**** *creator_legrand *book_legrand_usuriergentilhomme *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_usuriergentilhomme *dist2_legrand_prose_comedy *id_FONTAUBIN *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_fontaubin Ma fille, je ne crois point tout ce que vous me dites. Enfin nous voici tous rassemblés. Il suffit que Monsieur se pique de bravoure. J'ai toujours estimé Messieurs les Marins, et Monsieur a de l'air... Taisez-vous, insolente. Monsieur, je suis ravi... Non vraiment : voyons jusqu'où cela ira. Il faut que j'embrasse mon gendre. Monsieur, je mets entre vos mains une fille qui m'a toujours été chère. Je me flatte que vos bons traitements lui feront retrouver en vous un second père. Les emplois que mon crédit va vous procurer, ne demandent pas moins qu'un homme de votre mérite pour les exercer. Et j'espère que vous soutiendrez la gloire des nobles ayeux, dont vous et moi tenons naissance. Qu'est-ce ceci ? Qu'elle diable de noblesse est-ce cela ? Je reconnais que je me suis trop pressé. N'ayant eu affaire jusqu'à présent qu'à Monsieur de Mananville, qui est un homme assez poli, j'ai cru que toute sa famille était de même ; la magnificence qu'il avait étalée à mes yeux me faisait croire... Je ne sais. Tous mes amis se vont moquer de moi, si j'achève ce mariage, mais d'ailleurs nous avons un dédit de vingt mille écus. Et comment s'y prendre ? Les choses sont si avancées ! Oh non ! Je n'exige point cela. Il suffit que ... Cela est assez plaisant ; cet homme qui m'est inconnu et qui vient s'offrir à me rendre le plus important service qui puisse m'être rendu dans la situation où je suis ! ... Qu'est-ce que ce divertissement ? Il vient à propos, pour être de la noce. Voyons, voyons, il ne sera peut-être pas si méchant. Descendons toujours. Où est donc mon fils ? Je crois que je le chercherai tout aujourd'hui. Comment donc ? Un soufflet ! je ne crois pas cela ; c'est le plus sage de mes enfants. Sans emportement, Monsieur. Vous me mettez le marché à la main ; j'en suis parbleu ravi ; et j'allais faire une sottise. Rendons nous réciproquement nos dédits ; ce mariage, croyez-moi ! ne convenAit ni à l'un ni a l'autre. Tenez, voilà votre écrit. Il rentre fâché ; mais je le suis bien plus d'avoir manqué de parole à Licaste ; c'était un gentilhomme qui... Ce procédé me rend confus, Licaste ; et je fais mon bonheur de vous recevoir pour gendre. Allons chez nous. Ne poussons pas les choses plus loin, et n'insultons point ces gens-ci dans leur maison. Achève donc ton divertissement ; c'en sera assez. **** *creator_legrand *book_legrand_usuriergentilhomme *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_usuriergentilhomme *dist2_legrand_prose_comedy *id_HENRIETTE *date_1713 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_henriette Non, Licaste, je ne puis plus vous parler. À quoi m'exposez-vous, après tout ce que je vous ai fait dire ? Vous osez paraître dans la maison de votre rival le jour qu'il m'épouse, dans le temps qu'on s'apprête à signer le contrat ! Vous me perdez, Licaste. Je sais tout ce que vous pouvez me dire, et les reproches que vous êtes en droit de me faire. Mais je me vois réduite à obéir à mon père. Quand vous me répèterez cela cent fois, je vous dirai toujours la même chose ; je vois mon père ruiné par le jeu, et par les mauvaises affaires qu'il a faites, depuis un temps, avec les usuriers ; il ne peut dégager ses terres, et soutenir sa noblesse, que par ce mariage ; vous n'avez point de bien ; vous n'en attendez que du gain d'un procès, qui, depuis deux ans, se doit juger tous les jours, et qui, selon les apparences, n'est pas prêt de finir. Ces