**** *creator_nivelle *book_nivelle_gouvernante *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_gouvernante *dist2_nivelle_verse_comedy *id_SAINVILLE *date_1744 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_sainville Puis-je en faire un plus doux et plus heureux emploi ? Je dis ce que je pense. Moi, mon père, j'en dis tout ce qu'on en peut dire ; Il n'est qu'une façon de le bien définir. Avec sincérité, s'il faut que je réponde, J'ai vu que l'impudence est la reine du monde, Et qu'il faut, quand on veut y faire son chemin, Aller à la fortune avec un front d'airain ; Que l'art d'en imposer est le seul art utile ; Qu'une louange aride, une estime stérile, Est tout ce qu'on accorde à peine aux gens de bien. La bonne compagnie ! Eh ! Croyez-vous aussi À cette rareté que l'on appelle ainsi ? J'ai tout vu, j'ai partout cherché cette merveille, Dont le nom résonnait sans cesse à mon oreille ; Mais ce n'est qu'un grand mot nouvellement admis, Qui n'a rien de réel, que l'usage a transmis Par l'organe des sots dans la langue ordinaire, Qui sert à désigner un être imaginaire, Ouvrage de l'orgueil et de la vanité ; Tout cercle, quel qu'il soit, toute société Croit en être, de droit, la véritable sphère : Du bien, de la naissance, et telle autre chimère, De la fatuité, des airs et du jargon, Voilà tout ce qu'il faut pour usurper ce nom. Quant à moi, j'en appelle ; elle est mal définie : Ce sont les moeurs qui font la bonne compagnie. Qui m'en aurait donné ? La beauté, j'en conviens, peut, quand elle est réelle, Inspirer un amour aussi passager qu'elle. Quant à l'esprit du sexe... Qu'une femme aisément passe pour un prodige ! Mais c'est nous qui faisons nous-même le prestige. Pour peu qu'elle ait de jeunesse et d'appas, L'amour et les désirs attirent sur ses pas Une foule empressée à porter jusqu'aux nues Mille perfections qu'elle aurait peut-être eues, Si l'on ne l'accablait d'un encens trop flatteur : Elle peut tout risquer ; plus d'un adulateur Lui prête avidement et le coeur et l'oreille, Et d'avance applaudit. Qu'alors cette merveille, Aux dépens du bon-sens, anime ses propos, Et surtout avec art distribue à propos Une oeillade traîtresse, un souris infidèle, Et voilà tous nos sots enchantés autour d'elle. Ah ! Vraiment non. Je n'en suis pas le maître. Eh ! Mais, pardonnez-moi, mon estime est mon bien. À des faits ? On s'en passe. Son éclat naturel doit être décoré ! Quoi ! D'un fard étranger, secours de l'imposture, L'art oserait souiller la beauté la plus pure ! Mon père, croyez-moi, son attrait lui suffit. Qui ? Moi ! Pour mendier les biens les plus frivoles, J'irais de porte en porte encenser des idoles, Et feindre d'adorer l'objet de mes mépris ! La plus haute fortune est trop chère à ce prix. Ah ! Mon père, en effet, quelle erreur est la vôtre ! Mon bonheur dépend-il d'être au-dessus d'un autre, De briller dans le monde un peu plus, un peu moins ? Eh ! Bien, mon existence aura moins de témoins. Est-ce un si grand malheur de n'éblouir personne, De n'avoir que l'éclat que la probité donne ? Quoi qu'il en soit enfin, je serai dans le cas ; Et c'est un être heureux qu'on ne connaîtra pas. Oui, cet objet charmant aura la préférence : Adorable Angélique, ah ! Quelle différence ! Le ciel a pris plaisir à la former pour moi. C'en est fait pour jamais, je rentre sous sa loi... Depuis que j'ai cessé de cultiver sa flamme, Puis-je encore espérer de régner dans son âme ? Elle m'a tant aimé, que je dois me flatter D'obtenir un pardon que je vais mériter. Angélique ? Ah ! Ciel ! Quelle est ma joie ! Dieux ! Elle me prévient. Ah ! Je suis trop heureux. Ô gages fortunés du plus fidèle amour ! Ô bonheur qui m'assure un éternel retour ! Quand je semblais avoir abjuré son empire, Elle pensait à moi, s'occupait à m'écrire ; Ce sont tous ses billets. Je ne me souviens pas de t'avoir fait plaisir. Tu m'as trop bien servi près d'elle, Pour ne pas aujourd'hui récompenser ton zèle. Tiens, Juliette... Ah ! Prends tout. Eh ! Puis-je trop payer tous ceux que je reçois ? Attends. Sois témoin des transports que mon bonheur me cause. Tu lui diras... Grands dieux ! Quel retour inhumain ! Je vois, je lis ma perte écrite de ma main ; Mes lettres, mon portrait ! Il faudra que j'en meure ! L'espoir n'a donc servi qu'à mieux m'assassiner. Eh ! Quoi ! Tu fuis ! Parle donc, ton silence augmente mon supplice. Tu ne te tairais pas, si tu n'étais complice. On ne peut donc jamais former qu'un noeud fatal. Il n'est donc que trop vrai que tout choix est égal. À tout âge, en tout lieu, l'amour n'est qu'en idée. Enfin, c'en est donc fait, ma perte est décidée : Je n'ai donc plus ce coeur que j'avais enflammé. Et parce que j'ai tort, m'abandonneras-tu ? Mais, malgré cette femme, au moins je puis écrire. Je m'en garderai bien. Ah ! C'en est trop enfin... je ne veux rien entendre ; Puisqu'on me rend mon coeur, il faut bien le reprendre ; Puisqu'on brise ma chaîne, il faut bien en sortir. Non, je ne prétends pas perdre mon repentir. Laisse-moi, c'est en vain que la perfide y compte : J'aime encor mieux mourir de rage que de honte : J'aurais vécu pour elle, et je vivrai pour moi. Que je suis soulagé d'avoir repris ma foi ! Que je vais désormais vivre heureux et tranquille ! Tu le veux, j'écrirai ; mais ce sera d'un style... Elle apprendra qu'on peut cesser de l'adorer. Un seul regret me tue, il faut que j'en convienne, C'est que son inconstance ait prévenu la mienne. Toi, tu lui remettras ma lettre en temps et lieu ; Tu la lui feras lire... allons, j'y compte. Adieu. Cédons, l'impatience où je suis est trop vive. Vous me fuyez ? A-t-il pu vous déplaire ? C'est de mes