**** *creator_nivelle *book_nivelle_prejugealamode *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_prejugealamode *dist2_nivelle_verse_comedy *id_CONSTANCE *date_1735 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_constance Ce doute m'offense ; Vous me connaissez peu, si vous me soupçonnez De penser autrement. Si je fais quelques voeux, c'est pour votre hyménée : Damon, soyez-en sûr ; croyez qu'il m'est bien doux De servir un ami si cher à mon époux. Quoi ! Votre liaison ?... Je ne reconnais point Sophie à ce caprice ; Vous m'étonnez. D'où vient cette extrême injustice ? Elle ne vous hait point. Monsieur, elle se trompe, et nous offense tous. Damon, il n'en est rien. Brisons là, je vous prie. Avant notre départ, Sophie à mes conseils aura peut-être égard ; Fiez-vous-en à moi. J'attends Argant ; je vais hâter votre bonheur. Allez, je me fais un honneur De la faire changer d'idée et de langage. Surtout, que mon époux ignore cet outrage. Faut-il que mon époux ne fasse aucun usage Des conseils d'un ami si fidèle et si sage ? Me verrai-je toujours dans l'embarras cruel D'affecter un bonheur qui n'a rien de réel ?... Oui, je dois m'imposer cette loi rigoureuse ; Le devoir d'une épouse est de paraître heureuse. L'éclat ne servirait encor qu'à me trahir ; D'un ingrat qui m'est cher, je me ferais haïr : Du moins, n'ajoutons pas ce supplice à ma peine ; Son inconstance est moins affreuse que sa haine. Vous m'avez ordonné de vous attendre ici, Sans quoi je vous aurais prévenu. Vous paraissez ému ! Quoi ! Vous savez ?... J'obéis. Quand on croit deviner, on se trompe souvent. Monsieur, en doutez-vous ? Puis-je faire autrement ? Je l'imagine. Elle mérite bien de nous être aussi chère. Mon malheur ne m'épargne aucune circonstance. Apprenez donc, monsieur, la façon dont je pense, Et vous persisterez après, si vous l'osez, Dans l'accusation que vous me supposez. Je n'ai qu'à me louer d'un heureux hyménée ; Je ne méritais pas d'être si fortunée : Mais enfin, si mon sort cessait d'être aussi doux, Si j'avais à pleurer le coeur de mon époux, Je cacherais ma honte, en me rendant justice, Et je me garderais d'augmenter mon supplice. Un éclat indiscret ne fait qu'aliéner Un coeur que la douceur aurait pu ramener. Si quelque occasion peut mieux faire connaître, Et sentir de quel prix une épouse peut être, Si quelque épreuve sert à le mieux découvrir, C'est lorsqu'elle est à plaindre, et qu'elle sait souffrir. Voilà mes sentiments, tirez la conséquence. C'est justement de quoi J'avais à vous parler. Je n'imagine pas qu'il déplaise à Sophie. Du moins je m'en défie. Oui, je crois qu'en secret elle y prend intérêt. Ce n'est point un refus ; c'est de l'incertitude. On ne s'engage point sans quelque inquiétude. En cela j'aurais tort de la désapprouver : Peut-être auparavant elle veut s'éprouver ; Peut-être qu'elle cherche, autant qu'il est possible, À s'assurer du coeur qu'elle a rendu sensible. Je dois en convenir. Oui, Madame, je le suis. Madame, je vous dis... Avec tant de douceur, de charmes et de grâces, Deviez-vous éprouver de pareilles disgrâces ? Elle a dit mon secret ; je vais dire le sien. Me suis-je jamais plainte ? M'avez-vous jamais vue ?... Qu'avez-vous fait ? Ah ! Sophie, on croira que je vous fais parler. Une épouse plaintive est encor moins aimable ; Je le disais. M'en soupçonneriez-vous ? Ah ! Sophie, épargnez du moins votre victime. Non, mon époux m'estime. Sur le coeur de Damon prenez plus d'assurance. Comptez sur son amour et sur sa probité. Que me veut-elle ? Eh ! Bien, quelle nouvelle ? Mon époux ? Florine, sachez mieux respecter votre maître. Comment ? Cette fille extravague. Je n'ai point commandé cet habillement-là. Une galanterie, et qui s'adresse à moi ! Mais n'est-ce point à vous que ce présent s'adresse ? Damon, de qui votre oncle approuve la tendresse... Dois-je être plus en bute à des témérités ?... Mais voici mon époux : dans cette conjoncture, Dois-je lui confier cette étrange aventure ? Durval, vous m'étonnez. Je l'avais bien prévu... Monsieur, pouvez-vous croire... Hélas ! C'est un excès où je n'ai point de part... Mais à mon désaveu vous n'avez point d'égard. Vous allez me haïr... ah ! Cruelle Sophie ! Épargnez... Vous me perdez, madame. Florine, je vous chasse ; Sortez. Monsieur... Ce que vous m'apprenez a lieu de me surprendre... Il m'est bien douloureux d'avoir à vous apprendre Le trop juste sujet de ma confusion. Que je suis malheureuse ! Ah ! Je n'aurais jamais prévu, lorsque j'y pense, Que l'on pût avec moi prendre tant de licence. J'ignore absolument... je ne sais ce que c'est... En un mot... Cet habit... ces chevaux, avec cette calèche... S'ils sont chez moi... J'ignore à qui je dois ces indignes bienfaits. Je laisse dans l'oubli ce qui doit y rester. Je voudrais ignorer que je suis offensée. N'est-ce point mon époux qui m'a fait ces présents ? Eh ! N'empoisonnez pas encore mes douleurs. Hélas ! Je sens assez le poids de mes malheurs : Daignez au moins cacher ma nouvelle disgrace. Je vais me renfermer... Allez, suivez la chasse. Vous prenez trop de part À l'état où je suis... laissez-moi, par égard. Profitez du plaisir que l'on offre à vos charmes, Je n'ai plus que celui de répandre des larmes. Il n'est jamais de trop. Je l'ai feint, et je viens vous en rendre raison. Hélas ! J'avais besoin d'un peu de solitude. Vous savez le sujet de mon inquiétude ; Elle augmente sans cesse, et je crains tous les yeux. Depuis que l'on m'a fait ces dons injurieux, Je n'en puis sans douleur envisager la suite ; Je crains d'autoriser une indigne poursuite... Ah ! J'étais respectée, et je ne le suis plus. J'en mourrai de douleur. Qu'avez-vous ? Eh ! Bien ? Sa crainte est indiscrète. Il sait combien je le souhaite. Damon y peut compter. Quel garant infidèle ! Je sens que ce portrait devrait être fidèle. Aurait-il fait au jeu quelque dette importune ? Mais ne serait-ce point son épouse qu'il aime ? Pour peu qu'on soit sensé, l'on devine le bien... Mais vous vous étonnez fort à propos de rien : C'est un coeur égaré que le devoir ramène, Que l'amour fait rentrer dans sa première chaîne, Qui n'a jamais trouvé de vrais plaisirs ailleurs, Et qui veut être heureux en dépit des railleurs. Je crains que ma présence ici ne vous déplaise, Je vous laisse railler et médire à votre aise. Durval n'est point ici : va, ne perds point de temps ; Tâche de le trouver, dis-lui que je l'attends ; Mais ne lui parle point du sujet qui m'agite ; Il ne daignerait pas me rendre une visite. Fais en sorte, en un mot, que je puisse le voir. Eh ! Quoi ! De tous côtés la fortune ennemie S'obstine à traverser ma déplorable vie ! Au moment que je prends un trop crédule espoir, On vient me l'arracher par le trait le plus noir. Un inconnu m'apporte une preuve trop sûre Des mépris d'un ingrat, et d'un nouveau parjure. Une rivale indigne, et barbare à la fois, M'avertit que Durval, qui vivait sous ses lois, La quitte, la trahit pour prendre d'autres chaînes... Est-ce elle qu'il trahit ? Et pour surcroît de peines, Il semble qu'on se plaise encore à redoubler Ces indignes présents, dont on veut m'accabler. As-tu trouvé Durval ? Quel fâcheux contretemps ! Je l'attendrai. Je veux m'expliquer avec lui : Je ne puis plus souffrir l'excès de mon ennui. Quand on n'est plus aimée ! Je ne veux employer que mes uniques armes. Les soupirs et les larmes. Je me garderai bien de faire cet éclat. Il ne saura jamais, si j'en suis la maîtresse, Que je sais à quel point il trahit ma tendresse. Je ne veux point aigrir son coeur et son esprit, Ni détruire un espoir que mon amour nourrit. En feignant d'ignorer, et de vivre tranquille, J'assure à mon volage un retour plus facile : Je lui donne un moyen de me mieux abuser, Et, quand il le voudra, de se mieux excuser. Je veux lui demander ce qu'il faut que je fasse Des présents qu'on m'a faits, et qu'il m'en débarrasse : Je veux entre ses mains remettre cet écrin. Tu le crois ?... Il est vrai... J'y serais trop sensible ; Mon coeur, que je contiens dans un calme pénible, Pour la première fois ne m'obéirait plus, Et j'en aurais après des regrets superflus. Fuyons l'occasion, peut-être inévitable, De trouver mon époux encore plus coupable. Je ne le verrai point... je m'en prive à regret... Et toi, prends cet écrin ; tu connais l'indiscret... Que je le hais ! Ah ! Tu me désespères ! Que ce soit l'un ou l'autre, il n'importe. Au surplus Fais comme tu voudras ; mais ne m'en parle plus. Que cette indignité ne blesse plus ma vue. Disposez de mon sort au gré de vos souhaits ; Je n'examine rien, puisque je vous déplais. Daignez déterminer ma dernière demeure : Où faut-il que je vive, ou plutôt que je meure ? Vous ne le voulez plus ; Mais vous serez bientôt satisfait. Au surplus, Jouissez de ces biens que vous voulez me rendre ; De vos seules bontés je veux toujours dépendre. À l'égard de ma fille... il m'eût été bien doux De garder le seul bien qui me reste de vous. Puisse-t-elle éviter les malheurs de sa mère, N'être pas moins fidèle, et vous être plus chère ! Ah ! Quel titre odieux ! Est-ce à moi qu'il s'adresse ? Est-ce là le prix de ma tendresse ? Eh ! Quoi ! De quels transports êtes-vous enflammé ? Doit-on déshonorer ce qu'on a tant aimé ? Pourquoi ne l'ai-je plus ? Apprenez-moi mon crime. Qu'ai-je fait ? Hélas ! Dois-je mourir sans me justifier ! Que je sache du moins ce qui m'ôte la vie... J'y succombe... je meurs... Ah ! Que tenez-vous là ? Je voulois les brûler. Hélas ! Qu'allez-vous faire ? Sur ces tristes écrits ne portez point vos yeux ; Durval... ce n'est qu'à moi qu'ils sont injurieux. De grâce... écoutez-moi. Puisque nous sommes seuls, je vais... Je me jette à vos pieds ; souffrez que je vous presse. Je vous conjure encore en cette occasion... Monsieur, épargnez-vous cette confusion. Je ne puis... Permettez... Quoi ! Ne pourrai-je apprendre... Damon suivait mes pas... et je ne le vois plus ; Mais il ne peut tarder. Nous sommes convenus De nous réfugier dans ce lieu plus tranquille ; Notre entretien sera plus sûr et plus facile. Vous voici... reprenons le fil de ce discours, Dont on nous empêchait de poursuivre le cours. Damon, permettez-moi de répandre des larmes Dans le sein d'un ami sensible à mes alarmes ; Aux yeux de tout le monde elles m'allaient trahir : C'est encor un motif qui m'a contrainte à fuir. Je rappelais un temps bien cher à ma mémoire : Quand Durval commença mon bonheur et ma gloire, Mon coeur sembla pour lui prévenir sa saison. Aurais-je mieux choisi dans l'âge de raison ? Notre hymen se conclut. Aurais-je dû m'attendre, Pouvais-je imaginer qu'un coeur déjà si tendre, Le serait encor plus ? Je vis, de jour en jour, Qu'on ne saurait donner de bornes à l'amour. Quel que fût le progrès de ma tendresse extrême, Mon bonheur fut plus grand, puisqu'on m'aima de même. Qu'est devenu ce temps ? Vous ne croirez jamais D'où vint le changement d'un sort si pleins d'attraits. Un revers imprévu détruisit ma fortune ; Ma tendresse bientôt lui devint importune ; L'excès de mon amour lui parut indiscret : Je le vis ; il fallut le rendre plus