je crain quelque accident qui luy pend sur la teste. Le present luy rit bien, mais je crain l'avenir. Non ; mais le cœur me dit qu'on m'en fait un mystere. Mon frere, helas, estant party d'icy, J'ay cherché du repos pour charmer mon soucy ; Lors il m'a semblé voir Minervine ma mere, Qui m'a dit ; tu ne dois jamais plus voir ton frere, Un cœur qui l'adoroit recherchera sa mort, Pour avoir trop bien fait, il aura tout le tort. Sortant de ce repos je me trouve à la géne, Crispe estoit tant aimé, qui peut l'avoir en haine ? Vous l'avez estimé moins encor que chery, Fauste en faisoit son Dieu comme son favory ; S'il meurt donc ce sera par la main d'un barbare⁎ ; Mais il conserveroit une vie si rare, Et quelque fier qu'il soit, s'il n'est plus qu'inhumain, Mon frere est trop charmant pour mourir de sa main. J'adoucissois ainsi ma premiere tristesse Mais plus je l'affoiblis, et plus elle me presse, M'avertissant fort bien qu'il faut moins s'asseurer Lors que la seureté semble tousjours durer, J'ay crû que je devois en avertir un pere, Qui cherissant la sœur doit plus cherir le frere : Détournez, Monseigneur, un si malheureux sort⁎ ; Crispe ne peut mourir qu'on ne vous mette à mort, Vous perdrez avec luy l'heritier de l'Empire, Vôtre mere et sa sœur vont perir s'il expire ; Fauste qui ne vivoit qu'en voyant ses apas, Ne pourra le voir mort sans souffrir le trépas. Je m'en vay publier⁎ ma joye et son bonheur, En dépit de l'enuie il vivra dans l'honneur. Procle m'estoit connu, mais je le méconnoy, Ses joyes sont ailleurs, et ses pleurs sont pour moy. Si faisois-je devant⁎ toute son allegresse. A quelque autre party, Procle, s'est-il rangé ! Crispe que t'a-t'il fait ? Qui peut avoir rompu cét intime lien ? Vous n'aviez en deux corps qu'un seul cœur, et qu'une ame ? Quelque grand accident vous a donc separez. Mais que fait-il encore ? Je sçay bien que mon cœur ne l'a pas offencé ; Si mon pere s'aigrit son courroux est passé. Et moy je passionne, De voir Crispe plustost que toute autre personne. Quelque mal que j'attende, au moins j'ay ce desir. Je croy qu'il est blessé. Tu montres que ton cœur en eust bien peu de soin⁎. Fais-moy donc tout sçavoir, tu sçais que je t'adore. Poursuis. Si je te fais du mal, je puis bien t'en guerir. Je prevois un malheur à voir ta contenance, Et mon songe sans doute, aura trop de creance, Procle, mon frere est mort ? Crispe mon frere est mort, ce beau corps est sans ame ! Dieux ! il me faut perir, c'est trop peu que je pâme ; Nous nâquimes tous deux à mesme poinct de temps, De mourir avec luy, c'est le bien⁎ que j'attens. Ton cœur me le celoit me pensant obliger⁎ ? Affliger⁎; c'en est fait, Helene n'a de vie Que pour voir dans ce jour qu'elle luy soit ravie⁎. Et comment est-il mort ? Il n'eust sceu redouter que quelque trahison. Que dira l'Empereur, mais que dira sa femme ? Sont-ils pas pour mourir si l'autre a rendu l'ame ? Helene aussi ma mere ; ha ! ce seul souvenir M'empesche de parler et de me soûtenir. Fin du quatriesme Acte. Vous voyez, Monseigneur, dans l'effet de mon songe, Que c'est la verité qu'on appelloit mensonge ; Mon frere toutefois n'est mort que par moitié, Achevez donc sa mort par haine ou par pitié : C'est pour me voir vivante en ce lieu que je pleure, Je nâquis avec luy pour mourir à mesme heure ; La nature eust grand tort de nous unir tous deux, Si je vis malheureuse, et s'il est mort heureux ; Je vous declare encor que s'il fut dans l'offence, Sa sœur pareillement n'est plus dans l'innocence ; Mais avant que perir, que j'embrasse son corps, Pour me voir avec luy mettre au nombre des morts. Maintenant que nos yeux ont épuisé nos larmes, Dy nous comment mourut ce vainqueur loin des armes. Je meurs. Oüy, Procle, je me rends à ce doux compliment, Et