nouvelles arriveront trop tard. En attendant que Madame Mananville soit visible, mon père est allez chez le Notaire, il sera de retour dans un moment. Vous vous étiez chargé d'écrire à mon frère le Capitaine, voire meilleur ami, de hâter son retour pour s'opposer à ce mariage. Il faut que Monsieur Mananville en ait eu avis, et qu'il craigne cette arrivée ; car il presse furieusement les choses. Hier on me fit voir son fils pour la première fois ; aujourd'hui je viens rendre ma première visite à Madame Mananville, et l'on prétend dans le moment même signer le contrat. Parlez bas, et songez que nous sommes chez lui. Si l'on peut prouver cela à mon père, je doute que, malgré le mauvais état de ses affaires, il veuille passer outre. Sans doute mon père pourrait faire des réflexions là-dessus. Sortez, Licaste. Je ferai mon possible pour gagner du temps. Mais si ceux que vous attendez tardent trop... Je ne sais où j'en suis ; et, quelque résolution que j'eusse prise d'obéir à mon père, la seule vue de Licaste..., Comme c'est mon père qui m'a conduite ici, Madame, je m'attendais qu'il me présenterait à vous ; et je ne sais pas bien quel compliment vous faire dans cette première entrevue. Lisette ! Monsieur, il n'est pas nécessaire. Monsieur est tout parfait, il sort d'une bonne école. Ah ! Lisette, je ne croyais pas qu'il fût si sot. C'est moi, Madame, qui vais vous laisser. Courons au-devant de mon père, et tâchons de le prévenir sur tout ceci. Elle a raison, cela nous mettra de bonne humeur : nous aimons tous la musique. **** *creator_legrand *book_legrand_usuriergentilhomme *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_usuriergentilhomme *dist2_legrand_prose_comedy *id_LICASTE *date_1713 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_licaste Charmante Henriette !... Ne craignez rien, Madame ; un de ses domestiques, que j'ai mis dans mes intérêts, m'a introduit ici, et Lisette, votre femme-de-chambre, ne vous laissera pas surprendre. Je vous dirai donc... Mais trahir mon amour pour épouser le Baron de la Gruaudiere, le fils de Monsieur Mananville, le plus inhumain usurier de tout Paris. Il est vrai que jusqu'ici mon bien n'a pas été fort considérable ; mais, enfin, mon oncle est à bout, il ne peut plus longtemps retenir les deux cents mille francs dont la chicane l'a fait jouir jusqu'à présent ; c'est aujourd'hui que l'affaire se juge en dernier ressort, et de moment en moment j'en attends des nouvelles. Que je suis malheureux ! Faut-il que, malgré mon bon droit, la lenteur de la justice me soit aussi préjudiciable que me le serait la perte de mon procès ! Je l'ai fait ; il arrive aujourd'hui, ou demain au plus tard : sa réponse m'en assure. Au nom de notre amour, belle Henriette, je vous conjure de trouver quelque prétexte à pouvoir différer jusqu'à l'arrivée de votre frère le Capitaine. D'ailleurs, j'ai mis Frontin en campagne pour s'éclaircir à fond de la naissance de Monsieur Mananville, qu'on m'a assuré être des plus obscures ; il devait ce matin.... Mais le voici. Hé bien, Frontin ? Sais-tu quelque chose de nouveau ? Passons. J'entends. A l'âge de douze ans ! Laisse-là le mérite du fils, parle nous de la fortune du père. Fort bien. Je le crois. Je sais tout cela ; et tu m'as dit même qu'il t'avait prié de chercher quelque poète pour lui faire des paroles. Quel conte ! Cela sera pitoyable. Mais, Madame, que je sache, au moins, vos senti- mens avant de me séparer de vous, et si.... Mpnsieur, il est encore temps de me la tenir. J'apprends dans ce moment que j'ai gagné mon procès avec dépens ; mais cette fortune ne peut me rendre heureux si je ne la partage avec la belle