**** *creator_palissot *book_palissot_cercle *style_prose *genre_comedy *dist1_palissot_prose_comedy_cercle *dist2_palissot_prose_comedy *id_ORPHISE *date_1755 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_orphise Convenez que cela sera plaisant. Et que c'est une idée délicieuse. Pour moi, je crois que nous allons nous divertir prodigieusement. Mais vous dites cela d'un ton bien sérieux, Ariste. N'allez-vous pas encore m'opposer des difficultés ? Et moi je vous réponds que vous le jouerez très bien. Vous n'y pensez pas, Ariste; je fais autant de cas que vous des vrais talents : mais il en est de subalternes qu'un esprit de vertige ou de mode a tirés de l'obscurité, qui, à la faveur de la singularité ou du manège, sont parvenus à une réputation usurpée, dont ils abusent pour étouffer le vrai mérite ; et je crois que, dans tous les états, il est permis de s'amuser des charlatans et du peuple. Savez-vous bien, Ariste, que vous vous êtes rouillé dans ce long séjour que vous avez fait en province ? À vous entendre, on croirait qu'il n'est question ici que de gens de lettres, et vous savez que je vous ai promis des ridicules de plus d'un genre. Mais je suppose que nous ne nous amusions pas autant que je l'imagine, avons-nous rien de mieux à faire ? Ah ! Voici de la morale. Voyons pourtant, examinons bien la prétendue malice de ce projet. Mon mari a la fantaisie de tenir cercle trois jours de la semaine, de recevoir des savants, des beaux-esprits, des originaux de toute espèce ; et ce qui à tout autre que lui paraîtrait singulier, bizarre, extravagant même, est précisément ce qui lui plaît davantage. J'ai la complaisance de me prêter à son goût, et souvent de feindre beaucoup de gaîté au milieu de ces importuns qui m'excèdent. Aujourd'hui qu'il est à la campagne, je me propose de me réjouir un peu aux dépens de sa société ; je veux vous la faire connaître, jouir de la surprise que vous causeront, certains ridicules que j'aurai soin de faire sortir assez pour qu'ils nous donnent la comédie. Où donc est le crime de tout cela ? Ne puis-je me venger une fois de toute l'humeur que m'ont donnée ces originaux depuis deux ans que j'ai la générosité de m'ennuyer avec eux ? En vérité, Ariste, vous avez des scrupules qui ne vous vont point. Oh ! Vos mais ne finiraient pas : l'heure où je reçois du monde approche, et je vous promets que vous n'aurez personne de connaissance. Vous n'en serez que plus à votre aise pour remplir le rôle que je vous destine. La beauté du jour nous invite à rester dans ce jardin ; je vais donner mes ordres pour qu'on laisse entrer : mais souvenez-vous que je veux que vous soyez plaisant. Et que vous ne vous refusiez aucune épigramme, entendez-vous, Ariste ? Frontin ! Frontin !... Vous laisserez entrer le monde ordinaire. Je voudrais cependant éviter la cohue. Je n'y suis, que pour une personne ou deux à la fois tout au plus... Vous n'annoncerez que celles qui n'ont pas coutume de venir habituellement au cercle... Attendez ! Si Lucinde ou Lindor se présentent, dites-leur que je suis ici. Elle-même. Un petit chagrin dont elle ne m'a pas encore fait la confidence, mais que je devine à peu près, doit l'amener tantôt ici. C'est une affaire de coeur, une querelle de jeunes gens... Oui, le choix qu'elle a fait est convenable ; et si je réussis, comme je l'espère, à dissiper ce petit nuage, la fête dont je vous ai parlé sera pour elle. Allons, Ariste ; je crois apercevoir une des personnes la plus assidue de notre société. Précisément. C'est un poète qui a fait autrefois quelque bruit, mais avec qui ses protecteurs viennent de s'abonner pour qu'il cesse d'écrire. C'est un petit ressentiment qu'il a contre le public, qui vient de siffler impitoyablement une de ses