**** *creator_racine *book_racine_plaideurs *style_verse *genre_comedy *dist1_racine_verse_comedy_plaideurs *dist2_racine_verse_comedy *id_DANDIN *date_1668 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dandin Petit-Jean. L'Intimé. Je suis seul ici. Voilà mes guichetiers en défaut, Dieu merci. Si je leur donne temps, ils pourront comparaître. Çà, pour nous élargir, sautons par la fenêtre. Hors de cour. Au voleur, au voleur. Main-forte. L'on me tue. Je veux aller juger. Je ne veux de trois mois rentrer dans la maison. De sacs et de procès j'ai fait provision. Le buvetier, je pense. À l'audience. Je veux être malade. Du repos ? Ah, sur toi tu veux régler ton père. Crois-tu qu'un juge n'ait qu'à faire bonne chère, Qu'à battre le pavé comme un tas de galants, Courir le bal la nuit, et le jour les brelans ? L'argent ne nous vient pas si vite que l'on pense. Chacun de tes rubans me coûte une sentence. Ma robe vous fait honte. Un fils de juge ! Ah, fi. Tu fais le gentilhomme. Hé, Dandin, mon ami, Regarde dans ma chambre, et dans ma garde-robe, Les portraits des Dandins. Tous ont porté la robe, Et c'est le bon parti. Compare prix pour prix Les étrennes d'un juge, à celles d'un Marquis ; Attends que nous soyons à la fin de décembre. Qu'est-ce qu'un gentilhomme ? Un pilier d'antichambre. Combien en as-tu vu, je dis des plus huppés, À souffler dans leurs doigts dans ma cour occupés, La manteau sur le nez, ou la main dans la poche, Enfin, pour se chauffer, venir tourner ma broche. Voilà comme on les traite. Hé, mon pauvre garçon, De ta défunte mère est-ce là la leçon ? La pauvre Babonnette ! Hélas, lorsque j'y pense, Elle ne manquait pas une seule audience, Jamais, au grand jamais, elle ne me quitta, Et Dieu sait bien souvent ce qu'elle en rapporta ; Elle eût du buvetier emporté les serviettes, Plutôt que de rentrer au logis les mains nettes. Et voilà comme on fait les bonnes maisons. Va, Tu ne seras qu'un sot. Quoi ! L'on me mènera coucher sans autre forme ? Obtenez un arrêt comme il faut que je dorme. J'irai, mais je m'en vais vous faire enrager tous. Je ne dormirai point. Paix, paix, que l'on se taise là. Quelles gens êtes-vous ? Quelles sont vos affaires ? Qui sont ces gens en robe ? Êtes-vous avocats ? Çà, parlez. Avez-vous eu le soin de voir mon secrétaire ? Allez-lui demander si je sais votre affaire ? Dépêchez. Donnez votre requête. Qu'est-ce qu'on vous a fait ? Vos qualités ? Parlez toujours, je vous entends tous trois. L'impertinent, sans lui j'étais dehors. Retirez-vous, vous êtes une bête. Vous me rompez la tête. Taisez-vous, vous dit-on. Qu'on le mène en prison. Hé je n'en ai que faire. Redites votre affaire. Mon Dieu, laissez-la dire. Souffrez que je respire. Vous m'étranglez. Elle m'étrangle. Ay. ay. Je veux aller juger. Qu'il vienne à l'audience. Ho ! Je vois ce que c'est, Tu prétends faire ici de moi ce qui te plaît. Tu ne gardes pour moi respect ni complaisance. Je ne puis prononcer une seule sentence. Achève, prends ce sac, prends vite. Ne raillons point ici de la magistrature. Vois-tu. Je ne veux point être un juge en peinture. C'est quelque chose. Encor passe quand on raisonne. Et mes vacations, qui les paiera ? Personne. Il parle, ce me semble, assez pertinemment. Point de bruit, Tout doux. Un amené sans scandale suffit. Mais je veux faire au moins la chose avec éclat ; Il faut de part et d'autre avoir un avocat. Nous n'en avons pas un. Allons nous préparer. Çà, Messieurs point d'intrigue. Fermons l'oeil aux présents, et l'oreille à la brigue. Vous, Maître Petit-Jean, serez le demandeur. Vous, Maître l'Intimé, soyez le défendeur. Çà, qu'êtes-vous ici ? Vous ? Je vous entends. Et vous ? Commencez donc. Couvrez-vous. Couvrez-vous, vous dis-je. Ne te couvre donc pas. Avocat incommode, Que ne lui laissez-vous finir sa période ? Je suais sang et eau pour voir si du Japon Il viendrait à bon port au fait de son chapon, Et vous l'interrompez par un discours frivole. Parlez donc, avocat. Et vous venez au fait. Un mot Du fait. Appelez les témoins. Faites-les donc venir. Bon ! Pourquoi les récuser ? Il est vrai que du Mans il en vient par douzaine. Serez-vous long, avocat ? Dites-moi. Il est de bonne foi. Avocat, De votre ton vous-mêmes adoucissez l'éclat. Vraiment il plaide bien. Avocat, il s'agit d'un chapon, Et non point d'Aristote, et de sa Politique. Je prétends Qu'Aristote n'a point d'autorité céans. Au fait. Au fait. Au fait ! Vous dis-je. Au fait, au fait, au fait ! Ho ! Je te vais juger. Ta, ta, ta, ta. Voilà bien instruire une affaire. Il dit fort posément ce dont on n'a que faire, Et court le grand galop quand il est à son fait. C'est le laid. A-t-on jamais plaidé d'une telle méthode ? Mais qu'en dit l'assemblée ? Reposez-vous. Et concluez. Il aurait plutôt fait de dire tout vingt fois, Que de l'abréger une. Homme, ou qui que tu sois, Diable, conclus, ou bien que le Ciel te confonde. Ah ! Avocat, ah, Passons au déluge. Hé bien, hé bien. Quoi ! Qu'est-ce ? Ah ! Ah quel homme ! Certes, je n'ai jamais dormi d'un si bon somme. Aux galères. Ma foi, je n'y conçois plus rien. De monde, de chaos, j'ai la tête troublée. Hé concluez. Tirez, tirez, tirez. Tirez donc. Quels vacarmes ! Ils ont pissé partout. Ouf. Je me sens déjà pris de compassion. Ce que c'est qu'à propos toucher la passion ! Je suis bien empêché. La vérité me presse. Le crime est avéré, lui-même il le confesse. Mais s'il est condamné, l'embarras est égal, Voilà bien des enfants réduits à l'hôpital. Mais je suis occupé, je ne veux voir personne. Oui, pour vous seuls l'audience se donne. Adieu. Mais, s'il vous plaît, quel est cet enfant-là ? Hé tôt, rappelez-la. Moi ? Je n'ai point d'affaire. Que