secret. Le refroidissement, bien plus terrible encore, Vint éteindre l'amour d'un époux que j'adore, Et bientôt loin de moi l'entraîna tour à tour. Je crus perdre la vie en perdant son amour. J'eusse été trop heureuse ! En ce malheur extrême, Je sentis qu'on ne vit que par l'objet qu'on aime ; Qu'on perd tout en perdant ces transports mutuels, Ces égards si flatteurs, ces soins continuels, Cet ascendant si cher, et cette complaisance, Cet intérêt si tendre, et cette confiance, Qu'on trouve dans un coeur que l'on tient sous ses lois. Cependant je vécus pour mourir mille fois. Je joignis à mes maux celui de me contraindre. Je me suis toujours fait un crime de me plaindre. C'est la première fois, dans l'état où je suis, Je ne vous aurais pas parlé de mes ennuis ; Je m'épanche avec vous, je ne dois rien vous taire, Puisque je vous demande un conseil salutaire. Je ne prétends point faire un détail superflu, Ni rappeler ici ce que vous avez vu. Vous êtes le témoin de ce dernier orage... Vous vous attendrissez... est-ce un heureux présage ? Enfin, est-il bien vrai que Durval ait rendu Justice à son épouse ? Ai-je bien entendu ? C'est beaucoup. N'avait-il rien de plus à me rendre ? Vous-même n'avez-vous rien de plus à m'apprendre ? Mais comment puis-je avoir révolté mon époux ? Un coeur indifférent peut-il être jaloux ?... Je m'y perds... cependant je lis dans sa pensée. Se pardonnera-t-il de m'avoir offensée ? Je souffre, plus que lui, du juste repentir Que sans doute à présent il en doit ressentir. Je crains (s'il ne m'estime autant que je l'adore) Que sa confusion ne l'aliène encore ; Que sa honte offensante et cruelle pour moi, Ne l'empêche à jamais de me rendre sa foi. Ah ! Peut-être j'étais dans cette conjoncture ; Ce qui m'est revenu flattait ma conjecture. Je le désire trop pour ne pas l'espérer... Vous ne me dites mot ?... que dois-je en augurer ? Mais si je n'ai point pris une fausse espérance, Si son heureux retour avait quelque apparence, Qui peut le retarder ?... si mes jours lui sont chers, qu'il vienne en sûreté... mes bras lui sont ouverts... S'il voyait les transports que mon coeur vous déploie... Ah ! Qu'il ne craigne rien, que l'excès de ma joie... Que dis-je ! S'il le faut, j'irai le prévenir : C'est sur quoi je cherchais à vous entretenir. Je ne puis à présent être trop circonspecte ; Un pardon trop aisé doit me rendre suspecte. Que pourra-t-il penser de ma facilité ?... Mais n'importe, malgré cette fatalité, Autant que mon amour, mon devoir m'y convie ; Il faut que j'aille perdre ou reprendre la vie... Ah ! Daignez par pitié... vous soupirez tout bas... Je ne puis donc m'aller jeter entre ses bras ?... J'entends ce que veut dire un si cruel silence ; Vous n'osez... Qu'avez-vous dit ?... parlez... quel funeste regret ?... Mais... qu'ai-je vu? Comment ?... D'où vous vient mon portrait ? Vous n'en êtes chargé que pour me le remettre. Que m'offrez-vous ?... C'est une lettre. Vous tremblez... je frémis... on ne veut plus me voir. C'est le coup de la mort que je vais recevoir... De la main de Durval ces lignes sont tracées. Mais que vois-je ? Des pleurs les ont presque effacées. « C'est trop entretenir vos mortelles douleurs ; L'ingrat que vous pleurez, ne fait plus vos malheurs. Chère épouse, il n'est rien que votre époux ne fasse, Pour tarir à jamais la source de vos pleurs. Vous avez rallumé ses premières ardeurs ; Trop heureux s'il expire en obtenant sa grâce !... » Ah ! Pourquoi n'ai-je pas prévenu mon époux ? Conduisez-moi, courons... Cher époux, lève-toi. Va, je reçois ton coeur : Je reprends avec lui ma vie et mon bonheur. Oui ; laisse-moi goûter une joie aussi pure. Eh ! De qui ? C'est un songe passé ; Ton retour me suffit. Si tu veux me prouver combien je te suis chère, Oublions qu'autrefois j'ai cessé de te plaire. **** *creator_nivelle *book_nivelle_prejugealamode *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_prejugealamode *dist2_nivelle_verse_comedy *id_DURVAL *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_durval Voyons un peu l'effet qu'ont produit mes présents. Madame éclate enfin en regrets offensants. On vient de me l'apprendre ; Cet éclat, je l'avoue, a lieu de me surprendre : Je ne l'aurais pas cru, malgré tous mes soupçons ; Vous m'avez procuré d'assez belles leçons, Qui ne sortiront pas si-tôt de ma mémoire. Ce temps n'est plus. Il faut lui découvrir... Vous ? Madame est bonne amie. Révoquez un arrêt si cruel ; Cette fille vous aime, il est bien naturel. Viens, cet avis mérite une autre récompense ; Tiens, prends... Madame, faites grâce à ses vivacités. C'est assez... Savez-vous l'étiquette du jour ? Car il faut amuser ceux qui vous font leur cour. Vous avez aujourd'hui le plaisir de la chasse, Grande musique ensuite, et bal toute la nuit. Ne déconcertez point le plaisir qui vous suit, Madame, on partira lorsque vous serez prête... Vous avez un habit convenable à la fête... Le rendez-vous est au milieu du bois ; De-là vous pourrez être au lancer, aux abois, Avec cette calèche et ce double attelage, Dont vous avez refait enfin votre équipage. Votre écuyer laissait dépérir votre train ; Même il vous manque encor quelques chevaux de main... Madame, ce discours semble vous interdire ! À ces dépenses-là je ne vois rien à dire : Dépensez hardiment, et vous aurez raison. À quelle occasion ? Vous parlez de licence ! En quoi donc, s'il vous plaît ? Achevez... mais qui vous en empêche ? Eh ! Bien ? C'est une vérité. Quelqu'un aura sans doute eu la témérité... Mais c'est assez, je crois que vous devez m'entendre. Oui, madame, il n'est pas difficile à comprendre Que ce sont des présents qui vous ont été faits. Et vous ne daignez pas chercher à le connaître ?... Mais sur qui vos soupçons pourraient-ils s'arrêter ? Se peut-il que je sois si loin de sa pensée ? N'importe, donnons-lui de violents soupçons. Madame, cependant j'ai de fortes raisons Pour oser vous presser, et même avec instance, D'éclaircir ce mystère... il nous est d'importance, Plus que je n'ose dire... et que vous ne croyez ; Je vous en saurai gré, si vous me l'octroyez. Voyez, examinez... découvrez... je vous prie, Qui peut avoir risqué cette galanterie... De plus... présents ou non... madame... vous pouvez... Oui, vous m'obligerez, si vous vous en servez. Notre cerf n'a pas fait assez de résistance. Mon équipage est bon : j'imagine qu'ailleurs Il serait mal-aisé d'en trouver de meilleurs. Je devine à peu près ce qui l'a retenue. Oui ; mais je ne vais guère en visite chez elle. On y peut envoyer. Je crois tous nos chasseurs dans son appartement... Pour nous entretenir, choisissons ce moment. Cher ami, qu'envers toi je me trouve coupable ! Je t'ai fait un secret dont la charge m'accable ; Je t'ai craint ; j'ai prévu tes conseils, des discours, Que ma faible raison me rappelle toujours. Quand j'ai voulu parler, la honte m'a fait taire ; Et je crains qu'entre nous l'amitié ne s'altère. Eh ! Bien, sois donc enfin le seul dépositaire D'un secret dont je vais t'avouer le mystère ; Que du fond de mon coeur, il passe au fond du tien ; Qu'il y reste caché, comme il l'est dans le mien. Mes inclinations, ami, sont bien changées ; Mes infidélités vont être bien vengées... J'aime... hélas ! Que ce terme exprime foiblement Un feu... qui n'est pourtant qu'un renouvellement, Qu'un retour de tendresse imprévue, inouie, Mais qui va décider du reste de ma vie ! Apprends quel est l'objet qui cause mon supplice. Ne m'abandonne pas dans mes plus grands besoins ; Permets-moi d'achever : je compte sur tes soins. Je puis t'en informer sans aucune imprudence. Cet objet si charmant dont je reprends les lois, Mais que je crois aimer pour la première fois ; Cette femme adorable à qui je rends les armes, Qui du moins à mes yeux a repris tant de charmes... C'est la mienne. Elle-même. Tu le crains, et Constance en pourra craindre autant. Qu'il est triste d'avoir été trop inconstant !... Le véritable amour se prouve de lui-même. Déjà, pour l'assurer de ma tendresse extrême, J'ai, par mille moyens qu'invente mon amour, Rassemblé les plaisirs dans cet heureux séjour. Apprends donc que je suis cet amant qu'on ignore, Qui procure sans cesse à l'objet que j'adore Tous ces amusements imprévus et nouveaux, dont tout le monde ici soupçonne des rivaux, assez vains pour nourrir une erreur si grossière. Je lui fais des présents de la même manière... On s'attache encor plus par ses propres bienfaits ; Je le sens, je l'en veux accabler désormais. On s'enrichit du bien qu'on fait à ce qu'on aime. Oui, je viens de jouir de toute sa vertu. J'ai vu le trouble affreux dont son âme est atteinte ; Cependant je feignais, en écoutant sa plainte ; J'affectais un air libre, et vingt fois j'ai pensé Me déclarer... tu vas me traiter d'insensé. Malgré tout cet amour dont je t'ai rendu compte, Je me sens retenu par une fausse honte. Un préjugé fatal au bonheur des époux, Me force à lui cacher un triomphe si doux. Je sens le ridicule où cet amour m'expose. Oui, le point est délicat : Pour plus d'une raison, je ne veux point d'éclat ; Je n'ai déjà donné sur moi que trop de prise... Ce raccommodement devient une entreprise... J'avais imaginé d'obtenir de la cour Un congé pour passer deux mois dans ce séjour, Sous prétexte de faire ici ton mariage. Damon, voilà pourquoi Constance est du voyage : J'y croyais être libre et seul avec les miens, Je comptais y trouver en secret des moyens Pour pouvoir sans éclat renouer notre chaîne ; Mais pour les malheureux la prévoyance est vaine. Ma maison est ouverte à tous les survenants, Mon rang m'attire ici mille respects gênants... Clitandre avec Damis, sans que je les en prie, Ne se sont-ils pas mis aussi de la partie ? Tu les connais, ce sont d'assez mauvais railleurs ; Alors contre moi seuls ils deviendront meilleurs. Ainsi des autres ; c'est à quoi je dois m'attendre... Je ne pourrai jamais soutenir cette esclandre ; Il faudra tout quitter : j'irai me séquestrer, Ou, pour mieux dire, ici je viendrai m'enterrer Avec des campagnards dont tu connais l'espèce, Sans que dans mon désert un seul ami paroisse. Et véritablement, quelle société Que celle d'un mari de sa femme entêté, Qui n'a des yeux, des soins, des égards que pour elle, Et que, pour ainsi dire, elle tient en tutelle ? Tu ris. Suis-je venu pour mettre la réforme ? Je suis désespéré ; mais je cède à l'usage. Suis-je le seul ?... Tu sais que l'homme le plus sage Doit s'en rendre l'esclave. Mais enfin je me sens assez fort en effet, Pour sacrifier tout, sans que je le regrette, Pour aller vivre ensemble au fond d'une retraite. Et c'est pourtant le seul que j'aurais préféré. Un inconvénient, sans doute inévitable, M'imprime une terreur encor plus véritable. Si j'apprends à Constance un triomphe si doux, Si ma femme me voit tomber à ses genoux, Comment daignera-t-elle user de sa victoire ? Je crains de lui donner moins d'amour que de gloire ; Je crains que sa fierté ne surcharge mes fers. On en voit tous les jours mille exemples divers. Tu ne le connais pas, ce sexe impérieux : Dans notre abaissement il met son bien suprême ; Il veut régner, il veut maîtriser ce qu'il aime, Et ne croit point jouir du plaisir d'être aimé, S'il n'est pas le tyran du coeur qu'il a charmé. Constance aura de plus à punir mes parjures, À redouter encor de nouvelles injures, À craindre une rechute, un nouvel abandon ; Constance doit me faire acheter mon pardon. Que de soins, de soupirs, de regrets et de larmes, Faudra-t-il que j'oppose à ses justes allarmes ! Plus je vais employer de foiblesse et d'amour, Et plus son ascendant croîtra de jour en jour. Ah ! C'en est trop, il faut suivre ma destinée, La résolution en est déterminée... Que dis-tu ? Quelle méprise ! Au contraire. Je vais me dérober Au danger évident où j'allais succomber. Je renonce aux projets dont je viens de t'instruire. Laisse-moi, tes conseils ont pensé me séduire. Hélas ! Il faut se rendre, et lui sauver la vie. C'en est fait, pour jamais ma honte est asservie... Sois content, mon coeur cède, et se rend à l'amour. Viens être le témoin du plus tendre retour. Quelle rencontre, ô ciel ! C'est elle qui s'avance... Ne ferai-je pas mieux d'éviter sa présence ? Je retenais Damon qui voulait s'en aller : Je crois que devant lui nous pouvons nous parler ? On vous a demandée. Vous ne m'en devez rendre en aucune façon. Est-ce pour ces présents ? On saura vos refus. Rassurez-vous, c'est moi... qui... me charge du blâme. Cela suffit, Madame... Je ne sais où j'en suis. Cher ami, n'en fais rien, ou crains mon désaveu. Ce n'est rien. J'ai peine à le réduire... C'est à votre sujet... il faut vous en instruire... Sachez donc un secret... vous ne le croirez pas... Vous voyez devant vous... Notre embarras... Oui, vous voyez... quelqu'un qui n'ose plus attendre... Qui craint de compromettre un amour aussi tendre... Mais... que ne pouvez-vous lire au fond de son coeur... Vous parlez de Damon ? Justement. Non, il me fait parler... voyez son trouble extrême... Il est timide, il craint de vous trop rabaisser... Il n'ose vous prier de vous intéresser À son bonheur. Je le disais. Ah ! Vous me ravissez : prêtez-lui votre appui. Moi, je réponds pour lui ; Je me rends le garant d'une flamme si belle. Ôtez donc à Sophie un préjugé fatal Qu'elle a contre l'hymen. Ah ! Qu'elle en juge mal ! Qu'au contraire leur sort sera digne d'envie ! Non, il n'est point d'état plus heureux dans la vie, Pour ceux que la raison et l'amour ont unis. L'hymen seul peut donner des plaisirs infinis ; On en jouit sans peine et sans inquiétude : On se fait l'un pour l'autre une heureuse habitude D'égards, de complaisance, et de soins les plus doux. S'il est un sort heureux, c'est celui d'un époux, Qui rencontre à la fois dans l'objet qui l'enchante, Une épouse chérie, une amie, une amante. Quel moyen de n'y pas fixer tous ses désirs ! Il trouve son devoir dans le sein des plaisirs. Madame, on en pourrait trouver plus d'un modèle. C'est Clitandre et Damis ; m'auraient-ils entendu ? Peut-être. Se serait-il battu ? Il est audacieux. Sainfar aime sa femme aussi. Et que dit-on par-tout d'un retour si touchant ? Ils jouissent, sans doute, au fond de leur retraite, D'une félicité qui doit être parfaite. Oui... Rien n'est plus plaisant... Quelle épreuve !... J'enrage. Ami, quels propos ! Moi ? Point du tout ; j'en ris autant qu'il m'est possible. Si l'on veut. De quoi ? En est-ce assez ? Dis-moi, que pourras-tu répondre ? Il fallait cet exemple, afin de te confondre. Où m'allais-je embarquer ?... ne me presse donc plus ; Tes conseils désormais deviendraient superflus. Oui, je m'y prête. À ma femme du moins je parlerai d'amour ; Je verrai ses beaux yeux y répondre à leur tour ; J'en jouirai sans risque, et sans me compromettre. Hélas ! C'est un plaisir qu'on doit bien me permettre... J'aurais dû refuser... oui, je me trahirai : On verra que je sens tout ce que je dirai. Je mettrai, malgré moi, trop d'amour dans mon rôle ; Je me perdrais : je vais retirer ma parole. Ta remarque est cruelle... Je ferai beaucoup mieux de tout abandonner ; De prétexter un ordre, et de m'en retourner ; Je le vais annoncer, et partir tout de suite. Écoute : avant que je les quitte, J'ai fait peindre Constance en secret, et je crois Que son portrait est fait ; car c'est depuis un mois Qu'on est après. Le peintre est dans le voisinage, Vois si par aventure il a fini l'ouvrage : C'est un soulagement dont mes yeux ont besoin, Je voudrais l'emporter. Dès ce soir même. Donne, il le voudra bien. Je regardais sans voir : mon esprit occupé Du pas que je vais faire, est encore frappé. De toutes mes terreurs, il m'en reste encore une, Qui malheureusement est la plus importune. Me garantiras-tu ?... mais tu ne le peux pas... En renouant des noeuds pour moi si pleins d'appas, Retrouverai-je encor sa première tendresse, Cette conformité, cette même faiblesse, Ce penchant naturel, ce rapport enchanteur, Que le ciel pour moi seul avait mis dans son coeur, Et que je trouve encor dans le fond de mon âme ? J'ai cessé trop longtemps d'entretenir sa flamme. Eh ! De quoi son amour se serait-il nourri ? Dans le fond de son coeur il doit avoir péri. Ce soupçon est fondé sur trop de circonstances. Vois comme elle a souffert toutes mes instances. Non, de si grands chagrins ne sont point si secrets ; Ils s'exhalent en pleurs, en soupirs, en regrets. M'a-t-elle seulement honoré de ses larmes ? En a-t-elle perdu le moindre de ses charmes ? Quel espoir ! Quel amour, que celui qu'on ne doit qu'au devoir ! N'importe. Va trouver ton aimable Sophie ; Annonce-lui qu'enfin je me réconcilie ; Vante-lui mon amour, pour avancer le tien... Mais non ; attends encore, ami ; ne lui dis rien. Je crois qu'il vaudrait mieux que Constance lui dise... Va, je vais achever cette grande entreprise. Cher ami, tu me fais injure d'en douter. Ai-je là quelqu'un ?... Hé !... Va-t-en et reviens vite. Va voir si quelqu'un est dans son appartement : Va, cours, vole, et reviens le dire promptement. Que fais-tu là, planté contre cette muraille ? Plaît-il ? Une autre fois tâchez de m'écouter. Qu'on sache si madame a du monde chez elle. Pourvu qu'elle soit seule... aurai-je ce bonheur ? Pourrai-je, sans témoins, débarrasser mon coeur D'un secret, dont le poids sans cesse se redouble ?... Mais il ne revient point... le voici... je me trouble... Que va-t-il m'annoncer ? Sont chez elle apparemment. Que je suis malheureux ! Remettons la partie. Oui ; mais la compagnie à l'instant est sortie ; En sorte que madame est seule en ce moment. Comment ! Madame est seule ? Est-il sûr ? L'as-tu vu ? Florine, me dis-tu ? Mais... c'est toujours quelqu'un... Je pourrai renvoyer ce témoin importun... Allons... il faut aller... puisque tout me seconde. Mais je ne songe pas qu'il peut entrer du monde. Je suis trop obsédé... ne pourrai-je jamais Disposer d'un moment au gré de mes souhaits ?... Quel contretemps s'oppose à ce que je désire !... Oui ; car pour expliquer ce qui me reste à dire, Il me faut... je n'aurai qu'un entretien en l'air... Irai-je commencer, et fuir comme un éclair ? Je ne puis m'enfermer sans que l'on en raisonne... Que faire... aussi, d'où vient que Damon m'abandonne ?... Je ne puis le risquer... il faut y renoncer... Il me vient dans l'esprit... oui, c'est bien mieux penser. Assurément... sans doute... aussi-bien sa présence... Ses charmes... ses regards, dont je sais la puissance... Mes remords... mon amour, dans ce terrible instant, Causeraient dans mes sens un désordre trop grand. Ah ! Qu'il est malaisé, quand l'amour est extrême, De parler aussi-bien qu'on pense à ce qu'on aime !... Approche cette table... un fauteuil... est-ce fait ?... Ai-je là ce qu'il faut ?... une lettre, en effet, Préparera bien mieux ma première visite. Le plus fort sera fait ; le reste ira de suite. Sûrement, Je n'aurai de ma vie écrit si tendrement. Je prépare à Constance une aimable surprise. Ce maraud me distrait. C'est son rôle, je gage. Faquin... Contenons-nous... Chassons cet importun. Vous plairait-il d'aller un peu plus loin attendre ? Aurais-je dû le dire ? Ayez soin de m'entendre, Lorsque j'appellerai ; que l'on se tienne prêt. Le parti que je prends est donc bien ridicule, Si jusqu'à des valets... étouffons ce scrupule... Ce coquin sortira... je ne sais où j'en suis... Continuons pourtant... achevons, si je puis. Puissé-je en voir l'effet que j'ose m'en promettre ! Hola... Henri... voyons, relisons cette lettre. C'est trop entretenir vos mortelles douleurs ; L'ingrat que vous pleurez, ne fait plus vos malheurs... Je la puis envoyer... mettons ma signature... Je voudrais me pouvoir trouver à la lecture. Ah ! J'oubliais d'y joindre aussi ces diamants. Constance est peu sensible à ces vains ornements ; Mais je me satisfais, j'embellis ce que j'aime. Henri !... Les valets sont d'une lenteur extrême. Quel est cet équipage ? Où crois-tu donc aller ? Tu n'iras pas si loin. Va chercher la réponse, et donne cet écrin. Finissons ces discours ; va-t-en où je t'envoie : Je t'attends ; que sur-tout personne ne te voie. D'un terrible fardeau me voilà soulagé... ne me serai-je pas un peu trop engagé ? Je le crains : cependant l'affaire est embarquée. Oui, mon impatience est un peu trop marquée... Il est bien dangereux de montrer tant d'amour. Mais qu'y faire à présent... te voilà de retour ? Eh ! Bien, quelle réponse ? Étourdi. N'ai-je pas dit l'adresse ? Non ? Tant mieux ; ce coquin ignore mon secret. Cette lettre est de trop ; j'en avais du regret. Cet écrin peut suffire ; il faut que je le mette Moi-même adroitement tantôt sur sa toilette. Constance, avec raison, viendra me confier Cette insulte nouvelle, et s'en justifier : Notre explication sera plus naturelle, Et je serai bien moins compromis avec elle. C'est bien dit ; je m'en tiens à ce dernier moyen : Damon l'approuverait. Je n'ai besoin de rien. Que vois-je ! Mon écrin ! Oui, c'est ce qu'il me semble. Constance aura pensé qu'il venoait de l'un d'eux. C'est être courageux. Vous ne pouviez la mettre en de plus sûres mains. Soyez-en bien certains. C'est comme s'il l'avait. Il n'en est pas besoin. C'est ce que je soupçonne. J'en ferais bien autant. Eh ! Mais vous pourriez être Bien plus honnêtes gens que vous ne vous croyez. Messieurs, en supposant, mais sans que je le croie, Que, pour plaire, un de vous ait tenté cette voie, Qu'il ait donné l'écrin, de grace, dites-moi, Quelle conclusion tirez-vous du renvoi ? Tiens, marquis, cet espoir lui paraît hasardé. Son désaveu peut être aussi vrai que le vôtre ; Vous pourriez n'être pas plus heureux l'un que l'autre. Qui sait si quelque tiers, qu'on n'imagine pas, n'a point secrètement causé cet embarras ? Quelqu'autre pourrait être épris des mêmes charmes. Bornez-vous sur vous seuls la force de leurs armes ? Clitandre veut encore une autre caution. En puis-je être témoin ? Est-ce une illusion ?... Est-ce un songe funeste ?... Quel rapport !... Ah ! Cruels, achevez donc le reste. La vie, après les biens que vous m'avez ôtés... Je ne saurais forcer mes esprits révoltés... Le doute... La fureur... Ô ciel !... Ah ! Malheureuse... Est-ce à moi qu'ils ont fait leur confidence affreuse ?... Constance, est-il