**** *creator_gresset *book_gresset_edouardiii *style_verse *genre_tragedy *dist1_gresset_verse_tragedy_edouardiii *dist2_gresset_verse_tragedy *id_ALZONDE *date_1740 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_alzonde Par de faibles conseils ne crois plus m'arrêter : Au comble du malheur, que peut-on redouter ? Oui, je vais terminer ou mes jours, ou mes peines. Qui n'ose s'affranchir est digne de ses chaînes. Depuis que rappelée où régnaient mes aïeux J'ai quitté la Norvège, et qu'un sort odieux À la cour d'Édouard et me cache et m'enchaîne, Que de jours écoulés, jours perdus pour ma haine ! L'Ecosse cependant élève en vain sa voix Vers ces bords où gémit la fille de ses rois ; Pour chasser ses tyrans, pour servir ma vengeance, Pour renaître, Edimbourg n'attend que ma présence. D'un vil déguisement c'est trop longtemps souffrir ; Il faut fuir, Amélie, et régner, ou mourir. Vous parlez en esclave : un coeur né pour régner D'un joug même ignoré ne peut trop s'éloigner ; : Ne dût-on jamais voir la chaîne qui l'attache, Pour en être flétri c'est assez qu'il le sache. Le secret ne peut point excuser nos erreurs, Et notre premier juge est au fond de nos coeurs. Dans l'affreux désespoir où mon destin me jette Crois-tu donc que pour moi la paix soit encor faite? Condamnée aux fureurs, née au sein des exploits, Et des maux que produit l'ambition des rois ; Fugitive au berceau, quand mon malheureux père, Au glaive d'un vainqueur prétendant me soustraire, Au prince de Norvège abandonna mon sort, M'éloigna des états que me livrait sa mort ; Pensait-il qu'unissant tant de titres de haine, Devant poursuivre un jour sa vengeance et la mienne, Héritière des rois, élevé des héros, Je perdrais un instant dans un lâche repos ? Dans l'asile étranger qui cacha mon enfance J'ai pu sans m'avilir suspendre ma vengeance, La sacrifier même à l'espoir de la paix, Tandis qu'on m'a flattée ainsi que mes sujets Qu'Édouard, pour finir les malheurs de la guerre, Pour unir à jamais l'Ecosse et l'Angleterre, Allait m'offrir sa main, et par ce juste choix Réunir nos drapeaux, nos sceptres, et nos droits : Mais par tant de délais dès longtemps trop certaine Que l'on m'osait offrir une espérance vaine, Quand ce nouvel outrage ajoute à mon malheur, Attends-tu la prudence où règne la fureur ? S'élevant contre moi de la nuit éternelle, La voix de mes aïeux dans leur séjour m'appelle ; Je les entends encor : « Nous régnions, et tu sers ! Nous te laissons un sceptre, et tu portes des fers ! Règne, ou, prête à tomber, si l'Ecosse chancelle, Si son règne est passé, tombe, expire avant elle : Il n'est dans l'univers en ce malheur nouveau Que deux places pour toi, le trône, ou le tombeau ». Vous serez satisfaits, mânes que je révère ; Vous connaîtrez bientôt si mon sang dégénère, Si le sang des héros a passé dans mon coeur, Et s'il peut s'abaisser à souffrir un vainqueur. Parmi ces ennemis j'ai conduit mon dessein, Et, prête à l'achever, je puis t'instruire enfin. Ce Volfax, que tu vois le flatteur de son maître, Comblé de ses bienfaits, ce Volfax n'est qu'un traître : De Vorcestre surtout ennemi ténébreux, Rival de la faveur de ce ministre heureux, Trop faible pour atteindre à ces degrés sublimes Par l'éclat des talents, il y va par les crimes ; D'autant plus dangereux pour son roi, pour l'État, Qu'il unit l'art d'un fourbe à l'âme d'un ingrat. J'emprunte son secours. Je sais trop, Amélie, Qu'un traître l'est toujours, qu'il peut vendre ma vie : Mais son ambition me répond de sa foi • Assuré qu'en Ecosse il régnera sous moi, Il me sert : par sa main, de ce séjour funeste, J'écris à mes sujets, j'en rassemble le reste. J'ai fait plus ; par ses soins j'ai nourri dans ces lieux Du parti mécontent l'esprit séditieux ; J'en dois tout espérer. Chez ce peuple intrépide Un projet n'admet point une lenteur timide ; Ce peuple impunément n'est jamais outragé, Il murmure aujourd'hui, demain il est vengé ; Des droits de ses aïeux jaloux dépositaire, Éternel ennemi du pouvoir arbitraire, Souvent juge du trône et tyran de ses rois, Il osa... Mais on vient : c'est Volfax que je vois. D'une nouvelle ardeur enflammez Édouard. Je vais tout employer pour hâter mon départ : On me soupçonnerait si j'étais fugitive; J'obtiendrai le pouvoir de quitter cette rive. Allez, ne tardez plus, achevez vos projets ; Un plus long entretien trahirait nos secrets. Tout est prêt, tu le vois. Une crainte nouvelle