**** *creator_pellegrin *book_pellegrin_tibere *style_verse *genre_tragedy *dist1_pellegrin_verse_tragedy_tibere *dist2_pellegrin_verse_tragedy *id_AGRIPPA *date_1726 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_agrippa Quoi ! Je ne puis encore assurer de mon zèle Un père, dont la voix en ces lieux me rappelle ? Eh ! Le puis-je, Maxime, au moment que je vois Qu'on met une barrière entre mon père et moi ? Le trône qui m'attend, n'y peut souffrir de maître. Le seul Auguste l'est, si quelqu'un le doit être. Je ne connais que lui, qui balance en ces lieux, Un pouvoir, et des droits, que j'ai reçu des Dieux. Tibère ? Ah ! Sans courroux je ne saurais penser, Qu'entre Tibère et moi, l'on puisse balancer. Quoi ! Ma place, par lui me serait disputée ? Le perfide ! Ainsi donc doublement mon rival, Je le trouve partout cet ennemi fatal ! C'est peu d'avoir osé répudier ma mère, Et de m'avoir ravi l'amitié de mon père, J'apprends..... (Le souffrirai-je encor sans l'en punir ?) Que du coeur d'Émilie il cherche à me bannir. Je pourrais obtenir l'adorable Émilie ? Ah ! Maxime, Émilie est mon unique bien. Si je ne l'obtiens pas, le reste ne m'est rien. Mais puisqu'il n'est pas temps encore de voir mon père, Allons, du moins chercher cette beauté si chére. Près de Livie ! Ô Ciel ! Je crains son changement. En faveur d'un rival, sans doute qu'on la presse. On lui fait oublier ses serments, ma tendresse. Mais la voici. Oui, Madame, c'est moi, Qui vient à vos genoux terminer une vie, Qui pourrait mettre obstacle aux desseins de Livie. Ah ! Cet ordre fatal Ne m'annonce que trop le bonheur d'un rival. Ciel ! Ne m'as-tu tiré de mon île déserte, Que pour me faire voir son triomphe, et ma perte ? Ah ! Madame... Pour dissiper l'effroi, dont votre âme est frappée, Je n'attends que l'aveu d'Auguste et de Pompée ; L'un sans l'autre, pour moi n'est qu'un bien superflu : Que je sache au plus tôt ce qu'ils ont résolu. Que l'un vous donne à moi, que l'autre vous couronne, Qu'après cela Livie, et que Tibère tonne, Je défendrai mes droits contre tout l'Univers. Mais que je règne, ou non, je meurs, si je vous perds. Tombent, tombent sur moi les plus cruels malheurs ; Tout mon sang est déjà trop payé par vos pleurs. Eh ! Que ne dois-je point à Livie, à Tibère ? Ils me valent tous deux cette douleur si chére ; La gloire de mourir, sûr d'être aimé de vous, De tous les immortels me ferait des jaloux. Si le Ciel à la terre enlève un si grand homme, Je ne me flatte pas d'en dédommager Rome, Seigneur ; mais je réponds du bonheur de ces lieux, Si Pompée a pour moi toujours les mêmes yeux. Au sortir de l'exil, j'obtiendrais Emilie ! C'est un de ces bienfaits, que jamais on n'oublie. Je fus toujours l'objet d'un injuste courroux : Mais si le Ciel, sur moi jette un regard plus doux, Je jure... Seigneur, quelle matière à de nouveaux regrets, Si mon fier concurrent, sur vous règne jamais ! Ah ! Je tremble pour Rome au seul nom de Tibère, Auguste est mon aïeul ; mais Livie est sa mère. Ces sceptres, à mon tour, je sais les dédaigner. Ce n'est que sur les coeurs que j'aspire à régner, Seigneur ; et ce n'est point la soif du rang suprême, Qui m'y fait aspirer : c'est vous, c'est Rome même ; C'est pour nous arracher à de trop dures lois, Qu'auprès de l'Empereur j'emprunte votre voix. Nos ennemis communs triomphent par leurs crimes ; Mes frères ont été leurs premières victimes, Et Livie et son fils ont, par de noirs complots, Moissonné notre espoir fondé sur ces héros. Rome entière, avec moi du moins, les en accuse, Ce que n'a pu la force, ils l'ont fait par la ruse. Que n'oseront-ils pas, quand la force à la main, Ils régleront le sort de l'Empire Romain. C'est à vous d'y pourvoir, le danger vous regarde ; Ce n'est qu'un sang proscrit qu'aujourd'hui je hasarde, Et quand de longs malheurs ont dompté notre orgueil, Nous passons sans regret de l'exil au cercueil. Je vous laisse, Consul. Savez-vous le bonheur qu'on vient de m'annoncer ? Le trône m'appartient, je puis vous y placer, Après tant de revers, le destin me seconde, Madame, il vous appelle à l'Empire du monde. Vous soupirez ? Je vois couler vos pleurs ? De grâce, apprenez-moi d'où naissent vos douleurs. Un amant empressé vous offre une couronne, Parlez, haïriez-vous la main qui vous la donne ? Ah ! Si vous l'attendiez de Tibère !... Et quels coups ? Quoi donc ? De vos malheurs vous n'osez m'informer ? L'amour ! Ah ! Si nos coeurs brûlent des mêmes feux, Peut-il nous accabler, quand il nous rend heureux ? De grâce, éclaircissez un si cruel mystère, Madame ; car enfin, si j'en crois votre père, Je règne ; et mon bonheur ne dépend que de moi. Qui peut donc exciter le trouble, où je vous vois ? Poursuivez. Ah ! C'est trop me cacher l'arrêt de mon destin. Je règne. Vous m'aimez. Que puis-je craindre, enfin ? Au nom de notre amour, parlez. Quoi ! C'est donc un tyran, en moi que vous craignez, Trop injustes Romains ? Plus injuste Pompée ? Ô ! Combien, de mes soins l'espérance est trompée ! Ils s'alarment déjà de me voir rappelé, Ces ingrats, pour qui seuls je me vis exilé ! Non, Rome emprunte en vain la voix de votre père. Je ne puis consentir de céder à Tibère Des droits, que mes aïeux m'ont transmis en naissant, Et qu'usurpe un rival, qui n'est que trop puissant. N'en doutez point, Madame, il prétend à l'Empire. Tout le camp, avec lui, contre moi seul conspire. Le soldat en ces lieux accourt de toutes parts, Et l'on voit dans les airs flotter mille étendards. Le sort où l'on m'appelle, est encore en balance. Je crains quelque surprise, ou quelque violence. Quoiqu'il arrive, enfin, il me faut commencer Par m'emparer du trône, et par vous y placer. Mon honneur m'est trop cher ; croit-on que je l'oublie ? Eh ! C'est ce même amour, Madame, qui m'engage À vous faire du trône un glorieux partage ; Si j'ai brûlé de voir cent Rois humiliés, C'est pour mettre avec moi leurs sceptres à vos pieds. Ce triomphe éclatant, c'est à vous qu'on l'envie ; Et je pourrai souffrir que l'on vous sacrifie ? Qu'on vous détrône ; non je n'y souscrirai pas. Gloire, amour, tout m'excite à marcher sur vos pas. Abandonné, proscrit, jouet de la fortune, Je traînais dans l'exil une vie importune, Tandis que mon rival, de flatteurs entouré, Entre le trône et lui, ne voyait qu'un degré : Et malgré tous ses soins, malgré ceux de Livie, Je triomphais de lui dans le coeur d'Emilie. Un trône glorieux n'a pas un seul moment Balancé dans ce coeur un malheureux amant. À cet effort si noble il faut que je réponde, Vous deviendrez par moi la Maîtresse du monde, L'Empire est votre bien, je ne puis le céder. Pour vous plus que pour moi je prétends le garder, Le dessein en est pris ; mais Tibère s'avance. Je ne puis, sans frémir, soutenir sa présence. Suis-je assuré du coeur ; en recevant l'hommage, Tibère ? À mes soupçons permettez ce langage. Auguste mon aïeul, me place dans un rang, Que vous me disputiez. Tout doit m'être suspect dans un fils de Livie. Ce sang, ce même sang qui vous est si sacré, Songez par quel divorce il fut déshonoré. Mais que dois-je penser, De voir vos légions sourdement s'avancer ? Quel peut être en ces lieux l'intérêt qui les guide ? Le Sénat est content ; il m'accorde sa voix. Je vais, sur tous les coeurs régner sans violence. Mais je veux mieux juger de ce trait de prudence. Et sans approfondir quel est votre dessein, Ignorer quel motif l'a mis dans votre sein. Je vais de ses bontés rendre grâce à mon père. Vous, Madame, voyez Pompée... Et vous Tibère, Pour vous justifier, prenez soin qu'en ces lieux Je ne rencontre rien, qui blesse encore mes yeux. Que les Prétoriens, en me voyant paraître ; Signalent leurs respect pour le fils de leur maître ; Que l'avenir enfin, démente le passé, Soyez sujet fidèle ; et tout est effacé. Vous pleurez ! Ô sort digne d'envie ! Ces pleurs que vous versez, ce jour, ce sort heureux, Je dois tout au secours d'un rival généreux. Ma mort était jurée ; Sans votre fils, Madame, elle était assurée. J'ignore d'où partait ce projet plein d'horreur. Mais d'indignes Soldats une troupe cruelle, M'allait précipiter dans la nuit éternelle ; Je n'esperais plus rien d'un bras trop affaibli. Pardonnez une erreur, qu'il faut mettre en oubli, J'imputais tout, Madame, à Livie, à Tibère ; Et j'accusais le fils encor plus que la mère. Oui, prêt de succomber sous de perfides coups, Mes soupçons sur vous deux se réunissaient tous Que d'un coeur prévenu l'injustice est extrême ! On vient me seconder. C'est Tibère lui-même ; Et les Dieux protecteurs arment pour mon secours, Le bras que j'accusais