**** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_LANOUVEAUTE *date_1727 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lanouveaute La Nouveauté vous appelle : Accourez sur ses pas, Et quittez tout pour elle. Sans être belle, Une bagatelle, Quand elle est nouvelle, A toujours des appas. La Nouveauté vous appelle : Accourez sur ses pas, Et quittez tout pour elle. Oh ! Doucement : je ne puis pas vous écoutez tous à la fois ; tout ce que je puis faire, c'est de donner audience à chacun à son tour. Comment ! Votre Belle vous aurait-elle donné quelque chagrin, quelque jalousie ! Vous avez vécu un an ensemble, sans vous brouiller ? Ah ! Que vous avez dû vous ennuyer ! Quelques obstacles étrangers n'ont-ils jamais traversé votre amour ? Ah ! Que cela était triste ! Et vous avez pensé fort juste. Oh ! Je ne doute point : dans une inconstance mutuelle, une Belle n'est jamais la dernière à se pourvoir. Enfin, que me demandez-vous ? Qu'importe ? Pourvu qu'elle vous plaise davantage. Comment était faite la vôtre ? Hé bien ! Pour changer, prenez-moi une brune aux cheveux ébène, qui ait un oeil vif et pétillant et des manières gaies et enjouées. Tenez ; voilà une personne qui vient à nous, qui en approche assez. Laissez-moi apprendre ce qu'elle me veut, et vous viendrez dans l'instant nous rejoindre. Si je vous reconnais ! Je vous vois tous les jours. Il est vrai que l'absence réveille quelquefois les désirs ; mais, quand elle est trop longue, elle les éteint tout-à-fait. Si vous vous déclarez pour les sédentaires, j'en ai un à vous offrir, qui, pendant un an, n'a pas quitté sa maîtresse d'un pas ; il est à présent à louer. Le voici qui vient à nous. Sitôt qu'il vous a vue, il a été charmé de votre personne. Entre nous, je crois y avoir un peu de part ; et je vous avouerai franchement que c'est moi qui vous donne aujourd'hui tant de goût l'un pour l'autre. Ce que vos yeux ont déjà commencé à lui faire connaître. Oh ! Doucement ; je ne suis pas en situation d'entendre tout ce que deux amants, qui se voient pour la première fois ont à se dire ; cela ne finirait d'aujourd'hui ; et j'ai d'autres audiences à donner. Adieu ; jusqu'au revoir. Mille autres avaient promis la même chose, qui ont manqué de parole. Et vous faites bien.Mais quel est cet homme ? Il a tout l'air d'un Nouvelliste. Le roi d'Éthiopie est fort mal; et l'on ne croit pas quil ne revienne. Cela se pourrait. Et qu'ils s'accommodent comme ils voudront, de quoi vous embarrassez-vous ? Et que vous en revient-il ? Et quand vous vous êtes trompé ? Et qui êtes-vous pour vous intéresser ainsi à tous les événements du monde ? Quoi ! Vous hantez les cafés ! Et ce sont les lieux où je suis le plus souhaitée ; on m'y attend à toute heure. J'ai beau souvent être accompagnée de tristesse, on a toujours de l'impatience de me voir arriver ; et tel me vient débiter les larmes aux yeux, qui ne laisse pas d'avoir un secret plaisir d'être le premier à m'annoncer. On ne m'y peint pas toujours telle que je suis : chacun me défigure selon ses intérêts, ou ses conjectures : cent mille hommes de plus ou de moins ne coûtent rien à expédier pour cela ; et l'on m'a fait souvent publier la victoire, avant même que la bataille fût donnée. Selon. Qu'en pensez-vous ? Et pour qui vous déclarez-vous ! C'est tout ce qu'on demande. Fort bien ! Cela sera d'une grande importance à l'État ! Oui, ma fille, c'est moi-même. Un visage nouveau ? Et le vôtre vous sied si bine, il est si joli. Vous aimez donc votre mari apparemment ? Comment ! Aimeriez-vous ce jeune seigneur ? J'entends votre affaire. Il est un moyen de le désennuyer ; c'est de lui donner de la jalousie, et de lui faire connaître que vous avez du goût pour un