Me détermine à fuir cet asile infidèle. On a vu, d'un des miens si j'en crois le rapport, Arondel cette nuit arriver en ce port ; En Norvège souvent cet Arondel m'a vue ; S'il était en ces lieux, j'y serais reconnue. Le temps presse, il faut fuir : ménageons les instants ; Ce jour passé, peut-être il n'en serait plus temps. Sous le nom d'Aglaé dans ce palais conduite On me croit Neustrienne, on ne soupçonne rien. Appui des malheureux, Vorcestre est mon soutien; Il permettra sans peine, exempt de défiance, Que je retourne enfin aux lieux de ma naissance. Je viens pour ce départ demander son aveu, Et je croyais déjà le trouver en ce lieu ; Mais, s'il faut t'achever un récit trop fidèle, Le pourras-tu penser ? Quand le trône m'appelle, Quand l'Ecosse gémit, quand tout me force à fuir, Prête à quitter ces lieux je tremble de partir. Arrête : Tu parles d'un héros l'honneur de l'univers, Et tu peins un tyran. Dans mes affreux revers J'accuse le destin plus que ce prince aimable, Et mon coeur est bien loin de le trouver coupable. Tu m'entends; j'en rougis. Vois tout mon désespoir : Sur ces murs la vengeance a gravé mon devoir, Je le sais ; mais tel est mon destin déplorable, Qu'à la honte, aux malheurs du revers qui m'accable, Il devait ajouter de coupables douleurs, Et joindre l'amour même à mes autres fureurs. J'arrivais en courroux, mais mon âme charmée À l'aspect d'Édouard se sentit désarmée. Sans doute que l'amour jusqu'au sein des malheurs S'ouvre par nos penchants le chemin de nos coeurs : Connaissant ma fierté, mon ardeur pour la gloire, Il prit pour m'attendrir la voix de la victoire ; Il me dit qu'enchaînant le plus grand des guerriers, Qui partageait son coeur partageait ses lauriers. Où commande l'amour il n'est plus d'autres maîtres :. J'étouffai dans mon sein la voix de mes ancêtres ; Je ne vis qu'Édouard : captive sans ennui, Des chaînes m'arrêtaient, mais c'était près de lui. Pourquoi me rappeler la honte de mon âme, Et toutes les erreurs où m'entraînait ma flamme ? Un plus heureux objet a fixé tous ses voeux : C'en est fait, ma fierté doit étouffer mes feux ; Les faibles sentiments que l'amour nous inspire Dans les coeurs élevés n'ont qu'un moment d'empire. Régner est mon destin, me venger est ma loi ; Un instant de faiblesse est un crime pour moi. Fuyons ; mais, pour troubler un bonheur que j'abhorre, Renversons, en fuyant, l'idole qu'il adore. Parmi tant de beautés qui parent cette cour J'ai trop connu l'objet d'un odieux amour. On trompe rarement les yeux d'une rivale; Ma haine m'a nommé cette beauté fatale. Si dans ces tristes lieux l'amour fit mes malheurs, J'y veux laisser l'amour dans le sang, dans les pleurs. Mais Vorcestre paraît : laisse-nous, Amélie ; Du destin qui m'attend je vais être éclaircie. Vous dont le coeur sensible a comblé tous les voeux Que porta jusqu'à vous la voix des malheureux, Jetez les yeux, Mylord, sur une infortunée Dont vous pouvez changer la triste destinée. Je me dois aux climats où j'ai reçu le jour. Par vos soins honorée et libre en cette cour, Je sais qu'à plus d'un titre elle a droit de me plaire ; Mais quels que soient les biens d'une terre étrangère, Toujours un tendre instinct au sein de ce bonheur Vers un séjour plus cher rappelle notre coeur : Souffrez donc qu'écoutant la voix de la patrie Je puisse retourner aux rives de Neustrie : Du sort des malheureux adoucir la rigueur C'est de l'autorité le droit le plus flatteur. L'amour de la patrie ignore le danger, Et les coeurs qu'il conduit ne savent point changer. Vous ne souffrirez point, jusqu'ici plus sensible, Que la plainte aujourd'hui vous éprouve inflexible, Qu'on perde devant vous des larmes et des voeux, Et qu'il soit des malheurs où vous êtes heureux. Par votre ordre en ces lieux appelée, Quel soin vous intéresse au sort d'une exilée ? Puis-je espérer, Seigneur, qu'un secours généreux Va mettre fin aux maux d'un destin rigoureux ? Seigneur, si vous voulez le bonheur de sa vie, Si vous daignez m'en croire, oubliez Eugénie. On n'attend point l'amour d'un coeur infortuné Par lui-même à l'exil, aux larmes, condamné. Sans lui faire acheter la grâce qu'elle espère, Sans troubler son repos, terminez sa misère. N'attendez pas qu'ici pleurante à vos genoux, Elle vienne arrêter un funeste courroux. Sûre que l'équité va lui rendre son père, Sa vertu ne sait point descendre à la prière. Mettez fin à ses maux, si vous y prenez part, Et