d'attenter sur mes jours. Mais le voici. Venez ; embrassons-nous, Tibère, Et que notre amitié pour jamais soit sincère. Pardonnez, si j'ai pu me défier de vous. Du rang qui m'attendait, je vous croyais jaloux. Moi, que je sois jamais ingrat envers Tibère ? Quelles victimes ! Non ; l'une est chère à mon coeur ; Et l'autre trouve en vous un trop fort défenseur. Je dois tout oublier. C'est en vain que Livie Se déclare à mes yeux ma mortelle ennemie. Je ne vois qu'un ami, qui ma sauvé le jour, Qu'un rival, qui pour moi, renonce à son amour. Que cet aveu me charme ! Il efface l'affront, Qu'un divorce apparent avait mis sur mon front. Je n'ai donc plus à craindre un rival dans Tibère ; Je puis le regarder comme époux de ma mère. Quel bonheur est le mien ! Sauvé par votre bras, Prince, je l'avouerai, je ne concevais pas Qu'un coeur, fût-il cent fois plus généreux encore, Pût jamais renoncer à l'objet qu'il adore. Ô perte, que les Dieux ne sauraient réparer ! Auguste, sur la terre est leur vivante image ; Ils vont nous enlever leur plus parfait ouvrage : Allons au moins, jouir de ses derniers adieux. C'est à moi de lui fermer les yeux. Allons, de ce grand homme embrasser ce qui reste. Je saurai la confondre. Allons, suivez mes pas. Est-ce à des Empereurs à craindre des soldats ? Il est temps qu'à leurs yeux je me fasse connaître. Vous verrez les plus fiers trembler devant leur maître. Enfin l'honneur m'appelle, et quel que soit mon sort, Je cours... C'est trop livrer votre âme à d'injustes frayeurs, Madame, pour mes jours soyez moins alarmée : Vous ! Tibère, dans Nole introduisez l'armée, Et que dans leur devoir les mutins contenus, Attendent sur leur sort mes ordres absolus. Oui, si ces insolents, dont vous craignez l'audace, Ne viennent au plutôt me demander leur grâce, Je n'écoute plus rien ; et de leur trahison, Dans leur perfide sang, je me ferai raison. Je le suis par vos soins ; je veux les reconnaître. J'ignore l'art flatteur d'un discours médité ; Toute mon éloquence est ma sincérité. Ainsi j'aurais, Tibère, un reproche à me faire, Si mon coeur plus longtemps s'obstinait à se taire. Sachez donc mon secret, et comptez sur ma foi ; Vous êtes en ces lieux aussi maître que moi. Non ; pour la liberté Rome entière soupire. Unissez-vous à moi, pour briser ses liens ; Et qu'elle ait deux Césars pour premiers citoyens. Je dois ce sacrifice à Rome, à votre père, À vous-même, Madame, et surtout à Tibère. Il me cède l'Empire, il m'a sauvé le jour, Je dois à tant de soins ce généreux retour. Le trône étant un bien qu'aucun ne me dispute, J'y monte, et j'en descends, sans craindre qu'on l'impute Au désir de goûter un indigne repos, La gloire qui toujours doit guider les héros, Ne saurait condamner ce que le Ciel m'inspire ; Auguste après Sylla voulut quitter l'Empire, Tous deux par des motifs peut-être différents, Puis-je me proposer des exemples plus grands ? **** *creator_pellegrin *book_pellegrin_tibere *style_verse *genre_tragedy *dist1_pellegrin_verse_tragedy_tibere *dist2_pellegrin_verse_tragedy *id_LIVIE *date_1726 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_livie Je m'en flatte, du moins, et connais trop mon fils, Pour douter des respects, que je m'en suis promis. Comme il me devra tout, j'ai lieu d'en tout attendre. Mais lorsque chez les morts Auguste va descendre, Son trône, pour Tibère est-il bien assuré? Pour y monter, Faustine, il n'a plus qu'un degré : Les Dieux du monde entier vont le déclarer maître ; Mais à ce dernier pas ils l'attendent, peut-être : Un moment peut le perdre, et dans ce grand danger, Pour mon fils et pour moi, rien n'est à négliger. Je fis naître autrefois ses feux pour Émilie : Je veux qu'un noeud sacré l'un à l'autre les lie, Je l'ai mandée exprès, et l'attends en ces lieux, Pour détruire par elle un complot odieux. Tu sais que de Pompée elle tient la naissance : Ce Consul, sur les coeurs n'a que trop de puissance. Son nom fut redoutable au premier des Césars; Et les Romains vers lui tournent tous leurs regards. Rome ne fait des voeux que pour sa liberté, Tandis que je n'en fais que pour son esclavage. Qu'il est flatteur de voir que tout nous rende hommage ! De pouvoir sous nos lois ranger tous les humains ! Et pour dire encor plus, d'enchaîner les Romains ! Car, si nous en croyons l'ambitieuse Rome, Un Romain, quel qu'il soit, est au-dessus de l'homme. Cependant ce pouvoir, qui rend mon sort si beau, Peut-être, avec César, va descendre au tombeau. Dieux ! Plutôt avec moi mettez mon trône en poudre. Je ne veux en tomber que par un coup de foudre. Auguste mort, il reste un Prince de son sang : Agrippa vers le trône à grands pas s'achemine. Oui, Faustine; Je le crains. Mais apprends d'où naît ce juste effroi. Un important secret est venu jusqu'à moi. De-là cette frayeur, dont mon âme est saisie. Auguste, à mon insu, conduit dans Planasie, A vu cet Agrippa, par lui-même exilé, Et qui, par lui, sans doute, est déjà rappelé. J'ai su, pour redoubler mes mortelles alarmes, Que d'une, et d'autre part on vit couler des larmes. Maxime était présent, un amour indiscret Lui fit, à Martia révéler son secret. Je ne te dirai point, par quel trait de prudence, J'ai pu me faire jour dans cette confidence: Martia le trahit. Juge de mon courroux. Pour les rendre plus sûrs, je suspendis mes coups. J'ai trop tardé peut-être ; et j'apprends que Maxime, Près d'Auguste mourant veut consommer son crime. Par ce traître, Pompée en secret introduit, Jusqu'au lit de César bientôt sera conduit. On cache ce projet sous un profond silence ; Mais croit-on en ces lieux tromper ma vigilance ? Auguste jusques-là peut-il me dédaigner ? Qu'un moment, sans Livie, il prétende régner ? Et ce qu'il n'a point fait, depuis que l'hyménée Sur le trône, à mon sort unit sa destinée, L'entreprend-il enfin, dans ses derniers instants, Pour détruire en un jour l'ouvrage de trente ans ? Qu'il ne s'en flatte pas. Je suis toujours la même. Tous les voeux de mon coeur sont pour le rang suprême : Et ce fut, pour remplir de si superbes voeux, Que d'un premier hymen je rompis les saints noeuds. Néron y consentit : et moins époux que père, Il céda sa Livie en faveur de Tibère. Cependant ce Tibère a-t-il assez d'ardeur ? Regarde-t-il son sort dans toute sa splendeur ? Absent, mais trop instruit de tout ce qui se passe, Il sait par mes courriers quel péril nous menace. Qui lui fait différer son retour ? Et pourquoi Semble-t-il, pour régner, moins empressé que moi ? Lui, qui plein du beau feu, que la gloire m'inspire, Après Auguste, et moi, doit jouir de l'Empire, N'a-t-il pas dû courir au devant du danger, Où son retardement pourrait nous engager ? Mais on vient. C'est mon fils ! Eh ! Pourquoi, d'un seul jour, que dis-je ? d'un moment, Différer de répondre mon empressement ? Auguste ne voit plus qu'un reste de lumière. Sa mort doit à tes pieds mettre la terre entière. Tu le sais; cependant rien ne hâte tes pas. Il s'agit de régner, et tu ne voles pas. Qu'entends-je ? Et depuis quand parles-tu ce langage ? L'Empire après César, n'est-il pas ton partage ? As-tu, pour un rival, cueilli tant de lauriers ? Jouira-t-il du fruit de tes travaux guerriers ? Songes que ce grand jour met le comble à ta gloire. Auguste meurt ; voici ta dernière victoire. Tu peux, sans parcourir tant de climats divers, Sans sortir de ces lieux, conquérir l'Univers; De triomphes pour toi, quelle source féconde ! Rome va t'obéir, Rome commande au monde. Cette Rome, mon fils, qui fait trembler les Rois, Tremblante à tes genoux, va recevoir tes lois. Que crains-tu ? Commence par régner; je réponds de ta gloire. Des héros dont tu sors, perds-tu donc la mémoire ? Ô trop indigne coeur! à quels mortels affronts Condamnes-tu le sang des Drusus, des Nérons? Si celui d'Agrippa prend sa source dans Jules, Celui des Claudiens monte jusqu'à Romule. Apprends que par ton père aussi bien que par moi, Le plus pur sang de Rome a coulé jusqu'à toi. D'un sang si glorieux, fais un plus digne usage. Remplis mieux la carrière, où le devoir t'engage. Pour t'y mieux exciter, jette, un moment les yeux Sur les nombreux exploits de tes nobles aïeux. Vois leurs grands noms voler de l'un à l'autre pôle. Vois leur char triomphal monter au Capitole. À suivre leur exemple, apporte tous tes soins ; Ou, si c'est trop, mon fils, imite-moi du moins. Que j'aime ce dépit que tu me fais paraître? Mais pour mieux punir Rome, il faut t'en rendre maître. Est-il un sort plus beau? Ta gloire ! Ah ! Souviens-toi combien le rang suprême A fait verser de sang à Livie, à toi-même. J'ai commencé