pièces, dont le succès lui tournait la tête avant la représentation. Un poète médiocre, sifflé, et modeste ! Ah, ah, ah, ah ! Vous allez en juger, Ariste. Eh ! De grâce, monsieur du Volcan, un moment de trêve à vos réflexions. Je parie que vous étiez assez bon pour vous occuper encore de la petite disgrâce de la semaine passée ? Je vous avoue que je ne reviens pas de cette chute. La pièce avait pris une si grande faveur avant qu'on ne la jouât.... Votre modestie, monsieur du Volcan , ne peut me convaincre que l'on vous ait rendu justice. J'en appelle du public au public même : car enfin de véritables connaisseurs m'ont assuré que le plan de votre pièce était absolument dans les règles ; qu'il y avait de l'intérêt, des situations parfaitement dessinées, une décoration merveilleuse, des coups de théâtre à chaque scène... Ah, ah, ah, ah, ah, ah ! Ah ! Monsieur du Volcan. Ah ! Ah ! Eh ! De grâce. Trêve aux citations, je vous en prie, monsieur du Volcan : elles m'ennuient à périr. Des comédies qui fassent pleurer ! J'entends ; vous voulez parler de ces pièces naïves, qui peuvent affecter le coeur par des peintures délicates et gracieuses... Véritablement, cette idée commence à me paraître très comique. Parlez bas, Ariste ; je vois une personne qui ne vous pardonnerait jamais d'avoir trouvé monsieur du Volcan ridicule. Elle-même ; c'est la douairière de nos femmes beaux esprits. Du moins elle a droit de passer pour telle. Physique, géométrie, beaux-arts, tout est de son ressort ; et nous avons d'elle un traité des forces mouvantes. Cela pourrait bien être ; car, entre nous, je me défie beaucoup de ces femmes à sciences profondes. Celle-ci d'ailleurs est si journalière, qu'on la trouve, tour-à-tour, ingénieuse ou sotte, selon les personnes qu'elle a vues la veille. Elle a son jour de belles-lettres, son jour de philosophie, son jour de vapeurs enfin, qui est ordinairement celui où elle écoute tout le monde, pour avoir de l'esprit le lendemain. Non, Madame. Une personne de votre mérite ne peut jamais être de trop. Je ne suis alarmée que de la diversion que nous avons pu faire à vos savantes méditations. Tous vos moments sont si précieux ! Ah ! Nous sommes perdus ! Elle est dans son jour d'érudition. Des infiniment petits, Madame ! Ah ! Madame, quelle profusion de science ! Que ne suis-je digne de vous entendre ! C'est un plaisir délicieux, et que monsieur du Volcan a pu vous donner quelquefois. C'est encore la plus raisonnable de son espèce. Heureusement que cette manie n'entre guère dans le système d'une femme de vingt ans. Avant que les sciences paraissent un besoin, il faut que les moyens de plaire soient bien épuisés ; et là-dessus, on ne s'en tient pas ordinairement à la première expérience. Le travail en est surprenant. C'est un de mes amis, monsieur Lisidor, homme de goût, de bonne compagnie. C'est en faire un très bon usage. Non, monsieur Lisidor. Je soupe aujourd'hui chez moi; j'ai même le projet de donner un bal, et je me flatte que vous aurez la complaisance d'y figurer. Et comment vous représentiez-vous donc un homme de finance ? Eh ! Fi donc, Ariste ; vous ne connaissez que la vieille finance. Eh bien, Ariste, votre pénétration était en défaut. C'est un homme d'un genre si nouveau dans la société, que je n'ai pas encore eu le temps de l'approfondir. Eh ! De quoi vous plaignez-vous donc, Monsieur ? Comment ! D'être devenu philosophe ? Mais, en effet, c'est la maladie épidémique : jamais on ne vit tant de philosophes. Je n'y conçois rien ; mais ne vous tromperiez-vous pas, Monsieur ? Êtes-vous bien sûr d'être philosophe? Blaise-Gille-Antoine ! Il faut en effet de la philosophie pour porter un nom comme celui-là. Voilà une modération tout-à-fait philosophique. Quel motif