**** *creator_palissot *book_palissot_ninus *style_verse *genre_tragedy *dist1_palissot_verse_tragedy_ninus *dist2_palissot_verse_tragedy *id_SARDANAPALE *date_1761 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_sardanapale Il est temps de rompre le silence... Madame. Un autre objet me retient dans ses fers.. Je vais , avec ma main, lui donner l'univers. Aux charmes d'Artazire un nouvel hyménée Va par des noeuds plus doux unir ma destinée. Ce séjour désormais doit vous être odieux ; Cet hymen, ces apprêts pourraient blesser vos yeux : Je veux vous épargner ce funeste spectacle ; À votre liberté je ne mets plus d'obstacle. Allez, loin de ces murs arrosés de vos pleurs, Sous un ciel plus propice oublier vos malheurs. Je m'attendais, Madame, à ces emportements, Dont l'audace indiscrète a duré trop longtemps ; Mais, libre désormais de choisir un asile, Vous trouverez à Sparte un destin plus tranquille. Allez, épargnez-vous d'inutiles regrets, Je ne vous retiens plus. Que l'on cherche Arbacès. Oui, je prétends le voir, et je veux que lui-même La dispose à fléchir sous mon ordre suprême. ; L'éclat de tant d'honneurs, qu'il n'eût osé prévoir, Va l'éblouir, sans doute, et charmer son espoir. Tu vois jusqu'où m'emporte une indigne tendresse, L'ascendant qu'une ingrate a pris sur ma faiblesse, Et qu'elle accroît encore en osant m'outrager : Reconnais-tu ce coeur si prompt à se venger, Ce coeur qui de l'amour a connu les délices, Mais qui devait toujours ignorer ses caprices ? Je commence à rougir de tant d'égarement : Son orgueil s'enhardit de mon aveuglement ; Mais elle doit enfin redouter son ouvrage. J'ai de ses fiers dédains trop dévoré l'outrage ; Il est temps qu'à son tour elle apprenne à gémir : Plus je me suis contraint, plus elle doit frémir. Écartons une crainte inutile. Demain, lorsque la nuit aura fait place au jour, Calciope à jamais doit quitter ce séjour. Loin de la redouter, je lui laisse la vie : Qu'elle ne m'offre plus sa présence ennemie. Mes yeux sont dès longtemps fatigués de ses pleurs : Qu'elle retourne à Sparte y porter ses malheurs ; Ses plaintes sur mon coeur n'ont plus rien à prétendre. Mais je vois Arbacès ; Arsame, va m'attendre. Oui, je veux près de moi vous fixer pour toujours : À votre ambition donnez un libre cours ; Croyez, à quelque rang que votre orgueil aspire, Qu'il deviendra le prix d'un regard d'Artazire. L'Assyrie en ce jour va recevoir ses lois, Et ma main sur son front met le bandeau des Rois. Ah ! C'est trop m'exposer à d'indignes refus. Pensez-vous m'éblouir par de fausses vertus ? Oubliez-vous enfin, quand votre orgueil me brave, Que j'ai pu dans la foule ignorer une esclave, Et que si je descends jusqu'à la couronner, Souverain absolu, j'ai le droit d'ordonner ? Je veux bien de ton zèle excuser la rudesse. Apprends qu'il faut des Rois ménager la faiblesse. Et ne m'oppose plus cet orgueil dangereux, Qui peut nuire à ta fille, et vous perdre tous deux. C'est à toi de choisir mes bienfaits ou ma haine : Artazire en ce jour doit être esclave ou reine : Si tu l'aimes, crois-moi, dis-lui que ma bonté Peut se lasser enfin de sa témérité. Avant que ce palais se referme à ma voix, Pesez vos intérêts pour la dernière fois, Madame ; de mes voeux on a dû vous instruire : Votre père à l'autel viendra-t-il vous conduire ? Acceptez-vous l'Empire ? Et puis-je me flatter Qu'un tel hommage au moins ait de quoi vous tenter ? Ce n'est plus sur l'amour que mon espoir se fonde ; Mais j'ai lieu de penser que le trône du monde, Offert à vos appas par la main d'un époux, Présente à votre orgueil un triomphe assez doux. Vous m'éclairez, Madame, et je crois vous entendre ; Jusqu'à vous à regret vous me voyez descendre : La paix que vous cherchez n'habite point ma Cour, Et la seule vertu mérite votre amour. Cessez de me braver : dites plutôt, cruelle, Dites qu'à mes bontés vous seriez moins rebelle, Si l'un de mes sujets, plus fortuné que moi, N'osait point à mes voeux disputer votre foi. Oui, je crois tout, Madame, Et tremblez du soupçon qui s'élève en mon âme. Il n'évitera point, ce rival abhorré, L'oeil jaloux d'un rival par sa haine éclairé. Vous me deviez, dit moins, épargner cette injure ; Il fallait de mon coeur ménager la blessure ; Ce coeur à vous punir n'est que trop excité ; Ne lassez point, Madame, un reste de bonté. Je pourrais mesurer la vengeance à l'outrage ; Redoutez des fureurs qui seraient votre ouvrage ; Si je n'écoute enfin que mon juste courroux, Si je suis sans pitié, n'en accusez que vous. Demeurez. Je ne suis plus surpris De l'imprudent orgueil qu'affectaient vos mépris. Tout est connu, Madame ; un téméraire, un traître, D'infidèles sujets s'arment contre leur maître. Je viens de pénétrer dans leurs complots obscurs : Arbacès est leur chef, il marche vers ces murs. Il ose s'emporter à cet excès d'outrage ; Qu'il tremble, mon courroux vous retient pour otage. Si je pouvais oublier son audace, Ce serait par vos mains qu'il obtiendrait sa grâce. Venez : la foudre encor pourrait se détourner ; Mais ce n'est qu'aux autels que je veux pardonner. C'en est trop, que son sang... Et quel est-il ? Qui ? Vous ! Toi ! Fils de Calciope ! Ciel ! Ciel ! Il est donc instruit ! Il connaît sa naissance ! Je le vois trop, ses yeux de larmes obscurcis... Toi, mon fils ? C'en est fait... à ta voix mon courroux doit s'éteindre : Embrassons-nous, mon fils, et cessons de nous craindre. Je rends grâce au destin qui prit soin de tes jours : Sur de vaines terreurs j'avais proscrit leur cours. Je sens que tôt ou tard la nature est vengée : Ne me reproche plus de l'avoir outragée. Va mériter les droits et le nom de mon fils, Va soumettre ou punir nos communs ennemis. Mon amour te répond du salut d'Artazire : C'est à toi de veiller à celui de l'Empire. Va, malheureux, ton sort est encor plus fatal. Que je suis satisfait ! Je connais mon rival. La nature entre nous n'a rien que de funeste ; Plus il paraît soumis, et plus je le déteste ; La pitié fut toujours étrangère à mon coeur : Qu'il m'a fallu souffrir pour cacher ma fureur ! Avant de l'immoler, je veux que son courage Remette en mon pouvoir un sujet qui m'outrage. Arbacès, si le sort se déclarait pour toi, Du moins à mes fureurs tu connaîtras ton Roi. Tu frémiras d'horreur au choix de la victime, Traître, je t'apprendrai comme on punit le crime. **** *creator_palissot *book_palissot_ninus *style_verse *genre_tragedy *dist1_palissot_verse_tragedy_ninus *dist2_palissot_verse_tragedy *id_CALCIOPE *date_1761 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_calciope Dieux, veillez sur ses jours, par mes soins conservés ! Dieux, que Sardanapale a trop long-temps bravés, Laissez-vous attendrir par les pleurs d'une mère ! Mon fils n'a point suivi les traces de son père. Cher et malheureux fils, l'amour que j'ai pour loi, Dans ce fatal palais me retient malgré moi ; C'est pour toi qu'en ces lieux, ignorée et captive, Je languis dans les fers du tyran de Ninive. J'ai caché tes destins sous le nom de Timur, Heureuse, si ce voile impénétrable et sûr, Qui d'un père inhumain trompa la barbarie, Aux dangers de ce jour dérobe encor ta vie ! Ô Ninus, si mes pleurs ont pu fléchir les Dieux, Quels soudains changements vont étonner tes yeux ! Pour te placer au trône où la vertu t'appelle, Le brave Paramis va signaler son zèle. La garde du palais obéit à ses lois, Et déjà se dispose à soutenir tes droits. C'est pour toi qu'Arbacès soulève la Médie ; Il croit venger sa fille indignement ravie. Tout semblera permis à son ressentiment : De mes desseins secrets il n'est que l'instrument. Il vient ; contre un barbare affermissons sa haine. Seigneur, voici l'instant de briser notre chaîne. Paramis vous promet un généreux appui : Le sang et l'amitié vous unissent à lui. Il l'ignorait, Seigneur. Le tyran d'Artazire indigne ravisseur, Prodigue les trésors des peuples ses victimes, Pour commettre sans crainte et pour voiler ses crimes. Moi-même, abandonnée à d'éternels chagrins, J'aurais de votre fille ignoré les destins ; Mais un danger commun produit la confiance ; Elle m'apprit son rang, votre nom, sa naissance. Dans quel climat désert, chez quel peuple inconnu, Le grand nom d'Arbacès n'est-il point parvenu ? Votre sang, vos exploits, soutiens de cet empire, Tout parle dans ces lieux en faveur d'Artazire : Vengez-la, vengez-vous. Pourquoi, Seigneur, pourquoi chercher à me connaître ? Dès long-temps arrachée aux lieux qui m'ont vu naître. Étrangère, captive en ce séjour d'effroi, Hélas ! Est-il un rang, est-il un nom pour moi ? Le salut de l'État sera ma récompense, Je l'attends de vous seul : mais il est temps, Seigneur, D'arracher votre fille aux mains du ravisseur. Aujourd'hui son épouse, et demain sa victime, Craignez même pour elle un lien légitime. Nul frein n'arrêterait ses coupables transports : Soupçonneux, violent et cruel sans remords, Il n'est point de forfaits que son coeur ne rassemble ; D'autant plus dangereux qu'il est lâche et qu'il tremble. Qu'il croit dans ses sujets voir autant d'ennemis, Que pour les opprimer tout lui semble permis : Tel est Sardanapale ; et ce monstre respire ! Et c'est lui que les dieux destinaient à l'Empire ! Prévenez leur justice en lui donnant la mort ; Quand vous l'aurez