ne me disiez-vous que vous étiez son père ? Elle sait mieux votre affaire que vous. Dites. Qu'elle est jolie, et qu'elle a les yeux doux ! Ce n'est pas tout, ma fille, il faut de la sagesse. Je suis tout réjoui de voir cette jeunesse. Savez-vous que j'étais un compère autrefois ? On a parlé de nous. Dis-nous, à qui veux-tu faire perdre la cause ? Pour toi je ferai toute chose. Parle donc. N'avez-vous jamais vu donner la question ? Venez, je vous en veux faire passer l'envie. Bon, cela fait toujours passer une heure, ou deux. Mariez, au plus tôt. Dès demain, si l'on veut ; aujourd'hui, s'il le faut. Quel est donc ce mystère ? Puisque je l'ai jugé, je n'en reviendrai point. C'est un contrat en fort bonne façon. Oui-dà, que les procès viennent en abondance, Et je passe avec vous le reste de mes jours. Mais que les avocats soient désormais plus courts. Et notre criminel ? Hé bien, qu'on le renvoie. C'est en votre faveur, ma bru, ce que j'en fais. Allons nous délasser à voir d'autres procès. **** *creator_racine *book_racine_plaideurs *style_verse *genre_comedy *dist1_racine_verse_comedy_plaideurs *dist2_racine_verse_comedy *id_LEANDRE *date_1668 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_leandre Vite, un flambeau. J'entends mon père dans la rue. Mon père, si matin qui vous fait déloger ? Où courez-vous, la nuit ? Et qui juger ? Tout dort. Que de sacs ! Il en a jusques aux jarretières. Et qui vous nourrira ? Mais où dormirez-vous, mon père ? Non, mon père, il vaut mieux que vous ne sortiez pas. Dormez chez vous. Chez vous faites tous vos repas. Souffrez que la raison enfin vous persuade ; Et pour votre santé... Vous ne l'êtes que trop. Donnez-vous du repos. Vous n'avez tantôt plus que la peau sur les os. Vous vous morfondez là, Mon père. Petit-Jean, ramenez votre maître, Couchez-le dans son lit, fermez porte, fenêtre, Qu'on barricade tout, afin qu'il ait plus chaud. Hé, par provision, mon père, couchez-vous. Hé bien, à la bonne heure. Qu'on ne le quitte pas. Toi, l'Intimé, demeure. Je veux t'entretenir un moment sans témoin. J'en aurais bon besoin. J'ai ma folie, hélas, aussi bien que mon père. Laissons là le mystère. Tu connais ce logis. Je le sais comme toi. Mais malgré tout cela, Je meurs pour Isabelle. Hé, cela ne va pas si vite que ta tête. Son père est un sauvage, à qui je ferais peur. À moins que d'être huissier, sergent, ou procureur, On ne voit point sa fille. Et la pauvre Isabelle, Invisible et dolente, est en prison chez elle, Elle voit dissiper sa jeunesse en regrets, Mon amour en fumée, et son bien en procès. Il la ruinera, si l'on le laisse faire. Ne connaîtrais-tu point quelque honnête faussaire, Qui servît ses amis, en le payant s'entend, Quelque sergent zélé ? Mais encor. Toi ? Tu porterais au père un faux exploit ? Tu rendrais à la fille un billet ? Viens, je l'entends qui crie, Allons à ce dessein rêver ailleurs. Ah fort bien. Mais ne va pas donner l'exploit pour le billet. À vous, Monsieur ? Avez-vous des témoins ? Pris en flagrant délit. Affaire criminelle. Faites venir la fille. L'esprit de contumace est dans cette famille. Comment, battre un huissier ? Mais voici la rebelle. Hé bien, Mademoiselle, C'est donc vous qui tantôt braviez notre officier, Et qui si hautement osez nous défier ? Votre nom ? Écrivez. Et votre âge ? Êtes-vous en pouvoir de mari ? Vous riez ? Écrivez qu'elle a ri. Mettez qu'il interrompt. Là, ne vous troublez point. Répondez à votre aise, On ne veut pas rien faire ici qui vous déplaise. N'avez-vous pas reçu de l'huissier que voilà Certain papier tantôt ? Avez-vous déchiré ce papier sans le lire ? Continuez d'écrire. Et pourquoi l'avez-vous déchiré ? Vous ne l'avez donc pas déchiré par dépit, Ou par mépris de ceux qui vous l'avaient écrit ? Écrivez. Vous montrez cependant Pour tous les gens de robe un mépris évident. À la justice donc vous voulez satisfaire ? Dans les occasions Soutiendrez-vous aux moins vos dépositions ? Signez. Cela va bien, la justice est contente. Ça, ne signez-vous pas, Monsieur ? Tout va bien. À mes voeux le succès est conforme, Il signe un bon contrat écrit en bonne forme, Et sera condamné tantôt sur son écrit. Adieu. Soyez toujours aussi sage que belle, Tout ira bien. Huissier, ramenez-la chez elle. Et vous, Monsieur, marchez. Suivez-moi. Vous le saurez. Marchez, de par le roi. À l'autre ! Hé grand Dieu. Il faut bien que je l'aille arracher de ces lieux. Sur votre prisonnier, huissier, ayez les yeux. Tais-toi sur les yeux de ta tête ; Et suis-moi. Messieurs voulez-vous bien nous laisser en repos ? Non, Monsieur, ou je meure. On n'entre point, Monsieur. L'on n'entre point, Madame, je vous jure. Peut-être. Par la fenêtre donc. Il faut voir. En un mot, comme en cent, On ne voit point mon père. Quoi par le soupirail ? Il faut les entourer ici de tous côtés. Vite, que l'on y vole, Courez à leur secours. Mais au moins je prétends Que Monsieur Chicanneau, puisqu'il est là-dedans, N'en sorte d'aujourd'hui. L'Intimé, prends-y garde. Va vite, je le garde. Madame, Que leur contez-vous là ? Peut-être ils rendent l'âme. Oh non, personne n'entrera. Allez donc, et cessez de nous rompre la tête. Que de fous ! Je ne fus jamais à telle fête. Comment, mon père, allons, permettez qu'on vous panse. Vite, un chirurgien. Hé, mon père, arrêtez... Hé doucement, Mon père. Il faut trouver quelque accommodement. Si pour vous, sans juger, la vie est un supplice, Si vous êtes pressé de rendre la justice, Il ne faut point sortir pour cela de chez vous, Exercez le talent, et jugez parmi nous. Vous serez, au contraire un juge sans appel, Et juge du civil comme du criminel. Vous pourrez tous les jours tenir deux