autre. Et tant mieux : cela renouvellerait son amour pour vous. Oh ! Ce sont des secrets qui sont inconnus au village. Non ; mais cela lui donnera d'autres yeux. Vous ne m'entendez pas. Je veux dire que votre mari, devenant jaloux, vous trouvera plus belle que jamais. En ce cas, laissons les choses comme elles sont ; il en arrivera ce qu'il pourra. Vous me demandez une manière de plaire qui ne soit pas commune ? Restez dans votre naturel, mon enfant ; c'est un secret dont peu de femmes se soient encore avisées, et que les homme s'attendent depuis longtemps. Adieu.Mais d'où sortent ces deux figurent extraordinaires ? Comment donc, Monsieur ! En quoi aurais-je pu vous déplaire ? Cela est surprenant ! Et contez-moi un peu cela, pour rire. Est-il possible ? Que voulez-vous que je vous dise ? Vous avez l'air un peu antique, au moins ; et, si vous m'aviez consultée avant que d'aller à la Cour, je vous aurais épargné la ridicule d'y paraître dans cet équipage. Bon ! Pas même quelquefois du jour au lendemain. Bon ! J'ai changé cent fois les modes depuis. Mais ne pourriez vous pas donner quelqu'air de nouveauté à vos habits ? En ce cas, il faudra vous donner patience. Je me répète quelquefois, et vous verrez peut-être, dans peu, ce qu'on admire à présent trouvé aussi ridicule que votre ajustement le paraît aujourd'hui. Ils ont, après tout, quelque raison ; et il faut avouer que je suis souvent bien extravagante. Vous n'êtes pas le seul. Et qui êtes vous ? Vous travaillez pour l'Opéra ? Ah ! Je ne m'étonne plus si vous avez tant de peine à ma rencontrer ; il y a longtemps que j'ai quitté ce pays-là. Bon ! Quels contes ! La Nouveauté parmi les choeurs de l'Opéra ! Après tout vous ne feriez pas le premier qui s'y serait trompé. Mais enfin, que voulez-vous de moi ? En quoi puis-je vous être utile ? Quelquefois. Voyons votre idée. Comment ! Vous croyez qu'on pourrait reste deux heures et demi entières à n'entendre que de la musique ? Mais, enfin, que feraient vos acteurs sur le théâtre ? Oui dà ; et je n'ai qu'à jeter les yeux là-dessus pour être au fait. Ah ! C'est vous, Monsieur la Rimaille ? Hé bien ? Qu'est-ce ? Comment vous portez-vous, depuis votre dernière chute ? Il me voulait mettre de moitié dans un projet qu'il a formé ; mais l'idée m'en paraît trop extravagante. Il veut donner un Opéra sans paroles. En quelle sorte de vers avez-vous dont qui soient si rares ? Et si vous le prenez par-là, c'est un vieux proverbe. Et qui se fait brebis, souvent le loup le mange. Le tout ne consiste qu'à donner aux choses un tour de Nouveauté. Je vois bine qu'il faut que je vous accompagne ensemble : cela est du ressort de la Nouveauté, de se mêler d'un marché aussi bizarre et aussi nouveau. Oh ! Ça, combien faut-il remplir de vers pour remplir le fond d'un Opéra ? Vendre des vers à la toise ! À merveille ! Et, sur ce pied-là, je condamne Monsieur de la Cascade à vous donner ce que vous demandez. Allons, Messieurs, puisque vous voilà d'accord, secondez-moi dans l'exécution du petit divertissement que j'ai préparé ; et que tout célèbre le triomphe de la Nouveauté. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_LETEMPS *date_1727 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_letemps C'est ici de l'Ennui le fleuve affreux et sombre ; Les plus heureux mortels le passent tour-à-tour ; Des plaisirs on n'y voit que l'ombre : Les soucis, les chagrins règnent dans ce séjour. C'est ici, mon enfant ; vous voilà sur ses bords : ne vous en apercevez-vous pas en entendant mes chants lugubres, et en voyant tant de gens assoupis ? Mais me tromperais-je ? Ou serait-ce Momus ? Hélas ! Mon cher ami, alors que Jupiter nous a tous chassé du Ciel, il m'est arrivé bien