puni, vous connaîtrez mon sort. Qui peut vous arrêter ? Craignez la vigilance De tous ces délateurs vendus à sa puissance ; Craignez tous les périls attachés à vos pas ; Artazire, Seigneur, ne vous sauverait pas. Songez que tout délai peut devenir funeste, Et que mourir ou vaincre est l'espoir qui vous reste : Surtout, de Paramis assurez-vous l'appui ; Le destin de l'État, ne peut changer sans lui. Tyran, je te prépare un piège inévitable ; Le glaive est suspendu sur ta tête coupable. Ô Sparte ! Ô mon pays ! Mes yeux, mes tristes yeux Ne verront plus tes murs où régnaient mes aïeux ! Arrachée à tes bords dans la même journée Où s'allumaient pour moi les flambeaux d'hyménée, Réservée en ces lieux à de plus grands malheurs, J'ai d'un astre inflexible épuisé les rigueurs. Mais enfin, si j'en crois le transport qui me guide, Le jour est arrivé de punir un perfide. Quel doux pressentiment pour mon coeur outragé ! Tout opprobre finit alors qu'on est vengé. Sans doute avec mes voeux le ciel d'intelligence, Va s'armer... Pour la première fois, je me plais à t'entendre. Combien à ce bonheur j'étais loin de m'attendre ! Ta bouche me l'annonce, et mon coeur satisfait Reçoit à peine encor l'espoir d'un tel bienfait. Qui, toi ? De mes destins adoucir l'inclémence ! Va, tu peux te flatter de ma reconnaissance. Que ne puis-je oublier ce détestable jour, Où, livrée aux fureurs de ton indigne amour !... Ô ciel ! Qu'attendais-tu pour frapper ta victime ! Mon déplorable fils fut le fruit de ton crime , Et l'avantage affreux que lui donnait, le sort, Pour cet infortuné fut un arrêt de mort. Sourd à la voix du sang, au cri de la nature, Inhumain par faiblesse, un songe, un vain augure, Le rendit au berceau l'objet de ta terreur : Tu craignis que le Ciel n'eût fait naître un vengeur. Heureux, en expirant, que ta main meurtrière Lui dérobât l'horreur de connaître son père ! Tu vois couler mes larmes, Et tu peux en douter ! Seul espoir de ma vie, ô Timur, ô mon fils ! Ce nom cher à mon coeur m'est donc enfin permis ! La nature à tous deux vient de se faire entendre ; Je te vois pénétré d'un sentiment si tendre ; Mais laisse-moi, mon fils, dévorer mes douleurs ; Respecte mon silence, et commande à tes pleurs. Je m'éloigne à regret de ce séjour funeste ; Mon coeur doit obéir à des lois qu'il déteste ; Ton salut en dépend ; qui pourrait m'arrêter ? La nature est trop faible, il la faut surmonter- Le cruel au berceau voulut verser ton sang. Il eût pu t'élever à son rang, Tu pouvais être un jour la gloire de l'Asie. L'Assyrie. Ne crois, pas m'arracher mon secret ; Je vois couler tes pleurs, j'y résiste à regret. Je te l'ai déjà dit, ton désespoir m'afflige ; Mais je t'aime, il suffit, ton intérêt l'exige, Je me tairai, mon fils. Il n'est pas encor temps D'oser approfondir ces secrets importants. Quel que soit le désert qui me cache à l'Asie, L'espoir de te servir y soutiendra ma vie. De grands événements semblent se préparer ; Le Ciel fit tes malheurs, il les peut réparer : Mais renferme en ton coeur ce que tu viens d'apprendre ; Ton intérêt, le mien, ta vie en peut dépendre. Que l'amitié, surtout, te prête son secours : Tu sais que Paramis a pris soin de tes jours ; Il peut faire encor plus, il peut servir ta flamme ; Ose lui confier les secrets de ton âme. La fille d'Arbacès est digne de tes voeux, Et quelque espoir du moins est permis à tes feux. Tu sais ce que j'ai pu te dire. Un jour tous mes desseins te seront révélés : Le Ciel veut qu'à tes yeux ils soient encor voilés. Un rigoureux devoir me condamne au silence ; L'amour contre tes pleurs affermit ma constance : Cependant, si je puis dans cette affreuse Cour Prolonger quelque temps mon malheureux séjour, Ciel ! Que ne peut un fils sur le coeur de sa mère ! Je descendrai pour toi jusques à la prière, Oui, je te le promets. Je te cherchais, mon fils, et tu vois par mes pleurs Que je viens à regret t'annoncer des malheurs. Voici l'instant fatal où je sens ma faiblesse. Que n'ai-je point osé pour remplir ma promesse ! Mais de mes vains efforts que pouvais-je espérer ? C'en est fait, ô mon fils, il faut nous séparer ; Et tu dois bien sentir à mes tendres alarmes, À ces regards éteints et voilés de mes larmes, Tu dois juger, Timur , au trouble de mes sens, Que de grands intérêts, des motifs bien puissants, Imposent à mon coeur cet affreux sacrifice. Le destin le commande, il faut qu'il s'accomplisse : Mais ce sont des secrets que tu dois ignorer ; Tu frémirais d'horreur, tremble, d'y pénétrer. Je ne puis (quel supplice, hélas ! pour une mère !) Te déclarer ton rang, ni te nommer ton père : Tout doit