sentiments l'expression fidèle. Je viens vous assurer de tout ce qu'il contient. Quel courroux ! Quel est donc mon forfait ? D'un éclaircissement pourriez-vous m'honorer ? Ah ! Je ne vois que trop quels motifs vous engagent À m'accabler encor d'un si cruel refus. Hélas ! Tout ce qui vient de ce qu'on n'aime plus Dégénère en offense, et se tourne en injure. Je ne puis. Non, parjure ; La révolte devient permise au désespoir : Vous me rendrez raison d'un procédé si noir. Parle, est-ce là cette lettre Qu'à l'instant de ma part tu viens de lui remettre ? Tu dois la reconnaître, est-ce elle ? Eh ! Bien, mademoiselle en est dans un courroux Qui ne se conçoit pas ; sa fureur est extrême. "Partout où j'ai porté mes pas, Je n'ai trouvé que vous, dont mon âme asservie Pût faire son bonheur le reste de ma vie. " Dieux ! Qu'est-ce que j'entends ? Vous voulez donc ma mort ? L'amour n'avait-il pas la vôtre auparavant ? Eh ! Que voulez-vous donc faire dans ce couvent ? En grâce, dites-vous ? Et de quoi donc ? Cette grâce, en effet, vous doit être fort chère. En pouvez-vous avoir pour me désespérer, Lorsqu'à tout l'univers je viens vous préférer ; Quand je mets mon bonheur, ma fortune, ma vie, À vous faire régner sur mon âme ravie, À m'assurer la vôtre, à vous lier à moi Par le don éternel de ma main, de ma foi ? Puis-je en avoir un autre ? Justes dieux ! Quel soupçon est le vôtre ! Il ne vient point de vous ; et je vois en ce jour L'horreur qu'on a voulu verser sur mon amour, Et l'effroi qu'on a mis dans le fond de votre âme. Oui, pendant mon absence on vous a peint ma flamme Comme un amusement frivole et criminel, Qui pourrait vous couvrir d'un opprobre éternel. Avez-vous pu souffrir qu'on me fît cette injure ? A-t-on vu dans mon coeur le germe du parjure Et de la perfidie ? Et vous, qui me blessez, Angélique, est-ce ainsi que vous me connaissez ? Vos beaux yeux sont baissés ! Eh ! Regardez du moins ceux que vous offensez. Quoi donc ! Qui fait couler vos larmes ? Quelles sont ces alarmes ? Quels secrets devez-vous cacher à mon amour ? Comment ? Ah ! Grands dieux ! Quel sera mon bonheur de pouvoir vous tenir lieu de tout ! Couronnez mon espoir. Je n'en aurai point d'autre ; Assurez à la fois mon bonheur et le vôtre. Oui, le plus tendre amant S'engage, et pour jamais vous en fait le serment. Tendez-moi cette main... mais quel trouble vous presse ? Nous verrons. Cependant, cachons bien notre amour ; Dissimulons tous deux jusques à l'heureux jour. Évitons cette femme, et fuyons la baronne. Nous nous étions promis qu'une ombre salutaire De nos voeux mutuels couvrirait le mystère : Cependant vous voyez que tout est découvert. Vous puis-je, à ce sujet, parler à coeur ouvert ? Mon désespoir extrême. Je suis perdu. On pourrait me sauver ; mais vous n'en ferez rien. Vous savez que l'amour nous a faits l'un pour l'autre. Vous trahirez et son choix, et le vôtre. Les persécutions vous feront succomber On travaille au malheur où nous allons tomber. Je veux autant d'amour avec plus de courage. Non, ce n'est pas assez. L'instant où je vous parle est le seul qui nous reste ; On va vous accorder cette grâce funeste Que votre complaisance a fait solliciter ; On saura vous résoudre enfin à l'accepter. Que dis-je ! On obtiendra de votre obéissance D'agréer les horreurs d'une éternelle absence. Oui, je dois prendre en vous de grandes assurances ! Jamais l'éloignement, le tems, les remontrances Ne produiront sur vous leur infaillible effet, Et vous braverez tout, comme vous avez fait. Une épreuve cruelle. Cruelle ! On vous aidait à vous l'imaginer ; mais au fond du désert où l'on va vous mener, On ne tardera guère à vous le faire croire, À noircir un absent par quelque fausse histoire Que l'on aura grand soin de circonstancier ; Et je n'y serai point pour me justifier. Vos feux ne pourront pas se nourrir de leurs cendres. Les lettres les plus tendres Ne peuvent soutenir longtemps un faible coeur : Notre ennemie alors usera de noirceur ; Les unes en secret seront interceptées ; Les autres à son gré seront interprétées. La perfide saura, d'un air doux et trompeur, Vous fasciner les yeux de l'esprit et du coeur. Elle les aura vues : Vous n'en recevrez point qu'elle ne les ait lues ; Elle s'en servira, vous dis-je, à mes dépens, Et les supprimera quand il en sera temps. Me croire, m'imiter, et m'en signer autant ; Voilà ce que l'amour exige en cet instant : De notre sûreté c'est-là l'unique gage. Le serment qui m'engage À rendre à vos appas un hommage éternel, Le garant et le sceau de ce don solemnel, Que vous font à jamais l'amour et l'hyménée, De ma main, de mon coeur, et de ma destinée... Quoi donc ! Vous hésitez à recevoir ma foi, Et votre main balance à se donner à moi ! Comment ! L'impossibilité n'est qu'au fond de votre âme. Eh ! Quel obstacle empêche un noeud si plein d'appas ? Hélas ! Vous le cherchez et ne le trouvez pas. Si vous m'avez dit vrai, vous êtes à vous-même, Vous dépendez de vous ; votre infortune extrême, Dont je rends grâce au sort, vous met en liberté De choisir qui vous plaît. Non : j'attendais de vous ce refus inhumain. L'inconstante ! Qui ? Votre gouvernante ? Et vous consulterez ensuite votre coeur ? Si vous daigniez sur vous faire un juste retour... Croyez donc l'un et l'autre. Eh ! Comment, je vous prie, M'assurer autrement de vous, et de ma vie ? Je ne veux seulement, pour calmer mes frayeurs, Que le titre d'époux : consentez, ou je meurs... Je règne, ou non, dans le fond de votre âme. Le temps nous presse ; optez d'accorder à ma flamme Le titre que le ciel semble me désigner, Ou de m'ôter la vie. On a bien de la peine À vous faire agréer