Henriette. **** *creator_legrand *book_legrand_usuriergentilhomme *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_usuriergentilhomme *dist2_legrand_prose_comedy *id_MONSIEURMANANVILLE *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurmananville Mais, Monsieur le petit maroufle, apprenez que je ne me mêle plus d'affaires, depuis que je suis de qualité. Oh ! Qu'on lui dise qu'elle a trop tardé, que j'ai employé ces billets-là, et peut-être à ma perte. Tant pis pour elle. Ah ! Voici bien autre chose. Que demandes-tu ici, mon ami ! Parle donc, hé, faquin : que cherches-tu dans ce logis ? Comment, insolent ! Si j'appelle mes gens. Non, Madame, évitons l'éclat. Crois-moi, va-t-en, ivrogne que tu es. Maraud, si tu ne sors d'ici... Quoi ! Tu oses?... Il n'en démordra point, et je vois bien qu'il faut parler d'autre sorte. Mon frère, je veux bien vous reconnaître ; mais vous allez me perdre. Dans le temps que je m'allie à des personnes de la première qualité, voulez-vous que l'on vous voit ici en habit de paysan ! Ah ! Mon frère, sortez, je vous en conjure. Allez donc, Monsieur le Baron ; allez chercher dans ma garde-robe un habit pour votre Oncle. Parlez le moins que vous pourrez devant la compagnie qui va venir, et, surtout, ne lâchez point de morgué. Hè ! Madame, vous me faites trembler autant que lui. Cela ne se met qu'après. Dépêchez-vous, car j'entends monter quelqu'un. Voici tout notre monde, songez à ce que je vous ai dit. Hé fi ! Mon frère, cela ne se fait point ici. Holà, laquais, qu'on se mette tous en haie dans mon antichambre. Où sont-ils donc ces coquins ? Holà, hé ! Vous vous faites bien attendre, marauds que vous êtes. Je ne prétends pas me donner la peine d'appeler deux fois, et je veux que l'on m'entende au moindre signe, entendez-vous ? C'est une joie pour moi, que je ne puis assez vous exprimer. Taisez-vous, mon frère. Monsieur, voilà un Gentilhomme que je vous présente ; c'est mon frère ; vous lui trouverez l'air un peu rude, c'est la mer qui fait cela. Mais un Capitaine de vaisseau, aussi déterminé qu'il est, ne se pique pas beaucoup de politesse. Ne voulez-vous pas finir ? Morbleu, Madame, qu'allez-vous faire ? Autre bêtise ! Taisez-vous aussi. Ah ! Je suis perdu si cela dure. Il faut absolument rompre cette conversation... J'entends des violons qui préludent : voilà un prétexte. C'est un petit divertissement qu'on vous a préparé. Excusez, si je vous quitte un moment, pour aller donner ordre à tout. Madame, Monsieur le Baron, vous savez que vous êtes nécessaires là-dedans ; avec la permission de la compagnie, suivez-moi. Hé ! Non pas, mon frère, entrez aussi, vous m'êtes plus nécessaire que les autres. Oui, mon frère, oui, ma femme, oui, mon fils, je vous défends de dire un seul mot, que le contrat ne soit signé. Ma présence n'était pas inutile, puis tin se même temps le Contrat, le divertissement et le festin se trouvent prêts ; et voilà ce que fait l'œil du Maître. Pour nous débarrasser, signons d'abord le contrat. Mais il faudrait ... Tout ce qui vous plaira. Allons, que l'on commence. Je ne sais ; je n'ai point voulu entendre les répétitions, pour avoir le plaisir de la surprise. On se moque ici de nous. Qui est l'insolent qui a composé ces mauvaises paroles-là ? Et vous, qui osez... Il ne me fallait plus que cela. Est-ce que Monsieur votre fils serait si déraisonnable que de vouloir... Que veut dire ceci ? Tout ceci prend un mauvais train. Peste soit du divertissement ! Sans cela le Contrat serait signé. Que je suis malheureux ! Il y a un mois que je ménage cette alliance, qui m'aurait donné tout l'appui possible contre les recherches qu'on aurait pu faire de l'acquisition