m'en détourner. Ciel vengeur que j'atteste ! Non, ce secret te serait trop funeste. N'abuse point, mon fils, du trouble où tu me vois, Obéis-moi du moins pour la dernière fois. Ah ! Ce cruel effort, Timur, ce coup affreux va me donner la mort. Tes regrets dans mon coeur font gémir la nature, Je dois, pour te sauver, étouffer son murmure. Je te laisse, mon fils, au milieu des dangers, Au séjour d'un tyran, dans des bras étrangers. Que cette Cour, grands Dieux, ne lui soit point fatale ! Souviens-toi de ta mère... et crains Sardanapale. Dans son sang ? Toi, mon fils ! Je frémis de t'entendre. Ah ! Laisse à Paramis le soin de le répandre. Crois-moi, fuis le tyran, renonce à ton dessein : Non, ce n'est pas à toi de lui percer le sein. Ciel, quel nouveau malheur me gardait ta colère ! Que vas-tu faire, hélas ! Prends pitié des tourments que tu me fais souffrir, Mon fils ! Quel secret il lui faut dévoiler ! Mon fils !... Je ne puis lui parler. Je tremble pour tes jours ; tu connais sa furie. Timur... il est ton Roi. Ah ! Mon fils. Il est... Ciel ! Je frémis. Avec tant de vertus, il serait parricide ! Quel est donc ton dessein ? Mon fils... il est ton père. J'ai frémi du coup que tu veux lui porter / Au bord du précipice il fallait l'arrêter. Eh quoi ! Tu peux encor désirer de m'entendre ? Ah ! Laisse-moi, Ninus, dévorer, mes ennuis, Et te cacher ma honte et l'horreur où je suis ! Est-il bien vrai, grands Dieux ! Mes maux sont-ils finis ? Il s'est laissé fléchir par les pleurs de son fils ! Un changement si prompt n'a rien qui me rassure ; Le traître a trop longtemps outragé la nature. A-t-il pu la sentir, et passer en un jour Du crime à la vertu, de la haine à l'amour ? Aux regards de Ninus il a pu se contraindre ; Si c'est un artifice ; il en est plus à craindre. Mais ne puis-je goûter un instant de bonheur ? Les Dieux, les Dieux sans doute ont pu changer son coeur ; Aux larmes de mon fils tout doit être possible. Ah ! J'aurais plus d'espoir, si j'étais moins sensible. Pour comble de douleur, je crains les conjurés ; Ils vont porter sur lui leurs bras désespérés ; Ils ignorent, hélas ! le sang qu'ils vont répandre. Déjà, près de ces murs, leurs cris se font entendre. Dieux, écartez de lui leurs homicides bras, Veillez à sa défense, et conduisez ses pas ! Paramis ne vient point. Qu'est devenu son zèle ? Il devait du combat m'apporter la nouvelle. À déchirer mon coeur tout conspire aujourd'hui. Osons tenter du moins... Mais que vois-je ? C'est lui. Ah ! Paramis, l'effroi peint sur votre visage, Ne confirme que trop un douloureux présage ; Je vois dans vos regards les horreurs de mon sort ; Mon fils n'est plus ! Il vit ! Il ne vient point pour consoler sa mère ! Puis-je porter sans lui le poids de ma misère ? N'importe, expliquez-vous. Il immole Artazire ! Ah, grands Dieux ! u'ai-je appris ? Je ne reverrai plus mon déplorable fils. Sans doute il est instruit des fureurs de son père. Il suffit ; mes regards seront témoins du reste. Je ne survivrai point à ton malheur funeste, Ô mon fils ! Puisqu'enfin je n'ai pu te venger, Jalouse de ton sort , je veux le partager/ Triomphez ; Arbacès, votre fille respire. Vous devez à Timur le salut d'Artazire. Ah ! Croyez mes transports, Ou plutôt de Timur les généreux efforts. En proie à la douleur où se livrait son âme, Furieux, il s'élance au milieu de la flamme ; Un Dieu, sans doute, un Dieu lui prêtait son appui. Le bûcher se disperse et s'écroule sous lui. À travers les débris et la flamme expirante , Ce héros aperçoit son père et son amante ; Timur s'applaudissait d'avoir sauvé leurs jours, Quand le Roi s'en indigne ; et trompant son secours, D'une main que poussait une aveugle furie , Lève un poignard, s'en frappe, et retombe sans vie. Timur désespéré prend ce fer, et soudain Votre fille, Seigneur, l'arrache de sa main : Cependant mille cris dans les airs retentissent, En faveur de mon fils les voeux se réunissent ; Le peuple accourt en foule, et couronnant Timur, Le force de monter sur le trône d'Assur. Écartons, cher Ninus, Écartons à jamais ce souvenir funeste. Osons mieux de ce jour employer ce qui reste : Ce même jour vous place au rang de vos aïeux ; Faites-y respecter la justice et les Dieux : Régnez, et des vertus donnez à tous l'exemple. Vous, veillez sur sa vie ; Et vous, courez au temple, Et rendez grâce au Ciel qui, par de justes lois, Affermit sur le trône, ou renverse les Rois. **** *creator_palissot *book_palissot_ninus *style_verse *genre_tragedy *dist1_palissot_verse_tragedy_ninus *dist2_palissot_verse_tragedy *id_ARBACES *date_1761 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_arbaces