l'ouvrage ; et je cours l'achever. Au trône, malgré toi, je prétends t'élever. Dussai-je m'immoler de nouvelles victimes, Non, je ne perdrai point le fruit de tant de crimes. Consul, à ses dépens Rome a trop su connaître, Quels maux traîne après soi le changement de maître. Un joug encore nouveau tient lieu de liberté, Et ne se fait sentir que lorsqu'il est porté. Au retour d'Agrippa les Peuples applaudissent, De voeux offerts pour lui les Temples retentissent. Qu'on tremble cependant qu'il ne venge l'affront, Dont un trop juste exil, a fait rougir son front. C'est à vous, des Romains, et le guide et le père ; À tourner tous leurs voeux du côté de Tibère. Émilie aujourd'hui digne objet de mon choix, Pour accepter sa main, n'attends que votre voix. Dites un mot, Consul ; ce mot seul peut suffire, Pour voir associer votre sang à l'Empire. Je sais qu'il vous attend, et le traître Maxime A voulu vainement me dérober son crime. Rien n'échappe à mes yeux ; je sais que l'Empereu Par vous d'un coup fatal prétend frapper mon coeur. Agrippa doit régner ; et ce qui plus m'irrite, On veut mettre à ses pieds mon fils qu'on déshérite. Mais plutôt qu'un rival s'empare de son rang, Du dernier des Romains, je répandrai le sang. Rome ne verra point, à Tibère, à Livie, La grandeur souveraine impunément ravie : Mais parlez. Ce Sénat, jusqu'ici tant vanté, Et qui, s'il faut l'en croire, est si plein d'équité, Pensez-vous qu'il accepte Agrippa pour son maître ? Ce Sénat ; malgré vous, se souviendra peut-être, Que ses justes décrets l'ont proscrit autrefois, Et qu'il fut, par César dépouillé de ses droits. Sur son exemple même on pourrait s'égarer, Consul, et le chemin où vous voulez entrer, Sous un dehors flatteur, couvre plus d'un abîme, Si mon fils doit tomber, sa chute est votre crime. J'ai trop vu que César se confiait en vous ; Mais ai-je pu prévoir de si perfides coups ? Vous vous êtes servi contre sa propre gloire, Du facile penchant, qu'il avait à vous croire. Vous avez attendu pour cette trahison, Que son trépas prochain affaiblît sa raison. Moins ardent pour l'État, que pour votre famille, Vous vouliez, à l'Empire élever votre fille, Où plutôt retenant vos dons entre vos mains, Sous le nom d'Agrippa, régner sur les Romains. Non, ce Ciel attesté n'a rien qui me rassure ; Et c'est peu pour régner qu'il en coûte un parjure ; Mais c'est trop perdre un temps que je dois ménager. Que fais-je ? Je me plains, quand il faut me venger. Consul, songez à vous : détournez la tempête, Qui prête à vous frapper, gronde sur votre tête. Pour quelque temps encore le coup est suspendu : Allez tout réparer, ou vous êtes perdu. Quoi ! Sur mon fils, sur moi, mon ennemi l'emporte ? Je ne me connais plus. La fureur me transporte. Il en mourra. Son sang ne peut trop tôt couler, Puisqu'il faut renoncer au trône, où l'immoler. Livie. Apprends quels ennemis j'arme contre sa vie. Tu sais que de tous temps nos fiers prétoriens N'eurent point d'intérêts plus sacrés que les miens, Qu'Agrippa, de leur part reçût plus d'un outrage. Sa nouvelle grandeur leur donne de l'ombrage. Ils viennent tout tremblants de s'adresser à moi. Juge, si j'ai pris soin d'augmenter leur effroi. J'ai déploré leur sort. Je leur ai fait connaître Qu'ils trouveront sans doute, un vengeur dans un maître. Qu'il leur faut dans son sein chercher l'impunité D'un zèle, qui pour moi n'a que trop éclaté. Qu'enfin pour prévenir une prompte vengeance Le sang de l'offensé doit expier l'offense. Je leur ai fait valoir leur nouvelle faveur Sous un fils, qui par eux deviendrait Empereur : Pouvais-je leur porter une plus vive atteinte ? Que ne font pas sur nous l'espérance et la crainte ? Par elles, je conduis ma victime à l'autel. On va se disputer l'honneur du coup mortel. Mon ennemi, peut-être, en ce moment expire. En ce moment heureux, il me cède l'Empire. Puisque par son trépas, que je viens d'ordonner, Le céder à mon fils, c'est me l'abandonner. Le lâche ! À son rival, il a pu rendre hommage ! Un revers a suffi pour glacer son courage ! Ah ! C'est avec plaisir ? Faustine, que je vois Qu'il n'est fait tout au plus que pour régner sous moi. Et jusques à ce point, puisque son coeur s'oublie...... Mais cachons mes transports, j'aperçois Émilie. Je ne m'étonne plus que l'on ait refusé L'hymen, que pour son fils Livie a proposé ; Et je vois à quelle point mon âme s'est trompée ; Quand, dans mes intérêts j'ai cru mettre Pompée. Il vous en ménageait de plus sûrs, de plus chers ; Et ses vastes projets sont enfin, découverts. Il couronne Agrippa, sa timide prudence Veut-elle associer mon fils à la Puissance ? Le trône n'est point fait pour être partagé ; Sous un maître de plus il serait surchargé. Le premier de nos Rois n'y pût souffrir un frère ; Croirai-je qu'Agrippa puisse y souffrir Tibère ? Je vous entends, Madame ; il va nous faire grâce. Mais, quand de ses bienfaits son orgueil nous menace, Sait-il quelle est Livie ? Et que mon coeur est tel, Qu'un pardon, à ce coeur tient lieu d'un coup mortel ? Croit-il déjà me voir à ses pieds prosternée ? Moi, par qui si longtemps Rome fut gouvernée. Il ne l'était que trop ; et j'en rougis pour lui. Quoi ! Mon fils, d'un rival a pu chercher l'appui ? L'ai-je donc élevé, pour le voir en esclave, Mendier la faveur d'un maître qui le brave ? Sans doute, c'est par-là qu'Agrippa s'est promis De soumettre la mère, aussi bien que le fils. Mais il n'a pas encor triomphé de Livie. J'ai reçu trop d'orgueil, en recevant la vie. Et Tibère est le seul, qui, formé dans mon flanc, Des Héros dont je sors, ait démenti le sang. Allez ; ménagez bien sa naissante faveur ; C'est tout ce qu'il attend des bontés d'Émilie. Expliquez-vous. Que dites-vous, Albine ? D'où peut partir cet excès de fureur ? À qui dois-je imputer ?..... Tibère ! Quoi ? Mon fils aurait pu ?... Justes Dieux ! Il nous a tous trompés. Grands Dieux ! Mon fils ?... Sensible à tant d'honneurs, où je n'osais prétendre, J'ai pour ma gloire aussi, des grâces à te rendre. Qui croirait que sur moi, pour prix de quelque soins, Rejaillit tout l'éclat, dont mes yeux sont témoins ? Et que Livie enfin, dût trouver en Tibère, Un fils si glorieux, si digne de sa mère ? Qui, maître de son coeur, dans le cours d'un seul jour, Vaincrait l'ambition, aussi bien que l'amour ? C'est peu qu'à ton rival tu cèdes un Empire, L'effort te paraît faible, et ne te peut suffire ; Il te fallait encor, en lui prêtant ton bras, Braver jusqu'au péril de faire des ingrats. Et bien ! Frappe Tibère : Plonge ton bras vengeur dans le sein de ta mère. Je ne me charge point de crime supposé. C'est moi seul, c'est moi qu'il faut que tu punisses. Je te livre le chef ; laisse-là les complices. Ils ont crû te servir, en servant ma fureur ; Et leurs voeux n'aspiraient qu'à te faire Empereur. Fidèle à ton rival, à ta mère perfide, Tu ne peux le venger à moins d'un parricide. Cette foi qui t'engage à ce maître nouveau, Te rend mon ennemi, sois encor mon bourreau. Je te laisse avec lui. Délibère ; mais tremble. Seule, je puis encor vous braver tous ensemble. Et tel va prononcer l'arrêt de mon trépas, Qui peut-être, aux enfers devancera mes pas. Du trône des Césars, souffres-tu qu'on s'empare ? À te donner un maître ici tout se prépare, Mon fils, c'est ton rival que l'on va proclamer. Pour toi, si tu le veux, mille bras vont s'armer. Laisse agir seulement une mère qui t'aime. Enfin, règne pour moi, si ce n'est pour toi-même, C'est moi qui t'en conjure. Adoucis la douleur, Dont la mort d'un époux vient d'accabler mon coeur. Dans ces derniers moments, en vain il m'a trompée : Je suis de ses vertus seulement occupée, Et quand, de mon esprit je pourrais les bannir, L'Univers consterné m'en ferait souvenir. Viens, mon fils, viens remplir le trône... Ose le démentir, et rentre dans tes droits. Mais par là, de mon sort sais-tu que tu décides ? Frémis de tes refus, ils sont des parricides. Songe que si par toi ton rival peut régner, Dans le sang de ta mère, il viendra se baigner. Tu l'as vu, devant lui j'ai confessé mon crime. Voudras-tu, de ta main lui livrer sa victime ? Verrai-je par mon fils mon supplice ordonné ? Vainement tu comptes sur ma grâce. Ce n'est qu'avec du sang, qu'un tel crime s'efface. Je péris pour un fils. Quel injuste retour ? Ce fils n'ose régner, pour me sauver le jour. Quel bonheur imprévu ! Prête à perdre la vie, Tu retrouves ton fils, trop heureuse Livie ! O mon cher fils, pour moi, je vous croyais perdu ; Et je bénis l'instant, où vous m'êtes rendu. Mon coeur vous soupçonnait d'un peu d'ingratitude ; Mais ma tendresse enfin, n'a