audiences, Tout vous sera chez vous matière de sentences. Un valet manque-t-il de rendre un verre net ? Condamnez-le à l'amende, ou s'il le casse, au fouet. Leurs gages vous tiendront lieu de nantissement. Contre un de vos voisins... Ah, C'est mon prisonnier sans doute qui s'échappe. Bon, voilà pour mon père une cause. Main forte. Qu'on se mette après lui. Courez tous. Çà, mon père, il faut faire un exemple authentique. Jugez sévèrement ce voleur domestique. Hé bien, il en faut faire, Voilà votre portier, et votre secrétaire, Vous en ferez, je crois, d'excellents avocats, Ils sont fort ignorants. C'est ta première cause, et l'on te la fera. Hé l'on te soufflera. Ah fi. Garde toi bien d'en vouloir rien toucher. C'est la cause d'honneur, on l'achète bien cher, On ferme des billets par toute le famille ; Et le petit garçon, et la petite fille, Oncle, tante, cousins, tout vient, jusqu'au chat Dormir au plaidoyer de Monsieur l'avocat. Oui, je crois tout cela; Mais si vous m'en croyez, vous les laisserez là. En vain vous prétendez les pousser l'un et l'autre, Vous troublerez bien moins leur repos que le vôtre. Les trois quarts de vos biens sont déjà dépensés À faire enfler des sacs l'un sur l'autre entassés, Et dans une poursuite à vous-même funeste, Vous en voulez encore absorber tout le reste. Ne vaudrait-il pas mieux, sans soucis, sans chagrins Et de vos revenus régalant vos voisins, Vivre en père jaloux du bine de sa famille, Pour en laisser un jour le fonds à votre fille ; Que de nourrir un tas d'officiers afamés, Qui moissonnent les champs que vous avez semés Dont la main toujours pleine, et toujours indigente S'engraisse impunément de vos chapons de rente Le beau plaisir d'aller tout mourant de sommeil, À la porte d'un juge, attendre son réveil, Et d'essuyer le vent qui vous souffle vos oreilles, Tandis que Monsieur dort, et cuve vos bouteilles Ou bien si vous entrés, de passer tout un jour À conter, en grondant, les carreaux de la cour ! Hé, Monsieur, croyez-moi, quittez cette misère. Allez et revenez, l'on vous fera justice. Je me sers d'un étrange artifice. Mais mon père est un homme à se désespérer, Et d'une cause en l'air il le faut bien leurrer. D'ailleurs j'ai mon dessein, et je veux qu'il condamne Ce fou qui réduit tout au pied de la chicane. Mais voici tous nos gens qui marchent sur nos pas. Ce sont les avocats. Moi ? Je suis l'assemblée. Achève, Petit-Jean, c'est fort bien débuté. Mais que font là tes bras pendants à ton côté ? Te voilà sur tes pieds droit comme une statue, Dégourdis-toi. Courage ; allons, qu'on s'évertue. Dis donc ce que tu vois. Belle conclusion, et digne de l'exorde ! C'est bien dit, s'il le peut. Les témoins sont fort chers, et n'en a pas qui veut. Il est fort à la mode. Quelle chute ! Mon père ? Mon père, éveillez-vous. Mon père. Mon père, il faut juger. Un chien Aux galères ! Mon père, Je vous vais en deux mots dire toute l'affaire. C'est pour un mariage, et vous saurez d'abord Qu'il ne tient plus qu'à vous, et que tout est d'accord. Le fille le veut bien. Son amant le respire ; Ce que la fille veut, le père le désire. C'est à vous de juger. Mademoiselle, allons, voilà votre beau-père, Saluez-le. Ce que vous avez dit, se fait de point en point. Sans doute, et j'en croirai la charmante Isabelle. Voyez cette écriture, Vous n'en appellerez pas de votre signature. Hé, Monsieur, qui vous dit qu'on vous demande rien ? Laissez-nous votre fille, et gardez votre bien. Mon père, êtes-vous content de l'audience ? Ne parlons que de joie ; Grâce, grâce, mon père. **** *creator_racine *book_racine_plaideurs *style_verse *genre_comedy *dist1_racine_verse_comedy_plaideurs *dist2_racine_verse_comedy *id_CHICANNEAU *date_1668 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_chicanneau La Brie ! Qu'on garde la maison, je reviendrai bientôt. Qu'on ne laisse monter aucune âme là-haut, Fais porter cette lettre à la poste du Maine. Prends-moi dans mon clapier trois lapins de garenne, Et chez mon procureur porte-les ce matin. Si son clerc vient céans, fais lui goûter mon vin. Ah ! Donne-lui ce sac qui pend à ma fenêtre. Est-ce tout ? Il viendra me demander, peut-être, Un grand homme sec, là, qui me sert de témoin, Et qui jure pour moi lorsque j'en ai besoin. Qu'il m'attende. Je crains que mon juge ne sorte, Quatre heures vont sonner. Mais frappons à sa porte. Peut-on voir Monsieur ? Pourrait-on Dire un mot à Monsieur son secrétaire ? Et Monsieur son portier ? De grâce, Buvez à ma santé, Monsieur. Hé ! Rendez donc l'argent. Le monde est devenu, sans mentir, bien méchant. J'ai vu que les procès ne donnaient point de peine, Six écus en gagnaient une demi-douzaine. Mais aujourd'hui, je crois que tout mon bien entier Ne me suffirait pas pour gagner un portier. Mais j'aperçois venir madame la Comtesse De Pimbesche. Elle vient pour affaire qui presse. Madame, on n'entre plus. Il faut absolument qu'il se fasse celer. Ma partie est puissante, et j'ai lieu de tout craindre. Si pourtant j'ai bon droit. Je m'en rapporte à vous. Écoutez, s'il vous plaît. Ce n'est rien dans le fond. Voici le fait. Depuis quinze ou vingt ans en çà, Au travers d'un mien pré, certain ânon passa, S'y vautra, non sans faire un notable dommage Dont, je formai ma plainte au juge du village. Je fais saisir l'ânon. Un expert est nommé. À deux bottes de foin le dégât estimé : Enfin au bout d'un an sentence par laquelle Nous sommes renvoyés hors de cour. J'en appelle. Pendant qu'à l'audience on poursuit un arrêt, Remarquez bien ceci, Madame, s'il vous plaît, Notre ami Drolichon, qui n'est pas une bête, Obtient pour quelque argent, un arrêt sur requête, Et je gagne ma cause. À cela que fait-on ? Mon chicaneur s'oppose à l'exécution. Autre incident. Tandis qu'au procès on travaille, Ma partie en mon pré laisse aller sa volaille, Ordonné qu'il sera fait rapport à la Cour Du foin que peut manger une poule en un jour. Le tout joint au procès enfin, et toute chose Demeurant en état, on appointe la cause. Le cinquième ou sixième avril cinquante-six, J'écris sur nouveaux frais. Je produis, je fournis De dits, de contredits, enquêtes, compulsoires, Rapports d'experts, transports, trois interlocutoires, Griefs et faits nouveaux, baux, et procès verbaux. J'obtiens lettres royaux, et je m'inscris en faux. Quatorze appointements, trente exploits, six instances, Six-vingt productions, vingt arrêts de défenses, Arrêt enfin. Je perds ma cause avec dépens, Estimés environ cinq à six mille francs. Est-ce là faire droit ? Est-ce là comme on juge ? Après quinze ou vingt ans ? Il me reste un refuge, La requête civile est ouverte pour moi, Je ne suis pas rendu. Mais vous, comme je vois, Vous plaidez. J'y brûlerai mes livres. Deux bottes de foin cinq à six mille livres ! De plaider ! Certes, le trait est noir, J'en suis surpris. Comment ! Lier les mains aux gens de votre sorte ? Mais cette pension, Madame, est-elle forte ? Des chicaneurs viendront nous manger jusqu'à l'âme, Et nous ne dirons mot ? Mais s'il vous plaît, Madame, Depuis quand plaidez-vous ? Ce n'est pas trop. Et quel âge avez-vous ? Vous avez bon visage. Comment ! C'est le bel âge Pour plaider. Madame, écoutez-moi. Voici ce qu'il faut faire. J'irais trouver mon juge. Me jeter à ses pieds. Mais daignez donc m'entendre. Avez-vous dit, Madame ? J'irais donc Trouver mon juge. Si vous parlez toujours, il faut que je me taise. J'irais trouver mon juge, et lui dirais... Vois. Et lui dirais, Monsieur... Liez-moi... À l'autre ! Quelle humeur est la vôtre ! Vous ne savez pas, Madame, où je viendrai. Mais... Enfin quand une femme en tête a sa folie... Madame ! Madame... Mais, Madame... Madame ! Vous me poussez. Vous m'excédez. Que n'ai-je des témoins ! Monsieur, soyez témoin... Monsieur, vous l'entendez, retenez bien ce mot. On la conseille. Jusqu'au bout que ne m'écoute-t-elle ? Une crieuse ! Qui n'ose plus plaider ! Et bon, et bon, de par le diable, Un sergent, un sergent ! Oui ? Je suis donc un sot, un voleur, à son compte ? Un sergent s'est chargé de la remercier, Et je lui vais servir un plat de mon métier. Je serais bien fâché que ce fût à refaire, Ni qu'elle m'envoyât assigner la première. Mais un homme ici parle à ma fille. Comment ? Elle lit un billet ? Ah, c'est de quelque amant ! Approchons. Comment ! C'est un exploit que ma fille lisait ? Ah, tu seras un jour l'honneur de ta famille. Tu défendras ton bien. Viens, mon sang, viens, ma fille. Va, je t'achèterai "Le Praticien Français". Mais, diantre, il ne faut pas déchirer les exploits. Hé ! Ne te fâche point. Monsieur, de grâce, excusez-la. Elle n'est pas instruite. Et puis, si bon vous semble, En voici les morceaux que je vais mettre ensemble. Je le lirai bien. Ah ! Le trait est touchant. Mais je ne sais pourquoi, plus je vous envisage, Et moins je me remets, Monsieur, votre visage. Je connais force huissiers. Soit. Pour qui venez-vous ? De réparation ? Je n'ai blessé personne. Que demandez-vous donc ? Parbleu, c'est ma Comtesse. Je suis son serviteur. Oui, vous pouvez l'assurer qu'un sergent Lui doit porter pour moi tout ce qu'elle demande. Hé quoi donc ? Les battus, ma foi, paieront l'amende. Voyons ce qu'elle chante. Hon... « Sixième janvier. Pour avoir faussement dit, qu'il fallait lier, Étant à ce porté par esprit de chicane, Haute et puissante dame Yolande Cudasne, Comtesse de Pimbesche, Orbesche, et caetera. Il soit dit que sur l'heure il se transportera Au logis de la dame, et là d'une voix claire, Devant quatre témoins assistés d'un notaire, » Zeste ! « ledit Hiérome avouera hautement Qu'il la tient pour sensée, et de bon jugement. Le Bon. » C'est donc le nom de votre Seigneurie ? Le Bon ? Jamais exploit ne fut signé le Bon. Monsieur le Bon. Vous êtes un fripon. Mais fripon le plus franc qui soit de Caen à Rome. Moi payer ? En soufflets. Oh, tu me romps la tête, Tiens, voilà ton paiement. Ajoute cela. Coquin. Oui-dà. Je verrai bien s'il est sergent. Ah, pardon. Monsieur, pour un sergent je ne pouvais vous prendre, Mais le plus habile homme enfin peut se méprendre. Je saurai réparer ce soupçon outrageant. Oui, vous êtes sergent, Monsieur, et très sergent. Touchez là. Vos pareils sont gens que je révère, Et j'ai toujours été nourri par feu mon père, Dans le crainte de Dieu, Monsieur, et des sergents. Monsieur, point de procès ! De grâce, Rendez-les moi plutôt. Foin de moi ! Il faut absolument qu'on m'ait ensorcelé. Si j'en connais pas un, je veux être étranglé. Elle en a quelque peu davantage, Mais n'importe. Monsieur, ne parlons point de maris à des filles ; Voyez-vous, ce sont là des secrets de familles. Hé je n'y pensais pas, Prends bien garde, ma fille, à ce que tu diras. Bon cela. Bon. Et tu fuis les procès ? C'est méchanceté pure. Je vous dis qu'elle tient de son père Elle répond fort bien. La pauvre enfant ! Va, va, je te marierai bien, Dès que je le pourrai, s'il ne m'en coûte rien. Oui-dà, gaiement, À tout ce qu'elle a dit, je signe aveuglément. Que lui dit-il ? Il est charmé de son esprit. Où Monsieur ? Où donc ? Comment ? Monsieur, sans votre aveu, l'on me fait prisonnier. On me fait violence, Monsieur, on m'injurie, et je venais ici Me plaindre à vous. Hé, Messieurs, tour à tour, exposons notre droit. Monsieur, je suis cousin de l'un de vos neveux. Bourgeois. Messieurs... Monsieur... Hé quoi ! Déjà l'audience est finie ; Je n'ai pas eu