**** *creator_lebeaudeschosne *book_lebeaudeschosne_assemblee *style_verse *genre_comedy *dist1_lebeaudeschosne_verse_comedy_assemblee *dist2_lebeaudeschosne_verse_comedy *id_LESEMAINIER *date_1773 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lesemainier Que, parmi nous, l'emploi de Semainier Est bien un triste et fatiguant métier ! Si l'on me croit fort flatté de ce titre, On a grand tort. Quoi, toujours être arbitre Des différents d'actrices et d'acteurs ! Quoi, chaque jour, accueillir des auteurs, Dont les vers plats mettent à la torture L'acteur forcé d'en subir la lecture ! Prendre, chasser, quereller des valets, Suivre, intenter, terminer des procès ! J'ai bien assez de mes propres affaires, Sans en aller débrouiller d'étrangères. Que désormais d'autres prennent ce soin ; Moi, je n'en veux, ni de près, ni de loin. Mais il ne vient personne. Qu'est-ce à dire ? Robert. A-t-on pris soin d'instruire Tous nos acteurs ?... Il est le quart. Oh ! Ma montre est parfaite. Mais n'est-il point venu certain poète, Vêtu de noir, un homme assez mal mis ? Nous recevrons sa pièce. Fais-le moi voir quelqu'un de ces matins, Cela doit faire une pièce comique. « Pour avoir su transcrire élégamment les vers Qui porteront ma gloire au bout de l'univers ; Et pour s'être montré domestique fidèle, En me prêtant souvent son argent avec zèle, Je promets à Robert, qui m'a servi six ans, De lui payer un jour la somme de cent francs. » Tu n'es pas cher. Tu comptais donc un jour être poète ? Eh bien ? Dis-moi, Robert, les traits de ta figure Ne me sont pas nouveaux, je t'en assure ; Dans quel pays puis-je t'avoir connu ? Pourquoi ? Mais, oui. Cet art est surprenant. Diable ! Cet assemblage est burlesque. Grand Prince, hélas ! la chute est un peu grande. Va, sois content. Mais quelqu'un vient. Comment donc ? Ils devaient bien choisir d'autres moments. On était donc bien plus parfait jadis ! Cette remarque est fine autant que sage : Je l'entends faire aux gens du plus grand âge. Ce dernier point... Oui, cela donne une mine sauvage ; Vous en parlez fort énergiquement. C'est des paniers dont vous parlez, je gage. Je le crois fort. Avec un tel secours Vous enchaîniez autrefois les Amours. On le voit bien : vos yeux, Madame Armand, Faisaient l'effet de la pierre d'aimant : Vous attiriez les coeurs d'étrange sorte ; Même à présent, où, le diable m'emporte, Vous me plairiez dans de certains moments. Enfin pourtant Nous voici tous ; et l'Auteur est absent. Va le chercher. Prenons place. Sur tous ces points l'Auteur doit vous instruire. L'objet l'exige indispensablement. Fort bien. En bonne foi, dis-moi... Et le public, que croit-on qu'il dira ? Mademoiselle, il faudrait que d'abord, Sur chaque rôle, on fût un peu d'accord. Eh bien ; tâchez de vous raccommoder, Vous les rendrez bien sots, sur ma parole. Vous nous jetez dans un autre embarras. Quelle folie extrême ! Que ferons-nous ? Eh, bon jour donc, Monsieur de Songe-Creux. Passez. Ne soyez point honteux. Nos grands Auteurs tragiques et comiques N'ont remporté les palmes dramatiques Qu'après avoir siégé dans ce fauteuil. Excepté moi ; car j'étais du secret. **** *creator_lebeaudeschosne *book_lebeaudeschosne_assemblee *style_verse *genre_comedy *dist1_lebeaudeschosne_verse_comedy_assemblee *dist2_lebeaudeschosne_verse_comedy *id_ROBERT *date_1773 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_robert Monsieur ? Le jour et le moment Sont mis ainsi dans l'Avertissement : « On traitera d'affaires importantes, Sur le théâtre, à sept heures sonnantes, Le Mercredi, dix-septième du mois. » Vous vous trompez, je crois. Ou votre montre... Il va venir : je l'ai connu jadis. Il me demande un appui favorable Auprès de vous. C'est un assez bon diable : Je le protège : ah, protégez-le aussi. Grand merci ; Car, entre nous, il me doit quelque chose. J'ai son billet écrit, non pas en prose, Mais en beaux vers, en vers Alexandrins. Lisez. Le style en est pourtant tragique. Non ; mais il faut tout dire : Dans son métier il tâchait de m'instruire. Je le servais gratis, de mon côté : J'étais laquais par générosité. Monsieur, la