**** *creator_lafontaine *book_lafontaine_ragotin *style_verse *genre_comedy *dist1_lafontaine_verse_comedy_ragotin *dist2_lafontaine_verse_comedy *id_RAGOTIN *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ragotin Arrête, arrête, infâme ! Ouvrez la porte, ouvrez. Eh ? Vite, où me cacher ? Ah ! J'ai le nez cassé. Je suis blessé. Ah ! Monsieur Le Destin, Séparez-nous. Ne le lâchez pas, monsieur de La Rancune. À moi, monsieur L'Olive, à moi ! Mal à propos mon arme a fait la chose, Mais c'est sans mon aveu, demandez-lui plutôt. J'étais parti du Mans, monté sur un courtaud, Comme un petit Saint-George avec cet équipage, Sans avoir le dessein de faire aucun dommage, Foi d'avocat ! Ayant joint la troupe au faubourg, Nous avons pris d'ici le chemin le plus court ; Tantôt caracolant devant, tantôt derrière, Et tantôt cajolant l'une ou l'autre portière, Faisant couler le temps, gagnant toujours pays, En propos gaillardins, réjouissants devis, Nous nous sommes trouvés proche votre avenue. D'abord votre présence ayant frappé ma vue, Pied à terre aussitôt j'ai mis avec eux tous ; Vous nous avez reçus bras-dessus bras-dessous. Pour jouir en chemin de votre air amiable, J'ai voulu remonter à cheval, c'est le diable ! En montant le matin dans ma cour bien et beau Je m'étais dextrement aidé d'un escabeau ; Mais, en pleine campagne étant sans avantage, La pâleur de han-han m'est montée au visage. Toutefois prenant coeur pour cet exploit guerrier, J'ai vaillamment porté mon pied à l'étrier ; D'une main empoignant le pommeau de la selle, Pour porter l'autre jambe en l'autre part d'icelle, Je me guindais en l'air quand la selle a tourné ; Au crin tout aussitôt je me suis cramponné ; Enfin, cahin-caha, j'avais monté ma bête. La chose jusque-là n'avait rien que d'honnête ; Mais malheureusement ce maudit mousqueton, Ayant entortillé mes jambes de son long, S'est trouvé sur la selle, et juste entre mes fesses. Pour m'affermir dessus, sensible à ces détresses, Mes pieds trop courts cherchant mes étriers trop longs, Ont fait à mon cheval sentir leurs éperons Dans un endroit douillet où jamais la molette N'avait piqué cheval. Il part, marche à courbette, Plus fort que ne voulait un quasi-Phaéton Dont le corps ne portait que sur un mousqueton. Moi, j'ai soudain serré mes deux jambes de crainte ; L'animal aussitôt, à cette double atteinte, A levé le derrière, et moi je suis glissé Aussitôt sur le col où je me suis blessé ; Car le cheval mutin, après cette ruade, A relevé sa tête, et fait une saccade Qui du col sur la croupe à l'instant m'a placé, Du maudit mousqueton toujours embarrassé. N'y souffrant rien, il a gambadé de plus belle, Et m'a fait un pivot du pommeau de la selle. M'étant saisi du crin, et me tenant serré, Mon cheval galopait, quand mon arme a tiré : Je me suis cru le coup au travers de la panse ; Mon cheval en a craint tout autant, que je pense, Car il en a du coup si rudement bronché, Que le maudit pommeau qui me tenait bouché Juste un certain endroit comme un bouchon de liège, À mon corps chancelant n'a plus servi de siège. Suspendu donc en l'air, un pied libre et traînant, L'autre pour mon malheur à l'étrier tenant, Jamais de mon trépas je ne me crus si proche. Enfin je fais effort, et mon pied se décroche; Lors on a vu soudain, comme un fardeau de plomb, Corps, harnais, baudrier, épée, et mousqueton, Bandoulière, enfin bref tout l'attirail de guerre, Donner, non sans douleur, de compagnie à terre ; Et tout cela s'est fait, ma foi ! sans vanité, Bien plus adroitement que je n'étais monté. À peine relevé de cette culbute, J'avais l'esprit encore étourdi de ma chute, Quand cet homme a plein poing est venu me charger : M'étant senti des pieds encor pour déloger, J'ai promptement cherché du secours dans la fuite ; Mais il s'est jusqu'ici chargé de ma conduite, Toujours la fourche aux reins. L'ai-je fait par malice ? Je vous suis obligé, madame La Caverne. Je ne sais, je n'ai pas eu le temps d'y penser, Charmante Étoile ; il faut, avant que je l'assure, Y tâter. Grâce au ciel, ma tête est sans fêlure, Les ressorts de mes bras ne sont point fracassés, Mes jambes et mes pieds se trémoussent assez, Hem, hem, l'individu fait encor son office, Et... tout se porte bien, fort à votre service. Excusez-en, Madame, une frayeur mortelle. Souffrez que cette main, pour réparer l'affront De vous avoir tantôt fait un beignet au front, Aide à la promenade à soutenir la vôtre ; Madame La Caverne, approchez, voici l'autre. Tels jadis les géants, plus grands que moi de corps, Sous les monts qu'ils traînaient ensevelis... Cet homme sous ce faix de la porte s'empare, Laissons-le là, passons de l'antre. Ces gens ont entrepris de nous embarrasser ; Allons. Je sais bien L'honneur qui... Diable ! N'en faites rien. Ah ! C'est sur moi que tout tombe La chute du cheval m'a causé moins d'effroi ! Ah ! Ragotin, ce jour n'est pas heureux pour toi. Bonnassère ayant su que nous couchions nous deux, J'ai fait provision d'un Saint-Laurent fameux, Pour agréablement achever la journée. Avocat plus couvert qu'un jambon de lauriers, J'ai toujours dans le vin conçu mes plaidoyers ; Du Cuisinier français juridique interprète, On me trouve au barreau bien moins qu'à la buvette ; Dans notre chambre allons humer ce piot-ci. Au plus illustre acteur que l'on voie en ces lieux. Pour un homme meublé d'une âme non commune, J'ai toujours regardé le savant La Rancune : À son génie ! Ami, trêve d'apothéose. Ma pudeur à t'ouïr souffre terriblement. Buvons sans compliment ; Pour t'immortaliser dans un renom extrême, De tes rares vertus je veux faire un poème. Et pourquoi ne le serais-je pas ? Apollon a passé mon esprit sur la meule : Du poète Garnier ma mère était filleule, Et tel que tu me vois j'ai son écritoire. Oui. J'ai du majestueux, du fier, du doux, du tendre, Du galant. Je vais jeter en sable à toi ce petit coup, Avec rubis sur l'ongle, et la bravoure au bout. Entre nous, ce ne sont que des badineries. Bon ! Est-il une voix que la mienne ne morgue ? Je te l'aurais