avez-vous donc d'être affligé ? Vous vouliez être philosophe, ou le paraître ; on vous a pris au mot : il me semble que vous devriez être content. Ah ! Monsieur le Philosophe, vous prétendiez à la considération ? Eh bien ! Monsieur Blaise-Gille-Antoine, le Cosmopolite, il faut que la vraie philosophie vous console, et que vous reveniez tout naturellement à vous réconcilier avec le sens commun. Vous allez achever de désabuser le public sur votre compte, et peut-être y réussirez-vous assez bien pour vous corriger. C'est elle-même. Comment ! Ma chère Lucinde ! Ceci devient sérieux. De la langueur, des yeux chargés, une physionomie abattue, un négligé de convalescente. Voilà qui devient respectable ; et si je ne m'étais arrangée pour être gaie toute la journée, j'aurais toutes les peines du monde à ne pas m'affliger avec vous. L'intérêt a déjà gagné le coeur d'Ariste ! Mais il a beau faire, l'exemple n'opérera pas sur moi. Lindor serait trop flatté, s'il était témoin de ce petit désordre ; et s'il est dans son tort, comme je le pense, il ne mérite pas de déranger nos plaisirs. Ma chère Lucinde, un moment de trêve à vos douleurs. Ceci ne finira pas aussi mal que vous le pensez : fiez-vous à mon expérience. J'aperçois quelqu'un qui peut faire diversion à votre tristesse : gardez-vous de vous laisser deviner. J'exige, au contraire, que vous vous fassiez quelque violence pour prendre part à nos amusements. Je veux vous le faire connaître, Ariste. Il approche ; c'est mon médecin. Ah ! Bonjour, cher petit Docteur ; vous êtes charmant d'être venu. Je vous demande, Ariste, votre confiance pour Monsieur. Comment ! Mais s'ils s'en portaient mieux ? Appelez-vous cela perdre son temps pour un médecin ? Eh ! Que faites-vous donc, Messieurs ? Et quelle différence faites-vous entre voir des malades et des maladies ? N'allez pas le contredire. C'est son estomac dont elle se plaint. Prêtez-vous donc à sa manie. Il est savant, du moins, le petit Docteur ! Le sommeil doré ! C'est qu'il est charmant avec ses petites phrases ! Je ne connais personne qui parle comme lui. Le sommeil doré ! Ce sont ses bulletins qu'il faut voir ! En vérité, cela se lit avec autant de plaisir qu'un joli madrigal. Mais revenons à la malade. Voilà des remèdes que je ne me rappelle pas d'avoir entendu nommer. J'entends. Vous en êtes la preuve. Actuellement, je suis au fait de la différence qu'il y a entre voir un malade et une maladie. Ici, vous avez vu la malade, et même de très-près ; pour la maladie... Ce n'est point là le médecin qu'il vous faut, ma chère Lucinde. Mais je vois Lindor. Quand on ne s'évite pas plus que cela, on n'est pas loin de se rapprocher. Approchez, Lindor, approchez. Nous parlions de vous, et nous avons un sujet de querelle à vous faire. Expliquez-vous, je le veux. Vous vous êtes trompés tous deux par une fausse inconstance. Je n'aurais peut-être pas été si facile à vous pardonner, Lindor ; mais les fautes de l'amour portent leur excuse avec elles. Allons, Ariste, c'est une scène de plus à notre comédie ; et les folies de deux jeunes amants ne sont pas si déplacées qu'on le croirait, dans un cercle d'originaux. Que cette petite fêté, ma chère Lucinde, serve de prélude à votre bonheur; et vous, Ariste, venez m'aider à en faire les honneurs. **** *creator_palissot *book_palissot_cercle *style_prose *genre_comedy *dist1_palissot_prose_comedy_cercle *dist2_palissot_prose_comedy *id_ARISTE *date_1755 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_ariste Ah ! Très plaisant. Admirable, en vérité, admirable ! Oui, prodigieusement ; c'est le mot. Tenez, Madame, toutes ces parties dont on se promet tant de plaisir, finissent ordinairement par de l'ennui. Vous voyez ma répugnance, je jouerai mal mon