le temps de lui dire deux mots. Monsieur, peut-on entrer ? Hé pourquoi ? J'aurai fait en une petite heure, En deux heures, au plus. Quand je devrais ici demeurer jusqu'au soir. Hé bien donc. Si pourtant Sur toute cette affaire il faut que je le voie. Mais que vois-je ? Ah, c'est lui que le ciel nous renvoie. Monsieur... Monsieur... Monsieur, voulez-vous bien... Monsieur, j'ai commandé... Que l'on portât chez vous... Certain quartaut de vin. C'est de très bon muscat. Monsieur, je vous dis vrai. Monsieur... Vous m'entraînez, ma foi. Prenez garde, je tombe. Oui, Monsieur, c'est ainsi qu'il ont conduit l'affaire. L'huissier m'est inconnu, comme le commissaire. Je ne mens pas d'un mot. Vraiment, vous me donnez un conseil salutaire, Et devant qu'il soit peu, je veux en profiter. Mais je vous prie au moins de bien solliciter. Puisque Monsieur Dandin va donner audience, Je vais faire venir ma fille en diligence. On peut l'interroger, elle est de bonne foi, Et même elle saura mieux répondre que moi. Monsieur... C'est ma fille, Monsieur. Monsieur... Monsieur, je viens ici pour vous dire... Comment ? Mais on ne donne pas une fille sans elle. Es-tu muette ? Allons. C'est à toi de parler. Parle. Mais j'en appelle moi. Plaît-il ? Je vois qu'on m'a surpris, mais j'en aurai raison. De plus de vingt procès ceci sera la source. On a la fille, soit. On n'aura pas la bourse. Ah ! **** *creator_racine *book_racine_plaideurs *style_verse *genre_comedy *dist1_racine_verse_comedy_plaideurs *dist2_racine_verse_comedy *id_ISABELLE *date_1668 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_isabelle Qui frappe ? Demandez-vous quelqu'un, Monsieur ? Monsieur, excusez-moi, je n'y puis rien comprendre. Mon père va venir, qui pourra vous entendre. Non. Monsieur, vous me prenez pour une autre sans doute ; Sans avoir de procès, je sais ce qu'il en coûte ; Et si l'on n'aimait pas à plaider plus que moi, Vos pareils pourraient bien chercher un autre emploi. Adieu. Je ne veux rien permettre. Chanson. Encor moins. Vous ne m'y tenez pas. Adieu. Parlez bas. C'est de Monsieur ? Ah, l'Intimé, pardonne à mes sens étonnés. Donne. Et qui t'aurait connu déguisé de la sorte ? Mais donne. Hé, donne donc ! Oh, ne donnez donc pas. Avec votre billet, retournez sur vos pas. Tout de bon, ton maître est-il sincère ? Le croirai-je ? C'est mon père. Vraiment, vous leur pouvez apprendre, Que si l'on nous poursuit, nous saurons nous défendre. Tenez, voilà le cas qu'on fait de votre exploit. Au moins dites-leur bien que je ne les crains guère, Ils me feront plaisir, je les mets à pis faire. Adieu, Monsieur. Isabelle. Dix-huit ans. Non, Monsieur. Oui, Monsieur. Monsieur, je l'ai lu. J'avais peur Que mon père ne prît l'affaire trop à coeur, Et qu'il ne s'échauffât le sang à sa lecture. Monsieur, je n'ai pour eux ni mépris, ni colère. Une robe toujours m'avait choqué la vue ; Mais cette aversion à présent diminue. Monsieur, je ferai tout, pour ne vous pas déplaire. Monsieur, assurez-vous qu'Isabelle est constante. Vous êtes occupé. Ah, Monsieur, je vous crois. À personne. Je vous ai trop d'obligation. Non, et ne le verrai, que je crois, de ma vie. Hé Monsieur, peut-on voir souffrir des malheureux ? Je n'ose pas, mon père, en appeler. **** *creator_racine *book_racine_plaideurs *style_verse *genre_comedy *dist1_racine_verse_comedy_plaideurs *dist2_racine_verse_comedy *id_LACOMTESSE *date_1668 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lacomtesse Hé bien, l'ai-je pas dit. Sans mentir, mes valets me font perdre l'esprit. Pour les faire lever, c'est en vain que je gronde, Il faut que tous les jours j'éveille tout mon monde. Pour moi, depuis deux jours, je ne lui puis parler. Après ce qu'on m'a fait, il ne faut plus se plaindre. Ah, Monsieur, quel arrêt ! Il faut que vous sachiez, Monsieur, la perfidie. Monsieur, que je vous die... Plût à Dieu. Je... Monsieur, tous mes procès allaient être finis. Il ne m'en restait plus que quatre ou cinq petits. L'un contre mon mari, l'autre contre mon père, Et contre mes enfants. Ah, Monsieur, la misère ! Je ne sais quel biais ils ont imaginé, Ni tout ce qu'ils ont fait. Mais on leur a donné Un arrêt, par lequel moi vêtue et nourrie, On me défend, Monsieur, de plaider de ma vie. De plaider. Monsieur, j'en suis au désespoir. Je n'en vivrais, Monsieur, que trop honnêtement. Mais vivre sans plaider, est-ce contentement ? Il ne m'en souvient pas, Depuis trente ans au plus. Hélas ! Hé, quelque soixante ans. Laissez faire, ils ne sont pas au bout. J'y vendrai ma chemise, et je veux rien, ou tout. Oui Monsieur, je vous crois comme mon propre père. Oh, oui, Monsieur, j'irai. Oui, je m'y jetterai. Je l'ai bien résolu. Oui, vous prenez la chose, ainsi qu'il la faut prendre. Oui, Monsieur. Hélas, que ce Monsieur est bon ! Ah que vous m'obligez ! je ne me sens pas d'aise. Oui. Oui, Monsieur. Monsieur, je ne veux point être liée. Je ne la serai point. Non. Je plaiderai, Monsieur, ou bien je ne pourrai. Mais je ne veux point, Monsieur que l'on me lie. Fou, vous-même. Et pourquoi me lier ? Voyez-vous, il se rend familier. Un crasseux qui n'a que sa chicane, Veut donner des avis. Avec son âne ! Bonhomme, allez garder vos foins. Le sot ! Que monsieur est un sot. Vraiment c'est bien à lui de me traiter de folle. Oui, de me faire lier. Qui moi, souffrir qu'on me querelle ? Un chicaneur. Que t'importe cela ? Qu'est-ce qui t'en revient, faussaire abominable ? Brouillon, voleur. Un huissier, un huissier ! Hé mon Dieu, j'aperçois Monsieur dans son grenier. Que fait-il là ? Monsieur, je viens me plaindre aussi. Son droit ? Tout ce qu'il dit sont autant d'impostures. Monsieur, père Cordon vous dira mon