faites son bonheur en souffrant son départ. Je ne formais donc pas un frivole soupçon ! Trop heureuse rivale !... Ah ! Que dis-je ? Et quel nom! N'ai-je point immolé mon amour à ma gloire, Et rendu tout mon coeur au soin de la victoire ?... Quoi ! Des soupirs encor reviennent me trahir ! Fallait-il le revoir, s'il fallait le haïr ? Ton supplice est entier, amante infortunée ! Il ne manquait aux maux qui font ta destinée Que d'entendre d'un coeur dont tu subis la loi Des soupirs échappés pour une autre que toi. Je n'en puis plus douter ; et, pour comble d'outrage, On veut que leur bonheur soit encor mon ouvrage ! J'en rends grâce au destin : ce soin qui m'est commis M'aide à désespérer mes cruels ennemis ; Dans le sang le plus cher, répandu par ma haine, Que tout ici gémisse et souffre de ma peine : On retranche à l'horreur de ses maux rigoureux Ce qu'on en peut verser sur d'autres malheureux. Tremble, crédule amant ; en frappant ce qu'il aime, L'amour est plus cruel que la haine elle-même. Mais ma rivale vient ; cachons-lui son bonheur ; Dissimulons ma rage, et trompons sa douleur. Si vous en voulez croire et ma crainte et mon zèle, Fuyez, chère Eugénie, une terre cruelle : Des mêmes délateurs je redoute les coups ; Peut-être leur fureur s'étendrait jusqu'à vous. Il en est temps encor, fuyez. As-tu servi les voeux d'un coeur désespéré ? Au gré de ma fureur tout est-il préparé ? Au milieu de ma haine Mon coeur frémit du crime, où la rage l'entraîne. Mon sort me veut coupable, il y faut consentir. Ne laissons plus au roi l'instant d'un repentir. L'infidèle rapport que je viens de lui faire Vainement a paru redoubler sa colère ; Incertain, furieux, attendri tour-à-tour, Jusque dans sa fureur j'ai connu son amour ; Il nommait Eugénie, il partage sa peine : S'il l'entend, il sait tout ; s'il la voit, elle est reine ; La grâce de Vorcestre est le prix d'un soupir : Je connais trop l'amour, il ne sait point punir. Quoi ! Ces périls, ces pleurs, n'auraient servi qu'à rendre Ma rivale plus chère et son amant plus tendre ! Il est temps de frapper : pour combler tes rigueurs N'était-ce point assez d'unir tous les malheurs, Ciel ? Fallait-il aussi rassembler tous les crimes, Et devais-tu m'offrir d'innocentes victimes ? Vengeance, désespoir, vertus des malheureux, Je n'espère donc plus que ces plaisirs affreux Que présente à la haine, à la rage assouvie, L'aspect d'un ennemi qu'on arrache à la vie ! Eh bien ! Qu'attendez-vous ? Quelle lente fureur ! Un crime sans succès perd toujours son auteur. Songez que si le roi voit Eugénie en larmes... Perdez votre ennemi ; mon funeste courroux Ne sera point oisif en attendant vos coups. Arrête. Je te connais, je vois l'orage qui s'apprête; Mais, lasse de la vie, et lasse de forfaits, J'éclaircirai sans toi mes funestes secrets. Toi qui fais ma disgrâce et ma douleur profonde, Respecte ton égale, et reconnais Alzonde ! À tes malheurs tu la reconnaîtras : Mon nom est, je le sais, l'arrêt de mon trépas ; Mais quand toute espérance à mon âme est ravie, Que craindre ? Tu ne peux que m'enlever la vie : Tu perdras davantage, et j'aurai la douceur De te voir en mourant survivre à ton malheur ; De mes ressentiments je te laisse ce gage... Mais trop longtemps ici je contrains mon courage. Alzonde, toujours reine au milieu des revers, Inconnue à tes yeux, fut libre dans tes fers ; Et dans l'instant fatal où tu peux me connaître Je sais comme un grand coeur doit fuir l'aspect d'un maître. **** *creator_gresset *book_gresset_edouardiii *style_verse *genre_tragedy *dist1_gresset_verse_tragedy_edouardiii *dist2_gresset_verse_tragedy *id_EUGENIE *date_1740 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_eugenie Cruelle ! Par quel art viens-tu de m'arracher Un secret qu'à jamais je prétendais cacher ? D'un coeur désespéré respectant la faiblesse, Ah ! Tu devais l'aider à taire sa tendresse. Mais, à ce nom trop cher que tu m'as rappelé, Puisqu'enfin malgré moi mes larmes ont parlé, Remplis du moins l'espoir, l'espoir seul qui me reste, Jamais ne m'entretiens de ce secret funeste ; Que moi-même à tes yeux je doute désormais Si tu le sais encor, si tu le sus jamais. Moi-même, chère Ismene, Victime du devoir, de l'amour, du malheur, Osais-je me connaître et lire dans mon coeur ? De lui-même jamais ce coeur fut-il le maître ? Jointe à Salisbury sans presque le connaître, L'amour n'éclaira point un hymen malheureux, Dont le sort