fait voir quand j'accompagnais l'orgue, Si notre sérénade et nos musiciens N'avaient été troublés par quinze ou seize chiens Qui suivaient à l'envi, marchant de compagnie, Une chienne coquette et de mauvaise vie, Qui, pour le bien public, désirait travailler À croître son espèce et la multiplier. Comme on voit rarement, quand l'amour les assemble, Un nombre de rivaux être d'accord ensemble, Ceux-ci, dans leurs désirs, amants immodérés, Après s'être grondés, houspillés, déchirés, Renversèrent sur nous, dans leur brute manie, Orgue, table, tréteaux, et toute l'harmonie, Chacun, pour s'en sauver, fuyant de son côté, Tant que notre concert en fut déconcerté. Oui, tu l'as dit. Je n'en sais rien. C'est sans comparaison La plus belle. C'est... c'est... Est-il pas vrai ? L'Étoile, oui, oui, L'Étoile ; à ses regards la moelle Bout dans mes os, ainsi qu'un feu bien apprêté Fait bouillir un bouillon... tout comme... À sa santé Au moins il est cassé : rends-lui ce témoignage Que ce verre cassé pour elle est mon ouvrage. Ainsi soit-il ! Ami, que sens-je ici ? La caisse De moment en moment sous mon corps hausse et baisse ; Que veut dire cela ? Je lui résiste en vain ; Haye, prends garde à moi ; prends garde, Ragotin, Tu vas tomber : adieu la bouteille et le verre. Un tremblement de terre, Assurément. C'en est un, par ma foi, Car je sens que tout tourne. À l'aide ! À moi ! Je n'en puis plus. Au secours ! Au secours ! Je me meurs ! Je suis mort ! Ah ! Ah ! Je suis noyé. De La Rancune. Nous étions couchés dans un bouge ici près. Le lit, qu'apparemment on avait fait exprès, Était, comme le bouge, étroit et sans ruelle. M'ayant laissé le soin d'éteindre la chandelle, La Rancune au milieu s'est couché le premier ; Je me suis doucement mis au bord le dernier. J'entonnais, en ronflant, déjà mon premier somme, Alors que, d'une voix douloureuse, mon homme M'a tiré par le bras, et s'est plaint, en criant, D'une difficulté d'uriner, me priant De lui donner le pot de chambre. À sa prière Je l'ai fait. Après s'être en vain une heure entière Efforcé, plaint, crié, juré comme un perdu, Sans avoir uriné goutte, il me l'a rendu. Moi, qui porte un bon coeur que le mal d'autrui touche "Je vous plains", ai-je dit alors, ouvrant la bouche Aussi grande qu'un four, à force de bâiller ; Puis je me suis remis plus fort à sommeiller. Dans ce somme profond la matineuse aurore M'aurait trouvé gisant, si le perfide encore Ne m'avait réveillé, me tirant par le bras, Pour me redemander, avec de grands hélas, Une seconde fois ce maudit pot du diable. Une seconde fois, ma pitié charitable L'a mis entre ses mains : pestant, mordant ses doigts, N'ayant rien fait non plus que la première fois, Il me l'a redonné, me priant, hors d'haleine, De ne me plus donner une semblable peine, Qu'elle n'était pas juste, et qu'il la prendrait bien : Et moi, qui n'aime pas de contredire à rien, J'ai dit qu'à ses désirs il pouvait satisfaire. Ayant remis le pot à sa place ordinaire, J'aurais gagé, sentant le sommeil me saisir, Qu'autant qu'une marmotte on m'allait voir dormir. Le maudit La Rancune, homme sans conscience, N'avait pas jusqu'au bout lassé ma patience : Pour reprendre le pot, lui-même ayant porté Tout son corps hors du lit, de force il m'a planté Un coude dans le creux de l'estomac, terrible, M'éveillant en sursaut à cette masse horrible : " Morbleu ! me suis-je alors écrié, je suis mort." " Je vous demande excuse, a-t-il dit, et j'ai tort ; Mais de peur d'interrompre, en ma douleur extrême, Votre sommeil encor, j'ai pris le pot moi-même. Malepeste, ai-je dit, m'étouffer, m'accabler, M'enfondrer l'estomac, n'est-ce pas le troubler ?" Mais lui, sans m 'écouter, ni craindre ma colère, Rendait à la nature un tribut ordinaire. Je l'en félicitais de mon mieux, quant le sot Voulant le mettre à terre, a répandu le pot Plein jusqu'au bord sur moi, me noyant la poitrine, La barbe, et tout le corps, d'un océan d'urine. Portant bien loin du lit mes pas précipités, Je cours, je vais, je viens, tout couvert de... sentez. Eh bien ! es-tu content, Sort ? Suis-je assez berné ? Malheureux Ragotin, sous quel astre es-tu né ! Amour, sous ton pouvoir mon coeur est à la laisse ; Mais cette nuit cherchons un lit dans cette caisse. M'aurait-on encavé ? Je ne vois goutte. Holà, quelqu'un ! De la lumière ! Que sens-je ici ? C'est une bière. Hélas ! Sans le savoir, serais-je trépassé ? Je suis mal enterré ; messieurs, sortez d'erreur. C'est par un quiproquo. Fossoyeur ! Fossoyeur ! Retirez-moi d'ici, rendez-moi la lumière ! Déclouez cette bière. Suis-je mort ? Mais je vois des objets dont mon âme est ravie. Aurions-nous de concert fait faux bond à la vie ? Hem ! Pour voir, patinons. Elle frappe fort. Je sens bien que je ne suis pas mort ! Attendez ; suis-je bien éveillé ? Je ne sais. Oui, cela sent l'urine. Ah ! Maudit mineur ! Il m'en souvient : c'est toi Dont la main, cette nuit, à répandu sur moi L'infernale liqueur d'un profond pot de chambre, Qui n'était point rempli de civette ni d'ambre. Point, point. Mais que vois-je ? Aurait-on rétréci mon pourpoint ? Ou mon corps serait-il plus gros qu'à l'ordinaire ? La Rancune, est-il point remployé par derrière ? Il est d'un bon pied par-devant trop étroit : D'où vient ? Moi, malade ! Hélas ! C'est bien pis. Ce sont eux. Quelle enflure ! Ah ! J'ai l'âme saisie, La Rancune ; et d'où vient cela ? En meurt-on ? Hélas ! La Rancune ; au besoin, ne m'abandonne pas. À l'aide ! Qu'on me soutienne ! Je veux qu'il meure à coup de barre. Où donc se cache-t-il ? Le voilà ! Gare, gare ! Qu'on le livre, ou ma main va, sans que rien l'arrête, Avecque ce chenet, fendre plus d'une tête. C'en est fait. Chien ! Oh ! oh ! Oh ! oh ! Donnez. Oh ! Oui. Ouffe. L'ai-je bien entendu ? L'Étoile est blessée ? Messieurs, soutenez-moi. Par un récit funeste, Funeste messager, instruisez-moi du reste : Après je veux mourir. Vous êtes donc blessée, objet que j'idolâtre ! Je serais votre fait, Monsieur, si j'étais femme : Le rôle de L'Étoile est gravé dans mon âme, Pour l'avoir