de mes biens, il faut que tout contribue à rompre mes projets, et que ce mauvais Capitaine vienne encore. Mais apparemment le voici. Monsieur, il ne faut pas tant faire de bruit. C'est mon fils le Baron qui l'épouse, et Monsieur votre père prétend... Voilà un fils bien insolent ! Quel diable d'homme est-ceci ? Il faut voir s'il entendra raison. Monsieur, point tant d'emportement. Monsieur, c'est parce que Monsieur votre père n'a pas tout le bien qu'on pourrait s'imaginer, que ce mariage lui convient ; et quand vous saurez les avantages qu'il y trouve... Cent mille francs ! Cet homme-là a le diable au corps. Qu'elle chienne de modération, avec ses cent mille francs. Et qu'ai-je affaire, moi ?... Ah c'en est trop ; et dussiez-vous vous fâcher, Monsieur mon mari, il ne sera pas dit qu'une femme : parce qu'elle est de qualité, sera si longtemps sans parler, et qu'elle endurera tant de sottises. Allez, Monsieur je n'avons que faire de votre sœur, et je nous passerons bien de tant d'honneur ; notre fils n'en est pas encore tant assotté. Un Capitaine de Vaisseau souffrir un tel outrage ! Que va-t-on dire de vous ? Non, parbleu, et si Monsieur Fontaubin ne me fait justice... Vous êtes une insolente, ma mie. Jugez du reste. Hé bien ! Monsieur, si c'est-là le plus sage de vos enfants, je renonce à votre alliance ; et quand je devrais payer le dedit, ce qu'il faudra voir pourtant, je donnerais plutôt mon fils à la dernière.. Et voici le vôtre. Comment, j'entends encore ces maudits violons ! Que le Diable l'emporte ; il vient encore nous faire de nouvelles insultes. Je saurai me venger tôt ou tard. **** *creator_legrand *book_legrand_usuriergentilhomme *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_usuriergentilhomme *dist2_legrand_prose_comedy *id_MADAMEMANANVILLE *date_1713 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamemananville Laquais, holà, laquais, mes gens ; où est donc toute cette canaille ? Ah ! Madame, c'est à moi à commencer : et je vous dirai, Madame, que je serons tretous ravis de vous voir dans notre alliance. Vous avez du mérite par-dessus les yeux, Madame ; et il serait à souhaiter pour nous que le nôtre égalât le vôtre, pour être au niveau les uns des autres. Pour moi, Madame, je ne vous dis rien aujourd'hui, car je vous vis hier ; et je n'ai pas assez de mémoire pour apprendre tous les jours un nouveau compliment, à moins que vous ne vouliez que je recommence. Monsieur le Baron mon fils se souvient de mes instructions ; je lui répète tous les jours qu'il vaut mieux se taire que de mal parler. Oh ! Si je ne dis mot, je n'en pense pas moins. Quoiqu'il n'y ait qu'un mois qu'il hante le beau monde, on le trouve déjà fort dégourdi. Et en vous épousant, j'espérons que vous le mettrez à sa perfection. Ah ! Madame, cela vous plaît à dire. Il est vrai que moi, et Monsieur Mananville mon mari, je sommes la politesse même : croiriez-vous que je n'avons point eu de peine du tout à nous accoutumer à être de qualité ? Ce ne sera pas notre faute, s'il ne parvient pas : s'il lui a donné, depuis un mois qu'il est sorti de sixième, de toutes sortes d'acabis de maîtres ; d'armes, de musique, de danse, d'écriture, de cheval, d'ostographe et d'arismétique ; et pour des Livres, je lui en avons acheté de toutes les couleurs. Oh ! Mes Livres sont très beaux, car ils sont tout neufs. Ah ! Tout est perdu. Le petit sot ! Je vous demaade pardon, Madame, si je vous quittons un moment pour aller parler à un de nos farmiers. Quel contretemps ! Je suis dans une colère... Serait-ce en effet... Oui, c'est lui ; c'est mon oncle Colas. Que voulez-vous, bon-homme ? Retirez-vous, laquais. Retirez-vous, vous