sans mon choix avait formé les noeuds. J'estimai d'un époux la tendre complaisance ; Mais il n'obtint de moi que la reconnaissance ; Et, malgré mes efforts, mon coeur indépendant Réservait pour un autre un plus doux sentiment. De la cour à jamais que ne fus-je exilée ! Par mon nouveau destin en ces lieux appelée, Je vis... Fière vertu, pardonne ce soupir ; J'en adore à la fois et crains le souvenir. Dans ce jeune héros je sentis plus qu'un maître : Mon âme à son aspect reçut un nouvel être ; Je crus que jusqu'alors ne l'ayant point connu, Ne l'ayant point aimé, je n'avais point vécu. Que te dirai-je enfin ? Heureuse et désolée, Maîtresse à peine encor de mon âme accablée, Trouvant le désespoir dans mes plus doux transports, Au sein de la vertu j'éprouvais des remords. C'en est fait ; libre enfin je dois fuir, et me craindre/ J'ai su cacher ma honte et j'ai pu me contraindre Tandis que le devoir défendait ma vertu ; Mais aujourd'hui mon coeur est trop mal défendu. Te dirai-je encor plus ? On croit tout quand on aime. Oui, depuis le moment que je suis à moi-même, Cet amour malheureux, et nourri de mes pleurs, Ose écouter l'espoir et chérir ses erreurs ; Quand je vois ce héros, interdite, éperdue, Je crois voir ses regards s'attendrir à ma vue ; Je crois... Mais où m'emporte un aveugle transport ? Le ciel n'a fait pour moi qu'un désert et la mort. Ne puis-je cependant entretenir mon père ? Pourquoi m'arrête-t-il où tout me désespère ? Que dis-tu, malheureuse ! Quel fantôme brillant, quelle image flatteuse À mes sens égarés as-tu fait entrevoir ? Garde-toi dé nourrir un dangereux espoir : Tu me rendrais heureuse en flattant ma tendresse ; Mais je crains un bonheur qui coûte une faiblesse. Allons ; c'est trop tarder, abandonnons des lieux Où j'ose à peine encor lever mes tristes yeux. Je ne veux point aimer; je fuis ce que j'adore. J'implore le trépas, et je soupire encore ! La mort seule éteindra mon déplorable amour ; Mais du moins, en fuyant ce dangereux séjour, Cruelle à mes désirs, à mes devoirs fidèle, J'aurai fait ce que peut une faible mortelle ; Si le reste est un crime, il est celui des cieux, Et j'aurai la douceur d'être juste à mes yeux. Tu n'auras pas longtemps à souffrir de ma peine ; La mort est dans mon coeur : suis-moi, ma chère Ismène ; Ton zèle en a voulu partager le fardeau, Ne m'abandonne pas sur le bord du tombeau. Fuyons. Là, pour briser le trait qui m'a blessée, Pour bannir ce héros de ma triste pensée, Souvent tu me diras qu'il n'est pas fait pour moi Cache un mortel charmant, ne me montre qu'un roi. Dis-moi que les attraits de quelque amante heureuse Ont sans doute enchaîné cette âme généreuse ; Dis-moi que, nés tous deux sous des astres divers, Il ignore et ma peine et mes voeux les plus chers, Et qu'il n'existe plus que pour celle qu'il aime. Je t'aide, tu le vois, à me tromper moi-même : Peut-être à tes discours oubliant mes regrets... Je m'abuse... Ah ! Plutôt ne le nomme jamais. Pour quels crimes ; ô ciel ! Par quel affreux caprice Le charme de ma vie en est-il le supplice ? Par la gloire inspiré, par l'honneur combattu, Mon amour était fait pour être une vertu. On vient ; éloigne-toi. Je vous cherchais, mon père. Mon départ était prêt, quel ordre le diffère ? Jusqu'ici toujours tendre et sensible à ma voix, Me refuseriez-vous pour la première fois ? Vous ne répondez rien ! Une sombre tristesse... Je sais qu'il n'a produit que de vrais citoyens ; Et, pour leurs sentiments, je les sais par les miens. L'ordre de la nature ou l'usage des temps, À mon sexe laissant la faiblesse en partage, Sembla de nos vertus exclure le courage : De défendre l'État le droit vous fut donné ; À l'orner par nos moeurs notre sort fut borné : Mais, soit l'instinct du sang, soit l'exemple d'un père, Je ne partage point la faiblesse vulgaire ; Que la patrie ordonne, et mon coeur aujourd'hui En sera, s'il le faut, la victime ou l'appui. Le ciel qui voit mon âme au devoir asservie Sait combien faiblement elle tient à la vie ; Et je l'atteste ici que mon sang répandu... De mon coeur, de mes jours, que mon père dispose ; Pour en être estimée il n'est rien que je n'ose. Le refus de ce trône, un trépas honorable. Un juste citoyen est plus qu'un roi coupable. Ainsi tous mes malheurs ne m'étaient pas connus ! Il m'aimait, et je pars !... Je ne le verrai plus !... Toi qui fais à la fois mon bonheur et ma peine, Le sort avait donc fait mon âme pour