sans qu'il faut mourir nous vivrions doucement. **** *creator_grenaille *book_grenaille_innocentmalheureux *style_verse *genre_tragedy *dist1_grenaille_verse_tragedy_innocentmalheureux *dist2_grenaille_verse_tragedy *id_procle *date_1639 *sexe_masculin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fils *role_procle Madame, dés qu'on sent l'ardeur d'un si grand feu⁎, Pour bien couvert⁎ qu'il soit, il paroist quelque peu, j'ay caché jusqu'icy le transport⁎ de mon ame, Apprehendant qu'il eust moins d'effet, que de blâme ; Mais je ne crains plus rien ayant un tel secours, Et tousjours vous verrez mon cœur dans mes discours⁎. Je sçay bien ses desirs ; mais toutefois, Madame, Dans une belle humeur, il est du tout sans flame : Ouy son ame est sans feu⁎ quand Mars ne l'esmeut pas ; Et Venus luy déplaist, bien qu'il ait ses appas⁎. Tous ses ressentimens⁎ ne sont que pour vous mesme, Je l'honore, dit-il, bien plus qu'elle ne m'aime ; Que mon pere est heureux possedant un objet, Qui derechef luy rend tout le monde sujet ! Puis que dans tous mes biens sa grandeur s'interesse, Il faut que tous mes vœux soient pour cette Princesse ; Il m'entretient ainsi de vos perfections, Qui font tous ses respects, et ses affections. Madame, il vous cherit comme sa propre mere. Madame, asseurez vous qu'il ne luy peut ceder, Qu'au seul droict qu'un espoux a de vous posseder. Si vous ne voyez pas son ame toute nuë, C'est que sa passion cede à sa retenuë. C'est vôtre Confidente, on a fort parlé d'elle. Vous sçavez son secret. Madame, si son cœur mes discours⁎ ne rejette, Vous serez obeïe, et l'autre satisfaite. S'il peut s'en rencontrer une qui vous égale, Madame, il est content d'aimer vôtre Rivale, Mais vous n'en ayant point, et n'en pouvant avoir, Comment peut-il aimer ce qu'il ne peut pas voir ? Madame, vous pourrez connoistre par effet Que mon discours⁎ est vray comme il vous satisfait, Procle s'abuseroit en trompant sa Princesse, Car sa perte soudain puniroit sa finesse, On surprend des Esprits indignes de respect, Je vous honore trop pour vous estre suspect ; Vous possedez ce fils beaucoup plus que son pere. Crispe se reconnoit obligé dans moy mesme, Madame, ayant receu cette faveur extreme. Je m'en vay publier⁎ l'effect d'une bonté Qui n'a rien de pareil sinon vôtre beauté. Il n'est point de grandeur ny de beauté si rare Qui me puisse toucher si je vous la compare ; Et dans le beau dessein⁎ que j'ay de vous servir, Rien ne m'agrée ailleurs, bien loin de me ravir. Je ne crois pas pourtant que mon amour vous blesse⁎ Quand vous prisant⁎ sur tout, j'honore une Maistresse ; Il est vray qu'ayant veu qu'elle est de vôtre sang, Un Prince peut à peine aspirer à son rang ; Mais si mon cœur l'obtient de vous pour recompence, Je l'aymeray tousjours moins que vostre alliance: Et quoy que cét Hymen nous rende bien-heureux, C'est pour vous seulement qu'elle aura tous mes vœux. Fauste au surplus vous doit parler de quelque Dame. Cette Marastre⁎ agit pour vous avec grand zele. Vous retirer, Monsieur, sans le dire à personne ? Ce projet vous rendra suspect à la Couronne. Vôtre amour n'a jamais esté que fort prospere. Quoy me celez⁎ vous rien ? C'est n'aimer qu'à demy. Vostre desir s'oppose aux vœux de l'Empereur. Fauste s'offencera, puisque son entremise A fait rompre tantost une méme entreprise. Donc vous me delaissez ? non, Monsieur, je vous suis, Car comme à vos douceurs j'ay part à vos ennuis. Ce m'est plus que mourir que de ne vous pas suivre. Grand⁎ Prince, vôtre fils vient de se retirer. C'est depuis deux momens. Il le fait, m'a-t'il dit, avec grande raison, Pour le bien de l'Estat et de vôtre Maison⁎. Il vous est trop acquis pour vous estre suspect. L'effet vous en plairoit, dit-il, sçachant la cause. Vous