dis-je, petit insolent. Que venez-vous nous conter ici, mon ami ? Je ne vous connoissons pas. Fi donc ! Tenez, je ne vous reconnais pas non plus, mon Oncle Colas. Un paysan être d'une noce de qualité, quelle hardiesse ! Oui, cela est impertinent, mon Oncle Colas. Mais je trouve mon Portier bien impertinent d'entendre ainsi les raisons de tout le monde. Oh ! Je vois bien qu'il faut que je prenne un Suisse. Il faut les appeler, Monsieur. Holà, quelqu'un ; holà, quelqu'un. Faites comme nous, j'épluchons toutes nos paroles les unes après les autres. Tenez, mon Oncle Colas, velà le harnois de mon père. Hé, hé. Hé, hé. Hé ! oui, je ... Hé ! Là, répondez donc, Monsieur le Baron. Hé ! Mais... Répondez-vous-même. Peut-on rester court comme cela ? Monsieur, vous jetez des pierres dans notre jardin, qui... Encore morgué, après ce que je vous avons dit ? Ce n'est pas moi, Monsieur. Ma foi, Monsieur, puisque cela est comme cela, vous n'avez qu'à épouser votre sœur vous-même, je ne m'en soucie plus. Au secours... Holà, laquais, cocher, mes gens. Maraud !... Un soufflet !... Soutenez votre noblesse, mon frère. Un soufflet à mon frère. Cela n'est pas permis, et j'allons, et je varrons. Ma mie ! Une dame comme moi s'entendre appeler ma mie ! Un fauteuil, que je m'évanouisse un fauteuil donc et tôt. Ah ! Je n'en puis plus. Vous voudriez Monsieur mon mari être allié à un garniment comme stila ! Rentrons dans mon appartement, Monsieur, jusqu'à ce que je soyons débarrassés de toute cette cohue ; en restant, j'exposerions notre qualité à de nouviaux affronts. **** *creator_legrand *book_legrand_usuriergentilhomme *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_usuriergentilhomme *dist2_legrand_prose_comedy *id_COLAS *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_colas Bonjour, Catau ; bonjour, Claude ; bonjour... Tatigué, que vous velà braves tretous, depuis trois ans que je ne vous ai vus ! Hé bian ! Morgué, me voilà. Regardez-moi bian, c'est moi-même. J'ai appris que vous mariez mon neveu Claude, et je suis venu pour être de la noce ; c'est bien le moins, puisque c'est moi qui l'ai élevé presqu'aussi grand qu'il est, et qui, sans reproche, l'y ai baillè si peu d'esprit que j'avais. Quoi ? Catau ne reconnaît pas son biau-frère ! Morguè je ne si pourtant pas si changé que vous ; oh bian, bian ! Tout coup vaille, je veux être de la fête. Jarnigué, vous êtes des ingrats. Nan dit bian vrai, qu'il vaudrait mieux qu'une cité pérît, qu'un gueux s'enrichit. J'entends, je crois, la voix de mon frère ; il ne va pas mal vous laver la tête à tous deux, quand i saura comme vous m'avez reçu. Hé morgué ! prends moi, je t'en sarvirai. Morgué, tout le monde m'appelle ici mon ami ; ces gens de qualité sont bien remplis d'amitié. Parguè, je viens danser à la noce de mon neveu Claude. Est-ce que je me trompe ? Et prendrais-je un autre pour mon frère ? Non morgué, c'est lui-même qui ne se reconnaît pas. Non, Morgué, je n'en sortirai pas. Velà ma belle sœur Catau, velà mon neveu Claude, et tu es mon frère Jacot. Oui, morgué, j'ose. Oh ! Accoute donc, Jacot, ne fais pas tant le fameux, car je pourrions bien nous gourmer, comme je faisions du temps que j'étais ton frère ainé. Hé morgué ! Baille m'en un autre. On dit que tu en as tant qui te sont restes pour les intérêts, du temps que tu prêtais sur gage. Je porterai bien mon bois, ne te boute point en peine. Non, palsangué, je n'en ferai rian. Ah ! Velà qui me plaît cela ; reconnaître son frère ! Tatigué, que c'est un grand effort pour un homme de son métier ! Oh ! Morgué, non. Velà bian des affutiaux. Çà boutons d'abord la parruque. Bon, bon ! Devant ou après, qu'importe ! Voilà qui fait. Hé bien ! Morgué, n'ai-je pas bon air ? Ah ! Pour moi ; j'ai cela de bon, un rien m'embellit. Je m'en vas d'abord baiser la mariée ; c'est la coutume à Charonne. Morgué, il traite ses domestiques comme des valets. Morgué, il n'est rien tel pour savoir se faire obéir que d'avoir sarvi les autres. Monsieur, excusez, si j'avons ... Ah ! Monsieur, boutez dessus. Si j'avons pris la liberté d'avoir l'honneur de venir honorer la noce de notre neveu Claude, c'est que, comme dit l'autre, plus on est de fous, plus on rit ; et si notre minagere Jeanne avait pu itou... Qui rejailliront dans le vôtre. Achevez donc, notre sœur Catau. Hé ! Mais morgué... C'est bien dit. Moi, je reste pour faire les honneurs. Non, non. Non, pargué ; j'ai déjà trop d'une femme. Oh ! Morgué, Monsieur doucement. Oh ! Pargué, soutenez-la vous-même. Ça n'est rian, ça se sèchera. On dira qui je ne suis accoutumé qu'à me battre sur l'iau. Oui, parmi tous les respects dont elle vous parle il m'a baillé un soufflet. Et moi ; morgué, à qui rendrai-je mon soufflet ? Oh ! Morguenne... Oh ! Morgué, moi, je m'en retourne à Charonne. **** *creator_legrand *book_legrand_usuriergentilhomme *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_usuriergentilhomme *dist2_legrand_prose_comedy *id_FRONTIN *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_frontin Je viens du logis, où l'on m'a dit que vous étiez ici. Oui, Monsieur, et de très important même. Sur quelques avis, que je m'étais, comme vous savez, transporté à Charonne ; j'y ai fait quelque séjour, et je suis enfin parvenu à me faire instruire de l'histoire véritable et remarquable de notre usurier. Or, écoutez. Il est de race paysanne, fils d'un Magister de village ; il vint à Paris en l'an mil six cent quatre-vingt un âgé de vingt ans. Il se mit d'abord dans le service, sous l'étendard d'un homme d'affaires. En quatre-vingt trois il revient au Village, où il épousa, par espèce d'amourette, la fille du gros Mathieu de Charonne : il en eut un fils nommé Claude ; et ce Claude est aujourd'hui votre rival. Ce fils fut retiré de nourrice à l'âge de douze ans. Oui : il a tété fort longtemps ce garçon-là, c'est ce qui fait qu'il a l'esprit si vif ; il a été presque autant à l'école, et.... De retour a Paris, après avoir servi plusieurs usuriers, il a travaillé pour son compte, et ayant gagné plus de deux cent mille écus en trois ans, il a acheté depuis peu des terres, et a érigé de son chef celle de la Gruaudière en Baronnie, dont son fils Claude porte le nom. Oh ! Parbleu, j'ai pris mes mesures pour lui faire voir les choses au doigt et à l'œil. À Charronne, j'ai heureusement trouvé un certain paysan, propre frère de notre usurier, à qui, depuis trois ans, il n'avait point donné de ses nouvelles. Après avoir bu maintes chopines avec lui, je l'ai averti qu'on mariait son neveu, et qu'il ferait plaisir à sa famille de venir à la noce. C'est un original qui ne contribuera pas peu à faire ouvrir les yeux à Monsieur Fontaubin. Il en fera, et sur-tout quand il verra et entendra Madame Mananville. Quelques efforts qu'elle fasse pour contrefaire la femme de qualité, sa fortune a été trop prompte, pour qu'elle ait eu le temps de se défaire de ses manières et de son langage. Outre plus. Le Maître à chanter, qui s'est chargé du divertissement qui doit servir de prélude à la signature du contrat, est des amis de Lisette et des miens ; c'est un homme aussi dépourvu de bon sens que rempli de Musique. Je les ai faites moi-même. Non, Monsieur, c'est la vérité ; je les ai composées et Lisette les a corrigées, Qu'importe ? elles auront tantôt leur effet. Mais voici Lisette. Non ; Madame ; je sais dans cette maison où le cacher en attendant des nouvelles de notre procés. Le paysan, frère de Monsieur de Mananville, marche sur mes pas ; et pour votre frère le Capitaine, s'il ne vient pas ; assez tôt, je le ferai bien arriver, moi. Sans adieu, Lisette. Très volontiers ; et personne n'est plus au fait que moi. J'ai toujours eu tant d'estime et de vénération pour Monsieur Fontaubin, sans avoir l'honneur d'être connu de lui... Et sans beaucoup même le connaître ; qu'ayant appris dans le monde qu'il allait faire une sottise, et déshonorer sa maison par une indigne alliance, je me suis transporté sur les lieux ; et me voilà prêt, non seulement à rompre ce dédit, mais encore à le faire payer à Monsieur Mananville. Ne vous mettez pas en peine, et laissez-moi faire. J'ai dans cette maison, un homme tout à moi, qui viendra vous avertir lorsque... J'entends Monsieur Manville, je me retire. Toi, Lisette, seconde-moi bien. Ah, ventre ! Ah, tête ! Ah, mort ! Je n'ai que faire à lui ; il est bien hardi de vouloir se montrer devant moi, ayant eu dessein de marier ma sœur sans mon consentement. Donner la sœur d'un Capitaine de Dragons à un pied plat ! À un Claude ! Où est-il le téméraire qui ose épouser ma sœur ? Est-ce toi ? Ah ! Ah ! Il prétend.... Je lui montrerai bien le respect qu'il me doit. Il n'a pas assez de bien pour que je souhaite sa mort ; mais ventrebleu, je lui apprendrai à vivre à ce père-là. Oui, mon père y trouve ses avantages ; j'en suis ravi. Et les miens ? Tête bleu, à ce que je vois, on ne songe guère aux absents ici. Mais j'arrive encore à temps, pour faire mon marché. Primo, je vous déclare que je veux cent mille francs de pot-de-vin. Item. Tous les Officiers de mon Régiment, et moi, seront logés et nourris chez vous à discrétion tous les hivers, pour nous dédommager des pertes que nous avons faites avec vos confrères les usuriers, depuis trois ans... Comment ! Morbleu, j'aurai une jolie sœeur, et cela ne produira rien ; quand j'en vois tous les jours qui doivent leur fortune à la beauté de leurs arrières-cousines ! Comment, tête-bleu ! On méprise ici ma sœur ! Ah, ventre ! Il faut que j'assomme toute la famille. Bon ! Bon ! Qu'ils viennent. Retire toi, Maraud. Ah, ah ! je varrons, j'allons ; allez, allez, ma mie. Ah ! Parbleu, canaille, je vous apprendrai... J'entends mon père, je me retire ; car dans la fureur où je suis... Jusqu'au revoir. Je vous rendrai comme cela visite de temps en temps, mais, surtout, que les cent mille francs soient prêts dans une heure. DOucement, s'il vous plaît ; il nous revient la fin d'un divertissement. Monsieur, il est bon que je fasse un peu de tapage ici. Mananville, est un chicaneur ; il a fait des frais pour ce mariage ; et pourrait les rejeter sur vous ; croyez-moi, achevons de l'intimider de manière qu'il ne veuille jamais avoir d'affaire avec nous. Tu sais, Lisette, que j'ai quitté Marine pour toi ; tu veux t'engager dans ma compagnie je te donnerai ton congé au bout de trois mois. **** *creator_legrand *book_legrand_usuriergentilhomme *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_usuriergentilhomme *dist2_legrand_prose_comedy *id_LISETTE *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lisette Madame Mananville et le Baron de la Gruaudiere, son fils, sont visibles, et viennent de ce côté ; songez à vous. Ah ! Monsieur Frontin, je suis votre servante. Paix, voici Madame Mananville et votre futur. Allez, allez, Monsieur le Baron, sans que vous parliez, on devine à votre physionomie ce que vous êtes capable de dire. Tout-à-fait. Oui, Madame le mettra à la mode. Monsieur le Baron me paraît disposé à s'accoutumer