la tienne ! Mais de ce même sort quel caprice cruel • Élève entre nous deux un rempart éternel ! Cher prince, il faudra donc que cette bouche même, Qui devait mille fois te jurer que je t'aime, Trahisse en te parlant le parti de mon coeur !... Fuyons... Mais le roi vient. Toi qui vois ma douleur, Ciel, cache-lui du moins... Les cieux me sont témoins que l'aspect de mon roi N'a jamais eu, Seigneur, rien de triste pour moi. Laissez aux malheureux la plainte et les douleurs ; Le ciel pour Édouard a-t-il fait des malheurs ? , S'il se mêle à vos jours quelque peine légère, La Gloire vous appelle et s'offre à vous distraire ; L'univers vous attend, et vos premiers travaux De ce siècle déjà vous ont fait le héros. Soumettez les deux mers aux lois de l'Angleterre, Allez, soyez l'arbitre et l'amour de la terre ; Je rendrai grâce au ciel quand le bruit de vos faits Viendra dans la retraite où je fuis pour jamais. Ne soupçonnez que moi; sur mon devoir, Seigneur, Je ne connus jamais de maître que mon coeur. Ah ! Ma chère Aglaé, dans quel temps déplorable Me laissez-vous livrée à l'effroi qui m'accable ! Ismène ne vient point en dissiper l'horreur : Tout me fuit, tout me laisse en proie à ma douleur. Moi, que je fuie ! Je crains, mais pour mon père, et non pas pour ma vie. Eh bien ! Que m'apprends-tu? Vous, ma chère Aglaé, vous, mon unique appui, Pénétrez jusqu'au prince, allez, tâchez d'apprendre Si, suspendant ses coups, il daigne encor m'entendre : De la vertu trahie exposez le malheur ; Et s'il parle de moi... dites-lui ma douleur ; Dites-lui que j'expire en proie à tant d'alarmes ; Que je n'aurais pas cru qu'il fît couler mes larmes, Qu'il voulût mon trépas, et qu'aujourd'hui sa main Dût conduire le fer qui va percer mon sein. Rassurez-moi, Mylord ; quel forfait se prépare ? De l'auteur de mes jours quel malheur me sépare ? Puis-je le voir du moins ? Vous le plaindrez sans doute ; une âme généreuse Ne voit point sans pitié la vertu malheureuse. Venez, guidez mes pas ; il n'est point de danger, Point de mort qu'avec lui je n'ose partager. Des juges ! De quel crime a-t-on pu le charger ?... Quel citoyen plus juste ose l'interroger ?... Arrêtez ; à ses moeurs votre respect est dû : La vertu dans les fers est toujours la vertu. Sa probité toujours éclaira sa puissance. Que pour des coeurs voués au crime, à la vengeance, Le premier rang ne soit que le droit détesté D'être injuste et cruel avec impunité; Pour les coeurs généreux que l'honneur seul inspire, Ce rang n'est que le droit d'illustrer un empire, De donner à son roi des conseils vertueux, Et le suprême bien de faire des heureux. Toi qui, peu fait sans doute à ces nobles maximes ? Oses ternir l'honneur par le soupçon des crimes, Tu prends pour en juger des modèles trop bas : Respecte le malheur, si tu ne le plains pas ; Apprends que dans les fers la probité suprême Commande à ses tyrans, et les juge elle-même. Mais c'est trop m'arrêter, et tu pourrais penser Qu'à briguer ton appui je daigne m'abaisser ; Le trône seul a droit de me voir suppliante. Je vais... D'un tribunal cruel on m'interdit l'entrée ! Ô mon père! Ô forfait ! Sa perte est assurée ; Du parricide affreux qu'apprête leur fureur Mon sang glacé d'effroi me présage l'horreur. Est-il des droits sacrés, si l'on veut qu'il périsse ? Et des amis, dis-tu ? Quel nom dans ce séjour ! La sincère amitié n'habite point la cour ; Son fantôme hypocrite y rampe aux pieds d'un maître ; Tout y devient flatteur ; tout flatteur cache un traître. Eût-il gagné les coeurs par ses bienfaits nombreux, Ose-t-on être encor l'ami d'un malheureux ? De la cour un instant change toute la face ; Tout vole à la faveur, tout quitte la disgrâce : Ceux même qu'il servit ne le défendront pas ; Le jour d'un nouveau règne est le jour des ingrats. Mais quel affreux silence ! Et quelle solitude ! Chaque moment ajoute à mon inquiétude. Instruite de ma crainte, Aglaé ne vient pas; Allons la retrouver : elle me fuit ; hélas ! Je ne le vois que trop, sa tendresse sans doute Craint de me confirmer le coup que je redoute. Généreux étranger, mortel que je révère, Qui vous rend si sensible au malheur de mon père ? Quelle tendre pitié, Quel héroïque effort vous conduit ? Ô présage imprévu d'un destin plus prospère ! Puisqu'il vous rend à nous, le ciel est pour mon père. Que puis-je décider ? Vous-même guidez-moi ; Je ne sais que gémir en ces moments d'effroi. Volfax garde mon père, il