d'éterniser ma chaîne, À vous faire accepter le plus heureux lien. Est-ce ainsi qu'on se rend ? Non, sans doute, à l'amour. Qui donc ? Toi, ne la quitte pas ; ton soin m'est nécessaire. Mon père, vous savez que jamais je ne flatte. C'est de voir ce titre imaginaire Être si constamment l'épithète ordinaire Que s'accordent, entre eux, les hommes indulgents. Ma foi, ceux que j'ai vus me font douter des autres. Mon père, en vérité, ce reproche me pique. Laissons la noblesse du sang : Aux yeux de l'équité tous ont le même rang. Pesons les droits réels : la plus haute naissance Ne doit pas faire un grain de plus dans la balance. Tout juge qui s'en sert a tort : c'est mon système ; Jamais il n'est trop bon pour voir tout par lui-même : Et s'il ne donne pas tous ses soins, tout son temps, Cette épargne est un vol qu'il fait à ses clients. Pourquoi se charge-t-il des fortunes publiques ? Et des plus véridiques. Je vois d'ici ce juge, indigne de pardon, Comme il le méritait, dupé par un fripon. Mais leur juge était fait pour en savoir plus qu'eux. Peut-il se consoler de leur désastre affreux, Et d'en avoir été la cause ? Qu'importe ? Il a laissé trahir son ministère ; Il avait un dépôt ; à qui l'a-t-il remis ? Si l'excuse avait lieu, tout deviendrait permis. Eh ! Bien, s'il est ainsi, que me demande-t-on ? Tout homme qui consulte est peu sûr de lui-même ; Et que dire à celui qui ne se juge pas ? Il veut que je prononce : Qu'il tremble ? Mais à quoi servira ma réponse ? Quoi qu'il en soit, enfin, j'aurais déjà rendu À ces infortunés tout ce qu'ils ont perdu. C'est à quoi je condamne un juge qui s'abuse. Qu'il répare ses torts, s'il veut qu'on les excuse ; L'ignorance et l'erreur sont des crimes pour lui. Qu'importe ? La somme n'y fait rien. L'exacte probité Ne peut jamais avoir de terme limité. Assurément. Je vous parais extrême ; Ma façon de penser, contraire aux moeurs du temps, N'attirera sur moi que des ris insultants. Que dites-vous, mon père ? Vous ? Ah ! Grands dieux ! Que ma source m'est chère ! Que je suis enchanté de vous avoir pour père ! Pardonnez ces transports à mon coeur éperdu. Votre vertu me reste. Vous méritez de tous La vénération, l'estime la plus haute. Que vous êtes heureux d'avoir fait une faute Qui vous a procuré l'heureuse occasion De faire une si grande et si bonne action. Donnez, engagez tout, j'en serai plus content. Mon père, pardonnez ma répugnance extrême. Non, j'y vois mille appas : Cette fille est trop riche, et ne me convient pas. Il faudrait lui devoir ma fortune ; C'est une dépendance un peu trop importune. Les grands biens d'une femme augmentent trop ses droits, Et par reconnaissance il faut subir ses lois ; Ce bienfait-là devient une dette éternelle, Dont on ne peut jamais s'acquitter avec elle. Quoi qu'il en soit, malgré ma situation, Je ne veux pas avoir cette obligation. Je ne veux point d'esclave, et je ne veux pas l'être. Une compagne aimable est tout ce qu'il me faut ; J'épouse pour aimer, pour être aimé de même : Je ne pourrais prétendre à ce bonheur extrême. Vingt exemples pour un semblent m'en avertir ; C'est se vendre, en un mot, et non pas s'assortir. Qui ne se fera pas. Ah ! Ciel, quel coup de foudre ! Je m'en vais la trouver. Quel est donc ce papier Qu'elle cache avec soin ? Quel est donc ce langage ? Qu'avez-vous fait ? Qu'entends-je ? De quoi donc ? Pouvions-nous autrement fixer notre destin Que par un noeud secret ? Il était nécessaire ; Mais enfin, je le sais, vous m'êtes trop contraire Pour ne pas abuser du malheureux secret Dont elle vous a fait l'aveu trop indiscret. Vous fûtes, vous serez toujours mon ennemie ; Et cependant jamais je ne vous ai haïe. Je vous détesterais, si j'étais criminel : Connaissez un amour qui doit être éternel ; Sachez qu'il n'en est pas moins pur pour être extrême. J'adore sa vertu, j'en fais mon bien suprême ; Je n'ai rien qui me soit plus cher que son honneur : Pourrais-je l'en priver, sans perdre mon bonheur, Sans me déshonorer, sans m'avilir moi-même ? Ce n'est qu'à ses dépens qu'on corrompt ce qu'on aime. Connaissez mes désirs ; je borne tous mes droits Au seul titre secret... Hélas ! Qui les ignore ? Je les sais comme vous ; mais je connais encore Un pouvoir au-dessus de leur autorité, C'est celui de l'honneur et de la probité. Ne peut-il arriver des temps plus favorables ? Et les pères sont-ils toujours inexorables ? Un fils au désespoir en peut tout espérer ; Mais j'ai fait un serment, rien ne peut l'altérer, Et c'est entre vos mains que je le renouvelle. Eh ! Bien, séparez-nous, même dès aujourd'hui, C'était votre dessein ; loin que je le combatte, Je vous offre un moyen : la baronne vous flatte. Je sais, à ce sujet, Qu'elle ne compte point remplir votre projet ; Elle adore Angélique ; et, malgré votre zèle, Elle n'a pas dessein de se séparer d'elle. Puisque vous me craignez, partez dès-à-présent ; J'ai le bien de ma mère, il sera suffisant Pour vous faire à jamais le sort le plus paisible, En cas que mon bonheur soit toujours impossible. Avec elle, en un mot, abandonnez ces lieux, Je remets à vos soins ce dépôt précieux ; Recevez-le de moi, pour le garder vous-même, Et pour le rendre un jour à ma tendresse extrême. N'y consentez-vous pas jusqu'à des temps plus doux ? Mais songez qu'Angélique... Je ne veux que du temps, pour amener mon père À m'accorder enfin cet aveu que j'espère ; Il m'aime, je ne crains qu'un premier mouvement : Du moins, en attendant l'heureux événement, Gardez-nous le secret, ayez la complaisance... Ah ! Grands dieux, c'est mon père Je frémis ! Elle est femme à lui révéler tout. Madame, gardez-vous de me pousser à bout. Qu'est-ce qu'elle