S'il partage en effet l'affront de ma famille, Pourquoi m'a-t-il caché le malheur de ma fille ? Pourquoi, sans m'avertir ?... Que j'apprenne du moins, Madame, à qui je dois de si généreux soins, Ce conseil important, cet avis salutaire, Si cruel à la fois, et si doux pour un père ; À qui je dois enfin l'espoir de me venger Des fureurs du tyran qui prétend m'outrager. Ainsi de vous servir vous m'ôtez l'espérance ? Ciel, fais que le remords puisse entrer dans son coeur ! Seigneur, à vos genoux j'apporte ma douleur. L'espoir de mes vieux ans, le charme de ma vie, Artazire, eu un mot, ma fille m'est ravie. Ah ! Lorsqu'à Babylone on vint me l'arracher, J'ignorais qu'à Ninive il fallût la chercher. Ma fille en ce palais ! Que faut-il que j'espère ? Vous la rendrez sans doute aux larmes de son père ? Quoi ! Jusques-la, Seigneur , on vous verrait descendre ! Ce sont là les secrets que je devais entendre ! Nourri loin de la Cour, ce n'est point à mon sang De partager l'éclat de votre auguste rang. Artazire, Seigneur, je me plais à le croire, A dû vous rappeler le soin de votre gloire, Ne point ouvrir son coeur à des veux indiscrets, Et, par respect pour vous, refuser vos bienfaits, Voilà ce qu'à mon maître il faut que je réponde : Ce n'est qu'au sang des Rois à commander au monde. Vous pourriez vous permettre une injuste contrainte ! J'ignorais que l'amour dut inspirer la crainte. Seigneur, par vos genoux que je tiens embrassés, Par mes cheveux blanchis sous mes travaux passés, D'un guerrier suppliant écoutez la prière. Si mon bras de l'Ernpire étendit la frontière, Et si, toujours fidèle au devoir d'un soldat, J'ai prodigué mon sang pour vous et pour l'État, À mes bras paternels, aux voeux de ma famille, À ma juste douleur daignez rendre ma fille ; D'un père infortuné daignez remplir l'espoir. Tout empire périt par l'abus du pouvoir, Songez-y bien, Seigneur ; mes services, mon âge, Peuvent autoriser cet austère langage. C'est en les éclairant qu'on doit servir les Rois, Et tout l'État ici vous parle par ma voix. Va, crains plutôt, cruel, crains plutôt la tempête Qui bientôt par mes soins va fondre sur ta tête. Le moment est venu d'expier tes forfaits ; La vengeance et la mort assiègent ton palais. Le Ciel va sous tes pas entrouvrir un abîme ; Tyran, crains son courroux, il attend sa victime. Dieux, vous me la rendez, ma fille !... Et vous, mon fils ! Quoi ! Timur en ces lieux ? Quoi ! Tous deux réunis ? Le cruel ! De quel front a-t-il pu voir tes larmes ? Ma fille, sur mes soins tu peux te rassurer ; Si tu me vois ici, c'est pour te délivrer. Votre vertu, mon fils, a devancé votre âge : Moi-même, j'ai guidé votre jeune courage. Babylone, témoin de vos premiers travaux, Place déjà Timur au rang de ses héros. Oui, je dois voir en vous l'appui de ma famille ; Oui, vous serez mon fils, vous vengerez ma fille ; Venez. Vois ces lieux, tu ne peux en sortir : Des gardes, des soldats en défendent l'enceinte ; Mais Paramis nous sert, tu dois être sans crainte ; Mais j'ai su conserver d'intrépides amis, Contre tous les dangers dès longtemps affermis. Ils combattront pour toi ; j'attends tout de leur zèle ; Ils marchent vers Ninive où ma voix les appelle ; Ils sont près de ces murs, et le tyran s'endort : Que son fatal réveil soit l'instant de sa mort ! Tel est l'ordre du Ciel : ainsi de sa vengeance Il étonne les Rois frappés dans le silence. Ma fille, il faut rentrer dans ce fatal séjour ; Un plus long entretien trahirait ta vengeance : Renferme tes douleurs ; je vole à ta défense. Je l'ai vu, ce tyran, je l'ai vu sans effroi ; Quel est, sans la vertu, le vain titre de Roi ! Plongé, dans les langueurs d'une indigne mollesse, Son front mal assuré décelait sa faiblesse ; Fier de son déshonneur, fantôme couronné, D'alarmes, de soupçons toujours environné, Voilà donc, cher Timur, l'ennemi qui nous brave Je croyais voir un Roi, je n'ai vu qu'un esclave ; Et c'est à son pouvoir que les Dieux ont soumis Les peuples de Bélus et de Sémiramis ! Nous rampons devant lui, malheureux que nous sommes ! Ce monstre était-il fait pour régner sur des hommes ? Oui, mes braves soldats, Du sein de la Médie, ont marché sur mes pas ; Ils accourent en foule, et déjà leur courage N'attend que le signal pour voler au carnage. Sous un joug odieux indignés de fléchir, Tous ont juré de vaincre et de s'en affranchir. Amis, si parmi nous un conjuré timide, Effrayé du péril, ou, peut-être perfide, Par de justes soupçons pouvait nous alarmer, Quelques droits que sur nous il osât réclamer, Jurons tous de punir, d'immoler le parjure ; Jurons de nous venger par sa