fait au Mans repasser plusieurs fois. Oui : j'ai sa même voix, J'ai tout son même ton, comme elle je déclame; J'ai même geste enfin ; mais je ne suis pas femme. Ha, ha, ha, ha, ha, ha ! La pauvre Cléopâtre est bien défigurée ; Vous voyez comme on l'a dans ces lieux accoutrée. Oh, juste ciel ! J'ai fait un bel apprentissage. Le Destin s'est, dit-on, battu comme un lion, Et, ma foi ! C'était fait de Biaise Bonvillon, Si d'une prompte fuite il n'avait pris la voie. Est-ce que Bouvillon te choque ou t'a rendu... Ah ! pour un temps, ami, suspens cette vengeance, Jusqu'à ce que tes soins, propices à mon coeur, À m'être favorable accoutument sa soeur. Je l'aime, et si tu n'as pitié de ma souffrance, Dans deux jours il n'est plus de Ragotin en France. De trop d'honnêteté c'est me favoriser. Je te suis obligé. Parle, achève, mon cher, de me combler de joie. Trop d'honneur ! Je le crois. Tiens, voilà déjà demi-louis. Oh ! Ce demi-louis avec cette pistole ; Et puis ces trente sous, cela fait six écus. Oui. Voilà trois écus blancs, qui font neuf justement. J'y cours. Ah ! Que n'ai-je eu plus tôt cet ordre-ci ! Le carrosse attelé de trois chevaux, Madame, Et la tante, après vous attendent pour partir. Elle m'envoie exprès pour vous en avertir. Oui, beauté printanière. De la part de monsieur de La Baguenaudière, Je... En cela si ma bouche est muette, C'est que chaque pays pour tout ne sont pas bons. Du Mans il ne vient rien d'exquis que des chapons ; Ce n'est pas votre fait. Isabelle est là-bas, Elle m'attend, j'y cours : sans tout cet embarras, Votre commission occuperait mon âme. Une autre fois au Mans exprès pour vous, Madame, Je me rendrai. Volontiers, mais en vain je la cherche et me baisse ; La cassette à mes yeux ne s'offre point ici. Ce couvercle m'assomme, Mademoiselle, et tôt, levez-le ; il pèse fort. Aye ! Ouf ! Je vais mourir. Et vite à moi ! Tôt ! Si... Que vois-je ? L'Étoile est changée en fantôme ! Ne serait-ce point lui qui vient de me coffrer ? Que n'ai-je un instrument propre pour balafrer ! Mais vengeons-nous des poings. Ah ! Le traître m'accable : Sauvons-nous ; ce n'est pas un homme, c'est un diable. Ne trouverai-je ici qu'outrage sur outrage ? Maudit château ! Maudit amour ! Maudit voyage ! Ah ! Pendu ! Moi ? Je suis tout éperdu ! Quelle grêle de maux ! Ciel ! Pour les autres, passe ! Mais me voici tombé de fièvre en chaud mal ; grâce ! Ayez pitié d'un avocat ! Moi, je n'en sais rien. À mon âge ! Avant que de me pendre, ayez de moi pitié; Tirez-moi, s'il vous plaît, cette épine du pied ; Je cours risque autrement, foi d'homme qui vous prie, D'en être estropié le reste de ma vie. On me va pendre : Et je ne sais comment me tirer de là. Il est vrai, cher ami, sans toi ces happe-chair M'allaient faire danser un entrechat en l'air ; Mais mon pied, emboîté dans ce pot détestable, Implore à l'en tirer ta pitié charitable. Ô ciel ! À quel malheur m'avez-vous attaché ! Heureux de n'avoir pas pourtant été branché. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_ragotin *style_verse *genre_comedy *dist1_lafontaine_verse_comedy_ragotin *dist2_lafontaine_verse_comedy *id_ISABELLE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_isabelle Allons tôt... Que vois-je ? Ah ! J'y venais pour apprendre à mon père qu'un homme Arrive dans la cour. Quoi ! Des obstacles toujours ! Je ne puis satisfaire au penchant de mon âme. N'est-ce point que le ciel désapprouve ma flamme ? Que, sans l'aveu d'un père, épousant Le Destin... Mais il a si bon air ! Il m'aime, il est certain. Il vient. Où courez-vous ? Par un transport extrême, Madame Bouvillon vous prévient elle-même : Que va-t-elle penser en ne vous trouvant pas ? Des nobles campagnards la retiennent là-bas ; Tandis qu'elle s'amuse en compliments frivoles, Ne perdons point de temps en de vaines paroles. Vous savez ce qu'au Mans mon coeur vous a promis, Vous savez ce qu'ici le vôtre m'a permis ; Pour votre enlèvement tout est prêt, et Léandre Avec trois bons relais en lieu sûr va nous rendre. À la porte du parc courons sans hésiter... Êtes-vous sûr que rien ne nous puisse arrêter ? Le jour est encor grand, quelqu'un peut nous surprendre ; De peur de quelque obstacle, il vaudrait mieux attendre ; La nuit serait un temps propre à notre désir. Moi ! Que venez-vous me dire ? De tous les maux pour moi ce serait là le pire ; J'aimerais mieux mourir que le voir mon époux. Je n'ai des yeux que pour votre personne, Et n'examine rien que vos seuls intérêts. Madame Bouvillon m'observe ici de près : Ayant un grand crédit sur l'esprit de mon père, Par avance elle prend sur moi des droits de mère ; À ses ordres mon père attache mes destins, Elle vous voit d'un oeil qui fait que je la crains. Allons... Elle vient. Ah ! Que faire ? Je ne le cèle point, sur ce fatal voyage Madame Bouvillon me donne de l'ombrage; Elle vous aime. Une femme à son âge, et la nuit et le jour, Curieuse, et sans cesse attachée à sa suite, D'un amant qu'elle adore observe la conduite. Pour trouver un temps propre à nous favoriser, N'avez- vous point quelqu'un qui puisse l'amuser ? La Rancune est homme à vous rendre service. Vite, éteignons la lumière ! Voyons si Le Destin est encore en ces lieux. Oui. Quelqu'un vient, je vous laisse. N'aurons-nous point encor d'aventure nouvelle ? Qu'entends-je ? Il me perd. Où fuir ? Je ne vois rien ; ciel ! Mon coeur ne reviendra jamais De la peur qu'il m'a faite ici. Que je vous hais ! Je vais en bonne foi Songer à vous payer de ce que je vous dois. Que j'ai tremblé ! Qu'entends-je ? Que vois-je ? Où suis-je ? C'est mon père ! Il faut le retrouver, ou bien je suis perdue. Rien ne s'offre à ma vue. Rien. Plaît-il ? Voudra-t-il nous le rendre ? Insolent ! Ciel ! Que viens-je d'apprendre ? Madame Bouvillon par là va tout savoir. Voici mon père. Ah, mon père ! Au jardin, Monsieur Bouvillon vient d'attaquer Le Destin : Ils sont aux mains. Je vous cherchais : mon père, en mon appartement, D'aller au Mans sans lui m'a fait commandement. D'où vient qu'à ce voyage ainsi seule il m'expose ? Est-ce pour m'éprouver ?... Ah ! Ne vous trompez pas : Une vieille parente accompagne mes pas ; Et monsieur Ragotin pareillement. Mon père L'a prié de cela : je ne puis m'en défaire ; Il m'attend au carrosse, et va venir ici Si je tarde un moment encore, et... le voici. Juste ciel ! La frayeur s'empare de mon âme.. Ah ! Mon père, songez que j'ai part à l'offense. Cette aventure est rare et surprenante. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_ragotin *style_verse *genre_comedy *dist1_lafontaine_verse_comedy_ragotin *dist2_lafontaine_verse_comedy *id_MADAMEBOUVILLON *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamebouvillon En vérité, monsieur de La Baguenaudière, Depuis que la fureur de rimer au hasard A pris le peu d'esprit dont le ciel vous fit part, On ne vous entend plus. Pourquoi cette litière, Ce Phébus ? Que d'embarras ! Vous moquez-vous d'avoir ici tout ce fracas ? Pourquoi cette dépense ? Et que voulez-vous faire, Vous, des comédiens ? Dites que c'est pour voir votre comédienne. Avouez-le entre nous, Cette brillante Étoile est un astre pour vous : Vous l'aimez, et votre âme adore sa puissance. Eh ! Quoi donc ! Sans aimer ne puis-je être civile ? Est-il assez hardi pour présumer de soi ?... Ce n'est qu'avec vous qu'il est venu chez moi. Eh bien ! En ce moment, Si j'eus à le servir un peu d'attachement, Qu'en pensez-vous conclure ? En un mot comme en mille, Ce n'était qu'un effet de mon humeur civile. Qu'est-ce que Ragotin ? Que cherchez-vous ici ? Comme est-ce qu'on le nomme ? Je ne sais. Je l'ai pris pour ce comédien, Si jeune, si bien fait, qui déclame si bien, Qu'on aime tant, et qui, quand la pièce est finie, Vient toujours saluer toute la compagnie, Et faire un compliment. C'est Le Destin, j'y cours ; Ne me suivez pas. Quoi ! Seul dans l'embarras laissez-vous votre père ? Il veut vous présenter là-bas à ses amis; Allez faire avec lui les honneurs du logis. Vous, monsieur Le Destin, demeurez. L'étourdie, Je pense, en s'en allant, a d'une main hardie Fermé sur nous la porte : aveugle à ce point-là, Elle... Je ne dis pas cela, Monsieur, mais aujourd'hui la médisance est telle... Je ne dis pas cela ; Mais c'est faire beaucoup qu'en venir jusque-là. Vous savez, quand les gens sont enfermés ensemble Tête à tête, qu'ils font tout ce que bon leur semble : Tout de même à son gré chacun en peut parler. Je ne dis pas cela ; Mais ce matin monsieur de La Baguenaudière, Dont l'esprit a des coeurs la connaissance entière, Me disait, en raillant doucement avec moi, Qu'il croyait que pour vous certain je ne sais quoi... D'un ton malicieux il me faisait entendre Que vous étiez bien fait, qu'on avait le coeur tendre. Je ne dis pas cela ; Mais comme un chaste hymen me doit rendre sa femme, Que sais-je ? Il craint peut-être ... Qu'entends-je ? À quel malheur le sort nous a livrés ! C'est La Baguenaudière. Ouvrez tôt. Ouvrons nous-même. Ah, ciel ! J'ai la tête fendue. Ah ! La tête. Quel est ce godenot fagoté de la sorte ? Que la fièvre l'emporte ! Quel coup ! Je n'en dis pas de même, et votre bras trop prompt M'a donné de la porte un rude coup au front. Quittez-moi ! Ah ! Va-t-on jouer monsieur de La Baguenaudière ? Verrons-nous repasser la pièce tout entière ? Est-ce que le Destin a quelque maladie ? Le Destin voudrait-il priver de sa présence Une pièce admirable, une noble assistance ? Du Destin, quoi ? Qu'ont-ils vu paraître ? Montrez-moi. Voyons. Ciel ! Que vois-je ? Oui, c'est à moi qu'il s'adresse : Mais n'en témoignons rien, cachons notre allégresse. À qui donc le Destin peut- il écrire ainsi ? Plus je lis son billet, plus je pense trouver À qui... Tout aujourd'hui je le veux observer, Et c'est pour cause. Adieu. Trouvons, puisqu'il m'en prie, Un moyen pour ne point être à la comédie, Et puis allons l'attendre en mon appartement. Pour savoir le détail de ce qui s'est passé, Je vous cherche. Eh, mon Dieu ! N'êtes-vous point blessé ? Contre ce fils ingrat juste est votre colère; Mais ne la faites point passer jusqu'à sa mère. Hélas ! Dans ce moment je m'amusais à lire Certain billet galant que vous veniez d'écrire. Vous rougissez ! Non, non, bien loin d'être perdu, Au gré de vos souhaits le hasard l'a rendu ; Il est entre des mains qui vous sont favorables. Vous devez quelque grâce à mes soins charitables ; Venez, pour dissiper le trouble où je vous vois, Parler de ce billet, au jardin, avec moi. Quoi ? Ne craignez rien. Monsieur de La Baguenaudière, Sur qui mon bien me donne une puissance entière, Dans un moment ou deux, va, par mon ordre, au Mans, Inviter un parent de se rendre céans. J'ai su trouver exprès ce devoir de famille ; Il va dans un moment partir avec sa fille. Oui. Sans crainte désormais... Elle a raison. Aux yeux des surveillants peut-on mieux se soustraire ? J'y cours. Le Destin au berceau n'a point frappé mes yeux, Et son retardement me ramène en ces lieux. Le voilà ; j'avais tort de soupçonner son zèle. Oui, c'est moi. Mais, vous-même, est-ce vous ? Souffrez que vos regards soient témoins de ma joie. Pure est ma passion. Ah ! Ah ! C'est donc vous, monsieur de La Baguenaudière ? Vous croyiez voir ici L'Étoile poussinière. Sachant bien que pour elle on me manquait de foi, J'ai feint exprès ainsi pour en juger par moi. Qui vous fait marcher sur ce pied de métal ? Et pourquoi fuir monsieur de La Baguenaudière ? C'est qu'un diable tantôt fait de même manière, Mais mille fois plus grand, a chargé sur mon dos Cent millions de coups d'un bâton court et gros ; J'ai fui, croyant l'avoir incessamment en queue, Faisant à chaque pas un demi-quart de lieue, Tout hérissé de peur, lorsque j'ai rencontré Un maudit pot de chambre où mon pied est entré. Aux cris que j'ai poussés, gémissant de faiblesse, Un chien est survenu qui m'a mordu la fesse ; Mais je n'ai point songé qu'à ce pied empoté, Que si vilainement la fortune a botté. Je mettais vainement ce pied à la torture Pour chercher les moyens d'ôter cette chaussure, Quand un homme est venu de la part du Destin, Et d'Isabelle aussi, pour me remettre en main Le billet que voilà. Surpris à sa lecture, Oubliant tous les maux de ma triste aventure, J'ai fait de vous chercher mes plus fortes raisons Pour vous en faire part. Tenez, lisez. Toi, pendu : diffamer ma famille, M'enlever une bru, faire un rapt de sa fille ; Pendu, pendu, pendu ! Chansons ! C'est trop peu qu'un couvent pour sa peine afflictive ; Il faut dans un cachot l'enterrer toute vive. Il faut, sans balancer, qu'ils soient tous deux punis ; Mais, qui vient nous troubler ? D'ennui ceci me va combler. Le Destin est mon fils ! Mon coeur en pâme d'aise ; Il faut que tout mon soûl je le baise et rebaise. J'en crois ce que pour lui la nature m'inspire. Vous n'avez pas sujet d'en être mécontente. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_ragotin *style_verse *genre_comedy *dist1_lafontaine_verse_comedy_ragotin *dist2_lafontaine_verse_comedy *id_BLAISEBOUVILLON *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_blaisebouvillon Ne vous ennuyez plus ; ils viennent, les voici, Beau-père. Non, mais j'ai vu de loin une épaisse poussière ; Ce sont eux, ce sont eux, car mon oeil a su voir À travers ce brouillard un cheval gris et noir, Qui tantôt se pavane, et puis qui tantôt trotte : À chacun de ses flancs est pendue une botte, Au-dessus de la selle il paraît un chapeau ; Le chapeau ne vient pas tout à fait au niveau Et laisse entre la selle et lui quelque distance ; Je ne sais ce qui peut causer cette éminence ; C'est pourtant quelque chose, il n'est rien plus certain ; Mais je n'ai jamais pu le voir. Et moi, j'y vais aussi. Les voici. Mon cher La Rancune, oui, je vous trouve admirable ; Touchez là, vous venez de souper comme un diable ; J'ai pris tant de plaisir en vous voyant manger, Qu'avec vous d'amitié je me veux engager : Embrassons-nous encor. Pour vous faire un peu rire, Apprenez un secret... c'est... n'allez pas le dire ! Tenez ce flambeau. Vous voyez ce paquet, Qu'est-ce ? Oui, mais point de caquet. Venez m'éclairer ; motus au moins, pour cause. Le voilà cloué, Dieu merci ! Bouche close. Vous ne savez pas pourquoi je le mets là ! Apprenez-le ; au moins ne dites pas cela ! Vous venez de voir ma maîtresse Isabelle. Dites-moi, comment la trouvez-vous ! Hem ? Demain un lacs d'hymen me donnera sa foi. À prendre sans verd nous jouons elle et moi : D'avoir perdu deux fois j'ai déjà l'infortune ; Mais avec ce pétard je veux qu'elle en perde une. Sur le minuit j'y viens mettre le feu. Isabelle, à ce bruit, oubliant notre jeu, Sortira sans son verd, j'en suis sûr ; sa surprise Fera que pour ce coup elle se verra prise. Le tour n'est-il pas drôle et bien trouvé ? Adieu, je sors sans faire aucun semblant de rien : Chut. Allons mettre le feu promptement au pétard. Je vous prends sans vert : En avez-vous ? Montrez, ou j'ai gagné, je jure. À prendre sans vert nous avons fait gageure ; Elle a perdu. C'est à cause qu'elle a perdu, le tour est drôle ; Mais que faisiez-vous là ? Comment ? Si tard ! Achevez votre affaire Sans obstacle, bonsoir. Enfin, vous me devez... Nous le verrons : adieu. Or, écoutez, messieurs, petits et grands : L'Étoile, en ce moment, cette charmante fille, S'est de son propre pied disloqué la cheville. Oui. Pour venir babiller Son rôle dans la pièce, elle allât s'habiller ; Mais un vilain caillou s'est trouvé devant elle, Qui parterre a fait choir la pauvre demoiselle. Ma mère dans sa chambre est à la secourir. Voilà le récit fait, et vous pouvez mourir. Ferais-je bien cela tout de bon ? Est-ce un grand rôle ? Sont-ils en prose ? Irai-je, ô beau-père ? Allons donc, menez-m'y. Eh bien ! Pieds ou jambes, qu'importe ? L'un vaut l'autre. Je m'en bats l'oeil. Suis-je un comédien ? Qu'un autre fasse mieux ! On rit de moi-même à ma face. Messieurs les baladins, avant que le jour passe, J'étrillerai quelqu'un, et sur un autre ton. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_ragotin *style_verse *genre_comedy *dist1_lafontaine_verse_comedy_ragotin *dist2_lafontaine_verse_comedy *id_LEDESTIN *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ledestin Quel temps plus favorable avons-nous à choisir ? Madame Bouvillon est là-bas en affaire, Le soin de notre troupe occupe votre père ; L'embarras qu'ils auront l'un et l'autre en ces lieux, Et sur vous et sur moi lui fermera les yeux, Et nous serons déjà bien loin de leur présence Avant que quelqu'un d'eux ait appris notre absence. Est-ce qu'en différant, et par précaution, Vous voulez donner temps à Blaise Bouvillon De vous épouser ? Et qui vous retient donc ? Parlez ; est-ce, entre nous, Que ma profession vous tiendrait en balance ? Ignorez-vous combien on nous estime en France ? Sans vanité, madame, il est très peu de lieux Où je ne sois en droit d'oser lever les yeux. Si vous vous défiez de la foi que j'en donne, Il faut... Ne craignez rien. Je vais l'ouvrir. Je vais, pour l'empêcher, rappeler Isabelle, Madame, s'il vous plaît. Ah ! Ce n'est pas des gens qu'on voit vous ressembler, Qu'on fait impunément des soupçons téméraires ; Vous êtes au-dessus des sentiments vulgaires : Mais pour vous garantir de ces mauvais bruits-là, Je vais me retirer. Pour ne point confirmer les sentiments qu'il a, Il faut quitter ces lieux. J'y cours. Ah ! J'ai la jambe rompue. Je suis brisé. C'est Monsieur Ragotin. Quelle chute ! Arrête. Sortez de votre chambre, et venez en ces lieux. De peur d'une surprise ici nous serons mieux : Au moindre bruit rendant la lumière inutile, Voilà votre retraite, et voici mon asile. Apprenez le sujet qui m'amène, en deux mots. Ce soir, après minuit, lorsque par ses pavots Le sommeil en ces lieux répandra le silence, Je reviendrai vous prendre, et faisant diligence, Nous gagnerons la porte où mon valet m'attend, Et... qu'avez-vous encor ? Ce dessein vous surprend ? Eh bien ! Craignez-vous son amour ? Qui ? Vous le connaissez mal, il a plus de malice Qu'un vieux singe ; envieux, contredisant, menteur, Et qui s'éborgnerait du meilleur de son coeur Pour faire perdre un oeil à son voisin ; faux-frère, Médisant .... À