m'annonce ? Tout est perdu. Ce sera votre arrêt, et celui de ma mort. Vous voyez ma faute et mon excuse. Le serment solennel Qui m'engage à lui rendre un hommage éternel. Eh ! Regardez, mon père, un objet si charmant. Voyez. Pouvais-je prendre une chaîne plus belle ? Rassurez-vous. Oui, voilà mon vainqueur. Mon père, je sais tout ; mais je demande grâce : La forme est contre moi ; mais, sans aller plus loin, Voulez-vous mon bonheur ? Laissez-m'en donc le soin. Eh ! Qui peut mieux choisir sa chaîne que soi-même ? Si vous avez sur moi l'autorité suprême, Est-ce un droit tyrannique, une loi de rigueur ? Ah ! Voulez-vous m'ôter l'usage de mon coeur, Et des liens du sang me faire des entraves ? Les enfants sont-ils donc de malheureux esclaves ? Eh ! Que n'ai-je pas fait pour me vaincre moi-même ? Depuis plus de trois mois errant jusqu'à ce jour, J'ai cherché dans le monde à perdre mon amour ; Je me suis répandu pour éteindre ma flamme ; J'ai moi-même frayé le chemin de mon âme ; Aux plus rares beautés j'ai mendié des fers, Qu'en vain plus d'une fois les plaisirs m'ont offerts : À ce premier objet d'une flamme si belle, Le ciel même a voulu que je fusse fidele. C'en est fait. Ma disgrâce est entière. Il en est encor plus irrité. Quel courroux vous enflamme ! Un rapport enchanteur règne au fond de notre âme. Quels titres sont plus doux, quels biens ont plus d'appas ! Ah ! Mon père, arrêtez, je vous prie ; Si vous nous séparez, il y va de ma vie. J'ai tort d'avoir formé ces noeuds sans votre aveu ; Mais, si dans votre coeur l'excuse n'a plus lieu, J'irai dans un désert déplorer ce que j'aime, Et subir les horreurs d'un désespoir extrême. Puisse le ciel, qui lit dans mon coeur éperdu, Ajouter à vos jours ceux que j'aurais vécu, Si vous l'eussiez voulu ! Que faut-il que j'espère ? Mais comment ? J'aurais eu cette idée ? Et que dit Angélique ? Ah ! Mon père, sans doute, achève la vengeance ! Et la baronne est-elle aussi d'intelligence ? Ils me l'enlèveront... ma perte est résolue ; Je veux la voir, dûssé-je expirer à sa vûe. Ah ! Vous me trahissez. Cruelle ! Il est donc vrai que vous lui pardonnez ! À ses séductions vous vous abandonnez ! Elle triomphe encore ! Quel obstacle cruel ! ... ô sort plein de rigueur ! Madame... dites-vous... elle aurait ce bonheur ? Elle doit en faire aussi la sienne. C'est votre mère ? ... Eh ! Bien, soyez aussi la mienne. Eh ! Madame, d'où vient cette opposition ? Je ne reconnais point de disproportion ; La nature et l'amour ne l'ont jamais admise. Ah ! Vous m'allez quitter ! Votre fuite s'apprête ! Vous méditez ma mort ! Que dites-vous ? Barbares, arrêtez... Ah ! Madame ! Ah ! Mon père ! Vous n'avez plus de fils. Je n'y survivrai pas. Ah ! Madame, c'est vous qui voulez mon trépas. Vous permettez qu'Angélique me fuie ; Sa mère me l'arrache, elle emporte ma vie. Arrêtez donc leurs pas ; Mais un père cruel n'y consentira pas. Ciel ! Qu'entends-je ? Ah ! Quel bonheur ! La vie, au prix de ce bienfait, Est le moindre présent que vous nous ayez fait. **** *creator_nivelle *book_nivelle_gouvernante *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_gouvernante *dist2_nivelle_verse_comedy *id_ANGELIQUE *date_1744 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_angelique Hélas ! Je n'ai plus rien à dire. Je ne te parlais pas alors d'un infidèle. Où parle la raison, le dépit doit se taire ? Oui. Non, ce guide propice A porté la lumière au fond du précipice Où j'aurais essuyé le plus grand des malheurs. Non, je n'ai plus en lui la moindre confiance. Où m'allait entraîner mon peu d'expérience ! Eh ! Comment pouvons-nous ne nous pas égarer ? Comment fuir les dangers qu'on nous laisse ignorer ? À qui notre jeunesse est-elle confiée ? Hélas ! Pour l'ordinaire elle est sacrifiée. Quel est le sort du sexe ! Ah ! Juliette, il s'ensuit Qu'on croit qu'il ne vaut pas la peine d'être instruit. Je voudrais l'avoir eue en sortant du couvent : oui, Juliette, ce sont quatre ans que je regrette. Tu nommes négligence un total abandon ! L'excuse n'a plus lieu non plus que le pardon. Ils l'auront fait changer. Qu'il y reste, et s'y fasse un nom bien éclatant. Juliette, je médite un projet important. Je voudrais être encor dans mon premier asile. Le monde n'a plus rien qui me plaise. Aujourd'hui ; Mais demain il pourra vous plaire davantage. Le dépit prend toujours le parti le moins sage. Demeurez... les absents sont bientôt oubliés. La baronne vous fait mille et mille amitiés ; elle a pour vous les yeux de la plus tendre mère ; C'est une tante enfin comme il ne s'en voit guère ; Mais si vous ne restez sous ses yeux, j'ai bien peur Qu'un autre ne parvienne à vous ôter son coeur, Et qu'avec un époux elle ne s'en console. La veuve la plus sage est toujours assez folle Pour se remarier ; cela se voit souvent. Il ne sera plus temps de sortir du couvent ; Il y faudra gémir, enrager comme une autre, Et pleurer à la fois sa folie et la vôtre : Je vous en avertis, craignez cet incident. Mais la voici qui vient avec le président. Sortons. Ma bonne, embrassez-moi. Que je suis satisfaite ! Ma victoire est complète. Que j'ai tout renvoyé, je n'en ai rien sauvé. J'ignorais qu'on aimât si fort ces bagatelles ; Je n'ai pu m'en priver sans des peines mortelles : Je les regrette encor ; mais j'ai fait mon devoir. Ah ! Je suis bien vengée ; il est au désespoir. Non ; il n'est pas homme à feindre, Et Juliette m'a dit qu'il était fort à plaindre. Mais, entre nous, Me voilà donc réduite à ne voir plus personne ? Car vous m'ordonnerez, du moins je le soupçonne, De ne plus voir Sainville. Mais s'il m'écrit ? Ah ! Sans doute. Ah ! Vous faites de moi tout