plus d'inquiétude. Vous m'aimez, je le vois, et n'en saurais douter. Mais c'est peu de résoudre, il faut exécuter. Je vais par tout le camp prodiguant mes largesses, Demander aux soldats l'effet de leurs promesses. Et pour nous seconder, je les amène ici. Si pour toi, c'est assez ; c'est trop peu pour ta mère. Et quand il faut règner, tout devient nécessaire, On vient : c'est ton rival, je te laisse, mon fils ; Et te tiendrai bientôt ce que je t'ai promis. Viens, mon fils, viens régner, tout flatte nos souhaits. Nos Soldats par mes soins entourent ce Palais... Mais quels sombres regards ?... Ô Ciel ! Qu'allez-vous faire ? Du repos ! Ah ! J'entends ce superbe langage ; Faut-il me voir réduite à craindre mon ouvrage. Grands Dieux ! Je reconnais votre courroux vengeur. Et je perds en un jour, l'Empire et l'Empereur. **** *creator_pellegrin *book_pellegrin_tibere *style_verse *genre_tragedy *dist1_pellegrin_verse_tragedy_tibere *dist2_pellegrin_verse_tragedy *id_TIBERE *date_1726 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_tibere Madame, c'est lui-même. Oui, Tibère obéit à votre ordre suprême. Moi régner, moi, Madame ? Ah ! Qu'osez-vous me dire ? Me préservent les Dieux d'aspirer à l'Empire. Je me connais trop bien, mieux encore les Romains. Je ne m'égare point en des projets si vains. Les vertus, et le grand nom d'Auguste. Moi régner après lui ? Rome toujours injuste Ne m'égalerait point au héros qu'elle perd, Quand d'autant de lauriers mon front serait couvert, La vertu qui n'est plus en brille davantage ; Tous les coeurs attachés à leur premier hommage, À peine jusqu'à moi daigneront s'abaisser, Pour égaler Auguste, il faut le surpasser. Madame, vos leçons, avec des traits fidèles, Ont gravé dans mon coeur de si parfaits modèles, Et jusqu'ici je crois avec quelque succès, Avoir suivi leurs pas, et même d'assez près. Rome m'a déjà vu par plus d'une victoire Monter au Capitole, y consacrer ma gloire. Je suis depuis vingt ans, les traces des héros ; Pourquoi m'enviez-vous quelques jours de repos ? Non, ma gloire, par là ne peut-être flétrie. Je punis seulement mon ingrate Patrie; Et mon inaction, fatale à mes rivaux, Lui fera mieux sentir le prix de mes travaux. Je vous l'ai déjà dit. Agrippa peut régner. Ma gloire me suffit. Ah ! Quelle erreur t'abuse ! J'y prétends d'autant plus, que plus je le refuse. Je n'ai, cher Martian, rien de caché pour toi. Dans mes plus grands projets, j'ai reconnu ta foi. C'est par toi, qu'en secret prenant mes avantages, J'ai, des Prétoriens acheté les suffrages. Les Augures, gagnés par mes dons précieux, Bientôt, en ma faveur feront parler les Dieux. Mais crois-tu que sur eux mon espoir seul se fonde ? Je veux que mon armée, en ces lieux me seconde, Elle est, de mes projets le plus solide appui : Elle doit, jusqu'à Nole avancer aujourd'hui. Jusques-là, tu le sais, pour moi tout est à craindre : Et je dois me sauver par le grand art de feindre. Je ne demande pas de ces grands sacrifices, Qui de mes voeux secrets donneraient trop d'indices. Si j'avais accepté la suprême grandeur, J'aurais livré ma mère aux transports de son coeur : Ses transports auraient mis mes desseins en lumière, Et j'ai dû, Martian, la tromper la première. Il faut que son dépit annonce mes refus Aux Romains, contre moi dès longtemps prévenus : Car tu ne sais que trop par out ce qu'on publie. Rappelle-toi ce jour, où les fils de Julie, D'Auguste leur aïeul, déclarés successeurs, À leur char de triomphe entraînaient tous les coeurs. Je vis en frémissant, cette foule importune, Qu'attirait sur leurs pas leur naissante fortune, Tandis que de Livie on négligeait le fils, Et que la négligence allait jusqu'au mépris. Que d'affronts ! Je craignis de ne pouvoir me taire. J'allai chercher dans Rhode un exil volontaire. Et tu sais qu'un Tribun, que depuis j'ai puni, Promit à mes rivaux la tête du banni. (Car voilà de quel nom m'appelait Rome entière.) Je dissimulai tout, moi, dont l'humeur altière, Si le sort eût rempli mes voeux ambitieux, Au mépris du tonnerre, aurait bravé les Dieux. Je touche au temps heureux d'agir, sans me contraindre : Ce jour est le dernier qui me condamne à feindre. Auguste mort enfin, je reprends ma fierté, Que ses derniers soupirs vont mettre en liberté. Et qu'ai-je à craindre après ce que je vois ? Elle veut m'élever au trône malgré moi. Mais d'un soin plus pressant mon âme est occupée. J'adore, tu le sais, la fille de Pompée : Et si l'on m'a dit vrai, peut-être, dès ce jour, Je dois voir Agrippa traverser mon amour. Malgré son infortune, elle me le préfère. Un proscrit, dans son coeur l'emporte sur Tibère. Je devrais la haïr; et cependant mon coeur N'eut jamais pour l'ingrate une plus vive ardeur. Je n'ai rien de plus cher après le rang suprême. Mais je veux, si je puis, la tromper elle-même. Je l'avouerai; ce coeur qui ne s'ouvre qu'à toi, Ne s'imposa jamais une plus dure loi, J'étouffe dans mon sein un feu qui me dévore. Je feins de renoncer à tout ce que j'adore. Quel effort ! Mais du moins je le rendrai fatal. Il rapproche ma main du coeur de mon rival. D'une tendre amitié le voile favorable Va couvrir les complots d'une haine implacable. On vient. C'est Émilie. Ah ! Je tremble. Grands Dieux. Que je crains que mon coeur ne parle par mes yeux ! Elle fuit, la cruelle. Madame...... J'entrevois le dessein Qu'un tendre amour de mère a pu mettre en son sein À vous tyranniser, sans doute elle s'obstine. Au bonheur d'être à vous, sa bonté me destine. Mais je ne suis pas né pour cet excès d'honneur. Le Ciel qui pour époux vous doit un Empereur, Réunit contre moi pour le fils de Julie, Les droits de la naissance, et les voeux d'Emilie. Vous ne sentez que trop sans consulter un père, L'amour pour Agrippa, la haine pour Tibère. Contre moi, tout conspire en ce jour Je sais que, d'un rival on presse le retour. Agrippa va passer de l'exil à l'Empire. Il vient vous couronner. Cela me doit suffire. Non, ce n'est plus à moi de vous offrir ma main. Un autre doit régner; je cède à mon destin Je ne vous cèle point que ce coeur, qui vous aime, N'aurait jamais cédé la puissance suprême, Si le choix d'Emilie était tombé sur lui. Mais pourquoi me flatter ! J'ai vu jusqu'aujourd'hui Qu'Agrippa seul objet d'un choix si plein de charmes... Non l'amour a fait couler vos pleurs. À ma sincérité rendez plus de justice ; Et ne la payez pas d'un si vain artifice. Vous vous troublez au nom de votre amant. Votre coeur vous trahit. Avouez-le, Madame ; Mais je ne prétends pas traverser votre flamme. Vous me verrez tous deux, fidèle à mon devoir. Viens, suis-moi, Martian ; allons le recevoir. Je me reprocherais que quelqu'autre avant moi Vînt vous offrir, Seigneur, l'hommage de sa foi. Je cède au droit du sang. Tout doit m'être sacré dans un fils de Julie. Il n'est pas temps encor de me faire connaître. Je justifierai tout, quand vous serez mon maître ; Auguste vit encore. Faut-il de votre sort que le Sénat décide ? J'assemble vos soldats, pour appuyer vos droits. Quel orgueil ! Auel mépris ! Auguste encor respire, Et tu m'oses parler, en Maître de l'Empire ? Ah ! Jamais sur mon coeur je ne fis plus d'effort, Pour retenir l'éclat d'un trop juste transport. Mais je laisse mourir le fruit de ma vengeance. Mon courroux n'en aura que plus de violence. Auguste me trahit. Je viens de lui parler. Du nom de fils encore il daigne m'appeler, Dans quel temps ? (contre lui, c'est ce qui plus m'irrite.) Il m'appelle son fils, lorsqu'il me deshérite. Mon abord l'a surpris. Il ne s'attendait pas Que je dusse sitôt revenir sur mes pas. Mais me tendant les bras, sous des caresses feintes, Il a su déguiser ses soupçons et ses craintes ; Et sa bouche affectait un souris gracieux, Tandis que son dépit éclatait dans ses yeux. Quelle est donc sa pensée ? Et qu'est-ce qu'il espère ? Croit-il par ses détours tromper jusqu'à Tibère ? Jusqu'au dernier moment qu'il balance mon sort, Mais prétend-il sur moi régner après sa mort ? Non, il l'espère en vain ; et le Sénat lui-même Trahira le premier sa volonté suprême. Agrippa, sur qui seul vient de tomber son choix, Se flatte un peu trop tôt de me donner des lois. Il n'a que sa naissance ; et j'ai ma renommée. Le Sénat est pour lui ; mais j'ai pour moi l'armée. Toi, pour nos grands projets as-tu tout préparé ? Du bras de nos vainqueurs, t'es-tu bien assuré ? Non, n'entreprenons rien, tant qu'Auguste respire. Son nom seul, dans mon camp répandant la terreur. Soutiendrait contre nous son nouvel Empereur. Je perdrais d'un seul coup et l'Empire et la vie. Je te dirai bien plus : Je