sortir je n'entends plus d'obstacle. Est-ce vous ? Mon coeur... Ô Ciel ! Encor ! Si je n'avais contre eux trouvé cette machine, Ici jusques au jour, ils eussent pris racine. Tout est calme ; allons prendre Isabelle ; il est tard. Il est temps de partir ; venez, belle Isabelle. Non. D'où part ce grand bruit ? Qu'est-ce ? Je repassais un rôle. La nuit, dans le silence, au frais, L'esprit ayant du jour dissipé les objets, Conçoit plus librement. C'est ce que je vais faire. L'impertinent ! Au diable ! De peur d'un contretemps semblable, Ne nous amusons point en discours superflus. Qu'est-ce encor ? Ce qui m'amène ici, moi, c'est la même chose. Moi, je vais promptement Coucher. Ô Ciel ! Ma soeur, pour mon dessein ne craignez nullement ; Isabelle est d'accord de cet enlèvement. Pour notre hymen prochain ma parole est donnée ; Son coeur à mes serments soumet sa destinée Et déjà loin d'ici nous nous verrions tous deux, À l'abri des censeurs, au comble de nos voeux, Si le Sort, dont ma flamme attendait des miracles, N'avait depuis fait naître obstacles sur obstacles. Sa puissance aujourd'hui ne le peut différer : Tout est bien concerté, je le puis assurer. Ce qui me reste à faire est d'instruire Isabelle ; Mais comme, en m'approchant si souvent auprès d'elle, Mes desseins d'être sus pourraient courir hasard, Rendez-vous-y pour moi, voyez-la de ma part : Pour l'obliger à fuir dans cette conjoncture Donnez-lui ce billet, dont voici la lecture : L'incident qui nous sépara hier que nous étions seuls, et tout prêts de profiter de l'occasion, m'oblige de vous prier que nous nous voyions encore aujourd'hui pour prendre d'autres mesures, et mieux assurer les commencements d'un bonheur qui doit durer toute notre vie. Trouvez un prétexte pour ne point être à la répétition de la comédie de Monsieur de La Baguenaudière : quoique je doive y représenter le principal personnage, on ne laissera pas sans moi de repasser. L'Olive, mon père, a appris mon rôle, et m'excusera sur une raison très plausible. Je ne lui ai pourtant pas dit notre aventure ni notre but. Fiez-vous à ma discrétion, et ayez la bonté de m'attendre dans votre chambre. Le Destin. Parlez-lui, remettez ce billet en sa main, Et... Il est digne de vous : adieu. Pour nos amours, Ma soeur, allez trouver Isabelle. Allons, entrons chez Isabelle. Tantôt, sans Bouvillon, j'eusse été loin de vous. Ses coups, que j'imputais à son dépit jaloux De voir entre mes mains l'objet qui sait lui plaire, M'ont fait... Je pouvais aisément lui donner le trépas ; Mais mon respect pour vous a retenu mon bras. J'ai de vous obéir une ardeur singulière ; Mais je crains... Monsieur de LaBaguenaudière. Vous savez quels travers il s'est mis dans l'esprit ; J'en suis la seule cause, et vous me l'avez dit. Avec Isabelle ? Mais, Madame, céans vous avez des valets. Ah ciel ! À quoi m'engagez-vous, ma soeur ? Pour servir votre amour je flatte son erreur : De ce déguisement j'ai trouvé le mystère, Afin de l'obliger à nous laisser, mon frère. Quel bonheur ! Ce voyage enfin nous favorise, Il me va donner lieu d'achever l'entreprise, Puisque vous allez seule. À l'arrêter ici mettez tout en usage, Ma soeur ; n'épargnez rien... Si notre amour mérite un supplice éternel, C'est moi qu'il faut punir, je suis seul criminel. À mon père ? Mais il faut vous panser : où vous a-t-on blessé ? Non ? Isabelle ! **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_ragotin *style_verse *genre_comedy *dist1_lafontaine_verse_comedy_ragotin *dist2_lafontaine_verse_comedy *id_LARANCUNE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_larancune Si... Oh ! C'est un pétard. Oh ! Oh ! Oh ! Non. Oh ! Oui. Belle. Peste ! Comment ? Fort bien. Oh ! Qu'un campagnard est fat ! Son Isabelle Plaît au jeune Destin, je le crois aimé d'elle. J'admire en vérité les femmes d'aujourd'hui ; J'en vois peu qui ne soient quasi folles de lui. Du temps que je jouais les premiers personnages, Il n'aurait pas été propre à jouer les pages ; Parce qu'il est bien fait, jeune, et brillant d'appas, De toute l'assemblée il a les brouhahas. Je l'ai toujours haï, car il a du mérite... On vient ; c'est Isabelle et lui ; cachons-nous vite. Hem ! Hem ! Le drôle n'ébauchait pas trop mal mon portrait ; Un pinceau satirique en peignait chaque trait ; Il était en humeur de se donner carrière, Et m'allait achever de la belle manière, Si je n'avais toussé sortant de mon étui : Je ne me croyais pas si bien connu de lui; Mais sa furtive ardeur par moi mise en lumière, Pourra... Que veut monsieur de La Baguenaudière ? Ah ! Monsieur, serviteur. Monsieur... Qu'il est beau pour jouer un baron de La Crasse. Monsieur, en vérité, Ce surprenant excès de générosité Mérite ... Ah ! Monsieur, vous avez trop de bontés pour elles. Oui ; mais on n'en meurt pas. Mettre un homme d'honneur à des emplois si bas, C'est choquer sa pudeur ; mais que ne fait-on pas Pour des gens comme vous ? Je déchire le voile De la mienne ; quelle est cette beauté ? J'entends. Voici de quoi me venger du Destin. Vous n'êtes pas de mine à faire des cruelles : Pour voir selon vos voeux réussir vos desseins, Vous ne pouviez tomber en de meilleures mains. Parlons bas. Ce soir, dans cette place, Par mes soins vous pourrez vous trouver face à face. Parlez bas, dis-je. Oui, ce soir, sans bruit, Dans ce lieu trouvez-vous environ à minuit : Elle y viendra sans faute. De peur de quelque obstacle, il faut que je vous chasse : Sortez. Je vous réponds de tout. De me venger j'ai trouvé la manière. À minuit, ce monsieur de La Baguenaudière, Croyant trouver l'Étoile, en ces lieux se rendra Mais, au lieu de trouver sa belle, il surprendra Le Destin séduisant sa fille. À ce spectacle... Mais qu'entends-je ? Voici nos deux amants, cachons-nous à leurs yeux. Le drôle est caché dans la caisse. Ce bachique dessein part d'une âme envinée. Nous sommes pour cela tout aussi bien ici ; Employons cette caisse à nous servir de table. Le Destin va tout vif enrager comme un diable. Au plus grand avocat qui soit devant mes yeux. En homme