ce que vous voulez. Hélas ! L'honneur est donc toujours l'ennemi de l'amour ? Et pourquoi donc le mien vous semble-t-il un crime ? Eh ! Pour qui donc Sainville et moi sommes-nous faits ? Et par quelle raison ? N'est-elle pas ma tante ? Que dites-vous ? Mais encor, pourquoi donc ? Depuis plus de quatre ans que je suis avec elle, Elle fait tout pour moi. Mais d'où provenait donc cet abandon total ? Vous vous attendrissez. Vous les avez connus ? S'il est vrai, dites-moi ce qu'ils sont devenus, Ne me cachez plus rien. Ah ! Grands dieux ! Et ma mère alors que devint-elle ? Sans doute que depuis un si malheureux jour, Elle n'a pu survivre à ce coup si funeste ; Vos larmes, vos soupirs m'apprennent tout le reste. Ah ! Quelle différence ! Et le plus tendre amour n'est donc rien dans la vie ? Au gré de la fortune il faut qu'on se marie. Pourvu qu'on soit bien riche, on est donc bien content ? Je ne l'aurais pas cru. Vous découvrez l'abîme où j'allais me plonger. Que de combats vont être arrosés de mes larmes ! Ce n'est que loin de lui que je trouve des armes. Je dois vous avouer que mon coeur révolté Sur mes réflexions l'a toujours emporté ; Et si je reste ici... Où donc, ma bonne ? Je ne puis avouer ma honte qu'à moi-même. Vous n'êtes pas un tiers entre mon coeur et moi. N'est-il que ce moyen ? Si je vous intéresse, Ma bonne, sauvez-moi l'aveu de ma faiblesse. Disposez d'un aveu que je vous abandonne, Chargez-vous-en vous-même auprès de la baronne. Oui, je vous le permets. Non, je vous le promets. Attendez... partez, volez, ma bonne : Je pourrais révoquer l'ordre que je vous donne. Écoutez ; c'est à condition, Si l'on daigne accepter ma proposition, Que vous viendrez aussi, que nous vivrons ensemble ; Je me soumets à tout, pourvu qu'on nous rassemble. N'y consentez-vous pas ? Ah ! Je pourrai du moins soupirer dans son sein ; Car je ne compte pas guérir de ma faiblesse. Tu lui diras que non. Qui ? Toi ! Eh ! Bien, je ne veux plus t'entendre. Je n'en ai plus à rendre. Je n'obéis qu'à moi. De grâce, finissons ; je ne vois que trop bien Quel est le but secret de ce bel entretien. Va, je sais qui t'envoie. Quoi ! Tu me soutiendras ? Tu ne viens pas exprès pour trouver le moyen D'apaiser, s'il se peut, une amante outragée ? Que m'importe ? Sans doute. Je n'y toucherais pas. Qu'as-tu donc ? Qu'est-ce ? Ah ! La belle finesse ! Va, je sais ce que c'est. Il faut, pour m'attraper, être un peu plus habile. Ce billet qu'on t'apporte est... De Sainville. Je gagerais. Que fais-tu ? Je dirai que je ne l'ai pas lu. Arrête, ou je m'en vais. Lis, puisque tu le veux ; mais je n'entendrai pas. Dieux ! Qu'est-ce que j'entends ? Est-ce à moi qu'on écrit ?... Regardons le dessus. Elle est de mon perfide. Oui, Juliette, elle en est ; c'est à moi qu'il écrit, Et c'est lui qui m'outrage après m'avoir trahie, Et qui joint le mépris avec la perfidie... Poursuis. Quelle était mon erreur ! Achève, j'ai besoin de l'avoir en horreur. Aimer sans espérance Est un état cruel. Mais quelle différence ! Haïr est le tourment le plus affreux de tous. Donne-moi ce billet. Fuyons, sans doute il vient jouir de son forfait. Tenez, voilà votre billet. Autre insulte mortelle. De peur que je n'en doute encore, il en convient. C'en est trop. Auriez-vous bien l'audace, Auriez-vous la fureur de m'insulter en face ? Feignez de l'ignorer. Perfide, on n'en doit point à ceux qui nous outragent. Cessez de m'arrêter. Mais à quoi servira... Puisqu'il convient de tout, c'est un soin superflu. Vous lisez faux. Voyez. Il a raison... Juliette. Mais, quoi ! Voilà ce que j'ai craint... Sainville, il n'est plus temps, Je retourne au couvent. Et sans doute la mienne. J'ai donné ma parole, il faut que je la tienne. On est allé, pour moi, le demander en grâce. Voilà ce qui se passe, J'en attends la réponse : et je vous dirai plus, Je tremble... De n'avoir qu'un refus. Entendez mes raisons, sans vous mettre en colère. Auriez-vous ce dessein ? On l'a craint. On a jugé bien mal de l'amour de Sainville. Ah ! Sainville. Vous ne savez pas tout. J'ignore qui sont ceux à qui je dois le jour. Vous croyez que je suis nièce de la baronne ? Il n'en est rien, je ne tiens à personne. Quoi ! Malgré cet aveu ? Je pourrais être à vous ? Mais, Sainville, comment retirer ma promesse ? Que vois-je ! C'est ma bonne ! Trop de confusion a glacé mon courage. Je ne puis que rougir, me taire, et soupirer. Non, quoi que je me dise, Je ne puis revenir d'avoir été surprise. C'est elle qui me cause aussi le plus d'effroi. Sa raison, sa vertu. Je ne sais, mais je sens qu'elle ne me dit rien, Qui véritablement ne soit que pour mon bien : C'est un fait ; mais j'ai beau m'en convaincre moi-même, Quelle conviction tient contre ce qu'on aime ? Quand Sainville paraît, tout est évanoui. Eh ! Vraiment, oui. C'est à notre sujet. Hélas ! Vous le pouvez ; je répondrai de même. Que vois-je dans vos yeux ? D'où vient ? Vous ! Quel trouble est le mien ! Eh ! Bien ? De quoi me grondez-vous ? Puis-je aimer davantage ? Laissez-moi vous aimer comme je puis aimer. Qui peut vous alarmer ? À subir cet arrêt je dois me préparer ; Mais sans nous désunir on peut nous séparer. Que me reprochez-vous ? Eh ! N'avais-je pas lieu de vous croire infidèle ? Ne m'écrirez-vous pas ? Mais je les lirai seule. Je vois, en frémissant, quel péril nous menace. Puis-je le détourner ? Que faut-il que je fasse ? Quel est donc ce papier ? Eh ! Le puis-je ? Quel courroux vous enflamme ? Oui, c'est la vérité ; Je n'ai point de parents, du moins que je connaisse. Mais, quoi ! Puis-je, à mon âge, être assez ma maîtresse, Pour que mon seul aveu dispose de ma main ? Une raison n'est