rôle, dispensez-moi de m'en charger. Point du tout. Vous m'annoncez des poètes, des beaux-esprits, des auteurs ; et, soit préjugé ou non, je me fais conscience de m'amuser de ces messieurs-là. J'aime les arts ; je respecte ceux qui les cultivent, et je pense sérieusement que le peu de considération que l'on a pour eux dans le monde, est un reste de barbarie, une espèce de vengeance que prennent les sots de la supériorité que les gens de mérite ont sur eux ; et je ne conçois pas comment la France, qui doit tant aux grands hommes qui l'ont éclairée, peut avilir elle-même ce qui la rend si considérable aux yeux des autres nations. J'en tombe d'accord, Madame, et vous savez que je ne les épargne pas. Cependant le public injuste fait rejaillir indifféremment sur les uns, le mépris qu'on lui donne pour les autres. Insensiblement on l'accoutume à confondre.... Et comptez-vous pour rien la malice de votre projet ? Mais, Madame... Bon moyen pour m'empêcher de l'être. Il faut vouloir tout ce que vous voulez. Quoi ! Lucinde ? Cette aimable enfant qui promettait un si bel avenir, lorsque je partis pour la province, et qui, je crois, vous est un peu parente ? Une affaire de coeur ? Qui ? Cet homme que je vois au bout de cette allée, dont la physionomie, paraît moitié sérieuse, moitié comique, qui marche d'un air distrait, et qui semble ne pas nous remarquer ? Il n'a pas encore jeté les yeux sur nous ; il paraît de mauvaise humeur, et si nous voulons en jouir, il faut le tirer un peu de cette rêverie. Tant mieux, nous allons peut-être lui trouver de la modestie. Mais c'est parler on ne peut pas plus sensément, et je vois bien que vous avez voulu me surprendre... Oh ! Pour le coup, je me déclare pour lui, et... Il faut croire que votre pièce ne péchait apparemment que par les vers. Le style est en effet une partie bien essentielle... À ce que je peux comprendre, Monsieur, votre pièce était un chef-d'oeuvre ; qui peut donc l'avoir fait siffler ? Vous cesserez d'écrire, peut-être ? Vous n'y pensez pas, monsieur du Volcan ! Oui. Quelques situations romanesques que l'on trouve partout ; quelques portraits plaisans d'originaux qui n'existent pas ; des lieux communs de morale mis en rimes : voilà de quoi se faire la réputation d'un génie du premier ordre. C'est savoir se placer, que d'imaginer une ressource comme celle-là, et je conçois que ce genre amphibie peut devenir très plaisante. Je l'avais pris pour le plus sensé ; mais voilà bien le plus fou de tous nos poètes ! Cette femme qui vient à nous, et qui, si je ne me trompe, cache encore des prétentions sous cette physionomie prude ? De nos femmes beaux-esprits ? Elle lit ; apparemment elle étudie son livre ! Elle approche. J'admire, Madame, cette érudition imposante ; mais faites grâce à mes préjugés. Mon oreille, trop vulgaire sans doute, a quelque peine à se familiariser avec ce langage sublime, et vous-même, ne le trouvez-vous pas un peu déplacé dans une personne de votre sexe ? Et ses vers, sans doute, vous paraissent toujours les plus beaux du monde ? J'avoue que leur partage est de plaire ; que leur sentiment vif et délicat doit être consulté de préférence, peut-être, dans les ouvrages d'agrément ; que les Savants mêmes sont redevables à leur commerce, de ce vernis de politesse qui s'est répandu jusque sur eux. Mais permettez-moi de croire (ne fût-ce que parce qu'elles y perdraient) qu'elles ne sont pas nées pour ces sciences abstraites et sauvages, qui substitueraient à leurs grâces naturelles le ridicule qui résulte presque toujours des demi-connaissances. Un pédant, même en rabat, est, à mon avis, un étrange animal ; mais un pédant en cornettes confond toutes mes idées ! C'est un genre de ridicule si bizarre, qu'à peine je l'aurais cru