mort. Autant que je l'ai pu, fidèle au diadème, J'ai défendu ses droits, et ceux du tyran même ; Je respectais en lui le sang des demi-Dieux ; Ma fortune est un don de ses nobles aïeux, Et s'il avait un fils digne de sa naissance, Qui d'un règne plus doux nous permît l'espérance, Qui sur le bien public élevant sa grandeur, Dût rendre à nos destins leur antique splendeur, Ce bras qui s'est armé contre un Roi sanguinaire, Combattrait pour le fils en punissant le père. Qui ? Timur ? Ce cruel par qui ma fille expire ! Sans lui nous allions vaincre, et venger Artazire ; Oui, j'ai pu la soustraire aux cruautés du Roi ; Trop barbare Timur, elle eût vécu sans toi. Sans toi, sans tes fureurs, je serais encor père. Ah ! Servez mes transports, secondez ma colère : Comme moi, Paramis a promis de punir Celui des Conjurés, qui pourrait nous trahir. Vous connaissez le traître, en seriez-vous complice ? Si vous ne l'êtes point, ordonnez son supplice. Mais non, pour l'immoler il suffit de mon bras ; Que l'odieux Timur ne nous échappe pas. Eh quoi ! Vous frémissez au seul nom du coupable ? Quelle indigne terreur vous trouble et vous accable ! Je prétends pénétrer dans ce mystère obscur. Ah ! Parlez. Quoi ! Loin de ressentir une injure commune, Vous... Achevez. Timur, fils de ce monstre ? Ô trop affreux mystère ! Lui ! Le fils du Tyran qu'il promit d'immoler ? Dieux ! Et par quel prodige ? Dieux ! Je revois ma fille ! Ah ! Timur, ah ! Seigneur ! Je viens à vos genoux expier mon erreur. J'osais vous accuser de mon destin contraire, Quand ma fille à vos soins doit ce jour qui l'éclaire. Que sa main soit le prix d'une si noble ardeur ; Artazire appartient à son libérateur, Au vengeur, à l'appui de ma triste famille. L'amour met à vos pieds et le père et la fille. Le Trône où vous montez ne fut point mon objet : Reconnaissez en moi votre premier sujet. Des Peuples révoltés qu'excita mon outrage, Arbacès désarmé vous offre ici l'hommage. **** *creator_palissot *book_palissot_ninus *style_verse *genre_tragedy *dist1_palissot_verse_tragedy_ninus *dist2_palissot_verse_tragedy *id_ARTAZIRE *date_1761 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_artazire Que tu dois être heureux ! Que sa vertu m'est chère ! On eût dit qu'en secret un doux pressentiment Me faisait dans ta mère adorer mon amant. Mais toi-même, Timur, partage aussi ma joie : Mon père est en ces lieux, le Ciel me le renvoie ; Il daigne à ma faiblesse accorder cet appui. Sais-tu que le tyran ose compter sur lui ? Il ose se flatter de pouvoir le séduire ; Il pense que, frappé de l'éclat de l'Empirz, Mon père à ses desseins daignera consentir ; Par ses vaines grandeurs il croit nous éblouir. Que je hais, cher Timur, cette pompe importune ! Aurais-je pu sans toi porter mon infortune ? Hélas ! Quand je te vis pour la première fois, Quand Babylone en feu célébrait tes exploits, Lorsqu'imposant des lois aux Bactriens rebelles, Tu couronnais ton front de palmes immortelles, Quand mes yeux s'enivraient des feux de ton amour, Qui m'eût dit qu'en ces lieux nous nous verrions un jour ? Sans doute que les Dieux, touchés de mon injure, Voulaient me consoler par cet heureux augure. Lui ? Mon père ! Il voudrait t'effacer de mon coeur, Quand sa bouche autrefois approuva notre ardeur ? Non, tu ne le crois pas. Non, je lui fus trop chère, Pour douter... Mais on vient. C'est lui-même : ô mon père ! Je retrouve l'appui qu'implorait ma faiblesse ; Mais quand le Ciel plus doux vous rend à ma tendresse, Je frémis des périls que vous bravez, Seigneur. Ce palais m'est suspect ; le tyran, sa fureur, Ses détestables feux, tout me remplit d'alarmes. Sous des égards trompeurs couvrant sa trahison, Il me cache mes fers ; sa Cour est ma prison. Ébloui de l'éclat d'un rang qu'il déshonore, Il croit que mon orgueil en secret le dévore. À me quitter vous pourriez consentir ! Mon père ?... Seigneur, je rougirais pour vous et pour moi-même, Je croirais profaner l'honneur du diadème , Si j'osais accepter le don de votre foi, Et ce superbe rang, trop élevé pour moi. Si j'en crois Arbacès, tous ces titres sublimes N'exemptent pas toujours des remords et des crimes. Je respecte les Rois sans chercher leurs grandeurs ; La Cour la plus brillante a souvent ses douleurs : L'ambition sur moi n'aura donc point d'empire. Un bonheur sans orage est le trône où j'aspire ; Et si jamais mon coeur se laissait enflammer, Seigneur, c'est la vertu que je voudrais aimer. Quoi ! Vous pourriez penser ?... Cesse de me parler d'un feu que je déteste : Va, tyran, ton courroux me semble moins funeste. L'amour prit-il jamais les traits de la fureur ? Quel