pas un refus. Mais si je consultais... Tenez, vous me traitez avec trop de rigueur ; Vous me troublez si fort, qu'à peine je respire : Je ne sais déjà plus ce que j'avais à dire. Eh ! Je crains ma raison autant que mon amour. Ah ! Ciel ! Eh ! Bien, je vais signer : Mais vous en répondrez. Vous ne pardonnez rien. Ah ! Quelle tyrannie ! Ah ! J'ai le coeur transi. Vous m'avez fait chercher ? Quand j'ai de l'amitié, c'est pour toute ma vie. Vous me la rappelez... mais à propos... ma bonne... Si vous m'en croyez, sans trop précipiter, Vous attendrez encore à vous en acquitter. C'est qu'il faut que j'y pense. Mettez-vous à ma place en cette circonstance ; Il s'agit de quitter, et d'abandonner tout. Je m'en flatte. Calmez vos frayeurs indiscrètes. Vous mettez tout au pis. Ne craignez rien pour moi, je serai plus heureuse. Eh ! De qui ? En parle-t-on ? Et quelle est la future ? On vous trompe. À votre zèle ardent je me livre moi-même ; Mais n'allez pas plus loin, respectez ce que j'aime. Et jamais je n'aurai d'autre amour ; Oui, mon coeur le lui jure à chaque instant du jour : Je le dois, je remplis un devoir plein de charmes. Oui, j'aurais dû me taire. L'état où je vous vois, et la nécessité De me justifier dans tout ce que j'adore, Vont vous ouvrir mon coeur. Sainville n'est pas tel que vous l'avez pensé : Quels regrets vous aurez de l'avoir offensé ! Cet hymen que l'on croit si prêt à se conclure, Ne se fera jamais, comptez que j'en suis sûre... Sainville est engagé. Avec moi. Oui, moi-même. Un noeud qu'à tous les yeux nous rendrons invisible, Nous enchaîne à jamais au gré de nos soupirs. Quoi ! N'était-ce pas-là l'objet de vos désirs ? Vous doutiez seulement que l'amour de Sainville Eût un but légitime ? Eh ! Bien, soyez tranquille. J'ai sa main et sa foi, mes destins sont les siens. Faut-il d'autres droits que les miens ? Mon aveu doit suffire, à ce que j'imagine : Ne m'avez-vous pas dit que j'étois orpheline, Et sans nulle fortune, à la merci du sort ? S'il est vrai, j'ai donc pû, sans avoir aucun tort, Ne prendre auparavant les ordres de personne. Vous ne le croyez pas ? Il faut donc vous confondre. Tenez, voyez, lisez. Qu'aurez-vous à répondre ? Est-ce là, de sa foi, le garant immortel ? Dès que nous le pourrons, nous irons à l'autel, confirmer, en secret, cette union parfaite... vous en serez témoin... êtes-vous satisfaite ? Surtout, ne dites rien de ma félicité ; Gardez bien le secret. Je ne serai jamais dans ce cas déplorable. Cette femme n'a rien à voir que de funeste. Eh ! Tranquillisez-vous, je prendrai soin du reste. Je ne puis l'empêcher. Cent fois plus que moi-même. Ma surprise est extrême ! Eh ! Comment ? Il est vrai, je ne songe Qu'à ma félicité. Oui, sans doute, à jamais. Il n'en est pas besoin ; Je ne souffrirai pas que vous preniez ce soin. La moindre défiance est un manque d'estime ; Sainville, avec raison, pourrait m'en faire un crime. Je ne veux, contre lui, ni garants, ni témoins ; Je ne l'aimerais pas, si je l'estimais moins. Eh ! Que m'importe, à moi ? Mes voeux sont satisfaits. Je crois mieux les serments que Sainville m'a faits, Que tout ce qu'on pourrait vous dire : ainsi, ma bonne, Rendez-moi... Votre refus m'étonne ! Non, vraiment... mais on vient... C'est notre mariage. Vous allez me gronder. J'ai cru pouvoir m'y confier. J'ai tout dit, pour vous justifier. Elle a tort ; il lui plaisait de croire Que vos feux offensaient votre honneur et ma gloire, Que l'hymen ne pouvant jamais les couronner, Au plus fatal espoir j'osais m'abandonner. À présent, je ne sais quel scrupule l'arrête ; Tenez, demandez-lui ce qu'elle a dans la tête. Eh ! Soyez moins cruelle, Et consentez. D'abord que je réponds de lui... Moi, Sainville ? Ah ! Pourvu que je vive pour vous, au milieu des transports d'une si douce attente, Fût-ce dans un désert, je serai trop contente ; L'espérance tient lieu des biens qu'elle promet. Oui, ma bonne y consent... votre coeur s'y soumet. Ah ! Monsieur, arrêtez ; il a dû me charmer. Est-ce séduction que de se faire aimer ? Reprochez-moi plutôt l'ardeur dont je l'enflamme. Oui, monsieur, c'est sur moi que doit tomber le blâme ; On séduit, quand on plaît sans l'avoir mérité. Il ne m'a point ravie à ceux dont je suis née, Dès ma plus tendre enfance ils m'ont abandonnée ; Il savait que je puis disposer de mon sort ; À cet égard encor vous l'accusez à tort. Pourquoi non ? Eh ! Ne savez-vous pas ?... Qu'elle ne m'est rien. Oui, monsieur, elle me veut du bien ; Mais... Je n'en suis point du tout héritière. Doit le justifier, Et vous autoriser à me sacrifier. Non, monsieur, je ne dois ce nom qu'à sa tendresse. Ne faut-il pas toujours dire la vérité ? Ah ! Laisse-moi tranquille. Non, cruelle. Que m'importe à présent, pourvu que je vous fuie ? Ne vous attendez plus, après m'avoir trahie, Que je veuille avec vous passer mes tristes jours. Non, entre vous et moi, c'en est fait pour toujours. Je supporterai tout, pourvu qu'on nous sépare. Vous prononcez bien vite un arrêt si barbare. C'est qu'il est dans mon coeur. Non, ce faux désespoir vous avancera peu. Je ne croirai jamais que vous m'ayez aimée. D'un zèle amer, toujours trop inconsidéré, Porté jusqu'à l'excès le plus immodéré, Et qui vient de m'ôter le bonheur de ma vie. Laissez-moi, je vous prie ; Dans toutes vos raisons je ne veux plus entrer. Quelle fatalité nous a fait rencontrer ! Je rendais grâce au ciel d'un présent si funeste ! Aveugle que j'étais ! Ah ! Grands dieux ! à quel titre ! Quel intérêt cruel vous attache si fort ? Pourquoi vous êtes-vous subordonné mon sort ? D'où vous arrogez-vous ce pouvoir tyrannique ? Moi ? Ne me voilà-t-il pas sensible à