rime est un grand casse-tête. On la poursuit, on cherche à la saisir ; Elle s'enfuit quand on croit la tenir. On n'y parvient qu'en se donnant au Diable. Je pris un parti moins damnable, Foulant aux pieds les lauriers d'Apollon, J'ai fui la rime, et suivi la raison. En cent endroits vous pouvez m'avoir vu ; Car l'éléphant, l'ours et le crocodile, Que l'on fait voir partout de ville en ville, N'ont pas des traits connus du spectateur Autant que ceux de votre serviteur. Je fus un de ces interprètes Dont on se sert pour les marionnettes. Polichinel, si plaisant pour les sots, Ne dut qu'à moi le sel de ses bons mots. Qu'alors j'étais cher à la populace ! L'ambition m'offrit une autre place. Chez des acteurs, qui n'étaient pas de bois, Je fus moucheur de chandelles... Je crois Que vous riez. Certains ouvrages N'ont dû pourtant leurs plus grands avantages Qu'aux doigts brillants d'un moucheur ignoré. Quand un théâtre est vraiment éclairé, Cela vous jette un jour sur une pièce On en saisit tout l'esprit, la finesse, Enfin cet art... Je n'ai point là borné tout mon talent ; Ce que j'ai fait est presque un phénomène. Monsieur, une même semaine M'a vu moucheur, contrôleur, receveur, Décorateur, afficheur et souffleur. Il est drôle. J'ai fait encor de méchants bouts de rôle ; Et qui plus est j'ai, pendant près d'un mois, Par intérim, représenté les Rois. Il fallait voir de quel air despotique Je soutenais ma fierté politique. J'avais un front plein de sérénité Lorsque mon trône était en sûreté. Mais quand l'Etat penchait vers sa ruine Je me croisais les bras sur la poitrine, Et je poussais d'augustes hurlements Comme un Lion dont on lime les dents. Je n'eus pourtant du parterre indocile Que des sifflets. Je vins en cette ville, Où renonçant à la grandeur des Rois, J'entrai gagiste au théâtre François. Adieu. Songez que je vous recommande Mon ancien maître et mon vieux débiteur. Monsieur C'est la Concierge, et je m'en vais d'avance. J'y vole. **** *creator_lebeaudeschosne *book_lebeaudeschosne_assemblee *style_verse *genre_comedy *dist1_lebeaudeschosne_verse_comedy_assemblee *dist2_lebeaudeschosne_verse_comedy *id_MADAMEARMAND *date_1773 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_madamearmand Tachez, Monsieur, de prendre patience, Nous n'aurons pas nos Acteurs de sitôt. Tous se sont donné le mot Pour aller voir l'admirable sculpture Qui de Voltaire exprime la figure. Ce n'était pas ainsi que, de mon tems, Se conduisaient les Acteurs ; mais tout change, Et tout le monde aujourd'hui se dérange. Mon cher Monsieur, c'est moi qui vous le dis, La nature est tellement renversée, Qu'on n'en saurait concevoir la pensée : Les femmes sont sans grâces, sans beauté ; Les hommes n'ont ni force, ni santé ; Les champs n'ont plus leur éclat ordinaire ; Les bois n'ont plus leur charme et leur mystère. Tout dépérit, et même j'aperçois Qu'on ne dort plus aussi bien qu'autrefois. Quant au génie, à l'esprit, aux talents, On n'en a plus, encor moins de bon sens ; La conduite est bizarre, inconséquente. En voulez-vous une preuve parlante ? Sans aller loin, songez aux changements Faits au théâtre ; ils sont extravagants. Je pleure encor la réforme soudaine De tous ces bancs qui garnissaient la scène, Faisaient briller tous nos jeunes Seigneurs, Et rapportaient tant d'argent aux Acteurs. Est surtout d'importance. On a proscrit, avec même imprudence, Cette perruque et ces vastes chapeaux, Dont nous ornions les antiques héros : Par un faux goût, par un travers fantasque, On croit devoir coiffer avec un casque Sertorius, César, Brutus, Othon : Monsieur, ce casque est d'un bien mauvais ton. L'air de quelqu'un qui veut faire tapage. Mais on a fait un autre changement Qui me révolte encore davantage. Monsieur, comptez que leur suppression A porté coup à notre nation. Oui, des paniers, l'ample circonférence, Tient beaucoup plus aux moeurs que l'on ne pense. Vous voulez rire en tenant ce langage ; Mais j'ai valu mon prix dans mon jeune âge. Hélas ! Hélas, que ne suis-je à vingt ans ! Qu'entends-je ! Ici, j'apprête donc à rire. On est venu : Monsieur, je me retire.