au dernier point lettré, Ragotin s'est toujours à mes regards montré : À sa science !... Ah ! Monsieur, entre nous, sans louanges, pour cause. Et la mienne rougit... Quoi ! Le grand Ragotin, l'ornement d'ici-bas, Est poète ? Oui, C'est pour être poète, et poète accompli, N'auriez-vous point pour nous fait une tragédie ? Oui ; mais je veux de plus, outre ma poésie, Être comédien. Être comédien ? Que d'honneur pour nous ! Que d'éclat ! Que de bien ! Pour voir cet air chez nous en foule on va se rendre. Eh ! Morbleu ! Soyez comédien. Près de vous désormais nous ne serons plus rien. Ma joie à ce dessein est si peu retenue, Que j'en vais boire à vous rasade, et tête nue. Quoi ! Vous savez aussi de ces galanteries ? Comment ! C'est le bon goût ; c'est pour marcher de pair Avec les grands acteurs. Grondez-vous point un air ? Quel dommage ! À propos de cette sérénade, Personne n'est ici que nous deux, camarade ; L'assemblage d'un orgue et d'un musicien Comme vous, tout cela ne se fait pas pour rien : Ne mentez point ; c'était pour quelque demoiselle De notre compagnie. Laquelle ? Ni moi. Et qui ? Vous avez raison ; C'est une belle fille. L'Étoile. Touchez là : je vous veux servir dans votre amour, Et vous verrez... Buvons ; demain il sera jour. Qui vous a donc fait choir ? Bon ! Bon ! Appuyez-vous sur moi. N'avez-vons point vu le petit Ragotin ? En vain à le chercher mon âme est empressée. En même lit couchés tous deux la nuit passée, Étant incommodé, sans doute il s'est levé; Du moins à mon réveil je ne l'ai plus trouvé : Seulement ses habits ont frappé ma visière. Je le cherche, je cours depuis une heure entière; Et, pour moi, dont l'âme est ronde comme un cerceau, Le petit homme étant avocat et Manceau, Je conclus, et la chose est assez vraisemblable, Puisqu'il n'est point céans, il faut qu'il soit au diable. Ne l'avez-vous point vu ? Pour m'égayer Je viens de lui dresser un plat de mon métier : J'ai tout présentement, pour lui donner la fièvre, Rétréci ses habits. Le tour est assez mièvre. Quel billet sans dessus se présente à ma vue ? La main qui l'a tracé ne m'est pas inconnue. C'est de l'ami Destin que cette lettre vient ; Il l'a laissé tomber : qu'est-ce qu'elle contient ? Ces mots expliquent trop qu'elle est pour Isabelle ; Vengeons-nous du Destin, l'occasion est belle ; Et, pour jeter entre eux de la division, Voici tout à propos madame Bouvillon. Madame, pour cela chacun fait ses apprêts, Et tout ira des mieux, au premier rôle près. Non : c'est qu'un grand acteur bien fait, d'un beau génie, Que de mille talents l'astre a voulu douer, A souvent en secret plus d'un rôle à jouer. Quand on se met en tête un commerce amoureux... Mais pourquoi s'en fier au rapport de mes yeux ? Quoiqu'ils me fassent voir, ils se trompent peut-être : Le Destin... Ce billet que sa main, me semble, a su tracer, Et qu'ici sous mes pas je viens de ramasser. Quoi qu'il soit plié sans salissure, Quoiqu'il semble frais fait, à voir son écriture, Quoiqu'il paraisse neuf au blanc de ce feuillet, Il se peut que ce soit, Madame, un vieux billet. Ce n'est pas, que je pense, à personne d'ici : Car, d'aller soupçonner la charmante Isabelle, Il a trop de respect pour son père et pour elle. Comme il faut elle a pris la chose assurément, Et j'ai vu ses soupçons tomber sur Isabelle. Mais la voici qui vient, et l'Étoile avec elle ; De peur, pour ce billet, je les vois se troubler : Pour m'égayer un peu je vais la redoubler. Peut-on vous demander ce que vous cherchez ? Pourtant, en vous voyant, si je m'y connais bien, Quelque chose vous trouble. Sans être un grand devin, j'en crois savoir la cause. Certain billet... L'auriez-vous perdu ? Mais... C'est Ragotin. Il se croit enterré lorsqu'il n'est qu'encaissé. Quelqu'un, venez m'aider. Levons la caisse. Non, puisque vous parlez ; mais cette couleur fade, Ce visage plombé, nous marque un air malade : L'êtes-vous ? La sueur dont vous êtes mouillé Vient de réplétion, suivant la médecine. Fi ! Cela sent mauvais. Il faut que, cette nuit, rempli de vin sans eau, Quelque chose vous ait barbouillé le cerveau. Croyez-moi, rappelez votre réminiscence : Et, prenant vos habits, couvrez votre indécence : Vous vous souviendrez mieux étant rassis. Non. J'ai peur d'avoir touché la chose au doigt, Et que vous ne soyez malade. Cette grosseur encor le persuade. Mettez le haut-de-chausse, on verra. Ne vous trompez-vous point ? Sont-ce là vos habits ? D'hydropisie. Rarement on en réchappe. Non, non ; jusqu'au tombeau je vous escorte. Allons, courons, cherchons promptement du remède. Du billet vous me voulez parler : Vous le croyez perdu, votre âme est à la gêne ; Il ne l'est point, cessez de vous en mettre en peine ; Sous ses pas, en ce lieu, marchant sans y penser, Madame Bouvillon vient de le ramasser : Il est entre ses mains, vous l'y pouvez reprendre. Je vous en donne avis. Vous n'en ferez rien. Il me mord, le méchant petit homme ! Coupons par ici. Soyez sage au moins. Voyez la lumière. Rappelez vos esprits, reprenez tous vos sens : Courage ! S'il eût été tué, que j'aurais eu de joie ! Non ; c'est que Le Destin aurait été pendu. Depuis que d'un soufflet il m'a donné la touche, Pour quelque démenti prononcé par ma bouche, Quoiqu'à nous embrasser on ait vu ma ferveur, Ce soufflet m'est toujours demeuré sur le coeur ; Et sans cesse en secret sensible à cette offense... Pour vous servir je veux oublier mon courroux, Et pour vous témoigner combien je suis à vous, Je vais vous en donner la marque la plus tendre Que d'un coeur généreux un ami puisse attendre. Je n'en userais pas comme j'en vais user, Si je ne vous aimais autant que je vous aime, Et ne vous regardais comme un autre moi-même. Ce que vous allez voir Vous montrera sur moi quel est votre pouvoir. N'auriez-vous point sur vous dix écus de monnaie ? Prêtez-les-moi. Parbleu ! Je suis garçon de coeur ; Je ne les prendrais pas d'un autre. Si je n'avais pour vous une ardeur singulière, Je ne vous ferais pas une telle prière. Les amis, au besoin, sont toujours les amis : Je n'emprunterais pas d'aucun autre une obole. Est-elle de poids ? Dans deux jours tout au plus, Employant tous mes soins près de votre maîtresse, Vous entendrez parler pour vous de mon adresse. Ma foi ! Vous m'avez plu tantôt infiniment Dans le rôle... Au moins vous me devez un écu, songez-y. Je vois venir L'Étoile, et son frère avec elle : De bien près, ce me semble, il obsède Isabelle. Serait-il assez fou pour oser l'enlever ? Tout aujourd'hui de près je la veux observer. Hélas ! Où traîne-t-on notre ami Ragotin ? Qu'a-t-il dit ? Qu'a-t-il fait ? Ne saurait-on l'apprendre ? Où va-t-on vous mener, mon cher ? Quoi ! J'ai deux mots importants à dire ; écoutez-moi. Suspendez jusque-là la sentence mortelle. Nous nous aimons d'une amour fraternelle, Et je voudrais bien voir la grâce qu'il aura Au bois patibulaire alors qu'on le pendra. Si ce n'est que cela qui peut l'avoir perdu, De l'entendre au supplice, et de le voir pendu Nous n'aurons pas la joie. Apprenez-le : Sachant que Le Destin poursuivait Isabelle, Et que de l'enlever le drôle avait l'orgueil, Sur eux autour d'ici j'ai fait la guerre à l'oeil, Suivi de paysans, au bout de cette plaine; Comme ils allaient gagner la campagne prochaine, Je les ai fait saisir et ramener ici, Où vous allez bientôt les voir, et... les voici. Je ne vois point de sang en nul endroit. Il n'est point blessé. Non, le diable m'emporte ! Chose sûre. Juste. D'être pendu mon secours vous délivre. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_ragotin *style_verse *genre_comedy *dist1_lafontaine_verse_comedy_ragotin *dist2_lafontaine_verse_comedy *id_LOLIVE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lolive Quel tintamarre ! Quel contretemps ! On ne le peut pas, et l'on le peut, selon. Mon fils, à qui l'on vient de plier la toilette, Pique après le voleur une vieille mazette, Et ne peut être ici de retour d'aujourd'hui. Si, pour jouer la pièce, on veut que ce soit lui Qui de défunt Antoine imite la parole, On ne le peut pas ; mais, comme l'on sait son rôle, Qu'on peut, ainsi que lui le jouer, si l'on veut Que l'on le représente à sa place, on le peut. Bon : la nécessité prend le dessus des lois; La comédie était sans femmes autrefois ; Même encore un garçon fait la fille au collège : Nous pouvons au besoin user du privilège. Il reste encore un page. Monsieur de Bouvillon peut prendre cet emploi : Il est bien facié, sa voix est agréable, Et pour un page il est d'une taille admirable. Oui, vraiment. Il est de deux vers seulement. Non ; je vais vous les apprendre En un moment. Madame, en un mot comme en trente, De grâce, écoutez-moi ; si proche du trépas, Ayant à vous parler, ne m'interrompez pas. À défunt votre époux il prit un jour envie Dans la maison des champs d'avoir la comédie ; Le mal d'enfant vous prit, et monsieur votre époux Fut père d'un garçon, ou crut l'être. Chez vous Accoucha le jour même une comédienne ; Cette femme accouchée aussi c'était la mienne : Elle fit un garçon, et je le crus de moi, Car la défunte était laide ; et, de bonne foi, Quoiqu'elle vît en moi sans cesse un beau modèle, Le fils qu'elle me fit était aussi laid qu'elle. Je pestais de bon coeur contre cette souillon, Quand je vis remuer le petit Bouvillon, Qui parut à mes yeux d'aussi belle structure, Que mon magot était de laide regardure. Il me prit de troquer une tentation. Votre avare nourrice, en cette occasion, À l'or de mes louis sensible plus qu'une autre, Se chargea de mon fils, et me donna le vôtre : Moi, dès le même instant, de peur qu'on en vît rien, J'emportai votre fils, et vous laissai le mien ; Si bien que cet ingrat, dont la fureur impie Par un coup détestable a fusillé ma vie, Est mon fils ; et le vôtre, élevé de ma main, À qui j'ai façonné l'esprit, c'est Le Destin. La nourrice, avec qui j'avais tout concerté, Est encore en ces lieux ; elle peut vous le dire. Mon ami, j'ai le coeur d'outre en outre percé. N'importe ! Est-il vrai ? Il faut donc que la peur M'ait fait tourner la tête en me frappant au coeur. **** *creator_lafontaine *book_lafontaine_ragotin *style_verse *genre_comedy *dist1_lafontaine_verse_comedy_ragotin *dist2_lafontaine_verse_comedy *id_LETOILE *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_letoile Moi, non. J'y cours. Il faut qu'il soit ici. Eh ! Ce n'est pas grand'chose. Hem ! L'auriez-vons trouvé ? Sans doute il l'a trouvé. Je ne sais ; pour l'avoir il faut tout entreprendre. Non, restons en ces lieux ; il faut faire un effort Pour le ravoir. Halte ! Avant que de vous en aller, De grâce... Pour savoir sa pensée, allons, il faut la voir : Je m'en vais de ce pas la chercher, et j'espère Tirer adroitement d'elle... On n'a qu'à commencer ; pour moi, rien ne m'arrête : La répétition n'a pas besoin d'habits. Oui, je n'ai feint tantôt que je m'étais blessée, Qu'afin qu'en se rangeant dans ma chambre, emressée, Madame Bouvillon m'expliquât en effet Tout ce qu'elle pensait de vous et du billet. Heureusement, vous dis-je, elle l'a pris pour elle ; Elle vous cherche. Songez à vous, je vois venir sa mère. Eh bien ! Pour vous parer tous deux d'une surprise, En allant au jardin que chacun se déguise. Prenez quelques voiles épais, Qui vous puissent cacher aux yeux de vos valets ; Moi, j'aurai soin aussi de déguiser mon frère. Non ; en voici la cause : Il m'est venu prier d'une collation 'Qu'il voulait me donner au petit pavillon. À cela je m'engage : Sortez, allez attendre Isabelle ici près, Courez ; et vous, songez à le suivre de près. Vous allez donc au Mans ? Monsieur Ragotin part, et ne me vient pas Demander, lui qu'on voit charmé de mes appas, Si je n'ai point besoin au Mans de quelque emplette. Quel galant ! J'ai besoin de dentelles ; J'en vis chez un marchand l'autre jour de fort belles : Faites-les acheter. Comment ! J'en ai besoin ce soir ; Je m'en vais vous donner de l'argent pour l'avoir. Tirez-moi ma cassette, elle est dans cette caisse. Cherchez bien. Du dessus du coffre que voici, Faisons un trébuchet au pauvre petit homme ; Qu'il s'en retire après.