le sçaurez toujours. Il a craint sa poursuite, Et pour ne la pas voir il est party plus viste. Elle sçait son depart et non pas son secret, Car s'il estoit sa joye, elle a bien du regret. Grand⁎ Prince, je n'ay pû luy faire ouvrir le sein⁎, Il me faut comme à vous deviner son dessein⁎. Quel de ces deux malheurs, Procle, dois-tu choisir ! Voyant ton amy mort tu ne sçaurois plus vivre ; D'ailleurs ne vivre pas, c'est contre le desir De celuy qui mourant t'empescha de le suivre ; Crispe ne voulut point quand il souffrit la mort Que j'eusse ma part de sa peine, Je veux doncques faire un effort Pour n'avoir pas ma vie en haine. Mais las ! Crispe estant mort quel plaisir puis-je avoir ? Comme je l'ay perdu, je perdray mon Helene, Et je vis neantmoins seulement pour la voir, Et d'abord⁎ la voyant je la dois mettre en peine ; Ne vaut-il donc pas mieux que je meure à l'instant Pour la garantir d'un supplice, Que si pour estre trop constant Je la tuois par un service ? Toutefois de perir sans luy conter la mort De celuy qui m'en fit une expresse ordonnance, Ce seroit sans sujet me mettre dans le tort, Et tromper mon amour comme son esperance : Il faut donc maintenant que je l'aille trouver Pour l'affliger⁎ quoy que je l'aime, Et puis je pretens achever Mon malheur avec elle mesme. Mais helas ! que je crains que mes premiers propos Ne l'obligent soudain à perdre la parole ! Ne vaudroit-il pas mieux la laisser en repos, Que de l'aller blesser⁎ par un discours⁎ frivole ? Il faut dissimuler un si cruel⁎ trespas ; Pour insensiblement le dire, Et que Procle n'agissant pas, Elle se cause son martyre. Si Procle est affligé⁎, vous causez sa tristesse. Mais depuis quelque temps le sort⁎ est bien changé. Je suis trop honoré de vous faire service, Mais vôtre frere et vous m'estes un grand supplice. Ne m'en demandez rien. Pour bon amy qu'il fust, il est du tout sans flamme. Il ne vous aime plus, personne ne l'honore. Il ne vous sçauroit voir. Vous ne le verrez plus qu'avecque déplaisir⁎. Je ne puis en parler qu'avecque violence, Et vous le pourriez voir dedans la complaisance ? Il ne peut retourner ny s'en ressouvenir, Il faudroit le porter pour le faire venir. Son corps est sans blessure, Crispe n'a point de mal, c'est Procle qui l'endure. Il est allé bien loin. Peu de soin⁎; ha ! Dieu sçait si mon cœur le deplore. Enfin Crispe. Il me faudroit mourir. Crispe, Madame ; il faut encore des larmes, Crispe n'a plus icy de grandeurs ny de charmes. Vous lirez maintenant le reste dans mes yeux, Qui sans autre discours⁎ vous en parleront mieux. Vous mesme l'avez dit, Car pour vous l'annoncer j'estois trop interdit. Il me faut soûtenir cette belle Princesse, Accablé que je suis du regret qui me presse. Madame, vous mourez, au contraire il faut vivre, Car Crispe vous defend comme à moy de le suivre. Je differois tousjours à vous tant affliger⁎. Par l'effet du poison. Vous me faites mourir me demandant sa mort ; Pour vous faire plaisir je vay faire un effort. Vous avez bien apris qu'elle fut sa retraite, Et quoy qu'on la blâmast qu'elle estoit fort honneste ; Quoy qu'il fut bien content d'avoir quitté la Cour, Il maudissoit souvent le plaisir et l'amour ; Je croyois que son cœur vous trouvoit inhumaine, Et que vôtre froideur avoit causé sa haine ; Mais pour dire le vray, je ne le pûs sçavoir, Car sa langue en ce poinct cedoit à son devoir : Il se plaignoit pourtant, et disoit à chaque heure, Si je suis tant aimé, faut-il pas que je meure ? Lors je luy repartois, si l'on vous aime tant, Au lieu de mourir triste, il faut vivre content. Artaban là-dessus vint au nom de son pere, Et pour mieux le surprendre il taschoit de luy plaire : J'estois ravy de voir, qu'encore l'Empereur Eust pour luy de l'amour ayant eu de