possible. J'avoue que la décision est intéressante ; mais... Eh oui ! Voilà ce qui s'appelle du goût ! Mais pourquoi ne pas me prévenir aussi que Monsieur était financier ? Qui diable l'eût jamais deviné ! Je l'avouerai : sur le préjugé que les faveurs de la fortune sont ordinairement très gratuites, qu'elle est d'ailleurs presque toujours suivie de la flatterie qui la caresse, et de l'ignorance, fille du luxe et de l'oisiveté, j'envisageais ces messieurs en gros, comme des êtres nécessairement massifs, lourds, épais, n'existant qu'en estomac, ensevelis dans un volume de matière grotesquement taillée... Oh ! Voilà de l'épigramme, monsieur Lisidor ! Eh bien ! Je réformerai mes idées, et je conçois à présent que mon premier portrait n'était pas assez ridicule pour être ressemblant. Je ne m'attendais pas, je vous l'avoue, à ce personnage de sous-seigneur. Quel alliage ! Quelle métamorphose !... Mais quelqu'un vient. Vous me surprenez, Monsieur. Quoi ! Vous avez du regret d'être philosophe ? Passons à la seconde preuve. Et, sans doute, il vous l'a bien rendu? Vous seriez la preuve du contraire : mais pourquoi, Monsieur, avez-vous débité toutes ces gentillesses-là ? Et vous n'avez pas trouvé d'autres moyens ? Mais ne pouviez-vous pas travailler plus heureusement à découvrir des vérités neuves, qu'à soutenir ainsi des paradoxes bizarres ? J'entends. D'inspirer, peut-être, moins de curiosité, mais d'éviter le ridicule. Voilà des philosophes dont je n'aurais jamais imaginé l'espèce. Mais je crois apercevoir Lucinde. Ce ton sérieux va mal avec tant de charmes. Un caprice, une fausse apparence peut-être, a pu vous donner des soupçons contre votre amant. Rendez-vous justice, belle Lucinde, vos yeux ne permettent pas de le croire infidèle. Un médecin ! Je ne m'en serais pas douté. Monsieur est un élève d'Hippocrate ? On me l'avait peint comme un philosophe respectable, dont les moeurs étaient simples, et qui guérissait. Aux maladies de l'esprit ? C'est avoir fait du chemin : mais j'interromps l'histoire d'Hippocrate. C'est ce qu'il me semble. Effectivement, les malades de Monsieur, doivent mourir le plus gaiement du monde. Non, Monsieur, vous ne nous échapperez pas. Je suis bien aise de voir le dénouement de tout ceci. **** *creator_palissot *book_palissot_cercle *style_prose *genre_comedy *dist1_palissot_prose_comedy_cercle *dist2_palissot_prose_comedy *id_LUCINDE *date_1755 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lucinde Ah ! S'il est dans son tort, Madame ? Quel souvenir me rappelez-vous ! Monsieur... Depuis deux mois, elle me tourmente. Je dévore. Jamais. Mais, ne me dit rien... Je n'y ressens point de mal. Rien absolument. Comment ! Des vapeurs ! Eh ! Monsieur, je suis nourrie de tout cela. Le sommeil doré ? Il me semble que je repose fort bien. Météorisé ? Je ne vous entends pas. Ciel ! Où fuirai-je? ? En ma faveur, Monsieur ! Eh ! Qui vous dit que Madame en ait la moindre idée ? Et moi, Monsieur, dans la crainte de m'abaisser à vous faire des reproches... Madame ne m'obligera pas à souffrir plus longtemps votre humeur. Adieu, Monsieur, je vous laisse le champ fibre; je me retire. Le mépris ! Ah ciel ! Et fîtes-vous paraître, Monsieur, moins de gaîté, plus de trouble, plus de jalousie, pendant cet entretien avec Dorante ? Vous n'aimez donc point Cydalise, Lindor ? Vous avez donc beaucoup souffert, Lindor ? Eh bien ! Je souffrais aussi tandis que vous parliez à Cydalise, et j'avais les mêmes raisons que vous pour cacher mon trouble. Non, mais je sens que je devrais vous haïr. Je voulus me venger d'une épreuve que je ne méritais point, et que je prenais pour une perfidie. Ce n'était pas de vous que je devais apprendre à me faire une violence si cruelle. Une autre serait