étrange moyen pour captiver un coeur ! Que ses transports jaloux m'ont causé d'épouvante ! Dérobez-lui, grands Dieux, le secret d'une amante, Prenez pitié du trouble où mes sens sont livrés, Et protégez des feux par vous-même inspirés ! Hélas ! Notre bonheur lui paraîtrait un crime, Je te perdrais, Timur, tu serais sa victime. Dieux, s'il faut que la mort nous sépare aujourd'hui, Accordez-moi du moins de mourir avant lui ! On vient... C'est mon amant, c'est Timur qui s'avance. Que j'ai souffert, Timur, pour un moment d'absence ! Le tyran... que mon coeur désirait ton retour ! Le barbare est venu me vanter son amour. Tu l'aurais vu passer de la plainte à l'audace, Mêler à ses soupirs l'injure et la menace. Je ne voyais que toi. Dans l'exil, dans les fers, Timur me tiendrait lieu de sceptre et d'univers. Avec quel froid mépris j'ai bravé sa colère ! Mon coeur s'applaudissait d'avoir pu lui déplaire. Mais n'as-tu rien appris sur ton sort, sur le mien ? Au nom de notre amour, ne me déguise rien, Parle : sur nos malheurs as-tu quelque espérance ? Les verrons-nous finir ? Mourrons-nous sans vengeance ? Quels sont donc ces malheurs que tu crains de connaître ? Eh quoi ! Dois-tu frémir aux yeux de ton amante ? Rassure-toi, Timur, ta douleur m'épouvante. Ingrat, je sens à peine, alors que je te vois, Le fardeau des malheurs appesanti sur moi. Va, le Ciel par tes mains doit venger nos outrages, Et nous rendre la paix du sein de ces orages. Quels que soient tes destins, je les veux partager ; Songe qu'en un moment tu peux les voir changer : Que dis-je ? Leur rigueur est déjà moins cruelle... Mais ta mère paraît, je te laisse avec elle. Tu veux me fuir, Timur ? Parle, sur tes destins n'as-tu rien découvert ? Poursuis. Eh ! Bien, sa cruauté va-t-elle être assouvie ? Veut-il trancher mes jours ? Qu'ai-je entendu, grands Dieux ? Ô destin plein d'horreur ! Est-il bien vrai, Timur ? Mais quels sont tes garants ? Ô trop fatal mystère ! Ranimez, Dieux puissants, mes esprits abattus. Toi, fils de ce barbare, avec tant de vertus ? : Mais pourquoi si longtemps te cacher ta naissance ? Et quel est ton dessein ? Un sentiment si doux dans, un coeur si cruel ! Tu n'adouciras point son affreux caractère. Altéré de ton sang, ce barbare... Tu ne peux le servir sans trahir notre amour. Eh bien ? Tu peux m'abandonner ! Tu trahis Arbacès, ses projets, ma vengeance : Tu connais ses desseins, il t'a cru généreux ; Tu trahis tes serments. Tu veux me voir, Timur, expirer à tes yeux. Malheureux ! À t'aimer penses-tu le contraindre ? Viens, pour mieux signaler un dévouement si rare, Viens me livrer toi-même aux fureurs du barbare ; Que tes yeux... Eh ! Quel droit avez-vous d'accuser des sujets Que le Ciel autorise à venger les forfaits ? Arbacès, qui pour vous a prodigué son zèle, Mérite peu ces noms de traître et de rebelle. Les Rois ont des devoirs imposés par les Dieux ; Respectez-les du moins, ou connaissez-les mieux. Songez... Qui, toi ! Lui pardonner ? Crains plutôt sa vengeance. Les Dieux, dont tes forfaits ont lassé la clémence, Te menacent enfin d'un éternel courroux. Tremble ; c'est aux tyrans de tomber sous leurs coups. Va, ton règne est passé ; redoute leur justice, Redoute les enfers armés pour ton supplice. Je vois sans m'effrayer les horreurs de mon sort ; Je n'attends plus de toi que des fers et la mort. Je ne m'abaisse point à fléchir ta colère : Prononce mon arrêt ; mais crains encor mon père. **** *creator_palissot *book_palissot_ninus *style_verse *genre_tragedy *dist1_palissot_verse_tragedy_ninus *dist2_palissot_verse_tragedy *id_PARAMIS *date_1761 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_paramis Où va-t-il s'engager ? Les noeuds secrets du sang n'ont-ils rien qui l'arrête ? Vous qui d'un Roi barbare avez proscrit la tête, Guerriers, qui sous ses lois traîniez des jours obscurs , On peut nous observer, environnez ces murs. Arbacès, vous voyez si ce coeur est fidèle , Si je sais d'un ami partager la querelle. Nos vengeurs sont-ils prêts ? Amis, cet heureux jour, si le sort vous seconde, Va remettre en vos mains cet empire et le monde. Du hasard d'un combat votre destin dépend ; Découverts, ou vaincus, l'échafaud vous attend : À la postérité vous servirez d'exemples. Bélus, qui parmi nous a mérité des temples. Placé par la victoire au rang des plus grands Rois, Eût, par un seul revers, vu flétrir ses exploits. D'un destin si douteux la formidable image Peut d'un guerrier vulgaire ébranler le courage : Un grand coeur prévoit tout ; et l'aspect du danger, Loin d'arrêter son bras, sert à l'encourager. Il voit d'un oeil serein la mort