crains tout de Livie. Elle se livre trop à ses ressentiments, Et nuit à mes projets par ses emportements. Je sens à chaque éclat une frayeur nouvelle, En faveur d'un rival à quoi me réduit-elle ? Il faut à sa fureur moi-même l'arracher, Et veiller sur des jours que je devrais trancher. Cachons bien nos desseins, flattons qui nous outrage ; Comme j'ai commencé, finissons mon ouvrage. Je prétends qu'Agrippa par mes respects trompé, Ignore en périssant, la main qui l'a frappé. Quoi ! d'un si noir forfait vous m'avez crû capable ? Ah ! Seigneur, qu'à mes voeux le Ciel est favorable ! Pouvais-je espérer plus de mon faible secours ? Que sauver mon honneur, en défendant vos jours ? Mon nom s'est signalé par plus d'une victoire : Mais jamais les destins n'ont mieux servi ma gloire. Ah ! Pardonnez, Seigneur, ce soupçon d'une mère. Mon coeur de votre part, craint si peu ce danger, Qu'ayant sauvé vos jours, je prétends vous venger. Je punirai si bien qui s'attaque à son maître, Que des monstres pareils n'oseront plus renaître : Et je veux qu'éprouvant une juste terreur, Rome, à l'égal des Dieux révère un Empereur. Déployons à ses yeux l'appareil des supplices. Le crime est avéré : j'en sais tous les complices : Le Chef seul se dérobe encore à mes regards. Je vais pour le trouver, chercher de toutes parts. Il mourra le premier. Dans votre sein ! Grands Dieux ! Quoi ! Vous auriez osé ?... Juste Dieux ! quel projet enfante sa colère ! Que n'ai-je à vous venger d'une autre qu'une mère ! Mais, sujet malheureux ; fils plus infortuné, Ôterai-je le jour à qui me l'a donné ? Ah ! Plutôt dans mon sang expiez tous ses crimes. Que j'obtienne sa grâce ; ou prenez deux victimes. Un rival ! Ah ! Seigneur, Sujet tendre et fidèle, Je ne puis plus souffrir que mon maître m'appelle De ce nom de rival, qu'à regret j'ai porté ; Je le serais encor, si je l'avais été. Oui je vois qu'il est temps de rompre le silence, En m'attachant à vous on me fit violence, Mon coeur près d'un objet digne de tout charmer, Le croiriez-vous, Madame, a pu feindre d'aimer ; Il en coûte trop peu sans doute à votre gloire, Qu'un coeur tel que le mien manque à votre victoire Julie était proscrite, il fallait la trahir, On m'ordonnait d'aimer, il fallait obéir. Du plus sincère amant j'affectai le langage....... Dispensez-moi, Seigneur, d'en dire davantage. Quoi ! Seigneur....... Non, ce pieux devoir vous serait trop funeste. Seigneur, qu'allez-vous faire ? À quel nouveau hasard, Voulez-vous poser l'héritier de César ? Vous avez, de Livie entendu la menace, Et des Prétoriens vous connaissez l'audace. Enfin, Auguste est mort, et je n'ai plus de maître. Tibère tout entier va se faire connaître. Bientôt tous les Romains vont être mes sujets. C'est à toi, Martian, d'achever mes projets. Quoi donc dans mes desseins ne peut pénétrer ? Veux-tu qu'à nos Soldats il aille se montrer ? D'Auguste dans ses traits ils révéraient l'image, Et viendraient à ses pieds apporter leur hommage. Ma mère me perdait dans son bouillant transport, Auguste de ce coup m'imputant tout le crime, Aux mannes de son fils m'eût livré pour victime ; De son ressentiment rien n'eût pu me sauver, J'ai dû parer ce coup. C'est à toi d'achever. Les temps sont arrivés, où les Dieux plus propices ; Me vont mettre en état de payer tes services. Sois sûr que mes bienfaits, versez à pleines mains, Vont te faire envier du reste des humains. On va de l'Empereur lire le testament ; Et Pompée est déjà dans son appartement ; Il y doit proclamer l'héritier de l'Empire : C'est là que je prétends que mon rival expire. Au pied du lit d'Auguste, il faut trancher ses jours. Ne perds pas un instant, va l'attendre. Va, cours. Bientôt, pour couronner mes heureux artifices, Tu périras toi-même avec tous tes complices. Dérobons par leur mort mon crime à tous les yeux ; N'en ayons pour témoins que mon coeur et les Dieux. Puis-je trop en un jour m'immoler de victimes, Quand l'Empire du monde est le prix de mes crimes. Enfin, mon ennemi ne peut plus m'échapper. Achevons, je n'ai plus que ma mère à tromper. Le seul désir du trône en secret la dévore. Elle vient ; à ses yeux dissimulons encore. Je veux, par ce grand art qu'elle a su m'enseigner, Qu'elle me doive tout, en me faisant régner. Non, Madame, Un plus noble dessein, doit occuper mon âme, Punissons mon rival, en le laissant régner, César, pour successeur, vient de le désigner. C'est à lui d'essuyer les affronts que j'évite. César me venge assez, lorsqu'il me déshérite. Auguste a décidé ; je souscris à son choix. Non, non, ne craignez rien ; le crime est pardonné. Agrippa... Ah ! que votre péril augmente mes alarmes ! Madame, c'en est fait. Je me rends à vos larmes. Surtout autre intérêt la nature prévaut. Régnons ; sauvons ma mère, ou mourrons, s'il le faut. Pour vos jours, pour les miens, ayez moins de souci. Ce que pour Agrippa mon bras vient d'entreprendre, Ne lui laisse sur moi plus d'ombrage à prendre. Et le seul Martian, dont je connais la foi, Saura percer un coeur, qui s'abandonne à moi. Ma mère encor n'ose paraître à votre vue, Seigneur ; mais vos bontés, dont elle est prévenue, Ont déjà, de son coeur calmé le juste effroi, Et bientôt à vos pieds s'abattront avec moi. Laissez en sa faveur agir votre clémence. Il est temps de répondre à votre impatience. Vos plus ardents désirs vont être satisfaits. Il n'est plus rien pour vous à craindre en ce palais ; Tous les coeurs sont calmés, et vous êtes le maître. Quoi, Seigneur, avec moi vous partagez l'Empire ? Un si noble projet a droit de me surprendre ; Mais, Seigneur, chez Auguste il est temps de vous rendre, Pompée et le Sénat n'attendent plus que vous. Ne leur différez pas un spectacle si doux. Ce jour ne sert que Rome, et trahit Émilie. Quoi ! Ce même Agrippa, qui peut vous couronner, Ne vous offre sa main, que pour vous détrôner. Prêt à vous posséder, il renonce à l'Empire ? Est-ce ainsi que pour vous il faut qu'un coeur soupire ? Contre vos intérêts, doit-on vous obéir ? Et vous servir si mal, n'est-ce pas vous trahir ? Pour moi, si votre sort était en ma puissance, Malgré ce qu'à vos lois on doit d'obéissance, Si l'Empire Romain devait m'appartenir, Je vous ferais régner, dussiez-vous m'en punir ? Si Julie a ses droits. Madame, j'ai les miens fondez sur mes exploits. Agrippa m'en dépouille ; il en ordonne en maître. J'ai dû céder au sang, dont les Dieux l'ont fait naître. Mais cet éclat nouveau, qu'il n'ose soutenir, À son refus, du moins, devrait m'appartenir ; Et je ne réponds pas que soigneux de ma gloire, Et par moi tant de fois conduits à la victoire, Nos chefs et nos soldats, plus indignés que moi, Ne vengent hautement l'affront que je reçois. Madame, j'en réponds, si le trône est à vous. Avez-vous tant de peine à percer ce mystère ? Tout ne vous peint-il pas un amant dans Tibère ? Que craignez-vous ? Quoi ! Les Prétoriens ont terminé son sort ? Qui l'a donc immolé ? Moi ? Consul, de vos discours, c'est trop souffrir l'audace. Madame, c'est à vous à demander sa grâce. Vous régnez. Émilie et son père, Viennent en ce moment de braver ma colère. Mais je règne, il suffit. Ne nous contraignons plus. Portons dans le Sénat mes ordres absolus. Que des fleuves de sang... Vous tremblez ! Tout entier, je vais montrer Tibère. Vous, sans vous informer sur qui tombent mes coups, Jouissez du repos, que j'ai quitté pour vous. **** *creator_pellegrin *book_pellegrin_tibere *style_verse *genre_tragedy *dist1_pellegrin_verse_tragedy_tibere *dist2_pellegrin_verse_tragedy *id_POMPEE *date_1726 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_pompee Vous venez donc, Seigneur, après dix ans d'absence, Rendre au Peuple Romain son espoir le plus doux : Auguste ne meurt plus, puisqu'il revit en vous. N'en doutez point ; le temps n'a point changé mon âme, Pompée avec plaisir vit naître votre flamme... Ma fille, laissez-nous. Vous, Licteurs, prenez soin Que de notre entretien aucun ne soit témoin. Ce beau sang dont vous êtes le reste, Ce sang aussi sacré que tout ce qu'on atteste, Et surtout vos vertus, qui brillent à nos yeux, Sont pour nous des garants aussi sûrs que les Dieux. Rome dans son espoir ne sera point trompée, Et joindra son suffrage à celui de Pompée. Elle sait qu'Agrippa daigna plus d'une fois Déplorer, de ses fers le trop injuste poids, Et que livré pour elle aux peines les plus dures, Vous avez par l'exil expié vos murmures. Eh ! Comptez-vous pour rien le Sénat et vos droits ? Auguste, en ce moment, va déclarer son choix : Et Sextus, par mes soins vient de partir pour Rome, Il est chargé, Seigneur, si