en veut à sa vie ; J'ai vu dans ses discours la bassesse et l'envie. Ah ! Si dans cet instant des juges ennemis Décidaient qu'en secret... Ah ! Mylord, j'en frémis. Allons, servez de guide à mon âme égarée : Du lieu qui le renferme environnons l'entrée ; Et si des assassins lui vont percer le flanc, Ils n'iront jusqu'à lui que couverts de mon sang. Allons ; puisqu'il le faut, tâchons de voir encore Celui que je devrais haïr, et que j'adore : Il me rendra mon père ; oui, son coeur n'est point fait Pour commander le meurtre et souscrire au forfait. Mais si pour le fléchir, pour vaincre l'imposture, Ce n'était point assez des pleurs de la nature, Toi, dont jamais je n'eusse imploré le secours Si je ne l'implorais pour l'auteur de mes jours, Amour, viens dans son coeur guider ma voix tremblante, Et prête ta puissance aux larmes d'une amante ! Pour la dernière fois Je puis enfin, Seigneur, vous adresser ma voix. Mon père est condamné. Souverain de sa vie, L'abandonnerez-vous aux fureurs de l'envie ? Le plus juste des rois permettra-t-il le crime ? D'infâmes délateurs, qu'un vil espoir anime, Ont osé le charger du plus faux attentat ; Des traîtres ont jugé le soutien de l'État : Que son maître le juge ; ou, s'il faut qu'il périsse, Si détournant les yeux vous souffrez l'injustice, S'il n'obtient plus de vous un reste d'amitié, À ma douleur du moins accordez la pitié : Ma vie est attachée à celle de mon père : Ainsi donc par vos coups je perdrais la lumière !... Mais dans vos yeux, Seigneur, je lis moins de courroux : Achevez, pardonnez ; je tombe à vos genoux. C'en est donc fait, Seigneur, on versera son sang : Vous savez quel devoir, m'éloigne de ce rang. Où me réduisez-vous, seigneur ? Jugez vous-même À quel horrible état, à quel tourment extrême Me condamne aujourd'hui cet amour malheureux, Pour qui le ciel n'a fait qu'un destin rigoureux ! Tel est mon sort cruel : je veux sauver mon père ; Mais, soit qu'à vos desseins je ne sois plus contraire, Soit que je m'y refuse en ce dernier moment, Ce père infortuné périt également : Le supplice l'attend si je vous suis rebelle ; Il meurt de sa douleur si je trahis son zèle. Ah ! Seigneur, arrêtez... et qu'enfin ma tendresse... Que vais-je dire !... Hélas !... Surmontons ma faiblesse. Puisqu'il est vrai, Seigneur, qu'un aveugle courroux Est le seul sentiment qui vous reste pour nous, Accordez-moi du moins une grâce dernière : Qu'on ne me ferme plus la prison de mon père, Que l'embrassant encor, qu'expirant dans ses bras, Je m'arrache à l'horreur d'apprendre son trépas. Ô rigoureux devoir !... Mes cris sont superflus, Et mes gémissements ne l'attendrissent plus... Faut-il tout avouer ?... m'entendra-t-il encore ?... Quel est cet appareil, ce trouble que j'ignore ? Ah ! Mylord, c'en est fait ; je vais chercher la mort. Que servent les regrets ? Laissez jouir mon coeur Du peu de temps que doit m'accorder ma douleur. Le croirai-je ? Ô mon père ! Une juste puissance A puni l'imposture et sauvé l'innocence. Quel heureux changement, comblant tous mes désirs, Dans l'horreur du trépas m'offre encor des plaisirs ! Je renais un instant en perdant la lumière, Je puis vous dévoiler mon âme tout entière : J'ai trop longtemps gémi sous ce triste fardeau ; Il n'est plus de secrets sur le bord du tombeau... Je dois bénir le coup qui du jour me délivre : Victime de mon coeur, je ne pouvais plus vivre Que dans l'horrible état d'un amour sans espoir, Ou qu'infidèle aux lois, ainsi qu'à mon devoir. Pardonnez, ô mon père ! Aux feux que je déplore; Ils seraient ignorés si je vivais encore... Oui, le ciel l'un pour l'autre avait formé nos coeurs. Prince... je vous aimais... je vous aime... je meurs. **** *creator_gresset *book_gresset_edouardiii *style_verse *genre_tragedy *dist1_gresset_verse_tragedy_edouardiii *dist2_gresset_verse_tragedy *id_VOLFAX *date_1740 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_volfax Trop longtemps votre fuite est ici différée, Madame : à s'affranchir l'Ecosse est préparée; Tout conspire à vous rendre un empire usurpé ; D'autres soins vont tenir le vainqueur occupé. Le trouble règne ici. Formé par la victoire, Le soldat redemande Édouard et la gloire ; Le peuple veut la paix. Au nom de nos héros Je vais porter le prince à des exploits nouveaux : Je ne crains que Vorcestre ; âme de cet empire, Il range, il conduit tout à la paix qu'il désire. Contraire à mes conseils, s'il obtient