affaire. Je suis Comtesse. Hélas ! C'est bien fait, de fermer la porte à ce crieur. Mais moi... Ho, Monsieur, j'entrerai. J'en suis sûre. Par la porte. Monsieur, il vous va dire autant de faussetés. Monsieur, écoutez-moi. Tournez les yeux vers moi. Misérable ! Il s'en va lui prévenir l'esprit. Monsieur, ne croyez rien de tout ce qu'il vous dit. Il n'a point de témoins. C'est un menteur. Il lui fera, Monsieur, croire ce qu'il voudra. Souffrez que j'entre. Je le vois bien, Monsieur, le vin muscat opère Aussi bien sur le fils que sur l'esprit du père. Patience. Je vais protester comme il faut, Contre Monsieur le juge, et contre le quartaut. **** *creator_racine *book_racine_plaideurs *style_verse *genre_comedy *dist1_racine_verse_comedy_plaideurs *dist2_racine_verse_comedy *id_PETIT-JEAN *date_1668 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_petitjean Ma foi, sur l'avenir, bien fou qui se fiera. Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. Un juge, l'an passé, me prit à son service, Il m'avait fait venir d'Amiens pour être Suisse. Tous ces Normands voulaient se divertir de nous, On apprend à hurler, dit l'autre, avec les loups. Tout Picard que j'étais, j'étais un bon apôtre, Et je faisais claquer mon fouet tout comme un autre. Tous les plus gros monsieurs me parlaient chapeau bas. Monsieur de Petit-Jean, ah, gros comme le bras, Mais sans argent, l'honneur n'est qu'une maladie ; Ma foi j'étais un franc portier de comédie, On avait beau heurter et m'ôter son chapeau, On n'entrait point chez nous sans graisser le marteau. Point d'argent, point de suisse, et ma porte était close. Il est vrai qu'à Monsieur j'en rendais quelque chose. Nous comptions quelquefois. On me donnait le soin De fournir la maison de chandelle et de foin, Mais je n'y perdais rien. Enfin vaille que vaille, J'aurais sur le marché fort bien fourni la paille. C'est dommage. Il avait le coeur trop au métier, Tous les jours le premier aux plaids, et le dernier, Et bien souvent tout seul, si l'on l'eût voulu croire, Il y serait couché sans manger et sans boire. Je lui disais parfois : « Monsieur Perrin Dandin, Tout franc, vous vous levez tous les jours trop matin. Qui veut voyager loin, ménage sa monture ; Buvez, mangez, dormez, et faisons feu qui dure. » Il n'en a tenu compte. Il a si bien veillé, Et si bien fait, qu'on dit que son timbre est brouillé. Il nous veut tous juger les uns après les autres. Il marmotte toujours certaines patenôtres Où je ne comprends rien. Il veut bon gré, mal gré, Ne se coucher qu'en robe, et qu'en bonnet carré. Il fit couper la tête à son coq de colère, Pour l'avoir éveillé plus tard qu'à l'ordinaire : Il disait qu'un plaideur, dont l'affaire allait mal, Avait graissé la patte à ce pauvre animal. Depuis ce bel arrêt, le pauvre homme a beau faire, Son fils ne souffre plus qu'on lui parle d'affaire, Il nous le fait garder, jour et nuit, et de près. Autrement serviteur, et mon homme est aux plaids. Pour s'échapper de nous, Dieu sait s'il est allègre. Pour moi, je ne dors plus. Aussi je deviens maigre, C'est pitié. Je m'étends, et ne fais que bâiller. Mais veille qui voudra, voici mon oreiller, Ma foi, pour cette nuit, il faut que je m'en donne, Pour dormir dans la rue on n'offense personne. Dormons. L'Intimé. Il a déjà bien peur de me voir enrhumé. Est-ce qu'il faut toujours faire le pied de grue, Garder toujours un homme, et l'entendre crier ? Quelle gueule ! Pour moi, je crois qu'il est sorcier. Je lui disais donc en me grattant la tête, Que je voulais dormir. Présente ta requête Comme tu veux dormir, m'a-t-il dit gravement. Je dors en te contant la chose seulement. Bonsoir. Ho, Monsieur, je vous tiens. Ho, nous vous tenons bien. Ma foi, je ne dors guère. Faites donc mettre au moins des garde-fous là-haut. Qui va là ? Non. Non. C'est moi-même. Grand bien vous fasse. Mais revenez demain. Voyez le beau sabbat qu'ils font à notre porte. Messieurs, allez plus loin tempêter de la sorte. Ah, vous ne deviez pas lâcher cette parole. Folle ? Vous avez tort. Pourquoi l'injurier ? Oh. Oh, Monsieur. Oh, Madame. Hé paix. Holà ! Ma foi, juge, et plaideurs, il faudrait tout lier. Holà, quelqu'un n'a-t-il point vu mon maître ? Quel chemin a-t-il pris, la porte ou la fenêtre ? Je ne sais qu'est devenu son fils. Et pour le père, il est où le diable l'a mis. Il me redemandait sans cesse ses épices, Et j'ai tout bonnement couru dans les offices Chercher la boîte au poivre. Et lui pendant cela Est disparu. Le voilà, ma foi, dans les gouttières. Vous verrez qu'il va juger les chats. Ho, ho, Monsieur. On ne l'entendra pas, quelque chose qu'il fasse. Parbleu, je l'ai fourré dans notre salle basse, Tout auprès de la cave. Il a le diable au corps. Ils sont sur ma parole, L'un et l'autre encavés. Arrête, arrête, attrape. Tout est perdu... Citron... Votre chien... vient là-bas de manger un chapon, Rien n'est sûr devant lui. Ce qu'il trouve, il l'emporte. Pour moi, je ne sais rien, n'attendez rien du nôtre. Mais je ne sais pas lire. Je vous entends. Oui, mais d'une première cause, Monsieur, à l'avocat revient-il quelque chose ? Ho prenez le plus bas, Si vous soufflez si haut, l'on ne m'entendra pas. Messieurs... Ô ! Mes... Oh, Monsieur ? Je sais bien à quoi l'honneur m'oblige. Messieurs... Vous doucement ; Ce que je sais le mieux, c'est mon commencement. Messieurs, quand je regarde avec exactitude, L'inconstance du monde, et sa vicissitude ; Lorsque je vois parmi tant d'hommes différents, Pas une étoile fixe, et tant d'astres errants ; Quand je vois les Césars, quand je vois leur fortune, Quand je vois le soleil, et quand je vois la lune ; Quand je vois les États des Babiboniens