à tout. Gardez-vous bien de les lire, de crainte de les gâter. Ce n'est pas le mariage qui doit le faire cesser de l'être. D'un marinier qui va tirer l'oie. Hé bien, Monsieur ! Votre fille a-t-elle tort ? Oui, oui, Monsieur soutiendra tout cela ; laissez-le faire. MOrgué, tatigué j'avions, j'étions. Hé ! Bien, Monsieur, qu'en dites-vous ? Elle est un peu sauvage. Enfin, Monsieur, qu'allez-vous faire maintenant ? Il faut le rompre, Monsieur. Monsieur, j'aperçois un fourbe de profession qui nous écoute, qui a rompu plus de dédits en sa vie, qu'il n'a fait faire de mariages légitimes. Je le connais ; s'il voulait nous rendre service ! Il y a comme cela quantité de gens dans le monde, qui font tout leur plaisir de se mêler des affaires des autres. Oh ! Entendez auparavant le divertissement. Il n'est guère poète, comme vous voyez ; car il dit la vérité. C'est un Diable, je le connais ; et vous en serez quitte à bon marché, s'il se contente de mettre le feu à votre maison. Courage, Frontin, cela va à merveille, et Monsieur de Fontaubin t'avoue de tout. Mais, Monsieur, Monsieur votre père vous cherche ; et veut vous parler. Mais, Monsieur.... Vous le voyez dans sa belle humeur ; quand il est en colère, c'est bien autre chose. Je le trouve aujourd'hui plus modéré qu'à son ordinaire. C'est une bagatelle pour vous, après tout ; et cela vous est aussi aisé à gagner, qu'à lui de le dépenser. Hé ! Monsieur, qu'allez vous faire ? La peur a fait fuir tous vos gens, Madame, et il n'y a personne ici pour vous en donner ; vous vous évanouirez une autre fois. Le voilà qui sort, Monsieur ; il est venu ici rendre ses respects à monsieur et à sa famille. Il vous restera, Monsieur le Capitaine de Vaisseau il est de bonne prise. C'est Monsieur le Capitaine qui les ramène. Et nous, qu'en dirons-nous, Monsieur le Capitaine ? Que le notaire fasse toujours l'engagement, il durera ce qu'il pourra. Ma foi, c'est assez berner nos manants, cela commence à m'ennuyer ; changeons de style, et chantons quelque chose de plus beau, de plus rare et de plus curieux. La beauté. La rareté. La curiosité. Les Dieux vous ont donné, jeune Iris, pour nous plaire La beauté : Mais c'est en abuser que d'être trop sévère, La rareté : Songez qu'il vient un temps où l'on' n'excite guère ; La curiosité. **** *creator_legrand *book_legrand_usuriergentilhomme *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_usuriergentilhomme *dist2_legrand_prose_comedy *id_RAGOTIN *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ragotin MAdame, voilà un paysan de Charonne, qui dit qu'il est le frère de Monsieur. Ah ! Madame, laissez-moi-là pour voir sa menterie ; il nous a dit là-bas qu'il était votre beau-frère. Ah ! Je vois bien que cela est, puisque l'on me chasse. Mais, Monsieur... Il y a encore cette pauvre veuve qui vous rapporte l'argent que vous lui avez prêté sur ses billets. Elle a dit au portier qu'il y en avait pour six fois au tant d'argent que vous lui en aviez donné. Monsieur, voilà Monsieur Fontaubin ; Madame sa fille était allée au-devant de lui. Leur carrosse entre dans la cour. Monsieur, voilà votre fils le Capitaine qui vient d'arriver. Vraiment oui, pour être de la noce !Il vient bien plu-tôt pour la troubler : il veut là-bas tout renverser, tout briser, tout assommer. Monsieur, il dit qu'il n'a que faire à vous, et qu'il n'en veut qu'à Monsieur Mananville. **** *creator_legrand *book_legrand_usuriergentilhomme *style_prose *genre_comedy *dist1_legrand_prose_comedy_usuriergentilhomme *dist2_legrand_prose_comedy *id_JASMIN *date_1713 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_jasmin Nous voilà, Monsieur. Oui, Monsieur.