l'aigreur ; Cét Agent luy disoit que Fauste estoit sans ame, Et s'il ne revenoit qu'elle iroit sous la lame. Le Prince à ce discours⁎ n'avoit plus de couleur, Mais on nommoit amour un effet de douleur. Ce traistre confident sur le soir le convie Pour luy donner la mort dans l'aprest de la vie. On parle en ce festin de plaisir et d'honneur, Et le Prince au dehors est remply de bonheur ; Mais il a son malheur ay dedans de luy-mesme, Son visage de vif à l'instant devient blesme. Il chancelle. Il tombe renversé, Et sans sembler malade, il paroist trespassé. Artaban s'en estonne au moins en apparence, Nous prenons mille fois et perdons esperance ; On s'oppose à son mal pour empescher sa mort, Mais nous voyons nos soins⁎ trompez par son effort. Je m'escrie en pleurant, Crispe vous me laissez ! Et puis-je vivre icy si vous y trépassez ? A ces mots s'éveillant, il ouvre la paupiere, Et n'a pas peur de moy comme de la lumiere. Et puis se relevant d'une masle vigueur, S'il s'en va perdre l'ame, il semble prendre cœur ; On croit voir un Soleil regardant son visage, Le mal l'affoiblissant augmente son courage ; Et puis d'une voix forte, et d'un tres-doux accent, Que tous sçachent, dit-il, que je meurs innocent. Mon trépas neantmoins aura bien sa vengeance, Et mort je feray voir si je vis dans l'offence. Là-dessus il m'embrasse, et me baisant deux fois ; C'est pour toy, me dit-il, que j'ay repris la voix ; Mourant dans ton amy tu dois pourtant survivre, Ma mort estant injuste il la faudra poursuivre, Je ne t'en diray pas toutefois le secret, Ay-je esté si méchant si je suis si discret  ? Aime toujours ma sœur, honore ma Maistresse. Apres de tels propos ses yeux s'abbaissent fort, Nous le croyons vivant et nous le voyons mort ; Il me parle de vous, quand la douleur le presse, Dans ses convulsions encore il me caresse, Il se meurt de foiblesse, et je me meurs d'ennuy, Voyant que par son ordre il faut vivre apres luy ; Je pers à tout le moins la voix dessus sa bouche, Il semble un homme encor, mais je semble une souche. Il expire à la fin, je ne puis respirer, Et ne peux plus agir pouvant tout endurer. On croit que mesme mal me cause mesme peine, Mais pour mon plus grand mal cette creance est vaine. On le leve aussi-tost, on le fait visiter, L'autheur de sa mort tasche à le resusciter ; Mais enfin il est mort, en un moment la terre Perd en luy son Soleil et son foudre de guerre; Je voulois conserver ses restes precieux, Et perdre la lumiere ayant fermé ses yeux ; Mais suivant mon amour comme son ordonnance, Je suis venu vous voir et haster sa vengeance ; Et puis que son vouloir est conforme à mes vœux, Madame, recevez mes larmes et mes feux⁎. Je n'aimois que luy seul, je n'aimeray qu'Helene, Il passoit pour mon Prince, et vous serez ma Reine. On a porté le corps de Crispe. **** *creator_grenaille *book_grenaille_innocentmalheureux *style_verse *genre_tragedy *dist1_grenaille_verse_tragedy_innocentmalheureux *dist2_grenaille_verse_tragedy *id_adelaide *date_1639 *sexe_feminin *age_jeune *statut_maitre *fonction_fille *role_adelaide Je sçay que l'Empereur vous a dit son dessein⁎; Il ne s'esclorra pas s'il n'est que dans mon sein⁎. Est-il vray que son fils doit quitter sa presence, Et qu'un si doux sujet sort par la violence ? Ce Prince a-t'il peché pour estre ainsi banny, Et n'a-t'il de renom que pour estre terny ? Mais que sera la Cour sans un si beau Soleil, Et qu'y peut-on plus voir s'il nous cache son œil ? Ce Prince estoit le Dieu des Seigneurs et des Dames, Et d'éloigner son corps, c'est leur ravir⁎ leurs ames. Il a vaincu tousjours quand il a combatu. Il peut perdre du sang faisant un grand carnage. Trop de cœur quelquefois nous fait perdre le jour. Il doit doncques partir ? Et je crains qu'on