possible ?... ai-je bien entendu ? Ton faible coeur s'est-il lassé de sa vertu ? Que dis-je ? Elle n'en eut jamais que l'apparence. Était-ce à moi d'y prendre une folle assurance ? Mais ma crédulité se laisse empoisonner Par des convictions que je dois soupçonner. Rejetons loin de nous... le puis-je ? Quand j'y songe ! Quoi !... D'une vérité puis-je faire un mensonge ?... Douce sécurité, préjugé si flatteur, Que sa fausse vertu nourrissait dans mon coeur ! Ah ! Pourquoi n'ai-je plus ton voile salutaire ? L'affreuse vérité découvre ce mystère... Voilà donc le sujet de sa tranquillité, De ce calme trop vrai, que je crus affecté. Elle ne se faisait aucune violence. Tout ce que je croyais le fruit de sa prudence, L'effet de son amour, l'effort de sa raison, Ne l'a jamais été que de sa trahison. Il a bien réussi. Constance a surpassé ton attente et la mienne. Hola... Quelqu'un... Ma femme, qu'elle vienne. Ami, je vais la voir. Sa cause est imprévue. Tu vas être témoin d'une étrange entrevue. Quel aveu différent de celui !... Je suis désespéré. Je ne le fus jamais ; j'estimais trop Constance : Je serais trop heureux dans cette circonstance... Estime, amour, il faut tout changer en fureur. Ah ! Quel supplice entraîne après lui plus d'horreur, Que de se voir forcé de haïr ce qu'on aime ? J'ai des rivaux heureux... l'un d'eux a son portrait, Et l'autre avait son coeur : c'est l'aveu qu'on m'a fait... C'est un mystère affreux. Ne prends plus sa défense ; il n'est aucun moyen. Que fera l'amitié, quand l'amour ne peut rien ? Madame, épargnons-nous la plainte et le reproche : Il faut nous séparer pour ne nous voir jamais. Voyez où vous voulez vous fixer désormais, Jusqu'à ce que le ciel, au gré de votre envie, Termine, mais trop tard, ma déplorable vie. Vivez, et reprenez ce que je tiens de vous : Je n'excepte qu'un bien, que je préfère à tous, Ce fruit de mon amour, si cher à ma tendresse, C'est, de tous vos bienfaits, le seul qui m'intéresse. Eh ! Madame, vivez. Je ne puis supporter cette témérité ; Perfide ! Il vous sied bien, ce langage affecté ! Oui, madame. Il fallait savoir mieux conserver mon estime. Vous osez encor me défier ; Donne, donne. à quoi sert tant de discrétion ? Sans doute ce sera quelque conviction Des affronts que m'a faits une épouse infidèle. Que m'importe le soin de ses jours et des miens ? Je vais donc la convaincre ; en voici les moyens. Ah ! Ciel ! Quelle ressource accablante et funeste ! L'espoir de la confondre est tout ce qui me reste. S'ils ne vous chargent point, pourquoi tant vous troubler ? Ils s'adressent à vous. Plus vous craignez, et plus je veux me satisfaire. Je ne veux rien entendre. Il faut attendre. À des discours sans preuve on aurait répondu ; Mais je prétends qu'ici chacun soit confondu. Vous vous justifierez. Reconnaissez l'erreur qui vous prévenait tous En faveur d'une femme instruite en l'art de feindre : Jugez qui de nous deux était le plus à plaindre. Damon vous aura dit ce qui se passe ici ? Il va l'être à l'instant ; je vous en fais arbitre. En voici ; lisez donc ces coupables écrits. Que je me trouve heureux de les avoir surpris ! Je vois ce qu'elles craignent : Je la veux accabler devant ceux qui la plaignent. Quoi donc ? De mon écriture ? Que veut dire ceci ? Juste ciel ! Mais enfin le portrait... Tu me vois pénétré de douleur et de rage. Je ne m'attendais pas à ce nouvel orage... Quelle vengeance affreuse exerce contre moi Cet objet étranger dont j'ai quitté la loi !... Que m'importe, après tout, qu'une épouse volage Sache de sa rivale à quel point je l'outrage ?... Cependant je l'accuse, et je suis confondu. En suis-je moins certain ? L'injure est manifeste. Va, je ne cherchais plus que le plaisir funeste De la rendre odieuse autant que je la hais ; Mais sa fausse vertu couvre tous ses forfaits. Tu la perdrais... Constance... ô regret superflu ! J'ai creusé cet abîme où son coeur s'est perdu ; Mon exemple a causé la chute qui m'accable. Est-ce une autorité qu'un exemple coupable ? Je le paye assez cher, hélas ! En ce moment. J'avais beau m'enflammer et m'irriter contre elle, J'ai frémi du danger où j'ai mis l'infidèle ; Et je mourais du coup que j'allais lui porter. Ils sont faux ; mais enfin je cède à ta prière : Suis-moi, je t'en ferai la confidence entière. Mais ce n'est point l'espoir d'être désabusé Qui m'arrache un récit que j'aurais refusé. Je te veux inspirer la fureur qui m'anime : Tu sens que j'ai besoin de plus d'une victime ; Puisque j'ai des rivaux, je dois compter sur toi, Et tu vas t'engager à te perdre avec moi. Viens ; tandis que le bal, dans cette galerie, Occupe tout le monde, achève, je te prie. Que veut dire ce peintre ? Quelle scélératesse !... ah ! Permets, cher ami... Dans quel excès m'a fait tomber leur imprudence ! Et d'un autre côté, quelle affreuse vengeance ! Hélas ! Reproche-moi plutôt un autre excès. Je me trouve au milieu de mon bonheur extrême, Un traître, un malheureux en horreur à lui-même, Indigne désormais de ma félicité ; Et l'on m'accuse encor d'insensibilité, Lorsque je vais périr accablé sous la honte Où m'a plongé l'accès d'une fureur trop prompte. Dis à mon désespoir. Que fait-elle à présent... que faut-il que j'espère ? Dis-moi... qu'est devenue une épouse si chère ?... Ah ! Je suis son bourreau plutôt que son époux. Pourra-t-elle survivre à de si rudes coups ? Sa blessure est mortelle, et j'en mourrai moi-même. Cher ami, je te rends le maître de mon sort. Sois mon unique appui, ma ressource auprès d'elle ; Peins-lui mon désespoir. Ah ! Quel que soit ton zèle, Tu ne pourras jamais en peindre la moitié : Ne me ménage plus, implore sa pitié. Me refuserais-tu d'achever ton ouvrage ? Tu veux qu'un furieux qui sort de son accès, Qui vient de se porter au plus coupable excès, Qui vient d'accumuler blessure sur blessure, Opprobre sur opprobre, injure sur injure, Aille aussi-tôt braver l'objet de sa fureur ; Et s'offrir à des yeux qu'il a remplis d'horreur : La honte me retient... Puis-je désavouer ces malheureux écrits, Où je jure à Constance un éternel mépris ? Peut-elle désormais prendre aucune assurance, Compter sur des serments que j'ai détruits d'avance ? Si je prenais ta place ? En parlant à voix basse, Je pourrai la tromper ; j'éclaircirai mon sort, Je lirai dans son coeur. Ma curiosité me fait trop entreprendre. J'aurais trop à souffrir... en croyant te parler, Constance contre moi peut et doit exhaler Ces reproches qu'elle a condamnés au silence : Ce serait essuyer toute leur violence ; Ce serait m'exposer à ses premiers transports ; Et j'ai, pour en mourir, assez de mes remords. Trop de timidité me punit et la venge. Ma faiblesse est étrange : Mais enfin... quelqu'un vient. C'est Florine, je crois ? Je te laisse ; sers-moi pour la derniere fois. Il est à vos genoux... C'est où je dois mourir... laissez-moi dans les larmes, Expier mes excès et venger tous vos charmes. Vengez-vous. Il n'a rien effacé. Je veux m'en souvenir pour le mieux réparer. Devant tout l'univers je vais me déclarer... Oui, je ne prétends plus que personne l'ignore ; C'est ma femme, en un mot, c'est elle que j'adore. Que l'on m'approuve ou non, mon bonheur me suffit. Peut-être mon exemple aura plus de crédit : On pourra m'imiter. Non, il n'est pas possible Qu'un préjugé si faux soit toujours invincible. **** *creator_nivelle *book_nivelle_prejugealamode *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_prejugealamode *dist2_nivelle_verse_comedy *id_SOPHIE *date_1735 *sexe_masculin *age_jeune *statut_exterieur *fonction_autres *role_sophie Vous a-t-on dit vrai ? Après ce que madame a dû vous confier, Votre dessein n'est plus de me sacrifier. Qui vous a fait ces confidences-là ? Oui, s'il en était un. Quoi ! Vous me souhaitez un semblable partage ! Madame est donc heureuse ? Est-ce elle qui le dit ? Voilà des nouveautés qu'on ne peut prévenir. Ma crainte cependant n'est pas moins légitime. Je veux bien pour Damon avoir un peu d'estime, Plus que je n'en avoue, et que je ne m'en crois : Peut-être, si mon sexe abusé tant de fois, Pouvait espérer d'être heureux en mariage, Je choisirais Damon... l'exemple me rend sage : Madame, j'ai des yeux, et je vois assez clair. Je remarque aujourd'hui qu'il n'est plus du bon air D'aimer une compagne à qui l'on s'associe. Cet usage n'est plus que chez la bourgeoisie : Mais ailleurs on a fait de l'amour conjugal Un parfait ridicule, un travers sans égal. Un époux à présent n'ose plus le paraître ; On lui reprocherait tout ce qu'il voudrait être. Il faut qu'il sacrifie au préjugé cruel Les plaisirs d'un amour permis et mutuel. En vain il est épris d'une épouse qui l'aime ; La mode le subjugue en dépit de lui-même ; Et le réduit bientôt à la nécessité De passer de la honte à l'infidélité. Sur tout ce que je vois. Constance ! Heureuse, elle. Non, vous ne l'êtes pas. Moi. En rien, et je vous blâme. Oui, malgré vous, Madame, J'ai vu... j'ai reconnu les traces de vos pleurs ; Au fond de votre coeur j'ai surpris vos douleurs. Mais que dis-je ? J'y vois, malgré sa violence, Le désespoir réduit à garder le silence. Damon n'osera s'en aller. En quoi suis-je donc si coupable ? Oui, ma chère Constance, il est vrai, je n'ai pû Me contraindre. Quel tort fais-je à votre vertu ? Vous êtes à vous-même un peu trop rigoureuse ; Tant de délicatesse est fausse ou dangereuse. Quoi ! Parce qu'un perfide aura le nom d'époux, Il pourra me porter les plus sensibles coups, Violer tous les jours le serment qui nous lie, M'ôter impunément le bonheur de ma vie, Sans qu'il me soit permis de réclamer des droits Qui devraient être égaux !... mais ils ont fait les lois. Il faut que je ménage un cruel qui me brave ! Sa femme est sa compagne, et non pas son esclave. Je vais dire encor plus : tant de tranquillité Peut vous faire accuser d'insensibilité. Non, je vous rends justice ; Je sais que vous souffrez le plus cruel supplice ; Mais vous autorisez un injuste soupçon. On peut interpréter d'une étrange façon, Tous vos soins de paraître heureuse en apparence ; On les peut imputer à votre indifférence, Au dépit, au mépris, à la haine, au dégoût, Que nous donne un ingrat, quand il nous pousse à bout. On peut aller plus loin. Vous vous contentez là d'un bien foible retour ; L'estime d'un époux doit être de l'amour : Oui, ce sentiment-là renferme tous les autres. Quoi ! Les hommes ont-ils d'autres droits que les nôtres ? Se contenteraient-ils de n'être qu'estimés ? Tout perfides qu'ils sont, ils veulent être aimés. Quant à moi, je suis née et trop tendre, et trop vive, Pour oser m'exposer à ce qui vous arrive : J'aimerais trop Damon ; j'en ferais un ingrat, Et j'en mourrais, après le plus terrible éclat. Non, la fidélité n'est pas en leur puissance. Sur les mêmes garants n'aviez-vous pas compté ? Que sont-ils devenus ? Qu'est-ce qui vous en reste ? Ce n'était qu'une embûche et qu'un piège funeste, Couverts de quelques fleurs qui ne durent qu'un jour. L'hymen n'acquitte plus les dettes de l'amour. Sachons ce que ce pourrait être. Oui, j'aimerais assez qu'il prît ces libertés. J'en suis