ses douleurs, Et presque hors d'état de soutenir ses larmes ? Quel est cet ascendant ? Où prenez-vous vos armes ? Je ne vous conçois pas. Quel est donc ce secret ? Comment ! De qui puis-je dépendre ? Autant qu'il m'en souvient, vous m'avez fait entendre Que vous connaissiez ceux à qui je dois le jour. Ne m'avez-vous pas dit qu'en un autre séjour, Un généreux trépas m'avait ravi mon père, Que je ne devais plus compter sur une mère, Qu'en ma plus tendre enfance à peine ai-je pu voir ? Vous a-t-elle en mourant laissé tout son pouvoir ? ... Vous la pleurez ? Que dites-vous ? La mort ne me l'a point ravie ? Achevez donc. Elle vit ? Ô bonheur inouï ! Je vous pardonne tout. Ah ! Ciel ! Quelle est ma joie ! Ma bonne, absolument il faut que je la voie ? Par ces refus cruels, injurieux, Vous me désespérez... que vois-je dans vos yeux ? Ah ! Vous êtes ma mère ; oui, je n'en veux point d'autre. Tout me le dit ; cédez, et qu'un aveu si doux Couronne tous les biens que j'ai reçus de vous. Ah ! Ciel ! Mais quel remords vient déchirer mon coeur ! C'est vous que j'ai traitée avec tant de rigueur ! Je me rends, et je sens que ce n'est que la fuite Qui pourra garantir mon âme trop séduite. Mais, hélas ! Comment fuir ? Quoi ! Si-tôt pour jamais il faut s'en séparer ! Que va-t-il devenir ? Quoi ! Partir tout-à-l'heure, Sans se revoir du moins pour la dernière fois ! Il le faut, je le dois... Arrachez-moi d'ici ; je me perds, si je reste. Arrêtez ! C'est ma mère... Si vous saviez combien elle doit m'être chère ! J'en fais gloire. Nous ne nous verrons plus, recevez mes adieux. Lisez le reste dans mes yeux. Ma mère, il y consent. **** *creator_nivelle *book_nivelle_gouvernante *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_gouvernante *dist2_nivelle_verse_comedy *id_JULIETTE *date_1744 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_juliette Angélique, est-ce tout ? Faites-vous violence : Je voudrais bien savoir à quoi sert le silence Il ne guérit de rien ; au contraire, il aigrit Les maux et les tourments du coeur et de l'esprit. Se taire est n'être plus qu'une ombre qui s'ennuie ; Le babil est le charme et l'âme de la vie... Vous ne répondez rien ! Quel est donc votre but, Et votre idée ? Un soupir ! Beau début ! Après, continuez. On n'a que trop de quoi parler quand on soupire. Où sont donc ces transports, cette vivacité ? Nos entretiens faisaient votre félicité ; Vous ne pouviez finir. Lorsque je me rappelle... Doit-on, lorsque l'on perd le coeur d'un inconstant, Perdre aussi la parole ? Allons, il faut d'autant Soulager son dépit ; rien n'est plus salutaire. Et la raison vous parle, à vous, Angélique ? Ah ! Le bel entretien ! Ma foi, gare l'ennui ; Mais il est tout venu. Bon ! Bon ! L'amour bientôt le comblera de fleurs. Ah ! Diantre, vous voilà tout-à-fait surprenante ! Ce beau chef-d'oeuvre vient de notre gouvernante. Depuis six ou sept mois qu'elle a trouvé moyen De s'impatroniser ; je n'y connais plus rien ; La baronne elle-même en a fait son amie, Et ne fait que vanter sa rare prud'hommie : Nous étions, vous et moi, bien mieux auparavant. Oui, votre tante a fait une fort belle emplette... Cette femme n'entend qu'à donner des vapeurs. Mais parlons de Sainville. Espérez que vos coeurs Seront bientôt remis en bonne intelligence. Je sais que de sa part un peu de négligence... Si Sainville a quitté sa retraite profonde Pour aller se fourrer dans le tracas du monde, C'est malgré lui ; pour moi, j'ai tout lieu de douter Qu'il puisse encor longtemps s'y plaire et le goûter ; Il n'a fait qu'obéir, et par force, à son père ; Son esprit, son humeur, son goût, son caractère, Feront qu'il y sera tout-à-fait étranger : Il est trop philosophe. Non, il est trop bien né ; c'est sur quoi je me fonde. Quel triomphe pour vous ! Quand dégoûté du monde... Vous voulez tout-à-fait renoncer à Sainville ? Eh ! Pourquoi faire ? Au lieu de bénir chaque jour La main qui vous a fait sortir de ce séjour, Où les infortunés de qui vous êtes née, Dès vos plus jeunes ans vous ont abandonnée, Vous songez à rentrer dans le sein de l'ennui ? Monsieur, un mot, de grâce ; Angélique m'envoie. Elle-même. Sans vous le reprocher, C'est la dixième fois que je viens vous chercher. Apprenez à quels titres, Et prenez ce paquet ; c'est un recueil d'épîtres. Vous verrez à loisir. Ni moi non plus. Que de biens à la fois ! Je suis votre servante. Monsieur, je n'ose. Je ne crois pas qu'il soit besoin que je demeure. Je crains de vous importuner. Mais en serez-vous mieux, quand je vous aurai dit, Que jusqu'à la rupture on pousse le dépit, Qu'à l'amour d'Angélique il ne faut plus prétendre, Et qu'elle ne veut plus vous voir ni vous entendre ? Jugez-vous. Quand on a le bonheur d'être aimé, Il faudrait résider auprès d'une maîtresse, Cultiver par soi-même, et nourrir sa tendresse. L'amour qu'on nous inspire exige bien du soin ; Des yeux qui l'ont fait naître, il a toujours besoin ; La moindre négligence y porte un coup funeste. Est-ce que notre coeur a des forces de reste ? La bonne volonté fait toute ma vertu : Mais je suis sans crédit ; je rougis de le dire. Certaine gouvernante a sur elle un empire, Que, pendant votre absence, elle a jusqu'à ce jour Acquis, malgré moi-même, aux dépens de l'amour. Et l'on refusera constamment de vous lire ; Car ce maudit Argus pense à tout, n'omet rien... Écrivez cependant. Perdez-vous la raison ? Au lieu de réparer... Voilà comme ils sont tous, quand on leur rend le change ; Furieux, hors de sens : c'est une espèce étrange ; Mais enfin, quels qu'ils soient, tout bien apprécié, Il ne faut pas laisser que d'en avoir pitié. Viens quand je tousserai. Pourrait-on