le tuë. N'est-il point de moyen, Monsieur, de l'empescher ? Si j'avois du credit⁎ j'en suspendrois l'effet. Chacun est bien content qu'on ait soin⁎ de sa vie. Le funeste⁎ repos qui me met en fureur ! Que j'avois tort d'aimer un sujet trop aimable⁎, Qui m'afflige⁎ plustost qu'il ne m'est favorable ? Je le perds en effet sans l'avoir possedé ; Et tout mon bien⁎ consiste à l'avoir regardé. Qu'on tombe bien souvent pensant toucher le faiste⁎, Et qu'un grand calme attire une grande tempeste ! Allons le salüer pour mon dernier devoir, Mes yeux voyez-le encor, ne le devant plus voir. Fin du premier Acte. Que j'admire son zele, Et que j'ay peine à croire une douce nouvelle ? He Dieux ! quelle Princesse auroit assez d'appas⁎ Pour pouvoir arrester son cœur comme ses pas ? Mais il veut une femme, et Fauste n'est que mere. Et c'est là mon malheur d'estre sa Confidente, Car ce nom me defend d'estre sa concurrente ; Si je cheris ce Prince elle me peut haïr, Croyant que mon amour ne tend qu'à la trahir. Mais aussi n'aimer pas celuy qui me possede ? Il faut que pour ce poinct ma Princesse me cede, Ou qu'elle m'abandonne, et que j'aye un seul bien⁎; C'est d'estre toute à Crispe et de n'estre plus rien. Et puis, elle ne peut s'opposer à ma flamme⁎, Qu'elle soit sa marastre⁎, et je seray sa femme ; Elle m'assistera bien loin de m'empescher, Et m'en fera cherir, puis qu'elle le tient cher. Qui pourroit-elle aider mieux que sa Confidente ? En me desobligeant seroit-elle obligeante⁎ ? J'estime que son cœur ne fait rien que pour moy, Et qu'elle veut donner son beau Fils à ma Foy⁎. Madame, je ne puis plus cacher un mystere, Et vous me disant tout, je ne vous dois rien taire ; Pour vous estre inconnu mon feu⁎ n'est pas honteux, Mais c'est qu'allant bien haut⁎ l'effet en est douteux. J'ayme un grand⁎ de la Cour. Il est incomparable, Madame, il est vaillant plus qu'il n'est agreable. Ses qualitez vous le font bien sçavoir, On ne voit rien de grand que lors qu'on le peut voir. Pour si haut⁎ que j'aspire, Mes vœux sont au dessous du faiste⁎ de l'Empire. Ce beau nom me blessant Fait voir le mal caché que mon ame ressent. Je pensois l'étouffer la croyant estre vaine, Mais mon feu⁎ s'augmentant jusqu'à l'extremité Peut-il estre excessif et sembler limité ? Ce Prince ne dépend que de vôtre puissance, Vous faites son amour comme mon esperance ; Donc si vous desirez voir mon esprit guery, Donnez-moy pour Amant⁎ ce noble Favory. La faveur qu'on avance est tousjours la plus grande. Bien qu'il soit malaisé, Madame, qu'une Amante⁎ Toute aveugle qu'elle est puisse estre fort prudente ; Je tascheray pourtant de contraindre mes feux⁎ Pour conformer tousjours mes desirs à vos vœux. Peut-on assez priser⁎ une telle Princesse ? Justes Cieux ! pôuvez-vous brûler ainsi mon cœur, Si moy n'estant qu'amour, Crispe n'est que rigueur ? Ah ! qu'elle a de bonheur, quoy qu'il soit defendu. Perdu ! vous devinez quelque étrange infortune : Le nom de cette Dame. Vos regrets maintenant ont un plus grand effort, Vous ressentez du mal d'ailleurs que de la mort. On le voit en effet. A quoy visent pourtant ces pleurs et ce courage ? Ce sont moins des regrets que des transports⁎ de rage ? C'est vouloir doublement le meurtrir aujourd'huy : Puis que vous ne faisiez avec luy qu'un cœur mesme ? Il faut vivre et vanger cét enorme forfait⁎. Se souvint-il de nous devant⁎ que rendre l'ame ? Je fais la curieuse, et je sens que je pâme. Que ce doux souvenir me cause de tristesse. Allons nous informer si Fauste est étouffée, Mon amour de sa mort doit dresser son trophée. **** *creator_grenaille *book_grenaille_innocentmalheureux *style_verse *genre_tragedy *dist1_grenaille_verse_tragedy_innocentmalheureux *dist2_grenaille_verse_tragedy *id_artaban *date_1639 