la cause ; il faut que je la justifie. Je n'imaginais pas qu'on eût la cruauté De joindre l'injustice à l'infidélité. Ingrat. Sur quel droit pouvez-vous ici vous retrancher ? Vous voulez empêcher un coeur de s'épancher ; Quand vous le remplissez de fiel et d'amertume, Au plus grand des malheurs il faut qu'il s'accoutume, Et qu'il expire enfin sans pousser un soupir. Prenez-vous-en à moi, c'est moi qui me suis plainte. Oui, je souffrais trop de la voir si contrainte ; Je n'ai pu la laisser dans un si triste état, Sans faire, en dépit d'elle, un nécessaire éclat : J'ai vengé sa vertu. De grâce, épargnez-nous cette froide ironie. La plaisanterie est d'une grande ressource. Eh ! Bien, que dites-vous de cette complaisance ? As-tu quelque soupçon ? Je ne puis rien comprendre à cette indifférence. Se peut-il qu'un époux ait tant de tolérance ? Je ne vous quitte point. Quel état ! Et l'on veut que je prenne un époux ? Qu'on ne m'en parle plus ; ils se ressemblent tous. Ah ! Vous voici, monsieur ! Entrez-vous au concert ? À propos, est-il vrai qu'on vous perd ? Eh ! Tâchez de m'instruire. Un contre-temps, Monsieur ! Je vois qu'on vous a fait un rapport trop fidèle ; On pouvait l'adoucir. Me ferait encor moins changer de sentiment. Puisque vous en tirez cette conclusion, Je n'ai rien à répondre en cette occasion. Quoi ! Faut-il vous aimer pour vous rendre justice ? Non... j'en voudrais guérir. Je connais jusqu'où va votre zèle ; Que vous justifiez cet époux infidèle. Oui, tel qu'il est. Vous aurez tort ; et moi, j'ai de justes alarmes... Vous m'allez opposer des discours pleins de charmes, Me jurer un amour qui durera toujours. Constance fut séduite avec ces beaux discours. Qu'elle en a fait depuis une épreuve cruelle ! Vous la voyez : elle est étrangère chez elle ; Une personne à charge, et sans autorité ; Exposée au mépris, à la témérité ; Réduite, pour tout bien, au nom qu'elle partage Avec un infidèle : inutile avantage ! Sans l'amour d'un époux, nous sommes sans éclat : Son coeur fait notre titre, et nous donne un état. Il est accoutumé ; cela ne se peut pas. Il ne reviendra point, j'en suis trop assurée : Son humeur inconstante est trop bien avérée : Son exemple, en un mot... Eh ! Croyez-vous ?... Mais non. Ce que je voulais dire est hors de saison. Il est inutile de feindre. Écoutez : je suis franche, et vous l'allez bien voir. Oui, je sens tout le prix que vous pouvez valoir ; Je crois connaître à fond votre heureux caractère ; Autant que votre amour, votre vertu m'est chère : Peut-être l'on pourrait vivre heureuse avec vous, Si la constance était au pouvoir d'un époux : Mais la fatalité que l'hyménée entraîne... Durval vous ressemblait. Lorsque l'on craint pour vous, vous répondez d'autrui. Damon, vous me perdrez, si vous comptez sur lui. En ce cas... Mais vous m'embarrassez. À quoi servira-t-il de nourrir votre amour ?... Le croyez-vous bien sûr, ce prétendu retour ? Eh ! Bien, il faut l'attendre. Jusqu'à ce temps je ne veux rien entendre Qui puisse m'exposer en aucune façon. Suffit. J'ai mes raisons. En un mot, je prétends... Je ne m'engage à rien. Peut-être. Écoutez jusqu'au bout. J'exige... Vous m'aimez ? Eh ! Bien, je vous défends de m'en parler encore. Supprimez désormais ces discours séducteurs, Ces soupirs, ces regards, et ces soins enchanteurs, Dont toute autre que moi se laisserait surprendre. Enfin, je ne veux plus avoir à me défendre. Ce bienheureux retour peut ne pas arriver. Vous n'avez que trop pris le soin de m'en instruire. Damon, vous voulez donc me contraindre à vous fuir ? De plus, je vous défends jusques au mot d'amour. Damon, est-ce donc là le serment qui vous lie ? Je le crois... au surplus... Encore... une autre fois ne nous oublions plus. Constance à vos genoux ? Moi, je les soutiens faux. Le mien en est aussi. Ma joie en est extrême. Nous lirons, s'il vous plaît ; c'est lui qui l'a voulu. « Que je suis offensé de toutes vos alarmes ! S'il est vrai qu'à mes yeux Constance ait eu des charmes, Ils ont fait, dans leur temps, leur effet sur mon coeur. Vous allumez des feux qui ne peuvent s'éteindre : Une épouse n'est point une rivale à craindre. Puis-je vous préférer un semblable vainqueur ? Madame, en vérité, c'est trop d'être incrédule, Et de me soupçonner d'un si grand ridicule.» Le style est obligeant. Fort bien. Quoi ! Vous récriminez ? Vous voulez joindre encor l'insulte à la blessure ? C'est être trop cruel. Venez ; pour vous venger, laissez-lui son soupçon. Non. Ce n'est plus à vous, madame, à vous défendre. Voilà ce beau retour... Damon, vous m'entendez. Monsieur a du bonheur dans ce qu'il entreprend. Damon, je m'en souviens. Ah ! Ma chère Constance... Mais conseillez-moi donc dans cette circonstance... **** *creator_nivelle *book_nivelle_prejugealamode *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_prejugealamode *dist2_nivelle_verse_comedy *id_DAMON *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_damon Ah ! Constance, est-ce à vous à prendre ma défense, Et celle de l'hymen, vous ?... Madame, pardonnez... Épouse vertueuse autant qu'infortunée ! C'est l'étroite amitié dont votre époux m'honore, Qui me perd dans l'esprit de celle que j'adore. M'expose à son courroux. Tout le monde n'est pas aussi juste que vous. Inutile bonheur ! Peut-être elle me rend justice au fond du coeur, Mais j'y vois encor plus de frayeurs et d'alarmes. Elle outrage à la fois mon amour et ses charmes. On se trompe, en jugeant trop généralement. Elle croit que l'hymen est un engagement, Dont son sexe est toujours l'innocente victime : Tel est son sentiment, qu'elle croit légitime. Je ne sais quel exemple, ou plutôt quelle erreur, Autorise encor plus son injuste terreur. Vous ferai-je un aveu, peut-être inexcusable ? Elle vous trouve à plaindre, et m'en rend responsable. Enfin, elle me croit complice d'un époux... Aux chagrins les plus grands elle vous croit en proie. Vous voulez qu'on vous croie. C'est en vous que j'espère ; Vous savez que son sort dépend de votre père. Je suis confus... Quelle épouse peut rendre un époux plus heureux ? Que Durval devroit bien y borner tous ses voeux ! Il est vrai : mais entrons un moment chez Constance. Constance en devait être ; elle n'est point venue. Entrons chez elle... allons ; c'est une attention Dont elle vous aura de l'obligation. Quelle excuse cruelle ! Du sort de ton épouse adoucis la rigueur ; L'esprit doit réparer les caprices du coeur. C'est trop d'y joindre encore un mépris manifeste ; Souvent les procédés font excuser le reste. Durval, j'ai des défauts, et même des plus grands ; Mais je n'ai pas celui d'être de ces tyrans Qui font de leurs amis de malheureux esclaves ; Leur pénible amitié n'est que fers et qu'entraves ; Toujours jaloux, et prêts à se formaliser, Il leur faut des sujets qu'ils puissent maîtriser. Mais la vraie amitié n'est point impérieuse ; C'est une liaison libre et délicieuse, Dont le coeur et l'esprit, la raison et le temps, Ont ensemble formé les noeuds toujours charmants ; Et sa chaîne, au besoin, plus souple et plus liante, Doit prêter de concert, sans qu'on la violente. Voilà ce qu'avec vous jusqu'ici j'ai trouvé, Et qu'avec moi, je crois, vous avez éprouvé. Quoi ! Ton volage coeur se livrera toujours À des feux étrangers, à de folles amours ! Ces ardeurs autrefois si pures et si tendres, Ne pourront-elles plus renaître de leurs cendres ? Tu perds tous les plaisirs que tu cherches ailleurs ; L'inconstance est souvent un des plus grands malheurs. Non ; je suis ton ami, mais non pas ton complice. Je ne veux point entrer dans cette confidence. Constance ! Ah ! Durval, À mon ravissement rien ne peut être égal... N'est-ce point un dépit, un goût foible et volage, Un accès peu durable, un retour de passage ? Mais tu dois lui causer un embarras extrême. Que peut-elle penser ?... Durval, y songes-tu ? Comment ! Du ridicule !... et quelle en est la cause ? Quoi ! D'aimer sa femme ? Tout bien examiné, vous verrez qu'un mari Ne doit jamais aimer que la femme d'autrui. Le serment de s'aimer n'est donc que pour la forme ? L'intérêt le fait taire ; il ne tient qu'un moment... Dis-moi, trahirais-tu tout autre engagement ? Oserais-tu produire une excuse aussi folle ? Au dernier des humains tu tiendrais ta parole ; Il saurait t'y forcer, aussi-bien que les lois. Mais une femme n'a pour soutenir ses droits, Que sa fidélité, sa faiblesse et ses larmes ; Un époux ne craint point de si fragiles armes. Ah ! Peut-on faire ainsi, sans le moindre remord, Un abus si cruel de la loi du plus fort ? Oui, lorsqu'il ne s'agit Que d'un goût passager, d'un meuble ou d'un habit : Mais la vertu n'est point sujette à ses caprices ; La mode n'a point droit de nous donner des vices, Ou de légitimer le crime au fond des coeurs. Il suffit qu'un usage intéresse les moeurs, Pour qu'on ne doive plus en être la victime ; L'exemple ne peut pas autoriser un crime. Faisons ce qu'on doit faire, et non pas ce qu'on fait. Mais voilà le parti d'un vrai désespéré. On en trouve toujours de toutes les espèces, Surtout lorsque l'on cherche à flatter ses faiblesses. Ce soupçon pour Constance est trop injurieux. Ce reproche convient à l'un tout comme à l'autre. Eh ! Pourquoi voulons-nous qu'il soit soumis au nôtre ? Mais le traitons-nous mieux, quand nous l'avons séduit ? Notre empire commence où le sien est détruit. Nous plaindrons-nous toujours, injustes que nous sommes, De ce sexe qui n'a que le défaut des hommes ? Quel ridicule orgueil nous fait mésestimer Ce que nous ne pouvons nous empêcher d'aimer ? Ah ! Cher ami, reçois le prix de ta vertu. Que ce retour heureux va causer !... Aux pieds d'une épouse adorable, Ne vas-tu pas reprendre une chaîne durable ? Quoi donc ? Mais songe donc aux biens où tu vas renoncer. Sais-tu bien quel arrêt tu viens de prononcer ? Il faut donc que Constance expire dans les larmes, Lorsqu'elle eût pu te faire un sort si plein de charmes ? Que d'attraits, que d'amour, que de plaisirs perdus ! Si tu la haïssais, que ferais-tu de plus ? L'on a dit que madame était incommodée. Il faut t'aider un peu. Quelle erreur ! En vérité, madame, il parle de lui-même. Bourreau ! Morbleu, parlez pour vous. Peut-être quelque époux d'humeur moins pacifique, En a fait le héros d'une histoire tragique ? Est-il disgracié ? Une franche coquette a-t-elle sçu lui plaire ? Elle a grand tort, vraiment. Pour qui donc cette histoire est-elle si risible ? Pour des évaporés, des gens avantageux, Qui croiraient composer tout le public entre eux, Et qui ne sont pour lui qu'un sujet de scandale. Mais je vous crois, messieurs, un peu plus de morale : Non, vous ne pensez pas ce que vous avancez. À tous autres qu'à vous, à des gens moins sensés, Je dirais, indigné de tout ce badinage, Si l'amour du devoir n'est pas à votre usage, Laissez-le pratiquer, sans y prendre intérêt ; Oui, laissez la vertu du moins pour ce qu'elle est. Que ceux à qui je parle en fassent leur profit ; Du reste, je vous suis obligé. C'est une farce infâme. Oui ; mais ne comptez pas sur moi. Durval, tu te fais fort apparemment ? Vous permettez