cette paix, Je le perds par-là même, et suis sûr du succès ; Son rang est un écueil que l'abîme environne : Déjà par des avis parvenus jusqu'au trône Je l'ai rendu suspect, j'ai noirci ses vertus; Encore un pas enfin, nous ne le craignons plus. Du progrès de mes soins l'Ecosse est informée ; Paraissez, un instant vous y rend une armée. Seigneur, nommez le traître, et cette main fidèle... Vorcestre ! Lui, seigneur! Lui qui parut toujours l'oracle de l'honneur! Peut-être en croyez-vous un douteux témoignage ? On vient de m'annoncer la trame la plus noire... Je le justifiais... Ô ciel ! Qu'on doit peu croire Aux dehors imposants des humaines vertus ! Dispensez-moi, Seigneur, d'en dire davantage ; Il est d'autres témoins des maux que j'envisage, Et je crois avec peine un si noir attentat. J'obéis, puisqu'enfin ce n'est plus qu'un coupable : Je vois que son forfait n'est que trop véritable ; Je rapproche les temps, ses projets, ses discours. Dans le conseil, Seigneur, vous l'avez vu toujours Contraire à vos desseins, contraire à votre gloire ; Il tâchait d'étouffer l'amour de la victoire : Je vois trop maintenant par quels motifs secrets Ses dangereux conseils ne tendent qu'à la paix. Pour en savoir la cause apprenez ses complots ; Dans la sécurité d'une paix infidèle On vous laisse ignorer que l'Ecosse rebelle... De ces déguisements l'honneur est-il capable ? Qui peut taire un complot lui-même en est coupable. Peut-être jusqu'au trône osant porter ses voeux, Appui des Écossais, il veut régner sur eux ; C'est pour favoriser ces ligues ennemies Qu'il prétend séparer vos forces réunies, En des ports différents disperser vos vaisseaux, Et borner à régner le destin d'un héros. Il avait des vertus, il avait votre estime, Seigneur ; mais pour régner quand il ne faut qu'un crime, L'honneur est-il un frein à l'orgueil des mortels ? L'espoir du trône a fait les fameux criminels, Et, fausse trop souvent, cette altière sagesse N'attend qu'un crime heureux pour montrer sa bassesse. Je crains autant que sa fureur Ce renom de vertu que lui donne l'erreur ; Par ces vains préjugés, entraînés dans ses brigues, Tous croiront vous servir en servant ses intrigues ; De la rébellion l'étendard abhorré Deviendrait dans ses mains un étendard sacré... Seigneur, ainsi que vous, sa démarche m'étonne. Que ne puis-je penser qu'à tort on le soupçonne ? Mais deux garants trop sûrs de cette trahison Malgré moi m'ont conduit au-delà du soupçon. Je dirai plus, Seigneur ; le zèle, qui m'éclaire, Me fait jour à travers ce ténébreux mystère ; Par le pas qu'il a fait je le crois convaincu : Le crime prend souvent la voix de la vertu. Oui, ce même départ qu'apprête l'infidèle Est de sa trahison une preuve nouvelle. S'il vous fait consentir à son éloignement, C'est pour tromper vos yeux, et fuir plus sûrement. Cet exil prétendu que ses voeux vous demandent Joindra peut-être un chef aux traîtres qui l'attendent ; Dans ces climats conquis, placés tous par son choix, Ceux qui régnent pour vous marcheront à sa voix ; Tout le seconde enfin, et tout veut qu'on le craigne : S'il demeure, il conspire ; et s'il échappe, il règne. Tout dépend d'un instant ; il peut vous prévenir. Sous des prétextes vains sa fille, prête à fuir, Va sans doute habiter une terre ennemie ; Et dans ce même instant peut-être qu'Eugénie... Non, Madame, à vos voeux rien ici ne s'oppose. Le roi veut vous parler : j'en ignore la cause ; Mais ne redoutez rien. Vorcestre dans les fers Met enfin votre espoir à l'abri des revers. Sur la foi des témoins que j'ai su lui produire Édouard convaincu me laisse tout conduire. Dans son courroux pourtant inquiet, consterné. Il paraît regretter l'ordre qu'il a donné. Mais il vient. Un ordre souverain l'a commis à mes soins ; C'est tout ce que je sais. Vous ne pouvez le voir ; et ses juges peut-être Devant eux à l'instant vont le faire paraître. Quand du pouvoir des rois la fortune l'approche, Un sujet rarement est exempt de reproche. Un ordre exprès s'oppose à votre attente : Du trône dans ce jour tout doit être écarté, Madame ; et votre nom n'en est pas excepté. Madame, épargnez-vous d'inutiles alarmes ; Aux cris dont sa douleur vient remplir ce palais Du trône jusqu'ici j'ai su fermer l'accès. Solitaire et plongé dans un morne silence, Édouard laisse agir mes soins et ma vengeance, Et l'on n'interrompra ce silence fatal Qu'en lui portant l'arrêt qui proscrit mon rival. Tout nous seconde