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_artaban Nul ne peut desirer plus de prosperitez, Mais vous en avez moins que vous n'en meritez ; De toutes neantmoins la plus considerable Est que cet heureux sort n'a rien de variable ; Cette guerre nous cause une eternelle Paix ; Et vainquant une fois, vous vainquez pour jamais. Rome, et tous ses Estats mettent leur avantage Non plus à commander, mais à vous faire hommage. D'ailleurs l'Imperatrice agit si prudemment, Que deux partis divers n'ont qu'un seul mouvement, Vos enfans de deux lits la tiennent pour leur mere, Et dans leur difference, ils n'ont rien de contraire. Mais Crispe à son advis vous representant mieux, Comme il est le plus grand, est plus cher à ses yeux. Vostre fils doit gagner cette belle Couronne. C'est pour mieux l'honorer que l'Empereur l'envoye ; Vous faites vos douleurs de ce qui fait sa joye. Un Grand⁎ doit souhaiter de prendre ses esbats, Moins dedans une Cour, que parmy les Combats ; Choquant⁎ l'amour d'un fils pour aider son courage, Un pere si vaillant se monstre aussi fort sage. La mollesse n'est pas bonne pour un Vainqueur, Qui ne doit trouver rien de doux que la rigueur, Madame, il vaut bien mieux n'estre aimé de personne, Que de gagner un cœur, et perdre une Couronne. Ces autres bons succés excitent sa vertu. Le mal qui vous fait peur augmente son courage. Souvent on perd l'honneur, quand on a trop d'amour. L'affaire est resoluë, L'Empereur veut qu'il vainque. Esperez mieux de luy puis qu'il vous est si cher ; Quel droit peut revoquer cette belle ordonnance Que la Justice a faite avecque la Puissance ? Cette faveur rendroit Crispe mal satisfait. La vaillance resiste à cette lasche envie. Mettez vôtre repos à plaire à l'Empereur. Seigneur, ne partez pas; La Cour arreste en fin vos desseins⁎ et vos pas. L'Empereur a changé sa premiere Ordonnance. L'Imperatrice mesme a rompu l'entreprise. Elle ne vous retient qu'afin qu'estant icy Vous viviez sans danger comme elle sans soucy. L'Empereur resistoit d'abord à sa poursuite. Mais ses larmes apres l'ont si fort combatu, Que la foiblesse en fin emporte la vertu. Un honneur qu'on differe est encore asseuré. Où la clemence est foible, il faut estre severe, Il faut que tout perisse, ou bien qu'on vous revere ; Mais regnant par amour on acquiert plus d'honneur, Le Maistre et le sujet y trouvant leur bonheur. Envoyez quelque Prince en ces lieux qu'on peut craindre, Il regira les cœurs, ou les pourra contraindre, Et sans toucher au sang qu'il vous faut épargner En se faisant bien craindre, il vous faira regner. On ne sçauroit jamais avoir trop d'affeurance, Et tel se voit trompé qui vit sans défiance. Je vay tout de ce pas en sçavoir des nouvelles. Grand⁎ Prince, il ne faut pas avancer la vangeance, Souvent elle ne suit que de trop prés l'offence. Non ; mais il faut devant⁎ s'informer bien du fait. Croyez-vous qu'un bon fils ait une mauvaise ame ! Combien qu'elle l'accuse, il se peut excuser. De punir un coupable Sans l'oüir, ce n'est pas estre Juge équitable. Mais le pouvez vous voir mourir si c'est à tort. Pour le sçavoir il faut l'entendre de sa bouche. Peut-il avoir esté si coupable en effet ! Les marastres⁎ toujours ont le cœur variable. Son sejour a monstré qu'il ne peut estre tel. Je defends l'innocence. Pour le moins je le pense. Je l'appelle innocent, pource que la justice Ne l'a pas jusqu'icy convaincu d'aucun vice. Quand il auroit failly, sa faute est pardonnable, Un crime sans effet est toujours reparable. Si vous estes son pere il ne doit pas perir : Il vous peut agréer s'il vous a pû deplaire. C'est la raison qui parle ; écoutez la nature, Vous voulez dans ce fils vous mettre à la torture ; Et puis son deshonneur rejaillira sur vous. Mais enfin