des traverses sur la terre ; mais enfin j'ai borné tous mes travaux à m'établir sur ces bords : c'est moi qui passe et repasse tous les mortels de la joie à la tristesse ; et de la tristesse à la joie. s Oui, mais il est bien fatigant ; le Fleuve de l'Ennui coule bien lentement, et j'ai toutes les peines du monde à amener à bon port ceux qui sont une fois embarqués sur les eaux bourbeuses. Ce sont les images de ceux qui s'ennuient actuellement dans le monde. Par exemple, une jeune femme mariée à un vieillard ; un écolier de Droit, en attendant l'argent de la Province, s'amuse à lire des épitaphes ; un poète qui attend une pension de la Cour, et un tailleur de l'argent d'un intendant. Ceux que tu vois là endormis, sont deux petits-maîtres à qui un auteur lit une comédie en cinq actes écrite en vers sérieux : plus loin ce sont des coquettes qui ont vieilli, et que la perte de leurs amants a réduites à se plonger dans le Fleuve de l'Ennui : plus haut, c'est un galant homme qui, depuis une heure, attend qu'on commis de la Douane daigne lui répondre ; et plus bas un gascon prié à dîner, à qui un plaideur Manceau conte le fond de son procès. Mais je n'aurais jamais fini si j'entreprenais de t'expliquer tous le sujets que chacun a de s'ennuyer ; je te dirai seulement que ceux que tu vois assoupis autour de moi, sont des curieux de spectacles, qui attendent que les Comédiens, ou l'Opéra donne quelque chose de bon. Comment ? Courrier des théâtres ! Il faut que tes marchands de paroles n'aient pas vendu de trop bonnes choses depuis un temps ; car, au sortir de chez eux, nous avons vu arriver bien des gens sur nos bords. Annonce tant qu'il te plaira : mais je suis sûr que tu n'étrenneras pas. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_MOMUS *date_1727 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_momus Holà, bonhomme, ne sauriez-vous m'enseignez le Fleuve de l'Ennui ? C'est le Temps, je pense ? Oui, c'est lui-même : Bons Dieux ! Que je le trouve changé ! Hé ! Que faites-vous ici, Père Saturne ? Voilà un emploi qui convient parfaitement au Temps. Qui sont ces espèces d'Ombres que je vois le long de ces arbres ? Cela arrivera en même temps. Oh ! Parbleu, cela vient à merveille, et c'est justement ce que je cherche. Vous ne savez donc pas que, depuis notre disgrâce, je me suis fait courrier des théâtres ? Oui... C'est moi qui annonce tous les jours au public les pièces qu'on y doit jouer. Ils ont pourtant des magasins remplis des meilleurs marchandises : elles n'ont qu'un défaut, c'est qu'elles sont trop anciennes, et j'ai toutes les peines du monde à en procurer le débit : chacun tombe d'accord qu'elles sont parfaites ; on les a admirés autrefois, et l'on se donne pas seulement la peine de les venir voir aujourd'hui. Je vais pourtant les annoncer encore, pour voir si le goût ne serait point changé. L'Académie Royale de Musique représentera aujourd'hui Pyrame et Thisbé. Les Comédiens Italiens représenteront aujourd'hui Arlequin jouet de la fortune. Les Comédiens Français représenteront aujourd'hui le Misanthrope ; à demain Tartuffe, en attendant l'Avare. On la jouait hier. Ne vous impatientez pas, on la jouera bientôt... Mais où va Mercure si vite ? Et quelle est-elle ? Tu es au service de la Nouveauté ? Ah ! Mon cher ami, que tu es heureux ! Tu sers pourtant là une grand friponne. C'est qu'elle vole tous les jours les anciennes marchandises de nos magasins, qu'elle déguise le mieux qu'elle peut pour les faire passer ; mais elle a beau faire, on reconnaît toujours ses larcins. Quoi qu'il en soit, que nous viens-tu annoncer de sa part ? Cette idée ne ma déplaît pas ; mais il faudrait après cela un petit divertissement à la louange de la Nouveauté, quelques vaudevilles. Oui vraiment, et je vais de ce pas en donner avis à nos gens. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_MERCURE *date_1727 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_mercure Ah ! Mon cher Momus, je suis ravi de te trouver ; j'ai à t'apprendre que je suis entré ce matin au service d'une Dame capable d'enrichir les marchands, s'ils ne veulent pas la négliger. C'est une jeune coquette qui change tous les jours ; elle est tantôt belle, tantôt ridicule, et cependant on court toujours après elle : elle a pour père le Caprice, et pour fille la Curiosité ; en un mot c'est la Nouveauté, dont je suis devenu le coureur. Pourquoi ? Qu'elle viendra aujourd'hui donner ses audiences sur le Théâtre de la Comédie ; le ridicule des divers originaux qui auront affaire à elle, pourra former une espèce de petite comédie d'un goût nouveau, dont la Nouveauté sera le sujet et le titre. C'est à quoi nous avons pourvu. Annonçons son arrivée comme une pièce nouvelle. La Nouveauté, Messieurs, la Nouveauté, pièce nouvelle. Hé bien ! Vois-tu comme déjà chacun se réveille ? C'est ce qu'on ne sait pas encore, Monsieur. Vous allez en juger. Une comédie nouvelle, de Molière ? D'où diable venez-vous ? En voilà bien d'un autre ! Une tragédie de Molière, en un acte, et intitulée La Nouveauté encore ! Oh ! Pour le coup c'est ce qu'on n'a jamais vu, et qu'on ne verra jamais. En un mot, c'est une petite comédie en prose. Ah ! Je perds patience ! Eh ! L'on vous dit qu'elle est en prose. Non, c'est de l'Histoire. Eh ! Non, Monsieur ; on vous dit qu'elle est toute nouvelle. Hé ! Monsieur, attendez du moins que nous ayons vu un succès de celle-ci. Sur le Théâtre Français, Madame. Il n'y en a point, Monsieur ; ce sont toutes scènes détachées, qui n'ont aucun rapport les unes aux autres, que par les liaisons qu'elles ont avec la Nouveauté : comme elle ne peut pas contenter tout le monde à la fois, les uns viendront lui rendre grâce, et les autres se plaindre d'elle. Eh ! Qu'importe ? Ce sera une Nouveauté que d'en jouer une dans ce goût là sur le Théâtre Français ; et cela répondra mieux au titre. Croyez-moi, Messieurs, ne manquez jamais la première représentation d'une pièce, on n'est jamais sûr d'en avoir une seconde : et venez tous avec moi condamner ou applaudir la Nouveauté. Mais vous n'aurez pas peine de l'aller chercher à la Comédie, puisque la voilà qui vient ne personne au devant de vous. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_LISANDRE *date_1727 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lisandre Aimable mère de l'inconstance, charmante Nouveauté, vous voyez un Amant qui a soupiré un an auprès de la plus aimable personne du monde, qui n'a pu passer un seul jour sans la voir, qui en a été aimé tendrement et qui cependant se sent aujourd'hui du goût pour vous. Au contraire, et c'est là ce dont je me plains. Ne nous étant jamais brouillés ensemble, nous n'avons jamais pu goûter le plaisir de nous raccommoder. Hélas ! Non ; nous ne dépendions que de nous-mêmes, nous avions la liberté de nous voir à toute heure. Enfin, sur le point de nous marier, nous avons fait réflexion que, notre tendresse étant épuisée, le mariage, à coup sûr, ne la renouvellerait pas. Que vous dirai-je ? Nous résolûmes hier de ne nous plus revoir ; et j'ai appris aujourd'hui qu'elle avait déjà formé d'autres noeuds. Une maîtresse nouvelle ; mais je crois que vous aurez de la peine à m'en offrir une plus belle que celle que je quitte. La taille superbe ; les cheveux blonds ; et un oeil bleu et mourant, le plus tendre du monde. Ah ! Je suis charmé du portrait que vous m'en faites. Ah ! Je la trouve plus aimable que tout ce que j'ai vu dans ma vie. Je ne croyais pas, Madame, après le choix que j'avais fait, pouvoir jamais rien trouver qui fût dessus ; mais, en voyant vos appas, je reconnais mon erreur. Serait-il possible, charmante personne ?... Comment jusqu'au revoir ! Ah ! Madame la Nouveauté, il suffit que vous m'ayez mis une fois au comble de mes voeux ; content de mon dernier choix, je vous proteste que je n'aurai de ma vie recours à vous. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_ELIANTE *date_1727 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_eliante Bonjour, ma chère Nouveauté. Me reconnaissez-vous ? Oh ! Ne me dites pas cela ; il y a près d'un mois que vous m'avez vue. Je vous dirai que ce blondin, que vous m'aviez fait prendre place de cet home d'affaire, est absent depuis trois semaines. Nous nous sommes quittés avec les plus belles protestations du monde ; il devait revenir au bout de huit jours, je l'attendais avec impatience, je n'ai vu personnes. Peut-être a-t-il cru, en prolongeant son absence, me donner plu d'ardeur ; il s'est trompé, je me suis habituée insensiblement à ne le plus voir, et à la fin je l'ai oublié entièrement. N'y pensons plus, Madame le Nouveauté, n'y pensons plus : je veux désormais des amants qui ne fassent point de voyages. Il faudra tâcher de s'en accommoder. Madame la Nouveauté, faites-nous voir une peu ce phénix-là. Ah ! C'est un petit maître de robe. Je n'en ai pas encore eu dans ce goût, et je ne serai pas fâchée que mon coeur contente là-dessus sa curiosité. Si vous vouliez toujours juger des beautés par comparaison, vous en trouveriez encore beaucoup au-dessus de la mienne ; mais je crois que c'est la Nouveauté qui m'attire aujourd'hui le compliment que vous me faites. Ah ! Madame, qu'allez-vous lui découvrir ? Pour moi, Déesse, je ne jure de rien. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_CLAUDINE *date_1727 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_claudine Bonjour, Madame. N'est-ce pas vous qu'on appelle la Nouveauté. Ah ! Madame, que j'en suis bien aise ! Je viens vous prier de me donner un visage nouveau. Il est vrai que Colin le trouvait autrefois comme çà ; mais, depuis trois ans que nous sommes mariés, il dit qu'il l'a tant vu, tant vu, qu'il s'ennuie à présent de le trouver toujours de même, et qu'il voudrait qu'il fût fait comme celui de Colette : tout le monde dit pourtant que cette Colette n'est pas si belle que moi, à beaucoup près. Oh ! Cela me fâche tant, quand j'y pense ! Je crois qu'oui : mais je ne serais pourtant pas fâchée, de mon côté, qu'il changeât aussi de figure, et qu'il eût celle du fils du Seigneur de notre village, Monsieur le Chevalier, qui est arrivé depuis huit jours. Oh ! Non pas autrement : je n'aie seulement que son visage, sa taille, son esprit et ses manières ; car, pour du reste... Ah ! Madame, que je suis fâchée d'avoir promis à Colin de n'aimer jamais que lui, et de voir qu'il s'ennuie de ma regarder. Oh ! Je n'ai garde, Madame ; cela le fâcherait peut-être. Comment, Madame, il faut quelquefois fâcher les gens, pour s'en faire aimer davantage ? Cela me paraît assez extraordinaire. Hé ! Dites-moi, Madame ; en fâchant mon mari, cela me donnera-t-il un autre visage ? Je voudrais bien qu'il eût ceux de Monsieur le Chevalier. Ah ! Madame, qu'ils sont beaux ! Oh ! J'entends bien à présent, Madame. Mais je voudrais qu'il ne fût pas jaloux de Monsieur le Chevalier ; car il me défendrait peut-être de la regarder, et je crois que cela me fâcherait encore plus que de voir Colin ne me regarder pas. N'est-il pas vrai ? Mais, Madame, je vous prie, que je ne sois pas venue vous consulter en vain ; et, ne pouvant changer mon visage, donnez-moi du moins quelques nouvelles manières de plaire, que les autres femmes n'aient pas encore inventées ; j'en ai déjà effrayé plusieurs qui m'ont rendu moins belle que je n'étais. Ce que je vous demande, au moins, c'est toujours dans le dessein de plaire à mon mari ; si j'ai le malheur de plaire à quelqu'autre, ce ne sera pas ma faute. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_LACASCADE *date_1727 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lacascade Là, là, fi, ut, là, ré... Ah ! Madame la Nouveauté, il y a longtemps que je vous cherche sans pouvoir vous trouver. Grand Maître de Musique, grand compositeur d'Opéra : et je me nomme Monsieur de la Cascade. On disait pourtant que vous vous trouviez quelquefois parmi nos demoiselles des Choeurs. JE voudrais, Madame, que vous m'aidassiez à faire passer une nouvelle idée qui m'est venue ; je sais qu'on passe bien des choses en faveur de la Nouveauté. La voici. Comme depuis longtemps on attribue le chute de tous les opéras nouveaux aux poèmes, je voudrais les retrancher, et faire représenter un opéra sans paroles. Pourquoi non ? Il y a des gens qui l'aiment assez pour cela. Ils chanteraient seulement les notes, et gesticuleraient, comme s'ils disaient les lus belles choses du monde ; et cela vaudrait mieux que de mauvaises paroles qu'on entend point. Voici un morceau d'Opéra que j'ai composé dans ce goût là. Voulez-vous voir ensemble l'effet que cela pourrait faire ? J'ai, fort à propos, amené avec moi des violons. Mon sujet est tiré de l'Histoire romaine. Mon opéra se nomme Antonin Caracalla ; et voici la scène où cet Empereur, ayant enlevé ne vestale de son temple, la veut contraindre d'abandonner la culte de ses Dieux pour être impératrice... Allons, Madame, figures-vous que vous êtes vestale ; c'est un rpole qui convient assez à la Nouveauté ; et moi je suis Antonin Caracalla. Un prélude de basse vous annonce mon arrivé ; et je commence par vous déclarer mon amour. Vous êtes fort étonnée, et me répondez avec fierté. Je ne me rebute point, et je reviens à la charge. Vous me dites des injures, je vous menace. Vous vous retranchez toujours sur votre vertu : je vous fais entendre que c'est cette même vertu qui a fait naître mon amour, et je vous débite une sentence accompagnée de deux dessus de violon, pour vous prouver que la vertu doit céder à l'amour. Vous combattez mon sentiment, je l'appuie ; ce que forme un duo contradictoire qui fera un effet merveilleux. Si vous m'aviez choisi, Monsieur de la Rimaille, cela ne vous serait peut-être pas arrivé. Parbleu ! Puisque la Nouveauté n'approuve point mon projet, j'ai envie de m'accorder avec vous. J'ai des sujets tout trouvés, de la musique toute faite, il ne manque que des vers. Combien me vendez-vous la garniture complète d'un Opéra. Eh Mais cette pensée n'est pas trop nouvelle, et je l'ai vue dans la tragédie d'Atrée. Qui cède à la pitié, mérite qu'on l'offense. Il est vrai. Mais sachons combine vous me vendrez vos vers, le millier, à les prendre au hasard. Ah ! Monsieur de la Rimaille ! Mais, enfin... Allons, Monsieur de la Rimaille, il se faut mettre à la raison ; songez qu'on ne vous demande que de petits vers. Mais comment ajuster à ma musique ceux qui sont trop longs ? J'y consens. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_LARIMAILLE *date_1727 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_larimaille Comment donc ? Que veut dire ceci ? Des gens qui se querellent en Musique ? Est-ce que nous sommes ici à l'Opéra ? Si mal, que je ne veux plus rien composer de nouveau. J'ai un magasin rempli de plus de soixante mille vers de toute espèce ; ceux qui en auront besoin, viendront en acheter chez moi en gros, qu'ils reviendront au public en détail, à leur risques et fortunes. Mais que faisiez-vous doc-là avec Monsieur de la Cascade. Sans paroles ! Et plût au Ciel qu'on en pût donner sans musique ! Voilà trois poèmes tout de suite que les musiciens m'ont fait tomber. Bon ! Vous dites, tous cela, vous autres ; et j'ai résolu de na plus rien prendre sur mon compte. Le musiciens n'auront qu'à inventer ou choisir leur sujet eux-même, en amener les divertissements à leur fantaisie, et en composer la musique ; et ils trouveront chez moi des vers tout à faits pour e remplissage : j'en ai d'amour, de haine, de dépit, de vengeance, d'infidélité, de constance ; pour les Dieux, pour les Démons, pour les Rois, pour les Bergers ; enfin on trouvera de tout dans ma boutique, et à juste prix. Il faut savoir si vous voulez trier les vers, ou les prendre comme ils viendront ; car vous pourriez m'enlever de mon magasin tels vers qui vaudraient un écu pièce. De ces vers saillants et brillants qui renferment une pointe, une maxime, une sentence ; et dont il ne faut souvent qu'une demi-douzaine pour faire passer un opéra. Par exemple : Qui n'ose se venger, mérite qu'on l'outrage. Vous avez raison ; et vous pouvez dire qu'elle est encore dans Phocas d'Héraclius. Qui se laisse outrager, mérite qu'on l'outrage. Voulez-vous que je vous parle en conscience ? Je ne puis pas vous les donner à moins de cent dix sols, le cent. Non, c'est un prix fait ; et vous ne les auriez pas, s'il s'en fallait une obole. Vous en pouvez trouver autre part à meilleur marché ; mais il y a vers et vers ; et pour ceux que je fais... Je le crois, parbleu, bien ! S'il vous fallait donner des vers de douze ou treize pieds, je n'y trouverais pas mon compte. Il en faut six cent, qui, à les prendre à six pieds l'un portant l'autre, feront cent toises. On y a bien vendu des bibliothèques. Cela vous sera aisé. Mes vers prêtent ; ils s'allongent et de raccourcissent comme on veut ; et on en peut ôter, ou y ajouter une épithète ou un adverbe, sans qu'il y paraisse. Par exemple : Coulez, ruisseaux, sans murmures. Si ce vers est trop court, vous pouvez l'allonger ainsi : Coulez, coulants ruisseaux ; murmurez sans murmure. Et ainsi du reste. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_UNEBOURGEOISE *date_1727 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_unebourgeoise Et sur quel théâtre, Monsieur, la jouera-t-on ? Ah ! Tant mieux ! Car, aussi bien, on n'y en joue pas souvent. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_UNABBE *date_1727 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_unabbe Et dites-moi, Monsieur, qu'elle est l'intrigue ? Une pièce sans intrigue, sur le théâtre français : il fallait bien plutôt la donner aux Italiens ; il me semble qu'ils ont seuls le privilège d'en jouer de semblables. **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_UNCLERC *date_1727 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_unclerc Monsieur, est-elle bien risible ? **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_UNGARCONMARCHAND *date_1727 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ungarconmarchand Une pièce nouvelle ? Monsieur, est-elle bonne ? **** *creator_legrand *book_legrand_nouveaute *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_nouveaute *dist2_legrand_prose_comedy *id_UNPROVINCIAL *date_1727 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_unprovincial Monsieur, est-elle de Molière ? Ah ! Je vous demande pardon : c'est que je croyais que c'était une tragédie. Hé ! Monsieur, les vers sont-ils beaux ? Le sujet est-il tiré de la Fable ou de la Métamorphose. Monsieur, l'a-t-on déjà jouée ? Ah ! J'entends bien, toute nouvelle. Et, quand en donnera-t-on une autre ?