qui l'environne : Le héros s'enhardit où le faible s'étonne. Eh ! Que pourriez-vous craindre ? Un Roi voluptueux, De faiblesse et d'orgueil mélange monstrueux ? Ciel, si tu disposais de la grandeur suprême, Verrait-on des tyrans souiller le diadème, La vertu loin des Cours exilée à jamais, Et toujours le pouvoir du côté des forfaits ? Nous savons à quel point Timur chérit la gloire ; Mais je dois vous guider, mon fils. C'est dans ces lieux Qu'animé par ma voix, combattant sous mes yeux, Vous devez nous prêter un appui salutaire ; Et si jusqu'à ce jour je vous servis de père, Souffrez que l'amitié vous impose une loi. A la garde du trône attaché près de moi, Et sur mes seuls avis réglant votre courage, Vous attendrez mon ordre au moment du carnage. Timur, à vos serments nous nous unissons tous. Il suffit. Vous, rentrez ; songez que votre foi Vous interdit l'espoir de rien tenter sans moi. Et vous, hors de ces murs témoins de votre outrage, Allez de vos guerriers enflammer le courage. Par les noeuds des serments enchaînés tous les coeurs. Vous, suivez votre chef, et revenez vainqueurs. Où s'engageait Ninus ? Ô devoir !... Ô nature ! Hélas ! Jamais son coeur n'a senti ton murmure. Roi perfide et cruel, tu n'entends pas ses cris : Ce tendre sentiment n'est pas fait pour ton fils. J'ai conservé ses jours, j'ai trompé ta colère : Méritait-il, hélas ! un si coupable père ? Ne laissez pas, grands Dieux, votre ouvrage imparfait ; Vengez Ninus et vous, sans permettre un forfait. Daignez de mes desseins seconder la justice ; Mais ne le forcez pas d'en devenir complice. Il vit ; mais il cherche la mort. Arbacès est vainqueur ; Il marche vers ces murs sans prévoir son malheur. Votre fils dans les rangs s'est ouvert un passage ; J'ai frémi des périls que bravait son courage : Des soldats, énervés dans les bras du repos, Conduits par sa valeur, se changeaient en héros, Et, quoique mal formés au grand art, de la guerre, Semblaient des conquérans prêts à dompter la terre. Je l'ai vu, l'oeil en feu, seul, entouré de morts, Se faire en combattant un rempart de leurs corps, Et trois fois Arbacès entraîné par sa suite, S'est vu prêt à chercher son salut dans la fuite : Mais contre, un camp nombreux, que pouvait la valeur ? Que pouvait un héros et des bras sans vigueur ? Les pâles habitans d'une ville alarmée ? Que pouvait votre fils, lui seul contre une armée ? De glaives menaçans son père environné, De tous ses défenseurs se voit abandonné : Pressé de toutes parts , et privé d'espérance, Il veut en expirant signaler sa vengeance ; Il veut par son trépas couronner ses forfaits. Il est un édifice écarté du palais ; Là sont tous ces trésors :, ces tributs que l'Asie Rend avec l'univers à la Cour d'Assyrie, Aux besoins de l'Etat consacrés par nos lois,. Trop souvent prodigués au vain luxe des Rois. Là, fuyant tous les yeux, le tyran se retire, Et la flamme à la main, seul avec Artazire, Lui-même sans frémir allume un feu vengeur, Sur ce fatal bûcher l'entraîne avec fureur ; Et craignant de tomber sous les coups d'un rebelle, Croit se venger du moins en mourant avec elle. On n'a pu lui cacher ce funeste mystère. À l'affreuse lueur de cet embrasement , Pâle d'effroi, troublé d'un noir pressentiment, Il accourt, il frémit. Ô spectacle terrible Pour les regards d'un fils, d'un amant trop sensible ! Il voit encor ces murs, il veut s'en approcher, Et déjà ce palais est un vaste bûcher. J'arrive, je le suis, il me voit, il m'évite. Dans la flamme aussitôt vole et se précipite ; En vain j'appelle encor ce prince furieux ; Un nuage confus le dérobe à mes yeux. Quel est donc son dessein ? Que prétend-elle faire ? Ô Dieux ! Voulez-vous perdre et le fils et la mère ? Je crains son désespoir. Ah ! Père malheureux ! Artazire... Timur !... Qu'avons-nous fait tous deux ? Arbacès !... N'accusez point Timur. Quand vous connaîtrez toute son infortune, Quand ses destins affreux vous seront éclaircis, Lorsque vous apprendrez de qui Timur est fils, Dans quel sang... Le tyran fut son père. Ce terrible secret vient de se révéler. Oui, Peuple, vous voyez l'héritier de l'Empire ; Ce guerrier généreux, protecteur d'Artazire, Ce héros par vos mains aujourd'hui couronné, C'est Ninus par son père à périr condamné : C'est moi qui le sauvai, moi dont la vigilance Aux fureurs du tyran déroba son enfance. **** *creator_palissot *book_palissot_ninus *style_verse *genre_tragedy *dist1_palissot_verse_tragedy_ninus *dist2_palissot_verse_tragedy *id_ARSAME *date_1761 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_arsame Et pensez-vous, Seigneur, qu'avec un front tranquille, Calciope...