tentée dé jouir de votre confusion ; mais non, Lindor, je veux achever de vous rendre inexcusable, je vous pardonne. **** *creator_palissot *book_palissot_cercle *style_prose *genre_comedy *dist1_palissot_prose_comedy_cercle *dist2_palissot_prose_comedy *id_LINDOR *date_1755 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lindor Non, Madame, non ; c'est une perfidie qui n'a point d'exemple, et vous aurez beau me parler en sa faveur. Je ne doute pas, ingrate, du soin que vous aurez pris de prévenir ici tout le mondé contré moi; mais j'aurai du moins la consolation dé publier une inconstance qui vous.... déshonoré, oui, qui vous déshonore : le terme est fort, je l'avoue, mais il est placé. À me faire des reproches ! À moi ? À l'amant le plus tendre et le plus outragé ? Vous voyez, Madame, qu'elle ne peut supporter ma présence ; c'est un témoin qui l'accuse, et une confusion que je veux bien encore lui épargner. C'est vous, Lucinde, qui m'y forcez. Vous le voulez, Madame ? Eh bien, Lucinde, je ne vous reprocherai pas d'abord cette indolence de l'âme, cette froideur dont je me suis plaint mille fois. Je croyais, parce que vous me l'aviez dit, que vous ne m'en aimiez pas moins, et que cet air d'indifférence n'était en vous que l'effet du caractère. Je feignais de le croire du moins ; et quelquefois, je l'avoue, j'imaginais vous avoir trouvée plus sensible. Mais, après ce que j'ai vu, il ne m'est plus permis de douter de la vérité de cette indifférence. Que dis-je, indifférence ! On ne pousse pas le mépris plus loin. Oui, le mépris : ne dissimulez plus; jugez-en, Madame. Je rends, en sa présence, pendant un bal entier, les soins les plus décidés à Cydalise. Je me fais violence pour lui dire les choses les plus flatteuses et les plus tendres, de manière que Lucinde les entendît. J'étais bien aise d'éprouver enfin si ce coeur qu'on m'avait peint si naturel et si vrai, répondait en effet à tout l'amour dont je l'avais cru digne ; et l'insensible n'en perdit pas un moment de gaîté : pas le moindre trouble, pas l'ombre de la jalousie. Est-ce ainsi que l'on aime, Madame ? Je vous le demande, est-ce ainsi que l'on aime ? Mais j'ai découvert enfin d'où partait ce fond d'indifférence pour moi; et l'entretien secret qu'elle eut pendant le même bal avec Dorante, ne m'apprend que trop de quoi je dois me plaindre. Non, Mademoiselle, non. Je ne voulus point vous donner le triomphe de paraître affligé. C'était tout ce que vous désiriez, sans doute, pour jouir avec mon rival des coups que vous me portiez l'un et l'autre : mais il n'y a que moi qui sache ce que j'ai souffert. J'ai renfermé mon dépit au point de vous inquiéter peut-être, et j'ai pris, à mon tour, cet air de froideur que je vous avais tant de fois reproché. Moi ? L'aimer ! Je le voudrais, ingrate. Ma vengeance en serait plus complète : mais est-on le maître de disposer si facilement d'un coeur où vous avez régné ? Ah, Lucinde ! Je ne méritais pas un pareil traitement. Il n'y a que vous, dans le monde, capable d'une inconstance si prompte, si c'est une inconstance encore : car, vous ne m'avez jamais aimé, et vous n'avez que le choix de la légèreté ou de la coquetterie. Si j'ai souffert ? Cruelle ! Vous n'aimez donc pas Dorante, Lucinde ? Vous n'aimez point Dorante ?... Ah ! Belle Lucinde, comment pourrai-je expier mon injustice ? Adorable Lucinde ! Puis-je me justifier à mes propres yeux ? **** *creator_palissot *book_palissot_cercle *style_prose *genre_comedy *dist1_palissot_prose_comedy_cercle *dist2_palissot_prose_comedy *id_FRONTIN *date_1755 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_frontin Madame, les musiciens que vous avez mandés viennent d'arriver, avec une suite assez nombreuse, et sont là-bas à vous attendre.