qu'on joue une farce indiscrète, Et vous y prenez même un rôle. Est-il temps ? Il fallait ne pas tant s'avancer. Constance est prévenue, elle pourra penser Que tu n'as refusé que par mépris pour elle. Il le faut embarquer. Quelle faiblesse ! Va, je prendrai ce soin. Mais tu ne partiras peut-être pas si vite ? Il faut que j'empêche sa fuite. Si la mode empoisonne un naturel heureux, À quoi sert le bonheur d'être né vertueux ? Enfin Durval nous reste, et j'en ai sa parole ; Je crois avoir détruit son préjugé frivole. C'est un retour heureux qui n'est dû qu'à mes soins ; Sophie a contre moi ce prétexte de moins. Sachons s'il est le seul qui me reste à détruire... Mais devrais-je chercher à vouloir m'en instruire ?... Je vous suis. Ce terme est trop flatteur ; mais je sais le réduire À sa juste valeur. Durval devait partir, un contre-ordre est venu ; C'est par ce contre-temps que je suis retenu. Qui fait que j'offre encore Un objet qui déplaît à celui que j'adore. Mais, par votre ordre enfin, j'ai reçu mon arrêt ; Je l'exécuterai, tout injuste qu'il est... Pardonnez ce murmure, il est bien légitime Au malheureux à qui l'on va chercher un crime Au fond d'un avenir qui n'est pas fait pour lui : On me punit de ceux dont on soupçonne autrui. Il est donc vrai, cruelle ? Un autre plus heureux, plus digne apparemment... Ai-je pu m'attirer un refus légitime ? J'aurais eu votre coeur, si j'avais votre estime. C'est exiger de vous un trop grand sacrifice. Vous aimez votre erreur. Mais enfin, si celui qui sert à la nourrir, Si Durval... Madame, supposons qu'il soit... Eh ! Bien, en convenant de tout ce qui vous plaît... Mais cet homme, en un mot, que vous jugez coupable, D'un généreux retour est-il donc incapable ? Quand on s'égare, on peut revenir sur ses pas. Quoi !... Je suis trop malheureux pour avoir rien à craindre. Parlez, de grâce. Mais s'il reprend sa chaîne... Mais du moins laissez-moi cette unique espérance : Promettez de vous rendre à ma persévérance, Si Durval... Achevez, prononcez... Eh ! Quoi, vous hésitez ? Quel risque courez-vous, si vous êtes si sûre Que Durval, dites-vous, sera toujours parjure ? On pourrait l'espérer. Comment ? Vous exposer ! En quoi ? Imposez sans réserve, il n'est point de traité qu'avec vous je n'observe. Moi, je m'engage à tout. En doutez-vous ? Ah ! Si je vous adore ? De quel soulagement voulez-vous me priver ? Je vous adorerais sans pouvoir vous le dire ! Vous voulez l'oublier ; dois-je vous obéir ? Mon malheureux amour se fera violence ; Je vais le condamner au plus cruel silence. Il faut s'y conformer jusques à ce retour. Oui, cruelle, malgré tout l'amour qui me presse, Comptez sur un respect égal à ma tendresse... Je vous promets bien plus que je ne puis tenir. Oui, ma bouche et mes yeux sçauront se contenir. J'en jure à vos genoux : si jamais je m'oublie... Me serais-je échappé ? Je serai donc heureux, et je le suis d'avance : Je jouis des plaisirs que donne l'espérance. Durval m'a tout promis, allons le retrouver ; Dans le bosquet prochain il s'occupe à rêver. Oh ! Faites-moi la grâce De ne pas m'en charger ; que quelqu'autre le fasse. À quoi t'amuses-tu ? Vas-tu lire ces rôles ? Eh ! Morbleu ! Laisse-là des choses aussi folles. Ah ! Ne t'y trompe pas ; c'est un calme apparent, Et d'un coeur vertueux c'est l'effort le plus grand. On ménage un ingrat qu'on trouve encore aimable. Peut-être que d'ailleurs cette épouse estimable, Ne sait pas à quel point ses malheurs ont été : Tous tes égarements n'ont point trop éclaté. Une femme sensée est fort peu curieuse De ce qui peut la rendre encor plus malheureuse. En tout cas, sa vertu te répond... Pour la dernière fois je puis donc y compter ? Sans doute que l'écrin aura fait des merveilles ? De ce récit charmant enchante mes oreilles. Je m'en étais douté : Tu ne te repens plus de m'avoir écouté ? Tant mieux. Tu ne l'as donc pas vue ? Je ne sais que penser, je ne sais que prévoir Du trouble où je te vois. Quel courroux ! Quoi ! Serais-tu jaloux ? On soupçonne aisément, on accuse de même. Que je ne saurais croire. Constance absolument n'a point trahi sa gloire. Modérez-vous du moins ; la voilà qui s'approche. Elle est évanouie. Il faut la secourir ; permettez que j'appelle. Ô ciel ! N'es-tu pas plus heureux, que d'être convaincu ? J'ignore les détails de cette perfidie ; Mais je connais Constance, et je mettrais ma vie... Ne le suivez donc plus, comme vous avez fait, Puisque vous convenez d'un si funeste effet. Si tu voulais pourtant m'instruire davantage, Ton repos deviendrait peut-être mon ouvrage : Tu n'as que trop suivi ton premier mouvement. J'ai des pressentiments que je ne puis m'ôter. À l'égard du portrait, C'est un vol ; et voici comme on te l'a soustrait. Damis a chez ce peintre été par aventure ; Il l'a vu travaillant à cette miniature ; Alors notre marquis a formé le dessein De se l'approprier, et d'en faire un larcin. Un de ses gens, qu'il a couvert de ta livrée, L'est allé demander : le peintre l'a livrée, Croyant que ce portrait devait t'être remis. C'est ce que j'en ai su, sans t'avoir compromis ; Car je viens de trouver ce peintre chez Constance : J'ignore à quel sujet, je n'ai point fait d'instance. Attends ; je ne sais pas les choses à demi. Dans un endroit du parc j'ai détourné mes traîtres ; D'abord ils ont voulu faire les petits-maîtres ; Mais je leur ai serré de si près le bouton, Qu'il a fallu, morbleu, qu'ils changeassent de ton. J'en ai tiré l'aveu de leurs forfanteries : Ils s'étaient fait tous deux autant de menteries. Le renvoi de l'écrin leur a fait inventer le bonheur dont ces fats ont osé se vanter. Après leur avoir fait la leçon assez forte, J'ai repris le portrait, et je te le rapporte. Je n'imagine pas qu'ils en osent parler ; Et même tous les deux viennent de s'en aller. Mais tu me parais peu sensible à ce succès. Je vois à tes regrets... Mais au sort de Constance il est temps de pourvoir. Rien n'est désespéré dans ce malheur extrême. Constance t'a sauvé la honte de l'éclat : Elle en impose à tous, et cache son état ; Son courage surpasse encor son infortune ; Elle fait les honneurs d'une fête importune, Dont elle ne croit pas être l'objet secret. Il est vrai qu'en passant, mais sans être indiscret, Je l'ai calmée un peu ; j'ai caché tout le reste. Viens, un plus long délai lui deviendrait funeste. Son courage est peut-être à son dernier effort. Tu sauras mieux que moi persuader Constance : Je lui serais suspect dans cette circonstance. Pourquoi te refuser ce plaisir si flatteur, D'aller à ses genoux lui reporter ton coeur ? Tu n'es impétueux que pour faire un outrage. Durval, elle t'abuse : La honte est dans l'offense, et non pas dans l'excuse ! L'amour pardonne tout : mais je t'ouvre un moyen ; Je dois avec Constance avoir un entretien ; C'est sans doute au sujet de tout ce qui se passe : C'est elle qui m'a fait demander cette grâce ; Pendant le bal, j'espère en trouver le moment. Nous sommes convenus de ce déguisement ; Je dois rester masqué. Durval, tu me préviens. Je parlerai d'abord, Afin de lui donner une pleine assurance ; Tu nous observeras alors avec prudence, Et tu pourras bientôt trouver l'heureux moment De te substituer près d'elle adroitement. J'aurai tout préparé, tu n'auras qu'à l'entendre. Ce qui vient d'arriver te prouve le contraire ; La douceur de Constance a dû te satisfaire. Quel autre aurait ainsi ménagé son époux ? Je suis sûr que vos coeurs s'entendent mieux que vous. C'est une cruauté... Que l'amour-propre abonde en mauvaises défaites, Quand il faut réparer les fautes qu'on a faites !... S'il me désavouoit ?... ah ! Trop cruel ami !... N'importe, il faut encor faire un effort pour lui. Oui, Florine, j'y vole. Oserais-je à mon tour, sans indiscrétion, Vous faire souvenir d'une convention ? **** *creator_nivelle *book_nivelle_prejugealamode *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_prejugealamode *dist2_nivelle_verse_comedy *id_ARGANT *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_argant Me voici. Je suis même en colère. Je sors de chez Sophie ; elle tient de sa mère. L'entretien que je viens d'avoir à soutenir, Me fait prévoir celui que vous m'allez tenir ; Je vais de point en point y répondre d'avance. Ma fille, un peu de complaisance ; Que je parle d'abord à mon tour. Durval est à peu près ce que je fus jadis ; Ce temps n'est pas si loin, que je ne m'en souvienne : Ma jeunesse fut vive encor plus que la sienne. On me maria donc, et me voilà rangé, Si bien qu'on me trouva totalement changé : Et véritablement une union si belle, Si ma femme eût voulu, devait être éternelle. Bien du temps se passa, mais beaucoup, presque un an, Sans que rien de ma part troublât notre roman ; Mais auprès d'une femme on a beau se contraindre : Bon ! Naturellement le sexe aime à se plaindre. Or, comme enfin l'amour se change en amitié... C'est justement de quoi se fâcha ma moitié. Elle ne savait pas, ni vous non plus, madame, Que sans amour on peut très bien aimer sa femme Elle crut perdre au change ; elle dissimula, Peut-être près d'un mois, après cet effort-là, Il survint entre nous un terrible grabuge ; Madame se plaignit, et mon père en fut juge. Le bonhomme autrefois fut dans le même cas. Mon fils a tort, dit-il, je ne l'excuse pas. Puisqu'il ne veut pas prendre un autre train de vie, Je vois bien qu'il faudra que je me remarie... Je répondrais de même, et j'irais en avant. La contradiction me ravit et m'enchante... Eh ! Bien, madame, soit ; vous êtes très contente... Oui... très heureuse... très... Et vous dites par-tout du bien de votre époux... Et que le mariage N'est pas toujours un triste et cruel esclavage... Et que... J'enrage de bon coeur... Mais, de grâce, achevez de me tirer d'erreur ; Ma nièce est votre amie, et je lui sers de père. Oui ; mais on a pris soin de lui gâter l'esprit. Damon et votre époux en sont dans un dépit... Qui peut donc avoir mis dans son coeur trop crédule Cet effroi mal fondé, ce dégoût ridicule, Cette aversion folle, et ces airs de mépris Qu'elle a pour l'hyménée ? Où les a-t-elle pris ? À son âge on n'a point de chimères pareilles À celles dont elle a fatigué mes oreilles. Au contraire, une Agnès se fait illusion, Et savoure à longs traits la douce impression Que son coeur enchanté reçoit de la nature ; Elle ne voit l'hymen que sous une figure, Qui, loin de l'effrayer, irrite ses désirs ; Et ce portrait est fait par la main des plaisirs. Mais toutefois Sophie en est intimidée. Madame, si ma nièce en prend une autre idée, C'est l'effet des sujets de chagrin et d'ennui Que vous lui débitez contre votre mari. On n'agit pas toujours aussi bien que l'on pense : Un beau raisonnement ne détruit pas un fait. Enfin, si vous voulez me convaincre en effet, Concourez avec moi pour marier ma nièce ; Ôtez-lui de l'esprit ce travers qui me blesse ; Et que bientôt Damon... Il me convient, à moi. Ma nièce l'aimerait ? Pourquoi refuse-t-elle un homme qui lui plaît ? Voilà bien des façons qui ne servent à rien. Bon. La voici, je vais commencer l'entretien. Ma nièce, comment donc entendez-vous la