vous parler ? C'est moi qui vous demande audience en mon nom. Moi-même. Et par quelle raison ? On vous l'a défendu ? Depuis assez longtemps, parlons de bonne foi, Votre bonne, jalouse, envieuse, inquiète, Cherche à me supplanter ; sa victoire est complète. Votre humeur trop facile a comblé son désir. N'agissez, ne pensez que sous son bon plaisir, Ayez pour tout instinct celui qu'elle vous prête, Soyez comme un enfant qu'on mène à la baguette. Vous pourriez vous tromper. Ne vous en faites pas une si grande joie. Moi, je ne soutiens rien. Ce serait volontiers, s'il m'en avait chargée ; Et d'ailleurs, (ce n'est pas que je parle pour lui : ) Mais enfin, croyez-vous les hommes d'aujourd'hui D'humeur à nous passer tous nos petits caprices, À faire tous les jours les plus grands sacrifices, À braver, à souffrir les mépris, les rebuts, À demeurer constants lorsque l'on n'en veut plus, À revenir à nous, si-tôt qu'on les rappelle ? Non ; l'art d'aimer a pris une forme nouvelle : C'est à nous à présent à remplir, en aimant, Tout ce qu'une maîtresse exigeait d'un amant ; Encore arrive-t-il qu'on croit nous faire grâce. Nos esclaves ont mis leurs vainqueurs à leur place ; Ils se sont emparés de nos droits les plus doux ; Tout le poids de l'amour est retombé sur nous. Avouez que si, par aventure, Sainville revenait après cette rupture, Plus tendre que jamais, vous rapporter son coeur, Le vôtre aurait pour lui la dernière rigueur. Il fait donc bien de ne se pas commettre : je dis plus, s'il osait hasarder une lettre, Pleine de désespoir, (je suppose le cas,) Vous la refuseriez ? Il se le tient pour dit. Il est temps que je tousse. À la derniere épreuve il faut que je la pousse. Est-il sourd ? Recommençons encor. Peste soit du butor. Donne. Une lettre Que ce drôle a sans doute ordre de me remettre. En quoi donc, s'il vous plaît ? De grâce, expliquez-vous. De qui ? De lui ? Il faut voir. Je l'ouvre. Pour la pousser à bout, changeons un peu le texte, Et lisons autrement. Pourquoi prendre un prétexte ? Eh ! Bien, lisons tout bas. "Lorsque nous avons cru nous aimer l'un et l'autre, Nous nous sommes trompés." "Il n'est pas malheureux de rompre en même temps ; Car mon erreur n'a pas duré plus que la vôtre. J'accepte la rupture, ainsi n'en parlons plus. " À qui, diantre, en veut-on ? Quelle est cette aventure ? Pourriez-vous, par hasard, connaître l'écriture ? Ah ! Vous l'avez bien dit. Restons-en là. Vous l'aimiez donc encore ? Tenez, contentez-vous. Avertissons Sainville, il est temps qu'il arrive. Eh ! Je vous cherche. En doutez-vous ? Vous pourrez la calmer en la lisant vous-même. Je puis avoir mal lu. Écoutez ; vous, lisez. "Le secours de l'absence M'a bien mieux fait sentir le prix de votre coeur ; Et lorsque je reviens à mon premier vainqueur, C'est avec plus d'amour et plus de connaissance. " N'interrompez donc pas. Suivez des yeux. Eh ! Bien, vous vous aimez. Plus que jamais vos coeurs sont enflammés. Quelle explication faut-il que je vous donne ? Eh ! Trop heureuse encor l'amante qui pardonne. Et vous avez été trop prompte et trop facile À vous déterminer. Levez-vous, et fuyez. Allons, il faut un peu faire tête à l'orage. L'amour est cependant fait pour en inspirer. Reprenez vos esprits. Pour un petit malheur faut-il se dérouter ? La baronne, entre nous, n'est pas à redouter ; Elle est femme du monde, et n'en fera que rire : Pour l'autre, au pis aller, il faut la laisser dire. Quelle enfance ! Eh ! Qui peut, malgré vous, malgré moi, Vous contraindre à rester ainsi sous sa tutelle ? Je n'en ai pas moins qu'elle. Cela se doit ; il va venir. Arrangez-vous tous deux, tandis que la baronne Dans le fond du jardin est avec votre bonne, En un grand pour-parler. Bon ! Bon ! Qu'importe ? Adieu, je vais faire le guet. Décampez au plus vite ; il nous vient compagnie. Le président. Par où diantre allez-vous ? Sauvez-vous par ici. Je suis piquée au jeu ; laissez, laissez-moi faire. Que diantre un fils a-t-il tant à dire à son père ? Votre Angélique est folle, elle me désespère ; La crainte, l'épouvante, et la timidité Triomphent pour le coup de sa facilité. Vous ne la tenez plus. Voyez si vous pouvez vous-même la résoudre ; Mais ne l'espérez plus. Elle est dans le jardin qui s'occupe à rêver. Être fille, et vouloir l'être toute sa vie, Me paraît, par ma foi, la dernière folie. Le beau titre à garder ! N'est-il pas bien charmant, Surtout lorsque l'on peut épouser son amant ! Ah ! Je vous le demande ! L'ai-je à ma garde ? Elle est, ce me semble, assez grande Pour être sa maîtresse ? J'obéis à madame, elle peut ordonner ; Mais, vous... Madame ! Ah ! Par ma foi, l'épithète m'étonne ! Je vous dis qu'en un mot cela n'est pas possible ; Ni pour moi, ni pour vous, elle n'est pas visible : L'accès près d'Angélique est si bien interdit, Qu'avec tout votre amour, avec tout mon esprit... C'est un fait : elle est comme enchaînée ; La porte du jardin vient d'être condamnée ; Car on a bien pensé que vraisemblablement Vous pourriez en venir à quelque enlèvement. Enfin, on l'a prévue. Il faudrait l'avoir vue : Mais il vous est aisé de vous l'imaginer ; Sans se voir, quand on s'aime, on peut se deviner. Je ne sais, mais souvent, au déclin des beaux jours, Notre sexe prend moins le parti des amours. Je commence à douter qu'il soit si doux d'aimer ; D'abord, la seule idée avait su me charmer : Je le croyais le bien le plus grand de la vie ; Ce que j'en vois m'en fait presque passer l'envie. Quand l'amour tourne à mal, c'est un cruel vainqueur ; Il est vrai : cependant, que faire de son coeur ? Comment ! Vous voilà seule ? Allons, tout au plus vite, en avertir Sainville.