Transférés des Serpans, aux Nacédoniens ; Quand je vois les Lorrains de l'état dépotique Passer au Démocrite, et puis au monarchique ; Quand je vois le Japon... Oh, pourquoi celui-là m'a-t-il interrompu ? Je ne dirai plus rien. J'ai perdu la parole. Quand... je vois... Quand... je vois... Oh dame, on ne court pas deux lièvres à la fois. On lit... Dans la... Comment ? Que la métem... Psycose. Et le cheval. Encor ! Le chien. Le butor. Ah peste de toi-même ! Voyez cet autre avec sa face de carême. Va-t'en au diable. Eh faut-il tant tourner autour du pot ? Il me font dire aussi des mots longs d'une toise, De grands mots qui tiendraient d'ici jusqu'à Pontoise. Pour moi, je ne sais point tant faire de façon, Pour dire qu'un mâtin vient de prendre un chapon. Tant y a qu'il n'est rien que votre chien ne prenne ! Qu'il a mangé là-bas un bon chapon du Maine ; Que la première fois que je l'y trouverai, Son procès est tout fait, et je l'assommerai. On l'entend bien toujours. Qui voudra mordre, y morde. Nous en avons pourtant, et qui sont sans reproche. Je les ai dans ma poche. Tenez, voilà la tête, et les pieds du chapon. Voyez-les, et jugez. Maître Adam... L'Intimé... S'enroue. Ay, Monsieur ! Comme il dort. Monsieur, êtes-vous mort ? **** *creator_racine *book_racine_plaideurs *style_verse *genre_comedy *dist1_racine_verse_comedy_plaideurs *dist2_racine_verse_comedy *id_LINTIME *date_1668 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lintime Ay, Petit-Jean, Petit-Jean. Que diable ! Si matin que fais-tu dans la rue ? Bon. Comment bonsoir ? Que le diable m'emporte Si... Mais j'entends du bruit au dessus de la porte. Paix. Comme il saute. Vous avez beau crier. Quoi, vous faut-il garder ? Ho ! Vous voulez juger ? Je vous entends enfin ; Diantre, l'amour vous tient au coeur de bon matin. Vous me voulez parler sans doute d'Isabelle. Je vous l'ai dit cent fois, elle est sage, elle est belle ; Mais vous devez songer que Monsieur Chicanneau, De son bien, en procès consume le plus beau. À qui n'en veut-il point ? Je crois qu'à l'audience Il fera, s'il ne meurt, venir toute la France. Tout auprès de son juge il s'est venu loger. L'un veut plaider toujours, l'autre toujours juger ; Et c'est un grand hasard s'il conclut votre affaire, Sans plaider le curé, le gendre, et le notaire. Hé bien, épousez-la. Vous n'avez qu'à parler, c'est une affaire prête. Bon, l'on en trouve tant. Ah, Monsieur, si feu mon pauvre père Était encor vivant, c'était bien votre affaire. Il gagnait en un jour plus qu'un autre en six mois, Ses rides sur son front gravaient tous ses exploits. Il vous eût arrêté le carrosse d'un Prince. Il vous l'eût pris lui-même ; et si dans la province Il se donnait en tout vingt coups de nerfs de boeuf, Mon père pour sa part en emboursait dix-neuf. Mais de quoi s'agit-il ? Suis-je pas fils de maître ? Je vous servirai. Mieux qu'un sergent peut-être. Quoi donc ? Pourquoi non ? Je suis des deux métiers. Monsieur encore un coup, je ne puis pas tout faire, Puisque je fais l'huissier, faites le commissaire, En robe sur mes pas il ne faut que venir, Vous aurez tout moyen de vous entretenir. Changez en cheveux noirs votre perruque blonde. Ces plaideurs songent-ils que vous soyez au monde ? Hé ! Lorsqu'à votre père ils vont faire leur cour, À peine seulement savez-vous s'il est jour. Mais n'admirez-vous pas cette bonne Comtesse Qu'avec tant de bonheur la fortune m'adresse, Qui dès qu'elle me voit donnant dans le panneau, Me charge d'un exploit pour Monsieur Chicanneau, Et le fait assigner pour certaine parole, Disant qu'il la voudrait faire passer pour folle, Je dis folle à lier, et pour d'autres excès Et blasphèmes, toujours l'ornement des procès ? Mais vous ne dites rien de tout mon équipage ? Ai-je bien d'un sergent le port et le visage ? Je ne sais. Mais je me sens enfin L'âme et le dos six fois plus durs que ce matin. Quoi qu'il en soit, voici l'exploit, et votre lettre. Isabelle l'aura, j'ose vous le promettre. Mais pour faire signer le contrat que voici, Il faut que sur mes pas vous vous rendiez ici. Vous feindrez d'informer sur toute cette affaire, Et vous ferez l'amour en présence du père. Le père aura l'exploit, la fille le poulet. Rentrez. Ami. C'est la voix d'Isabelle. Mademoiselle, C'est un petit exploit, que j'ose vous prier De m'accorder l'honneur de vous signifier. Il n'est donc pas ici, Mademoiselle ? L'exploit, Mademoiselle, est mis sous votre nom. Mais permettez... Ce n'est pas un exploit. C'est une lettre. Mais lisez. C'est de Monsieur... Léandre. Que diable, on a bien de la peine À se faire écouter, je suis tout hors d'haleine. Vous me deviez fermer la porte au nez. Aux gens de bien ouvre-t-on votre porte ? La peste... Tenez. Une autre fois ne soyez pas si prompte. Il ne dort non plus que votre père, Il se tourmente. Il vous... fera voir aujourd'hui Que l'on ne gagne rien à plaider contre lui. Or ça, Verbalisons. Non. Je ne suis pas méchant, J'en ai sur moi copie. Informez-vous de moi, Je m'acquitte assez bien de mon petit emploi. Pour une brave dame, Monsieur, qui vous honore, et de toute son âme Voudrait que vous vinssiez à ma sommation Lui faire un petit mot de réparation. Je le crois, vous avez, Monsieur, l'âme trop bonne. Elle voudrait, Monsieur, Que devant des témoins vous lui fissiez l'honneur De l'avouer pour sage, et point extravagante. Elle est votre servante. Vous êtes obligeant, Monsieur. Pour vous servir. Il faut payer d'effronterie. Monsieur. Monsieur, pardonnez-moi, je suis fort honnête homme. Monsieur, je ne suis pas pour vous désavouer. Vous aurez la bonté de me le bien payer. Vous êtes trop honnête. Vous me le paierez bien. Un soufflet ! Écrivons. « Lequel Hiérome après plusieurs rébellions, Aurait atteint, frappé moi sergent, à la joue, Et fait tomber d'un coup, mon chapeau dans la boue. » Bon, c'est de l'argent comptant, J'en avais bien besoin. « Et de ce non content, Aurait avec le pied réitéré. » Courage . « Outre plus, le susdit serait venu de rage, Pour lacérer ledit présent procès-verbal. » Allons, mon cher Monsieur, cela ne va pas mal. Ne vous relâchez point. Ne vous déplaise, Quelques coups de bâton, et je suis à mon aise. Tôt donc, Frappez. J'ai quatre enfants à nourrir. Non, à si bon marché l'on ne bat point les gens. Serviteur. Contumace, Bâton levé, soufflet, coup de pied. Ah ! Suffit qu'ils soient reçus, Je ne les voudrais pas donner pour mille écus. Voici fort à propos Monsieur le Commissaire. Monsieur, votre présence est ici nécessaire. Tel que vous me voyez, Monsieur ici présent M'a d'un fort grand soufflet fait un petit présent. À moi, parlant à ma personne. « Item », un coup de pied ; plus, les noms qu'il me donne. Monsieur, tâtez plutôt, Le soufflet sur ma joue est encore tout chaud. Plus, sa fille, au moins soi-disant telle, A mis un mien papier en morceaux, protestant Qu'on lui ferait plaisir, et que d'un oeil content, Elle nous défiait. Vous le reconnaissez. Monsieur, faites signer. Madame, il y donne audience, Le champ vous est ouvert. Parbleu, je me veux mettre aussi de la partie. Outre un soufflet, Monsieur, que j'ai reçu plus qu'eux. Monsieur, je suis bâtard de votre apothicaire. Huissier. Bon, le voilà qui fausse compagnie. Gardez le soupirail. Monsieur, où courez-vous ? C'est vous mettre en danger, Et vous boitez tout bas. Non, non, ne craignez rien. Non pas, Monsieur, non pas. J'endormirai Monsieur tout aussi bien qu'un autre. Quand aura-t-il tout vu ? Je les récuse. Monsieur, ils sont du Maine. Messieurs... Je ne réponds de rien. Messieurs. Tout ce qui peut étonner un coupable, Tout ce que les mortels ont de plus redoutable, Semble s'être assemblé contre nous par hasard, Je veux dire la brigue, et l'éloquence. Car D'un côté le crédit du défunt m'épouvante, Et de l'autre côté l'éloquence éclatante De Maître Petit-Jean m'éblouit. Oui-dà, j'en ai plusieurs. Mais quelque défiance Que nous doive donner la susdite éloquence, Et le susdit crédit : ce néanmoins, Messieurs, L'ancre de vos bontés nous rassure d'ailleurs. Devant le grand Dandin l'innocence est hardie, Oui, devant ce Caton de Basse-Normandie, Ce soleil d'équité qui n'est jamais terni, Victrix causa diis placuit, sed victa Catoni. Sans craindre aucune chose, Je prends donc la parole, et je viens à ma cause. Aristote, primo, peri Politicon... Dit fort bien... Oui, mais l'autorité du Péripatétique Prouverait que le bien et le mal... Pausanias, en ses Corinthiaques... Rebuffe... Le grand Jacques... Armeno Pul in Prompt... Ho ! Vous êtes si prompt. Voici le fait. Un chien vient dans une cuisine, Il y trouve un chapon, lequel a bonne mine. Or celui pour lequel je parle est affamé. Celui contre lequel je parle autem plumé. Et celui pour lequel je suis, prend en cachette Celui contre lequel je parle. L'on décrète. On le prend. Avocat pour et contre appelé. Jour pris. Je dois parler, je parle, j'ai parlé. Mais le premier, Monsieur, c'est le beau. Qu'arrive-t-il, Messieurs ? On vient. Comment vient-on ? On poursuit ma partie. On force une maison. Quelle maison ? Maison de notre propre juge. On brise le cellier qui nous sert de refuge. De vol, de brigandage, on nous déclare auteurs. On nous traîne, on nous livre à nos accusateurs. À Maître Petit-Jean, Messieurs. Je vous atteste : Qui ne sait que la loi Si quis canis, Digeste, De vi, paragrapho, Messieurs, Caponibus, Est manifestement contraire à cet abus ? Et quand il serait vrai que Citron ma partie Aurait mangé, Messieurs, le tout, ou bien partie Dudit chapon, qu'on mette en compensation Ce que nous avons fait avant cette action. Quand ma partie a-t-elle été réprimandée ? Par qui votre maison a-t-elle été gardée ? Quand avons-nous manqué d'aboyer au larron ? Témoin trois procureurs dont icelui Citron A déchiré la robe. On en verra les pièces. Pour nous justifier, voulez-vous d'autres pièces ? Laissez-nous. Laissez-nous. Hé laissez-nous. Euh, Euh. Puis donc, qu'on nous, permet, de prendre, Haleine, et que l'on nous, défend, de nous, étendre, Je vais, sans rien omettre, et sans prévariquer, Compendieusement énoncer, expliquer, Exposer à vos yeux, l'idée universelle De ma cause, et des faits, renfermez, en icelle. Je finis. Avant la naissance du monde... Avant donc, La naissance du monde, et sa création. Le monde, l'univers, tout, la Nature entière Était ensevelie au fond de la matière. Les éléments, le feu, l'air, et la terre, et l'eau, Enfoncés, entassés, ne faisaient qu'un monceau, Une confusion, une masse sans forme, Un désordre, un chaos, une cohue énorme. Unus erat toto naturæ vultus in orbe Quem Græci dixere chaos, rudis indigestaque moles... Venez, famille désolée. Venez, pauvres enfants, qu'on veut rendre orphelins, Venez faire parler vos esprits enfantins. Oui, Messieurs, vous voyez ici notre misère. Nous sommes orphelins. Rendez-nous notre père, Notre père par qui nous fûmes engendrés, Notre père qui nous... Notre père, Messieurs... Monsieur, voyez nos larmes. **** *creator_racine *book_racine_plaideurs *style_verse *genre_comedy *dist1_racine_verse_comedy_plaideurs *dist2_racine_verse_comedy *id_LESOUFFLEUR *date_1668 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lesouffleur Quel homme ! Je viens secourir leur mémoire troublée. Messieurs. On lit... Dans la... Métamorphose. Que la métem... Psycose. Hé le cheval ! Encor ! Le chien ! Le butor ! Peste de l'avocat !