chose ? Mais, ma foi, je le suppose. Moi, te sacrifier ! Quand je veux au contraire Te donner pour époux quelqu'un qui t'a su plaire ; Damon ? Hé ! C'est apparemment madame que voilà, Qui t'approuve, et qui croit qu'une fille à ton âge Doit commencer d'abord par un bon mariage. Parbleu, c'est pour ton bien, Pour te faire jouir d'un sort pareil au sien. On ne peut davantage. Où peut-elle avoir pris une idée aussi creuse ? Elle se dit heureuse. Qui croire des deux ? Je n'y connais plus rien. L'une se dit heureuse, et l'autre la dément : Celle-ci ne veut pas épouser son amant. Constance... mais qui diable y pourrait rien comprendre ? En attendant, je sais le parti qu'il faut prendre. Vous m'avez entendu, madame, heureuse ou non. Quant à vous, je m'en vais remercier Damon... Mesdames, à votre aise ; il ne faut point se rendre : Ferme, continuez à ne vous pas entendre. Allons, rions. De quoi ? Je le connais : son père fut de même ; Il était en amour d'une fortune extrême. Il faut qu'à son sujet je vous... non, poursuivez ; Voyons quels contretemps lui sont donc arrivés. Est-ce que pour si peu l'on traite ainsi les gens ? Mort ? Est-ce cette marquise assez bien en appas, Mais qui ne plaît qu'alors qu'elle n'y pense pas ? A-t-il entrepris le coeur de quelque prude ? En tout cas, je le plains ; l'esclavage en est rude ; Il faut trop les aimer, et trop correctement. C'est donc cette actrice ? Sa femme ! Ce sont contes en l'air qu'il vient vous faire ici. Bon ! Bon ! C'est pour la forme. Je suis sûr qu'elle en rit dans le fond de son âme... Eh ! Bien, notre galant aime jusqu'à sa femme ? C'est avoir pour le sexe un furieux penchant. C'est un enlèvement. Ce n'est point là le but que le sexe envisage ; Lorsqu'au nôtre il veut bien se laisser assortir, C'est d'entrer dans le monde, et non pas d'en sortir. Sans doute, c'est l'usage... Cet homme est possédé du démon conjugal. Abîmé. Tout de bon ? Volontiers. Bon ! C'est un des travers qu'on doit moins épargner : Il n'est pas fort commun : mais il pourrait gagner ; Et la société n'y ferait pas son compte. Combien il est d'époux retenus par la honte ! Tant mieux... aurai-je un rôle ? Fort bien. L'arrangement est bon. Je vais la prévenir, aussi-bien que ma nièce. C'est un fait important qui doit être éclairci. Outre ce qu'on m'a dit, vous avez quelque titre ? Diable ! Allons doucement ; ceci change la thèse. Ce billet-là... Eh ! Mais, par parenthèse ; Il est de votre main. Oui. Mais voyez. Parbleu, c'est de vous-même. N'allons pas plus avant ; le reste est superflu. Ne nous épargnez pas : Nos fautes ont pour vous de furieux appas. Vous nous ressemblez peu, vous triomphez des nôtres, Et nous ne demandons qu'à partager les vôtres. Vous avez fait une rude entreprise ; Vous n'y reviendrez plus, votre bisque est mal prise. Pour convaincre une femme, il faut bien du bonheur ; Rarement un époux en vient à son honneur. Quand on veut s'embarquer dans ces sortes d'affaires, On ne saurait avoir des preuves assez claires ; Et par malheur pour vous, vous ne les avez point. Les femmes sont d'ailleurs terribles sur ce point : Elles ne s'aiment pas ; mais accusez-en une, L'émeute est générale, et la cause est commune. Vous verrez aussi-tôt le peuple féminin S'élever à grands cris, et sonner le tocsin ; Protéger l'accusée, et s'enflammer pour elle ; Se prendre aveuglément de tendresse et de zele ; Passer de la pitié jusques à la fureur, Et traiter un époux de calomniateur... Tenez, voilà pourquoi, sans accuser la vôtre, J'ai toujours crû ma femme aussi sage qu'une autre. Je vous plains ; mais que faire ? Elle a barre sur vous : Il faut, en attendant, se taire et filer doux. Comment, diable ! La scène a bien changé de face. Ah ! Ah ! Mon gendre en conte à sa femme... il l'embrasse !... Mais, est-ce tout de bon ? Ce n'est pas que je trouve à redire à cela ; Mais c'est qu'on n'est pas fait à ces incidents-là. Lorsqu'une femme plaît, quoiqu'elle soit la nôtre, Je crois qu'on peut l'aimer, même encor mieux qu'une autre. Oui, conseillez un coeur déjà déterminé... Le conseil en est pris, quand l'amour l'a donné. **** *creator_nivelle *book_nivelle_prejugealamode *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_prejugealamode *dist2_nivelle_verse_comedy *id_CLITANDRE *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_clitandre Voilà ce que jamais on n'aurait attendu. Venez, rassemblons-nous, la scène est impayable... Si risible, en un mot, qu'elle en est incroyable. Laisse-m'en rire encore. On m'écrit... tu riras. Oh ! Par ma foi, Nous ne le craindrons plus, cet aimable volage, Ce célèbre coquet, ce galant de notre âge, Qui fut le plus heureux de tous les inconstants ; Nous le connaissons tous, et même à nos dépens : Sainfar. Non, il n'en a jamais trouvé que d'indulgents. Non, le jeu n'a jamais dérangé sa fortune. Bien pis. Autant vaut ; Il est amoureux fou. C'est lettres closes. Devine si tu peux, et choisis si tu l'oses : Je vous le donne en cent. Qui l'aurait jamais cru ? Il en a rabattu. Eh ! Mais, une coquette est un choix ordinaire. Non. Non. Eh ! Non, aucunement. Et vraiment oui, c'est sa femme, elle-même... Pardonnez-moi. Constance prend la chose affirmativement. Parbleu, cette sottise en a fait beaucoup dire. À la cour, à la ville, on l'a tant blasonné, Hué, sifflé, berné, brocardé, chansonné, Qu'enfin, ne pouvant plus tenir tête à l'orage, Avec sa Pénélope il a plié bagage : En fin fond de province, il l'a contrainte à fuir ; Ils sont allés s'aimer, et bientôt se haïr. Sainfar n'a de ses jours été si malheureux ; Il adore en esclave un tyran dédaigneux, Un maître dont il est le premier domestique, Qui trop sûr à présent d'un pouvoir despotique, Le punit du passé, se venge de l'ennui De se voir enterré de la sorte avec lui. C'est à recommencer. Possédé de sa femme... Eh ! Ris-en donc, Durval. C'est un homme perdu, noyé dans son ménage. Confisqué. Oui, j'étais chez les dames, Où je viens d'obliger au moins cinq ou six femmes. J'ai joué, j'ai perdu. N'est-ce pas ? Qu'en dis-tu ? Marquis, tu n'es pas moins un homme merveilleux. Ami, j'ai de bons yeux : Et celle à qui l'on donne ici toutes ces fêtes, Sera-t-elle bientôt au rang de tes conquêtes ? Quoi ! Tu voudrais sur moi détourner les soupçons ! Jamais je ne me vante. Sans contredit. Je les traite à peu près de la même manière... À propos, sçais-tu bien ?... Que sans y songer... Nous pourrions nous nuire : il faudrait s'arranger, Et nous concilier dans certaine occurrence, Pour ne nous pas trouver tous deux en concurrence. Oui, c'est le mot. Ainsi, dans nos galanteries, Entendons-nous ; sur-tout point de supercheries : Entre nous seulement soyons honnêtes gens : Nous sommes en amour assez intelligents ; Nous avons sous la main vingt conquêtes pour une. Partageons entre nous la fortune : Établis ton quartier. Tu ris. Ne cherchons point à nous pousser à bout : Il faut rouler, il faut avancer : le temps passe ; Nous en perdrions trop devant la même place... D'ailleurs, certain égard nous convient à tous deux. Si la même maîtresse est l'objet de nos voeux, L'embarras de choisir la rendra trop perplexe. Ma foi, marquis, il faut avoir pitié du sexe, Et lui faciliter sa gloire et ses plaisirs ; C'est pourquoi convenons. Eh ! Bien, quel est le coeur où tu veux t'introduire ? Quant à moi, c'en est un de difficile accès. J'espère. Nous espérons tous deux, ma joie en est extrême ; Nous ne nous croisons pas. Ma concurrence eût pû te nuire également. Je vais pousser ma chance, et toi songe à la tienne. Dans peu je te rendrai bon compte de la mienne. À moi ! C'est bien à toi, parbleu, qu'ils appartiennent. Le change me paraît difficile à donner. Le dépit... Je cacherai ta honte. Tu devais m'avouer... Une cruelle est rare ; on en trouve si peu, Qu'elle n'a point de prix. Retire ton enjeu. Auprès du sexe aussi c'est toute ma ressource. Te voilà bien piqué. Finis ce badinage. Voici Durval. Oui. Le tour est plaisant ! Nous disputons ensemble. À peu près comme lui. Nous ne nommerons pas. Oui, rien n'est plus constant. Damis, par vanité, n'ose le reconnaître. Ce n'est donc point de moi ? La conséquence est claire. Oui. De grâce, fais-en une ; il y va de ta gloire ; Sans quoi, Durval et moi, nous n'osons pas te croire. Ah ! L'infidèle ! **** *creator_nivelle *book_nivelle_prejugealamode *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_prejugealamode *dist2_nivelle_verse_comedy *id_DAMIS *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_damis Ce n'est pas son défaut. On vous en avait dit quelque mot à l'oreille ; On ne devine pas une énigme pareille. À ton avis, Durval ? L'enquête me fait rire. Qui n'est pas fort d'usage. Sa femme l'a remis à son apprentissage. Nul. Depuis quand n'oses-tu rire aux dépens des sots ? Je n'ai jamais douté de ta philosophie ; Nous en ferons ta cour à l'aimable Sophie. C'est bien dit. Moi, je crois qu'on peut rire, et même sans scrupule, D'un amour que le monde a jugé ridicule. Sainfar est dans le cas ; on en est convenu. Il a pris un travers assez bien reconnu, Puisque son aventure est mise en comédie. J'ai la pièce ; on l'a fort applaudie : Nous sommes dans le goût d'en jouer entre nous ; Nous jouerons celle-ci... messieurs, qu'en dites-vous ? On la nomme l'époux amoureux de sa femme. Oui, sans doute. Les dames y joueront : Constance aura le sien, Elle sera l'épouse aimée à toute outrance : Durval contrefera l'amoureux de Constance : Damon aura tout juste un rôle de Caton ; Toi, celui d'étourdi. Il nous faut un valet : qui pourrait bien le faire ?... Ah ! Ton valet-de-chambre, Henri ; c'est notre affaire. Ainsi du reste. C'est d'engager Constance à jouer dans la pièce. Détermine Damon : quant à toi, tu sçais bien Que l'on doit se prêter ; tu ne risqueras rien. Damon, voilà ton rôle. On le lui fera prendre... ah ! Je te cherche aussi. C'était pour te donner ton rôle ; le voici. Tu sors de chez Constance ? Peut-on savoir comment ? C'est bien faire ta cour. Voilà le vrai moyen d'être un homme adorable. Je n'ai pas, comme toi, ce secret admirable. Ah ! Merveilleux toi-même. C'est de toi qu'il faudrait avoir pris des leçons. Tant de discrétion m'alarme et m'épouvante. Eh ! Qui diable se vante ? Des sots. Des têtes à l'évent. Quand j'en trouve, (cela m'arrive assez souvent) Mon plus grand plaisir est de leur rompre en visière. Non. Quoi ? Je t'entends. C'est un fat que je veux dérouter. Nous sommes l'un pour l'autre assez à redouter. Il est vrai. Le mien sera partout. Je cède à tes désirs. Et toi, quel est celui que tu voudrais séduire ? Mon choix n'annonçait pas un facile succès. Es-tu bien avancé ? Et moi, de même... Je t'en fais compliment. Va, c'est où je t'attends. Je rabbattrai les airs Du fat le plus parfait qui soit dans l'univers. Oh ! Parbleu, nous verrons qui s'en fait plus accroire : Je ne puis être aimé ; mais j'en aurai la gloire. Il en veut à Constance indubitablement ; C'est, aussi bien que moi, fort inutilement. Nous nous sommes joués, il trouvera son maître : On n'est heureux qu'autant qu'on se donne pour l'être. Je sais me fabriquer des preuves