s'il perit, vous perdez vôtre apuy ; Vous vous perdez vous mesme en le pensant détruire ; Et vous en prenez moins à Crispe qu'à l'Empire. Ce coup⁎ diffamera par tout vôtre maison⁎. Les attraits d'un beau-fils nuiront à vôtre femme. S'il est le seul coupable, on ne le croira pas. Ce mot encore, Sire, on se peut repentir. Quel credit⁎ qui n'est bon que pour faire du mal ? Et m'est avantageux pour m'estre plus fatal ! Je pers la probité si Crispe perd la vie, Et s'il vit, je subis ou la haïne, ou l'enuie ; Toutefois il vaut mieux perir, Que de perdre d'un coup doublement l'innocence, Et si le Prince doit mourir Il faut que par sa mort le subjet le devance. Mais d'ailleurs je ne puis que me desesperer ; Car ma mort du trépas ne le peut delivrer, Et de causer deux morts n'en devant causer qu'une ; C'est vouloir l'obliger⁎ par un autre infortune ; Luy seul donc souffrira la mort, Mon mal ne luy pouvant estre que dommageable ; Et combien qu'il n'ait point de tort, Les Grands⁎ n'en trouvant point peuvent faire un coupable. Cher Prince, excuse moy si tu meurs de poison, C'est contre mon desir comme contre raison, Mais si tu dois perir veux-tu que je perisse ? Oüy, je desirerois recevoir ton supplice ; Mais si ton pere ne veut pas Que d'autre que son fils de ton mal se ressente ; Et s'il ordonne ton trépas, Ma main obéïssant mon ame est innocente. Si crains-je bien l'effet d'une telle ordonnance. Je dois craindre toujours de choquer⁎ mon devoir. Hors de ma conscience. La raison defendoit de donner ce poison. L'innocent devoit-il estre mis à la géne ? S'il vous parust coupable, il fut chaste en effet. Je parle moins pour luy que sa propre innocence. Ceux qui l'ont veu mourir vous le diront aussi. Il est mort dans l'honneur, s'il est mort par envie. L'innocence toujours a paru sur son front. Jamais tant de douceur ne viendroit d'impudence. Il a toujours nié ce crime. Mais vous ne voyez pas s'il n'est que controuvé. Et fait un grand coupable. Et l'autre irreprochable. Les Dieux permettent bien qu'on leur face du tort ? Qu'il n'estoit pas coupable D'une horreur dont un Monstre à peine estoit capable. La Cour reconnoistra qu'il le devoit celer⁎. Le Soleil a ses rais sans qu'il nous apparaisse. Et possible ce mort dessillera vos yeux. O fureur ! C'estoit une marastre⁎. Et le Prince estoit beau. Ce dernier coup⁎ perdra du tout vôtre maison⁎. Vous consolez vos maux par de grandes miseres. Qui veüille à ses enfans choisir un autre Pere. On vient de l'étouffer. **** *creator_grenaille *book_grenaille_innocentmalheureux *style_verse *genre_tragedy *dist1_grenaille_verse_tragedy_innocentmalheureux *dist2_grenaille_verse_tragedy *id_emile *date_1639 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_emile Qu'une de vos Provinces D'un de vos Lieutenans a fait un de ses Princes, Sur le bord du Danube un peuple revolté, Veut opposer sa force à vôtre Majesté ? Il arme puissamment pour attaquer l'Empire. Il m'a dit que dé-ja l'affaire est avancée, Et qu'il peut l'achever comme elle est commencée ; Selon que vous voudrez, ou la vie, ou la mort. Vos enfans crient-là, nous n'aurons plus de mere. **** *creator_grenaille *book_grenaille_innocentmalheureux *style_verse *genre_tragedy *dist1_grenaille_verse_tragedy_innocentmalheureux *dist2_grenaille_verse_tragedy *id_hycarie *date_1639 *sexe_feminin *age_sans-age *statut_serviteur *fonction_servante *role_hycarie Il s'en est fuy peut estre ? Ceux qui sont les plus grands⁎, ont les plus grands malheurs, Et s'ils ont des plaisirs, ils ont plus de douleurs. Vôtre decés n'est pas pour le resusciter, Et si c'est un Grand⁎ mort, il le faut regretter. Qu'il est vray que l'amour de deux n'en fait qu'un mesme ? Quoy que Crispe soit mort, je croy qu'il est moins blesme.