l'Empereur vous nomme, De réunir pour vous les voeux de tout l'État. Vous verrez sous vos lois cet auguste Sénat, Ce Peuple belliqueux, qui sur les autres règne, Et qui donne à son gré des sceptres qu'il dédaigne. Soyez sûr de mon zèle. Vous pourriez dire encor une fille que j'aime, Et qui pour Agrippa se flatte de mon choix ; Mais Rome est la plus forte : et plus j'entends sa voix, Plus de son intérêt mon âme est occupée. Je suis Consul, Maxime, et du sang de Pompée, De ce nom, de ce sang, je dois être jaloux... Mais mon coeur tout entier peut-il s'ouvrir à vous ? Ah ! Si son intérêt toujours vous occupa, Pourquoi donc la trahir en faveur d'Agrippa ? Montrez une âme plus Romaine. Rome en sert-elle moins, quelque main qui l'enchaîne ? Quelque soit le vainqueur entre deux concurrents, Rome toujours le place au rang de ses tyrans. Non, elle n'a que trop gémi dans l'esclavage, Toujours la liberté fut son plus doux partage ; Et son jaloux orgueil attentif à ses droits, Confond ses empereurs avec les autres Rois. Voyez Tarquin, Sylla, Marius, Jules même, À peine à ce dernier on offre un Diadème, Que Brutus enflammé d'une juste fureur, Va l'attendre au Sénat, pour lui percer le coeur. Qu'il s'en faut que Maxime à tant de gloire aspire ? Vous voulez dans sa race éterniser l'Empire ? Aux chaînes d'Agrippa, vous présentez nos mains ? Ah ! Dussai-je être seul à sauver les Romains, La foi qu'ils ont en moi, ne sera point trompée ; S'ils n'ont plus de Brutus, il leur reste un Pompée. La vertu d'Agrippa dès longtemps m'est connue ; Et puisqu'en sa faveur ma fille est prévenue, Vous la connaissez trop, pour croire que son coeur Sans l'aveu de son père, eût souffert un vainqueur. Si je ne fondais pas un reste d'espérance Sur tout ce que ses yeux ont sur lui de puissance, Je ferais bientôt voir à qui nous fait la loi, Que le sang de Pompée a passé jusqu'à moi ; Mais quel fut l'intérêt, qui guida ce grand homme ? C'était peu de périr, il voulait sauver Rome, Et les Dieux, jusqu'alors protecteurs des Romains, Semblaient avoir remis leur foudre entre ses mains. Dans les Champs de Pharsale, en vain ces Dieux changèrent ; Du parti de César, en vain ils se rangèrent. Plus ferme que les Dieux, plus constant que le sort, Il ne céda du moins qu'en recevant la mort. Cette mort m'attendrait avec toute sa gloire, Mais dois-je la chercher sans espoir de victoire ? Et que sert ma constance aux Romains malheureux ? Si mes derniers soupirs sont stériles pour eux. Pour remplir dignement le grand nom que je porte. La liberté de Rome est ce qui plus m'importe, Maxime, et je perdrais le fruit de mon trépas, Si je mourais pour elle, et ne la sauvais pas. Je puis donc la sauver sans me perdre pour elle. Apprenez un dessein, digne effort de mon zèle... Mais j'aperçois Livie ; entrez chez l'Empereur : Je vous suis ; et bientôt vous connaîtrez mon coeur. Madame, avec respect j'envisage le rang, Où Livie et son fils veulent placer mon sang. Autant que je le puis, je dois le reconnaître ; Mais je ne résous rien sans l'aveu de mon maître. Suspendez un moment, l'effet de vos bontés ; Je vais de l'Empereur savoir les volontés. César les éteignit, César les fait revivre, Et ne laisse au Sénat que son exemple à suivre. Moi régner ! Moi tromper un Maître tel qu'Auguste ! Ah ! Madame, à quel point la colère est injuste ! Moi régner par ma fille ! Ô Ciel ! oubliez-vous Que vous lui destiniez votre fils pour époux ? Sans Agrippa, Tibère aurait pu me suffire ; De tous les deux côtés j'étais sûr de l'Empire. Mais puisse contre moi tonner le Ciel vengeur, Si ma fille jamais épouse un Empereur. Que le Ciel, avec toi frappe d'intelligence, D'un front bien assuré j'en attends la vengeance. Allons trouver Auguste. Il est temps d'achever Ce que je dois à Rome, et qui peut la sauver. Oui, je conviens que Rome est un peu moins à plaindre ; De deux Maîtres, Maxime, un seul lui reste à craindre. Avec son testament, Auguste, entre mes mains A déposé le sort de Rome et des humains. César m'a confié sa volonté dernière, Agrippa, sous ses lois va voir la terre entière : Et l'orgueil de Tibère, à jamais abattu, Laisse au moins par ce choix le trône à la vertu. Mais Rome cependant, Rome est toujours captive ; Et je veux qu'à jamais sa liberté revive. La liberté de Rome occupe tout mon coeur. Oui, Rome, dans ce jour, je te ferai connaître, Si ce coeur sait répondre au sang qui m'a fait naître ; Et ce que mon aïeul n'a pu faire pour toi, Tu peux l'attendre, enfin, de ma fille et de moi. Sur nous de ton bonheur l'espérance est fondée. Par mon ordre, en ces lieux Émilie est mandée ; Je prétends, par sa main détrôner son amant. Elle vient : Laissez-nous un moment. Ma fille, d'Agrippa, sais-tu qu'elle est la gloire ? Sur le fils de Livie, il obtient la victoire. Le testament d'Auguste, entre mes mains remis, Le déclare Empereur. Quoi ! Ton amant triomphe, on le fait Empereur, Et tu vois tant de gloire avec tant de froideur ? Est-ce donc-là, pour lui ce que l'amour t'inspire ? Qu'entends- je ? Ô digne sang d'un père tel que moi ! Et de tant de héros, qu'on voit revivre en toi ! Puis-je assez admirer la grandeur de ton âme ! Les vertus d'Agrippa sont tout ce qui l'enflamme, Quand je crains d'y trouver la fière ambition, Qui fait, des plus grands coeurs la seule passion ! Un seul mot de ta bouche a dissipé ma crainte : Et je puis, à tes yeux m'expliquer sans contrainte. Après un tel aveu, dont mon coeur est charmé, Apprends le grand dessein, que sur toi j'ai formé. Il est temps que je t'en éclaircisse ; Il te faut renoncer au nom d'Imperatrice. Rassure-toi, ma fille. Il ne faut, en ce jour, Immoler que ton rang, et non pas ton amour. Je te laisse Agrippa. Ce Prince qui t'adore, S'il fut cher à mes yeux, ne l'est pas moins encore, Mais si ton hymen seul suffit pour son bonheur, Que lui sert-il d'avoir le titre d'Empereur ? Je prétends, à son sort unir ta destinée. Mais point de noeuds pour vous, si Rome est enchaînée. D'un véritable amour, si son coeur est épris, Qu'il renonce à régner, ta main n'est qu'à ce prix. Autant que je le dois, je ressens tes douleurs ; Mais ne te flatte pas que je cède à tes pleurs. Un coeur Romain n'admet qu'une vertu farouche ; Et l'intérêt de Rome est le seul qui le touche. C'est peu d'être Romain, l'honneur du Consulat Sur ce nom glorieux, jette un nouvel éclat. Rome doit à mou coeur en être encor plus chére ; Et j'en suis tout ensemble, et l'enfant et le père. Elle doit, à ce coeur parler plus haut que toi. D'ailleurs, tous les regards sont attachés sur moi. Si je te fais régner, que ne va-t-on pas croire ? Que j'ai trahi pour toi ma patrie et ma gloire. Mon nom ferait horreur aux siècles à venir, Mon affront est le tien. Songe à le prévenir. Vois Agrippa. Dis-lui... Eh ! Crois-tu qu'envers moi cet effort te dégage ? En cessant de le voir, romps-tu notre esclavage ? En régnera-t-il moins ? Ah ! Crains que son courroux Du refus de ta main ne se venge sur nous. Songes combien de maux ce refus nous prépare, Il deviendra cruel, sanguinaire, barbare, Songes aux ruisseaux de sang qui par toi vont couler, Que je suis le premier que tu fais immoler, Songes enfin, si c'est peu du sacré nom de père, Que ce n'est plus qu'en toi que ta patrie espère. Contre toi-même il est temps d'affermir Ce coeur où ton amour mêle trop de faiblesse ; Pour chercher Agrippa, ma fille, je te laisse, Je vais de l'Empereur lui déclarer le choix, Toi, le devoir te parle, obéis à sa voix. Ma fille... Ô regrets superflus ! Tout est perdu pour Rome, Agrippa ne vit plus. De quels maux sa mort sera suivie ! Plus d'espoir ; pour jamais je vois Rome asservie. Non ; par une autre main il a reçu la mort. Va ; laisse un vain mystère, Te nommer Martian, c'est te nommer Tibère. Ce sanglant complot n'est que trop révélé : Prêt à répondre aux Dieux Martian a parlé. Ces Dieux n'ont pas permis que la main d'un perfide Vint recevoir de toi le prix d'un parricide. Percé de coups, mourant, ce monstre n'a vécu Qu'autant qu'il le fallait pour t'en voir convaincu. Tremble, Tyran, le Ciel punissant le complice, À l'auteur du forfait garde un même supplice. Non, ne te flatte pas qu'il te laisse régner, Qui punit Martian, ne doit pas t'épargner. Non, ma fille, à son sort ne crains pas qu'il échappe. Les Dieux nous vengeront, sans que ta main le frappe. **** *creator_pellegrin *book_pellegrin_tibere *style_verse *genre_tragedy *dist1_pellegrin_verse_tragedy_tibere *dist2_pellegrin_verse_tragedy *id_EMILIE *date_1726 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_emilie Ciel ! Tibère ! Sortons. Mon devoir en d'autres lieux m'appelle. Votre mère m'attend. Et mes voeux ! Ah ! Seigneur, est-ce à moi d'en former ? Il n'est pas à mon choix de haïr, ou d'aimer. Moi, l'aimer ? Pour lui, je l'avouerai, j'ai versé quelques larmes. Pouvais-je en refuser à de si grands malheurs ? La pitié... Ô Ciel ! Il va le recevoir ! J'en frémis. Ah ! Barbare ! Quel peut être l'accueil, qu'un rival lui prépare ? Albine, c'en est fait, Agrippa va périr. Dieux, équitables Dieux ! Daignez le secourir. Tu me flattes en vain : tout m'annonce sa perte. Ah ! Que n'est-il encore dans son île déserte ! De sa seul Émilie aujourd'hui regretté, L'oubli de l'Empereur serait sa sûreté. Car, je n'en doute plus, Auguste le rappelle, Et c'est ce qui me livre à ma frayeur mortelle. Ciel ! Que vient-il chercher dans ces lieux ennemis ! Tous les coeurs sont vendus à Livie, à son fils. Et s'il est soupçonné de prétendre à l'Empire, Aux yeux même d'Auguste, il faudra qu'il expire. Mais entrons chez Livie. Amour ! Inspire-moi ; Dans l'état où je suis, je n'espère qu'en toi. Cher Prince, est-ce vous que je vois ? Que je crains pour vos jours ! Elle m'avait mandée... C'est trop tôt vous livrer à des soupçons jaloux, Prince, votre rival est moins heureux que vous. Livie en sa faveur, en vain me sollicite. Je sais, par mon devoir quelle loi m'est prescrite. Sans lui promettre rien, sans lui rien refuser, Sur l'auteur de mes jours, j'ai su m'en reposer. Cependant, si ma main dépendait de moi-même, Vous savez qui je hais, et vous savez qui j'aime. Abrégeons un fatal entretien. Je vois votre péril, et le vôtre le mien. C'est vous en dire assez. Mais je dépends d'un père. Ne craignez pas, Seigneur, qu'il me donne à Tibère. Il prendra plus de soin de l'intérêt commun. Il hait tous les tyrans ; et Tibère en est un. Oui, pour nous, ce tyran n'est que trop redoutable. Il n'est point de forfait dont il ne soit capable. Il vient de me parler, Prince ; et, si je l'en crois, Sur mon coeur, sur l'Empire, il vous cède ses droits : Mais il m'en promet trop pour me tenir parole. Son armée à grands pas s'achemine vers Nole ; Et ce grand appareil, qu'on voit l'accompagner, N'est pas d'un citoyen, qui renonce à régner. Vous obtiendrez l'aveu d'Auguste et de mon père ; Et je ne crains pour vous que Livie et Tibère. L'Empire de la terre à vos voeux est promis ; Mais qu'il va contre vous rassembler d'ennemis ? Hélas ! Dans ce Palais, tout respire le crime. Sous chacun de vos pas s'ouvre un affreux abîme. Je vous y vois tomber ; qu'en ce fatal moment, Le plaisir de vous voir m'est vendu chèrement ! Que n'a-t-on différé ce retour plein de charmes, S'il fallait l'acheter au prix de tant d'alarmes ? Modérez-vous, on ouvre ; et mon père s'avance. Je me l'étais promis, Seigneur, je vois par là combien le Ciel est juste, Et par ce dernier trait, je reconnais Auguste. J'ai toujours préféré ses vertus à l'Empire. Quel dessein ? Justes Dieux ! Quel arrêt ! Mais, prête à le subir, Souffrez, du moins, souffrez qu'il m'en coûte un soupir, Seigneur ; et permettez à ma douleur extrême De se plaindre un moment de mon père à lui-même. Agrippa vous fut cher, je l'aimai ; ce beau feu S'alluma dans mon coeur par votre propre aveu : Vos voeux, de notre hymen semblaient hâter la fête, Ils me faisaient sentir le prix de ma conquête. Si le nom d'Empereur nuisait à mon amour, N'aviez-vous pu prévoir qu'il le serait un jour ? À ce rang glorieux, sa naissance l'appelle. Ne craignez pas pourtant qu'à vos ordres rebelle... Sur mes faibles attraits, tout votre espoir se fonde ! Quel bien opposez-vous à l'Empire du monde ? Songez qu'un Empereur est presque égal aux Dieux. Et ne vous fiez pas au pouvoir de mes yeux ; Ces yeux, dont votre amour relève trop les charmes, Ne vont plus s'occuper qu'à répandre des larmes. Ciel ! Que puis-je lui dire ! Qu'il faut pour m'obtenir qu'il renonce à l'Empire ? Qu'il n'est plus qu'un Tyran s'il devient Empereur ? Ne le serais-je pas moi-même de son coeur ? Si contre lui mes yeux usaient de leur puissance, Jusqu'à le dépouiller des droits de sa naissance : Ah ! Seigneur, si le sang vous parle encor pour moi, Cessez de m'imposer une si dure loi, À mes voeux, à mes pleurs daignez enfin vous rendre, Et jusqu'à ma faiblesse au moins daignez descendre, Pour le triste Agrippa, Seigneur, je vous promets, Ne pouvant le haïr, de ne le voir jamais. Quels maux m'annoncez-vous ? vous me faites frémir. Hélas ! Père injuste ! Comment répondre à ton attente ? Quoi pour être Romaine en suis-je moins amante ? Mon coeur pour le changer est-il en mon pouvoir ? Et doit-il en esclave obéir au devoir ?... Il ne le doit que trop, et quoiqu'il en gémisse, À ce devoir barbare il faut qu'il obéisse. Vous qui m'y réduisez, ô mon père ! Ô Romains ! Que sur mon faible coeur vos droits sont inhumains ? Et toi Prince trop cher, toi dont la triste vie, De malheurs sur malheurs fut toujours poursuivie, Objet infortuné du céleste courroux, Attendais-tu de moi d'aussi sensibles coups ? Hélas ! Qu'un tendre coeur sait peu ce qu'il désire ! Attachée à tes jours je les ai vu proscrire, Mon coeur, qui dans la fuite accompagnait tes pas, Croyait voir ton exil suivi de ton trépas : Déplorais ton retour, que j'étais insensée ! Pour comble de malheurs les Dieux m'ont exaucée, Les cruels contre toi constants à conspirer Ne nous ont réunis que pour nous séparer : Mais il vient, dans ses yeux quel doux transport éclate ! Ah ! Faut-il le tirer d'une erreur qui le flatte ? Hélas ! Arrêtez. Tous les coups, qu'à mon coeur on a toujours porté, Sont moins cruels pour moi, que ce dernier outrage. Je ne puis en dire davantage. Ah ! Prince ; eh ! Qui m'eût dit que s'en fût un d'aimer ? Des maux les plus cruels, c'est l'amour qui m'accable, Il est, de mes malheurs la source inépuisable. De vous seul, il est vrai, votre sort doit dépendre, Oui vous seul... Ciel ! Que lui vais-je apprendre ? C'est m'y contraindre. Vous régnez ; et c'est-là tout ce qu'il vous faut craindre. Rome hait tous les Rois ; son injuste rigueur Vous confond avec eux sous le nom d'Empereur. Elle ne peut souffrir qu'un noeud sacré nous lie. Que n'a-t-elle et les yeux, et le coeur d'Émilie, Cher Prince ? elle mettrait son bonheur le plus doux À vivre sous les lois d'un Maître tel que vous. Mais, hélas ! cette Rome, aux Rois toujours sévére, A porté jusqu'à moi ses plaintes par mon père. Je ne puis être à vous, Seigneur, si vous régnez. Eh ! Comptez vous pour rien la gloire d'Émilie ? Apprenez, Agrippa, que le sang dont je sors, Ne doit pas se borner à de communs efforts. Je vous l'ai déjà dit. Oui, Prince, je vous aime. En m'arrachant à vous, je m'arrache à moi-même ; Mais ma gloire me parle, il lui faut obéir. Trône, Sceptre, Grandeurs, rien ne peut m'éblouir. Je fuis même, je fuis la main qui me couronne. Ô Rome ! Vois pour toi tout ce que j'abandonne. J'aurais bien moins de peine à renoncer au jour, Qu'à te sacrifier un si parfait amour. Je ressens tout l'honneur, que me faisait Tibère, Madame ; mais ma main dépendait de mon père, J'avouerai que mon coeur penchait vers son rival, Qu'il eut même trouvé tout autre hymen fatal. Mais d'un coeur dépendant penchant trop inutile ! Aux ordres de Pompée aveuglément docile, J'aurais su sans murmure, à l'auteur de mes jours ; De ces jours malheureux sacrifier le cours. Cependant, de mon sort, si mon père décide, Il ne prendra jamais l'ambition pour guide. Son coeur à son devoir sait tout sacrifier, Et ce jour suffira pour le justifier. Je sais trop que tout cède à la soif des grandeurs. Mais ce feu dévorant n'est pas dans tous les coeurs, Et si par Agrippa j'en dois juger, Madame, Le désir de régner n'est pas ce qui l'enflamme. J'ignore ses projets : mais je répondrais bien, Qu'on ne se plaindra pas d'un coeur tel que le sien. Non, il ne forme point de si superbes voeux. Fussiez-vous plus injustes, il sera généreux. Tantôt, avec fierté s'il a reçu Tibère, C'est qu'il ne croyait pas son hommage sincère. Que j'aime, contre un fils ce courroux d'une mère ! Puisqu'au moins il m'apprend que ce fils est sincère. J'aurai soin d'assurer Agrippa de son coeur. Que vois-je ? Albine en pleurs ! Dieux ! Serais-je trahie ? Je tremble. Cher Prince, Ah ! Je te perds ! Hélas ! Le traître ! Avec quel art déguisant son courroux, Il a caché la main, d'où sont partis les coups ! Vous triomphez, Barbare ! Votre joie à mes yeux, malgré vous se déclare. Non, ne l'accusez plus de démentir ce sang, Qu'il a pour mon malheur, puisé dans votre flanc. Crédule que j'étais ! Par vos plaintes trompée, J'allais près