de bonheur : J'ai là certain portrait qui doit me faire honneur... Durval, voilà ton rôle et celui de Constance. Pour Damon, je n'ai pû vaincre sa résistance : Je te laisse ce soin. Je vais chercher Argant, et lui donner le sien. Eh ! C'est à toi, marquis, que tes présens reviennent ? Tu veux par vanité me les abandonner. La gloire... Prends toujours, à bon compte ; Je m'engage au secret. Que ne me disais-tu ?... Je t'aurais, à coup sûr, empêché d'échouer. Voyons donc à quel prix tu mettais ta conquête. Comment, diable ! Ah ! Marquis... le présent est honnête. C'est le tien. L'art de plaire épargne bien la bourse. Te voilà bien confus De ce qu'en ma présence on te les a rendus. On avait ses raisons. Va, je te trouve encor bien plus heureux que sage. Qu'importe ? Il peut être présent, En ne nommant personne. En voici le sujet. Clitandre est mon rival. Passons, je te l'accorde. Durval, je te remets la pomme de discorde. Mais ce n'est qu'un dépôt. Ce n'est que pour le rendre à son propriétaire. Apprends donc ce mystère. Certaine dame, à qui nous rendons quelque soin, Nous a fait, de sa part, sans désigner personne, Renvoyer cet écrin. Un de nous l'a donné. Mais aucun n'en convient. Il aime mieux le perdre. Durval, à qui crois-tu qu'on les ait renvoyés ? On ne refuse rien de quelqu'un qui sçait plaire. Si je l'avais donné, crois qu'on l'auroit gardé. Oh ! Qu'il paroisse donc, ce rival ténébreux. En tout cas, que celui qui fait le généreux Cherche quelqu'autre objet ailleurs qui le console. Quand je le dis, on peut m'en croire à ma parole. Ne me fais point faire une indiscrétion. Il faut vous satisfaire. En t'éloignant un peu ; car il n'est pas besoin Que tu sois plus avant dans cette confidence. Te voilà bien... et toi, surtout, point d'imprudence. Tiens, considère un peu... Vois sa confusion. Est-ce là le portrait de celle... en question... De la dame à l'écrin... eh ! Bien ? Infidèle !... Est-ce ainsi qu'on nomme une cruelle ? Mais c'est encore un trait de vanité. Pour toi, Durval, une autre fois, pense un peu mieux de moi. **** *creator_nivelle *book_nivelle_prejugealamode *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_prejugealamode *dist2_nivelle_verse_comedy *id_FLORINE *date_1735 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_florine Madame, je vous cherche. On vient... Souffrez que je respire. Tenez, j'en suis encor dans un enchantement !... Venez, vous trouverez dans votre appartement. Votre époux !... Lui !... La demande est bonne ! Est-ce jamais par-là que son chemin s'adonne ? Il est vrai que ceci seroit assez nouveau, Vous logez l'un et l'autre aux deux bouts du château. Je me tais... mais... Vous ne devinez pas ?... C'est votre habit. Que l'on vient d'apporter, Madame ; il est charmant. Écoutez-moi, de grâce ; Ou plutôt, venez voir : c'est un habit de chasse ; Mais d'un air, mais d'un goût : venez vous habiller. Sous cet ajustement que vous allez briller ! Vous allez ajouter conquête sur conquête. Mais quelle vision lui passe par la tête ? D'où me vient cet habit ? Je ne sais point cela. Ah ! Ah ! Mais ceci passe un peu la raillerie. Quoi ! Madame, serait-ce une galanterie ? À qui voulez-vous donc qu'on ait fait cet envoi ? Point de grâce. Ah ! Si pour un moment j'étais en votre place. Quand même vous seriez encor mieux son époux, C'est que vous devriez filer un peu plus doux, Et baiser tous les pas par où madame passe ; Mais vous n'en ferez rien. Moi ? Je n'ai pas cru vous induire en dépense. Ah ! Puisque vous payez si bien vos vérités, Une autre fois j'aurai le reste de la bourse. Oui ! C'est bien là de quoi madame s'embarrasse ! Cet époux a pourtant quelque chose de bon. J'aurais déjà tout fait sauter par la fenêtre. Cet époux dans la vie apporte assez d'aisance. Des époux ne font pas des tours aussi plaisants ; Pour qui les prenez-vous ? Ne croyez point, madame, Qu'un mari soit jamais prodigue envers sa femme ; Il lui donne à regret, toujours moins qu'il ne faut, Et lui fait tout valoir cent fois plus qu'il ne vaut. Mais nous avons ici Damis avec Clitandre, Galants déterminés, prêts à tout entreprendre ; Je crois qu'on en pourrait accuser ces messieurs. J'en ai même plusieurs. J'y cours ; mais je ne sais si j'aurai ce pouvoir. Non, ma recherche est vaine. On dit qu'il se promène. Oui, madame, éclatez, cessez de vous contraindre : Quand on n'est plus aimée, il faut se faire craindre. On peut le mener loin. Moi, je déposerais, s'il en était besoin. Eh ! Qui sont-elles donc ? Bon ! Il Vous laissera gémir et soupirer. On croit nous faire grâce, en nous faisant pleurer : On ne convient jamais des chagrins qu'on nous donne : On croit que dans nos coeurs le plaisir s'empoisonne ; Que le sexe se fait lui-même son tourment, Et qu'il n'a pas l'esprit d'être jamais content. Servez-vous contre lui de ces lettres fatales, Que vous a fait remettre une de vos rivales. Que j'aurais de plaisir à confondre un ingrat ! Vous en aurez, madame, encore du chagrin ; Ce ne sera, pour lui, que des galanteries : Il vous éconduira par des plaisanteries, Comme il a déjà fait : vous aurez la douleur De ne le pas trouver sensible à son honneur. Lequel ? Je vous l'ai dit, madame, ils sont deux téméraires. Allons, madame, quitte à faire une bévue. Voyons pourtant. à qui remettrai-je l'écrin ? Entre nos deux marquis le choix est incertain ; Gens de même acabit, personnages frivoles, Fiers d'avoir peut-être eu le coeur de quelques folles, Étourdis par instinct et par réflexion, Effrontés sans succès et sans confusion, Impudents, toujours pleins d'un espoir téméraire, Qu'on éconduit toujours, sans pouvoir s'en défaire, Satisfaits sans sujet, indiscrets sans faveurs, Jaloux de nos vertus, ravis de nos malheurs, Scélérats en amour, dont les langues traîtresses Nous font bien plus de tort que toutes nos faiblesses : Voilà les compagnons, dont le couple indiscret M'a vingt fois confié leur risible secret. Quel est celui des deux qui s'est mis en dépense ?... Comment le démêler ?... c'est en vain que j'y pense. C'est l'un ou l'autre ; mais de quel côté pencher ?... Il faut pourtant résoudre... attendez : pour trancher, Si j'empochais l'écrin... j'en aurais pour ma vie... Ce n'est pas l'intérêt qui m'en donne l'envie : Oh ! Non ; c'est seulement pour finir ce tracas, Et tirer ma maîtresse avec moi d'embarras... Ne nous y jouons point : l'intention est pure ; On y pourrait donner toute une autre tournure. Mais la fortune ici les amène tous deux Fort à propos. Partez, bijoux trop dangereux. Reprenez votre enjeu, la boëte est complète ; Ma maîtresse, à ce prix, ne veut point faire emplette. Consolez-vous, une autre en fera plus d'état : Vous savez ce que c'est : entre vous le débat. Ah ! Ma chère maîtresse, Dans quel abaissement... Et celui-ci, monsieur ? Autre lecture... Enfin... Oh ! Par ma foi, Celui-ci me paroît un peu trop fort pour moi. Monsieur, en vérité, l'on ne peut mieux écrire ; C'est dommage pourtant qu'on ne puisse vous lire. C'est une trahison que vous imaginez. C'est un traître, un parjure, Qu'une autre traiterait de la bonne façon. Il ne mérite pas ce que vous demandez. Madame vous attend, lui tiendrez-vous parole ? Elle est impatiente. Quelle sera la fin de cet événement ? Gare le cloître, il fait un triste dénouement. S'aller claquemurer, c'est ce qui m'inquiète ; Car enfin je n'ai pas le goût de la retraite : Prendre congé du siécle à l'âge de vingt ans ; Il nous quitte assez tôt, sans prévenir ce temps. Passe, quand jusqu'au bout on a joué son rôle ; Du moins le souvenir du passé vous console ; On l'emporte avec soi, cela sert de soutien : Mais pour moi, dieu merci, je suis réduite à rien ; Car ce que j'ai vécu ne s'appelle pas vivre. Que faire dans l'exil où je m'en vais la suivre ? Me plaindre que le temps coule trop lentement ; N'avoir que mon ennui pour tout amusement. Le monde a ses chagrins : eh ! Bien, on les essuie ; On s'accoutume, on roule, et l'on pousse la vie ; On va, l'on vient, on voit, on babille, on se plaint, On s'agite, on se flatte, on espère, et l'on craint ; Il vient un bon moment, car il faut qu'il en vienne, On en fait son profit, afin qu'on s'en souvienne. Certes, l'effort est grand. **** *creator_nivelle *book_nivelle_prejugealamode *style_verse *genre_comedy *dist1_nivelle_verse_comedy_prejugealamode *dist2_nivelle_verse_comedy *id_HENRI *date_1735 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_henri Lequel des deux ? De quoi faut-il que je m'acquitte ? À quel appartement, monsieur, faut-il que j'aille ? Ce que l'on n'a point dit, peut bien se répéter. Chez madame ! Ma foi, l'ambassade est nouvelle. Monsieur, présentement Clitandre et Damis. Oui, seule, absolument. Le rapport est fidèle. Oui, Monsieur, elle n'a que Florine avec elle. C'est affaire de coeur. Parbleu, depuis longtemps, Le patron reprenait haleine à mes dépens... Tant mieux : plus un maître aime, et plus un valet gagne. Allons, apprêtons-nous à battre la campagne. J'ai bien l'air de coucher hors d'ici. J'ai là certains papiers, il faut que je les lise. Voyons, tandis qu'il fait éclore son poulet, Quel est mon rôle. à moi, le rôle de valet ! Mais cela ne va point avec mon ministère : Je suis homme de chambre, et presque secrétaire : À quelqu'un de nos gens il pourrait convenir... Sachons donc à qui j'ai l'honneur d'appartenir... Je veux être pendu, si j'entends cette gamme... Ah ! Je sers un époux amoureux de sa femme. Ventrebleu, le sot maître à qui l'on m'a donné ! Oui-dà, le personnage est bien imaginé. Monsieur, je m'entretiens avec mon personnage... Peste ! En voici bien long tout d'un article écrit ! Voyons : c'est moi qui parle ; aurai-je de l'esprit ? Oui, Nérine, je suis à l'imbécile maître, Qui s'est acoquiné, dans ce taudis champêtre, À la triste moitié, dont il s'est empêtré ; Son ridicule amour ici l'a séquestré : C'est un oison bridé, tapi dans sa retraite, Qui n'a plus que l'instinct que sa femme lui prête. Le bel équivalent, au lieu du sens commun ! Allons ; hé ! Qu'on me selle un coureur vif et frais. Monsieur, me voilà prêt ; vous n'avez qu'à parler. À Paris... c'est, je crois, vers certaine duchesse... Vous vous reprenez donc pour elle de tendresse ? Ma foi, monsieur, tant pis. Elle se vengera, je vous en avertis. La duchesse se plaint que, pour rompre avec elle, Et lui mieux déguiser une intrigue nouvelle, Avec madame vous... feignez de renouer. Je ne sais pas quel tour elle veut vous jouer ; Mais... tout franc, convenez que votre amour la traite Comme je traiterais une simple soubrette. Et des bijoux aussi ! L'affaire ira grand train. Elle est encore à faire. Un petit mot d'adresse eût été nécessaire. Regardez... parmi tant de beautés Que le bal nous attire ici de tous côtés, Je n'ai pu démêler quelle est la favorite. Ah ! Si vous l'aviez dite. Je suis perdu, s'il fait lui-même ses affaires. Diable ! Ceci m'aurait donné des honoraires... Dans le premier mémoire il faudra les compter. Item, pour un présent que j'aurais dû porter, Qui m'aurait dû valoir en espèce courante, Combien ? Dix, vingt louis ; ma foi, mettons-en trente.