enfin, sa ruine est certaine : Jaloux de son crédit, et liés à ma haine, Ses juges vont hâter son arrêt et sa mort ; Vos voeux seront remplis: je commande en ce port, Madame, et dès demain, cessant d'être captive, Pour revoir vos états vous fuirez cette rive. L'abîme est sous tes pas, ambitieuse reine. Tu crois que je te sers, je ne sers que ma haine ; Mon rival abattu, je comble tes revers ; Je me suffis ici, je te nomme et te perds. Mon sort s'affermira par leur chute commune ; Point de lâches remords ; accablons l'infortune. Mais quel est l'étranger qui s'est offert à moi ? Il prétend voir, dit-il, ou Vorcestre ou le roi ; Peu commune à la cour, sa fermeté m'étonne ; Je n'ai pu m'éclaircir sur ce que je soupçonne : Pour surprendre un secret qu'il craint de dévoiler Je veux qu'à mon rival il vienne ici parler. Gardes, faites venir Vorcestre en ma présence. Vous, fidèle Glaston, veillez dans mon absence. Caché près de ces lieux, tandis que j'entendrai D'un entretien suspect le secret ignoré, Que rien ici du roi ne trouble la retraite ; C'est son ordre absolu que ma voix vous répète. Un étranger demande à vous entretenir : Vous entendrez ici ce qu'il prétend vous dire ; Édouard le permet. Gardes, qu'on se retire. Holà, gardes, à moi ! Saisissez-les tous deux. **** *creator_gresset *book_gresset_edouardiii *style_verse *genre_tragedy *dist1_gresset_verse_tragedy_edouardiii *dist2_gresset_verse_tragedy *id_GLASTON *date_1740 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_glaston Aux portes du palais Eugénie éplorée Depuis longtemps, Seigneur, en demande l'entrée. Le roi vient en ces lieux, vous pourrez faire entendre Ce qu'aux pairs assemblés vous refusez d'apprendre; Et vous justifiant... Seigneur, la fière Alzonde a su tromper nos yeux; Elle s'est poignardée au sortir de ces lieux : « On m'apprête la mort ; je ne sais point l'attendre, Dit-elle : c'est de moi que mon sort doit dépendre ; Le poison m'a vengé : en ce même moment Ma rivale périt : frémis, funeste amant ! Tu sauras qui j'aimais par l'effet de ma haine : Je me venge en amante, et me punis en reine. » **** *creator_gresset *book_gresset_edouardiii *style_verse *genre_tragedy *dist1_gresset_verse_tragedy_edouardiii *dist2_gresset_verse_tragedy *id_ISMENE *date_1740 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_ismene Que craignez-vous ? Pourquoi regrettez-vous, madame, De m'avoir dévoilé le secret de votre âme ? Ce penchant vertueux, ce sentiment vainqueur Pour le plus grand des rois honore votre coeur : La vertu n'exclut point une ardeur légitime ; Quel coeur est innocent, si l'amour est un crime ? On soulage son coeur en confiant sa peine ; Pourquoi m'avoir caché... Vous l'allez voir ici. Mais pourquoi fuir la cour, Et rejeter l'espoir qui s'offre à votre amour ? Le trône à vos attraits... Le silence et l'effroi Environnent les lieux qui nous cachent le roi. Je n'ai vu que Volfax ; il me suit, et peut-être Mieux instruit des revers que ce jour a vus naître, Madame, vous pourrez les apprendre de lui. Ses amis, sa vertu, la voix de la justice... **** *creator_gresset *book_gresset_edouardiii *style_verse *genre_tragedy *dist1_gresset_verse_tragedy_edouardiii *dist2_gresset_verse_tragedy *id_AMELIE *date_1740 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_amelie Ah ! Madame, arrêtez ; que prétendez-vous faire ? Le conseil du courroux est toujours téméraire : Dissimulez encore, assurez vos projets, Et ne quittez ces lieux qu'à l'instant du succès. Votre déguisement est sans ignominie : Depuis le jour fatal où la flotte ennemie, Détruisant votre espoir, traîna dans ces climats Le vaisseau qui devait vous rendre à vos états ; Prise par vos vainqueurs sans en être connue, Sans honte vous pouvez vous montrer à leur vue. Vous auriez à rougir si vos fiers ravisseurs, Voyant Alzonde en vous, voyaient tous vos malheurs : Mais du secret encor vous êtes assurée, Et la honte n'est rien quand elle est ignorée. J'attendais cette ardeur où votre âme est livrée ; Mais comment, sans secours, d'ennemis entourée...? Mais ne craignez-vous point d'obstacle à votre fuite? Qui peut vous arrêter ? Comment pourrait vous plaire Ce palais décoré d'une pompe étrangère? Tout ici vous présente un spectacle odieux : Ce trône annonce un maître, et le vôtre en ces lieux; Ces palmes d'un vainqueur retracent la conquête ; L'oppresseur de vos droits, l'usurpateur... Vos ordres sont remplis.