d'Agrippa, j'allais près de Pompée..... Mais que vois-je ? Par quel événement, Puis-je jouir encor d'un bonheur si charmant ? Cher Prince ! Quel favorable Dieu vous rappelle à la vie ? Quoi ! Tibère... Mais, d'un si noir complot, quel peut être l'auteur ? Dans d'injustes soupçons nos coeurs trop affermis Vous confondaient enfin parmi nos ennemis, Prince, vous nous forcez à vous rendre justice ; Qu'à ce nouveau laurier l'Univers applaudisse. Il couronne à la fois tous vos exploits passés ; Rome vous doit encor plus que vous ne pensez. Ah ! Demeurez. Vous courez à la mort. Pour arrêter vos pas, je me joins à Tibère. Ah ! Prince, si jamais à vos yeux je fus chére, Regardez un moment, votre Émilie en pleurs. Que j'aime ce grand jour, qui vous réconcilie ! Je vous entends, Seigneur, votre amour pour Julie, L'élèverait au rang, que dédaigne Émilie. Ses droits vous sont si chers... Ah ! Que d'un tel discours mon âme est alarmée ! Vous nous aviez tantôt répondu de l'armée. Mais, Seigneur, de mon sort qui vous rend si jaloux ? Quel funeste secret m'osez-vous révéler ? Vous, rival d'Agrippa ? Vous me faites trembler ! Hélas ! Que n'ai-je pas à craindre ? Je tremble d'autant plus que vous cessez de feindre. Pour la première fois, vous me parlez sans fard. Que je vois de périls ! Mais je les vois trop tard. Que ne puis-je ?... Quel bruit ! Ah ! Perfide Tibère ! Dieux ! Sauvez mon amant, sauvez Rome, et mon père. Eh ! bien, Seigneur ? Il n'est plus ? Que dis-tu, Barbare ? J'en frémis. Et les Dieux, jusques-là seraient mes ennemis ? Moi régner avec toi ! Qu'oses-tu me prescrire ? Agrippa ne vit plus ; c'est par toi qu'il expire ; Et tu veux qu'unissant mon destin à ton sort, Une seconde fois, je lui donne la mort ? Ah ! Que n'ai-je à mon gré la fureur qui t'anime ? Que n'osai-je expier le crime par le crime ? Pour te percer le coeur, je t'offrirais ma main ; Je vengerais mon père, et le Peuple Romain. Ce grand art, dont tu fais un si funeste usage, Jusqu'au sein d'un époux m'ouvrirait un passage : Mais, au sang des Nérons ce crime est réservé ; Et, grâce à ma vertu, mon tyran est sauvé. **** *creator_pellegrin *book_pellegrin_tibere *style_verse *genre_tragedy *dist1_pellegrin_verse_tragedy_tibere *dist2_pellegrin_verse_tragedy *id_MAXIME *date_1726 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_maxime Ce zèle est dangereux, m'en croirez-vous, Seigneur ? Pour quelque temps encor modérez-en l'ardeur. Je vous dirai bien plus, l'Empereur vous l'ordonne, Il voit trop quel péril ici vous environne, Et craignant de vous perdre, il cache aux yeux de tous, Les projets que le sang lui fait former pour vous. Vos ennemis secrets n'ont que trop de puissance ; Et l'on doit à la force opposer la prudence. Mais en votre faveur, attendez qu'il s'explique, Que votre cause enfin soit la cause publique. Le Peuple, le Sénat, tout vous sera soumis ; Et vous triompherez de vos fiers ennemis. Montrez par vos vertus à votre illustre père, Quel espace il doit mettre entre vous et Tibère. Sa mère en ce palais n'est que trop écoutée. Quelque soit son dessein, son attente est trompée. Cette même Émilie est du sang de Pompée. Et le sang de Pompée, à Rome révéré, Fut toujours des tyrans l'ennemi déclaré. Bien plus, rassurez-vous, elle sait que son père Ne voit qu'en soupirant que Livie et Tibére, Des plus affreux malheurs menaçants l'Univers, Pour nos serviles mains forgent de nouveaux fers, Tandis que les vertus, qu'en vous on voit paraître, Au lieu d'un fier Tyran, présagent un bon maître. Doutez-vous un moment que par un coup d'éclat Ce Consul aujourd'hui marque son Consulat ? Croyez qu'il prendra soin que désormais le Tibre Soit un peu moins captif, s'il n'est tout-à-fait libre ? Et s'il faut qu'à sa fille il accorde un époux, Soyez sûr que son choix, Seigneur, sera pour vous. Oui, vous verrez bientôt votre attente remplie. Pompée en ce moment, par Auguste est mandé. Le sort de l'Univers doit être décidé. Pour vous en ce grand jour tout s'unit, tout conspire. Vous allez posséder Émilie, et l'Empire. Elle est près de Livie. Attendez un moment. Seigneur, auprès de lui, l'Empereur vous appelle. J'aime à voir l'intérêt, que vous prenez en lui. Toujours de la vertu, la vertu fut l'appui, En servant Agrippa, vous servez Rome même. Parlez : Depuis longtemps vous connaissez Maxime : Et l'intérêt de Rome autant que vous m'anime. Moi, la trahir ? Ô ! Nobles sentiments, dont je serais jaloux, S'ils ne régnaient en moi tels qu'ils règnent en vous ! Ah ! pour nous signaler par quelque grand ouvrage, Que n'avons-nous la force, ainsi que le courage ! Par nous seuls, des Romains les fers seraient rompus, Aussi bien qu'un Pompée, ils auraient un Brutus. Mais, puisqu'il faut que Rome enfin soit asservie. Ses plus grands oppresseurs sont Tibère et Livie. Seigneur pour balancer leur barbare pouvoir, Fondons sur Agrippa notre dernier espoir ; Et ne pouvant finir nos misères présentes, Tâchons de rendre, au moins, nos chaînes moins pesantes. C'est pour avoir trop plaint la rigueur de nos fers, Qu'il attira sur lui les maux qu'il a soufferts. Croyons, si de l'exil il passe au rang suprême, Qu'il calmera des maux, qu'il éprouva lui-même. N'en doutons point ; eût-il un coeur moins généreux, Au sortir du malheur, on plaint les malheureux. Pouvez-vous l'affranchir, sans trahir l'Empereur ? Par sa main ! Auguste en ce moment est tout prêt d'expirer. **** *creator_pellegrin *book_pellegrin_tibere *style_verse *genre_tragedy *dist1_pellegrin_verse_tragedy_tibere *dist2_pellegrin_verse_tragedy *id_FAUSTINE *date_1726 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_faustine Je ne reconnais plus le grand coeur de Livie. Madame, l'Empereur, prêt de quitter la vie, Ne va-t-il pas laisser l'Empire entre vos mains ? Vous perdez, il est vrai, le maître des humains, Auguste va finir sa brillante carrière; Il court rapidement vers son heure dernière; Déjà ce bruit fatal, dans Nole répandu, Attire en son Palais tout un peuple éperdu ; Et la Parque inflexible envie à ce grand homme La douceur d'expirer entre les bras de Rome. Mais Tibère vous reste, et le trône avec lui: Tibére y doit monter; vous en serez l'appui. Ce fils Respectueux, et soigneux de vous plaire, Ne nous dispensera que les lois de sa mère. Quel est l'injuste effroi, dont vôtre âme est frappée ? Un vain nom de Consul, un vain nom de Pompée, Peut-il de votre coeur abattre la fierté ? Mais qu'avez-vous à craindre en ce suprême rang ? Un Malheureux proscrit vous alarme ? Immoler Agrippa ! Qui peut l'oser ? **** *creator_pellegrin *book_pellegrin_tibere *style_verse *genre_tragedy *dist1_pellegrin_verse_tragedy_tibere *dist2_pellegrin_verse_tragedy *id_MARTIAN *date_1726 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_martian Que croirai-je, Seigneur, de tout cet entretien ? Jamais étonnement ne fut égal au mien. Vous, refuser l'Empire ? Mais, de Livie, enfin, pourquoi vous défier ? Quand pour vous elle est prête à tout sacrifier? Mais pour vous emparer d'un rang qu'on vous envie, N'avez-vous pas besoin du secours de Livie ? Craignez... Agrippa, dans ces lieux arrive, en ce moment. Seigneur, dites un mot, votre rival expire. De tout ce que je vois que faut-il que je pense ? Agrippa par vos soins nous cache sa présence. Mais sans votre secours il serait déjà mort. Tout cède dans mon coeur au zèle qui m'anime. Seigneur, mon bras est prêt, livrez-moi la victime. **** *creator_pellegrin *book_pellegrin_tibere *style_verse *genre_tragedy *dist1_pellegrin_verse_tragedy_tibere *dist2_pellegrin_verse_tragedy *id_ALBINE *date_1726 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_albine Calmez votre frayeur. Non, Tibère, et Livie N'oseraient disposer d'une si belle vie. Le sang du Grand Auguste est trop cher en ces lieux : Et vous aurez pour vous les hommes et les Dieux. Ah ! Madame, Agrippa... Il est prêt d'expirer sous de perfides coups. Qu'il ne peut éviter la mort qu'on lui destine, Que j'ai vu mille dards tournez contre son coeur. Émilie Que ne puis-je me taire ! Parmi les Conjurés j'ai reconnu Tibère. Madame, je ne dis que ce qu'ont vu mes yeux. Agrippa s'avançait vers la chambre d'Auguste, Pour lui rendre un hommage aussi tendre, que juste ; Il marchait sans escorte. Il voit chefs, et coldats Armer contre son sein un parricide bras. Des plus audacieux il punit l'insolence. Leur nombre s'affaiblit. Mais Tibère s'avance. J'en ai frémi. Madame, à ce fatal abord, J'ai cru voir Agrippa dans les bras de la mort. Je n'ai pu soutenir ce spectacle funeste. Assez d'autres sans moi, vous apprendront le reste.